Rapport n° 491 (2015-2016) de M. Michel MERCIER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 mars 2016

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N° 491

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 mars 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , renforçant la lutte contre le crime organisé , le terrorisme et leur financement , et améliorant l' efficacité et les garanties de la procédure pénale ,

Par M. Michel MERCIER,

Sénateur

Tome I : rapport.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

3473 , 3510 , 3515 et T.A. 686

Sénat :

445 , 474 , 476 et 492 (2015-2016)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 23 mars 2016, sous la présidence de M. Philippe Bas , président , la commission des lois, après avoir entendu M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, le mardi 22 mars 2016, a examiné le rapport de M. Michel Mercier et établi son texte sur le projet de loi n° 445 (2015-2016) adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée , renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement , et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale . La commission des finances et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se sont saisies pour avis de dispositions du texte.

Le rapporteur a tout d'abord précisé que ce texte résultait de trois objectifs distincts ayant convergé dans le même véhicule législatif afin de renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme, achever la transposition de directives en matière pénale et de lutte contre le blanchiment et, enfin, simplifier le déroulement de la procédure pénale. Notant que ce texte s'était substantiellement étoffé après son examen à l'Assemblée nationale, passant de 34 à 91 articles, il a cependant relevé que le renforcement des mesures antiterroristes constituait une priorité et serait de nature à faciliter la sortie de l'état d'urgence. Il s'est ainsi félicité que le texte reprenne d'ores et déjà un grand nombre de mesures retenues par le Sénat dans la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste adoptée le 2 février dernier.

Après un large échange de vues, la commission des lois a adopté 100 amendements , dont 73 présentés par son rapporteur.

Les principales orientations de ces modifications tendent à :

- introduire dans le texte les mesures de lutte contre le terrorisme contenues dans la proposition de loi du 2 février qui n'y figuraient pas encore, notamment l'organisation d'un régime rigoureux d'exécution des peines pour les détenus terroristes ( article 4 nonies ), la création d'une circonstance aggravante pour criminaliser les associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ( article 4 bis A ) ou la possibilité de saisie des messages électroniques ( article 1 er bis ), afin de mieux armer l'autorité judiciaire ;

- entourer les mesures de police administrative contenues dans le texte des garanties appropriées, notamment quand un mineur fait l'objet d'une retenue administrative ( article 18 ) ou en aménageant les mesures de contrôles administratifs pouvant être décidées par l'autorité administrative pour les personnes de retour des théâtres étrangers d'opérations terroristes qui ne peuvent faire l'objet d'une judiciarisation ( article 20 ) ;

- préserver l'efficacité de la procédure pénale en encadrant strictement l'ouverture du contradictoire dans les enquêtes préliminaires ( article 24 ) et en supprimant l' article 25 qui dépossédait les juges d'instruction de la compétence d'ordonner des mises sur écoute dans le cadre de leurs informations judiciaires.

La commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale a été délibéré en conseil des ministres le 3 février 2016 et déposé le même jour à l'Assemblée nationale, le Gouvernement ayant engagé la procédure accélérée. La commission des lois a désigné comme rapporteurs nos collègues députés Pascal Popelin 1 ( * ) et Colette Capdevielle 2 ( * ) et établi son texte au cours de sa réunion du 17 février. Les députés ont débattu du projet de loi les 1 er , 2 et 3 mars et l'ont adopté, à une très large majorité, lors d'un vote solennel le 8 mars.

Au cours de ces débats parlementaires, le projet de loi a été substantiellement enrichi par la commission des lois et les députés en séance publique puisque le texte transmis au Sénat compte désormais 91 articles , contre 34 dans le projet initial.

Les dispositions soumises à l'appréciation de votre Haute assemblée constituent le produit de trois objectifs distincts qui ont convergé dans le même véhicule législatif :

- renforcement des dispositifs permettant de lutter contre le terrorisme : à la suite des attentats sanglants qui ont endeuillé notre pays en janvier et novembre 2015, il est apparu nécessaire de renforcer notre dispositif juridique de lutte antiterroriste, ainsi que le chef de l'État l'avait annoncé lors de la réunion du Congrès du 16 novembre 2015 ;

- achever la transposition de directives européennes en matière de procédure pénale et de lutte contre le blanchiment, dont les dates limites de transposition arrivent à échéance en 2016 ou en 2017 ;

- simplifier le déroulement des procédures pénales et alléger un certain nombre de formalités complexifiant le travail des enquêteurs , conformément aux annonces faites par le Premier ministre le 14 octobre 2015.

Outre ces trois objectifs initiaux, les députés ont complété le projet de loi par des articles additionnels tendant à y réintroduire les dispositions déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne (dite loi « DADUE ») pour absence de lien avec l'objet de cette loi 3 ( * ) .

Ils n'ont, par ailleurs, pas souscrit au choix du Gouvernement de demander au Parlement une habilitation à transposer les directives par la voie d'ordonnances et décidé d'insérer dans le projet de loi le texte même de ces transpositions.

Votre rapporteur porte un jugement contrasté sur l'ensemble législatif qui est ainsi soumis à son analyse et sur les conditions de l'examen parlementaire de ce projet de loi.

I. UN RENFORCEMENT ATTENDU DES MESURES ANTITERRORISTES

Depuis les attentats du mois de novembre 2015, l'état d'urgence a été déclaré par le pouvoir exécutif dans les conditions prévues par la loi du 3 avril 1955 4 ( * ) . Ce choix a été massivement approuvé par les parlementaires avec la prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 26 février par la loi du 20 novembre 2015 5 ( * ) . Puis, considérant que l'état de la menace à laquelle notre pays demeure exposé était toujours caractéristique d'une situation de « péril imminent » 6 ( * ) , le Gouvernement a soumis au Parlement, qui l'a acceptée, une deuxième prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 26 mai 2016 7 ( * ) .

Comme votre rapporteur l'avait souligné dans son rapport sur le projet de loi de deuxième prorogation 8 ( * ) , s'il ne fait pas de doute que la France reste particulièrement exposée à un risque d'attentat terroriste, une telle situation, sans manifestation apparente de ce péril, ne saurait justifier à elle seule le maintien de l'état d'urgence, dont il convient au surplus de prouver l'efficacité sur le plan de la lutte antiterroriste.

Ainsi que l'avait souligné le Conseil d'État dans son avis sur ce même projet de loi, « lorsque, comme cela semble être le cas, le "péril imminent" ayant motivé la déclaration de l'état d'urgence trouve sa cause dans une menace permanente, c'est à des instruments pérennes qu'il convient de recourir ».

À cet égard, votre rapporteur relève que le Sénat a parfaitement fait sienne cette analyse en inscrivant à son ordre du jour, le 2 février dernier, l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste qui avait été déposée dès le 17 décembre 2015 par les présidents Philippe Bas, Bruno Retailleau, François Zocchetto et votre rapporteur. Ce texte, adopté par le Sénat le 2 février, avait ainsi pour but de renforcer les moyens judiciaires de la lutte antiterroriste, en abordant les trois grandes phases de la procédure que constituent les investigations (enquête et instruction), le jugement et l'application des peines. C'est du reste dans cette direction que le chef de l'État avait demandé au Gouvernement d'élaborer des propositions après les attentats du 13 novembre dernier 9 ( * ) .

Votre rapporteur relève avec satisfaction que de nombreuses dispositions votées par le Sénat ont été reprises dans le texte du Gouvernement, certaines d'entre elles ayant même été introduites par les députés par amendements.

L'objectif des mesures contenues dans le chapitre I er du titre I er du projet de loi est ainsi d'accroître les prérogatives des magistrats spécialisés dans la lutte antiterroriste. Le parquet se voit à cette occasion reconnaître, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, des prérogatives quasiment équivalentes aux magistrats instructeurs, aussi bien en enquête de flagrance qu'en enquête préliminaire.

Cette évolution ouvre au demeurant la voie à deux réflexions complémentaires :

- elle justifie d'autant plus, s'il en était besoin, l'inscription rapide dans notre droit de réelles garanties d'indépendance pour les membres du parquet, qui devraient se matérialiser par le fait de donner au Conseil supérieur de la magistrature un pouvoir d'avis conforme sur la nomination de ces magistrats, conformément au texte du projet de loi constitutionnelle adopté par le Sénat le 4 juillet 2013 10 ( * ) ;

- elle suppose de se pencher sereinement et de manière approfondie sur les équilibres entre, d'une part, l'instruction, qui ne représente plus qu'entre 3 et 4 % des procédures pénales, et, d'autre part, les enquêtes conduites par le parquet, et, au sein de ces dernières, sur le fonctionnement du tandem procureur de la République/juge des libertés et de la détention, ce qui pose la question du statut de ce magistrat du siège appelé à jouer un rôle de plus en plus important en matière de contrôle des enquêtes du parquet 11 ( * ) .

Les dispositions du projet de loi comportent par ailleurs des mesures tendant à améliorer les conditions de la lutte contre le financement du terrorisme ( chapitre IV du titre I er ), qui auraient dû être inscrites dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, actuellement en cours d'examen par le Conseil d'État, mais que le Gouvernement a souhaité anticiper.

Enfin, elles se sont également enrichies de différentes mesures de police administrative, contenues dans le chapitre V du titre I er , visant à renforcer les dispositifs de contrôle sur les personnes pour lesquelles existent des raisons sérieuses de penser que leur comportement est en lien avec des activités terroristes. Dans ce cadre et dans le droit fil d'une mesure également annoncée par le Président de la République lors de la réunion du Congrès, des dispositions du texte visent à sécuriser les conditions juridiques d'usage par les forces de l'ordre de leur arme à feu en cas d'attaque terroriste, dans le respect des principes de proportionnalité et de nécessité.

Votre rapporteur ne doute ni de l'utilité de l'ensemble de ces dispositions, ni de l'urgence de les transcrire au plus vite dans le droit positif. La gravité de la situation actuelle commande une réponse sans faiblesse de la part de l'État, justifiant l'édiction de nouvelles dispositions antiterroristes dans notre législation.

Il se déclare en revanche plus réservé sur le volet de ce texte consacré à la procédure pénale, moins pour des raisons de fond, quoique des dispositions introduites par les députés prêtent à l'évidence à discussion, que pour les délais dans lesquels le Sénat est appelé à se prononcer sur ces dispositions.

II. UNE NOUVELLE RÉFORME DE LA PROCÉDURE PÉNALE

Le titre II du projet de loi, qui comporte désormais 37 articles, est consacré à la procédure pénale.

Le but premier de la volonté du Gouvernement de légiférer dans ce domaine, moins d'un an après l'entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015 12 ( * ) , et alors même que la procédure pénale a été profondément revisitée par la loi du 15 août 2014 13 ( * ) , repose tout d'abord sur l'obligation de transposer une importante directive européenne en matière pénale 14 ( * ) avant le 27 novembre 2016.

Ce volet fait également suite à deux rapports qui ont été remis au garde des sceaux, ministre de la justice, sur le rôle du ministère public 15 ( * ) et sur le déroulement de la procédure pénale 16 ( * ) .

Enfin, à la suite de manifestations d'organisations syndicales de policiers à l'automne dernier, le Gouvernement a annoncé son souhait de procéder à des simplifications de la procédure pénale, dans le domaine de la garde à vue, des enquêtes de police judiciaire ou du traitement en temps réel.

Comme indiqué ci-dessus, les députés ont complété ce volet en réintroduisant de nombreuses modifications de procédure pénale et de droit pénal général qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel dans la loi « DADUE ».

Le choix de procéder à l'examen de l'ensemble de ces dispositions, dont l'extrême urgence n'est pas avérée, est en revanche discutable .

En effet, il apparaît tout d'abord que le texte ne contient, en définitive, que peu de mesures de simplification. Le Gouvernement a indiqué que les dispositions du projet de loi devraient, à cet égard, être complétées par des mesures d'ordre réglementaire.

En outre, le texte aborde la question de l'ouverture du contradictoire dans les enquêtes préliminaires les plus longues 17 ( * ) , dans des conditions qui, selon l'analyse de votre rapporteur, risquent d'en compromettre l'efficacité. Au surplus, une telle évolution n'est en rien commandée par des exigences constitutionnelles ou conventionnelles. Elle ne s'inscrit pas davantage dans la perspective d'une révision d'ensemble de la procédure pénale, contrairement aux préconisations des rapports commandés par le Gouvernement.

Enfin, le texte met de côté la question de la collégialité de l'instruction 18 ( * ) , reportée à de multiples reprises, qui devrait pourtant entrer en vigueur le 1 er janvier prochain.

Malgré les délais excessivement courts laissés au Parlement pour examiner ces dispositions, votre commission a reconnu l'utilité de plusieurs d'entre elles et s'est efforcée de les améliorer avec le souci de respecter les grands principes qui irriguent la procédure pénale française.

III. UN PROJET DE LOI QUI S'EST ÉTOFFÉ

A. LE TEXTE DU PROJET DE LOI INITIAL

Dans sa version issue des délibérations du conseil des ministres, le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale comptait trente-quatre articles s'articulant autour de trois titres .

1. Le titre Ier contient les dispositions relatives à la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement


Son chapitre I er est consacré à l'efficacité des investigations judiciaires.

Alors que le droit en vigueur autorise les perquisitions nocturnes (de 21 heures à 6 heures du matin) dans les locaux à usage d'habitation pour les seules enquêtes de flagrance en matière de criminalité organisée, l' article 1 er permet la réalisation de telles perquisitions de nuit dans le cadre des enquêtes préliminaires et informations judiciaires, uniquement pour les infractions terroristes et à la condition que l'opération soit nécessaire afin de prévenir un risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique .

L' article 2 autorise, dans le cadre des enquêtes du parquet et informations judiciaires en matière de criminalité organisée, l'utilisation de l' IMSI catcher , pour une durée d'un mois renouvelable une fois, aux fins de recueil des données de connexion permettant l'identification d'un équipement terminal ou du numéro de son utilisateur.

L' article 3 poursuit deux objectifs distincts. D'une part, il élargit l'utilisation, en matière de répression de la criminalité organisée , de la technique dite de sonorisation et de fixation d'images dans les lieux privés, actuellement réservée aux seules informations judiciaires, aux enquêtes conduites par le parquet. D'autre part, il donne au parquet, dans le cadre des enquêtes menées en matière de criminalité organisée, la possibilité d'effectuer des captations de données informatiques à distance.

L' article 4 limite la compétence exclusive de la juridiction parisienne d'application des peines aux personnes condamnées par les juridictions parisiennes, alors qu'actuellement cette compétence s'étend à toutes les personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions terroristes, y compris celles d'apologie du terrorisme pour lesquelles les juridictions parisiennes n'ont pas exercé leur compétence concurrente.


• Son chapitre II traite du renforcement de la protection des témoins.

L' article 5 prévoit la possibilité pour les juridictions de jugement d'ordonner le huis clos pour l'audition de témoins en cas de danger pour leur vie, leur intégrité physique ou psychique, ou celles des membres de leur famille.

L' article 6 étend les possibilités de témoignage avec identification par numéro lors des audiences publiques et pose un fondement légal au dispositif de protection et de réinsertion des témoins.


• Son chapitre III porte des dispositions améliorant la lutte contre, d'une part, les infractions en matière d'armes et, d'autre part, la cybercriminalité.

L' article 7 a pour objet de redéfinir le régime d'autorisation et d'acquisition des armes de catégories B et C et de durcir le régime d'acquisition et de détention des armes de catégorie D. Il étend le champ d'application du fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA) pour y inclure les personnes interdites d'acquisition en raison d'une condamnation pour une infraction pénale mentionnée à l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure. Enfin, il institue une nouvelle procédure administrative permettant au représentant de l'État d'interdire préventivement à une personne d'acquérir une arme de catégorie B, C ou D.

L' article 8 étend le champ du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) en y incluant les infractions relatives aux armes et aux explosifs définies par le code de la défense et le code de la sécurité intérieure. Par ailleurs, il supprime la condition de commission en bande organisée des infractions relatives aux armes afin que ces infractions relèvent de la criminalité organisée. Il autorise enfin les forces de l'ordre à procéder à la technique du « coup d'achat » 19 ( * ) en matière d'infractions relatives aux armes.

L' article 9 augmente les quantums des peines encourues pour certaines infractions relatives aux armes.

L' article 10 vise à autoriser les agents des douanes à mener des infiltrations pour réprimer le trafic d'armes, de munitions ou d'explosifs ainsi qu'à effectuer des « coups d'achat » dans le cadre de la répression de ces infractions.

L' article 11 précise la compétence des juridictions en cas d'infraction sur un réseau de communications électroniques et prévoit l'application de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées aux délits d'atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données et aux délits d'évasion, lorsqu'ils sont commis en bande organisée.


• Son chapitre IV est consacré à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

L' article 12 crée un nouveau délit terroriste pour punir l'importation, l'exportation de biens culturels issus de théâtres d'opérations de groupements terroristes.

L' article 13 donne au pouvoir réglementaire la possibilité de fixer un plafond aux cartes prépayées.

Les articles 14 et 15 visent à renforcer l'efficacité de Tracfin dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. L' article 14 autorise Tracfin à exiger des établissements soumis au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme des obligations de vigilance spécifiques à certaines opérations ou personnes présentant des risques élevés de financement du terrorisme. L' article 15 instaure un droit de communication au profit de Tracfin pour les entités chargées de gérer les systèmes de paiement.

L' article 16 instaure une présomption de culpabilité de droit en matière de blanchiment douanier pour établir un lien entre des fonds dont l'origine n'est pas justifiée et un délit douanier.


• Enfin, le chapitre V comporte des mesures de renforcement des contrôles administratifs

Ainsi, l'article 17 a pour objet d'étendre le champ de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale, relatif aux contrôles d'identité et à la fouille des véhicules ordonnés par le procureur de la République, pour permettre la fouille des bagages.

L'article 18 institue un dispositif de retenue administrative, d'une durée maximale de quatre heures, à des fins de vérification de la situation administrative d'une personne dont il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste ou qu'elle est en relation directe et non fortuite avec une personne ayant un tel comportement, en particulier pour approfondir les vérifications et consulter les fichiers de police. Cette mesure s'inspire de la retenue pour vérification d'identité, définie à l'article 78-3 du code de procédure pénale.

L'article 19 crée un cas spécifique d'usage des armes à feu, en le qualifiant d'acte nécessaire à la sauvegarde des personnes au sens de l'article 122-7 du code pénal, en cas d'utilisation par les policiers, militaires et douaniers de leur arme, lorsqu'un ou plusieurs homicides volontaires ou tentatives viennent d'être commis et qu'il existe des raisons réelles et objectives de craindre une réitération de tels actes dans un temps rapproché, pour faire obstacle à cette réitération.

L' article 20 propose l'instauration d'un système de contrôle administratif des personnes de retour sur le territoire national des théâtres d'opérations de groupements terroristes. À cet effet, le ministre de l'intérieur se verrait reconnaître la capacité, pour une durée maximale d'un mois, d'assigner une personne à résidence dans un périmètre géographique compatible avec une vie familiale et professionnelle normale, cette assignation pouvant être assortie d'une obligation de demeurer dans un lieu d'habitation pendant une plage horaire maximale de huit heures par jour ainsi que d'une obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite de trois présentations par semaine. En outre, le ministre de l'intérieur pourrait également obliger une telle personne, pour une durée maximale de trois mois renouvelable une fois, à déclarer son domicile et tout changement de domicile, déclarer ses identifiants de tout moyen de communication, signaler ses déplacements à l'extérieur d'un périmètre déterminé et lui interdire de se trouver en relation avec certaines personnes nommément désignées. Les obligations prononcées par le ministre de l'intérieur pourraient être suspendues en tout ou partie dans les cas où la personne accepterait de participer, dans un établissement habilité à cet effet, à une action destinée à permettre sa réinsertion et l'acquisition des valeurs de citoyenneté. Le non-respect des obligations prononcées en application de ce nouveau régime administratif serait puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Enfin, l' article 21 permet aux organisateurs d'évènements d'une certaine importance (comme une compétition sportive internationale), faisant craindre un risque terroriste, de demander l'avis préalable de l'autorité administrative pour autoriser les personnes n'étant ni spectateurs, ni participants, à accéder aux installations ou à l'établissement concernés.

2. Le titre II regroupe les articles ayant pour objectif de renforcer les garanties de la procédure pénale et de simplifier son déroulement


Son chapitre I er est consacré aux garanties de la procédure pénale.

L' article 22 vise à consacrer le rôle, les prérogatives et les obligations du procureur de la République en sa qualité de directeur de la police judiciaire. Il porte également obligation pour ce dernier de veiller à ce que les investigations soient menées à charge et à décharge.

L' article 23 institue une procédure disciplinaire d'urgence applicable aux officiers et agents de police judiciaire, à la requête du procureur général, en cas de manquement professionnel grave ou d'atteinte grave à l'honneur ou à la probité, permettant une suspension de l'exercice des fonctions de police judiciaire pour une durée maximale d'un mois.

L' article 24 instaure une procédure contradictoire dans le cadre des enquêtes préliminaires en cours depuis plus d'un an. Six mois après l'accomplissement d'une audition libre, d'une garde à vue, d'une perquisition ou d'une saisie, la personne objet de l'un de ces actes pourrait demander au procureur de la République de consulter le dossier de la procédure pour faire des observations. Dans le cas où le procureur estimerait son enquête en état d'être communiquée et sauf en cas de décision de classement sans suite, le procureur serait alors tenu d'aviser la personne ou son avocat de la mise à disposition d'une copie de la procédure et de la possibilité de formuler des observations pendant le délai d'un mois. Pendant ce délai, le procureur ne pourrait prendre aucune décision sur l'action publique, hors l'ouverture d'une information judiciaire ou décision de défèrement devant la juridiction de jugement. Cette communication du dossier et le recueil d'observations pourrait également intervenir à tout moment à l'initiative du procureur. Le procureur apprécierait enfin les suites à donner à ces observations, ses décisions étant insusceptibles de recours.

L' article 25 vise à encadrer les modalités d'interceptions des correspondances, placées sous l'autorité du juge judiciaire, émises par la voie des télécommunications.

Dans le prolongement de recommandations formulées par la Cour de cassation dans ses rapports annuels, l' article 26 renforce certaines garanties en matière de détention provisoire, notamment en encadrant les délais dans lesquels la chambre de l'instruction doit, après cassation, statuer sur le contentieux de la détention.

L' article 27 précise que toute personne arrêtée en mer doit être présentée dans les plus brefs délais à un juge si elle fait l'objet d'une mesure de garde à vue à son arrivée sur le sol français.


• Son chapitre II comporte des dispositifs tendant à simplifier le déroulement de la procédure pénale.

L' article 28 supprime une disposition législative qui mentionne la délivrance par le procureur général d'une habilitation spécifique en cas de suppléance d'un officier de police judiciaire, dans la perspective d'une simplification, effectuée par la voie réglementaire, des modalités d'habilitation.

L' article 29 encadre la possibilité de formuler une demande de mise en liberté par une personne placée en détention provisoire en prévoyant qu'aucune nouvelle demande n'est recevable tant qu'il n'a pas été statué, dans les délais légaux, sur la précédente. Il permet également de placer sous contrôle judiciaire une personne qui était placée en détention provisoire et qui a été libérée pour irrégularité procédurale.

L' article 30 autorise les délégués et médiateurs du procureur de la République à remettre les convocations en justice et à notifier les ordonnances pénales contraventionnelles. Il permet également aux juges et aux greffiers de notifier la date et le lieu d'une prochaine audience aux personnes poursuivies et non détenues dont la présentation en vue d'une comparution immédiate n'a pu avoir lieu.

L' article 31 autorise les officiers et agents de police judiciaire à contrôler l'identité de toute personne pour laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle viole les obligations résultant d'un contrôle judiciaire ou d'une peine.

3. Le titre III est consacré aux dispositions diverses


• Son chapitre I er , qui se compose d'un unique article 32 , est consacré aux caméras piétons. Cet article pérennise l'expérimentation, menée depuis fin 2013, consistant à équiper les forces de l'ordre de caméras mobiles pour enregistrer leurs interventions sur la voie publique.


• Son chapitre II contient un article 33 qui prévoit de nombreuses habilitations du Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances, afin de transposer et mettre en conformité le droit français avec les normes de l'Union européenne, avec les exigences internationales issues de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et avec plusieurs décisions d'inconstitutionnalité rendues par le Conseil constitutionnel. Ces habilitations doivent également permettre de simplifier et de renforcer l'efficacité des dispositifs en matière de saisies et confiscations, de rendre obligatoire le recours à la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) lors d'interceptions judiciaires, et enfin de permettre l'application des modifications législatives outre-mer.


• Enfin, le chapitre III compte exclusivement l' article 34 qui contient les mesures nécessaires à l'application outre-mer du projet de loi.

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Discuté par les députés les 1 er , 2 et 3 mars dernier en séance publique, le projet de loi a fait l'objet de modifications substantielles. Alors qu'il ne comportait que 34 articles dans sa version initiale, le projet de loi en compte désormais 91 .

Outre les modifications qu'elle a apportées aux articles d'origine, l'Assemblée nationale a introduit, notamment sur proposition de la commission des lois, un grand nombre d'articles additionnels. Une grande partie de ces ajouts peut se classer en trois catégories :

- certains articles constituent la stricte reprise de dispositions qui étaient comprises dans la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne (dite loi « DADUE »), dans sa version définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 23 juillet 2015, et qui ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 13 août 2015 20 ( * ) en raison de leur absence de lien avec le texte d'origine ;

- certains articles ont vocation à insérer dans le texte des dispositions que le Gouvernement envisageait de prendre par ordonnances en application de l'article 33 du projet de loi ;

- enfin, certains articles constituent la reprise de mesures que le Sénat avait adoptées le 2 février dernier dans la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste.

1. Les modifications apportées en matière de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme

L'Assemblée nationale a apporté de nombreuses modifications aux articles du titre I er qui en compte désormais 39.


• Au chapitre I er (renforcement des investigations judiciaires), l'Assemblée nationale a tout d'abord précisé que les perquisitions nocturnes ne pourraient être effectuées, en matière d'enquêtes préliminaires ou d'informations judiciaires portant sur des infractions terroristes, que pour prévenir un risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité de la personne désormais qualifié de sérieux et prévu la motivation spécifique du choix d'une perquisition en dehors des heures légales ( article 1 er ).

S'agissant du recours à l' IMSI catcher ( article 2 ), les députés ont précisé que :

- cette technique ne pouvait être utilisée pour une finalité autre que celle de la recherche et de la constatation des infractions pour lesquelles elle a été autorisée ;

- l'autorisation dans le cadre d'une information judiciaire pouvait être délivrée pour une durée maximale de deux mois renouvelable, sans pouvoir excéder six mois ;

- la décision d'autorisation n'est susceptible d'aucun recours ;

- procès-verbal est dressé des opérations de recueil des données au moyen de cette technique ;

- un décret en Conseil d'État détermine les conditions de centralisation de ces données au sein de la PNIJ à compter du 1 er janvier 2017 ;

- les données collectées étaient détruites à l'expiration du délai de prescription de l'action publique ou lorsqu'une décision définitive a été rendue au fond.

