DEUXIÈME PARTIE : LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION »

La politique d'immigration et d'intégration de la France, structurée dans la période récente par trois lois successives en 2003, 2006 et 2007, s'efforce de combiner, dans le respect de la tradition nationale, une ouverture aux flux migratoires qui peuvent contribuer au dynamisme de la société française, avec la lutte contre l'immigration irrégulière et ses filières.

La création en mai 2007 du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire (MIIINDS) a constitué une étape importante dans la recherche de la maîtrise d'une politique jusqu'alors dispersée entre plusieurs ministères.

Depuis le début de la XIIIème législature, la politique d'immigration et d'intégration de la France se fonde ainsi notamment sur la nécessité d'un rééquilibrage au profit de l'immigration professionnelle, la préservation de la capacité d'accueil des réfugiés dans les meilleures conditions possibles, enfin la coopération avec les pays d'origine des flux migratoires.

Cependant, ce cadre d'action national, même amélioré par la création d'un ministère spécifique doté d'une politique structurée, reste insuffisant pour appréhender et réguler des phénomènes migratoires qui concernent, bien qu'à des degrés et sous des formes diverses, l'Europe entière.

L'adoption du Pacte européen sur l'immigration et l'asile par le Conseil européen du 16 octobre 2008 a d'abord traduit ce constat.

Plus récemment, le Conseil européen a adopté, le vendredi 30 octobre 2009, plusieurs propositions françaises pour renforcer la lutte contre les filières d'immigration irrégulière, concernant notamment l'adoption de règles d'engagement claires pour les opérations maritimes communes, une coopération opérationnelle accrue entre l'agence Frontex et des pays d'origine et de transit, tels que la Lybie et la Turquie, enfin l'affrètement de vols conjoints d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, financés par Frontex.

Il faut souhaiter que ces décisions constituent le prélude à une politique migratoire concertée des pays de l'Union européenne.

Après une analyse des principaux axes du budget pour 2010 et des évolutions de l'organisation et de la gestion du ministère, le rapport s'étendra plus longuement sur l'immigration professionnelle, la « crise » de la demande d'asile et la question des populations sensibles.

I. UN BUDGET EN AUGMENTATION, UN MINISTÈRE AU PÉRIMÈTRE STABILISÉ

A. UNE MISSION DOTÉE DE DAVANTAGE DE MOYENS AU SEIN D'UN VASTE ENSEMBLE BUDGÉTAIRE CONSACRÉ À LA POLITIQUE D'IMMIGRATION

1. Des crédits en hausse pour faire face à l'augmentation du nombre des demandes d'asile

La mission «Immigration, asile et intégration » représente un montant de crédits relativement peu élevé, reflétant le caractère d'« administration d'état-major » du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire (MIIINDS). Le projet de loi de finances pour 2010 propose ainsi de doter la mission de 568,8 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 560,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , soit une augmentation respective de + 12 % et + 9,7 % par rapport aux crédits de la loi de finances initiale pour 2009.

Ces crédits sont supérieurs à ceux prévus en Loi de programmation des finances publiques (LPFP).

En effet, les crédits liés à la demande d'asile (au sein du programme 303 « Immigration et asile » ) sont plus élevés que prévu en raison de l'hypothèse relativement basse qui avait été retenue lors de l'élaboration de la LPFP, compte tenu de la diminution de la demande alors observée mais qui ne s'est pas confirmée depuis. La progression de la demande d'asile est en effet de + 19,7 % en 2008 et + 16,5 % au premier semestre 2009 .

Un rebasage des crédits tenant compte de cette évolution a donc été effectué, sous la forme d'un abondement des crédits relatifs à l'allocation temporaire d'attente (ATA) et à la subvention pour charges de service public de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Il n'est pas certain, toutefois, que ce rebasage soit suffisant (votre rapporteur y reviendra).

En outre, le ministère de l'immigration reprend au 1er janvier 2010 les compétences antérieurement exercées par le ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales en matière d'immobilier des centres de rétention administrative (CRA, voir ci-dessous).

Enfin, les crédits de personnel du titre 2 sont abondés du fait d'un réajustement de la masse salariale du MIIINDS.

Après la phase de construction du ministère en 2008 et les importants changements de périmètre réalisés en 2009, le périmètre global du ministère et le budget correspondant semblent ainsi désormais bien définis . Il n'apparaît en effet ni nécessaire ni souhaitable de transférer au ministère les services des ministères sur lesquels il s'appuie pour mener sa politique. Cependant, il convient dès lors de garder à l'esprit que le budget de la mission ne comporte qu'une part limitée de l'ensemble des crédits liés à la politique qu'il conduit.

