II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le jeudi 16 juillet 2009 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente , la commission a procédé à l'examen du rapport d'Isabelle Debré sur la proposition de loi n° 557 (2008-2009) réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires .

Isabelle Debré, rapporteur, a souligné que la proposition de loi est le fruit de longs débats, justifiés compte tenu de la place du dimanche dans notre société. Elle a estimé que l'auteur du texte, le député Richard Mallié, a su répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées, en réaffirmant le principe du repos dominical tout en l'assortissant de trois dérogations d'ampleur limitée.

Il faut savoir que près de 7,5 millions de personnes travaillent déjà régulièrement ou occasionnellement le dimanche, dans les services publics, dans les entreprises relevant des cent quatre-vingts cas de dérogation au repos dominical énumérés dans le code du travail, dans un établissement titulaire d'une dérogation préfectorale ou encore dans les commerces de détail alimentaire, qui peuvent ouvrir le dimanche jusqu'à midi.

Au regard de ces dérogations, les aménagements envisagés par la proposition de loi sont modestes et poursuivent deux buts principaux : d'abord, permettre à la France, première destination touristique mondiale, de mieux répondre aux besoins particuliers de la clientèle touristique ; ensuite, adapter la réglementation aux transformations des habitudes de consommation des ménages.

Pour ce qui concerne les communes et zones touristiques, un commerce ne peut actuellement ouvrir le dimanche, pendant la saison touristique, que s'il met à la disposition du public des biens et services « destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d'ordre sportif, récréatif ou culturel ». Ces critères se sont révélés, à l'usage, difficiles à apprécier et ont abouti parfois à des situations contestables.

La proposition de loi prévoit que les commerces de détail situés dans les communes et les zones touristiques puissent désormais ouvrir, de plein droit, tous les dimanches.

A l'Assemblée nationale, un débat s'est ouvert sur la question du nombre de communes concernées par cette nouvelle règle. Le groupe socialiste a affirmé qu'elle s'appliquerait dans les six mille communes classées touristiques au sens du code du tourisme ; en réalité, elle ne concernera que cinq cents communes, et une vingtaine de zones, classées touristiques au sens du code du travail.

S'il est vrai que la proposition de loi ne prévoit pas de contreparties particulières pour les salariés travaillant le dimanche dans ces secteurs, un amendement adopté par l'Assemblée nationale impose que des négociations soient engagées dans toutes les branches du commerce où des contreparties au travail dominical ne sont pas déjà prévues.

Isabelle Debré, rapporteur, a ensuite présenté le deuxième volet de la réforme, qui vise à autoriser la création, dans les agglomérations de plus d'un million d'habitants, de « périmètres d'usage de consommation exceptionnel » (Puce).

Ces Puce pourraient être délimités par le préfet, sur demande du conseil municipal, là où existe un usage de consommation dominicale, intéressant une clientèle suffisamment importante éloignée de ce périmètre. Les commerces situés à l'intérieur du Puce pourraient ensuite solliciter auprès de la préfecture une autorisation d'ouverture dominicale valable cinq ans. Une vingtaine de Puce pourraient être ainsi constitués.

La création des Puce permettrait à des zones commerciales qui ouvrent le dimanche, parfois depuis des décennies, de continuer à le faire en toute sécurité sur le plan juridique : ces commerces ont en effet commencé à ouvrir sur la base d'arrêtés préfectoraux, qui ont ensuite été annulés par les tribunaux, de sorte que leur imposer aujourd'hui de fermer le dimanche conduirait à des suppressions d'emplois. Elle satisferait aussi les nouvelles habitudes de consommation des habitants des grandes agglomérations, qui effectuent une partie de leurs achats dans des zones commerciales situées en périphérie des villes, car l'ouverture dominicale permet d'étaler les achats dans le temps et améliore la qualité de vie des clients.

La proposition de loi précise que les salariés travaillant le dimanche dans les Puce devront être volontaires et qu'ils bénéficieront de contreparties définies, en principe, par voie d'accord collectif. A défaut d'accord, l'employeur pourra soumettre ses propositions aux salariés par la voie d'un référendum d'entreprise, à condition de leur garantir, au minimum, un repos compensateur et un salaire double.

