EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 9 juillet 2014, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Pierre Caffet sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 .

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - L'année 2014 sera marquée par un plan de 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires. Le projet de loi de finances rectificative en porte une partie, avec l'annulation de 1,6 milliard d'euros de crédits sur le budget de l'État. Concernant la sécurité sociale, deux mesures d'économie figurent dans le projet de financement rectificative : la diminution de 800 millions d'euros de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et la non revalorisation des prestations d'assurance vieillesse, pour un montant de près de 300 millions d'euros. Je rappelle que la réforme des retraites débattue en 2013 avait reporté l'indexation des pensions de retraite du 1 er avril au 1 er octobre 2014. Elle est ici repoussée au 1 er octobre 2015 - étant entendu que seules sont touchées les retraités dont le montant total de pensions est supérieur à 1 200 euros. Le reste des mesures d'économie ne nécessite pas de traduction législative : il s'agit du report de dépenses d'investissement d'avenir, de moindres dépenses de l'Unédic et du fond d'action sociale de la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), le tout pour un total de 1,3 milliard d'euros.

Venons-en maintenant à un « coup de projecteur » sur l'ONDAM : la sous-exécution, à hauteur de 1,4 milliard d'euros, constatée en 2013, sera pleinement intégrée à l'ONDAM 2014. Un rebasage de 800 millions d'euros est prévu par le projet de loi de financement rectificative, sachant que 600 millions d'euros avaient d'ores et déjà été pris en compte par la loi de financement initiale. Le dernier avis du Comité d'alerte sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie conforte ce choix.

Qu'en est-il des soldes prévisionnels pour 2014 ? Celui du régime de base se dégrade de 200 millions d'euros par rapport aux prévisions, et celui du Fond de solidarité vieillesse (FSV) de 100 millions d'euros. Ce dérapage, en dépit des économies dont je viens de donner le détail, s'explique par une révision à la baisse de 1,7 milliard d'euros des prévisions de recettes pour 2014. Ceci n'est pas imputable aux cotisations, dont les recettes augmenteraient de 400 millions d'euros, ainsi qu'il apparaît dans le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, mais à de moindres recettes de CSG, pour 400 millions d'euros et à d'autres impôts et taxes affectés, pour 1,7 milliard d'euros, en raison, principalement, d'un moindre rendement des revenus de placement.

Au total, malgré un léger dérapage en 2014, le déficit de la sécurité sociale se réduit : il s'élèverait à 13,6 milliards d'euros contre 16,2 milliards d'euros en 2013. Les efforts entrepris portent leurs fruits, et l'on est désormais loin du déficit historique de 30 milliards d'euros en 2010.

J'en viens aux mesures qui prendront effet en 2015, en commençant par celles du Pacte de solidarité. Les cotisations des salariés du secteur privé, tout d'abord, seront réduites de 3 points au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), avec une dégressivité jusqu'à 1,3 SMIC. Au niveau du SMIC, le salarié paiera 520 euros de charges sociales en moins par an. La mesure bénéficiera à 5,2 millions de salariés. Le coût pour les organismes de sécurité sociale sera de 2 milliards d'euros en 2015.

Pour les fonctionnaires, le dispositif est légèrement différent : la réduction est plus faible au niveau du SMIC (2 points) mais elle s'appliquera de façon dégressive jusqu'à 1,5 SMIC. Au niveau du SMIC, un fonctionnaire paiera donc 330 euros de moins par an et 51 euros pour une rémunération équivalant à 1,5 SMIC. La mesure bénéficiera à 2,2 millions de fonctionnaires, dont l'ensemble des fonctionnaires de catégorie C, 70 % des fonctionnaires de catégorie B et 20 % des fonctionnaires de catégorie A, en début de carrière. Le coût pour l'État sera de 450 millions d'euros en 2015.

