CHAPITRE II
LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Dans le prolongement des attributions qui lui étaient données en matière de développement économique, d'aménagement du territoire et de planification, la région a reçu, par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, une compétence de droit commun en matière de formation professionnelle continue et d'apprentissage.

Cette compétence générale a été renforcée, pour ce qui concerne les jeunes, par la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 puis à nouveau, en 2002, par les lois n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale et n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

En dépit de ces réformes, l'Etat conserve , en droit et en fait, une place encore très importante dans le dispositif de la formation professionnelle . Outre sa responsabilité de définition du cadre juridique des interventions, sa compétence d'attribution englobe les études et actions expérimentales et les actions de portée générale, non susceptibles d'être rattachées à une région déterminée, qu'il mène via la commande publique passée à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, qui perçoit 700 millions d'euros au titre de la commande de prestations de formation et d'orientation et 150 millions d'euros au titre de la rémunération des stagiaires.

La compétence de l'Etat couvre également les stages créés en application de programmes établis au titre des orientations prioritaires définies par le comité interministériel de la formation professionnelle et de l'emploi ainsi que les actions en direction de publics particuliers (détenus, réfugiés, éducation surveillée, personnes handicapées). Au titre de sa politique de l'emploi et de la formation professionnelle, l'Etat finance les actions de formation en direction des demandeurs d'emploi adultes non indemnisés par le régime d'assurance-chômage, pour un montant de 300 millions d'euros par an.

Le présent chapitre, composé des articles 5 à 11, tend à donner pleine compétence à la région en matière de formation professionnelle .

Article 5
(art. L. 214-12 du code de l'éducation, art. L. 118-7,
intitulé et chapitres premier et II du titre IV du livre IX du code du travail,)
Extension des compétences des régions
en matière de formation professionnelle

Cet article a pour objet d'étendre les compétences des régions dans le domaine de la formation professionnelle.

1. Une pleine compétence de la région dans le domaine de la formation professionnelle

• Le dispositif proposé par le projet de loi

? Le premier paragraphe (I) tend à réécrire l'article L 214-12 du code de l'éducation afin de confier à la région :

- la définition et la mise en oeuvre de la politique d'apprentissage et de formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle ;

- la mission de contribuer à assurer l'assistance aux candidats pour la validation des acquis de l'expérience ;

- l'organisation des actions destinées à répondre aux besoins d'apprentissage et de formation, en veillant tout particulièrement à organiser des formations permettant d'acquérir certaines qualifications 11 ( * ) .

- l'accueil en formation de la population active dans son ressort ou dans une autre région si la formation désirée n'est pas accessible dans son ressort, étant précisé que, dans ce dernier cas, les régions concernées doivent régler par convention les conditions du partage de la prise en charge de la formation.

• La position de la commission des Lois

Votre rapporteur observe que la rédaction proposée pour l'article L. 214-12 du code de l'éducation supprime toute mention des compétences précédemment évoquées de l'Etat .

Cette omission délibérée a pour objet de donner une pleine compétence de la région en matière de formation professionnelle, l'Etat n'intervenant plus qu'au titre de la politique de l'emploi.

La tentative de clarification mérite d'être saluée mais suscite quelques interrogations. Il est peu probable que les régions se substituent à l'Etat pour conduire des actions de portée nationale en faveur de publics spécifiques tels que les détenus, réfugiés, les mineurs relevant de l'éducation surveillée, ou encore les personnes handicapées. Sans doute des dispositions spécifiques existent-elles, notamment dans le code du travail, pour donner un fondement juridique aux interventions de l'Etat. Ce fondement est-il suffisamment solide ? Votre commission des Lois s'en remet sur ce point à l'analyse de votre commission des Affaires sociales et de son rapporteur Mme Annick Bocandé.

Elle vous soumet en revanche un amendement ayant pour objet, outre des précisions, de prévoir que la région, compétente en matière de formation initiale, assure l'accueil en formation de l'ensemble de la population et non des seuls actifs.

2. Des conditions d'octroi de la prime d'apprentissage renvoyées au pouvoir réglementaire

• Le dispositif proposé par le projet de loi

? Le deuxième paragraphe (II) tend à réécrire l'article L. 118-7 du code du travail afin de confirmer la compétence de la région pour verser aux employeurs l' indemnité compensatrice forfaitaire auxquels ouvrent droit les contrats d'apprentissage.