2. Un budget à mettre en perspective au sein de l'ensemble plus vaste des crédits de la politique de l'immigration et de l'intégration

Le document de politique transversale (DPT) « Politique française de l'immigration et de l'intégration » permet de mettre en perspective les crédits de la mission « immigration » au sein de l'ensemble des crédits ministériels contribuant à la mise en oeuvre de la politique française de l'immigration et de l'intégration . Sont ainsi concernés à des titres divers 15 programmes différents, appartenant à 11 missions, pour un montant total approximatif de 3,5 milliards d'euros. Figurent notamment parmi ces programmes :

- le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », par l'intermédiaire d'une partie de ses dépenses au titre de l'action 3 « instruction des demandes de visas », pour un montant d'environ 38 millions d'euros (AE et CP). Rappelons que les crédits correspondants à la gestion informatique des visas (Réseau mondial visas et le déploiement des visas biométriques) ont été transférés au programme « Immigration et asile » pour un montant de 2,6 millions d'euros ;

- le programme 150 « Formation supérieures et recherche universitaire » qui constitue, avec une contribution évaluée à 1,5 milliard d'euros en 2009 et 2010, l'apport le plus important à la politique transversale. Cette contribution est évaluée en multipliant le nombre d'étudiants étrangers en université (environ 200.000) par le coût moyen par étudiant en université (7.700 euros) ;

- une contribution non négligeable du programme « protection maladie », au titre notamment de l'aide médicale de l'Etat (AME), qui bénéficie aux étrangers résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois mais ne remplissant pas la condition de régularité du séjour exigée pour l'admission à la couverture maladie universelle (CMU). Le montant correspondant est de 490 millions d'euros en 2009 et 535 millions d'euros en 2010 (AE et CP) ;

- enfin, une contribution de grande ampleur des programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale », qui correspondent à la politique de lutte contre l'immigration illégale et ses filières menée par les forces de l'ordre, en particulier par la police aux frontières (PAF) . Ces services contribuent ainsi à l'interpellation des personnes en situation irrégulière et à la mise en oeuvre des mesures d'éloignement, dont la garde des CRA. A cet égard, la PAF assure actuellement la garde de 19 des 29 CRA ; elle reprendra les CRA gérés par la gendarmerie nationale à partie de 2010. L'évaluation des crédits correspondants par le DPT se monte à 678 millions d'euros en 2009 et 682 millions d'euros en 2010 (CP) .

Ces données permettent d'évaluer, certes de manière très approximative, au sein de l'ensemble de la politique d'immigration, la part des crédits consacrés à la répression et celle des politiques que l'on pourrait a contrario qualifier de « politiques d'accueil ».

Ainsi, les politiques et de répression correspondraient à un montant d'environ 767,4 millions d'euros en 2009 (comprenant la lutte contre l'immigration irrégulière et l'activité des services de police et de gendarmerie, ainsi que l'aide juridictionnelle pour le contentieux lié à cette politique), tandis que les crédits correspondant davantage à l'« accueil » des étrangers se monteraient à 2.480 millions d'euros (comprenant l'enseignement supérieur, la politique culturelle, les politiques d'intégration, la protection médicale, les aides à l'emploi et la politique de la ville).

Source : Document de politique transversale : « Politique française de l'immigration et de l'intégration »

En revanche, si l'on se place du seul point de vue des services sur lesquels le ministère de l'immigration a autorité pour mener sa politique, la proportion est différente : 362 millions d'euros sont consacrés à l'intégration et à l'asile (programme « Intégration et accès à la nationalité française », et action « Garantie du droit d'asile » du programme « Immigration et asile »), pour 757 millions d'euros consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière et à la répression (action « Lutte contre l'immigration irrégulière du programme « Immigration et asile » et programmes police et gendarmerie nationales).

Source : Document de politique transversale : « Politique française de l'immigration et de l'intégration »

3. Des effectifs stabilisés

Le programme 303 « Immigration et asile » regroupe l'ensemble des effectifs du ministère et comprendra, en 2010, 615 ETPT dont 51 ETPT de catégorie A+, 170 ETPT de catégorie A, 162 ETPT de catégorie B et 232 ETPT de catégorie C.

Le plafond d'emplois en 2009 était de 613 ETPT. Celui pris en compte pour 2010 conduit à supprimer 8 ETPT au titre de la RGPP. Cependant plusieurs mesures de transfert impactent le niveau des emplois :

- transfert de 3 ETPT de catégorie A en faveur de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) ;

- transfert de 1 ETPT de catégorie A, 1 ETPT de catégorie B et 1 ETPT de catégorie C dans le cadre de la gestion des centres de rétention administrative (CRA);

- transfert de 4 ETPT de catégorie C affectés au cabinet du Ministre et en provenance du programme 176 de la mission « Sécurité ».

Rappelons que le ministère ne possède ni corps spécifique, ni services déconcentrés.

Le MIIINDS et les départements ministériels partenaires sont en effet convenus de partager la gestion des agents en réservant aux ministères d'origine les actes de gestion à portée statutaire ou ceux faisant intervenir les commissions administratives paritaires et en confiant tous les autres actes de gestion de proximité au MIIINDS. Ainsi, quatre conventions générales de délégation de gestion des personnels ont été signées avec les ministères partenaires : le 10 juillet 2008 avec les ministères sociaux, le 4 février 2008 avec le ministère de l'Intérieur, le 21 mai 2008 avec le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) et le 6 janvier 2008 avec les ministères économiques et financiers.