J'en arrive aux diminutions de charges des entreprises prévues par le Pacte de responsabilité. Il s'agit, tout d'abord, de la baisse de 1,8 point des cotisations patronales d'allocations familiales, jusqu'à 1,6 SMIC, soit le même champ que la réduction générale de cotisations de sécurité sociale dite « Fillon ». Cette baisse est uniforme et non dégressive. Le taux de cotisation passera ainsi de 5,25 % à 3,45 %. 1,5 million d'employeurs en bénéficieront, pour environ 10 millions de salariés. Le coût de la mesure est estimé à 3 milliards d'euros en 2015.

Vient ensuite la mesure dite « zéro cotisations unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) », annoncée par le président de la République en janvier, et confirmée par le Premier ministre en avril dernier. Dans le système dit « Fillon », les réductions au niveau du SMIC, qui portent sur les cotisations d'assurance vieillesse, maladie et d'allocations familiales, représentant 28,25 % de l'ensemble, sont différentes selon la taille de l'entreprise : ces 28,25 points de cotisation sont exonérés à hauteur de 28,1 % jusqu'à vingt salariés et de 26 % au-delà. La réforme proposée, outre qu'elle étend le champ d'application à d'autres cotisations et contributions recouvrées par les URSSAF - étant entendu que sont exclues d'autres prélèvements recouvrés par les URSSAF comme le versement transport et les cotisations d'assurance chômage, qui font l'objet d'une gestion paritaire - prévoit une exonération totale sur le groupe de cotisations retenu, ce qui représente 27,95 points pour les entreprises de moins de vingt salariés et 28,35 points pour les entreprises de plus de vingt salariés. Si l'on y ajoute la baisse de 1,8 point des cotisations famille, l'exonération de cotisations atteint 29,1 points pour les entreprises de vingt salariés et moins, et 30,15 points pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Autrement dit, sur un salaire au niveau du SMIC, une entreprise de moins de vingt salariés, en 2014, dans le système Fillon, était exonérée de 28,1 points, sur un total de cotisations représentant 41,98 % du salaire brut, soit un reste à payer de 13,88 %. En 2015, sur un taux de cotisation qui ne sera plus qu'à 40,18 % du salaire brut, du fait de l'exonération de 1,8 point de cotisation d'allocations familiales, elle sera exonérée de 27,95 points : le reste à payer n'est plus que de 12,23 % - 1,65 point de moins - soit 286 euros par an. Le même raisonnement s'applique pour les entreprises de plus de vingt salariés : le reste à payer est ramené de 18,61 % à 14,46 % - 4,15 points de différence - soit 720 euros sur l'année.

Ce nouveau mécanisme annule l'effet de seuil des exonérations « Fillon », qui défavorisaient les entreprises de plus de vingt salariés et simplifie le système, en exonérant totalement un groupe de cotisations pour l'emploi d'un salarié payé au SMIC. Le coût de la mesure est estimé à 1,4 milliard d'euros. Si l'on y ajoute les 3 milliards d'euros des cotisations d'allocations familiales, cela représente un total de 4,4 milliards d'euros.

Une mesure équivalente est prévue pour les travailleurs indépendants. Il s'agit de la baisse des cotisations d'allocations familiales de 3,1 points jusqu'à 3 SMIC, à quoi s'ajoute une dégressivité jusqu'à 3,8 SMIC, pour un coût estimé à 1 milliard d'euros. La mesure bénéficiera à 82 % des travailleurs indépendants et à 95 % des non-salariés agricoles.

Le pacte prévoit, enfin, une diminution de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) - en vue de sa disparition à l'horizon 2017 - pour un coût avoisinant 6 milliards d'euros, dont 1 milliard d'euros en 2015. Avec un abattement d'assiette de 3,25 millions d'euros, seules les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à ce montant seront, de facto , imposables, quand le seuil d'entrée dans l'imposition est aujourd'hui fixé à 760 000 euros. La mesure entraînera la diminution de 67 % du nombre d'entreprises redevables, essentiellement des petites et moyennes entreprises (PME).

