2. Accorder des garanties à l'époux défendeur

La reconnaissance d'un droit au divorce sur volonté unilatérale d'un époux doit s'accompagner de garanties pour l'époux défendeur qui ne souhaiterait pas divorcer. Un délai suffisant doit lui être accordé avant le prononcé du divorce et, dans certains cas exceptionnels, le devoir de secours doit être maintenu.

a) Accorder un « délai de deuil » suffisant à l'époux défendeur

La dissolution du Pacs intervient après un délai de trois mois de préavis, sauf en cas de mariage où le pacte est immédiatement rompu.

Un époux ne doit pas être contraint à divorcer sans le vouloir sans que lui soit laissé un temps permettant d'entamer le deuil du couple.

Ce délai peut correspondre à une période de séparation de fait des époux comme dans l'actuel divorce pour rupture de la vie commune.

Le groupe de travail présidé par Mme Dekeuwer-Défossez a préconisé l'abaissement de six ans à trois ans du délai de séparation permettant de demander le divorce pour rupture de la vie commune, tout en prévoyant que le demandeur supporterait toutes les charges du divorce et ne pourrait obtenir de prestation compensatoire.

Lors de son audition par la commission des Lois, Mme Dekeuwer-Défossez a cependant estimé que les mentalités avaient nettement évolué depuis la publication de son rapport et qu'un délai de deux ans serait désormais acceptable 11 ( * ) .

Votre commission estime qu'il convient aujourd'hui d'assouplir les conditions du divorce unilatéral en abaissant de six ans à deux ans la durée de séparation ou d'altération des facultés mentales antérieure à la demande de divorce permettant d'obtenir un divorce sur volonté unilatérale.

En outre, votre commission considère qu'il n'est pas nécessaire d'exiger une séparation des époux préalable à la requête initiale en divorce . Le divorce pourrait être prononcé, en cas de désaccord des époux, après un certain délai de réflexion inclus dans la procédure de divorce , comme le proposent les deux textes soumis à l'examen du Sénat.

Ce délai devrait être suffisamment long pour permettre à l'époux défendeur d'entamer le deuil du couple . Ce n'est pas le cas dans la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale qui prévoit des délais s'étageant entre quatre mois et un an, à la discrétion du juge et sans garantie pour le défendeur. Ce n'est pas non plus le cas dans la proposition de loi de M. Nicolas About qui prévoit un délai maximal de deux ans sans toutefois fixer de minimum.

Ce délai devrait par ailleurs être suffisamment court pour ne pas encourager les demandeurs à se reporter sur la procédure de divorce pour faute dans le seul but de gagner du temps.

Compte tenu de la durée actuelle moyenne des procédures de divorce (voir le tableau reproduit plus haut), il paraît raisonnable de fixer ce délai à dix-huit mois . Du fait de l'instauration d'un tronc commun procédural avec le divorce pour faute, il serait décompté à compter de l'ordonnance de non-conciliation.

La procédure de divorce contentieux se déroulerait donc comme suit.

La requête en divorce serait déposée par un époux. Elle ne mentionnerait pas la cause de divorce. Les époux seraient convoqués pour l'audience de conciliation selon une procédure commune aux divorces pour faute et pour altération irrémédiable des relations conjugales.

A l'issue de cette audience, chaque époux pourrait assigner l'autre époux pour faute, sachant qu'il serait possible à tout moment de passer vers une procédure de divorce pour altération irrémédiable des relations conjugales.

Si les deux époux reconnaissaient devant le juge que les relations conjugales sont irrémédiablement altérées au point de rendre intolérable le maintien de la vie commune, et acceptaient le principe d'un divorce sans tort, cette acceptation serait définitive. Les époux ne pourraient revenir sur cet accord 12 ( * ) . L'instance en divorce pourrait alors être introduite par requête conjointe des deux époux.

Si en revanche un seul époux souhaitait divorcer selon la procédure de divorce pour altération irrémédiable des relations conjugales, il ne pourrait pas assigner l'autre époux en divorce avant que ne se soit écoulé un délai de dix-huit mois après l'ordonnance de non-conciliation .

Compte tenu du délai nécessaire pour obtenir l'audience de non conciliation (en moyenne de deux à trois mois) puis du temps compris entre l'assignation et le prononcé du divorce, on peut estimer qu'un divorce pour altération irrémédiable des relations conjugales pourrait en pratique être prononcé, en cas de désaccord des deux époux, environ au bout deux ans en moyenne après l'introduction de la requête initiale en divorce.

Ce délai serait légèrement supérieur au délai moyen nécessaire au prononcé d'un divorce pour faute en première instance (17,4 mois en 1999), sachant que 12% des divorces pour faute font actuellement l'objet d'un appel. Les quelques mois supplémentaires nécessités par la procédure de divorce pour altération irrémédiable des relations conjugales ne justifieraient donc pas à eux seuls de recourir au divorce pour faute. Celui-ci est en effet plus aléatoire puisque le juge peut rejeter la demande s'il ne reconnaît pas de faute. En outre, le risque d'appel sera vraisemblablement moins élevé dans la procédure de divorce pour altération irrémédiable des relations conjugales dans la mesure où le juge n'a pas de faculté d'appréciation des causes du divorce.

En cas de séparation de fait ou d'altération des facultés mentales depuis plus de deux ans avant le dépôt de la requête initiale , aucun délai de réflexion ne serait exigé et l'assignation pourrait intervenir directement après l'ordonnance de non conciliation. La séparation de fait ou l'altération des facultés mentales du conjoint ne seraient donc plus des causes de divorce distinctes mais elles justifieraient une procédure plus rapide après le dépôt de la requête en divorce. La proposition de loi de M. Nicolas About exonère de tout délai de réflexion les époux établissant une séparation de fait ou une altération des facultés mentales du conjoint depuis plus de trois ans. La proposition de loi prévue par l'Assemblée nationale ne prévoit en revanche pas de procédure particulière dans ces circonstances.

* 11 Voir le compte rendu de cette audition en annexe du présent rapport.

* 12 À l'heure actuelle, il est admis que les époux peuvent revenir en appel sur un accord donné dans le cadre du divorce demandé et accepté, indépendamment de tout vice du consentement.

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