Article 35 C (nouveau)
(art. 21-24 du code civil)
Exigence d'une
connaissance suffisante des responsabilités
et avantages
conférés par la citoyenneté acquise par
naturalisation
Cet
article tend à modifier l'article 21-24 du code civil afin d'exiger
des postulants à l'acquisition de la nationalité française
par naturalisation une connaissance suffisante des responsabilités et
avantages conférés par la citoyenneté.
1. Le droit en vigueur
a) Les critères de la naturalisation
L'acquisition de la nationalité française par décision de
l'autorité publique résulte, si l'on exclut la procédure
d'acquisition par décret sur proposition du ministre de la
défense pour les personnes engagées dans les armées
françaises et qui en font la demande, d'une
naturalisation
237(
*
)
accordée par décret
à la demande de l'étranger
238(
*
)
.
Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa
résidence au moment de la signature du décret de
naturalisation
et s'il ne justifie d'une
résidence habituelle en
France pendant les cinq années qui précèdent le
dépôt de la demande
239(
*
)
. Cette résidence
prolongée est un critère sérieux d'assimilation,
interprété strictement par le Conseil d'Etat
240(
*
)
.
La notion de résidence s'apprécie par la durée de
présence en France de l'intéressé, par l'origine
française de ses ressources, par l'importance de ses attaches avec le
pays et avec une famille qui y est installée.
De même, à l'exception des enfants mineurs restés
étrangers dont l'un des parents a acquis la nationalité
française, qui peuvent obtenir cette dernière par naturalisation
sans condition d'âge
241(
*
)
,
nul ne peut être
naturalisé avant l'âge de dix-huit ans
242(
*
)
.
L'acquisition de la nationalité française par la voie de la
naturalisation est explicitement interdite à ceux qui n'ont pas de
bonnes vie et moeurs
243(
*
)
ou
qui ont fait l'objet des condamnations mentionnées à
l'article 21-27 du code civil
244(
*
)
(atteintes aux intérêts
fondamentaux de la Nation ; actes de terrorisme ; condamnation
à une peine égale ou supérieure à six mois
d'emprisonnement non assortie d'une mesure de sursis).
Si le bon état de santé du postulant a cessé d'être
un critère de recevabilité de la demande, il demeure un
élément important d'appréciation de l'opportunité
de la naturalisation (article 21-25 du code civil). Le décret du
30 décembre 1993 prévoit ainsi la désignation,
par l'autorité qui reçoit la demande, de médecins des
hôpitaux et dispensaires publics chargés d'examiner
éventuellement l'état de santé des postulants et de
fournir un certificat médical. Ce contrôle demeure toutefois
exceptionnel.
Enfin, l'article 21-24 actuel du code civil conditionne la
naturalisation d'un ressortissant étranger à la justification de
son assimilation à la communauté française, notamment par
une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue
française
245(
*
)
.
La condition d'assimilation à la communauté française fait
obstacle à la naturalisation de certains ressortissants étrangers
vivant en repli sur leur communauté d'origine ou leur famille, ou vivant
en état de polygamie
246(
*
)
.
Quant à l'importance de la connaissance de la langue française,
elle ne constitue que l'un des éléments à
considérer pour contrôler l'assimilation de l'étranger
à la communauté française et s'apprécie en fonction
de la condition de la personne, mais elle apparaît comme
déterminante dans l'évaluation de la situation du
postulant
247(
*
)
.
b) La procédure de naturalisation
Toute demande en vue d'obtenir la naturalisation ou la
réintégration est adressée au ministre chargé des
naturalisations et déposée avec les pièces justificatives
requises à la préfecture du département où le
postulant a établi sa résidence effective (pour Paris à la
préfecture de police et pour les postulants résidant à
l'étranger devant les autorités consulaires françaises).
Un récépissé est délivré à
l'intéressé.
Chaque demande fait l'objet d'une enquête des services de police ou de
gendarmerie portant sur la conduite et le loyalisme du postulant.
L'état de santé de ce dernier peut également être
examiné par un médecin désigné par le préfet.
Le postulant, qui peut également demander la
francisation
de son
nom, de ses prénoms ou de l'un deux, ainsi que de ceux de ses enfants
mineurs au ministre chargé des naturalisations, se présente en
personne devant un agent désigné nominativement par le
préfet ou l'autorité consulaire.
Après un entretien individuel, cet agent établit un
procès-verbal constatant le degré d'assimilation du postulant aux
moeurs et usages de la France et sa connaissance de la langue
française
.
Dans les six mois suivant la délivrance du
récépissé précité, l'autorité
auprès de laquelle le dépôt de la demande a
été effectué transmet le dossier assorti de son avis
motivé au ministre chargé des naturalisations.
Ce dernier, qui peut demander un complément d'enquête, doit
répondre à la demande dix-huit mois, éventuellement
prolongés de trois mois par décision motivée, au plus tard
après la délivrance du récépissé ; il
peut alors prononcer le rejet de la demande si les critères
d'acquisition de la nationalité ne sont pas réunis, en proposer
l'ajournement en imposant un délai ou des conditions, ou proposer la
naturalisation de l'intéressé.
Signés par le Premier ministre, les décrets
248(
*
)
de naturalisation sont publiés
au Journal officiel de la République française
249(
*
)
.