L'Assemblée nationale a ensuite complété ce chapitre par huit articles additionnels ayant respectivement pour but de :

- exclure les parlementaires et membres des « professions protégées » (magistrat, avocat, journaliste) de la mise en oeuvre des techniques d'enquête et des procédures relatives à la criminalité organisée à raison de l'exercice de leur mandat ou de leur profession ( article 2 bis ) ;

- porter la durée de détention provisoire applicable à l'instruction des délits terroristes de quatre à six mois , cette détention pouvant, comme dans le droit en vigueur, être renouvelée pour la même durée, dans la limite de deux ans pour les délits terroristes et de trois ans pour le délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ( article 3 bis ) ;

- comme l'avait proposé le Sénat dans la proposition de loi votée le 2 février dernier, insérer, parmi les obligations du sursis avec mise à l'épreuve, la possibilité d'astreindre une personne condamnée pour une infraction terroriste à faire l'objet d'une prise en charge visant à la « déradicalisation » ( article 4 bis ) ;

- prévoir l'application de plein droit d'une période de sûreté pour les crimes et délits terroristes punis de dix ans d'emprisonnement et, comme l'avait proposé votre commission lors de l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste, prévoir que la cour d'assises peut, par décision spéciale, prononcer la réclusion criminelle à perpétuité sans possibilité d'aménagement de peine ( article 4 ter A ) ;

- étendre aux personnes condamnées pour terrorisme la possibilité pour la juridiction de jugement de prononcer le suivi socio-judiciaire ( article 4 ter B ) ;

- donner au pouvoir réglementaire la possibilité d'inclure dans le « deuxième cercle » de la communauté du renseignement des services placés sous l'autorité du ministre de la justice afin que les services chargés du renseignement pénitentiaire puissent demander au ministre la mise en oeuvre de techniques de recueil de renseignement ( article 4 ter ) ;

- permettre aux associations, qui devront être habilitées à cet effet, regroupant des victimes d'un attentat terroriste particulier de se constituer partie civile dans la procédure concernant cet attentat, sans exiger une condition d'ancienneté de cinq ans, à l'instar de ce que prévoit l'article 2-15 pour les victimes d'accidents collectifs ( article 4 quater ) ;

- augmenter les sanctions à l'encontre des personnes refusant de répondre aux réquisitions des officiers de police judiciaire, comme l'avait proposé l'article 3 de la proposition de loi sénatoriale ( article 4 quinquies ).


• S'agissant des dispositions prévues au chapitre II relatif à la protection des témoins ( articles 5 et 6 ), l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, a encadré l'utilisation des huis clos partiels et du témoignage sous numéro, notamment en excluant leur usage en cas de menaces à l'intégrité psychique.


• Au chapitre IV relatif à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, l'Assemblée nationale a :

- complété le délit de trafic de biens culturels émanant de théâtres d'opérations de groupements terroristes en incriminant également le « transport » de biens culturels, porté les peines de ce délit à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende et prévu une circonstance aggravante de ce délit qui serait alors puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ( article 12 ) ;

- autorisé le plafonnement des chargements, des remboursements et des retraits des cartes prépayées ( article 13 ) ;

- dégagé de toute responsabilité pénale les établissements de crédits qui, par le biais du droit au compte, participeraient au délit de financement du terrorisme ( article 14 bis ) ;

- autorisé Tracfin à accéder directement au fichier « traitement des antécédents judiciaires » ( article 15 bis ) ;

- permis aux agents de l'administration des douanes de procéder à des prélèvements d'échantillons dans le cadre de l'ensemble de leurs missions ( article 16 bis ) ;

- autorisé les agents de l'administration des douanes à enquêter sous pseudonyme sur Internet, avec le dispositif dit de « cyber-patrouille » ( article 16 ter ) ;

- encadré strictement l'obligation de déclaration des moyens de paiement pour présumer plus facilement le délit de blanchiment ( article 16 quater ) ;

- augmenté la peine d'amende applicable en cas de manquement à l'obligation déclarative à la moitié de la somme non déclarée ( article 16 quinquies ) ;

- prévu la compétence du parquet national financier pour les délits d'association de malfaiteurs des infractions pour lesquelles il est déjà compétent et qui sont punies d'au moins cinq années d'emprisonnement ( article 16 sexies ) ;

- précisé que la compétence du procureur de la République financier était maintenue lorsqu'à l'issue de l'enquête, l'instruction ou l'audience, aucune des infractions qui fondent en principe sa compétence n'était retenue ( article 16 septies ).


• S'agissant des dispositifs prévus par le chapitre V relatif aux contrôles administratifs, plusieurs modifications ont été introduites par les députés.

L' article 17 , qui autorise le procureur de la République à ordonner la fouille des bagages dans les mêmes conditions que la fouille des véhicules, a été modifié pour prendre en compte les apports résultant de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

L'article 18 a fait l'objet de nombreuses modifications :

- le fait d'être en relation directe et non fortuite avec une personne ayant un comportement lié à des activités à caractère terroriste, pouvant justifier une mesure de rétention, a été supprimé ;

- pendant la retenue administrative, les organismes internationaux de coopération en matière de police, comme les services étrangers, peuvent être sollicités ;

- les garanties de la personne retenue ont été étendues : elle est informée de la durée de la mesure et aucune audition ne peut intervenir pendant la retenue ;

- si la personne est mineure, elle doit être accompagnée de son représentant légal pendant la durée de la retenue ou, en cas d'impossibilité, le procureur de la République doit donner son accord exprès à la mesure.

Deux articles supplémentaires ont ensuite été insérés dans ce chapitre : l'article 18 bis qui rétablit l'autorisation de sortie du territoire signée par les titulaires de l'autorité parentale et l' article 18 ter qui institue une procédure d'urgence permettant au procureur de la République, s'il existe des éléments sérieux laissant supposer que l'enfant s'apprête à quitter le territoire, de prononcer à l'encontre d'un mineur une interdiction de sortie du territoire, dont la mention est faite au fichier des personnes recherchées (FPR) pour une durée maximale de deux mois, à charge pour le procureur de saisir le juge des enfants dans un délai de huit jours afin de maintenir ou ordonner la mainlevée de la mesure.

L'article 19 , relatif à l'autorisation d'ouverture du feu par les forces de l'ordre contre l'auteur d'une action criminelle susceptible de commettre à nouveau de tels faits, a fait l'objet d'une réécriture afin de préciser que l'appréciation de la situation faite par l'agent ou le militaire s'effectue en fonction des informations dont il dispose à cet instant.

Pour ce qui concerne les mesures de contrôle administratif applicables aux personnes de retour des théâtres étrangers d'opérations de groupements terroristes ( article 20 ), l'Assemblée nationale a précisé que :

- ces mesures ne pouvaient s'appliquer qu'aux personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles avaient rejoint ou tenté de rejoindre un tel théâtre d'opérations ;

- le ministre devait informer préalablement le procureur de la République avant de prononcer les obligations ;

- seules les personnes ayant effectivement rejoint un théâtre étranger pouvaient être assignées à résidence et être astreintes aux obligations périodiques de présentation auprès des services de police ou unités de gendarmerie ;

- les obligations devaient être levées aussitôt que les conditions préalables à leur mise en oeuvre n'étaient plus réunies ;

- le ministre de l'intérieur devait abroger ses décisions dès lors qu'une procédure judiciaire était ouverte à l'encontre d'une personne concernée par ces contrôles.

2. Les modifications en matière de procédure pénale

Le titre II du projet de loi, consacré au renforcement des garanties de la procédure pénale et à la simplification de son déroulement, a été substantiellement étoffé par l'Assemblée nationale. Il comporte désormais 37 articles , alors que le projet de loi initial n'en comptait que dix.


• S'agissant du chapitre I er relatif aux garanties de la procédure pénale, plusieurs aménagements et ajouts ont été effectués.

À l' article 22 relatif à la consécration du rôle du procureur de la République en sa qualité de directeur de la police judiciaire, les députés ont ajouté une référence au plaignant, dont les droits doivent être pris en compte.

S'agissant de l' article 24 qui instaure une procédure de contradictoire dans les enquêtes préliminaires conduites par le parquet, il convient de relever que la commission des lois, sur proposition de sa rapporteure, avait substantiellement élargi le champ de ce dispositif en assujettissant l'ensemble des enquêtes préliminaires à cette nouvelle procédure, sans référence aux délais ni aux actes à l'issue desquels une demande d'accès à la procédure pouvait être formulée.

Le Gouvernement s'est opposé à cet élargissement jugeant qu'il constituait « un bouleversement majeur, totalement inapplicable et sur le fond profondément injustifié, de la procédure pénale ». Il a en conséquence déposé un amendement de rédaction globale de cet article, adopté par les députés en séance publique, se substituant à la version de la commission des lois et revenant à un dispositif plus proche du projet de loi initial. L'économie générale du dispositif retenu par l'Assemblée nationale est la suivante :

- tout en ne rétablissant pas le critère de l'enquête préliminaire de plus d'un an, l'amendement maintient la condition consistant en une demande formée par une personne ayant fait l'objet, six mois auparavant, d'une mesure d'enquête (audition libre, garde à vue, perquisition, saisie) ;

- la consultation du dossier et la formulation d'observations ne pourra intervenir que lorsque le procureur estimera que l'enquête est terminée et s'il envisage de poursuivre la personne par citation directe ou convocation par officier ou agent de police judiciaire, à l'exclusion donc d'une décision d'ouverture d'information judiciaire, d'ordonnance pénale, de recours à la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité ou de défèrement ;

- le dispositif a été restreint aux seules infractions punies d'une peine privative de liberté ;

- la victime dispose du même droit à consultation et à formuler des observations seulement si elle a déposé plainte ;

- la demande est en principe adressée au procureur saisi des faits, et uniquement à défaut, si cette information n'est pas connue de la personne, au procureur de la République dans le ressort duquel l'enquête a été menée ;

- la demande de règlement contradictoire de l'enquête ne pourra être formée que par les personnes ayant fait l'objet d'un acte de procédure après l'entrée en vigueur de la loi, et non pas par toutes les personnes déjà entendues six mois auparavant. Le procureur pourra toutefois, dès cette entrée en vigueur, communiquer le dossier à son initiative.

L'Assemblée nationale a également introduit différents articles additionnels dans ce chapitre ayant pour objet de :

- exclure les titulaires d'un mandat parlementaire et les membres des « professions protégées » des opérations de géolocalisation en temps réel à raison de l'exercice de leur mandat ou de leur profession ( article 25 bis A ) ;

- prévoir un régime de perquisition spécifique lorsque ces opérations ont lieu dans les locaux d'une juridiction ou au domicile d'une personne exerçant des fonctions juridictionnelles, régime rendu nécessaire par la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-506 QPC du 4 décembre 2015 ( article 25 bis ) ;

- en cas de condamnation de l'auteur d'une infraction pénale à verser des dommages-intérêts à la partie civile, faire obligation à la juridiction de jugement d'informer la partie civile de la possibilité, non seulement de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infraction d'une demande d'indemnité, mais aussi de saisir le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions d'une demande d'aide au recouvrement ( article 27 bis A ) (dispositions censurées dans la loi « DADUE ») ;

- renforcer les garanties applicables en cas de restitution d'objets placés sous main de justice, en instituant un délai à l'issue duquel le magistrat doit se prononcer sur cette restitution, permettant ainsi de contester une décision de refus de restitution, et créer une procédure nouvelle de « référé-restitution », permettant d'imposer que la décision relative à la restitution d'un objet placé sous main de justice soit prononcée dans un délai très court, si l'indisponibilité de l'objet fait courir un risque de préjudice professionnel ou économique irrémédiable ( article 27 ter ) ;

- procéder à la transposition de la directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales, initialement objet d'une habilitation à légiférer par ordonnance prévue à l'article 33 du projet de loi. À cette fin, l'Assemblée nationale a prévu le droit à l'assistance d'un avocat lors des opérations de reconstitution et de séances d'identification et a notamment consacré le droit à un avocat pour les personnes retenues en exécution d'un mandat d'arrêt ( article 27 quater ) ;

- obliger la chambre de l'instruction, quand elle renvoie devant le tribunal correctionnel, le tribunal de police ou la juridiction de proximité ou met en accusation devant la cour d'assises, à mentionner les éléments à charge et à décharge ( article 27 quinquies ) (dispositions censurées dans la loi « DADUE ») ;

- porter de quatre à six mois le délai au-delà duquel, à défaut de décision du juge de l'application des peines à la suite de la communication de la décision, le parquet peut ramener la peine à exécution ( article 27 septies ) (dispositions censurées dans la loi « DADUE ») ;

- permettre aux personnes pour lesquelles la mise à exécution de l'emprisonnement a été prononcée pour défaut de paiement de jours-amende de prévenir cette mise à exécution en s'acquittant des jours-amende restés impayés ( article 27 octies ) (dispositions censurées dans la loi « DADUE »).


• Le chapitre II porte les dispositions simplifiant le déroulement de la procédure pénale.

L' article 29 prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, aucune demande de mise en liberté ne peut être formée tant qu'il n'a pas été statué par le juge des libertés et de la détention sur une demande précédente. Les députés ont ajouté que cette irrecevabilité devait être appliquée sans préjudice des dispositions qui font obligation au juge d'instruction d'ordonner la mise en liberté d'office en cas de fait nouveau, apparu dans la procédure après la précédente demande, faisant apparaître que les conditions permettant la détention ne sont plus remplies.

En outre, les articles additionnels votés par les députés dans ce chapitre ont pour effet de :

- apporter des précisions sur le fichier des personnes recherchées, de permettre un accès direct des services pénitentiaires d'insertion et de probation au casier judiciaire et de faciliter l'accès des personnels des greffes pénitentiaires au fichier des auteurs d'infractions sexuelles et violentes ( article 31 bis A ) ;

- préciser les garanties applicables à la saisie et à la fixation du cautionnement d'un navire ayant causé une pollution, au sein du code de l'environnement, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-375 QPC du 21 mars 2014 ayant invalidé des dispositions équivalentes du code rural et de la pêche maritime, en raison du caractère non contradictoire de la procédure et de l'absence de recours effectif contre la décision autorisant la saisie et fixant le cautionnement ( article 31 bis ) ;

- instaurer une sur-amende pénale et une majoration des sanctions prononcées par certaines autorités administratives indépendantes (AAI), qui seraient prononcées par les juridictions ou les AAI compétentes ( article 31 ter ) ;

- étendre la notification des droits de la personne entendue en audition libre, prévue à l'article 61-1 du code de procédure pénale, aux auditions libres réalisées par les fonctionnaires et agents des administrations et services publics exerçant des missions de police spéciale ( article 31 quater ) ;

- modifier les dispositions du code de procédure pénale relatives aux procédures de restitution des objets placés sous main de justice, à différentes étapes de la procédure, pour prévoir que ne peuvent pas être restitués les objets ayant servi d'instrument ou étant le produit direct ou indirect d'une infraction, en conformité avec la directive 2014/42, et opérer diverses modifications du cadre juridique relatif à l'Agence de saisie et de recouvrement des avoirs confisqués (AGRASC), afin de faciliter l'exercice de ses missions ( article 31 quinquies ) ;

- donner aux magistrats chargés du contrôle des fichiers de police judiciaire un accès direct à l'application pénale « Cassiopée » 21 ( * ) ( article 31 sexies ) ;

- simplifier la procédure d'instruction au regard des délais qui sont offerts aux parties en matière d'expertise et de règlement de l'instruction, en modifiant les modalités selon lesquelles elles peuvent choisir d'y renoncer et permettre le recours à la visioconférence lors de la présentation, devant le procureur de la République et le juge des libertés et de la détention, d'une personne arrêtée en vertu d'un mandat d'arrêt ( article 31 septies ) ;

- rendre obligatoire le recours à la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), dispositions faisant initialement l'objet d'une habilitation à légiférer par ordonnance ( article 31 octies ) ;

- prévoir que le défaut d'enregistrement des débats d'une cour d'assises constitue une nullité seulement s'il est établi qu'il a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts du demandeur au pourvoi ( article 31 nonies ) ;

- prévoir la possibilité pour le président d'une cour d'assises de désigner comme lieu du délibéré ou lieu dans lequel l'accusé doit attendre la décision tout lieu hors du palais de justice ( article 31 decies ) ;

- exclure les règles avantageuses du jugement par défaut et réputer contradictoire l'arrêt de la cour d'assises à l'encontre d'un accusé prenant la fuite après que les interrogatoires sur les faits et sa personnalité ont été réalisés ( article 31 undecies ) ;

- simplifier les règles relatives à l'appel des arrêts d'assises en permettant que le premier président de la cour d'appel compétente désigne la cour d'assises d'appel, que la renonciation de l'appelant rende caduc l'appel incident du parquet, que l'appelant précise que son appel ne porte que sur la peine prononcée, et en permettant au président de la chambre des appels correctionnels de refuser un appel manifestement irrecevable lorsque certaines exigences de forme ne sont pas respectées ( article 31 duodecies ) ;

- porter de deux à six mois le délai maximal dans lequel le procureur de la République peut inviter la personne déférée à comparaître devant le tribunal par le biais d'une convocation remise par procès-verbal par l'officier de police judiciaire ( article 31 terdecies ) (dispositions censurées dans la loi « DADUE ») ;

- prévoir que les pourvois en cassation déposés en violation des obligations de délai de l'article 584 du code de procédure pénale - dans les dix jours suivant la date de la décision attaquée - et sans constitution d'avocat ne sont pas recevables devant la Cour de cassation, qui prononce leur déchéance. Il en irait de même lorsque les mémoires à l'appui des pourvois ne sont pas déposés dans le mois suivant. Toutefois, cette déchéance ne s'appliquerait pas au demandeur condamné à une peine illégale ( article 31 quaterdecies ) ;

- permettre que le jugement en appel des crimes contre l'humanité et les crimes de guerre puisse avoir lieu à nouveau à Paris par une cour d'assises autrement composée ( article 31 quindecies ) ;

- porter de huit jours à un mois le délai d'examen des requêtes en dessaisissement d'un parquet dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ( article 31 sexdecies ) (dispositions censurées dans la loi « DADUE ») ;

- dispenser d'audience les décisions portant sur la rectification des erreurs matérielles qui seraient prises par ordonnance rectificative rendue après avis des parties, à moins que le juge estime nécessaire d'entendre ces dernières ou que l'une d'elles le demande expressément ( article 31 septdecies A ) ;

- permettre le recours à la visioconférence pour la comparution devant le juge de l'application des peines en cas d'arrestation d'une personne incarcérée en cas d'inobservation par cette dernière des obligations qui lui incombaient dans le cadre de son aménagement de peine ( article 31 septdecies ) ;

- prévoir qu'en cas de non-respect par la personne condamnée à une peine de contrainte pénale de ses obligations et interdictions ou de commission par le condamné d'une nouvelle infraction, la décision prise par le président du tribunal, le juge par lui désigné ou la juridiction de jugement, de mettre à exécution l'emprisonnement est exécutoire par provision. Toutefois, en cas d'appel de cette décision, le recours devrait être examiné dans les deux mois, à défaut de quoi la personne est remise en liberté si elle n'est pas détenue pour une autre cause ( article 31 octodecies ) (dispositions censurées dans la loi « DADUE »).

3. Les modifications des dispositions diverses

Le titre III est consacré aux dispositions diverses. Il compte désormais quinze articles , contre trois dans le texte initial.

L' article 32 AA a pour objet de donner compétence à l'un des deux pôles de santé publique, celui du tribunal de grande instance de Paris ou de Marseille, pour autoriser les opérations de contrôle antidopage de nuit au domicile d'un sportif.


• Au sein du titre III, les députés ont inséré une division additionnelle ( chapitre I er A ) regroupant les dispositions relatives aux peines.

Les articles de ce chapitre, qui avaient tous été déclarés contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec le projet de loi « DADUE », ont pour objet de :

- permettre à la juridiction de prononcer la peine alternative à l'emprisonnement tendant à l'accomplissement d'un stage de citoyenneté en l'absence du prévenu si celui-ci a fait connaître son accord par écrit et qu'il est représenté par son avocat ( article 32 A ) ;

- permettre à la juridiction de prononcer la peine de travail d'intérêt général en l'absence du prévenu si celui-ci a fait connaître son accord par écrit et qu'il est représenté par son avocat ( article 32 B ) ;

- prévoir, lorsqu'une peine consiste dans l'obligation d'accomplir un stage, que la durée de celui-ci ne peut excéder un mois et son coût, s'il est à la charge du condamné, ne peut excéder le montant de l'amende encourue pour les contraventions de la troisième classe ( article 32 C ) ;

- permettre à la juridiction d'ordonner un sursis à exécution de la peine d'emprisonnement en l'assortissant d'une obligation de travail d'intérêt général en l'absence du prévenu si celui-ci a fait connaître son accord par écrit et qu'il est représenté par son avocat ( article 32 D ) ;

- prévoir le caractère exécutoire de la peine de contrainte pénale si le prévenu est absent lors de l'audience à compter du jour où il a eu personnellement connaissance de la signification ou se l'est vu personnellement notifier ( article 32 E ) ;

- clarifier l'obligation de motiver spécialement la décision de condamnation à une peine d'emprisonnement sans sursis ou ne faisant pas l'objet d'une mesure d'aménagement ( article 32 F ) ;

- supprimer les limitations actuelles (fixées à deux, sauf pour les infractions de violences ou les infractions sexuelles commises avec la circonstance aggravante de violences où cette limite est fixée à un) du nombre de sursis avec mise à l'épreuve auxquels une personne en état de récidive légale peut être condamnée ( article 32 G ) ;

- permettre au juge de l'application des peines de convertir en sursis avec mise à l'épreuve ou contrainte pénale une peine d'emprisonnement suivant la condamnation d'un délit de droit commun comportant une peine d'emprisonnement ferme de six mois au plus ( article 32 H ).


• L'Assemblée nationale a complété le chapitre I er (caméras piétons) par l' article 32 bis afin de prévoir une expérimentation des caméras piétons au bénéfice des policiers municipaux.


• Puis, un chapitre I er bis a été inséré par l'Assemblée nationale. Cette division comprend l'article 32 ter qui a pour objet de créer un chapitre spécifique au sein du code de la défense afin de prévoir une obligation d'enregistrement des transactions relatives à certaines substances pouvant entrer dans la composition d'explosifs, dont la définition est renvoyée à la liste établie par les articles 3 et 4 du règlement n° 98/2013 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013 sur la commercialisation et l'utilisation de précurseurs d'explosifs.


• S'agissant du chapitre II , l'Assemblée nationale ayant adopté plusieurs articles additionnels sur des dispositions qui faisaient l'objet, dans le texte initial, d'une habilitation à légiférer par ordonnance à l' article 33 , cet article a été modifié afin de supprimer les dispositions devenues sans objet.


• Enfin, au chapitre III (dispositions outre-mer), a été inséré un article additionnel supprimant l'exercice par le président du tribunal de première instance de Saint-Pierre-et-Miquelon des fonctions dévolues au service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) afin de permettre la création d'un véritable SPIP sur ce territoire ( article 35 ) (dispositions censurées dans la loi « DADUE »).

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

À l'occasion de l'examen du texte, votre commission a adopté 100 amendements, dont 73 de son rapporteur.

1. Les modifications apportées en matière de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme


• Au chapitre I er (renforcement des investigations judiciaires), votre commission a tout d'abord précisé et complété les modalités d'application des techniques d'enquête applicables en matière de criminalité organisée dans les conditions suivantes :

- suppression du caractère « sérieux » du risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique pour autoriser la réalisation de perquisitions de nuit ( article 1 er ) ;

- création d'un régime de saisie de données de messagerie électronique, indépendant de la perquisition, conditionné à l'existence d'une interception de correspondances électroniques ( article 1 er bis ) 22 ( * ) ;

- élargissement de l'utilisation de l' IMSI catcher à l'interception de correspondances pendant une durée de quarante-huit heures renouvelable une fois et encadrement de cette utilisation en prévoyant les conditions dans lesquelles les données ou correspondances sans lien avec l'autorisation sont détruites dans les meilleurs délais ( article 2 ) ;

- précision que quand la technique de la sonorisation des lieux privés a été autorisée par le juge des libertés et de la détention au bénéfice du parquet, ce magistrat est informé dans les meilleurs délais par le procureur de la République des actes accomplis en application de ces dispositions ainsi que de leurs résultats ( article 3 ) ;

- autorisation donnée au procureur de la République et au juge d'instruction de requérir de toute personne qualifiée la réalisation d'un dispositif technique permettant la captation à distance des données, mais également de recourir aux moyens de l'État soumis au secret de la défense nationale, ces dispositifs étant en tout état de cause soumis à l'agrément de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) ( article 3 bis A ) ;

- organisation de la continuité des actes d'enquête pendant quarante-huit heures pour faciliter la transition entre la phase d'enquête sous l'autorité du parquet et celle de l'information judiciaire sous l'autorité des magistrats instructeurs ( article 3 bis B ) 23 ( * ) .

Par ailleurs, la commission a supprimé les dispositions relatives aux parlementaires et aux membres des professions protégées (magistrats, avocats et journalistes), les considérant déclaratoires et sans portée juridique ( article 2 bis ) et procédé à l'augmentation de la durée de détention provisoire pour les mineurs d'un âge compris entre 16 et 18 ans pour l'instruction du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et des crimes terroristes ( article 3 bis ).


• La commission a ensuite créé un chapitre I er bis visant à regrouper les dispositions relatives au renforcement de la répression du terrorisme afin d'introduire plusieurs autres mesures de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste, adoptée par le Sénat le 2 février dernier :

- création d'une circonstance aggravante permettant de criminaliser les associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste lorsqu'elles sont commises à l'étranger, ou après un séjour à l'étranger, sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes ( article 4 bis A ) ;

- création d'un délit spécifique d'entrave au blocage des services de communication en ligne faisant l'apologie d'actes de terrorisme ou provoquant à la commission de tels actes ( article 4 sexies ) ;

- exclusion des délits terroristes du champ de la contrainte pénale ( article 4 septies ) ;

- création d'un fondement légal pour la pratique du regroupement des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation dans des unités dédiées des établissements pénitentiaires pour en fixer les grands principes de fonctionnement ( article 4 octies ) ;

- création d'un régime rigoureux d'application des peines pour les personnes exécutant une peine privative de liberté pour une infraction terroriste ( article 4 nonies ).

Par ailleurs, au sein de ce chapitre, la commission a procédé aux autres modifications suivantes :

- exclusion de la compétence exclusive de la juridiction parisienne d'application des peines uniquement pour les délits d'apologie du terrorisme pour lesquels le parquet national antiterroriste ne s'est pas saisi ( article 4 ) ;

- extension de la possibilité de prescrire des actions de prise en charge de la radicalisation dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve à toutes les infractions et possibilité de prescire de telles actions dans le cadre d'un contrôle judiciaire ( article 4 bis ) ;

- aménagement des conditions dans lesquelles le renseignement pénitentiaire coopère avec les services spécialisés de renseignement et conditions dans lesquelles l'administration pénitentiaire peut contrôler les communications illégales des détenus ( article 4 ter ) ;

- renforcement des peines en cas de refus de livrer une convention de chiffrement et en cas de refus de réponse à une réquisition d'un officier de police judiciaire ( article 4 quinquies ).

• Au chapitre II (dispositions renforçant la protection des témoins), votre commission a adopté une précision visant à garantir l'exercice des droits de la défense ( article 6 ).

• Au chapitre III (dispositions améliorant la lutte contre les infractions en matière d'armes et contre la cybercriminalité), votre commission a opéré plusieurs modifications.

À l'article 7 , elle a limité le champ de l'interdiction d'acquisition ou de détention d'armes de catégorie D aux seules armes de cette catégorie soumises à enregistrement et a procédé à la réécriture de l'article L. 321-3 du code de la sécurité intérieure, relatif aux condamnations motivant une interdiction d'acquisition et de détention d'armes de catégorie B, C et D soumises à enregistrement, pour en étendre le champ à diverses infractions, (actes de terrorisme, association de malfaiteurs, participation à un groupe de combat interdit ainsi que les infractions nouvelles relatives aux armes créées par l'article 9 du présent projet de loi).

À l'article 8 , elle a étendu le champ du périmètre du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) aux nouvelles infractions relatives au trafic d'armes créées par l'article 9.