Pour récapituler, l'ensemble des mesures d'allègement de charges sur les entreprises et les ménages représenteront 8,9 milliards d'euros en 2015, 9,2 milliards d'euros en 2016 et un peu plus de 9,5 milliards d'euros en 2017. Étant entendu que ce collectif ne prend en compte que les mesures relatives à 2015 et que le Pacte de responsabilité prévoit de nouvelles exonérations de charges en 2016, ainsi que la poursuite de l'extinction de la C3S.

M. Philippe Marini , président . - Je vous remercie de cet effort méritoire de clarification. Cependant, ce texte nous invite à réduire les recettes de la sécurité sociale de quelques 9 milliards d'euros, sans que l'on sache comment cela sera financé. Le Gouvernement indique que les modalités de compensation seront fixées dans les lois financières pour 2015. Autrement dit, on fait les cadeaux d'abord, on les finance après... Nous aimerions en savoir plus sur le financement de ces 9 milliards d'euros de baisse de charges. Entendez-vous résoudre l'équation en acceptant un déficit plus élevé des comptes publics ? Nous avons bien des détails sur la colonne dépenses, mais rien sur la colonne recettes.

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - Le Gouvernement a annoncé que les mesures de diminution des charges sociales seront compensées par le budget de l'État. Le Pacte de responsabilité, auquel est venu s'ajouter le Pacte de solidarité, sera compensé par le plan d'économies de 50 milliards d'euros, dont nous connaissons la décomposition. Ce sont les lois de finances et de financement de la sécurité sociale à venir qui préciseront comment ce plan sera mis en oeuvre pour l'année 2015. Nous connaissons la chronique de ce plan d'économies, qui doit s'étaler jusqu'en 2017. Ce texte prend des mesures auxquelles s'est engagé le Gouvernement, et les lois financières pour 2015 organiseront la compensation. Voilà ce que je peux dire à ce stade.

M. Philippe Marini , président . - Peut-être le rapporteur général complètera-t-il ce propos par une vision macroéconomique. Avec 25 milliards d'euros de diminutions des recettes de l'État ou de la sécurité sociale, il ne reste déjà plus, du plan d'économies de 50 milliards d'euros, que la moitié...

M. François Marc , rapporteur général . - Vous semblez vous interroger, de façon générale, sur la politique du Gouvernement en faveur de la réduction des charges des entreprises. Je vous invite à vous reporter au tableau retraçant l'évolution des déficits de la sécurité sociale depuis 2010, qui devrait vous porter à plus de modestie dans vos appréciations, de même nature que celles que l'on n'a que trop entendues depuis deux jours au Sénat. Il y a là matière à réfléchir pour ceux qui ont été aux commandes jusqu'en 2012.

M. Philippe Marini , président . - Nous avons réduit le déficit de la sécurité sociale de près de 10 milliards d'euros en deux ans.

M. François Marc , rapporteur général . - Nous avons hérité d'une situation très difficile, avec des déficits considérables à tous les étages. Vos appréciations politiciennes ne sont pas de mise.

M. Philippe Marini , président . - À politicien, politicien et demi.

M. François Marc , rapporteur général . - Je voudrais pouvoir répondre à la question dont je ne sais si elle m'est posée par le président de la commission ou par le rapporteur général de l'opposition.

Pendant des années, on vous a entendu dire, avec Jean Arthuis et d'autres, qu'il fallait diminuer les charges des entreprises - et créer une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sociale - mais vous n'avez jamais pu convaincre votre majorité de le faire. Nous concrétisons ici votre voeu en baissant les charges des entreprises, à hauteur de plusieurs milliards d'euros, pour améliorer leur compétitivité. Je me réjouis de cette évolution. Des engagements ont été pris, ils sont tenus, et ils seront financés.

J'entends des doutes sur les mesures d'économie qui pourraient être prises. Mais vos collègues de l'Union pour un mouvement populaire (UMP), et ceux du centre, ne semblent guère prêts à donner l'exemple, car on vient de les entendre pendant deux jours, en séance publique, plaider pour que certaines économies ne soient pas faites et déposer des amendements pour annuler des mesures touchant à l'État et aux collectivités territoriales, et les commentaires vont déjà bon train concernant les économies sur la sécurité sociale.