En 2001, après trois années de baisse consécutives, le
nombre des dépôts de demandes en préfecture ont
augmenté (+ 2,4 %) par rapport à 2000
.
42.307 décisions favorables à l'acquisition de la
nationalité française par décret ont été
prises.
39.394 étrangers majeurs ont été naturalisés ainsi
que 18.233 mineurs bénéficiant de l'effet collectif
attaché à la naturalisation : ce total de
57.627 acquérants signifiait une baisse de 16,2 % par rapport
à 2000.
2. Le texte soumis au Sénat
Le présent article, issu d'un amendement de M. Thiery Mariani,
rapporteur, et des députés Nicolas Perruchot et Jean-Christophe
Lagarde, tend à compléter l'article 21-24 du code civil afin
d'exiger des postulants à la naturalisation une connaissance suffisante
des responsabilités et avantages conférés par la
citoyenneté.
Appelées à devenir citoyens français, les personnes
intéressées devraient ainsi prouver qu'elles ont conscience de la
signification de leur éventuelle naturalisation et de ses
conséquences, mais aussi qu'elles connaissent le système
institutionnel national.
Cette condition de connaissance des responsabilités et avantages
conférés par la citoyenneté exigée des postulants
à la naturalisation
s'inspire explicitement de la loi sur la
citoyenneté canadienne.
Celle-ci permet, en effet, l'attribution de la citoyenneté canadienne
aux personnes âgées d'au moins dix-huit ans qui en font la
demande, légalement admises au Canada au titre de résident
permanent et qui y ont résidé au moins trois ans dans les quatre
ans qui ont précédé la date de leur demande.
Par ailleurs, les intéressés, qui ne doivent pas être sous
le coup d'une mesure d'expulsion, doivent avoir une connaissance suffisante de
l'une des langues officielles du Canada, ainsi que des responsabilités
et avantages conférés par la citoyenneté.
En pratique, le respect de ces critères est vérifié lors
d'un examen de citoyenneté qui est d'ordinaire écrit mais qui
peut prendre la forme d'un entretien avec un fonctionnaire compétent.
La personne intéressée prépare cet examen à partir
d'un livret contenant les connaissances nécessaires sur le Canada
(géographie ; histoire ; système institutionnel), ainsi
que les droits ou avantages (garanties juridiques ;
égalité ; liberté de circulation et
d'établissement ; droit des peuples autochtones ;
liberté de pensée, d'expression, de religion et de réunion
pacifique ; demande d'un passeport, droits de vote et
d'éligibilité) et les responsabilités (respect des lois du
Canada ; libre expression de ses opinions en respectant celle des
autres ; venir en aide aux autres membres de la communauté ;
respect et protection du patrimoine et de l'environnement ; lutte contre
les discriminations et l'injustice ; devoir de voter aux élections).
A l'issue de cet examen, les candidats retenus doivent prêter le serment
de citoyenneté lors d'une cérémonie spécifique.
3. La position de votre commission des Lois
Tout en partageant la volonté de l'auteur de l'amendement
d'évaluer la motivation réelle du postulant à la
naturalisation pour acquérir la nationalité française et
de faciliter son ralliement à nos règles de droit,
votre
commission des Lois vous propose un amendement tendant à remplacer
l'exigence d'une connaissance suffisante des responsabilités et
avantages conférés par la citoyenneté par celle des droits
et devoirs conférés par la nationalité
française.
Plus conforme à la tradition juridique française, cette exigence
serait également plus simple à définir et à
respecter par les postulants et par les fonctionnaires compétents :
il semble de bon sens que le postulant connaisse les droits dont il jouira et
les devoirs attachés à sa qualité de Français s'il
acquiert ultérieurement la nationalité
française
250(
*
)
.
L'individu ayant acquis la nationalité française pourra ainsi
bénéficier du plein accès aux droits politiques (droits de
vote et d'éligibilité), aux libertés publiques
(liberté d'entrer, de séjourner et de circuler sur le territoire
national...) ainsi qu'aux fonctions publiques.
La modification de l'article 21-24 du code civil permettrait une
évaluation précise et simple de la connaissance des droits et
devoirs conférés par la nationalité française du
postulant lors de son entretien individuel avec l'agent désigné
par le préfet
251(
*
)
ou
lors d'un examen spécifique
, qui nécessiterait une
modification du décret n° 93-1362 du
30 décembre 1993 précité. La délivrance
d'un livret de préparation de «
l'examen de
citoyenneté
» pourrait être également
prévue par ce texte, par exemple lors de la remise du
récépissé constatant la production de l'ensemble des
pièces justificatives nécessaires
252(
*
)
.
La connaissance de ces critères et le succès de
l'évaluation par le postulant constitueraient un indice tangible de sa
volonté d'intégration et de la réalité de son
assimilation.
Cette solennité de l'accession à la nationalité
française serait en outre confortée par une disposition du projet
de loi relatif à la décentralisation
253(
*
)
prévoyant la
possibilité pour le maire d'organiser une cérémonie
d'accueil dans la citoyenneté française au profit des
étrangers naturalisés par décret résidant dans sa
commune.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 35 C
nouveau
ainsi modifié.