À l'article 8 bis , votre commission a intégré dans le champ de la criminalité organisée les dispositions du code pénal relatives à la diffusion de procédés pour constituer des engins explosifs (art. 322-6-1 du code pénal) ainsi que le transport de produits ou de substances explosives (art. 322-11-1 du code pénal). À ce même article, la possibilité pour les forces de l'ordre de procéder à des « coups d'achat » en matière de trafic d'armes a été précisée pour autoriser l'achat, outre d'armes, d'éléments d'armes, de munitions ou d'explosifs, selon une rédaction proche du dispositif prévu par le projet de loi au bénéfice des douanes.

À l'article 9 , votre commission a créé au sein du code pénal une section nouvelle relative à la répression du trafic d'armes , afin d'aggraver les sanctions relatives aux armes de catégorie A et B. En particulier, dans le cadre de cette section, une infraction nouvelle a été créée, relative à la remilitarisation d'armes neutralisées et au fait de changer la catégorie d'une arme . À cette occasion, la rédaction des circonstances aggravantes et des peines complémentaires a été harmonisée et simplifiée.

Votre commission a également adopté, à l'article 10 , des modifications rédactionnelles aux dispositifs de « coup d'achat » et d' « infiltration » accordés aux douanes en matière de trafic d'armes.

Elle a enfin créé une juridiction spécialisée en matière de cybercriminalité eu égard à la technicité du contentieux ( article 11 ).


• Au chapitre IV (dispositions améliorant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme), votre commission a adopté plusieurs amendements du rapporteur général de la commission des finances, saisie pour avis. Afin de renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, elle a notamment procédé à :

- l'extension de l'élément moral du délit de trafic de biens culturels, en intégrant tous les biens issus de zones de conflits armés, et non les seuls théâtres d'opérations de groupements terroristes ( article 12 ) ;

- la clarification des plafonnements applicables aux cartes prépayées ( article 13 ) ;

- l'inscription des plateformes d'échange de monnaies virtuelles au sein du régime de prestataire de service de paiement et donc à leur assujettissement aux obligations de déclarations de soupçon ( article 15 ) ;

- la clarification du code de procédure pénale afin de garantir la qualité d'officier de police judiciaire aux agents du service nationale de douane judiciaire et à l'extension de leur champ de compétence aux infractions terroristes ( article 16 bis A ) ;

- la rétribution de personnes extérieures à l'administration ayant fourni des renseignements ayant permis soit la découverte de crimes ou de délits soit d'identifier les auteurs d'infractions ( article 16 bis B ) ;

- la suppression d'un dispositif dérogatoire d'infiltration sur internet, propre aux douaniers ( article 16 ter ) ;

- l'encadrement de l'obligation de justifier la provenance de sommes transférées à l'étranger ( article 16 quater ) ;

- la suppression du dispositif de maintien de la compétence du procureur de la République financier, même en l'absence d'infractions entrant dans son champ de compétence ( article 16 septies ).


• Au chapitre V (dispositions renforçant l'enquête et les contrôles administratifs), votre commission a opéré de nombreuses modifications.

L'article 17 , relatif à la possibilité de contrôler les bagages d'une personne, dans le cadre d'un contrôle ou d'une vérification d'identité ordonné par le procureur de la République pour la recherche de certaines infractions (art. 78-2-2 du code de procédure pénale), a été réécrit pour en clarifier la rédaction, y opérer à cette occasion une modification de son périmètre afin d'y inclure l'infraction de port ou de transport de matériels explosifs ainsi que les infractions nouvelles en matière d'armes comme motifs pouvant justifier la mise en oeuvre d'un tel contrôle d'identité. En outre, une modification de conséquence a été ajoutée à l'article 78-2-4 du code de procédure pénale, relatif aux contrôles administratifs d'identité, pour étendre le champ de la fouille des bagages, la rédaction de cet article résultant de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs restreignant cette possibilité à la fouille des bagages aux seuls véhicules de transport collectifs de personnes ou des emprises immobilières dédiées à cette mission.

L'article 18 , créant une retenue administrative , a fait l'objet de nombreuses modifications de votre commission, à l'occasion de sa réécriture complète. Le critère pouvant justifier la mise en oeuvre d'une telle mesure a été précisé : les « sérieuses raisons de penser que le comportement de la personne peut être lié à des activités à caractère terroriste », désormais nécessaires pour motiver une telle retenue, seront révélées par le résultat de la vérification d'identité, en particulier le fait d'être inscrit au fichier des personnes recherchées (FPR). En outre, la possibilité de prévenir une personne par la personne retenue a été rétablie et complétée par la possibilité de prévenir également l'employeur . Pour prendre en compte la nécessité de suspendre temporairement ces appels, une disposition inspirée de la garde à vue a été adoptée, permettant au procureur de la République de différer la possibilité de prévenir une personne, pour une durée maximale de deux heures .

Enfin, de nombreuses garanties ont été apportées aux mineurs en prévoyant tout d'abord la limitation de la durée de cette retenue à deux heures et la désignation d'un tuteur ad hoc en cas d'empêchement des titulaires de l'autorité parentale de l'assister pendant la retenue. Par ailleurs, le service social d'aide à l'enfance serait prévenu. Dans tous les cas, le procureur de la République devra donner un accord exprès à la mesure, s'il s'agit d'un mineur.

L'article 18 ter , qui étend les possibilités de prononcer une interdiction judiciaire de sortie du territoire en cas de carence des autorités parentales et d'un risque pour le mineur, a été complété pour permettre au juge des enfants de prononcer également la mesure d'interdiction judiciaire de sortie du territoire à titre conservatoire .

L'article 19 , dont l'objectif est de sécuriser juridiquement les agents des forces de l'ordre intervenant à la suite d'une action meurtrière contre les auteurs d'une telle action, sans se trouver dans le cadre de la légitime défense, ne permettait pas, dans sa rédaction résultant des travaux de l'Assemblée nationale de remplir cet objectif. Outre des conditions très complexes à évaluer pour l'agent et des preuves difficiles à rapporter, son fondement, sur l'état de nécessité (art. 122-7 du code pénal) et son insertion au sein du code de la sécurité intérieure en faisaient une disposition en pratique totalement inapplicable. Il a été préféré une rédaction plus simple fondée sur l'ordre de la loi de l'article 122-4 du code pénal , prévoyant que l'agent devait faire usage de son arme en cas d'absolue nécessité et d'une manière strictement proportionnée pour empêcher la réitération imminente d'une action meurtrière. L' « absolue nécessité » et la « stricte proportionnalité » sont des notions familières des agents des forces de l'ordre et correspondent aux exigences jurisprudentielles, tant de la Cour de cassation que de la Cour européenne des droits de l'homme.

Tout en admettant le principe de contrôles administratifs pour les personnes de retour des théâtres d'opérations terroristes dont la situation ne peut donner lieu à une judiciarisation (article 20) , la commission a modifié ce dispositif afin de :

- prévoir l'information systématique, non pas du procureur territorialement compétent, mais du procureur de la République de Paris ;

- porter à deux mois la durée des obligations (assignation à résidence, obligation de présentation au commissariat ou en gendarmerie et interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes nommément désignées) et supprimer la possibilité d'obligations complémentaires pouvant s'appliquer pendant six mois (obligation de fournir ses mots de passe et identifiants de communication notamment) ;

- présumer la condition d'urgence pour faciliter l'exercice du recours en référé devant la juridiction administrative.

L'article 21 a été enfin réécrit, d'une part, pour élargir le champ du dispositif de « criblage » , inséré dans la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs et, d'autre part, pour intégrer le dispositif figurant dans l'article initial, relatif à la sécurisation de grands évènements.

2. Les modifications en matière de procédure pénale


• Au chapitre I er (dispositions renforçant les garanties de la procédure pénale), votre commission a tout d'abord réaménagé les conditions dans lesquelles une « fenêtre de contradictoire » est ouverte dans les enquêtes préliminaires ( article 24 ). Afin de préserver l'efficacité de ces enquêtes, elle a :

- porté de six mois à un an le délai à partir duquel une personne peut demander à avoir accès au dossier de la procédure ;

- limité les actes susceptibles d'ouvrir le contradictoire aux seules mesures de garde à vue et d'audition libre ;

- permis au procureur de la République de décider de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (qui impose l'accord de la personne mise en cause) pendant le mois pendant lequel la personne peut formuler des observations ;

- supprimé les dispositions en vertu desquelles la personne ayant déjà fait l'objet d'une garde à vue ou d'une audition libre peut consulter le dossier avant de faire l'objet d'une nouvelle audition ou d'une garde à vue.

La commission des lois a ensuite supprimé :

- l' article 25 afin de conserver le droit existant en matière d'interceptions de correspondances, au motif qu'aucune jurisprudence constitutionnelle n'oblige à ce que ces interceptions soient motivées ou limitées dans la durée et que le transfert au juge des libertés et de la détention de la décision de placement sur écoute ne constituait pas une garantie supplémentaire ;

- l' article 25 bis A par cohérence avec sa position sur les dispositions relatives aux parlementaires et membres des « professions protégées », qu'elle a supprimées à l'article 2 bis ;

- l' article 27 au motif que le parquet français est une autorité judiciaire indépendante ;

- les dispositions de l' article 27 ter relatives au « référé-restitution » des objets saisis, au regard des conséquences non évaluées d'une telle disposition sur les juridictions.

La commission a enfin adopté des dispositions prévoyant l'information de l'avocat en cas de transport de la personne gardée à vue ( article 27 quinquies A ) et modifié les règles relatives à l'effacement de données du fichier « Traitement d'antécédents judiciaires » à la suite d'une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme ( article 27 nonies ).


• Au chapitre II (simplification du déroulement de la procédure pénale), la commission des lois a adopté plusieurs articles additionnels dont l'objet est de :

- faciliter la dématérialisation des procès-verbaux ( article 28 bis ) ;

- sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, conférer la qualité d'agent de police judiciaire aux élèves-gendarmes affectés en unité opérationnelle ( article 28 ter ) ;

- clarifier certaines règles relatives au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT) et au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes (FIJAISV) ( article 31 bis B ) ;

- consacrer l'existence des recherches en parentalité dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) ( article 31 bis C ) ;

- simplifier la procédure d'instruction, en évitant des demandes dilatoires déposés en cours de procédure ou, en toute fin d'information, lors du règlement de celle-ci ( article 31 octies A ) ;

- donner aux jurés suppléants d'assister au délibéré et réduire les possibilités d'un nouveau procès pour les personnes condamnées par défaut ( article 31 duodecies A ).

Votre commission a ensuite supprimé l' article 31 ter instaurant une majoration systématique des amendes pénales, des amendes douanières et des sanctions financières prononcées par les autorités administratives indépendantes. Elle a considéré qu'un tel dispositif, déclaré contraire à la Constitution à deux reprises, continuait à poser d'importantes difficultés constitutionnelles, au regard du principe d'individualisation des peines, de nécessité des peines mais également au regard du principe d'égalité devant la loi.

Elle a enfin a apporté les modifications suivantes :

- précision que l'irrecevabilité prévue à l'article 29 sur les demandes répétées de mise en liberté s'applique de plein droit sans ordonnance du juge d'instruction ( article 29 ) ;

- modification des dispositions relatives à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) en limitant notamment la procédure prévue pour vendre par anticipation les biens dont les frais de conservation sont disproportionnés par rapport à leur entretien aux seuls immeubles, dans la mesure où l'AGRASC dispose déjà de dispositions applicables aux biens meubles ( article 31 quinquies ) ;

- le caractère incomplet du dossier de la chambre de l'instruction ne constitue pas une cause de nullité dès lors que les avocats des parties ont accès à l'intégralité du dossier détenu au greffe du juge d'instruction ( article 31 septies ) ;

- caractère facultatif, et non obligatoire comme le prévoyait le texte transmis, du recours à la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) ( article 31 octies ) ;

- généralisation de l'enregistrement sonore des débats des cours d'assise ( article 31 nonies ).

3. Les modifications des dispositions diverses

À l' article 32 AA , relatif à la centralisation par les juges des libertés et de la détention (JLD) des pôles santé de Paris et de Marseille des autorisations de contrôle antidopage de nuit, votre commission a rétabli la possibilité au JLD du tribunal de grande instance territorialement compétent d'autoriser une telle mesure au regard des difficultés pratiques éventuelles si le domicile du sportif était trop éloigné des pôles santé de Paris ou de Marseille.

Puis, elle a adopté un article 32 AB afin de porter de trois à six mois la durée pendant laquelle peuvent s'appliquer des obligations de sûreté renforcées pour les vols desservant le territoire national au départ d'aérodromes étrangers.

Au chapitre I er A (dispositions relatives aux peines), la commission a tout d'abord prévu que la peine de contrainte pénale ne pouvait être prononcée que si la personne est présente à l'audience et au délibéré ( article 32 E ).

Elle a ensuite supprimé :

- une précision juridique inopérante ( article 32 F ) ;

- la possibilité de multiplication des décisions de sursis avec mise à l'épreuve pour les personnes en état de récidive légale ( article 32 G ) ;

- l'extension des possibilités de conversion de peines d'emprisonnement ferme en alternatives à l'incarcération, notamment en contrainte pénale ( article 32 H ).


• Au chapitre I er (caméras mobiles), votre commission a adopté les dispositions du projet de loi relatives aux caméras mobiles, moyennant plusieurs modifications.

À l'article 32 , votre commission a clarifié la rédaction des finalités des caméras mobiles, tout en prévoyant un renvoi vers les garanties prévues en matière de vidéoprotection, relatives, d'une part, au droit d'accès aux images enregistrées , et, d'autre part, à la possibilité pour la CNIL d'opérer des contrôles postérieurement à l'autorisation initiale . Par ailleurs, à l'initiative de nos collègues M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et M. Jean Pierre Grand, la possibilité de déclenchement de la caméra à la demande de la personne faisant l'objet de l'intervention a été supprimée , en raison de son caractère inapplicable.

À l'article 32 bis , autorisant une expérimentation des caméras mobiles au bénéfice des polices municipales, la condition de mise en oeuvre de ces dispositifs dans le périmètre d'une zone de sécurité prioritaire (ZSP) a été supprimée , cette expérimentation étant par ailleurs mentionnée comme étant éligible au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).


• Au chapitre II (habilitation à légiférer par ordonnances), la commission a supprimé les habilitations à légiférer par ordonnances pour transposer la directive 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme et la directive 2014/41/UE du 3 avril 2014 concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale, estimant que ces dernières nécessitaient un examen parlementaire approfondi que ne permet pas la simple ratification. Elle a également supprimé la partie de l'habilitation autorisant expressément le Gouvernement à assurer par ordonnance l'application outre-mer qui ne s'impose pas sur le plan juridique ( article 33 ).


• Enfin, au chapitre III (dispositions relatives aux outre-mer), la commission a modifié l' article 34 afin d'assurer l'application des dispositions, adoptées par l'Assemblée nationale puis modifiées par la commission, en les étendant dans les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie lorsqu'elles relèvent d'une compétence qui relève de l'État. À cette occasion a été introduit un « compteur » à l'article 711-1 du code pénal et à l'article 804 du code procédure pénale, sur le modèle de la partie réglementaire de ces codes. De même, la commission a prolongé la logique du texte adopté par l'Assemblée nationale en généralisant le recours au « compteur » au sein du code de la sécurité intérieure, sur le modèle du livre VIII de ce code.

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER
DISPOSITIONS RENFORÇANT
LA LUTTE CONTRE LE CRIME ORGANISÉ,
LE TERRORISME ET LEUR FINANCEMENT
CHAPITRE IER - Dispositions renforçant l'efficacité des investigations judiciaires

Article 1er (art. 706-89, 706-90, 706-91 et 706-92 du code de procédure pénale) - Autorisation des perquisitions de nuit dans les domiciles en enquête préliminaire et en information judiciaire en matière terroriste

L'article 1 er du projet de loi soumis à l'examen de votre Haute assemblée propose d'élargir les facultés de procéder à des perquisitions de nuit dans les locaux à usage d'habitation dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.


Des perquisitions de nuit fortement encadrées

En l'état actuel du droit en vigueur, l'article 59 du code de procédure pénale dispose que, sauf exception prévue par la loi ou réclamation faite de l'intérieur de la maison, les perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées qu'entre 6 heures et 21 heures.

Le code de procédure pénale ne prévoit que deux exceptions au principe de l'inviolabilité du domicile pendant la nuit :

- l'article 706-35 qui autorise de telles perquisitions pour lutter contre le proxénétisme ou le recours à la prostitution de mineurs ;

- les articles 706-89 à 706-94 qui relèvent de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées, laquelle inclut l'ensemble des infractions terroristes. Cette procédure permet ainsi des perquisitions de nuit, y compris dans les domiciles, si les nécessités de l'enquête de flagrance le justifient ou, dans le cadre d'une information judiciaire, en cas d'urgence et dans trois hypothèses limitées 24 ( * ) .

Les conditions procédurales permettant la délivrance de telles autorisations de perquisitions de nuit en matière de criminalité organisée sont fixées par l'article 706-92.

En vertu de ces dispositions, ces autorisations sont données pour des perquisitions déterminées et font l'objet d'une ordonnance écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites. Cette ordonnance, qui n'est pas susceptible d'appel, est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, celui-ci pouvant se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.

Dans le cas où une perquisition nocturne est envisagée dans un lieu d'habitation en information judiciaire, l'ordonnance doit également comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux seules conditions prévues par ces alinéas.

Enfin, pour les autorisations délivrées dans le cadre des enquêtes, est compétent le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dont le procureur de la République dirige l'enquête, quelle que soit la juridiction dans le ressort de laquelle la perquisition doit avoir lieu. Le juge des libertés et de la détention peut alors se déplacer sur les lieux quelle que soit la localisation de la perquisition sur l'ensemble du territoire national. Le procureur de la République peut également saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la perquisition doit avoir lieu, par l'intermédiaire du procureur de la République de cette juridiction.

Tableau comparatif des possibilités de perquisition en dehors des heures légales en matière de criminalité organisée

Cadre juridique

Droit en vigueur

Enquête de flagrance en matière de délinquance et de criminalité organisées
( dont terrorisme )

Sur autorisation du JLD si les nécessités l'exigent
(706-89 du CPP)

Enquête préliminaire en matière de délinquance et de criminalité organisées
( dont terrorisme )

Pour que la perquisition soit menée sans l'assentiment de la personne, il convient que l'enquête préliminaire soit relative à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans (76 du code de procédure pénale)

Sur autorisation du JLD si les nécessités l'exigent,
à l'exception des lieux d'habitation (706-90 du CPP)

Information judiciaire en matière de délinquance et de criminalité organisées
( dont terrorisme )

Si les nécessités de l'information l'exigent, à l'exception des locaux d'habitation.

En cas d'urgence, perquisitions des lieux d'habitation en cas de :

- crime ou délit flagrant ;

- risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels ;

- raisons plausibles de soupçonner la commission, dans les locaux qu'il est envisagé de perquisitionner, de crimes ou délits organisés

(706-91 du CPP)

Source : commission des lois du Sénat

Cet encadrement rigoureux se justifie par le fait que de telles perquisitions nocturnes portent une atteinte substantielle au principe constitutionnel de l'inviolabilité du domicile 25 ( * ) . À cet égard, une jurisprudence précise a été établie par le Conseil constitutionnel.


La jurisprudence constitutionnelle en matière de perquisition nocturne

La décision de 1996

Les 20 et 24 juin 1996, le Conseil constitutionnel a été saisi de deux recours sur les dispositions de la loi tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire 26 ( * ) . L'article 10 de ce texte ouvrait, en matière de répression du terrorisme, la possibilité de procéder à des perquisitions de nuit, y compris dans les locaux d'habitation, dans le cas où les nécessités de l'enquête (de flagrance ou préliminaire) ou de l'instruction l'auraient exigé. En matière d'enquête, ces opérations auraient été autorisées, sur requête du procureur, par le président du tribunal de grande instance 27 ( * ) et effectuées sous son contrôle.

Dans sa décision 28 ( * ) , après avoir rappelé que l'inviolabilité du domicile constituait une liberté publique constitutionnellement garantie 29 ( * ) , le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur pouvait, « dans le cas où un crime ou un délit susceptible d'être qualifié d'acte de terrorisme est en train de se commettre ou vient de se commettre », prévoir des perquisitions nocturnes « à condition que l'autorisation de procéder auxdites opérations émane de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que le déroulement des mesures autorisées soit assorti de garanties procédurales appropriées ». Dans le cas d'espèce, le Conseil a considéré que ces garanties étaient satisfaisantes en matière d'enquête de flagrance, pour autant que la notion de « nécessités de l'enquête » s'entende comme ne permettant d'autoriser une perquisition que si celle-ci ne peut pas être réalisée dans les circonstances de temps définies par l'article 59 du code de procédure pénale, et que le législateur n'avait pas apporté « une atteinte excessive au principe d'inviolabilité du domicile, eu égard aux nécessités de l'enquête en cas de flagrance ».

En revanche, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les dispositions de l'article 10 en ce qu'elles permettaient de telles perquisitions nocturnes en matière d'enquête préliminaire ou en cas d'information judiciaire. Il a estimé que ces facultés étaient de nature à entraîner des « atteintes excessives à la liberté individuelle », dans la mesure où, « d'une part, le déroulement et les modalités de l'enquête préliminaire sont laissées à la discrétion du procureur de la République, ou sous son contrôle, des officiers et agents de police judiciaire », et « d'autre part, dans l'instruction préparatoire, l'autorité déjà investie de la charge de celle-ci se voit en outre attribuer les pouvoirs d'autoriser, de diriger et de contrôler les opérations en cause ». Dans le commentaire aux cahiers de cette décision, il est ainsi explicité que cette censure intervient « à défaut de garanties pouvant résulter notamment d'une limitation dans le temps ».

La décision de 2004

En 2004, le Conseil constitutionnel est à nouveau saisi de cette question des perquisitions nocturnes dans le cadre de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité 30 ( * ) , par deux requêtes émanant de plus de soixante sénateurs et de plus de soixante députés. Le contexte juridique de la décision rendue par le Conseil constitutionnel a doublement changé en 2004. D'une part, en 1999 31 ( * ) est intervenu un revirement jurisprudentiel selon lequel la liberté individuelle au sens de l'article 66, dont l'autorité judiciaire est la gardienne, doit s'entendre désormais exclusivement de la liberté de ne pas être arbitrairement détenu (au sens de l' habeas corpus ). D'autre part, la loi du 15 juin 2000 32 ( * ) a instauré la fonction de juge des libertés et de la détention, magistrat du siège chargé de statuer sur les demandes de mise en détention provisoire par les juges d'instruction ou sur certaines demandes de mise en oeuvre de techniques d'enquête par le parquet.

L'article 1 er de la loi déférée au Conseil constitutionnel portait notamment sur les dispositions relatives aux perquisitions nocturnes dans le cadre de la répression de la criminalité organisée, qui figurent aux articles 706-89 à 706-94 du code de procédure pénale, dont l'économie générale a été décrite ci-dessus.

Dans sa décision 33 ( * ) , le juge constitutionnel a estimé 34 ( * ) , dans le prolongement de sa jurisprudence de 1996 et « eu égard aux exigences de l'ordre public et de la poursuite des auteurs d'infractions », que le législateur pouvait, « dans le cas où un crime ou un délit relevant de la criminalité et de la délinquance organisées vient de se commettre », autoriser des perquisitions de nuit « à condition que l'autorisation de procéder à ces opérations émane de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que le déroulement des mesures autorisées soit assorti de garanties procédurales appropriées ».

1° En matière d'enquête de flagrance

Dans le cas d'espèce, le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur :

1) avait fait du « juge des libertés et de la détention l'autorité compétente pour autoriser les perquisitions de nuit » ;

2) avait exigé « une décision écrite et motivée précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée, l'adresse des lieux concernés, les éléments de fait et de droit justifiant la nécessité des opérations » ;

3) avait placé « ces opérations sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, lequel peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales » ;

4) avait précisé « que les opérations en cause ne peuvent, à peine de nullité, laquelle revêt un caractère d'ordre public, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées ».

Au regard de ces garanties, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur, en élargissant à toute la criminalité organisée la possibilité de procéder à des perquisitions de nuit en enquête de flagrance, n'avait pas porté au principe d'inviolabilité du domicile « une atteinte non nécessaire à la recherche des auteurs d'infractions graves et complexes ».

2° En matière d'enquête préliminaire

S'agissant de ces mêmes opérations en cas d'enquête préliminaire, le Conseil constitutionnel, après avoir noté qu'elles ne pouvaient avoir lieu sans l'assentiment de la personne que pour les enquêtes relatives à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans, a considéré qu'elles ne portaient pas « à l'inviolabilité du domicile une atteinte excessive » dans la mesure où :

- elles ne peuvent avoir lieu que « sur décision du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance, à la requête du procureur de la République » ;

- elles doivent être « justifiées par la nécessité de rechercher les auteurs d'infractions punies d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans » ;

- elles ne peuvent « être effectuées de nuit que dans des locaux autres que d'habitation et sur décision du même magistrat du siège pour l'une des infractions » relative à la criminalité organisée.

3° En matière d'information judiciaire

En ce qui concerne enfin les perquisitions nocturnes dans le cadre des informations judiciaires, le Conseil constitutionnel a considéré que le dispositif élaboré par le législateur, à l'exception d'une réserve d'interprétation, comportait des garanties le conduisant à estimer que ces dispositions ne portaient pas « une atteinte excessive au principe de l'inviolabilité du domicile ». Jugeant ces mesures justifiées « par la recherche des auteurs d'infractions particulièrement graves ou la nécessité d'intervenir dans des locaux où sont en train de se commettre de telles infractions », il a cependant considéré que la disposition permettant la perquisition de nuit dans un local d'habitation « lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels » devait s'entendre « comme ne permettant au juge d'instruction d'autoriser une perquisition de nuit que si celle-ci ne peut être réalisée dans d'autres circonstances de temps ».

Le commentaire aux cahiers de cette décision souligne la continuité entre la décision de 1996 et celle de 2004 puisqu'il indique que les dispositions de la loi de 2004 respectent « les strictes conditions de procédure auxquelles la décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996 subordonne les perquisitions de nuit (cons. 18) ».

Les perquisitions administratives de l'état d'urgence

Selon les termes de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2015 35 ( * ) , des perquisitions nocturnes peuvent également être décidées par l'autorité administrative quand l'état d'urgence est déclaré et à la condition que le décret déclarant l'état d'urgence, ou la loi le prorogeant, le prévoit expressément. Y compris après la révision du cadre juridique de l'état d'urgence auquel il a été procédé en novembre dernier, la loi ne fixe pas de conditions particulières pour autoriser que les perquisitions administratives soient effectuées de nuit. Toutefois, dans sa décision du 19 février 2016 36 ( * ) , le Conseil constitutionnel a assorti la réalisation de ces perquisitions, quand elles ont lieu la nuit, d'une réserve, en précisant que, même en l'absence de prescriptions légales particulières, « une perquisition se déroulant la nuit dans un domicile doit être justifiée par l'urgence ou l'impossibilité de l'effectuer le jour » 37 ( * ) .


Le nouvel élargissement des perquisitions nocturnes proposé par le projet de loi

Comme votre rapporteur l'avait souligné dans son commentaire de l'article 2 de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste 38 ( * ) , l'interdiction des perquisitions ou des visites domiciliaires de nuit apparaît inadaptée au cadre particulier et actuel de la lutte antiterroriste. Face à des suspects particulièrement vindicatifs et « souhaitant finir en martyr », le respect des heures légales entraîne des situations particulièrement dangereuses, à l'issue fatale, à l'instar de la tentative d'interpellation de M. Jérémie Louis-Sidney à Strasbourg, en 2012, évoquée devant votre commission par Mme Camille Hennetier, vice-procureur et chef de la section terrorisme et atteintes à la sureté de l'État du parquet de Paris 39 ( * ) .