L'Assemblée nationale a utilement complété la proposition de loi pour préciser comment les salariés qui ont donné leur accord pour travailler le dimanche pourront ensuite revenir sur ce choix. Cette réversibilité est importante car le travail dominical peut convenir à certaines étapes de la vie mais se révéler très contraignant à d'autres moments.

Puis Isabelle Debré, rapporteur, a présenté la troisième mesure proposée par le texte, qui consiste à autoriser les commerces de détail alimentaire à ouvrir jusqu'à 13 heures au lieu de midi le dimanche, horaire plus conforme à l'évolution des modes de vie.

Enfin, l'Assemblé nationale a enrichi le texte de trois articles additionnels :

- le premier indique que les salariés privés du repos dominical dans le cadre des cinq dimanches accordés par le maire auront droit à une rémunération double et à un repos compensateur équivalent, situation plus favorable que celle prévue actuellement par le code du travail ;

- le deuxième vise à rassurer les élus d'Alsace et de Moselle en garantissant que les dispositions dérogatoires de droit local relatives au repos dominical continueront de s'appliquer ;

- le dernier institue un comité de six parlementaires chargé du suivi de la réforme.

En conclusion, le rapporteur a souhaité l'adoption du texte en l'état, afin de mieux répondre aux attentes des consommateurs, et de certains salariés, et de soutenir un secteur du commerce bien malmené par la crise.

Janine Rozier a fait valoir qu'il existe déjà de très nombreuses dérogations au repos dominical. Le texte proposé ne fait donc en réalité que préciser et encadrer les modalités du travail autorisé le dimanche. Il serait utile qu'une information complète et précise soit délivrée à l'opinion afin de permettre de lever les préjugés qui entourent aujourd'hui le débat.

Annie Jarraud-Vergnolle a souligné que, malgré les vicissitudes subies par le texte qui a fait l'objet de quatre rédactions successives, les problèmes posés restent toujours les mêmes. La situation des Pyrénées-Atlantiques permet de prendre la mesure des difficultés que l'adoption du texte pourra créer : ce département qui cumule trois attraits touristiques, la mer, la montagne et le thermalisme, compte en effet pas moins de soixante-cinq communes touristiques au sens du code du travail. Dans ces communes, tous les commerces peuvent déjà ouvrir sept jours sur sept, pendant la saison touristique, et le temps de travail des salariés est annualisé afin qu'ils bénéficient d'une compensation en dehors de la haute saison. Une extension de cette ouverture posera des problèmes aux petits commerces, ce qu'a d'ailleurs montré l'étude commandée en 2006 par Renaud Dutreil, alors ministre du commerce, qui faisait état d'une perte de 200 000 emplois dans les commerces de proximité. Par ailleurs, l'ouverture des grandes surfaces le dimanche pose souvent des problèmes aux commerces des galeries marchandes qui se voient contraints d'ouvrir dans les mêmes plages horaires. La proposition de loi émane avant tout de la grande distribution où six salariés sur dix sont à temps partiel et même souvent à temps partiel éclaté. Développer, dans ce cadre, le travail du dimanche créera de réelles difficultés pour les femmes qui occupent majoritairement ces emplois et qui auront de plus en plus de mal à conserver une vie familiale équilibrée. En outre, toutes les activités mises en place depuis 1906, clubs sportifs, activités de loisirs, culturelles et religieuses, sont remises en question. C'est donc à un véritable choix de société qu'invite cette proposition de loi, que l'on ne peut que rejeter.

Françoise Henneron a insisté sur le cas particulier des zones frontalières, notamment celles proches de la Belgique : dans ce pays, tous les commerces sont ouverts le dimanche, ce qui crée une forte concurrence pour les commerces des secteurs français frontaliers, comme les pépiniéristes, qui ne bénéficient pas des avantages d'une ouverture le dimanche. Qu'apportera la proposition de loi à ces régions, surtout lorsqu'elles ne peuvent être qualifiées de touristiques ? Quelle est la réglementation européenne en matière de travail du dimanche ? L'une des difficultés posées par le texte concerne le volontariat qui, notamment dans les grandes surfaces, est mal respecté. Comment pourrait-on y remédier ?