D'un côté, vous nous déclarez incapables de mener le budget à l'équilibre, de l'autre vos amis politiques déposent des amendements pour annuler des mesures d'économies... Le Gouvernement fait preuve d'une volonté et d'une responsabilité que je salue ; je comprends mal votre logique politicienne, qui ne va qu'à mettre en doute sa capacité à faire face aux exigences du présent, nées d'une situation dont on sait à qui on la doit.

M. Philippe Marini , président . - Il serait certes plus simple que l'opposition fût muette. Restons modérés dans nos propos. Je n'ai pas contesté, à ce stade, ces 9 milliards d'euros d'allègements de prélèvements. Je m'interroge cependant sur les possibles effets de seuil qui pourraient résulter des réductions de charges qui nous sont proposées.

Sans jouer au shadow rapporteur général, je me contenterai de rappeler que notre endettement atteint 96 % du produit intérieur brut (PIB), bien au-delà des 90 % estimés il y a deux ans, et que vous annoncez un plan d'économies de 50 milliards d'euros, mais réduisez, dans le même temps, les recettes de 25 milliards d'euros !

M. François Trucy . - La France est engagée pour longtemps dans un processus de diminution de son train de vie. Il y a de bonnes nouvelles dans ce texte, pour l'emploi et le pouvoir d'achat, mais son coût est très élevé et j'aimerais, au-delà des utiles clarifications que nous a apportées le rapporteur, le situer dans un contexte plus général. On sait combien ce contexte est difficile; quel sera, demain, l'effet de ces mesures sur la dette ? Le rapporteur général nous dit que le budget de l'État y pourvoira... Cela me rappelle Le sapeur camembert de mon enfance, sans cesse occupé à combler un trou en creusant un autre trou.

Il faut être clair. On ne pourra éviter d'énormes réductions de dépenses dans le domaine de la santé, qui toucheront aussi bien les honoraires que les remboursements. La « chasse au gaspi » a déjà commencé, mais il faudra aller plus loin. Les montants en jeu sont plus importants que le budget de l'État, c'est dire qu'aucune décision ne sera sans douleur.

M. Roger Karoutchi . - Sans entrer dans la polémique, je n'ai pas vu notre rapporteur général, quand il était dans l'opposition, s'offusquer des attaques frontales des groupes de gauche. Vous n'hésitiez pas, alors, à nous demander des précisions. Si l'opposition ne peut plus demander un minimum de comptes... J'ai souvenir d'un certain budget pour 2012, voté par un Sénat passé à gauche, qui différait de plusieurs milliards d'euros de celui qu'avait préparé le Gouvernement : je n'ai entendu personne dire que c'était irresponsable ni scandaleux. Rien ne sert de se traiter de politiciens dès que l'on est en désaccord.

Je partage l'opinion de François Trucy. Je remercie Jean-Pierre Caffet de sa présentation synthétique, mais il est vrai que face à ces allègements de charges, qui vont dans le bon sens, il n'y a rien pour compenser. On nous dit que le Gouvernement y pourvoira, mais comment, alors que les recettes fiscales et la croissance sont moindres que prévu ? Comment seront financées ces mesures, sinon par une hausse des impôts ? L'expédient qui consiste à rayer d'un trait de plume les dotations aux collectivités locales n'aura qu'un temps. Il ne sert à rien de rendre des marges aux entreprises si c'est pour les reprendre par l'impôt. Le Gouvernement précédent a réduit en deux ans, entre 2010 et 2012, les déficits de la sécurité sociale de 10 milliards d'euros. J'observe qu'à l'heure actuelle, la seule certitude que nous avons, pour la période 2012-2014, porte sur quelque 5 milliards d'euros d'économies seulement. Le pays va mal. Nous ne demandons rien d'autre qu'un effort de clarification et de transparence sur le financement des dépenses.