Cette compétence serait encadrée par un décret fixant :

- les modalités d'attribution de l'indemnité compensatrice forfaitaire,

- les conditions dans lesquelles l'employeur est tenu de reverser à la région les sommes indûment perçues,

- les conditions et limites dans lesquelles le montant et les éléments de cette indemnité peuvent varier dans chaque région.

Le régime de l'indemnité compensatrice forfaitaire, destinée à compenser le temps que consacre l'entreprise à la formation de son apprenti, en particulier celui du maître d'apprentissage, est actuellement fixé par la loi.

Aux termes de l'article L. 117-8 du code du travail, cette « prime d'apprentissage » se compose :

- d'une aide à l'embauche , lorsque l'entreprise n'emploie pas plus de vingt salariés et forme des apprentis d'un niveau de formation équivalent au CAP, au BEP ou moins (niveau V) ;

- d'une indemnité de soutien à l'effort de formation versée à l'issue de chaque année du cycle de formation et calculée en fonction, notamment, de l'âge et de la durée de la formation.

La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a donné compétence aux régions pour accorder les indemnités servies au titre des contrats d'apprentissage conclus à compter du 1 er janvier 2003, les autres restant à la charge de l'Etat jusqu'à leur terme, soit au plus tard jusqu'au 31 décembre 2005.

Les conditions du transfert aux régions et à la collectivité territoriale de Corse des ressources destinées à compenser la charge du versement de l'indemnité ont été fixées par la loi de finances pour 2003 . Le montant global de la dotation allouée aux régions s'est élevé à 42,4 millions d'euros.

Un décret devait être pris après avis du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue afin de fixer les conditions et limites dans lesquelles le montant et les éléments de cette indemnité pourraient varier dans chaque région. Il n'a pas encore été publié.

Les novations introduites par le projet de loi tiennent donc :

- à la possibilité de fixer par décret les modalités d'attribution de l'indemnité compensatrice forfaitaire , alors qu'elles sont actuellement encadrées par la loi ;

- à la suppression de l'avis du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue sur ce décret. Placé auprès du Premier ministre, ce comité est composé de treize représentants de l'Etat, d'un représentant élu par chaque conseil régional et de treize représentants des organisations syndicales et professionnelles, désignés selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. Il est chargé d'évaluer les politiques régionales d'apprentissage et de formation professionnelle initiale et continue.

Elles ne s'appliqueraient qu'aux contrats conclus à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, c'est-à-dire au 1 er janvier 2005.

• La position de la commission des Lois

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet :

- de confier au conseil régional le soin de déterminer la nature, le niveau et les conditions d'attribution de l'indemnité compensatrice forfaitaire , un décret en Conseil d'Etat devant simplement fixer le montant minimal de l'indemnité compensatrice forfaitaire et les conditions dans lesquelles l'employeur est tenu de reverser à la région les sommes indûment perçues ;

- de prévoir un avis du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue sur ce décret.

Compte tenu des enjeux financiers qui s'attachent à la prime d'apprentissage, pour les régions comme pour les partenaires sociaux (près d'un milliard d'euros), il est important que leurs représentants soient associés à l'élaboration de ce décret.

3. La mention des compétences de la région dans le code du travail, « code suiveur » du code de l'éducation

• Le dispositif proposé par le projet de loi

? Le troisième paragraphe (III) du présent article tend :

- d'une part, à récrire l'intitulé du titre IV (« De l'aide de l'Etat ») du livre IX (« De la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente ») du code du travail désormais consacré à la « contribution de l'Etat et des régions » ;

- d'autre part, à transformer les chapitres premier (« De l'aide de l'Etat aux actions de formation professionnelle ») et II (« De l'aide de l'Etat au remplacement de certains salariés en formation ») de ce titre respectivement en un chapitre II et un chapitre III , afin de permettre l'insertion d'un nouveau chapitre I consacré à la contribution de la région à la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente.

? Par coordination, le quatrième paragraphe (IV) tend à insérer un nouveau chapitre Ier dans le titre IV du livre IX du code du travail intitulé : « De la contribution de la région ».