Annie David s'est déclarée en désaccord complet avec la proposition de loi et la présentation qui en est faite. Pour des raisons de forme tout d'abord : en choisissant d'inscrire à l'ordre du jour parlementaire une proposition de loi et non un projet de loi, le Gouvernement s'est exonéré de toute négociation avec les partenaires sociaux alors qu'il s'agit de dispositions touchant directement à l'organisation du travail ; il aurait d'ailleurs été logique qu'une promesse de campagne du Président de la République prenne la forme d'un projet de loi ; le délai imparti pour l'examen du texte au Sénat est en outre particulièrement court puisque l'Assemblée nationale ne l'a voté qu'hier ; l'intitulé de la proposition de loi est mensonger dans la mesure où il ne s'agit pas de sauver le repos dominical mais bien de généraliser le travail du dimanche. Par ailleurs, ce texte va conduire à légaliser des situations illégales, ce qui revient à accorder une prime aux délinquants qui n'auront plus à s'acquitter des astreintes élevées auxquelles les tribunaux les ont condamnés.

Sur le fond, la proposition de loi met en oeuvre un changement complet de société en remettant en cause le caractère particulier du dimanche, jusque là consacré au sport, aux activités culturelles, comme le cinéma, ou au simple plaisir de passer du temps en famille, toutes générations confondues. Si la fermeture des commerces le dimanche est un obstacle au développement du tourisme, il y a un certain paradoxe à constater que, malgré ce frein, la France est la première destination touristique mondiale !

Par ailleurs, lever l'ambiguïté sur la notion de commune touristique, selon qu'il s'agit du régime du code du travail ou de celui du code du tourisme, est positif mais cela ne saurait masquer le fait que, dans les zones touristiques, l'ouverture des commerces le dimanche pourra se faire de plein droit et sans compensation pour les salariés concernés. Il est donc impératif de mieux préciser les droits des salariés dans ces zones, notamment ceux des étudiants et des travailleurs saisonniers. L'Assemblée nationale a certes adopté un amendement, présenté par Roland Muzeau et Martine Billard, destiné à garantir une rémunération double et un repos compensateur aux salariés privés de repos dominical dans le cadre des cinq dimanches pouvant être accordés chaque année par le maire, mais elle n'a pas retenu les autres amendements des mêmes auteurs qui visaient également à mieux garantir les droits des salariés. En conséquence, l'article 2 de la proposition de loi ne peut recueillir qu'une forte opposition en raison des conséquences qu'il entraînera pour les salariés d'une même enseigne qui, selon la zone où ils travailleront, bénéficieront ou non d'une rémunération double et d'un repos compensateur. Enfin, a-t-on évalué l'intérêt économique de cette loi ? Si certaines grandes enseignes créeront peut-être des emplois, il est en revanche certain que, dans les petits commerces, on assistera à de très nombreuses suppressions d'emplois. De même, ce texte permettra-t-il une augmentation du pouvoir d'achat des salariés concernés ?

André Lardeux a indiqué qu'il ne votera pas la proposition de loi car celle-ci prépare un changement de société : à travers une banalisation du travail du dimanche, elle constitue en fait le début d'une généralisation de celui-ci. Or, le fait de travailler le dimanche n'est pas dans notre culture et portera atteinte à la cohésion sociale.

La proposition de loi est un leurre économique car elle ne fera que déplacer du chiffre d'affaires et reviendra, au final, à un jeu à somme nulle. C'est également un traquenard social : en prévoyant sept catégories de situations pour les travailleurs le dimanche, elle ne permet aucune simplification mais, au contraire, rend plus complexe le droit du travail. L'intitulé même de la proposition de loi témoigne de l'embarras de ses auteurs.

Le texte pose aussi un problème d'égalité car, si l'on prend l'exemple des policiers ou des pompiers, il faudrait, pour effectuer une comparaison valable, tenir compte de toutes les compensations dont ils bénéficient et chiffrer précisément le nombre des dimanches travaillés, ceux-ci pouvant ne pas être très nombreux dans une année. Par ailleurs, s'il est vrai que le nombre de communes d'intérêt touristique n'a pas beaucoup évolué au cours des dernières années, il n'est pas dit qu'il n'augmentera pas significativement du fait de l'adoption de la proposition de loi. En outre, la délimitation par le préfet des Puce conduira inévitablement à la disparition du commerce rural.

En ce qui concerne le travail des étudiants, il serait plus utile de mettre en place un système de bourse plus généreux pour l'enseignement supérieur car les heures travaillées par les étudiants sont autant d'heures prélevées sur l'étude personnelle et le travail universitaire ; une telle mesure devrait s'inscrire dans une réforme plus générale de l'enseignement supérieur qui ne serait plus gratuit et effectuerait une sélection à l'entrée.