M. Jean Germain . - Je remercie Jean-Pierre Caffet d'avoir conduit cet exercice difficile. La politique du Gouvernement est combattue de toutes parts, certains considérant que les économies sont insuffisantes, d'autres qu'elles se font sur le dos des travailleurs. Nous sommes entrés dans une période de renouvellement, difficile, qui exigera des changements, aussi bien à gauche qu'à droite, et demandera plusieurs années. Il s'agit pour nous de changer la politique de la gauche en matière économique et sociale, et d'y trouver une adhésion. Sur le Pacte de solidarité et de responsabilité, la conférence sociale, toutes les rigidités s'expriment. Il y a dans l'économie une part de psychologie, et cela vaut pour les chefs d'entreprise comme pour les salariés.

Je suis, profondément, un social-démocrate, et j'estime que les décisions du Gouvernement, vilipendées par les uns et les autres, sont courageuses. On sait qu'il faudra prendre des mesures sur les prestations pour trouver des économies, en essayant d'être justes et d'éviter les abus. Le ministre du budget a indiqué qu'il annoncerait, d'ici quelques semaines, un certain nombre de décisions.

Il est courageux, au lieu de s'engager dans une relance par la consommation, de garder l'oeil fixé sur le déficit commercial. J'espère que cette politique aura des résultats, et que les rumeurs changeront de camp.

M. Philippe Marini , président . - J'admirais votre modération, mais in cauda venenum... La controverse porte, en définitive, sur la gestion du temps. On dit ici ce qui agrée, et l'on reporte l'annonce des économies à faire sur les prestations. Il reste, pour l'heure, que ces 9 milliards d'euros ne viendront pas réduire la dette. Quand on présente un plan, il est curieux de remplir une colonne et de laisser l'autre en blanc.

M. Philippe Adnot . - Je remercie le rapporteur de la clarté de son exposé, mais il n'en reste pas moins que les baisses de cotisations proposées poseront un problème d'effet de seuil. Il est paradoxal qu'une entreprise qui crée de l'emploi voie ses charges s'aggraver. Il faudra un jour avoir le courage de regarder le problème en face.

Le rapporteur général a évoqué la TVA sociale. Vous préférez faire financer votre politique par les contribuables et les collectivités locales. La TVA sociale présentait l'avantage de faire contribuer, plutôt que les Français, les produits importés, et je regrette que la droite ne s'y soit ralliée que dans ses trois derniers mois. La décision eût-elle était prise plus tôt qu'elle aurait perduré.

Les dépenses de santé vont inévitablement croître, d'autant que les dernières mesures annoncées, notamment sur le ticket modérateur, y poussent. Les départements assument une lourde charge, avec le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), et j'en passe. Vous pouvez toujours baisser nos dotations, mais viendra un moment ou nous ne pourrons plus faire face à ces dépenses obligatoires et je vous le dit, je ne suis personnellement pas disposé à lever des impôts supplémentaires pour les financer, et je ne le ferai pas. Si l'on continue ainsi, il n'y aura plus d'investissement, plus de TVA dans les caisses de l'État, et davantage de chômage.

M. Dominique de Legge . - Ces débats animés militent pour une approche globale du budget de l'État et du budget de la sécurité sociale, faute de quoi, l'incompréhension persistera.

J'ai une question très factuelle, sur les moindres dépenses du fond d'action sociale de la CNAF ici prévues : comment l'interpréter au regard des déclarations du Gouvernement sur les rythmes scolaires il y a quelques semaines, qui assurait que ce fond serait mobilisé ?

Quant à la réduction de cotisations sociales des fonctionnaires, je déplore que le budget de la sécurité sociale soit appelé à contribuer à ce qui relève des dépenses de l'État. C'est prendre les choses à l'envers que de diminuer les recettes de la sécurité sociale pour éviter d'aborder la question du point d'indice.

M. Vincent Delahaye . - Je me réjouis du changement que je constate dans la façon de procéder. J'ai toujours été opposé à la tentation, à laquelle y compris le Gouvernement d'avant 2012 a pu céder, de réduire le déficit par l'augmentation de la fiscalité. Vous avez compris, le Pacte de responsabilité en témoigne, que la réduction du déficit doit passer par une diminution de la dépense et une baisse du coût du travail ; même si vous n'assumez pas totalement cette politique de l'offre, puisque vous avez jugé utile de présenter un Pacte de solidarité, au motif de donner un coup de pouce. Si bien que je me pose des questions. Nous ne sommes pas là pour faire plaisir, mais pour redresser la situation. Les mesures du Pacte de solidarité s'appliqueront-elles au 1 er janvier 2015 ou plus tôt ?

