EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 20 octobre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - Je pourrais me contenter de répéter ce que j'avais dit l'année dernière sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et sur le compte d'affectation spéciale « Pensions ». Notre rapport et nos conclusions quant à la stabilisation, voire à la baisse, du besoin de financement des régimes spéciaux et de la fonction publique se sont révélées exactes. L'année dernière, les concours de l'État au financement des régimes spéciaux avaient légèrement décru : en 2016, ils diminueront encore de 1,5 % par rapport à 2015, pour s'établir à 6,3 milliards d'euros. C'est le résultat d'une faible inflation, des réformes entreprises et notamment de la convergence des règles d'âges de départ à la retraite - je dis bien convergence et non alignement sur le régime général ou le régime de la fonction publique. Cette esquisse annoncée en 2015 se confirme pour 2016.

La contribution de l'État au CAS « Pensions », qui finance le régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État, suit une progression extrêmement modérée de 0,7 % par rapport à 2015, après une période de progression très forte dans les années 1990 et 2000.

Nous regardons la plupart du temps l'indicateur de la dette par rapport à la richesse nationale, mais les engagements de l'État en matière de retraite des fonctionnaires représentent 75 % du produit intérieur brut (PIB) ! Seul le retour à la croissance garantira l'avenir des retraites.

Ma deuxième remarque porte sur le niveau des recettes affectées au CAS en 2016. Il est assez rare de disposer de crédits supérieurs aux besoins. Fin 2015, le solde cumulé du CAS « Pensions » s'élèvera à 2,2 milliards d'euros et à 2,9 milliards d'euros fin 2016, alors qu'un fonds de roulement de 1 milliard d'euros serait suffisant. On pourrait utiliser le surplus pour réaliser des ajustements budgétaires - j'avais d'ailleurs proposé l'an dernier qu'on prélève 1 milliard d'euros au bénéfice des collectivités territoriales - sans remettre en cause l'équilibre général.

S'agissant des récentes négociations sur les carrières de la fonction publique, je souligne que l'intégration de certaines indemnités dans le traitement indiciaire aura des conséquences sur les régimes de retraite de la fonction publique, tant au niveau de l'État que des collectivités territoriales. Aucune évaluation chiffrée n'est disponible à l'heure actuelle. Même si le dispositif est renvoyé à 2017, il est légitime de demander des précisions sur le coût de ces futures mesures.

Pour conclure, l'inscription budgétaire est sincère, la tendance à la stabilisation se confirme voire accuse un léger repli : comme l'année dernière, je vous propose donc l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ».

Mme Agnès Canayer , rapporteure pour avis . - La commission des affaires sociales adoptera son rapport le 18 novembre prochain. Cette année, notre travail se focalise sur le régime social des marins. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 comporte en effet plusieurs dispositions susceptibles de présenter un impact sur son équilibre financier.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La situation est paradoxale : alors que le solde du CAS « Pensions » est de plus en plus excédentaire - 2,2 milliards d'euros fin 2015, quand la Cour des comptes préconise 1 milliard d'euros -, les besoins de financement des régimes spéciaux sont estimés, en cumulé, à 163 milliards d'euros à l'horizon 2050. Cette présentation budgétaire est-elle toujours sincère ? La situation était déjà connue en 2013 et en 2014. En projet de loi de finances rectificative pour 2013, le Gouvernement avait en effet réduit le taux de la contribution employeur de l'État sur le mois de décembre 2013, soit une baisse de 873 millions d'euros. Ne devrions-nous pas en tirer les conséquences ? Voyez le paradoxe : nos régimes spéciaux sont loin d'être équilibrés, l'âge de départ en retraite reste très inférieur à celui des salariés du privé et du public, or le CAS relatif aux pensions civiles et militaires est très excédentaire...

M. Roger Karoutchi . - Il y a quelques jours, le Président de la République a déclaré que l'équilibre de notre système de retraite serait préservé et sauvegardé « au moins jusqu'en 2030 » - ce sont ses mots. En même temps, les difficultés des régimes de retraite complémentaires nécessitent des mesures pour les préserver. Au vu des derniers décomptes, pensez-vous que notre système de retraites puisse être sauvegardé pour les quinze prochaines années sans mesures supplémentaires ?

M. Michel Bouvard . - Nous pouvons réaliser des économies sur la gestion des régimes spéciaux. L'année dernière, quelques-uns ont été regroupés : ainsi, le régime de retraite des mines est désormais géré par la Caisse des dépôts et consignations. Certains régimes spéciaux ont des frais exorbitants et, malgré les rapports de la Cour des comptes, ne réussissent pas à se transformer et à mutualiser leurs moyens. L'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), par exemple, a des frais de gestion très élevés. Comment faire bouger les choses ? En déposant des amendements ? La mutualisation ne porterait préjudice à personne et permettrait de réaliser des économies substantielles pour le bénéfice de la collectivité.