L'absence d'étude d'impact sur le report de midi à treize heures de la fermeture des commerces alimentaires le dimanche est regrettable. De même, on peut émettre de sérieux doutes sur le suivi que fera le comité prévu pour l'évaluation de la loi. Il est également curieux de constater que les grandes enseignes sont prêtes à doubler les salaires le dimanche alors qu'elles refusent d'augmenter, de façon globale et dans une proportion moindre, les salaires ; il faudra d'ailleurs se pencher, dans quelques mois, sur l'évolution du nombre de travailleurs précaires dans la grande distribution en lien avec le versement du revenu de solidarité active (RSA). Enfin, le travail du dimanche pose le problème de la garde des enfants, qui ne passent déjà pas assez de temps avec leurs parents : faudra-t-il doubler le salaire des assistantes maternelles le dimanche et prévoir, en conséquence, un doublement des aides des caisses d'allocations familiales ? En conclusion, il faut avoir à l'esprit que, comme l'a dit le Président de la République, « la croissance économique n'a pas de sens si elle est sa propre finalité. Consommer pour consommer, croître pour croître n'a aucun sens. Seuls l'amélioration de la situation du plus grand nombre et l'épanouissement de la personne en constituent des buts légitimes. ».

Catherine Procaccia a estimé que la proposition de loi constitue une première étape bienvenue, avant d'aller plus loin. La société a beaucoup évolué depuis un siècle et il est donc légitime que la réglementation soit adaptée. Beaucoup de salariés travaillent déjà le dimanche en étant protégés par la convention collective négociée entre les partenaires sociaux. Pour répondre à une préoccupation plusieurs fois avancée sur les différences de contreparties accordées aux salariés, il convient de faire confiance aux partenaires sociaux car ceux-ci auront le souci d'harmoniser les règles applicables dans les différents établissements. Il est en tout cas préférable pour le personnel que les salaires soient augmentés plutôt que les entreprises soient condamnées à verser de fortes amendes. Enfin, si des dérogations sont prévues pour les régions frontalières et l'Alsace-Moselle, qu'en est-il pour l'outre-mer ?

Marc Laménie a fait observer que 7,5 millions de personnes travaillent déjà le dimanche, notamment dans les services publics. Il conviendra d'interpréter avec prudence la notion de commune d'intérêt touristique et de s'intéresser au cas particulier des zones frontalières. La proposition de loi est-elle en harmonie avec les directives européennes en la matière ?

Alain Gournac a jugé important de rétablir la vérité sur cette question complexe du travail du dimanche. Il a dénoncé l'attitude de certains syndicats qui auraient perçu de grosses sommes d'argent en contrepartie de leur engagement de ne pas attaquer certaines enseignes qui ouvrent illégalement le dimanche. Il est important que les touristes qui passent le week-end en France puissent consommer, notamment sur les Champs-Elysées ou dans des communes comme Versailles, aujourd'hui ville morte le dimanche. Il est faux de dire qu'avec cette proposition de loi, on généralise le travail du dimanche puisqu'on estime à environ 200 000 seulement le nombre de personnes supplémentaires qui travailleront ce jour-là. Il est en tout état de cause très positif de prolonger l'ouverture des commerces alimentaires jusqu'à treize heures. Pour les salariés, le choix du travail du dimanche se fera à certains moments de leur vie et pourra alors leur être utile. Il faudra toutefois que ce choix puisse être fait en toute liberté et que le refus de travailler le dimanche ne constitue pas un frein à l'embauche.

Gisèle Printz s'est félicitée que l'Alsace-Moselle échappe à la proposition de loi. Le tourisme se développera même sans l'adoption de ce texte, qui ne favorisera d'ailleurs pas l'augmentation de la consommation compte tenu de la faiblesse actuelle du pouvoir d'achat. Le repos dominical était une grande avancée, puisqu'avant 1906, ce repos pouvait être fixé n'importe quel jour : le remettre en cause constitue un recul de civilisation et un grand danger pour la vie familiale.