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur . - Elles s'appliqueront au 1 er janvier 2015.

M. Vincent Delahaye . - Les cotisations des fonctionnaires sont inférieures à celles des salariés du privé : pourquoi les baisse-t-on ? D'autant qu'avec l'indemnité de garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA), les fonctionnaires n'ont rien perdu.

À partir de 2015, vous prévoyez un rythme de réduction du déficit sensiblement plus rapide que celui enregistré depuis 2012, tout en diminuant les recettes, et en annonçant que l'État compensera. Vous vous fondez, de surcroît, sur une hypothèse très optimiste d'évolution de la masse salariale de 3,5 % par an, de la même manière, que pour la réforme des retraites, où vous tabliez sur un taux de chômage à terme de 4,5 %.

Dernière observation, enfin. Quand on veut réduire le coût du travail pour renforcer la compétitivité des entreprises, est-il bon de cibler les seuls très bas salaires jusqu'à 1,6 SMIC ? On a vu le problème avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui profite pour moitié à des entreprises hors de la sphère de la concurrence internationale. Pourquoi laisser hors du champ du dispositif les emplois très qualifiés, directement confrontés à une forte concurrence sur le marché international ? Au lieu de quoi vous incitez les entreprises à embaucher sous 1,6 SMIC, au risque de tirer les salaires vers le bas.

Mme Nicole Bricq . - Le rapporteur général a été, à mon sens, très modéré. Nous avons assisté hier, en séance, à un débat à front renversé. Le Gouvernement propose des mesures d'économie, et vous votez une disposition qui aggrave les déficits ! On se demande ce qu'il en sera dans le débat sur ce texte, la semaine prochaine... Oui, votre réaction est politicienne. Roger Karoutchi a raison d'appeler à éviter les démarches partisanes, car nous sommes tous concernés. Christian Eckert a clairement indiqué hier qu'il proposerait une répartition des économies à réaliser dans le projet de loi de finances pour 2015, dont nous connaîtrons très vite les grandes lignes. Calmez donc vos impatiences et laissez le Gouvernement opérer ses arbitrages. Je sais bien que la charge de la preuve repose sur le Gouvernement, mais lorsque l'on vous a demandé, hier, comment l'un, François Fillon, entendait parvenir aux 100 milliards d'économie qu'il préconise, ou comment l'autre, Jean-François Copé, au nom de l'UMP...

M. Philippe Marini , président . - Je vous en prie ! Ne mettez pas en cause François Fillon ou Jean-François Copé, ils n'étaient pas dans l'hémicycle hier !

Mme Nicole Bricq . - Il serait pourtant utile que nous ayons ce débat sur nos propositions respectives, même si c'est à nous qu'il revient de mettre en oeuvre les nôtres.

Vincent Delahaye a raison d'évoquer la compétitivité des entreprises. Il y a eu un arbitrage du Gouvernement, parce qu'il fallait privilégier l'emploi. L'effet de seuil, monsieur Adnot ? Mais voyez ce qui est ressorti hier de la conférence sociale : le sujet est explicitement sur la table. Tout cela témoigne de nos efforts pour répondre à une conjoncture qui oblige à des équations très difficiles.

M. Philippe Marini , président . - Je reviens en quelques mots sur le débat de ces deux derniers jours dans l'hémicycle, car vous avez l'écoute très sélective. Qu'a fait l'opposition dans l'hémicycle ?

Mme Nicole Bricq . - Elle a contesté ce qu'elle avait elle-même préconisé !

M. Philippe Marini , président . - Ne faites pas les questions et les réponses car c'est le propre du totalitarisme. Un minimum d'écoute est nécessaire en démocratie.