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - En tant qu'ancien secrétaire général de la marine marchande, il m'est difficile de répondre, car j'ai défendu ce régime pendant des années...

M. Michel Bouvard . - Vous n'étiez pas visé !

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - Tous ces régimes devraient réduire leurs frais de fonctionnement en 2016. Continuons à envoyer ce message : il est essentiel de poursuivre les regroupements et d'avoir une meilleure articulation pour maîtriser les dépenses de fonctionnement.

Le rapporteur général a raison s'agissant du fonds de roulement du CAS « Pensions » qui a un excédent de 2,9 milliards d'euros, au-delà des besoins. Nous avions déjà soulevé cette question l'année dernière. Faut-il réajuster, redéployer, demander un geste sur une autre mission ? Nous avons une marge, c'est le seul endroit du budget où il y un excédent !

La question de la viabilité des régimes vaut pour tous les régimes de retraite. Les écarts d'âge de départ à la retraite sont importants : entre 54 ans et 56 ans pour la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et la société nationale des chemins de fer (SNCF), 63 ans en moyenne pour le régime général et 61 ans pour la fonction publique d'État. Cela continuera à faire débat au sein de la société. Notre pays est corporatiste, il a créé des régimes de retraite profession par profession. Pourquoi ne pas considérer qu'exception faite des métiers pénibles, les mêmes droits et les mêmes contributions aboutissent aux mêmes avantages ? Nous pourrions cheminer sur cette voie, de la même manière que nous avons supprimé le privilège des bouilleurs de cru : ceux qui bénéficient du régime le conservent, ceux qui entrent dans le nouveau régime se voient appliquer la réforme. Si nous l'avions fait il y a trente ans, nous aurions résorbé les différences tout en conservant les droits acquis.

Les engagements de retraite de l'État représentent 75 % du PIB, il faut le rappeler ! Dans un régime de répartition, le financement des pensions repose sur la création de richesse. Si la croissance ne repart pas, les niveaux de pension seront remis en cause. Sans croissance, point de salut. La convergence progressive est pertinente. Je propose un avis favorable sur la mission et le CAS car les chiffres sont sincères et la tendance à la stabilisation se confirme.

M. Daniel Raoul . - Parfait.

M. Francis Delattre . - Agnès Canayer citait le régime des marins - sur lequel j'ai rédigé un rapport il y a 18 mois. L'ingénierie informatique de ce régime s'est récemment rapprochée de celle du régime général de la sécurité sociale. Dans les ports français, au sein des quartiers des affaires maritimes, la personne en charge traite de multiples sujets ; la sécurité sociale et le régime de retraite des marins est le cadet de ses soucis. C'est pourquoi les armateurs se rendent dans les îles anglo-normandes : en quarante-huit heures, tout est réglé ! Cela explique le grand écart entre le nombre de cotisants et le nombre de bénéficiaires.

M. Michel Bouvard . - Cela explique la voie d'eau !

M. Francis Delattre . - Cela a été largement compensé. Désormais, quatre centres gèrent l'ensemble.

M. Michel Bouvard . - C'est trois de trop !

M. Francis Delattre . - Le problème est que lorsqu'un magnifique navire quitte Saint-Nazaire, seuls 10 % des mille marins sont affiliés au régime social français.

M. André Gattolin . - Pardonnez une question de béotien : je m'étonne du poids des pensions militaires dans le total : est-il lié à l'évolution démographique, à un départ en retraite plus précoce, à l'évolution des effectifs ?

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - C'est lié à un départ à la retraite très précoce, vers 47 ans en moyenne, autorisé par le statut militaire, ainsi qu'à la possibilité de cumul de la pension avec un emploi. On comprend qu'il puisse y avoir une vie civile après la vie militaire...

M. André Gattolin . - C'est donc structurel.

M. Daniel Raoul . - L'avancement de grade automatique six mois avant la retraite est-il toujours de mise ?

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - Les fameux généraux « quart-de-place »... Le vieux colbertiste que je suis plaide plutôt pour la sauvegarde de l'ENIM, qui fait partie de notre histoire ! M. Michel Bouvard . - Depuis les demi-soldes, on est devenu prudent.

M. Georges Patient , président . - Nous allons procéder au vote.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je m'abstiendrai, non pas par méfiance envers le rapporteur, mais parce qu'un travail reste à faire sur les régimes spéciaux - le personnel roulant de la SNCF part à la retraite à 52 ans et 4 mois ! Le CAS « Pensions » a de plus des moyens largement supérieurs à ses besoins de financement ; le Gouvernement déposera probablement un amendement à ce sujet lors du collectif budgétaire. Fin 2013, il avait réduit les crédits du CAS de 873 millions d'euros ! On pourrait utiliser l'excédent pour réduire les contributions patronales plutôt que de sur-prélever les collectivités locales.

M. Roger Karoutchi . - Nous suivons le rapporteur général.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

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