Marie-Thérèse Hermange a regretté que Paris soit soumis à un régime dérogatoire : il serait logique que le conseil de Paris ait un pouvoir de décision dans les mêmes conditions que les autres communes d'Ile-de-France. Par ailleurs, a-t-on mesuré le pourcentage de population féminine supplémentaire qui travaillerait le dimanche du fait de l'adoption de ce texte et ses conséquences sur la garde des enfants ? Enfin, l'intitulé de la proposition de loi est en contradiction avec son contenu car celui-ci vise à opérer une banalisation du travail du dimanche. Or, le dimanche est un jour de rencontre avec l'autre, de don aux autres - comme c'est le cas pour les salariés des services publics -, un temps pour prendre du recul face à l'urgence de la vie actuelle. Il ne faudrait pas que, en dépit du volontariat proclamé par le texte, le refus de travailler le dimanche pénalise les salariés. Elle s'abstiendra donc sur ce texte ou émettra un vote négatif.

Brigitte Bout a fait valoir que, dans sa circonscription, les achats le dimanche en Belgique ou en Angleterre sont faciles. Il est donc important que le débat ait lieu sur cette question qui pose un problème de société. Le travail du dimanche peut d'ailleurs aussi être effectué par des salariés d'associations qui organisent des manifestations culturelles ou sportives en fin de semaine et contribuent donc à l'épanouissement de la vie familiale de ceux qui y assistent.

Nicolas About a estimé que le texte proposé n'est ni la panacée avancée par certains ni le poison redouté par d'autres. Il réaffirme des principes et effectue des aménagements a minima en réglant les anomalies existantes, en simplifiant la réglementation actuelle et en étendant l'ouverture des commerces alimentaires jusqu'à treize heures le dimanche. De nombreuses dérogations existent déjà, il ne s'agit donc pas d'un texte révolutionnaire. Il est parfois avancé que la proposition de loi ouvre la voie à de futures extensions du travail dominical ; si la proposition de loi régularise quelques situations illégales, il conviendra d'empêcher par tous les moyens, à l'avenir, que les principes fixés ne soient pas respectés et que, si ce n'est pas le cas, des poursuites systématiques soient engagées.

En réponse aux divers intervenants, Isabelle Debré, rapporteur, s'est d'abord félicitée de la richesse du débat sur une proposition de loi qui est encore loin d'être parfaite. Pendant des années, on a laissé des commerces ouvrir le dimanche sans réagir, ce qui a conduit à des situations peu satisfaisantes, notamment pour les salariés. Après le vote au Sénat fin 2007, à son initiative, d'un amendement autorisant l'ouverture des commerces de meubles le dimanche, la fédération patronale de ce secteur a proposé de doubler le salaire de ceux qui travaillent le dimanche, ce qui montre le sens des responsabilités des partenaires sociaux. Dans d'autres secteurs, comme le bricolage, rien n'existe à ce jour, ce qui se traduit par de nombreuses infractions et la condamnation à des astreintes qui étouffent les entreprises concernées. Il est donc urgent de légiférer.

Il est important de savoir qu'actuellement rien n'empêche un commerce d'ouvrir le dimanche dès lors qu'il n'emploie pas de salarié ce jour-là. Par ailleurs, si le droit européen impose un jour de repos hebdomadaire, ce jour n'est pas obligatoirement le dimanche. Toutefois, compte tenu de notre culture et de nos traditions, il est logique que ce jour soit fixé le dimanche en France.

La précision apportée par l'Assemblée nationale sur les communes d'intérêt touristique est utile car elle permet de faire une différence entre les définitions du code du travail et du code du tourisme. Le nombre de ces communes ne devrait pas significativement augmenter car la procédure est relativement lourde et dépendra avant tout du choix des élus locaux. En tout état de cause, que ce soit dans ces communes ou dans les Puce, les grandes surfaces alimentaires ne sont pas concernées par la proposition de loi. Celle-ci devrait permettre un accroissement de la consommation, en particulier du fait des touristes, même si le nombre de ceux-ci ne devrait pas augmenter. En ce qui concerne la lutte contre le chômage, s'il n'est pas certain que le texte créera des emplois, il évitera de façon sûre des destructions de postes. La question de la garde d'enfants n'a jamais été abordée par les partenaires sociaux ; bien au contraire, il semble que certaines femmes seules souhaitent pouvoir travailler le dimanche afin de gagner un peu plus d'argent et de bénéficier d'un repos compensateur le mercredi, ce qui, au total, leur permettra même des économies au titre de la garde des enfants. Le travail du dimanche se fera sur la base du volontariat, avec un droit à la réversibilité, et répondra sans doute à des besoins pendant certaines étapes de la vie, notamment à l'âge étudiant.