Nous avons voté contre l'article premier, qui prévoyait une baisse non financée de l'impôt sur le revenu, pour 1,2 milliard d'euros. Et nous sommes parallèlement revenus à la défiscalisation des heures supplémentaires. C'est un mécanisme équilibré. L'intérêt socio-économique de cette détaxation est, de notre point de vue, supérieur à celui de la baisse du barème de l'impôt sur le revenu. Ne caricaturez pas !

Mme Nicole Bricq . - Vous oubliez le coût in fine .

M. Philippe Marini , président . - Vous avez été rapporteur général et connaissez les contraintes de la Constitution et de son article 40. L'opposition est tenue à des votes qui ont un caractère assez formel. Ne nous caricaturez pas en prétendant que nous voulons dégrader le solde, alors que c'est le contraire. Je vous ai indiqué quelle était notre démarche politique, elle est cohérente.

Pour le reste, vous ne nous en voudrez pas de ne pas faire confiance à ce Gouvernement, qui n'en est pas à une contradiction près. Vous ne pouvez pas nous reprocher d'être préoccupés par la question de la dette. Si par malheur, les taux d'intérêt se tendent, cela en sera fini de toute possibilité d'allouer des moyens publics dans l'intérêt général. C'est là une lourde menace. Annoncer des dépenses sans compensation est périlleux. Notre réaction n'a rien de politicien.

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur . - Je réponds à Dominique de Legge que la moindre dépense prévue pour le fonds social de la CNAF correspond à une économie constatée en 2013, et dont tout indique qu'elle sera reconduite en 2014. Elle participe de l'effort du Gouvernement pour ramener le déficit à 3,6 % du PIB, conformément à ce qui a été voté en loi de finances initiale.

Pour répondre aux habituelles questions sur les fonctionnaires, je rappelle tout d'abord que l'augmentation de leur pouvoir d'achat a été inférieure à celle des salariés du privé. J'ajoute que la diminution de leurs cotisations n'aura pas d'impact sur les comptes de la sécurité sociale, puisque cela relève de la sphère de l'État, et que c'est le budget de l'État qui compensera. N'oublions pas, enfin, que le point d'indice est figé depuis quatre ans.

M. Vincent Delahaye . - Mais il y a la GIPA.

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - L'économie française, souffre d'un problème de rigidité des salaires. Au cours des dix dernières années, si l'on excepte 2009, le salaire moyen par tête a engrangé des gains de pouvoir d'achat considérables, qui dépassent, certaines années, les gains de productivité. Au point que l'on peut se demander si les mesures du Pacte de responsabilité ne seront pas compensées par ces gains de pouvoir d'achat, constatés sur le long terme. C'est un problème que tout le monde reconnaît : les salaires ne réagissent que faiblement, en France, au taux de chômage. D'où une différence considérable entre l'évolution du pouvoir d'achat des salariés du privé en activité et celle des fonctionnaires. Il n'est pas illégitime, alors que le point d'indice est gelé depuis quatre ans, de faire un geste en leur faveur - qui ne rattrapera d'ailleurs pas la différence qui s'est creusée avec le privé. Il n'y a pas là de clientélisme, mais un souci d'équilibre social. Que les fonctionnaires bénéficient d'une garantie de l'emploi n'est pas une raison pour geler indéfiniment leur traitement.

Vous avez évoqué le CICE, en vous interrogeant sur son ciblage. Je rappelle qu'il va jusqu'à 2,5 SMIC. Il est vrai qu'il y a débat sur son ciblage, et sur le champ salarial qu'il devrait couvrir. La proposition de Louis Gallois allait d'ailleurs jusqu'à 3 SMIC. Est-il préférable de cibler les hauts salaires, ou le salaire moyen, jusqu'à 2,5 SMIC ? Le Gouvernement a arbitré, en faveur de l'emploi.

M. Vincent Delahaye . - Moyennant quoi, la grande distribution en bénéficie, quand c'est l'industrie qu'il faudrait favoriser.