Ce chapitre serait composé de trois articles , dont les numéros proposés seraient erronés :

- un article L. 940-1, inséré par le présent article, ayant pour objet de rappeler les compétences mais également les « obligations » des régions, en matière de formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente, en reproduisant les dispositions de l'article L. 214-12 du code de l'éducation dans leur rédaction issue du I ;

- un article L. 940-2, inséré par l'article 7 du présent projet de loi, reproduisant dans le code du travail les dispositions de l'article L. 214-13 du code de l'éducation relatives au plan régional de développement des formations professionnelles ;

- un article L. 940-3, inséré par l'article 11 du présent projet de loi, ayant pour objet de reproduire les dispositions de l'article L. 214-12-1 nouveau du code de l'éducation relatives à la compétence de la région en matière de coordination des actions en faveur de l'accueil, de l'information et de l'orientation des jeunes et des adultes.

• La position de la commission des Lois

Votre commission des Lois juge utile de faire référence dans le code du travail aux dispositions du code de l'éducation relatives à la formation professionnelle. Ces dispositions intéressent en effet directement les utilisateurs de ce code. Ce dédoublement illustre surtout la difficulté d'établir une ligne partage claire entre la politique de formation professionnelle, qui relève de la région, et celle de l'emploi, dont la responsabilité incombe à l'Etat .

Au III, votre commission vous soumet en revanche un amendement tendant à supprimer le déplacement des chapitres premier et II du titre IV du livre IX du code du travail.

En effet, il n'est pas de bonne pratique législative de déplacer des chapitres entiers d'un code car la renumérotation des articles qu'ils contiennent implique de procéder à de nombreuses coordinations, sans lesquelles la loi deviendrait inapplicable. Or, compte tenu de la pléthore de textes en vigueur, les risques d'oubli sont importants. Précisément, le présent article s'abstient de renuméroter les articles L. 941-1 à L. 941-5 et l'article L. 942-1 du code du travail. Enfin, les utilisateurs connaissent les dispositions déplacées sous leur numérotation d'origine et il n'est pas sain de leur attribuer, sans modification de fond, une nouvelle numérotation.

Au IV, votre commission vous soumet un amendement de réécriture ayant pour objet :

- de faire figurer les dispositions relatives aux compétences des régions dans un article L. 943-1 et un chapitre III nouveaux du titre IV du livre IX du code du travail, par coordination avec le maintien à leur place des chapitres Ier et II ;

- d'y supprimer la référence aux « obligations » des régions.

4. Coordinations

? Le cinquième paragraphe (V) tend à abroger l'article L. 4332-2 du code général des collectivités territoriales, prévoyant que le fonds régional de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue est alimenté par les ressources correspondant aux actions de formation professionnelle continue destinées aux jeunes de moins de vingt six ans en vue de leur permettre d'acquérir une qualification.

? Le sixième paragraphe (VI) tend à modifier l'article L. 214-15 du code de l'éducation afin de tirer la conséquence de l'abrogation de l'article L. 4332-2 du code général des collectivités territoriales.

? Par coordination avec la réécriture de l'article L. 214-12 proposée par le I, le septième et dernier paragraphe (VII) a pour objet de supprimer les deux derniers alinéas de l'article L. 214-16 du code de l'éducation, selon lesquels :

- les transferts de compétences mentionnés au II de l'article L. 214-12 du même code entraînent l'obligation de poursuivre l'établissement des statistiques dans les conditions prévues à l'article L. 1614-7 du code général des collectivités territoriales ;

- lorsque la région met en oeuvre, en application d'une convention passée avec le représentant de l'Etat, des stages créés en exécution des programmes définis à l'article L. 982-1 du code du travail, cette obligation s'applique également programme par programme.

L'article L. 982-1 du code du travail ouvre à l'Etat la possibilité de prendre l'initiative de programmes de stages de formation professionnelle pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans. Ces stages ont pour objet l'insertion sociale et professionnelle ou l'aide à l'orientation professionnelle approfondie et l'initiation à la vie professionnelle des jeunes. Ils doivent prévoir une formation en alternance.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .

* 11 Il s'agit des qualifications mentionnées à l'article L. 900-3 du code du travail, c'est-à-dire une qualification entrant dans le champ d'application de l'article 8 de la loi n° 71-577 du 16 juillet 1971 d'orientation sur l'enseignement technologique, reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale de branche ou figurant sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi d'une branche professionnelle.

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