Ces dispositions autorisent en particulier le ministère gestionnaire à prélever les crédits nécessaires aux rémunérations des agents sur les budgets opérationnels de programme sur le titre 2 du programme 303.

Concernant les services déconcentrés sur lesquels le ministère a autorité, il a été décidé au premier semestre 2009 de créer des services de l'immigration et de l'intégration dans les préfectures de région et dans celles des départements de l'Île-de-France et celles des autres départements particulièrement concernés par les enjeux migratoires, soit au total une quarantaine de préfectures. Cette réforme doit s'appliquer en 2010.

Ces services regrouperont des personnels déconcentrés en charge des dossiers des étrangers avec des personnels des directions départementales des affaires sanitaires et sociales gérant les crédits d'hébergement des demandeurs d'asile et contribuant à l'instruction des demandes de naturalisation.

A cet égard, votre rapporteur souligne l'importance d'assurer une certaine mobilité des personnels entre les préfectures afin de favoriser une unité de vues entre celles-ci. M. Stéphane Fratacci, secrétaire général du ministère, a indiqué à ce sujet, lors de son audition par votre rapporteur, qu'il était également envisagé de mettre en place des stages longs permettant des échanges de personnels entre le réseau préfectoral et le réseau consulaire .

4. Deux chantiers pour 2010 : la reprise de l'immobilier des CRA et une nouvelle organisation pour l'examen des demandes de naturalisation

a) La reprise de l'immobilier des CRA

Le ministère de l'immigration reprend au 1 er janvier 2010 les compétences antérieurement exercées par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales en matière d'immobilier des CRA , c'est-à-dire les dépenses d'investissement afférentes à ces centres, les dépenses de fonctionnement étant déjà à la charge du ministère et mises en oeuvre à travers des conventions de gestion avec le ministère de l'intérieur (directions générales de la police et de la gendarmerie nationales). En 2010, 24 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 14 millions d'euros de crédits de paiement sont ainsi prévus pour l'investissement dans les CRA . Notons que cette action reçoit l'appui du fonds européen pour les frontières extérieures, à hauteur de 1,4 million d'euros.

Le programme de construction de CRA pour 2010 concerne ceux de Vincennes, du Mesnil-Amelot II, Mesnil-Amelot III ainsi que la construction des deux salles d'audience du Mesnil-Amelot, à parité par le ministère de l'intérieur et le ministère de l'immigration. Un nouveau centre sera également construit à Mayotte où les conditions de rétention sont devenues inacceptables. Par ailleurs, la reconstruction du CRA de Bordeaux est également prévue, mais les modalités de financement ne sont pas définitivement arrêtées. Enfin, le programme vise à participer au financement de la zone d'attente d'Orly.

Le ministère acquiert ainsi de manière logique des immobilisations directement liée à sa compétence de lutte contre l'immigration irrégulière.

b) La réforme de l'examen des demandes de naturalisation

Une importante évolution de l'organisation du ministère aura également lieu au cours de l'année 2010 avec la modification de la procédure de naturalisation . Le conseil de modernisation des politiques publiques a décidé, le 12 décembre 2007, que, la procédure de naturalisation faisant actuellement l'objet d'une double instruction, par les préfectures d'une part, par la direction de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté, d'autre part, elle devait être simplifiée, afin de réduire les délais de traitement des demandes.

Ainsi, les décisions de naturalisation seront toujours des décisions de niveau national prises par décret du Premier ministre , sur rapport du ministre en charge des naturalisations mais sur proposition du préfet. S'agissant en revanche des décisions défavorables (irrecevabilité, ajournement ou rejet au fond), les décisions seront prises par les préfets et non plus par l'administration centrale . La sous-direction de l'accès à la nationalité française au ministère pilotera le dispositif général en traitant les recours hiérarchiques et contentieux et en élaborant les décrets de naturalisation. Cette réforme aura pour conséquence une diminution des effectifs de la sous-direction de l'accès à la nationalité française de 9 emplois en 2010 et de 11 en 2011.

En ce qui concerne le calendrier de la réforme, la priorité a été en 2009 de résorber les stocks de dossiers de demande de naturalisation en instance, tant en préfecture qu'à la sous-direction de l'accès à la nationalité française. Par ailleurs, ont été engagés une modification des textes réglementaires pour finaliser les conditions de l'expérimentation, une réforme de l'application informatique de gestion et un plan de formation des préfectures. Une expérimentation sera menée sur les six premiers mois de 2010 dans 21 préfectures, le nouveau dispositif devant être généralisé au 1 er juillet 2010.

Enfin, le programme PRENAT sera destiné à financer le déploiement de l'application de gestion des demandes de naturalisation, dont le développement a été réalisé en 2009. Dans le cadre du budget 2010, ce déploiement coûtera ainsi 440.000 euros en autorisations d'engagement et 640 millions en crédits de paiement.

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