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - Si le CICE avait été ciblé sur l'industrie, cela n'aurait pas nécessité une dépense de 20 milliards d'euros. C'est un ciblage plus large qui a été retenu, en faveur de l'emploi. Nombre d'économistes s'accordent à considérer que les effets sur l'emploi des baisses de charges sociales sont plus importants au niveau des bas salaires.

Dans le nouveau système d'allègements, Philippe Adnot, les effets de seuil disparaissent au niveau du SMIC. C'est dans le système actuel qu'il y a un effet de seuil : les entreprises de plus de 20 salariés sont défavorisées, parce que l'exonération est moins importante, alors qu'elles payent plus de cotisations. Ici, l'exonération est totale au niveau du SMIC sur une part des cotisations, quelle que soit la taille de l'entreprise.

Pour le reste, le Gouvernement a pris des engagements, avec le Pacte de responsabilité. Ils sont traduits dans la loi, pour l'année 2015. Nous reprocher de ne pas inscrire ici les modalités de la compensation, c'est nous faire un procès d'intention. Il est vrai que c'est devenu une habitude que d'accuser la gauche d'une propension à dépenser, à accumuler les déficits. Nous verrons, Roger Karoutchi si, comme vous le pressentez, les baisses de charges seront compensées par des hausses d'impôts. Je vous donne rendez-vous lors de l'examen des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2015.

Ce Gouvernement diminue les charges des entreprises dans des proportions jamais atteintes...

M. Francis Delattre . - C'est faux !

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - J'observe, enfin, qu'entre 2010 et 2011, le déficit de la sécurité sociale n'a été ramené que de 30 à 23 milliards d'euros, alors que la croissance était largement positive, de 2,0 % en 2010 et 2,1 % en 2011. Que chacun balaye devant sa porte.

M. Philippe Marini , président . - On peut toujours interpréter un tableau. J'observe, pour ma part, que le déficit a été réduit de 10 milliards d'euros entre 2010 et 2012. Et qu'entre 2011 et 2013, la réduction des déficits a suivi une droite, que vous brisez, dans vos prévisions, à partir de 2015. Comment y croire ? Pour ma part, je considère que la droite se prolongera.

M. Jean Germain . - Prolonger la droite, c'est dans votre culture.

M. François Marc, rapporteur général . - Un mot sur le CICE. Nous avons fait un choix, afin de privilégier à la fois la compétitivité et l'emploi. On nous a fait, là aussi, un procès d'intention : le coût serait de 20 milliards d'euros, comment serait-il financé ? La montée en puissance se fait au rythme prévu, avec les trois ressources prévues : la TVA, dont les taux ont été révisés le 1 er janvier, et dont nous avons beaucoup débattu, la fiscalité écologique, avec la mise en place de la contribution énergie-climat, qui va monter en puissance de façon importante dès l'année prochaine. Il y a aussi les économies, pour l'État comme pour les collectivités territoriales.

M. François Marc, rapporteur général . - ... Cela est difficile, et vous l'avez bien marqué en séance. Il faudra aussi faire des économies, et ce ne sera pas facile non plus, sur la sécurité sociale. Ceci pour dire que nous avions pris des engagements, et que nous les avons tenus.

M. Francis Delattre . - Sur le CICE, nous nous étions expliqués dès le départ. Ce que nous critiquions, ce ne sont bien évidemment pas les allègements de charges, mais le fait que l'effet soit différé dans le temps. Alors que la TVA sociale devait s'appliquer dès octobre 2012, le mécanisme du CICE fonctionne avec un effet différé dans le temps. Nous critiquions aussi le ciblage : à quoi bon faire entrer dans le champ de la mesure des entreprises comme celles de la grande distribution ou la banque postale ? Nous critiquions, enfin, le fait que la banque publique d'investissement (BPI) fasse les avances.

Vous avez supprimé la TVA sociale par pur dogmatisme, mais nombreux sont ceux qui parmi vous reconnaissent, individuellement, que c'était la meilleure chose à faire.

M. Philippe Marini , président . - Il est temps de passer au vote.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 .

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