C'est à cet objectif que répondent les dispositions de l'article 1 er du présent projet de loi. Ses dispositions initiales ont fait l'objet de plusieurs amendements de précisions juridiques introduits par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, M. Pascal Popelin, afin notamment de renforcer les garanties procédurales applicables à ces opérations.

L'élargissement en cas d'enquête préliminaire

Le texte voté par l'Assemblée nationale prévoit d'étendre les perquisitions de nuit dans les locaux à usage d'habitation pour les seules enquêtes préliminaires concernant les infractions terroristes en cas d'urgence et selon les conditions procédurales prévues à l'article 706-92. Alors que le texte initial fixait comme condition que la perquisition en dehors des horaires diurnes soit nécessaire « afin de prévenir un risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique », les députés ont précisé, à la suite de l'adoption d'un amendement de M. Alain Tourret repris par le rapporteur, que ce risque devait présenter un caractère « sérieux ».

L'élargissement en cas d'information judiciaire

S'agissant des perquisitions nocturnes à domicile en cas d'information judiciaire, le texte propose d'ajouter, aux trois hypothèses déjà prévues à l'article 706-91 qui concernent toutes les infractions en matière de criminalité organisée, celle de la prévention d'un risque, également qualifié de « sérieux » par les députés, d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique uniquement pour les infractions terroristes .

Le renforcement des garanties procédurales

Sur proposition de Mme Isabelle Attard, les députés ont adopté un amendement en séance publique afin que l'ordonnance autorisant la perquisition nocturne mentionne les éléments de fait et de droit justifiant qu'elle ne peut être réalisée dans les horaires diurnes. Une telle précision apparaît partiellement redondante par rapport à la jurisprudence du Conseil constitutionnel présentée ci-dessus.

La commission des lois de l'Assemblée nationale avait, pour sa part, sur proposition de son rapporteur, ajouté une disposition applicable aux trois régimes procéduraux (enquête de flagrance, enquête préliminaire et information judiciaire) prévoyant que le magistrat ayant autorisé la perquisition nocturne est « informé dans les meilleurs délais par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire des actes accomplis ».


La position de votre commission

Le Sénat, sur proposition de votre commission, avait approuvé le principe d'un élargissement des capacités de perquisitions nocturnes en matière de lutte contre le terrorisme, avec l'article 2 de la proposition de loi votée le 2 février dernier. Ces dispositions prévoyaient d'autoriser de telles opérations dès lors que les nécessités liées à l'enquête préliminaire l'auraient exigé.

À cet égard, le texte du Gouvernement approuvé par les députés est à la fois plus restrictif, car il requiert des conditions que ne prévoyait pas le texte du Sénat, et plus large car il vise également le cas des informations judiciaires en matière terroriste.

Après réflexion, votre rapporteur approuve le principe de fixation de critères précis permettant de déroger à l'interdiction des perquisitions de nuit dans les locaux d'habitation. Il apparaît à cet égard pertinent de prévoir que seuls des risques d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique, dans le seul cadre des enquêtes et informations judiciaires antiterroristes , justifient les perquisitions nocturnes à domicile, compte tenu de la dangerosité potentielle des individus, ainsi que l'ont démontré certaines opérations policières récentes. Il est en revanche plus réservé sur l'adjonction du caractère « sérieux », dont il estime la portée incertaine et peu utile sur le plan juridique et opérationnel.

Sensible à ces arguments, votre commission a adopté l' amendement COM-66 de son rapporteur qui, outre des améliorations rédactionnelles et de simplification de la rédaction des articles du code de procédure pénale sur les perquisitions de nuit, supprime le qualificatif « sérieux » du risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié.

Article 1er bis (nouveau) (706-95-1, 706-95-2 et 706-95-3 [nouveaux] du code de procédure pénale) - Régime de saisie des correspondances stockées

L'introduction de l'article 1 er bis résulte de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-67 présenté par votre rapporteur. Cet article, qui constitue la reprise des dispositions de l'article 3 de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 2 février dernier, vise à créer un régime de saisie de données de messagerie électronique, indépendant de la perquisition, conditionné à l'existence d'une interception de correspondances électroniques ainsi qu'aux exigences des nécessités de l'enquête.

La technique d'interception de correspondances émises par la voie des télécommunications, autorisée par le juge d'instruction dans le cadre des articles 100 à 100-7 du code de procédure pénale, permet l'interception, l'enregistrement et la transcription de l'ensemble des correspondances émises ou reçues depuis un compte de messagerie.

Selon la pratique des juges d'instruction 40 ( * ) , validée un temps par les chambres de l'instruction 41 ( * ) , la notion d'interception ne visait pas les seules correspondances échangées depuis la décision d'interception, mais l'ensemble des messages envoyés à la personne, y compris les messages archivés sur la boite de messagerie électronique.

Depuis un arrêt du 8 juillet 2015 42 ( * ) , la Cour de cassation a mis un terme à cette possibilité en précisant que l'appréhension, l'enregistrement et la transcription des correspondances émises ou reçues antérieurement à la date de la décision d'interception prise par le juge d'instruction, soit la récupération des correspondances stockées sur une messagerie, ne peuvent relever du cadre des interceptions judicaires de correspondances. En l'absence d'un autre cadre légal, elles relèvent des dispositions légales relatives aux perquisitions et plus précisément celles relatives aux saisies.

Or, les opérations de perquisition, qui doivent être réalisées en présence de la personne ou à défaut, en présence d'un représentant de son choix, ne peuvent être réalisées à l'insu de la personne concernée. Cette information préalable est grandement préjudiciable à l'intérêt de la mesure puisqu'elle peut permettre à la personne soupçonnée de supprimer toute information avant la réalisation de la perquisition.

Le présent article répond à cette difficulté en instaurant un nouveau cadre légal permettant la saisie de correspondances, à l'insu de la personne concernée, de manière indépendante de la perquisition . Cette saisie serait possible dès lors qu'une interception de l'adresse électronique a été autorisée dans les conditions des articles 100 et suivants du CPP.

L'article 3 du projet de loi propose quant à lui de contourner cette jurisprudence par l'extension de la technique de captation des données à distance, qui serait désormais possible lors des enquêtes de flagrance ou préliminaire.

Outre les difficultés posées par le recours à cette technique, actuellement définie à l'article 706-102-1 du code de procédure pénale 43 ( * ) , ce dispositif ne répond qu'imparfaitement aux demandes des magistrats. En effet, les correspondances ne sont pas nécessairement des données stockées sur un terminal mais peuvent être consultées directement sur un serveur de messagerie 44 ( * ) . La récupération du contenu passé des boites email pose d'importantes difficultés procédurales : ce contenu doit-il être récupéré sous le régime de la perquisition ? Est-il possible de procéder par réquisition ? En cas de perquisition à distance sous le régime de l'article 57-1 du code de procédure pénale, la copie des fichiers, pouvant nécessiter de nombreuses heures, peut-elle se faire en dehors des heures légales ?

Au regard des demandes désormais récurrentes des magistrats, a fortiori des magistrats spécialisés dans la lutte contre le terrorisme, il semble aujourd'hui nécessaire au législateur de créer un régime de saisie ad hoc des correspondances électroniques.

Votre commission a adopté l'article 1 er bis ainsi rédigé.

Article 2 (art. 706-95-4 à 706-95-10 [nouveaux] du code de procédure pénale) - Utilisation de l'IMSI catcher dans le cadre des enquêtes du parquet et des informations judiciaires en matière de criminalité organisée

L'article 2 a pour objet d'autoriser l'utilisation de l' IMSI catcher 45 ( * ) par le parquet, dans le cadre des enquêtes de flagrance et préliminaires, et par les juges d'instruction dans le cadre des informations judiciaires, pour la répression des infractions en matière de criminalité organisée. L'article 5 de la proposition de loi adoptée le 2 février dernier par le Sénat comportait des dispositions similaires.


L'utilisation des IMSI catcher en matière de renseignement

Comme l'a exposé le président Philippe Bas dans son rapport sur le projet de loi relatif au renseignement 46 ( * ) , l' IMSI catcher « peut être défini comme une antenne relais mobile factice qui se substitue, dans un périmètre donné, aux antennes relais des opérateurs permettant ainsi aux services [spécialisés de renseignement] de disposer d'informations sur les terminaux qui s'y sont connectés ». L'utilisation de ces appareils par les services de renseignement a été particulièrement débattue lors de l'examen de ce projet de loi dans la mesure où ces dispositifs mobiles permettent de collecter massivement et de manière indifférenciée des données personnelles dans un large périmètre, qu'il s'agisse de données de connexion ou, pour certains de ces appareils, de correspondances.

Compte tenu des atteintes portées à la vie privée, ce type de matériel est inclus dans le champ des dispositifs dont l'utilisation est assujettie, sous peine de sanctions définies à l'article 226-3 du code pénal, à une autorisation du Premier ministre, délivrée dans des conditions définies par décret.

En vertu de l'article R. 226-3 du code pénal, cette autorisation est délivrée après avis de la « commission consultative chargée d'émettre un avis sur les matériels susceptibles de porter atteinte à l'intimité de la vie privée et au secret des correspondances », dont le secrétariat est tenu par l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et dont la composition est définie à l'article R. 226-2 du même code.

À l'issue des débats sur le projet de loi relatif au renseignement, l'usage de ces dispositifs techniques par les services spécialisés de renseignement a été approuvé par le législateur. La mise en oeuvre de cette technique de recueil de renseignements est désormais soumise à autorisation du Premier ministre selon les formes prescrites par le nouveau cadre légal applicable au renseignement 47 ( * ) . Les modalités d'utilisation de l' IMSI catcher diffèrent cependant selon que cette technique est mise en oeuvre pour le recueil de données de connexion ou pour l'interception de correspondances.

Définition des données de connexion

L'article L. 851-1 du code de la sécurité intérieure définit les données de connexion comme les « informations ou documents traités ou conservés » par les réseaux ou services de communications électroniques des opérateurs de communications électroniques (ce qui comprend également les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public), y compris « les données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l'ensemble des numéros d'abonnement ou de connexion d'une personne désignée, à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu'aux communications d'un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date des communications ».

En application du nouvel article L. 851-6 du code de la sécurité intérieure, peut être autorisé, pour une durée de deux mois renouvelable, le recueil au moyen d'un IMSI catcher des seules données techniques de connexion permettant l'identification d'un équipement terminal 48 ( * ) ou du numéro d'abonnement de son utilisateur 49 ( * ) ainsi que les données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés.

Pour l'interception de correspondances, l'article L. 852-1 prévoit quant à lui que l' IMSI catcher peut être utilisé seulement pour certaines des finalités définies à l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure permettant la mise en oeuvre des techniques de recueil de renseignements, parmi lesquelles la prévention du terrorisme, et pour une durée de 48 heures renouvelable.


L'élargissement à la police judiciaire de l'utilisation de l' IMSI catcher

L'article 2 du projet de loi vise à étendre à la sphère de la police judiciaire les facultés d'utilisation de cette technique, reconnues aux services de renseignement en juillet dernier.

Lors de son audition devant votre commission le 9 décembre 2015, M. François Molins, procureur de la République de Paris, avait indiqué que les services de police judiciaire chargés de la lutte antiterroriste, sous le contrôle du parquet, pourraient trouver un intérêt à bénéficier de la possibilité, qui est actuellement prohibée par le droit en vigueur, d'utiliser des IMSI catcher dans le cadre de leurs enquêtes. Il avait également fait valoir que rien ne justifiait que les services enquêteurs ne puissent avoir, dans un cadre judiciaire, l'usage de cette technique dès lors que le législateur avait reconnu cette faculté aux services spécialisés de renseignement avec la loi du 24 juillet 2015 50 ( * ) . Lors de leur audition par votre rapporteur, les services de lutte antiterroriste ont également fait valoir le grand intérêt de pouvoir recourir à cet appareil, par exemple dans des situations de crise comme une prise d'otages à caractère terroriste.

Cette position est pleinement partagée par le Sénat qui a approuvé le principe de cet élargissement, selon les modalités définies à l'article 5 de la proposition de loi votée le 2 février 2016.


Le texte du projet de loi initial

Le texte présenté par le Gouvernement autorise l'utilisation de l' IMSI catcher en matière d'enquête (de flagrance et préliminaire) et d'information judiciaire pour toutes les infractions entrant dans le champ de la criminalité organisée afin de recueillir les seules données techniques permettant l'identification d'un équipement terminal ou du numéro de son utilisateur. L'autorisation serait, pour les enquêtes, donnée par le juge des libertés et de la détention sur requête du procureur de la République et, pour les informations judiciaires, par le juge d'instruction après avis du procureur. Délivrée pour une durée maximale d'un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions, l'utilisation de cette technique d'enquête serait effectuée sous le contrôle du magistrat l'ayant autorisée.

Toutefois, en cas d'urgence, l'autorisation pourrait être délivrée par le procureur lui-même, à charge pour ce dernier de saisir le juge des libertés et de la détention pour confirmer l'opération, faute de quoi il y serait immédiatement mis fin.

Enfin, le texte du projet de loi reprend, en les adaptant, les dispositions du premier alinéa de l'article 706-99 51 ( * ) afin de prévoir que le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire requis en application des articles 706-95-2 et 706-95-3 peut requérir tout agent qualifié d'un service, d'une unité ou d'un organisme placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur et dont la liste est fixée par décret, en vue de procéder à l'utilisation de l' IMSI catcher .


Les modifications de l'Assemblée nationale

Les députés ont substantiellement modifié le texte du Gouvernement, en adoptant quatre amendements présentés à titre personnel par M. Pascal Popelin.

Ces amendements apportent les modifications et précisions suivantes :

- l'autorisation serait délivrée pour une durée maximale d'un mois renouvelable une seule fois pour les enquêtes et pour une durée maximale de deux mois pour les informations judiciaires, sans que la durée totale puisse excéder six mois ;

- l'autorisation devrait être écrite et motivée. Elle ne présenterait cependant pas de caractère juridictionnel et ne serait susceptible d'aucun recours ;

- l'utilisation de cette technique serait effectuée sous l'autorité et le contrôle du magistrat l'ayant autorisée et ne pourrait, à peine de nullité, être mise en oeuvre pour une finalité autre que celle de la recherche et de la constatation des infractions pour lesquelles elles ont été autorisées. Le fait de révéler des infractions autres que celles visées dans la décision d'autorisation ne constituerait toutefois pas une cause de nullité des procédures incidentes ;

- dans le cas d'utilisation en urgence sur décision du procureur de la République, à défaut d'autorisation du juge des libertés et de la détention, il devrait être mis fin à l'opération et les données recueillies devraient être placées sous scellés fermés. Les données ne pourraient alors être exploitées ou utilisées dans la procédure ;

- l'officier de police judicaire ayant utilisé l' IMSI catcher serait tenu de dresser procès-verbal des opérations de recueil des données techniques de connexion mentionnant la date et l'heure auxquelles chacune des opérations nécessaires a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée. Il joindrait à ce procès-verbal les données recueillies qui sont utiles à la manifestation de la vérité ;

- un décret en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, devrait déterminer les conditions dans lesquelles, à partir du 1 er janvier 2017, la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) centralise et conserve les données techniques de connexion recueillies ;

- les données collectées au moyen de l' IMSI catcher devraient être détruites à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l'expiration du délai de prescription de l'action publique ou lorsqu'une décision définitive aura été rendue au fond. Il serait dressé procès-verbal de l'opération de destruction.


La position de votre commission

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-68 de rédaction globale de l'article 2. Le but principal des modifications proposées est d'opérer une synthèse entre la version de ces dispositions telle qu'elle résulte du vote des députés et celle du Sénat dans la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste.

Il est ainsi proposé :

- d'étendre aux données techniques relatives à la localisation d'un équipement terminal utilisé ainsi qu'aux interceptions de communications l'usage de l' IMSI catcher , à l'instar de ce qu'avait prévu le Sénat dans la proposition de loi votée le 2 février. Cette seconde faculté, qui apparaît utile dans certaines circonstances très précises (prise d'otages par exemple), ne pourrait cependant être utilisée que pendant une durée de quarante-huit heures, renouvelable une fois aussi bien en enquête que dans le cadre d'une information judiciaire ;

- de conserver la distinction entre les autorisations délivrées par le juge des libertés et de la détention sur demande du procureur de la République, limitées à un mois renouvelable une fois, des autorisations délivrées par le juge d'instruction en information judiciaire, d'une durée de deux mois, renouvelables dans les mêmes conditions , sans référence à une durée totale qui n'apparaît pas pertinente sur le plan opérationnel ;

- d'indiquer qu'en cas d'utilisation de la technique dans le cadre d'une enquête, le juge des libertés et de la détention qui a délivré l'autorisation est informé dans les meilleurs délais des actes accomplis et des procès-verbaux dressés en exécution de son autorisation ;

- d'encadrer les conditions dans lesquelles le parquet peut autoriser l'utilisation en urgence de l' IMSI catcher , sans recours au juge des libertés et de la détention, en faisant référence aux mêmes conditions que pour la géolocalisation (« risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens » 52 ( * ) ) ;

- de prévoir que dans le cas où l'autorisation du procureur n'est pas confirmée par le juge des libertés et de la détention dans les vingt-quatre heures, les données ou correspondances sont, non pas placées sous scellées fermées, mais détruites ;

- de déterminer les conditions dans lesquelles les données ou correspondances sans lien avec l'autorisation sont détruites dans les meilleurs délais, le rapporteur ayant modifié la rédaction de son amendement sur ce point pour y apporter la précision, à la suite d'une remarque formulée par notre collègue Alain Richard, selon laquelle ces destructions sont effectuées à la diligence du procureur de la République ou du procureur général ;

- de supprimer les dispositions relatives à la PNIJ afin de les renvoyer à l'article 31 octies qui traite précisément de ce sujet.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 2 bis (supprimé) (art. 706-104 [nouveau] du code de procédure pénale) - Interdiction d'utilisation des techniques d'enquête de la criminalité organisée à l'encontre des parlementaires et des « professions protégées »

L'introduction de l'article 2 bis dans le texte du projet de loi résulte du vote par les députés d'un amendement du Gouvernement. Selon les termes de l'article 706-104 qu'il insère dans le code de procédure pénale, aucune des mesures spécifiques prévues pour les infractions relatives à la criminalité organisée (garde à vue allongée, perquisitions nocturnes, sonorisation, etc.) ne pourrait être ordonnée à l'encontre d'un parlementaire, d'un magistrat, d'un avocat ou d'un journaliste à raison de l'exercice de son mandat ou de sa profession. Selon les explications fournies par le garde des sceaux en séance publique 53 ( * ) , cette disposition « a pour objet de réitérer l'assurance que les techniques spéciales d'enquête (...) ne peuvent en aucun cas, je dis bien en aucun cas, être appliquées aux professionnels ou représentants visés par cet amendement ». Tout en précisant que cette proposition, qui pourrait être qualifiée de « déclamatoire », avait vocation à réaffirmer un principe, il a souligné qu'elle avait « surtout pour objet de manifester une intention et une conviction militantes » du Gouvernement « à préserver les professions concernées au regard de la jurisprudence mais aussi de ses propres convictions ». L'objet de l'amendement précise ainsi que « la protection particulière dont bénéficient certaines professions à raison de l'exercice de leur profession ou de leur mandat doit être réaffirmée, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ».


La création d'un statut spécifique pour les titulaires de mandat parlementaire et membres des « professions protégées » au regard de la mise en oeuvre des techniques de recueil de renseignement

Cet article s'inscrit dans le droit fil des dispositions, introduites sur proposition du Gouvernement dans la loi sur le renseignement, relatives aux parlementaires et membres des « professions protégées ». À cette occasion, le Gouvernement avait estimé de telles dispositions justifiées « par la nécessité de veiller à la conciliation du respect du secret attaché à l'exercice de certaines professions (secret de l'enquête, de l'instruction, du délibéré, secret applicable aux échanges relevant de l'exercice des droits de la défense, secret des sources pour les journalistes) avec la défense et la promotion des intérêts publics visés à l'article 1 er du projet de loi » 54 ( * ) . Il avait ainsi fait valoir que la loi reconnaissait « une valeur particulière à ces secrets qui assurent le respect des droits fondamentaux :

- garantie de la liberté d'expression et de la liberté de la presse à travers la protection du secret des sources des journalistes (article 10 de la CEDH) ;

- garantie de la présomption d'innocence avec le secret de l'instruction et de l'enquête qui ont notamment pour objet de protéger la réputation et donc la présomption d'innocence des personnes mises en cause (article 6 de la CEDH) ;

- garantie des droits de la défense permise par le secret attaché aux échanges intervenant entre un avocat et son client (article 6 de la CEDH) ».

Le Gouvernement avait également estimé nécessaire d'étendre ces mesures aux parlementaires dans la mesure où ces derniers « en tant que membres de la représentation nationale et détenteurs du pouvoir législatif, sont susceptibles de détenir des informations importantes et sensibles ».

Ces dispositions avaient cependant fortement évolué au cours de la navette parlementaire : la version adoptée par les députés en première lecture du projet de loi relatif au renseignement ne comprenait que des garanties procédurales spécifiques à l'examen des demandes, et à leur mise en oeuvre en cas d'autorisation, des techniques de recueil de renseignement quand elles concernent un titulaire d'un mandat parlementaire ou un membre d'une « profession protégée ». Toutefois, ces dispositions avaient été profondément modifiées à l'occasion de la réunion de la commission mixte paritaire.

Le droit désormais en vigueur, figurant à l'article L. 821-7 du code de la sécurité intérieure, dispose qu'un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste ne peut être l'objet d'une demande de mise en oeuvre, sur le territoire national, d'une technique de recueil de renseignement « à raison de l'exercice de son mandat ou de sa profession ». D'autres garanties procédurales sont notamment imposées, comme l'examen des demandes par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) dans sa formation plénière quand elle concerne un titulaire d'un tel mandat ou membre d'une telle profession.

Dans leur saisine du Conseil constitutionnel sur le projet de loi relatif au renseignement, les députés avaient fait valoir que ces dispositions n'assuraient pas « une protection suffisante contre l'atteinte indirecte au secret des sources des journalistes ainsi qu'à la confidentialité des échanges entre avocats et clients » et « qu'il en résulterait une atteinte au droit au respect de la vie privée ainsi que, pour les avocats, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, et pour les journalistes, à la liberté d'expression ».

Dans sa décision 55 ( * ) , le Conseil a jugé, au regard des garanties procédurales prévues par le législateur et du fait que les techniques de recueil de renseignement ne peuvent être mises en oeuvre à raison du mandat ou de la profession, que les dispositions de l'article L. 821-7 ne portaient pas « une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée, à l'inviolabilité du domicile et au secret des correspondances ».


Les protections prévues en matière pénale

Au-delà de ce débat intervenu l'an dernier avec la loi sur le renseignement, votre rapporteur rappelle qu'en dehors des procédures spécifiques prévues pour les infractions relatives à la criminalité organisée, le code de procédure pénale prévoit que des techniques d'enquête font l'objet de modalités d'application spécifique pour les parlementaires et membres des professions protégées.

En matière de perquisitions

Ainsi, l'article 56-1 du code de procédure pénale fixe le régime particulier des perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile, lesquelles ne peuvent notamment être effectuées que par « un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d'une décision écrite et motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci ». Par ailleurs, dans ce cadre, seuls le magistrat et le bâtonnier, ou son délégué, ont le droit de « consulter ou de prendre connaissance des documents ou des objets se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans la décision de perquisition ».

L'article 56-2 prévoit pour sa part les modalités des perquisitions dans les locaux d'une entreprise de presse , d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne, d'une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle. Ces dernières ne peuvent être effectuées que par un magistrat et sont réalisées « sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci ». Seul le magistrat et la personne présente sur le lieu de la perquisition ont « le droit de prendre connaissance des documents ou des objets découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie ». Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans la décision de perquisition.

Les magistrats ne bénéficiaient pas pour leur part de dispositions particulières en matière de perquisitions, l'article 56 du code de procédure pénale prévoyant néanmoins, dans des termes généraux, que l'officier de police judiciaire est tenu, préalablement à la perquisition, de provoquer « toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ». Cette disposition servait ainsi de base légale pour l'encadrement des perquisitions dans les juridictions ou au domicile des magistrats. Toutefois, dans une décision du 4 décembre 2015 56 ( * ) , le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur avait méconnu sa compétence pour garantir le principe d'indépendance des juridictions, dont découle le respect du secret du délibéré, en matière de perquisitions. Il a ainsi déclaré contraires à la Constitution ces dispositions de l'article 56, ce qui a conduit le Gouvernement à proposer des dispositions similaires à celles qui sont prévues pour les avocats ou les journalistes en matière de perquisitions dans les juridictions ou au domicile des magistrats, qui sont inscrites à l'article 25 bis du projet de loi.

S'agissant des parlementaires , le code de procédure pénale ne fixe pas de règles particulières dans le domaine des perquisitions au sein des locaux des assemblées parlementaires. Il résulte toutefois de l'application conjointe du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et d'autonomie des assemblées parlementaires, notamment dans le domaine de la sécurité 57 ( * ) , que toute perquisition dans ces locaux est subordonnée à une autorisation expresse du président de l'assemblée considérée.

En matière d'interceptions de correspondances

L'article 100-7 du code de procédure pénale dispose qu'une interception de correspondances sur la ligne d'un parlementaire, d'un avocat ou d'un magistrat ne peut avoir lieu sans que, selon les cas, le président de l'assemblée à laquelle le parlementaire appartient, le bâtonnier, le premier président ou le procureur général en soit informé par le juge d'instruction. Cette formalité est prescrite à peine de nullité. Il convient de relever que ces dispositions trouvent également à s'appliquer en matière d'interceptions diligentées par le parquet dans le domaine de la criminalité organisée, qui sont régies par l'article 706-95 mais font référence, pour leurs modalités d'application, à l'article 100-7.

En matière de techniques spéciales d'enquête

Le code de procédure pénale prévoit par ailleurs que les deux techniques spéciales d'enquête applicables dans le domaine de la criminalité organisée que sont, d'une part, la sonorisation et la fixation d'images dans les lieux privés et, d'autre part, la captation à distance des données informatiques ne peuvent concerner « les lieux visés aux articles 56-1 58 ( * ) , 56-2 59 ( * ) et 56-3 ni être mises en oeuvre dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes visées à l'article 100-7 60 ( * ) », en application, respectivement, des articles 706-96 et 706-102-5 du code de procédure pénale.

En matière de géolocalisation

Enfin, les dispositions récemment adoptées par le Parlement en matière de géolocalisation judiciaire 61 ( * ) prévoient également, à l'article 230-34 du code de procédure pénale, que la mise en place du moyen technique permettant la géolocalisation en temps réel d'un véhicule ou d'un objet ne peut concerner « ni les lieux mentionnés aux articles 56-1 à 56-4, ni le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l'article 100-7 », ce qui couvre donc également les parlementaires et membres des « professions protégées » 62 ( * ) .


La position de votre commission

Comme cela est souligné dans le commentaire aux cahiers du Conseil constitutionnel sur la décision relative à la loi relative au renseignement, le statut constitutionnel des quatre activités concernées par ces dispositions est très différent dans la mesure où « les magistrats et les membres du Parlement ont un statut dont certaines caractéristiques découlent d'exigences constitutionnelles, ce qui n'est pas le cas des avocats et des journalistes ». S'agissant des journalistes, il est ainsi notamment indiqué que le Conseil constitutionnel n'a jamais déduit de dispositions constitutionnelles, et notamment de la liberté d'expression, « l'exigence d'une protection particulière ».