Isabelle Debré, rapporteur, a ensuite insisté sur la consultation très assidue des partenaires sociaux depuis 2007, que ce soit par les parlementaires ou le Gouvernement. Puis elle a apporté un certain nombre de précisions : le droit commun de la proposition de loi s'appliquera outre-mer ; les jardineries figurent sur la liste des cent quatre-vingts dérogations existantes que Martine Aubry, alors ministre du travail, avait d'ailleurs étendue en 1992. Au total, la proposition de loi propose plus de liberté mais en l'encadrant ; elle laisse une grande place au dialogue social et au volontariat ; il appartiendra aux maires et aux conseils municipaux de décider et de répondre aux attentes de leurs concitoyens.

Annie David a précisé qu'elle ne conteste nullement les dérogations actuelles mais qu'elle demeure opposée à un texte, qui complique au lieu de clarifier les droits des salariés et ne prévoit aucune compensation dans les zones d'intérêt touristique.

Isabelle Debré, rapporteur, a rappelé que rien n'est actuellement prévu dans les communes touristiques au-delà du droit commun. Avec la proposition de loi, la négociation sera encouragée et ce qui en sortira sera par définition plus favorable que le droit actuel.

Annie Jarraud-Vergnolle a fait valoir que le classement en commune touristique n'est pas très difficile à obtenir : il s'agit en fait d'une simple demande auprès du préfet, dès lors que certains critères sont remplis.

Isabelle Debré, rapporteur, a insisté sur l'importance de laisser les conseils municipaux prendre leurs responsabilités. Paris sera certes soumis à un régime différent mais c'est déjà le cas pour les cinq « dimanches du maire » qui, à Paris, sont autorisés par le préfet. Une évaluation de la loi sera nécessaire ; ce sera la mission du comité prévu à cet effet.

Puis, la commission a procédé à l'examen des amendements.

A l' article 1er (contreparties dues aux salariés en cas d'ouverture d'un commerce dans le cadre des dérogations accordées par le maire), Annie David a présenté l'amendement n° 1, des membres du groupe CRC-SPG, qui tend à prévoir que tous les salariés privés du repos dominical perçoivent un salaire double et bénéficient d'un repos compensateur.

Isabelle Debré, rapporteur, a rappelé que la proposition de loi distingue deux situations différentes : dans certains cas, le travail dominical est possible de droit, car il découle de la nature même de l'activité ou de la zone géographique considérée ; dans d'autres cas, il revêt un caractère plus exceptionnel et ne peut être effectué que sur autorisation préfectorale. C'est seulement dans cette seconde hypothèse que le texte prévoit des contreparties pour les salariés.

Dans les communes et zones touristiques, des contreparties pourront cependant être déterminées par la voie de la négociation collective, la loi n'ayant pas vocation à fixer toutes les règles alors que les situations peuvent varier selon les secteurs d'activité et les entreprises.

Suivant l'avis défavorable de son rapporteur, la commission a rejeté l'amendement n° 1 puis a adopté l'article premier sans modification.

A l' article 2 (régime des dérogations à la règle du repos dominical dans les zones touristiques et dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnel), Annie David a défendu l'amendement n° 2 des membres du groupe CRC-SPG, tendant à la suppression de l'article.

Suivant l'avis défavorable de son rapporteur, la commission a rejeté cet amendement.

Annie David a ensuite présenté l'amendement n° 3 des membres du groupe CRC-SPG, tendant à supprimer les dispositions applicables dans les communes et les zones touristiques.

Suivant l'avis défavorable de son rapporteur, la commission a également rejeté cet amendement.

Puis Annie David a présenté l'amendement n° 4 des membres du groupe CRC-SPG, qui vise à garantir que seuls les salariés ayant donné leur accord, par écrit, pourront être amenés à travailler le dimanche dans les communes et les zones touristiques.

Françoise Henneron s'est enquise de la protection dont bénéficie un salarié qui refuse de travailler le dimanche.

Isabelle Debré, rapporteur, a rappelé que le texte prévoit que les salariés des Puce doivent donner leur accord écrit pour travailler le dimanche, mais que cette disposition ne s'applique pas aux salariés employés dans les communes et les zones touristiques. Ces derniers ne sont pas pour autant soumis à l'arbitraire de leur employeur : un changement de leurs horaires de travail impliquant de travailler le dimanche ne peut en effet se produire sans une modification de leur contrat de travail, qui ne peut être opérée sans leur consentement.