Toutefois, comme le Gouvernement l'avait relevé l'an dernier, lors du débat sur le projet de loi relatif au renseignement, les exigences découlant de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales imposent des protections particulières pour ces deux professions 63 ( * ) .

Pour autant, au regard du droit en vigueur et de l'ensemble des protections prévues par le code de procédure pénale pour les parlementaires et membres des professions protégées rappelées ci-dessus, qui vont être élargies aux juridictions et au domicile des magistrats par l'article 25 bis du projet de loi 64 ( * ) , votre rapporteur doute de l'utilité des dispositions figurant au présent article, dont la portée juridique est incertaine. Il craint également que l'interprétation de ces dispositions puisse laisser à penser qu'un parlementaire ou un membre d'une profession protégée utilisant son mandat ou sa profession pour commettre des infractions bénéficierait d'une protection juridique particulière.

Sensible à cette argumentation, votre commission, soucieuse d'apporter aux professions protégées de réelles garanties juridiques, a considéré que les mentions figurant à l'article 2 bis étaient essentiellement déclaratoires et a, sur proposition de son rapporteur, adopté l' amendement COM-69 supprimant ces dispositions.

Votre commission a supprimé l'article 2 bis .

Article 3 (art. 706-96, 706-96-1 [nouveau], 706-97, 706-98, 706-98-1 [nouveau], 706-99, 706-100, 706-101 et 706-101-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Sonorisation et fixation d'images dans le cadre des enquêtes du parquet en matière de criminalité organisée

L'article 3 du projet de loi donne au parquet la faculté d'avoir recours à la technique dite de la sonorisation et de la captation d'images dans des lieux privés ou publics dans le cadre des enquêtes sur les infractions liées à la criminalité organisée.

Cet article prévoit également d'étendre au parquet, dans le cadre des enquêtes de même type, la possibilité de procéder à des opérations de captation à distance des données informatiques régies par les articles 706-102-1 et suivants. Toutefois, votre commission ayant décidé, à l'initiative de votre rapporteur, de supprimer ces dispositions de l'article 3 avec l' amendement COM-70 afin de les réintroduire dans un article additionnel (article 3 bis A) qui leur soit spécialement dédié, seules les dispositions relatives à la technique de sonorisation, ainsi que leurs modifications, seront commentées dans le présent article 3.

Introduite dans notre droit par l'article 1 er de la loi du 9 mars 2004 précitée, cette technique d'enquête est, en matière de répression des infractions liées à la criminalité organisée, actuellement réservée aux seules informations judiciaires. Avec l'adoption de la loi relative au renseignement, l'utilisation de cette technique a été étendue aux services spécialisés de renseignement dans le cadre de leurs missions préventives, dans les conditions prévues aux articles L. 853-1 et L. 853-3 du code de la sécurité intérieure.

Des dispositions tendant à étendre au parquet cette faculté avaient été votées par le Sénat le 2 février dernier à l'article 6 de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste. Votre rapporteur reprendra donc ci-dessous les développements qu'il avait consacrés à cette technique d'enquête dans son rapport sur ce texte 65 ( * ) .


Le cadre juridique de la technique de sonorisation et de fixation d'images

En matière de répression des infractions concernant la criminalité organisée, l'article 706-96 permet au juge d'instruction, après avis du procureur de la République, d'autoriser les officiers et agents de police judiciaire à mettre en place « un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé ». Pour la mise en place du dispositif, le juge d'instruction peut autoriser l'introduction dans un lieu privé ou un véhicule, y compris en dehors des horaires habituels des perquisitions (de 6 heures à 21 heures). En revanche, dans le cas où l'opération nécessite l'introduction dans un domicile en dehors de ces horaires, l'autorisation doit alors être délivrée par le juge des libertés et de la détention. Par cohérence, l'introduction dans le lieu privé est autorisée pour désinstaller le dispositif technique.

L'article 706-96 précise que cette technique d'enquête ne peut être mise en oeuvre dans des locaux d'habitation et professionnels, ainsi que dans des véhicules, appartenant aux journalistes, magistrats, avocats et parlementaires. Il indique en outre que le fait que la mise en oeuvre de la technique permette la révélation d'autres infractions ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

Sur le plan procédural, en vertu de l'article 706-97, la décision du juge d'instruction doit comporter tous les éléments permettant d'identifier les lieux concernés, l'infraction qui en justifie la mise en oeuvre ainsi que la durée de l'opération. Cette durée ne peut, en application de l'article 706-98, excéder quatre mois mais peut être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée.

Afin de procéder à l'installation des dispositifs techniques, l'article 706-99 dispose que le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui peut requérir tout agent qualifié d'un service, unité ou organisme placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur et dont la liste est fixée par décret 66 ( * ) . À cet effet, les fonctionnaires de ces services chargés de mettre en place ces dispositifs sont autorisés à détenir des matériels portant atteinte à la vie privée, sans que cette détention soit spécifiquement autorisée par le Premier ministre.

Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire est, conformément à l'article 706-100, tenu de dresser procès-verbal des opérations de mise en place du dispositif technique ainsi que des opérations de captation, de fixation et d'enregistrement. Les enregistrements sont, pour leur part, placés sous scellés fermés. L'article 706-101 dispose, quant à lui, que le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire décrit ou transcrit, dans un procès-verbal versé au dossier de la procédure, les images ou les conversations enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité. Enfin, l'article 706-102 prescrit la destruction des enregistrements, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l'expiration du délai de prescription de l'action publique. Il est alors dressé procès-verbal de l'opération de destruction.


Les garanties attachées à la mise en oeuvre de cette technique

La technique d'enquête prévue par ces articles présente un caractère très intrusif et attentatoire aux libertés publiques en ce qu'elle permet aux services de police judiciaire de pénétrer clandestinement dans un domicile pour y capter des paroles prononcées à titre privé ou y prendre des images. Sa mise en oeuvre nécessitait de ce fait d'être entourée de solides garanties pour respecter les exigences constitutionnelles. Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 précitée, le Conseil constitutionnel a souligné que la mise en oeuvre de cette technique pour constater certaines infractions pénales se justifiait « dès lors que l'autorisation de les utiliser émane de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que sont prévues des garanties procédurales appropriées ».

Parmi ces garanties, le Conseil constitutionnel a relevé :

- le fait que la technique ne peut être mise en oeuvre qu'après l'ouverture d'une information et sous réserve que les nécessités de celle-ci le justifient ;

- que le législateur a fait du juge d'instruction ou, le cas échéant, à sa requête, du juge des libertés et de la détention, l'autorité compétente pour ordonner l'utilisation de ces procédés ;

- que la loi exige une décision écrite et motivée précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ;

- qu'elle précise que l'autorisation du magistrat compétent est valable pour une durée maximale de quatre mois et qu'elle n'est renouvelable que dans les mêmes conditions de forme et de durée ;

- que le législateur a placé ces opérations sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées ;

- qu'enfin, le législateur a précisé que chacune des opérations ferait l'objet d'un procès-verbal, que les enregistrements seraient placés sous scellés fermés et qu'ils seraient détruits à l'expiration du délai de prescription de l'action publique.

Enfin, le Conseil constitutionnel a relevé que l'article 706-101 du code de procédure pénale limite aux seuls enregistrements utiles à la manifestation de la vérité le contenu du procès-verbal, établi par le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui, qui décrit ou transcrit les images ou les sons enregistrés et que, dès lors, le législateur avait « nécessairement entendu que les séquences de la vie privée étrangères aux infractions en cause ne puissent en aucun cas être conservées dans le dossier de la procédure ».

C'est au regard de l'ensemble de ces garanties prévues par le législateur que le Conseil constitutionnel a admis la conformité à la Constitution de ces dispositions.

Le Conseil a d'ailleurs également admis cette conformité dans le cas d'un usage de cette technique dans un cadre préventif dans sa décision sur la loi relative au renseignement 67 ( * ) . Là encore, le Conseil constitutionnel a relevé que le législateur avait entouré la mise en oeuvre de la technique de recueil de renseignements mentionnée à l'article L. 853-1 du code de la sécurité intérieure, le cas échéant lorsqu'elle impose l'introduction dans un lieu privé ou un véhicule, qui n'est pas à usage d'habitation, « de dispositions de nature à garantir que les restrictions apportées au droit au respect de la vie privée ne revêtent pas un caractère manifestement disproportionné ». Il a du reste tenu le même raisonnement dans le cas où la mise en oeuvre de la technique impose l'introduction dans un lieu privé à usage d'habitation, assortie de garanties supplémentaires, « de nature à garantir que les restrictions apportées au droit au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile ne revêtent pas un caractère manifestement disproportionné ».


L'extension aux enquêtes du parquet de la technique de sonorisation et captation d'images

L'article 3 étend aux enquêtes conduites par le parquet (flagrance et préliminaire) en matière de criminalité organisée, et donc dans le domaine de la lutte antiterroriste, l'usage de cette technique.

Lors des auditions que votre rapporteur avait conduites sur la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste, il lui avait été fait valoir le grand intérêt présenté par cette extension, au-delà même de l'argument de cohérence puisque l'usage de cette technique est désormais reconnu aux services spécialisés de renseignement. Le procureur de la République de Paris avait notamment relevé qu'actuellement, des informations judiciaires sont ouvertes uniquement dans le but de permettre la mise en oeuvre d'une telle technique. Les services de police entendus par votre rapporteur avaient, pour leur part, indiqué que l'utilisation de cette technique dans le cadre des enquêtes constituerait une avancée substantielle, notamment pour confirmer ou infirmer des soupçons en début de procédure.

Le texte voté par l'Assemblée nationale, qui n'a fait l'objet que de modifications rédactionnelles et de précision introduites par la commission des lois à l'initiative de son rapporteur, complète tout d'abord, à son , l'article 706-96 du code de procédure pénale afin de donner au procureur de la République la faculté de solliciter auprès du juge des libertés et de la détention l'autorisation de mettre en oeuvre cette technique d'enquête.

Le porte rédaction globale de l'article 706-98 afin de limiter à un mois, renouvelable une fois, l'usage de la technique dans le cadre d'une enquête, et d'instaurer, tout en maintenant le principe actuel d'une autorisation fixée pour quatre mois maximum dans le cadre d'une information judiciaire, une durée maximale de deux ans pour l'usage de la technique dans le cadre de la même information judiciaire.

Le porte des dispositions de coordination et le précise, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qu'aucune séquence relative à la vie privée des personnes filmées ou enregistrées et n'ayant pas de lien avec les infractions dont la preuve est recherchée ne peut être conservée dans le dossier de la procédure.


La position de votre commission

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-70 de rédaction globale de l'article 3. Cet amendement supprime les dispositions relatives à la technique de captation à distance des données informatiques qui, pour des raisons de bonne organisation du projet de loi, sont réintroduites dans un article additionnel dédié (article 3 bis A).

Puis, conformément au choix légistique retenu par le Sénat dans la proposition de loi adoptée le 2 février dernier, votre commission a souhaité, pour la bonne lisibilité du droit, que la technique de sonorisation soit définie dans deux articles distincts du code de procédure pénale selon qu'elle est mise en oeuvre dans le cadre d'une enquête (article 706-96) ou d'une information judiciaire (article 706-96-1).

Enfin, l'amendement maintient une distinction de durée d'autorisation selon qu'il s'agit d'une enquête (un mois renouvelable une fois) ou une information judiciaire (deux mois renouvelable, en supprimant la limitation globale à deux ans). Il prévoit également que quand la technique a été autorisée par le juge des libertés et de la détention au bénéfice du parquet, ce magistrat est informé dans les meilleurs délais par le procureur de la République des actes accomplis en application de ces dispositions ainsi que de leurs résultats.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 3 bis A (nouveau) (art. 706-102-1 à 706-102-8 du code de procédure pénale et art. 226-3 du code pénal) - Extension de la captation des données informatiques

Introduit dans le projet de loi par l' amendement COM-71 présenté par votre rapporteur, l'article 3 bis A reprend d'une part, les dispositions relatives à la captation des données informatiques initialement insérées à l'article 3 du présent projet de loi, visant à permettre son application lors des enquêtes de flagrance ou préliminaire, et d'autre part, les dispositions de l'article 4 de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 2 février dernier afin de faciliter son utilisation.


L'extension de la captation des données informatiques aux enquêtes

Introduite par la loi du 14 mars 2011 68 ( * ) à l'article 706-102-1 du code de procédure pénale, la captation des données informatiques permet de capter en temps réel des données informatiques à l'insu de l'intéressé. Cette technique permet plusieurs utilisations :

- une « saisie » des fichiers informatiques contenus sur un disque dur, ou sur même des supports amovibles tels une clé USB ;

- un accès à des fichiers conservés sur des périphériques dans le cadre d'une surveillance continue, grâce à un programme informatique de type « cheval de Troie » 69 ( * ) ;

- ou encore l'enregistrement de tout ce qui est saisi au clavier ou ce qui apparaît à l'écran, notamment avant qu'il ne soit crypté et envoyé, grâce à un dispositif dit de « keylogger ».

Actuellement, le juge d'instruction peut décider cette captation pour une durée de quatre mois renouvelable une fois, dans les seules informations ouvertes en matière de criminalité et de délinquance organisées. Il prévoit deux modes d'exécution de la captation soit par l'introduction physique au domicile d'un dispositif technique 70 ( * ) , soit par l'utilisation d'un dispositif à distance.

Le présent article propose de permettre l'utilisation de cette technique au cours d'enquêtes de flagrance ou préliminaire, sur autorisation du juge des libertés et de la détention.


Permettre une application effective du dispositif

Si votre commission juge opportun de permettre aux magistrats du parquet l'utilisation de ces techniques d'enquête, elle s'interroge néanmoins sur l'application effective de ces dispositifs.

En effet, cette possibilité offerte aux juges d'instruction par la loi depuis 2011 est restée lettre morte en dépit de la recommandation n° 48 du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité 71 ( * ) qui, en février 2014, « réaffirmait l'intérêt (...) de la technique ainsi que la nécessité de donner rapidement aux praticiens la possibilité d'utiliser cette technique légalisée dès 2011 ».

Plusieurs éléments expliquent l'absence d'utilisation de ces dispositifs par les juges d'instruction.

En premier lieu, les actes réglementaires n'ont été pris que très tardivement. Par exemple, le décret permettant d'assurer la conformité de ce dispositif à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés n'a été adopté que le 18 décembre 2015 72 ( * ) .

Ensuite, le régime d'autorisation ministérielle imposé par l'article 226-3 du code pénal est particulièrement contraignant et long. La commission consultative instituée à l'article R. 226-2 du code pénal n'a validé son premier logiciel que le 5 octobre 2013. Or la procédure d'agrément participe de l'obsolescence technologique des logiciels.

Cette situation a été dénoncée tant par la juridiction d'instruction antiterroriste de Paris que par le parquet national antiterroriste. Ainsi Mme Camille Hennetier, chef de la section terrorisme du parquet de Paris, a-t-elle regretté devant votre commission que : « Les chevaux de Troie - les keyloggers - ont été autorisés, mais en attendant la publication du décret et vu la lourdeur du régime administratif, qui suppose l'autorisation des logiciels par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, la mesure n'est pas mise en oeuvre » . Le parquet de Paris juge nécessaire de supprimer l'autorisation préalable de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et de permettre au juge d'instruction ou juge des libertés et de la détention de recourir à un expert agréé par les services du premier ministre ou au centre technique d'assistance.

Pour l'heure, seuls deux logiciels ont été préalablement autorisés par la commission spécifique de l'ANSSI mais n'ont pas été mis à disposition de la justice. Un troisième obstacle réside en effet dans la négociation du prix fixé pour l'utilisation de cette technique, à la charge du ministère de la Justice.

Ces difficultés sont d'autant plus surprenantes que la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a, par la création d'un article L. 853-2 du code de la sécurité intérieure, autorisé les services de renseignement à utiliser la technique de captation de données à distance. Comme le relevait le rapport de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2015, il est intéressant de constater que ces techniques ont été rapidement utilisées par les services, y compris des services de police judiciaire tels la sous-direction antiterroriste, la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité ou encore l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST). En revanche, les magistrats instructeurs demeurent soumis à d'importantes contraintes qui les privent de cette technique dans un cadre judiciaire. Le rapport recommandait ainsi de « résoudre les difficultés de mise en oeuvre de certaines techniques dans le cadre de la police judiciaire - en particulier l'accès aux flux informatiques - comme le propose notamment la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste déposée le 17 décembre 2015 au Sénat - plutôt que de développer les pouvoirs administratifs de services ayant principalement une vocation de police judiciaire ».

En conséquence, votre commission a adopté l' amendement COM-71 de son rapporteur afin de faciliter l'utilisation de la captation des données informatiques dans un cadre judiciaire.

Selon le dispositif adopté, en sus des logiciels développés par les industriels, les magistrats pourraient avoir recours à toute personne physique ou morale qualifiée afin de fabriquer un tel dispositif technique. Ce dernier devrait nécessairement être approuvé par l'ANSSI dans des délais que votre commission espère raisonnable. Cette rédaction permettrait néanmoins la fabrication de dispositifs ad hoc afin de répondre, d'une part aux difficultés liées à l'obsolescence technique et, d'autre part partiellement du moins aux obstacles financiers. Cette réquisition relèverait en effet du droit commun de prise en charge par les frais de justice.

Enfin, le magistrat pourrait également saisir le centre technique d'assistance 73 ( * ) pour la réalisation de cette opération, centre qui peut d'ores et déjà être saisi par le parquet, un juge d'instruction ou un officier de police judiciaire sur autorisation du parquet ou du juge d'instruction, afin de « mettre au clair des données chiffrées nécessaires à la manifestation de la vérité ».

Votre commission a adopté l'article 3 bis A ainsi rédigé.

Article 3 bis B (nouveau) (art. 706-24-2 [nouveau] du code de procédure pénale) - Continuité des actes d'enquête entre la phase d'enquête et l'information judiciaire

L'introduction de l'article 3 bis B résulte de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-72 présenté par votre rapporteur. Cet article constitue la reprise des dispositions de l'article 1 er de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 2 février dernier.

Ce dispositif a pour but d'améliorer la transition entre les enquêtes placées sous l'autorité du parquet national antiterroriste et les informations judiciaires conduites par les magistrats instructeurs, ainsi qu'en avaient exprimé le souhait les services d'enquête entendus par votre rapporteur. Il permet aux actes d'investigations autorisés pendant une enquête en matière terroriste conduite sous l'autorité du parquet de Paris de se prolonger pendant une courte durée de 48 heures après l'ouverture d'une information judiciaire par réquisitoire introductif.

Les actes ainsi prolongés seraient spécifiquement visés dans le réquisitoire introductif du procureur de la République de Paris et seraient à nouveau soumis, à l'issue des 48 heures, à l'autorisation du juge d'instruction, selon les dispositions de droit commun. Seraient susceptibles d'être concernés les dispositifs de surveillance (706-80 du code de procédure pénale), d'infiltration (706-81 du CPP) et d'interception de communications (706-95 du CPP). Par coordination avec les articles 1 er bis , 2 et 3 du projet de loi, la saisie de données informatiques (article 706-95-1), l'utilisation de l' IMSI catcher (706-95-4 du CPP), les opérations de sonorisation (706-96 du CPP) et les opérations de captation à distance de données informatiques (706-102-1) pourraient également être autorisées pendant les 48 heures suivant la saisine d'un juge ou de juges d'instruction.

Votre commission a adopté l'article 3 bis B ainsi rédigé .

Article 3 bis (art. 145-1 et 706-24-3 du code de procédure pénale) - Durées de détention provisoire applicables aux procédures terroristes

Introduit dans le projet de loi par les députés sur proposition de M. Guillaume Larrivé, l'article 3 bis augmente la durée de détention provisoire pour les personnes majeures faisant l'objet d'une procédure judiciaire pour terrorisme. Le Sénat avait pour sa part adopté des dispositions, à l'article 16 de la proposition de loi votée le 2 février dernier, concernant les personnes mineures.


Les durées maximales de détention provisoire pour les majeurs

Pour les personnes majeures, la durée de détention provisoire est fixée par l'article 145-1 du code de procédure pénale en matière délictuelle . La détention provisoire ne peut excéder quatre mois si la personne mise en examen n'a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an et lorsqu'elle encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans. Dans les autres cas, à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut décider de prolonger la détention provisoire pour une durée qui ne peut excéder quatre mois par une ordonnance motivée. Cette décision peut être renouvelée, la durée totale de la détention ne pouvant excéder un an . Cette durée est portée à deux ans lorsqu'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du territoire national ou lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu'elle encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement. Par ailleurs, à titre exceptionnel, la chambre de l'instruction peut prolonger pour une durée de quatre mois cette durée de deux ans lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d'une particulière gravité. En outre, l'article 706-24-3 porte la durée totale de détention à trois ans pour l'instruction du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste .

En matière criminelle , les durées de détention provisoire relèvent de l'article 145-2. En ce domaine, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d' un an . Toutefois, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée maximale de six mois par une ordonnance motivée. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure. La personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà de deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles, ce délai étant porté à trois ans dans les autres cas. Les délais s'établissent respectivement à trois et quatre ans lorsque l'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du territoire national. Le délai est aussi de quatre ans lorsque la personne est poursuivie pour plusieurs crimes mentionnés aux livres II et IV du code pénal, ou pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée. La chambre de l'instruction bénéficie également d'une faculté de prolongation exceptionnelle de quatre mois.


Les modifications introduites par le projet de loi

Les dispositions de l'article 3 bis n'ont pas pour effet de modifier les durées maximales de détention provisoire qui sont maintenues à deux ans pour les délits terroristes et à trois ans pour l'instruction du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. En revanche, elles ont pour conséquence, par dérogation à l'article 145-1 du code pénal, de porter de quatre à six mois la durée maximale de détention pouvant être ordonnée par le juge d'instruction pour l'ensemble des délits terroristes.

Une telle évolution était notamment souhaitée par les magistrats du pôle d'instruction antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris, ces derniers considérant trop courte cette durée de quatre mois et de nature à favoriser des contentieux à répétition. Votre rapporteur avait été sensible à cette demande et considère par conséquent bienvenue cette modification du code de procédure pénale.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-73 de rédaction globale de cet article. Outre des améliorations rédactionnelles et de coordination, il a pour but de reprendre les dispositions de l'article 16 de la proposition de loi sénatoriale sur l'allongement de la durée totale de détention provisoire des mineurs.

Les durées maximales de détention provisoire pour les mineurs

Pour les personnes mineures, les durées de détention provisoire sont définies à l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 74 ( * ) . Cet article distingue la situation des mineurs dont l'âge est compris entre 13 ans révolus 75 ( * ) et moins de 16 ans. Ceux-ci ne peuvent être placés en détention provisoire que s'ils encourent une peine criminelle 76 ( * ) . En ce cas, la détention provisoire ne peut excéder six mois. À l'expiration de ce délai, la détention peut être prolongée, à titre exceptionnel, pour une durée n'excédant pas six mois, la durée totale maximale étant donc d'un an.

Les mineurs âgés de seize ans révolus ne peuvent être placés en détention provisoire que s'ils encourent une peine criminelle ou s'ils encourent une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à trois ans 3 .

En matière correctionnelle, lorsque la peine encourue n'est pas supérieure à sept ans d'emprisonnement, la détention provisoire ne peut excéder un mois, durée qui peut être prolongée une seule fois. Dans tous les autres cas, les mineurs de 16 ans et plus sont soumis aux mêmes dispositions que les majeurs (article 145-1 du CPP), exception faite de la durée totale de détention provisoire qui ne peut excéder un an.

En matière criminelle, les dispositions applicables aux personnes majeures (article 145-2 du CPP) sont applicables aux mineurs de plus de 16 ans, exception faite de la durée totale de détention provisoire qui ne peut excéder deux ans.

Au cours des auditions que votre rapporteur a conduites, il lui a été fait valoir qu'une prolongation de la durée totale de détention provisoire des mineurs paraissait utile dans certains dossiers liés au terrorisme. Ainsi, d'après les statistiques fournies par le parquet du tribunal de grande instance de Paris, vingt-neuf mineurs 77 ( * ) font actuellement l'objet d'une mise en examen pour des infractions à caractère terroriste, dont huit d'entre eux sont placés en détention provisoire et vingt-et-un sous contrôle judiciaire. Sur ces vingt-neuf mineurs, vingt-et-un étaient âgés de plus de seize ans au moment des faits. Par ailleurs, sur ces mises en examen, trois concernent des faits de nature criminelle. Les durées de détention provisoire actuellement applicables aux mineurs ne sont donc pas de nature à permettre une instruction sereine de toutes les affaires qui peuvent présenter une certaine complexité.

Il est par conséquent proposé, pour les seuls mineurs d'un âge compris entre 16 et 18 ans , de porter la durée totale de détention provisoire d'un à deux ans pour l'instruction du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et de deux à trois ans pour l'instruction des crimes terroristes.

Votre commission a adopté l'article 3 bis ainsi modifié .

CHAPITRE IER BIS (nouveau)
Dispositions renforçant
la répression du terrorisme

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-74 insérant au sein du titre I er une division additionnelle intitulée « Dispositions renforçant la répression du terrorisme » afin d'y regrouper les articles additionnels ajoutés par les députés ainsi que ceux que votre commission a adoptés, lesquels reprennent certains des articles de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 2 février dernier.

Article 4 (art. 706-22-1 du code de procédure pénale) - Règles de compétence de la juridiction parisienne en matière d'application des peines pour les infractions terroristes

L'article 4 propose une évolution des règles de compétence de la juridiction parisienne d'application des peines, qui sont fixées par l'article 706-22-1 du code de procédure pénale.


• Les règles spécifiques en matière d'application des peines pour les infractions terroristes

Comme votre rapporteur l'avait déjà exposé dans son commentaire 78 ( * ) de l'article 8 de la proposition de loi votée par le Sénat le 2 février dernier, la loi du 23 janvier 2006 79 ( * ) a, par exception aux règles de droit commun, confié une compétence exclusive aux juridictions parisiennes en matière d'application des peines des condamnés terroristes.

Ainsi, le juge spécialisé de l'application des peines du tribunal de grande instance de Paris, le tribunal de l'application des peines de Paris et la chambre d'application des peines de la cour d'appel de Paris interviennent, après avis du juge de l'application des peines territorialement compétent, dans l'application des peines des condamnés aux infractions suivantes :

- les actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;

- le non-respect des obligations prévues au titre du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT) ;

- lorsqu'elles sont commises par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen ou réclamée dans le cadre d'une extradition pour des actes de terrorisme,

o les infractions commises en détention ;

o les infractions d'évasion et d'association de malfaiteurs en vue d'une évasion ;

o les infractions de non-respect de l'assignation à résidence, des prescriptions liées au placement sous surveillance électronique, des obligations de présentation, prévu à l'article L. 624-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

o l'infraction de non-respect de l'interdiction de sortie du territoire.

Cette centralisation des décisions à l'égard de cette catégorie de détenus a l'avantage de permettre une jurisprudence cohérente et homogène en matière d'aménagement de peine, de permissions de sortir, de réductions de peine et de coordonner les prises en charge et suivis des condamnés appartenant à la même mouvance. Elle permet également le développement d'une politique pénale spécifique au parquet de Paris en matière d'aménagement de peines.

Pour autant, ce dispositif impose une lourde charge de travail au juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Paris, spécialisé dans ce contentieux.

Un renforcement urgent et nécessaire
des effectifs d'application des peines

Au 31 décembre 2015, le cabinet du juge de l'application des peines compétent en matière terroriste assurait seul le suivi de 240 condamnés pour des faits de terrorisme, soit 27 % de plus qu'en 2014.

Cette croissance du nombre des condamnés se double d'une augmentation importante des demandes d'aménagement de peines de la part des terroristes djihadistes (+ 23,6 % entre 2013 et 2014, + 47 % entre 2014 et 2015).

Dans ce contexte, il apparaît urgent de renforcer les effectifs de la juridiction parisienne d'application des peines et, en particulier, d'affecter un second cabinet en matière terroriste.

Or, ce renfort annoncé par la chancellerie en janvier 2015 n'est toujours pas effectif. Au surplus, votre rapporteur constate que les emplois de greffes restent tout aussi théoriques : un seul greffier à temps partiel est affecté au cabinet du juge d'application des peines antiterroriste.


Les aménagements proposés par le projet de loi

Aux fins d'allégement de la charge de la juridiction d'application des peines de Paris, l'article 4 limite sa compétence exclusive aux personnes condamnées par les juridictions parisiennes.

L'enjeu principal d'une telle réforme réside dans le suivi des personnes condamnées pour apologie du terrorisme, délit qui a donné lieu, depuis son intégration dans le code pénal par la loi du 13 novembre 2014 80 ( * ) à l'article 421-2-5, à un nombre important de condamnations.

Comme votre rapporteur le soulignait, en raison du profil des auteurs de l'infraction et la gravité relative de l'infraction, les juridictions spécialisées parisiennes (parquet, juge d'instruction, juridictions de jugement) ne se saisissent pas des comportements qui relèvent d'une « glorification isolée et ponctuelle du terrorisme » mais retiennent leur compétence pour les infractions s'inscrivant dans « une démarche organisée et structurée de la propagande » 81 ( * ) . Pourtant, contrairement aux juridictions de poursuite, d'instruction ou de jugement de Paris qui disposent d'une compétence concurrente, le juge spécialisé ou les juridictions de l'application des peines de Paris sont tenus d'exercer leur compétence en matière d'application des peines pour tous ces condamnés.

Cette obligation apparaît manifestement disproportionnée eu égard au contentieux de masse de l'apologie du terrorisme et aux profils des auteurs de ce délit qui semblent majoritairement relever d'une prise en charge de droit commun .

C'est dans cette perspective que le Sénat avait retenu une solution différente de celle choisie par le Gouvernement en prévoyant, à l'article 8 de la proposition de loi n° 79, d'exclure uniquement de la compétence exclusive de la juridiction parisienne d'application des peines les délits d'apologie du terrorisme dont le parquet national antiterroriste ne s'était pas saisi.

Votre rapporteur estime préférable une telle solution en ce qu'elle permet à la juridiction parisienne d'application des peines d'assurer le suivi des détenus terroristes sur le long terme, y compris quand ces derniers ont été condamnés par une juridiction territorialement compétente pour des faits non terroristes (délits en détention, tentative d'évasion, etc.). Par conséquent, sur sa proposition, votre commission a adopté un amendement COM-75 substituant à la rédaction proposée par le Gouvernement celle retenue par le Sénat le 2 février dernier. Serait également exclu de cette compétence exclusive le délit d'entrave intentionnelle au blocage judiciaire ou administratif des sites faisant l'apologie du terrorisme, créé par l'article 4 sexies du présent projet de loi, lequel reprend les dispositions également votées par le Sénat le 2 février dernier.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 4 bis A (nouveau) (art. 421-5 du code pénal) - Circonstance aggravante de l'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroristes

Introduit dans le projet de loi par l' amendement COM-76 de votre rapporteur, l'article 4 bis A reprend partiellement les dispositions de l'article 11 de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 2 février dernier afin de faciliter la criminalisation de l'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste.

Depuis la loi du 22 juillet 1996 82 ( * ) , l'article 421-2-1 du code pénal réprime « le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme ». Cette infraction-obstacle 83 ( * ) permet de sanctionner la préparation d'actes de terrorisme avant même que ces derniers soient commis ou même tentés. Elle est punie de dix ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende. Elle peut être requalifiée en crime lorsque le groupement ou l'entente à l'origine de l'association de malfaiteurs a pour objet la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes ou qu'elle est susceptible d'entraîner la mort en cas de destruction par substances explosives ou d'acte de terrorisme écologique. De même, les personnes qui dirigent ou organisent le groupement encourent vingt ans de réclusion criminelle et 500 000 euros d'amende.

Cette infraction, abondamment utilisée par les juridictions antiterroristes, s'applique aujourd'hui à une très grande diversité de comportements. En outre, les peines retenues sont prononcées très souvent au maximum du quantum prévu. Ainsi, comme le soulignait Mme Camille Hennetier devant votre commission des lois 84 ( * ) : « Avec l'écrasement des peines, on condamne à sept ans ceux qui ont passé un mois sur zone, à dix ans ceux qui y sont depuis des années... » .

Par ailleurs, les dossiers sont parfois trop fragiles pour permettre une condamnation criminelle : « les personnes visées sont majoritairement en Syrie, or il est difficile d'apporter la preuve des exactions commises sur zone qui permettraient de basculer sur une infraction criminelle » .

Au regard de ce constat, votre commission considère nécessaire d'améliorer le cadre légal afin de permettre le prononcé de peines plus longues et plus efficaces.

Lors de l'examen de la proposition de loi sénatoriale tendant à renforcer la lutte antiterroriste, la commission des lois avait réfléchi à l'opportunité de criminaliser l'association de malfaiteurs à but terroriste. Cette disposition permettrait un renforcement significatif des peines encourues, ce crime serait alors jugé par la cour d'assises de Paris spécialement composée de juges professionnels 85 ( * ) . Néanmoins, en raison d'un nombre insuffisant de juges, ce qui appelle une réflexion générale sur les moyens de la justice, il semble irréalisable de faire juger l'intégralité de ce contentieux par la cour d'assises spéciale qui mobilise entre sept et neuf magistrats. Les délais d'audiencement en seraient nécessairement affectés et nuiraient à l'efficacité de la répression attendue.

Les magistrats entendus par votre rapporteur ont proposé une peine de quinze ans d'emprisonnement, et non de réclusion criminelle, qui resterait prononcée par le tribunal correctionnel de Paris. Néanmoins, une telle modification législative suppose une réflexion globale sur la répartition des compétences entre les juridictions pénales, qui dépasse le cadre de ce projet de loi.

Dès lors, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-76, qui accroît les possibilités de criminaliser une association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste. Cette rédaction vise à créer une circonstance aggravante permettant de criminaliser les seules associations de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste, lorsqu'elles sont commises à l'étranger, ou après un séjour à l'étranger, sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes.

Listes des qualifications simples et aggravées
d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste

Droit en vigueur

État du droit tel que modifié par le présent article

Délit d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste (art. 421-2-1 du code pénal) puni de 10 ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende

Crime d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste, commise à l'occasion ou précédée d'un séjour à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes (art. 421-5 du code pénal) puni de 15 ans de réclusion criminelle et de 225 000 euros d'amende

Crime de direction ou d'organisation du groupement ou de l'entente défini au 421-2-1 (association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste), puni de 20 ans de réclusion criminelle et de 500 000 euros d'amende (art. 421-5 du code pénal)

Crime d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste lorsqu'elle prépare :
- un crime d'atteintes aux personnes 86 ( * ) ; - une destruction par substances explosives ou incendiaires susceptibles d'entraîner la mort ; - un acte de terrorisme écologique susceptible d'entraîner la mort (art. 421-6 du code pénal).

Ce crime est puni de 20 ans de réclusion criminelle et de 350 000 euros d'amende ou de 30 ans de réclusion criminelle et de 500 000 euros d'amende en cas de direction d'une telle entente.

Votre commission a adopté l'article 4 bis A ainsi rédigé.

Article 4 bis (art. 132-45 du code pénal et art. 138 du code de procédure pénale) - Actions de prise en charge de la radicalisation en cas de sursis avec mise à l'épreuve ou de contrôle judiciaire

Introduit dans le texte du projet de loi par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur, l'article 4 bis reprend des dispositions votées par votre Haute assemblée dans la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste.

Il complète, au sein de l'article 132-45 du code pénal, la liste des obligations pouvant être prononcées dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve (SME) en cas de condamnation pour infraction terroriste 87 ( * ) .

Évoqué par Mme Camille Hennetier, vice-procureur au parquet de Paris, lors de son audition avec M. François Molins devant votre commission le 9 décembre 2015, ce complément a pour but de donner un outil supplémentaire aux juridictions de jugement afin de leur permettre de prescrire aux personnes faisant l'objet d'un sursis avec mise à l'épreuve à la suite d'une condamnation pour terrorisme, des actions spécifiques de prise en charge (sanitaire, sociale, éducative ou psychologique) de la radicalisation. Comme votre rapporteur le soulignait au moment de l'examen du texte sénatorial, un tel dispositif permet, pour les infractions terroristes les moins graves et si la personnalité du condamné semble adaptée à la mise en place de telles actions, de prévoir une alternative à l'incarcération.

Votre commission se félicite que cette disposition ait été intégrée au texte du Gouvernement. Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-77 de rédaction globale de cet article. Outre des améliorations rédactionnelles, il élargit tout d'abord la possibilité de faire usage de ces dispositions de façon générale au-delà des seules condamnations prises sur le fondement des infractions terroristes dans la mesure où une personne condamnée pour d'autres infractions peut être susceptible d'entrer dans le cadre de ce dispositif. Cet amendement permet également de prévoir que ces actions de prise en charge de la radicalisation peuvent, le cas échéant, intervenir au sein d'un établissement d'accueil adapté dans lequel le condamné est tenu de résider. Par ailleurs, il prévoit d'étendre cette faculté aux décisions de contrôle judiciaire prises par les juges d'instruction dans le cadre de leurs informations judiciaires.

Votre commission a adopté l'article 4 bis ainsi modifié .

Article 4 ter A (art. 421-3, 421-4, 421-5, 421-6 et 421-7 [nouveau] du code pénal) - « Perpétuité réelle » pour les crimes terroristes

L'insertion dans le projet de loi de l'article 4 ter A résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale en séance publique d'un amendement de M. Guillaume Larrivé, sous-amendé par le Gouvernement, et de plusieurs amendements de coordination. Il vise à étendre l'application de plein droit d'une période de sûreté au délit de terrorisme par recrutement et à permettre à la cour d'assises de prononcer, par décision spéciale, la réclusion criminelle à perpétuité sans possibilité d'aménagement de peine.


L'application de plein droit d'une période de sûreté pour les condamnations à des infractions terroristes

Introduite par la loi du 22 novembre 1978 pour faire obstacle à toute mesure d'individualisation de la peine prononcée, la période de sûreté est une période pendant laquelle aucune mesure de suspension ou de fractionnement de la peine, de placement à l'extérieur, de permissions de sortir, de semi-liberté ou de libération conditionnelle ne peut être accordée au condamné.

Définie à l'article 132-23 du code pénal, elle est applicable de plein droit en cas de prononcé d'une condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d'une durée égale ou supérieure à dix ans, sur le fondement d'une infraction pour laquelle le législateur a spécialement prévu l'application de cette mesure. Elle est facultative lorsqu'une juridiction prononce une peine privative de liberté d'une durée supérieure à cinq ans 88 ( * ) .

La durée de la période de sûreté de plein droit est égale à la moitié de la peine prononcée ou à 18 ans en cas de condamnations à la réclusion criminelle à perpétuité . La juridiction peut décider de ne pas prononcer la période de sûreté, de la réduire, mais également de l'augmenter par décision spéciale jusqu'aux deux tiers de la peine ou, en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, jusqu'à vingt-deux ans .

En matière d'infractions terroristes, la période de sûreté s'applique d'ores et déjà de plein droit pour les délits de droit commun, punis de dix ans d'emprisonnement, et les crimes de droit commun commis en relation avec une entreprise terroriste, les crimes de terrorisme écologique, le délit et les crimes d'associations de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste, le délit de financement du terrorisme et le délit d'entreprise individuelle terroriste.

Application d'une période de sûreté aux infractions terroristes

Droit actuel

Modifications introduites
par le projet de loi

Infractions avec application d'une période de sûreté de plein droit

Délits punis de dix ans d'emprisonnement et crimes de droit commun commis en relation avec une entreprise terroriste (art. 421-1 du code pénal, période de sûreté en application du 421-3)

Non modifié

Crimes de terrorisme écologique (art. 421-2 du code pénal, période de sûreté en application du 421-4)

Non modifié

Délit et crimes d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste (art. 421-2-1 du code pénal, période de sûreté en application des art. 421-5 et 421-6)

Non modifié

Délit de financement du terrorisme (art. 421-2-2, période de sûreté en application du 421-5)

Non modifié

Entreprise individuelle terroriste (art. 421-2-6, période de sûreté en application du 421-5)

Non modifié

Délit de terrorisme par recrutement (421-2-4)

Infractions passibles d'une période de sûreté facultative

Délit de non-justification de ressources, en relations habituelles avec des terroristes, puni au maximum de sept ans d'emprisonnement (art. 421-2-3)

Non modifié

Provocation ou apologie des actes de terrorisme, puni au maximum de sept ans (art. 421-2-5)

Non modifié

Source : commission des lois du Sénat

Le présent article propose, au sein d'un nouvel article 421-7 inséré à la fin du chapitre relatif aux actes de terrorisme, de généraliser l'application de plein droit d'une période de sûreté à tous les crimes et délits terroristes punis d'au moins dix ans d'emprisonnement .

Or la quasi-totalité des délits terroristes permettant déjà le prononcé d'une période de sûreté, cet article n'étend l'application de cette disposition qu'aux condamnations du chef de l'infraction dit de  « recrutement terroriste ». Notons qu'aucune condamnation n'a été prononcée pour ce délit, introduit dans le code pénal par la loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme qui sanctionne de dix ans d'emprisonnement « le fait d'adresser à une personne des offres ou des promesses, de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, de la menacer ou d'exercer sur elle des pressions afin qu'elle participe à un groupement [...d'association de malfaiteurs à but terroriste...] ou qu'elle commette un des actes de terrorisme (...). »


La possibilité de prononcer une peine de réclusion criminelle à perpétuité « réelle »

Pour certains crimes particulièrement graves punis de la réclusion criminelle à perpétuité, des dispositions spéciales permettent à la cour d'assises de prononcer une période de sûreté couvrant l'intégralité de la peine prononcée, celle-ci devant alors « incompressible ». Pour les crimes de meurtre ou d'assassinat de mineur de 15 ans précédé ou accompagné de viols ou de tortures et d'actes de barbarie, ou lorsque l'assassinat a été commis sur un magistrat, un fonctionnement de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l'administration pénitentiaire ou toute personne dépositaire de l'autorité publique, définis aux articles 221-3 et 221-4 du code pénal, la cour d'assises peut ainsi prononcer une condamnation à temps et appliquer une période de sûreté à la totalité de cette peine ou prononcer une réclusion criminelle à perpétuité et décider qu'aucune mesure d'individualisation de la peine ne peut être accordée 89 ( * ) , soit une perpétuité dite « réelle ».

Reprenant partiellement l'article 11 de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste adoptée par le Sénat le 2 février dernier, le présent article étend cette possibilité aux crimes terroristes punis de la réclusion criminelle à perpétuité , à savoir :

- les crimes punis, selon le droit commun, de la réclusion criminelle à perpétuité, lorsqu'ils sont commis en relation avec une entreprise terroriste (article 421-1 du code pénal) : assassinat, trafic de stupéfiants, etc. ;

- les crimes de droit commun, habituellement punis de trente ans de réclusion criminelle, lorsqu'ils sont commis en relation avec une entreprise terroriste (articles 421-1 et 421-3 du code pénal) : meurtre, empoisonnement, détournement d'aéronef en bande organisée, contrefaçon de monnaie, etc. ;

- le crime de terrorisme écologique lorsque cet acte a entraîné la mort d'une ou plusieurs personnes (articles 421-2 et 421-4 du code pénal).

Comme elle l'avait exprimé lors de l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste, votre commission est favorable à une répression aggravée des crimes terroristes, qui figurent parmi les crimes les plus graves réprimés par le code pénal.

Lors de son audition par votre rapporteur, le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, M. Didier Guérin, a néanmoins soulevé les sérieuses difficultés que pouvaient poser ce dispositif au regard des exigences constitutionnelles et conventionnelles.

Dans sa décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, le Conseil constitutionnel a rappelé que « l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion ».

Aussi, s'il n'a pas déclaré la peine de perpétuité incompressible prévue aux articles 221-3 et 221-4 du code pénal contraire au principe de nécessité des peines, c'est en raison de la procédure prévue à l'article 720-4 du code de procédure pénale permettant le réexamen de la situation du condamné par le tribunal de l'application des peines , à titre exceptionnel et à l'issue d'une période minimale de trente ans , lorsque le condamné manifeste des gages sérieux de réadaptation sociale. Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que « cette disposition doit être entendue comme ouvrant au ministère public et au condamné le droit de saisir le juge de l'application des peines ; qu'au regard de ces prescriptions, les dispositions susmentionnées ne sont pas manifestement contraires au principe de nécessité des peines, énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme ».

De même, si l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme n'interdit pas aux États d'infliger des peines perpétuelles aux auteurs d'infractions graves, la Cour européenne des droits de l'homme exige qu'il existe une possibilité de réexamen et une chance d'élargissement de la peine. L'impossibilité d'un réexamen par l'autorité judiciaire de la peine, dans la perspective de la commuer, de la suspendre, d'y mettre fin ou de la poursuivre est contraire à l'article 3 de la convention prohibant les peines et traitements inhumains et dégradants 90 ( * ) .

Pour satisfaire à ces exigences, votre commission a adopté un amendement de coordination COM-1 présenté par notre collègue M. Jean-Pierre Grand, mentionnant le nouvel article 421-7 du code pénal, à l'instar des autres articles organisant une perpétuité réelle, à l'article 720-4 du code de procédure pénale régissant les possibilités de modification des durées de période de sûreté.

Votre commission a adopté l'article 4 ter A ainsi modifié .

Article 4 ter B (art. 421-8 [nouveau] du code pénal) - Suivi socio-judiciaire pour les personnes reconnues coupables d'une infraction terroriste

L'insertion dans le projet de loi de l'article 4 ter B résulte du vote par l'Assemblée nationale d'un amendement déposé par M. Michel Zumkeller et repris, en son absence en séance publique, par le rapporteur de la commission des lois. Il constitue la stricte reprise de l'article 11 bis de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste adoptée par le Sénat le 2 février dernier.

Ses dispositions permettent aux juridictions compétentes de faire encourir le suivi socio-judiciaire aux personnes condamnées pour terrorisme, dans les conditions prévues aux articles 131-36-1 à 131-36-13 du code pénal 91 ( * ) . Ainsi que l'avait exposé votre rapporteur dans son commentaire de l'article 11 bis , un tel dispositif permet de garantir que les personnes condamnées pour terrorisme feront l'objet d'un suivi à l'issue de leur incarcération et ouvre, au surplus, la possibilité pour la personne d'être assujettie, à sa libération, au régime de surveillance judiciaire et au placement sous surveillance électronique mobile.

Votre commission se félicite que les députés aient intégré dans le projet gouvernemental ces dispositions, dont le Sénat avait eu l'initiative, et a, par conséquent, adopté l'article 4 ter B sans modification .

Article 4 ter (art. L. 811-4-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure, art. 39 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire et art. 727-2 [nouveau] du code de procédure pénale) - Organisation du renseignement pénitentiaire

L'article 4 ter a été intégré dans le projet de loi par la commission des lois de l'Assemblée nationale qui a adopté trois amendements identiques respectivement présentés par MM. Éric Ciotti, Sébastien Pietrasanta et Philippe Goujon.

À l'instar d'une proposition de M. Jean-Jacques Urvoas, en sa qualité de rapporteur du projet de loi relatif au renseignement, qui avait été retenue par l'Assemblée nationale lors de la première lecture de ce texte contre l'avis du Gouvernement, cet article additionnel, adopté avec l'avis désormais favorable du même Gouvernement, moins d'un an après le précédent débat, a pour objet de permettre à des services placés sous l'autorité du ministre de la justice d'être intégrés dans le « deuxième cercle » de la communauté du renseignement. En pratique, une telle inclusion permettrait aux fonctionnaires de la direction de l'administration pénitentiaire chargés du renseignement pénitentiaire de formuler des demandes tendant à la mise en oeuvre des techniques de renseignement et, le cas échéant, de les mettre en oeuvre directement.

Cette proposition avait fait l'objet d'un large débat lors de l'examen du texte par le Sénat, qui avait décidé, à l'initiative de son rapporteur le président Philippe Bas, de la supprimer et d'y substituer un dispositif permettant, d'une part, de faciliter les échanges d'informations entre le renseignement pénitentiaire et le renseignement intérieur et, d'autre part, d'autoriser l'administration pénitentiaire à signaler aux services spécialisés de renseignement des personnes détenues aux fins de mise en oeuvre d'une technique de recueil de renseignement.

La commission mixte paritaire avait, en définitive, décider de supprimer toute référence au renseignement pénitentiaire dans le projet de loi et d'en rester au statu quo .


La mise en oeuvre des techniques de recueil de renseignement

La loi du 24 juillet 2015 a eu pour objet de déterminer le cadre juridique, fixé au livre VIII du code de la sécurité intérieure, dans lequel les techniques de recueil de renseignement sont mises en oeuvre.

Schématiquement, cette procédure prévoit que la mise en oeuvre des techniques de recueil de renseignement, qui doivent répondre à l'une des finalités définies à l'article L. 811-3, est demandée par l'un des ministres de tutelle 92 ( * ) des six services spécialisés de renseignement 93 ( * ) . Cette demande est adressée à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), chargée d'émettre un avis sur le respect du cadre juridique. L'autorisation est ensuite délivrée par le Premier ministre qui n'est pas tenu par l'avis rendu par la CNCTR.

En outre, l'article L. 811-4 a ouvert la possibilité à un décret, pris après avis de la CNCTR, de désigner les services, autres que les services spécialisés de renseignement, relevant des ministres de la défense et de l'intérieur ainsi que des ministres chargés de l'économie, du budget ou des douanes, qui peuvent être autorisés à recourir aux techniques de recueil de renseignement. Sur ce fondement, un décret du 11 décembre 2015 94 ( * ) a défini la liste de ces services du « deuxième cercle » autorisés à demander, dans leurs domaines de compétences et pour certaines finalités, la mise en oeuvre de techniques de recueil de renseignement 95 ( * ) .


L'organisation du renseignement pénitentiaire

La direction de l'administration pénitentiaire a fait l'objet d'une vaste réforme interne au milieu de l'année 2015 96 ( * ) . La compétence en matière de renseignement est désormais exercée par le bureau du renseignement pénitentiaire, rattaché à la sous-direction des missions. Cette entité est chargée, selon les termes de l'article 4 de l'arrêté du 30 juin 2015, de :

- recueillir et analyser l'ensemble des informations utiles à la sécurité des établissements et des services pénitentiaires ;

- assurer le suivi régulier et individualisé des personnes détenues le justifiant ;

- surveiller, en liaison avec les autres services compétents de l'État, notamment du ministère de l'intérieur, l'évolution de certaines formes de criminalité et de radicalisation violente ;

- animer et coordonner le réseau du renseignement pénitentiaire et exploiter à des fins opérationnelles les informations collectées.

Votre rapporteur tient à insister sur la dernière de ces quatre missions puisqu'au-delà des fonctionnaires affectés au sein du bureau de l'administration centrale, les missions de renseignement pénitentiaire sont, sur le terrain, exercées par des agents qui n'appartiennent pas à cette structure. Ainsi, le renseignement pénitentiaire s'appuie sur un réseau d'officiers de renseignement structuré au niveau des neuf directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP) et de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer, ainsi que des établissements pénitentiaires eux-mêmes. Si, au niveau des DISP, ces fonctionnaires exercent leurs missions de renseignement à plein temps, tel n'est pas toujours le cas au sein des établissements pénitentiaires où le fonctionnaire qui en est chargé peut parfois exercer d'autres fonctions .

Pour autant, depuis le début de l'année 2015, il est indéniable que le Gouvernement s'est attaché à renforcer les capacités de l'administration pénitentiaire en la matière afin de renforcer, tant à l'échelon central qu'au niveau des DISP et des établissements, le renseignement pénitentiaire pour mieux appréhender les phénomènes de radicalisation en milieu carcéral.

Une progression sensible des effectifs
du renseignement pénitentiaire

Comme le souligne le rapport de notre collègue Hugues Portelli sur les crédits affectés à l'administration pénitentiaire pour l'année 2016 97 ( * ) , à l'échelon central, un chargé de mission a ainsi été nommé pour suivre la mise en oeuvre du plan de lutte contre la radicalisation et deux postes supplémentaires ont été attribués au bureau du renseignement pénitentiaire.

Au niveau interrégional, le recrutement, d'ici fin 2016, de 14 officiers et de 14 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation devrait permettre la constitution de cellules régionales de renseignement pénitentiaire. Avant que ces postes puissent être pourvus de manière pérenne, des contractuels ont été recrutés. Enfin, 22 informaticiens spécialisés et 14 « analystes-veilleurs » devraient être recrutés pour le suivi des questions informatiques et des réseaux sociaux.

Enfin, au niveau des établissements, 44 officiers viendront renforcer les établissements les plus sensibles, permettant de nommer des délégués locaux du renseignement pénitentiaire exerçant cette fonction à plein temps.

Au total, le renseignement pénitentiaire devrait voir ses effectifs progresser de 111 personnels supplémentaires, ce qui constitue un effort très substantiel.


Faut-il confier aux agents de la direction de l'administration pénitentiaire le soin de mettre en oeuvre les techniques de renseignement ?

Le débat sur le renseignement pénitentiaire ne saurait se poser, en mars 2016, dans des termes différents de ceux de l'an dernier.

Comme l'avait souligné le président Philippe Bas dans son rapport sur le projet de loi relatif au renseignement, il convient « de ne pas exclure le monde pénitentiaire des actions de recueil de renseignement ». Il mettait ainsi en avant le paradoxe qu'aurait constitué le fait de créer un cadre légal pour la mise en oeuvre de techniques de renseignement intrusives dont les personnes détenues auraient été les seules préservées. Votre rapporteur considère également que « le milieu carcéral est un univers regroupant des personnes dangereuses, au sein duquel peuvent se nouer des relations à visée criminelle et dans lequel le prosélytisme terroriste est susceptible de prospérer » et il est par conséquent indispensable que « certains détenus fassent l'objet d'une surveillance particulière pour prévenir la commission d'actes pénalement répréhensibles et assurer un continuum entre le moment de la détention et celui de la sortie ».

Faut-il pour autant donner à certains agents de la direction de l'administration la mission de solliciter auprès du Premier ministre, par l'intermédiaire du garde des sceaux, l'autorisation de mettre en oeuvre, par eux-mêmes, des techniques de renseignement ?

Votre rapporteur souligne en premier lieu que le milieu pénitentiaire ne constitue pas un espace qui serait par nature à l'écart des techniques de renseignement. Des services spécialisés de renseignement sont ainsi amenés à intervenir dans ce cadre. Du reste, comme le président Philippe Bas l'avait rappelé, un protocole de coopération, avait été établi dès 2012 entre la direction de l'administration pénitentiaire et, à l'époque, la direction centrale du renseignement intérieur afin de formaliser les échanges entre ces deux entités et définir les modalités de leur partenariat, le cas échéant opérationnel. Ce document mentionnait du reste explicitement, dès son préambule, la nécessité de consolider la coopération entre les deux services pour lutter contre les phénomènes de prosélytisme et de radicalisation en milieu pénitentiaire ainsi que le suivi des individus incarcérés pour des motifs terroristes. Ce partenariat présente au demeurant un caractère fructueux, comme l'avait relevé Philippe Bas, au regard du nombre important d'informations échangées entre les deux services.