Gisèle Printz a indiqué que des salariés de l'enseigne Ed ont pourtant récemment été licenciés parce qu'ils ont refusé de travailler le dimanche.

Isabelle Debré, rapporteur, a souligné que la seule modification prévue par la proposition de loi, concernant les commerces alimentaires, consiste à repousser leur horaire de fermeture de midi à 13 heures. Elle s'est déclarée indignée que des salariés soient licenciés en raison de leur refus de travailler le dimanche et a suggéré qu'ils saisissent le conseil de prud'hommes pour réclamer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Suivant l'avis défavorable de son rapporteur, la commission a rejeté l'amendement n° 4.

Puis Annie David a présenté l'amendement n° 5 des membres du groupe CRC-SPG, qui prévoit que les salariés employés dans les Puce bénéficient, dans tous les cas, d'un salaire double et d'un repos compensateur quand ils travaillent le dimanche, y compris lorsqu'ils sont couverts par un accord collectif.

Isabelle Debré, rapporteur, s'est étonnée du peu de confiance dont témoigne cet amendement à l'égard des partenaires sociaux. Si la partie syndicale n'est pas satisfaite du projet d'accord qui lui est soumis, il lui suffit de refuser de signer pour que l'employeur soit contraint d'accorder, au minimum, le doublement du salaire et un repos compensateur.

Annie David a estimé que la faiblesse des syndicats dans le secteur du commerce risque de conduire, dans bien des cas, à la signature d'accords salariaux défavorables aux salariés.

Suivant l'avis défavorable de son rapporteur, la commission a rejeté l'amendement n° 5.

Annie David a ensuite présenté l'amendement n° 6 des membres du groupe CRC-SPG, qui vise à supprimer la possibilité donnée à l'employeur d'organiser unilatéralement le travail le dimanche dans son entreprise.

Isabelle Debré, rapporteur, a fait valoir que l'employeur ne pourra pas décider, unilatéralement, d'organiser le travail le dimanche : il devra, au préalable, obtenir une autorisation préfectorale, qui ne lui sera délivrée que si des contreparties ont été définies pour les salariés, soit par voie d'accord collectif, soit par référendum d'entreprise. Elle s'est donc déclarée défavorable à l'adoption de cet amendement.

La commission a rejeté l'amendement n° 6.

Annie David a présenté l'amendement n° 7 des membres du groupe CRC-SPG, qui vise à garantir que les salariés employés dans les Puce pourront, à tout moment, bénéficier d'une priorité pour occuper un emploi ne comportant pas de travail le dimanche.

Isabelle Debré, rapporteur, a souligné que le droit de priorité organisé par le texte constitue une avancée pour les salariés et rappelé que, quand un appel à candidatures est lancé dans les grands magasins parisiens pour travailler lors des cinq dimanches du maire, le nombre de candidats est supérieur au nombre de postes à pourvoir.

Suivant l'avis défavorable de son rapporteur, la commission a rejeté l'amendement n° 7.

Isabelle Debré, rapporteur, a ensuite indiqué que l'amendement n°8, déposé par Yves Pozzo di Borgo, prévoit que le préfet consulte le Conseil de Paris avant d'autoriser l'ouverture des commerces cinq dimanches par an. Elle a estimé que cette mesure ne pose pas de problème sur le fond mais qu'elle pourrait tout aussi bien être prise par la voie réglementaire : les procédures de consultation figurent en effet dans la partie réglementaire du nouveau code du travail.

Catherine Procaccia a déclaré ne pas bien comprendre ce qu'apporte véritablement cet amendement.

André Lardeux s'est dit surpris que l'auteur de l'amendement ne propose pas d'appliquer à Paris le régime de droit commun applicable aux communes.

Marie-Thérèse Hermange a elle aussi regretté que l'amendement prévoie une simple consultation sans valeur contraignante pour le préfet.

Suivant l'avis défavorable de son rapporteur, la commission a rejeté l'amendement n° 8.

La commission a ensuite adopté l'article 2 sans modification.

Elle a également adopté les articles 3 (régime dérogatoire applicable en Alsace et en Moselle) et 4 (comité d'évaluation) sans modification puis a adopté l'ensemble de la proposition de loi .

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