Votre rapporteur ne considère cependant pas nécessairement opportun d'élargir le second cercle de la communauté du renseignement, dont le caractère large a été relevé tant par la délégation parlementaire au renseignement 98 ( * ) que par le président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement lors de son audition par votre commission le 10 février dernier 99 ( * ) .

En outre, il estime également que l'administration pénitentiaire n'est, à l'heure actuelle, pas en mesure de mettre en oeuvre par elle-même les techniques de renseignement au sein de ses établissements, faute d'une organisation dédiée, de moyens matériels et de compétences spécifiques. Ces techniques réclament en effet une technicité et un savoir-faire particulier dont ne disposent pas les agents du renseignement pénitentiaire.


La position de votre commission

Par cohérence avec la position retenue par le Sénat l'an dernier lors de l'examen du projet de loi relatif au renseignement, il est proposé de supprimer les dispositions tendant à permettre l'intégration de l'administration pénitentiaire dans le « second cercle » de la communauté du renseignement. Votre commission vous propose en revanche de remplacer le dispositif de cet article, par un amendement COM-79 présenté par son rapporteur, en reprenant la solution, alors privilégiée par le Sénat, tendant à faciliter, dans des conditions qui seraient fixées par décret, les échanges d'informations entre l'administration pénitentiaire et les services du premier et du second cercle et prévoyant la possibilité pour l'administration pénitentiaire de signaler des personnes méritant de faire l'objet d'une technique de recueil de renseignement.

Par ailleurs, il est également proposé de reprendre les dispositions proposées par le Gouvernement dans le texte initial du projet de loi sur le renseignement 100 ( * ) permettant à l'administration pénitentiaire, sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent et pour le bon accomplissement de ses missions, de :

- prendre toute mesure de détection, brouillage et interruption des correspondances émises ou reçues par la voie des communications électroniques ou radioélectriques par une personne détenue au moyen de matériel non autorisé ;

- utiliser la technique de l' IMSI catcher afin de détecter les téléphones portables utilisés de manière illégale par les détenus dans les établissements pénitentiaires ;

- accéder, dans des conditions prévues par décret, aux données informatiques contenues dans les systèmes de traitement automatisé de données que possèdent les personnes détenues et détecter toute connexion à un réseau non autorisé (au moyen par exemple d'une clé 3G introduite de manière illicite au sein de l'établissement).

Votre commission a adopté l'article 4 ter ainsi modifié .

Article 4 quater (art. 2-9 et 90-1 du code de procédure pénale) - Suppression de la condition d'ancienneté pour permettre aux associations de victimes du terrorisme de se porter partie civile

L'article 4 quater a été introduit dans le projet de loi avec l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par le Gouvernement. Il modifie les conditions dans lesquelles une association de défense des victimes d'une infraction terroriste peut se porter partie civile dans une instance.

Les droits reconnus à la partie civile

La constitution de partie civile permet à la personne qui en bénéficie d'avoir accès au dossier de la procédure. Comme le soulignent Frédéric Desportes et Laurence Lazerges-Cousquer 101 ( * ) , la partie civile dispose « de droits importants qui lui permettent d'orienter l'instruction ». À cet égard, la partie civile peut :

- demander « à ce qu'il soit procédé à tous actes qui [lui] paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité » (article 82-1 CPP) ;

- lorsqu'elle demande que soit ordonnée une expertise, préciser dans sa demande les questions qu'elle voudrait voir poser à l'expert (article 156 CPP) ;

- demander une contre-expertise (article 167 CPP), qui est de droit lorsque les conclusions de l'expertise sont de nature à conduire le juge d'instruction à déclarer la personne mise en examen irresponsable pénalement en raison d'un trouble mental (article 167-1 CPP) ;

- demander que certains actes soient effectués en présence de son avocat (article 82-2 CPP).

En outre, comme l'indiquent les mêmes auteurs, la partie civile dispose également de « la possibilité de contrôler le déroulement de l'instruction. Elle bénéficie ainsi du droit de former appel, notamment des ordonnances de refus d'informer, de non-lieu, rejetant sa demande d'un acte d'instruction ou, plus généralement, de toute ordonnance portant atteinte à ses intérêts. Elle peut, sous certaines conditions, saisir la chambre de l'instruction de requêtes en annulation de la procédure. Elle peut, enfin, demander au juge de se prononcer sur la suite à donner au dossier, en demandant par exemple à l'expiration du délai prévisible d'achèvement de la procédure, qui lui a été notifiée en début d'information, qu'une personne mise en examen soit renvoyée devant un tribunal correctionnel (article 175-1 CPP) ». En matière criminelle, ou en cas de délit contre les personnes prévu par le livre II du code pénal ou de délit contre les biens prévus par le livre III du même code et accompagné d'atteintes à la personne, la partie civile doit être avisée, tous les six mois, par le juge d'instruction de l'état d'avancement de l'information.

Les articles 2-2 à 2-23 du code de procédure pénale prévoient les conditions dans lesquelles certaines associations peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile pour certaines infractions en fonction de leur objet statutaire. Sauf exception 102 ( * ) , ces associations doivent à cet effet être régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits. Quand la condition d'ancienneté n'est pas requise par le code, le législateur a néanmoins prévu que l'association devait avoir été agréée à cette fin.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 2-9 prévoit que toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans ayant pour objet statutaire d'assister les victimes d'infractions peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions terroristes lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.

Comme l'a indiqué Mme Juliette Méadel, secrétaire d'Etat chargée de l'aide aux victimes lors de la présentation de l'amendement 103 ( * ) , certaines associations, en particulier celles qui se sont constituées après les attentats du 13 novembre 2015, ont manifesté le souhait « de pouvoir se constituer partie civile sans attendre de compter cinq années d'existence, comme l'exige actuellement le code de procédure pénale ».

Afin de répondre à cette préoccupation, l'amendement du Gouvernement complète l'article 2-9 en prévoyant qu'une association régulièrement déclarée ayant pour objet statutaire la défense des victimes d'une infraction terroriste et regroupant plusieurs de ces victimes peut, à condition d'avoir été agréée à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. Un décret définirait les conditions dans lesquelles ces associations pourraient être, compte tenu de leur représentativité, agréées après avis du ministère public.

Cet amendement procède également à une modification de coordination à l'article 90-1 du code de procédure pénale pour prévoir que l'avis effectué tous les six mois par le juge d'instruction sur l'état d'avancement de l'information est communiqué à la seule association, à charge pour elle d'en informer les victimes regroupées en son sein, sauf si ces victimes se sont également constituées parties civiles à titre individuel.

Comme le souligne l'objet de l'amendement, un tel dispositif s'inspire des termes de l'article 2-15 pour les victimes « d'un accident survenu dans les transports collectifs ou dans un lieu ou local ouvert au public ou dans une propriété privée à usage d'habitation ou à usage professionnel », pour lesquelles les associations agréées sans condition d'ancienneté peuvent se constituer partie civile. Ainsi, peut demander à ce titre, en application de l'article D. 1 du code de procédure pénale, l'agrément toute association représentant de telles victimes dès lors qu'elle remplit les conditions suivantes :

- un nombre représentatif de membres adhérents qui ont été victimes de l'infraction ;

- des garanties suffisantes d'une activité effective en vue de la défense des victimes de l'infraction, notamment par l'intervention d'un avocat ;

- le caractère désintéressé des activités.

Votre commission a adopté l'article 4 quater sans modification .

Article 4 quinquies (art. 60-1 du code de procédure pénale et art. 434-15-2 du code pénal) - Renforcement des sanctions en cas de non-coopération des organismes détenteurs d'un moyen de cryptologie

L'article 4 quinquies résulte de l'adoption en séance publique par l'Assemblée nationale d'un amendement de M. Philippe Goujon et de plusieurs de ses collègues, avec l'avis favorable de la commission des lois et l'avis défavorable du Gouvernement.

Il vise à augmenter les sanctions à l'encontre des personnes refusant de répondre aux réquisitions des officiers de police judiciaire, comme l'avait proposé l'article 3 de la proposition de loi sénatoriale adopté le 2 février dernier, mais également à incriminer le fait pour un organisme privé de refuser de communiquer à l'autorité judiciaire des données protégées par un moyen de cryptologie.


Le cadre légal des réquisitions des officiers de police judiciaire

La loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure, puis celle du 10 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité 104 ( * ) ont conféré aux officiers de police judiciaire un pouvoir de demande de toute information utile à la manifestation de la vérité (art. 60-2 du code de procédure pénale) puis un pouvoir de réquisition de portée générale concernant tout document intéressant l'enquête (art. 60-1 du code de procédure pénale).

Sur le fondement de l'article 60-1 du code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire peuvent requérir de toute personne ou de tout organisme susceptible de « détenir des documents intéressant l'enquête » de leur remettre tout document sans que puisse être invoqué l'obligation au secret professionnel. L'article 60-2 du même code dispose que les « informations utiles à la manifestation de la vérité », contenues dans un système informatique, sont « mises à disposition » par les organismes détenteurs, sur « demande » des officiers de police judiciaire.

En dehors du cadre de la flagrance, les officiers de police judiciaire agissent sur autorisation du procureur de la République, dans le cadre d'une enquête préliminaire (art. 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale) ou dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction (art. 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale). L'absence de réponse dans les meilleurs délais est punie d'une amende de 3 750 euros. Le présent article propose de porter la peine à deux ans d'emprisonnement et à 15 000 euros d'amende lorsqu'elles concernent une enquête terroriste.

L'accès aux données informatiques
au cours d'une enquête ou d'une information

On distingue dans le code pénal deux régimes d'accès aux données informatiques : un accès direct sous le régime de la perquisition (art. 57-1 et 76-3 du code de procédure pénale) et un accès indirect permis par réquisition (art. 60-1, 77-1-1 et 96-3 du code de procédure pénale).

Dans la première hypothèse, les données recherchées sont directement accessibles depuis le lieu de la perquisition, que les données soient présentes sur un ordinateur ou sur un système tiers accessible depuis un terminal présent dans le lieu de la perquisition.

Dans la seconde hypothèse, l'information est détenue par un tiers. On distingue alors deux régimes d'accès indirect. Le législateur a d'abord créé, par la loi du 18 mars 2003, un régime de « demandes d'informations  utiles à la manifestation de la vérité » à destination des organismes publics et privés (art. 60-2, 77-1-2 et 99-4). Ce pouvoir de « réquisition spéciale » a rapidement été complété par un pouvoir général de réquisition pour tout « document ». Cet élément de distinction entre information et document a néanmoins été estompé par la jurisprudence de la Cour de cassation qui a considéré que le cadre général de réquisition de documents pouvait permettre de requérir des informations, y compris à caractère personnel, telles que la liste des appels entrants et sortants d'une ligne téléphonique.

Le présent article propose également de compléter l'article 60-2, qui régit le pouvoir de « demande » des « informations » par les officiers de police judiciaire, pour sanctionner de cinq ans d'emprisonnement et de 350 000 euros d'amende le fait pour un organisme privé de refuser de communiquer à l'autorité judiciaire des données protégées par un moyen de cryptologie dont il est le constructeur.

Cet article insère également cette même sanction à l'article 230-1 du code de procédure pénale qui permet la désignation de toute personne physique ou morale qualifiée permettant de décrypter toute information chiffrée.


• La position de votre commission

Votre rapporteur partage le constat de nos collègues députés sur la nécessité de sanctionner les refus des opérateurs privés qui fournissent des moyens de cryptologie de collaborer avec la justice. Il relève néanmoins que les incriminations proposées par le présent article risquent d'être superfétatoires ou contre-productives.

Concernant les sanctions en cas de non-respect des réquisitions, votre commission, à l'instar des députés, est favorable à une augmentation de l'amende : elle avait déjà proposé de porter ces peines à 15 000 euros dans la proposition de loi sénatoriale tendant à renforcer la lutte antiterroriste adoptée le 2 février dernier. Néanmoins, il semble disproportionné, au regard du principe de nécessité des peines, de prévoir des peines d'emprisonnement en raison d'une seule absence de réponse, et non d'un refus. De plus, ces peines visent essentiellement des personnes morales, constructeurs ou fournisseurs de moyen de cryptologie ou de convention de chiffrement. Enfin, il convient de rappeler qu'aucune condamnation n'a jamais été prononcée sur le fondement de ces articles. Aussi, l' amendement COM-80 de votre rapporteur, adopté par votre commission, propose-t-il de porter ces peines à 15 000 euros lorsque la réquisition concerne une personne morale. Contrairement à l'article initial qui restreignait cette aggravation de la peine aux enquêtes terroristes, cette peine est susceptible de s'appliquer également pour des enquêtes de droit commun.

Votre rapporteur relève par ailleurs que s'il est possible de fixer des sanctions dans le code de procédure pénale, il est préférable de les centraliser dans le code pénal. De plus, l'introduction d'une sanction à l'article 230-1 semble source de confusion. En effet, cet article autorise les officiers de police judiciaire à faire appel à toute personne qualifiée, ainsi qu'au centre technique d'assistance, pour mettre au clair les données sur lesquelles un moyen de cryptologie a été utilisé. Cet article vise ainsi à organiser la mobilisation des moyens de l'État dans le déchiffrement des données et non la possibilité d'exiger des opérateurs privés qu'ils livrent leur convention de chiffrement. Il semble donc opportun de ne pas insérer de sanctions à l'article 230-1 du code de procédure pénale.

Enfin, votre rapporteur constate que le code pénal réprime d'ores et déjà les comportements visés par le présent article à l'article 434-15-2 du code pénal, inséré dans la section 2 du chapitre IV du titre III du livre IV du code pénal, relative aux entraves à l'exercice de la justice. Cet article prévoit que « le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale » est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Les peines sont aggravées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende lorsque la remise de la convention aurait permis d'éviter la commission d'un crime ou d'un délit, ou d'en limiter les effets.

Tout en relevant qu'aucune condamnation n'a été prononcée sur ce fondement, votre rapporteur considère souhaitable de prévoir une circonstance aggravante permettant une répression accrue lorsqu'une personne morale, à l'instar d'un constructeur de terminaux, refuse de livrer la convention de chiffrement limitant l'accès aux données. Le même amendement COM-80 de votre rapporteur, adopté par votre commission, propose de porter ces peines à 150 000 euros.

Votre commission a adopté l'article 4 quinquies ainsi modifié .

Article 4 sexies (nouveau) (art. 421-2-5-1 [nouveau] du code pénal) - Création d'un délit d'entrave intentionnelle au blocage des sites

Introduit dans le projet de loi par l' amendement COM-81 présenté par votre rapporteur, l'article 4 sexies constitue une reprise partielle de l'article 10 de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 2 février dernier.

Il est ainsi proposé d'introduire un nouvel article 421-2-5-1 dans le code pénal afin de créer un délit spécifique d'entrave au blocage des services de communication en ligne faisant l'apologie d'actes de terrorisme ou provoquant la commission de tels actes.

Depuis la loi du 13 novembre 2014 précitée, l'article 6-1 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique permet de bloquer administrativement les sites Internet incitant à la commission d'actes terroristes ou faisant l'apologie de tels actes. Ce dispositif est mis en oeuvre par l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), office rattaché à la direction centrale de la police judiciaire.

Par ailleurs, l'article 706-23 du code de procédure pénale permet au juge des référés de prononcer l'arrêt d'un service de communication au public en ligne lorsqu'il incite à la commission d'actes terroristes ou en fait l'apologie et que cela constitue un trouble manifestement illicite.

Ces blocages, administratif ou judiciaire, ont pour but de lutter contre la diffusion de contenus faisant l'apologie d'actes de terrorisme. Néanmoins, ces décisions peuvent être entravées par certains comportements. Ces derniers, s'ils ne consistent pas en la diffusion publique de ces contenus, ne peuvent être appréhendés sous le délit d'apologie d'actes de terrorisme ou de provocation à la commission de tels actes.

Le présent article permet de réprimer le fait d'extraire, de reproduire et de transmettre intentionnellement des données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme afin d'entraver les mécanismes de blocage, en sanctionnant ces comportements de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Votre commission a adopté l'article 4 sexies ainsi rédigé .

Article 4 septies (nouveau) (art. 131-4-1 du code pénal) - Exclusion des délits terroristes du champ de la contrainte pénale

L'article 4 septies a été inséré par l' amendement COM-82 présenté par votre rapporteur. Reprenant les dispositions de l'article 14 de la proposition de loi adoptée le 2 février dernier, il exclut du champ de la contrainte pénale les délits terroristes et modifie à cet effet l'article 131-4-1 du code pénal.


Présentation de la contrainte pénale

Insérée dans notre droit par la loi du 15 août 2014 105 ( * ) , la peine de contrainte pénale constitue une réponse pénale donnant aux juridictions une nouvelle possibilité de décider d'une mesure alternative à l'incarcération. Définie à l'article 131-4-1, la contrainte pénale est applicable à l'auteur d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, lorsque sa personnalité et sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu. Cette peine emporte pour le condamné « l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société ». Si elle dispose d'éléments d'information suffisants sur la personnalité du condamné et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la juridiction de jugement qui prononce la contrainte pénale peut définir les obligations et interdictions particulières auxquelles il est astreint. Dans le cas inverse, il appartient au juge de l'application des peines de déterminer ces obligations et interdictions. Le juge de l'application des peines peut également les modifier, les supprimer ou les compléter au cours de l'exécution de la contrainte pénale au regard de l'évolution du condamné.

Selon les termes de la loi du 15 août 2014 précitée, la contrainte pénale est applicable, depuis le 1 er octobre 2014, à tous les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée comprise entre six mois et cinq ans. À compter du 1 er janvier 2017, le champ d'application de la contrainte pénale sera cependant élargi à tous les délits .

Comme l'a souligné notre collègue Hugues Portelli dans son rapport sur les crédits affectés à l'administration pénitentiaire pour l'année 2016 106 ( * ) , un bilan nuancé de ce nouvel outil mis à la disposition des juges correctionnels peut être tiré pour sa première année d'application. À la fin du mois de février 2016, le même constat peut être effectué puisqu'environ 1 500 peines de contrainte pénale ont été prononcées par les juridictions, soit une moyenne mensuelle de 89 contraintes pénales. Si 88 % des tribunaux de grande instance (TGI) ont utilisé cet outil, il est à noter une forte concentration dans son usage puisque vingt-quatre TGI sont à l'origine de la moitié de ces peines. Notre collègue, relevant que la loi du 15 août 2014 ne s'était pas accompagnée « d'une simplification en le fusionnant avec le dispositif du sursis avec mise à l'épreuve 107 ( * ) , dont les caractéristiques sont pourtant proches de la contrainte pénale », s'était en conséquence déclaré « réservé sur l'extension de cette peine à tous les délits à compter du 1 er janvier 2017 ».

Votre commission avait souscrit à cette analyse et avait considéré qu'indépendamment de l'extension du champ de la contrainte pénale, il convenait, compte tenu de leur particulière gravité, d'en exclure tous les délits terroristes.

Votre commission a adopté l'article 4 septies ainsi rédigé .

Article 4 octies (nouveau) (art. 726-2 [nouveau] du code de procédure pénale) - Instauration d'une base légale pour les unités dédiées à la lutte contre la radicalisation dans les établissements pénitentiaires

Reprenant les dispositions de l'article 17 de la proposition de loi votée par le Sénat le 2 février dernier, l'article 4 octies résulte de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-83 présenté par son rapporteur.

Cet article propose d'insérer un nouvel article 726-2 au sein du code de procédure pénale afin de créer un fondement légal, qui fait actuellement défaut, à la récente pratique de regroupement des détenus radicalisés ou en voie de radicalisation au sein d'unités dédiées 108 ( * ) .

Dans un avis rendu le 11 juin 2015 109 ( * ) , Mme Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, par ailleurs très critique sur l'opportunité du regroupement des détenus radicalisés, recommandait a minima l'encadrement juridique de cette politique dont les caractéristiques ne découlent « d'aucune disposition légale applicable, ce régime sui generis ne s'apparentant ni à la détention ordinaire, ni à la mise à l'isolement ».

Votre rapporteur tient quant à lui à rappeler les termes de la jurisprudence constitutionnelle en vertu de laquelle il appartient au législateur, « compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités d'exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne » 110 ( * ) .

En conséquence, les dispositions de cet article fixeraient les grandes caractéristiques de fonctionnement de ces unités dédiées. En vertu de celles-ci, il appartiendrait au chef de l'établissement pénitentiaire concerné de décider de l'affectation d'une personne détenue, qu'elle soit en détention provisoire ou qu'elle exécute une peine privative de liberté, au sein d'une unité dédiée après évaluation pluridisciplinaire réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues. Ce placement ne pourrait être décidé que s'il apparaît que le comportement de la personne détenue porte atteinte au bon ordre de l'établissement , ce critère figurant déjà dans la loi pénitentiaire 111 ( * ) , par exemple à son article 57 qui détermine le cadre juridique des fouilles. Il est enfin précisé que dans ces unités le principe serait celui de l' encellulement individuel . Ce dispositif aurait vocation à concerner principalement les personnes placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions terroristes.

Toutefois, le deuxième alinéa de l'article étend, dans les mêmes conditions, ces dispositions aux personnes détenues pour d'autres infractions. Il apparaît en effet que certaines personnes détenues pour des faits étrangers au terrorisme peuvent néanmoins, par leur comportement et leur prosélytisme, déstabiliser le bon ordre des établissements pénitentiaires. Cet alinéa vise par conséquent à prendre en considération cette réalité.

Le dispositif de l'article précise ensuite que le placement dans une unité dédiée ne remet pas en cause l'exercice des droits définis à l'article 22 de la loi pénitentiaire . En revanche, il autorise l'exercice des activités par ces détenus placés en unité dédiée à l'écart de la détention générale .

Compte tenu des spécificités du régime de détention en unité dédiée et de son objectif consistant à isoler les détenus prosélytes des autres, il apparaît donc indispensable que la loi permette une organisation des activités à l'écart de la détention, sauf décision contraire prise par le chef d'établissement après avis de la commission pluridisciplinaire unique.

Enfin, à l'instar de ce que prévoit le dernier alinéa de l'article 726, il est précisé que la décision d'affectation au sein d'une unité dédiée est soumise au contrôle du juge administratif , notamment dans les conditions fixées par le livre V du code de justice administrative qui offre la possibilité à la personne détenue de saisir le juge d'un recours en référé.

Votre commission a adopté l'article 4 octies ainsi rédigé .

Article 4 nonies (nouveau) (art. 720, art. 721-1-1 et 730-2-1 [nouveaux] et 730-3 du code de procédure pénale) - Modalités d'aménagement de peine pour les condamnés terroristes

L'introduction de l'article 4 nonies résulte de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-84 présenté par son rapporteur. Ses dispositions reprennent les termes de l'article 19 de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 2 février. Son objet est de définir un régime d'exécution de peine plus rigoureux pour les condamnés terroristes. Comme votre rapporteur l'avait alors souligné, de telles dispositions ont pour effet de créer un droit dérogatoire en matière d'application des peines pour les condamnés terroristes qui, de l'avis de plusieurs personnes spécialisées dans la lutte antiterroriste entendues par votre rapporteur, fait défaut à notre législation pénale.

Le de cet article modifie l'article 720 du code de procédure pénale. Il a pour objet d'exclure les détenus terroristes du mécanisme de la libération sous contrainte, à l'exclusion des personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou pour le délit d'entrave intentionnelle au blocage des sites Internet faisant l'apologie du terrorisme créé, sur proposition de votre commission, à l'article 4 sexies du présent projet de loi.

Instaurée par la loi du 15 août 2014 précitée, la libération sous contrainte est susceptible de s'appliquer à tout détenu exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à cinq ans, et ayant accompli les deux-tiers de sa peine, n'ayant pas déjà bénéficié d'un aménagement de peine. Cette mesure peut être prononcée par le juge d'application des peines selon le droit commun, après un débat contradictoire ou à la suite d'un examen obligatoire en commission d'application des peines (CAP).

Comme le souligne notre collègue Hugues Portelli 112 ( * ) , depuis le 1 er janvier 2015, afin de favoriser la systématisation des sorties de détention accompagnées, « toutes les personnes détenues exécutant une peine privative de liberté d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, ayant atteint les deux-tiers de leur peine et qui n'ont pas bénéficié d'un aménagement de peine, verront obligatoirement leur situation examinée en commission d'application des peines pour apprécier la pertinence d'une mesure de libération sous contrainte ». Notre collègue dressait le bilan mitigé de cette nouvelle modalité de sortie anticipée des établissements pénitentiaires. Si la mise en oeuvre de ce dispositif s'est traduite, pour la plupart des personnes en bénéficiant, par une sortie anticipée de quelques semaines, elle a eu pour conséquence d'accroître très sensiblement la charge de travail des greffes des établissements pénitentiaires, pour des résultats modestes dans la mesure où la plupart des libérations sous contrainte ont été refusées par les juges de l'application des peines faute d'un projet construit de réinsertion.

Le du présent article exclut les personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions terroristes, sous les mêmes exceptions que le 1° 113 ( * ) , des crédits automatiques de réduction de peine résultant de l'article 721 du code de procédure pénale.

Les crédits de réduction de peine de l'article 721

En application du premier alinéa de l'article 721, chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée qui s'élève à trois mois pour la première année, deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d'un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de sept jours par mois. Pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut toutefois excéder deux mois.

En cas de mauvaise conduite du condamné en détention, le juge de l'application des peines peut être saisi par le chef d'établissement ou sur réquisitions du procureur de la République aux fins de retrait, à hauteur de trois mois maximum par an et de sept jours par mois, de cette réduction de peine. Il peut également ordonner le retrait lorsque la personne a été condamnée pour les crimes ou délits, commis sur un mineur, de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle et qu'elle refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l'application des peines, sur avis médical. Il en est de même lorsque le juge de l'application des peines est informé que le condamné ne suit pas de façon régulière le traitement qu'il lui a proposé.

Par conséquent, les personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions terroristes ne pourraient bénéficier que des crédits non automatiques de réduction de peine 114 ( * ) , selon les modalités définies à l'article 721-1 qui les conditionnent à la manifestation d'efforts sérieux de réadaptation sociale.

Le de l'article 4 nonies reprend, en les adaptant, pour les personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions terroristes les modalités d'octroi de la libération conditionnelle applicables, notamment, aux personnes qui encourent la rétention de sûreté pour crime sexuel ou violent, dans les conditions définies à l'article 730-2 du code de procédure pénale. À cet effet, il insère un nouvel article 730-2-1 qui dispose que les personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions terroristes, sous les mêmes exceptions que celles prévues aux 1° et 2° 115 ( * ) , ne peuvent bénéficier de la libération conditionnelle qu'à deux conditions procédurales :

- la décision doit être prise par le tribunal de l'application des peines ;

- elle ne peut être rendue qu'après avis d'une commission ad hoc , dont il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir la composition 116 ( * ) , chargée de procéder à une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité de la personne condamnée.

Par ailleurs, cette disposition précise que la juridiction d'application des peines peut s'opposer à une demande de libération conditionnelle en cas de risque de trouble grave à l'ordre public . Comme l'avait souligné Mme Camille Hennetier, vice-procureur, lors de son audition par votre commission le 9 décembre 2015, le juge de l'application des peines spécialisé en matière de terrorisme est actuellement « confronté à des dossiers de demande d'aménagement des peines très bien construits », qu'il ne peut refuser en invoquant la nécessité de protéger l'ordre public. Elle jugeait ainsi « aberrant » que la libération conditionnelle soit automatique à mi-peine, ce qui est le cas en pratique, « s'agissant de gens qui pratiquent la taqîya, la théorie de la dissimulation, et savent se présenter sous un jour très favorable au JAP ou aux travailleurs sociaux », cette situation lui paraissant de nature à permettre la remise en liberté de « personnes qui n'ont pas fait oeuvre d'amendement sincère... ». Dans ces conditions, elle considérait pertinent de prévoir une faculté pour les juridictions d'application des peines de s'opposer à une mesure de libération conditionnelle « si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public ».

Enfin, ces dispositions précisent que lorsque la libération conditionnelle n'est pas assortie d'un placement sous surveillance électronique mobile, elle ne peut être accordée qu'après l'exécution, à titre probatoire, d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique pendant une période d'un an à trois ans, cette mesure ne pouvant être exécutée avant la fin du temps d'épreuve.

Enfin, le 4° du présent article exclut les personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions terroristes, sous réserve des mêmes exceptions qu'au 1° 117 ( * ) , du bénéfice de l'article 730-3.

Également créé par la loi du 15 août 2014 précitée, le dispositif de l'article 730-3 prévoit que lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir, la situation de la personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale de plus de cinq ans est examinée par la juridiction d'application des peines compétente à l'occasion d'un débat contradictoire, afin qu'il soit statué sur l'octroi d'une libération conditionnelle. Si la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité, ce débat ne peut intervenir avant le terme du temps d'épreuve ni avant celui de la période de sûreté.

Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, votre rapporteur a jugé opportun d'écarter les personnes condamnées pour terrorisme du bénéfice de ces dispositions.

Votre commission a adopté l'article 4 nonies ainsi rédigé .

CHAPITRE II
Dispositions renforçant
l'efficacité des investigations judiciaires

Article 5 (art. 306-1 et 400-1 [nouveaux] du code de procédure pénale) - Audition d'un témoin à huis clos en cas de risques de représailles

L'article 5 prévoit la possibilité pour les juridictions de jugement d'ordonner le huis clos pour l'audition de témoins en cas de danger pour leur vie, leur intégrité physique ou celles des membres de leur famille .

Par l'insertion de deux nouveaux articles au code de procédure pénale, le présent article vise à créer une nouvelle exception au principe de la publicité des débats au sein des tribunaux et des cours d'assises.

Posé par les articles 306 et 400 du code de procédure pénale, le principe de la publicité des débats est une règle d'ordre public et relève des exigences du procès équitable de l'article 6 de la CESDH 118 ( * ) . Comme la CEDH l'a rappelé dans une décision de 1997 119 ( * ) , « la publicité des débats est un principe fondamental qui protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public et constitue l'un des moyens de contribuer à préserver la confiance dans les cours et tribunaux ».

Le huis clos peut toutefois être ordonné, par la cour d'assises par un arrêt du président rendu en audience publique, lorsque la publicité est « dangereuse pour l'ordre ou les moeurs » et que la partie civile ne s'y oppose pas, ainsi que dans quelques hypothèses limitativement énumérées par la loi. Ainsi le huis clos est-il de droit, lorsqu'il est demandé par la partie civile, en cas de poursuites exercées des chefs de viol, torture et actes de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles. Enfin, l'article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante soumet le jugement des mineurs à une publicité restreinte.

La jurisprudence encadre strictement ces exceptions. Dans une décision du 27 septembre 2000 120 ( * ) , la Cour de cassation a censuré le jugement d'une cour d'assises qui avait prononcé un huis clos sur des motifs tirés d'une bonne administration de la justice, et non sur des constatations de fait relative à la dangerosité pour l'ordre ou les moeurs, en considérant que la victime ne pouvait s'exprimer librement et totalement face à un large public.

Le présent article vise à permettre le prononcé d'un huis clos partiel le temps de l'audition d'un témoin en cas de menaces de représailles pesant sur lui, les membres de sa famille ou ses proches. Initialement, le projet de loi visait à autoriser une telle mesure en cas de menaces à l'intégrité « psychique » du témoin. La commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, a restreint cette possibilité aux seuls risques de représailles physiques.

Le huis clos partiel d'un témoin pourrait être prononcé pour le jugement d'infractions délimitées :

- les crimes contre l'humanité (art. 211-1 à 212-3 du code pénal) ;

- le crime de disparition forcée (art. 221-12 du code pénal) ;

- les crimes de tortures ou d'actes de barbarie (art. 221-12 du code pénal) ;

- les crimes et délits de guerre (art. 461-1 à 461-31 du code pénal) ;

- les crimes et délits relevant de la criminalité organisée (art. 706-73 du code de procédure pénale).

Lors de son audition par votre rapporteur, M. François Molins, procureur de la République de Paris, a salué cet élargissement des possibilités du huit clos. Ces dispositions sont particulièrement attendues par la cour d'assises de Paris, où s'est tenu le procès de M. Pascal Simbikangwa au printemps 2014, premier procès relatif au génocide rwandais depuis la création d'un pôle judiciaire spécialisé dans les crimes internationaux les plus graves 121 ( * ) . En effet, de nombreux témoins rwandais ont manifesté une certaine appréhension à s'exprimer publiquement, au regard de l'affluence en salle d'audience et de la présence de compatriotes dans le public. De plus, la médiatisation du procès et de leurs témoignages les exposait à de possibles représailles. Enfin, un témoin-clé du procès a finalement refusé d'être entendu, en raison de la nécessaire publicité de son témoignage.

Votre commission a jugé ces dispositions particulièrement opportunes et, outre un amendement rédactionnel COM-85 de son rapporteur, n'a pas modifié cet article.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 6 (art. 706-62-1 et 706-62-2 [nouveaux] du code de procédure pénale) - Dispositions renforçant la protection des témoins

Le présent article complète le vingt-et-unième titre du code de procédure pénale relatif à la protection des témoins par deux nouvelles dispositions permettant de protéger l'identité d'un témoin exposé à des risques importants de représailles.

La première vise à permettre, en cas de risques graves de représailles, dans toutes les procédures concernant des délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement, que les témoins soient entendus publiquement en étant seulement identifiés par un numéro , sans que leur véritable identité soit diffusée.

La seconde institue un dispositif de protection et de réinsertion des témoins exposés à des risques graves de représailles similaire à celui applicable aux repentis, permettant notamment l'octroi d'une identité d'emprunt.

Les dispositifs actuels de protection des témoins anonymes

Actuellement, la protection des témoins est assuré devant les juridictions françaises par les dispositions du titre vingt et unième intitulé « De la protection des témoins » inséré dans le livre IV du code de procédure pénale (articles 706-57 à 706-63).

Sont ainsi prévues la possibilité pour un témoin de déclarer comme domicile, pour les besoins de la procédure, l'adresse d'un commissariat ou d'une gendarmerie, ainsi que la possibilité de témoigner sous X ou d'être confronté au mis en examen par l'intermédiaire d'un dispositif technique permettant l'audition du témoin à distance et la transformation de sa voix afin de le rendre non identifiable.


• La création d'une procédure de témoignage sous numéro

S'il existe depuis la loi du 15 novembre 2001 122 ( * ) une procédure de témoignage anonyme, celle-ci reste peu employée. Son utilisation est contestée au regard des droits de la défense 123 ( * ) et son efficacité demeure limitée notamment au regard du fait qu'il n'est pas possible de condamner une personne sur ce seul fondement 124 ( * ) . De plus, cette procédure n'est pas applicable si, au regard des circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise ou de la personnalité du témoin, la connaissance de l'identité de la personne est indispensable à l'exercice des droits de la défense.

Le présent article propose un dispositif de protection des témoins intermédiaire en permettant de ne faire référence à l'identité d'un témoin que par un numéro. Si le témoignage sous numéro concerne, dans le projet de loi, le même champ d'infractions pour lesquelles le témoignage anonyme est déjà autorisé, il constitue néanmoins un dispositif de protection distinct de celui du témoignage sous X et plus respectueux des droits de la défense en ce qu'il prévoit que l'identité du témoin apparaît dans la procédure et est connue des parties, mais qu'elle n'est pas rendue publique.

Ce dispositif est particulièrement utile à l'audience, en lien avec les dispositions de l'article 5 relatif au huis clos partiel, pour protéger le témoin vis-à-vis du public. Ces dispositions permettent aussi de légitimer l'usage de pseudonymes dans la procédure, conformément aux engagements internationaux de la France.

Initialement, le projet de loi visait à autoriser une telle mesure en cas de menaces à l'intégrité « psychique » du témoin. La commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, a restreint cette possibilité aux seuls risques de représailles physiques.

Votre rapporteur s'interroge toutefois sur la portée de l'interdiction faite au prévenu de révéler des informations permettant l'identification ou la localisation du témoin, et sur l'impact que cette prohibition peut avoir sur l'exercice effectif des droits de la défense à l'audience. En effet, la contestation d'un témoignage au cours des débats publics peut, le cas échéant, se traduire par l'évocation d'éléments ou d'informations de nature à permettre, de façon plus ou moins précise, l'identification du témoin.

Votre commission a dès lors estimé prudent et opportun de préciser dans le texte, par l'adoption de l' amendement COM-87 de son rapporteur, que le délit de révélation d'informations permettant l'identification d'un témoin ne s'applique pas aux cas où cette révélation est indispensable à l'exercice effectif des droits de la défense.


L'extension aux témoins du dispositif de protection et de réinsertion réservé aux repentis

En France, la protection accordée aux témoins demeure circonscrite dans la mesure où ces derniers sont exclus du dispositif prévu par l'article 706-63-1 du code de procédure pénale réservé aux « repentis 125 ( * ) ». La France fait à ce titre figure d'exception, les témoins et collaborateurs de justice bénéficiant généralement du même type de protection dans les autres pays européens.

Or, plusieurs instruments juridiques internationaux 126 ( * ) appellent les États parties à prendre des mesures pour protéger efficacement les témoins contre d'éventuels actes de représailles ou d'intimidation. La recommandation Rec(2005)9 du Comité des ministres aux États membres du Conseil de l'Europe relative à la protection des témoins et des collaborateurs de justice vise ainsi expressément à ce que « des témoins ou collaborateurs de justice exposés au même genre d'intimidations [puissent] bénéficier d'une protection similaire ».

Le dispositif de protection et de réinsertion des repentis

L'article 706-63-1 du code de procédure pénale, créé par la loi du 9 mars 2004, permet de faire bénéficier les repentis et leurs proches d'un régime ad hoc de protection ainsi que des mesures propres à assurer leur sécurité et leur réinsertion.

Le décret du 17 mars 2014 est venu permettre l'application de ce dispositif, près de 10 ans après le vote de la loi Perben II. Il précise que le recours à l'identité d'emprunt relève de la compétence du président du tribunal de grande instance de Paris, sur requête du président de la commission nationale de protection et de réinsertion. Cette commission définit également « toutes mesures proportionnées destinées à assurer la protection physique des personnes » et les « mesures de réinsertion, eu égard notamment à la situation matérielle et sociale de la personne concernée et, le cas échéant, de sa famille et de ses proches ». Enfin, la création des identités d'emprunts relèvent de la compétence du service interministériel d'assistance technique du ministère de l'Intérieur (SIAT).

L'extension aux témoins de la protection, jusqu'ici réservée aux repentis, proposée par le présent article constitue donc une évolution conforme à nos engagements internationaux, aux recommandations européennes, et un rapprochement avec les législations de nos partenaires européens. Ce dispositif est complété par la création d'un délit spécifique de révélation de l'identité d'emprunt ou de tout élément permettant l'identification ou la localisation du témoin protégé.

Cette évolution législative apparaît d'autant plus nécessaire que le principal témoin dans l'information relative aux attentats de novembre 2015 n'a pas pu bénéficier officiellement d'une protection ad hoc.

Après avoir adopté un autre amendement COM-86 de son rapporteur portant clarification rédactionnelle, votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

CHAPITRE III
Dispositions améliorant
la lutte contre les infractions
en matière d'armes et contre la cybercriminalité

Les articles 7, 8, 9 et 10 ont pour objet d'améliorer le cadre juridique réprimant les infractions relatives aux armes :

- l'article 7 vise à aligner certaines dispositions applicables aux armes de catégorie B et C aux armes de catégorie D ;

- les articles 8 et 10 autorisent la technique particulière d'enquête du « coup d'achat » pour caractériser les infractions liées aux armes relevant du champ de la délinquance organisée, au bénéfice des forces de l'ordre (art. 8) et des agents des douanes (art. 10), ces derniers étant par ailleurs autorisés à recourir à la technique de l'infiltration pour caractériser les infractions en matière d'armes (art. 10). Par ailleurs, l'article 8 élargit le champ des infractions relatives aux armes pouvant faire l'objet du régime procédural de la délinquance organisée en supprimant la condition de la commission de ces infractions en bande organisée . Enfin, l'article 8 étend le périmètre du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

- l' article 9 a pour objet de renforcer les dispositions réprimant les manquements à la législation des armes relevant des catégories A et B, qui sont les armes les plus dangereuses.

Article 7 (art. L. 312-3, L. 312-3-1 [nouveau], L. 312-4, L. 312-4-1 et L. 312-16 du code de la sécurité intérieure) - Interdiction d'acquisition et de détention d'armes

Le présent article a pour objet de modifier les dispositions pénales relatives aux armes de catégorie B, C et D, en étendant à cette dernière catégorie certains mécanismes aujourd'hui applicables aux seules armes de catégorie B et C . Par ailleurs, cet article crée une procédure administrative nouvelle au bénéfice du représentant de l'État dans le département, lui permettant de prononcer préventivement une interdiction de détention d'arme à l'égard de personnes signalées comme présentant un risque pour elle ou pour autrui.


Une classification et un régime de détention des armes simplifiés en 2012

Jusqu'à la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, la classification des armes résultait d'une stratification de textes, parfois très anciens.

Il en découlait un ensemble sans cohérence et illisible, dans la mesure où la classification antérieure à la loi du 6 mars 2012 se caractérisait par l'existence de critères différents, liés à la finalité des armes ou à leur dangerosité, comme l'avait alors constaté notre collègue M. Antoine Lefèvre 127 ( * ) .

La classification des armes repose désormais sur leur seule dangerosité.

Celles-ci sont classées en quatre catégories principales , obéissant à des régimes administratifs différents (art. L. 312-1 à L. 312-6 du code de la sécurité intérieure).

Classement actuel des armes
(art. L. 311-2 du code de la sécurité intérieure)

- Catégorie A : matériels de guerre et armes interdits à l'acquisition et à la détention, sous réserve des dispositions de l'article L. 2336-1, subdivisée en deux sous-catégories :

- A1 : les armes et éléments d'armes interdits à l'acquisition et à la détention, sous réserve d'exceptions très limitées prévues à l'article L. 312-2 128 ( * ) ;

- A2 : les armes relevant des matériels de guerre, les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu, les matériels de protection contre les gaz de combat ;

- Catégorie B : armes soumises à autorisation pour l'acquisition et la détention ;

- Catégorie C : armes soumises à déclaration pour l'acquisition et la détention ;

- Catégorie D : armes soumises à enregistrement et armes et matériels dont l'acquisition et la détention sont libres.

Les armes de catégorie A font l'objet d'une interdiction de principe d'acquisition et de détention par les particuliers, sauf exceptions :

- pour certains fonctionnaires et agents publics de l'État relevant du ministère de l'intérieur, de l'administration des douanes et de l'administration pénitentiaire ou du ministère de la défense ;

- pour les besoins des films et spectacles : mais il s'agit d'armes neutralisées et de munitions, le cas échéant, à blanc ou inertes 129 ( * ) ;

- au titre de collections, au bénéfice de l'État, des collectivités territoriales, des personnes physiques et organismes d'intérêt général établissement d'enseignement et de formation 130 ( * ) ;

- au titre des essais industriels, pour les entreprises qui testent ces armes ou effectuent des tests de résistance 131 ( * ) ;

- pour les experts judiciaires qui ne doivent toutefois disposer que d'un exemplaire de chaque arme et 10 000 cartouches tous exemplaires confondus 132 ( * ) .

Les armes de catégorie B, C ou D sont soumises à un régime d'acquisition et de détention retracé par le tableau ci-dessous.

Conditions applicables à la délivrance d'une arme de catégorie B, C ou D

Catégorie B

Catégorie C

Catégorie D

Bulletin n° 2 du casier judiciaire exempt d'une condamnation de la liste de l'article L. 312-3 (L. 312-3 1°)

Oui

Oui

Non

Détention et acquisition libres sous réserves d'obligations particulières définies par décret (art. L. 312-4-2) : R. 312-52 à R. 312.58. Par exemple, présentation d'une licence de tir ou de chasse pour l'acquisition de certaines armes relevant de la catégorie D.

Ne pas se signaler par un comportement dangereux (L. 313-3 2°)

Oui

Oui

Non

Copie d'une licence de chasse en cours de validité (L. 312-4-1)

Sans objet

Oui

En fonction de l'arme

Copie d'une licence de tir en cours de validité (L. 312-4)

Oui

Oui

En fonction de l'arme

Copie d'une carte de collectionneur d'arme

Sans objet

Oui
(L. 312-4-1 3°)

Non

Certificat médical datant de moins d'un mois circonstancié attestant d'un état de santé physique et psychique compatible (art. L. 312-4)

Oui : cumulatif avec la production d'une licence de tir en cours de validité

Oui (L. 312-5) : alternative à la production d'une licence de tir ou de chasse ou d'une carte de collectionneur. Toutefois, l'article R. 312-53 prévoit un principe inverse cumulatif .

Non

Établissement d'une déclaration par l'armurier ou par le détenteur de l'arme dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (art. L. 312-4-1)

Non

Oui

Non

Dispositions réglementaires (art. R. 312-2 à R. 312-4 du code de la sécurité intérieure : pièces justificatives, descriptifs, etc.)

Oui

Oui

Oui

Source : commission des lois du Sénat

La différence entre le régime d'acquisition et de détention d'une arme de catégorie B et d'une arme de la catégorie C est limitée : en effet, si la fourniture d'un certificat médical semble pour les armes de catégorie C une alternative à la fourniture d'une licence de tir ou d'un permis de chasse, l'article R. 312-53 du code de la sécurité intérieure prévoit au contraire que ces deux conditions sont cumulatives comme tel est le cas pour les armes de catégorie B.

Dans certains cas, des armes de catégorie B et leurs munitions peuvent être détenues en application de dispositions réglementaires : pour certaines activités de sécurité privée (art. R. 312-37), en cas de risque pesant sur la personne en raison de l'exercice de sa profession (R. 312-39), etc.

En tout état de cause, la détention d'une arme ou de munitions de catégorie B est subordonnée à la présentation de la copie d'une licence de tir en cours de validité (art. L. 312-4), même en cas de motif autre que sportif.

En raison des risques d'atteintes à l'ordre public présentés par la détention d'armes ou de munitions, le représentant de l'État dispose de deux instruments lui permettant de faire cesser ce risque :

- la remise de l'arme ou des munitions en application des articles L. 312-7 et suivants du code de la sécurité intérieure, qui autorise le préfet à ordonner à une personne présentant un risque pour elle-même ou pour autrui, en raison de son comportement ou de son état de santé , de lui remettre l'arme ou les munitions qu'elle détient. En cas de refus, le commissaire de police ou le commandant de la brigade de gendarmerie peut saisir les armes et munitions au domicile de la personne concernée, sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD), entre 6 heures et 21 heures. Pendant une durée d'un an à compter de cette remise, la personne peut présenter des observations, le préfet décidant ensuite de restituer ou de saisir définitivement les armes et munitions, qui sont alors vendues, le produit étant reversé à la personne ayant fait l'objet de la mesure ;

- le dessaisissement d'une arme ou de munitions : en application des articles L. 312-11 et suivants du code de la sécurité intérieure, pour des raisons d'ordre public ou pour la sécurité des personnes, le préfet peut ordonner à tout détenteur d'une arme de catégorie B ou C de s'en dessaisir. La procédure est en principe contradictoire, sauf urgence. En cas de refus du détenteur, la procédure est semblable à celle de la remise de l'arme : la saisie est effectuée sous le contrôle du JLD. En revanche, dans ce cadre, la remise de l'arme ne fait pas l'objet d'une indemnisation 133 ( * ) .

Les personnes ayant fait l'objet de ces mesures sont inscrites au fichier nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA), en application de l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure. Elles ont interdiction d'acquérir des armes ou des munitions de toutes catégories, le préfet pouvant limiter cette interdiction à certaines catégories d'armes 134 ( * ) .

Le fichier nominatif des personnes interdites d'acquisition
et de détention d'armes

Le FINIADA a été créé en 2011. Défini à l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure, il a pour objet de recenser les personnes interdites de détention et d'acquisition d'armes et de munition.

Outre les personnes ayant fait l'objet d'une des procédures précitées de remise ou de dessaisissement, le fichier mentionne également les personnes condamnées à une peine d'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation ou condamnées à la confiscation d'une ou de plusieurs armes.

Ce fichier est placé sous la responsabilité du ministère de l'intérieur.

Seuls les agents du ministère de l'intérieur relevant de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) individuellement désignés et spécialement habilités et les agents des services préfectoraux chargés de l'application de la réglementation relative aux armes, également désignés individuellement et spécialement habilités, ont accès au fichier 135 ( * ) . Il existe en outre un mécanisme d'accès sur requête individuelle pour obtenir le statut d'une personne notamment pour les armuriers, l'Office national des forêts ou les fédérations de tir sportif (art. R. 312-81).

Les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation pénale mentionnée à l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure ont également l'interdiction d'acquérir ou de détenir une arme. Le FINIADA ne vise toutefois pas les personnes faisant l'objet de ces mesures.

Liste des condamnations interdisant à une personne ayant été condamnée
au titre de l'une d'entre elles d'acquérir et de disposer d'une arme

- Meurtre, assassinat ou empoisonnement ( art. 221-1 et suivants du code pénal)

- Tortures et actes de barbarie ( art. 222-1 et suivants du code pénal)

- Violences volontaires ( art. 222-7 et suivants du code pénal)

- Menaces d'atteinte aux personnes (art. 222-17 et suivants du code pénal)

- Viol et agressions sexuelles (art. 222-22 et suivants du code pénal)

- Exhibition sexuelle ( art. 222-32 du code pénal)

- Harcèlement sexuel ( art. 222-33 du code pénal)

- Harcèlement moral ( art. 222-33-2 et 222-33-2-1 du code pénal)

- Enregistrement et diffusion d'images de violence ( art. 222-33-3 du code pénal)

- Trafic de stupéfiants ( art. 222-34 et suivants du code pénal)

- Enlèvement et séquestration ( art. 224-1 et suivants du code pénal)

- Détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport ( art.  224-6 et suivants du code pénal)

- Traite des êtres humains ( art. 225-4-1 et suivants du code pénal)

- Proxénétisme et infractions qui en résultent ( art. 225-5 et suivants du code pénal)

- Recours à la prostitution des mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables ( art. 225-12-1 et suivants du code pénal)

- Exploitation de la mendicité ( art. 225-12-5 et suivants du code pénal)

- Vols ( art. 311-1 et suivants du code pénal)

- Extorsions ( art. 312-1 et suivants du code pénal)

- Recel de vol ou d'extorsion ( art. 321-1 et suivants du code pénal)

- Destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes ( art. 322-5 et suivants du code pénal)

- Menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et fausses alertes ( art. 322-12 et 322-14 du code pénal)

- Blanchiment (art. 324-1 et suivants du code pénal)

- Participation à un attroupement en étant porteur d'une arme ou provocation directe à un attroupement armé ( art. 431-5 et 431-6 du code pénal)

- Participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d'une arme ( art. 431-10 du code pénal)

- Intrusion dans un établissement d'enseignement scolaire par une personne porteuse d'une arme ( art. 431-24 et 431-25 du code pénal) ;

- Introduction d'armes dans un établissement scolaire ( art. 431-28 du code pénal)

- Rébellion armée et rébellion armée en réunion ( art. 433-8 du code pénal) ;

- Destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes (art. 322-1 et suivants du code pénal commises en état de récidive légale)

- Fabrication ou commerce des matériels de guerre ou d'armes ou de munitions de défense sans autorisation ( art. L. 2339-2, L. 2339-3 et L. 2339-4 du code de la défense ainsi que par les articles L. 317-1-1 , L. 317-2 et L. 317-3-1 du code de la sécurité intérieure)

- Acquisition, cession ou détention, sans autorisation, d'une ou plusieurs armes ou matériels des catégories A, B, C ou d'armes de catégorie D mentionnées à l'article L. 312-4-2 ou de leurs munitions ( art. L. 317-4 , L. 317-5, L. 317-6 et L. 317-7) ;

- Port, transport et expéditions d'armes des catégories A, B, C ou d'armes de la catégorie D soumises à enregistrement sans motif légitime ( art. L. 317-8 et L. 317-9 )

- Importation sans autorisation des matériels des catégories A, B, C ou d'armes de la catégorie D énumérées par un décret en Conseil d'État ( art. L. 2339-10 et L. 2339-11 du code de la défense)

- Fabrication, vente, exportation, sans autorisation, d'un engin ou produit explosif ou incendiaire, port ou transport d'artifices non détonants ( art. L. 2353-4 à L. 2353-13 du code de la défense)


Des modifications ponctuelles apportées au régime de détention des armes de catégorie B, C et D, la création d'une procédure d'interdiction d'acquisition d'arme et une extension du FINIADA opérées par le texte

En premier lieu, le présent article opère plusieurs modifications du code de la sécurité intérieure afin de durcir les conditions d'acquisition et de détention des armes de catégorie D , en les alignant sur les conditions prévues pour les armes de catégorie B et C.

Ainsi, le présent article étend l'obligation de disposer d'un casier judiciaire exempt d'une condamnation de la liste de l'article L. 312-3 pour acquérir une arme de catégorie D .

Par ailleurs, l'ambiguïté relative aux conditions d'autorisation de détention ou d'acquisition d'une arme de catégorie C relative à la présentation alternative d'un certificat médical ou d'une licence de tir sportif ou de permis de chasse serait levée. La présentation de ces deux documents serait désormais exigée pour obtenir l'autorisation . Toutefois, une exception serait prévue pour les armes les moins dangereuses de cette catégorie.

Enfin, l'obligation de présenter systématiquement une licence de tir en cours de validité pour acquérir ou détenir une arme de catégorie B serait supprimée pour ne plus l'imposer qu'en cas de demande d'une arme pour un motif de tir sportif.

En second lieu, le présent article a également pour objet de compléter les pouvoirs du préfet, en lui permettant d'interdire préventivement l'acquisition ou la détention d'arme de catégorie B, C et D à une personne dont le comportement est dangereux pour elle-même ou pour autrui (art. L. 312-3-1 nouveau du code de la sécurité intérieure).

Enfin, le présent article étend le champ d'application du FINIADA .

Ainsi ce fichier porterait également mention des personnes interdites de détention et d'acquisition d'armes en raison d'une condamnation judiciaire dont la liste est fixée à l'article L. 312-3 précité.

Dans la mesure où la finalité du fichier est « la mise en oeuvre et le suivi, au niveau national, des interdictions d'acquisition, de détention, de port et de la confiscation des armes » et que la condamnation à une des infractions fixée par l'article L. 312-3 est un tel motif d'interdiction, l'extension proposée se justifie.

D'autre part, les personnes ayant fait l'objet de la nouvelle procédure d' interdiction préventive de détention d'armes par le préfet seraient également intégrées au fichier.


La position de votre commission : actualiser la rédaction de l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure interdisant l'acquisition et la détention d'armes au titre de certaines condamnations

Les modifications proposées des régimes d'acquisition et de détention des armes de catégorie B et C sont bienvenues : elles lèvent un certain nombre d'ambiguïtés.

Toutefois, l'extension des dispositions relatives à l'interdiction de détention d'une arme de catégorie B ou C aux armes de catégorie D pose une difficulté. En effet, cette dernière regroupe en réalité deux catégories d'armes : celles soumises à enregistrement , en raison de leur dangerosité, et celles n'étant soumises à aucune formalité . En raison de la disproportion manifeste qu'il y aurait à interdire toute détention ou acquisition d'une arme de catégorie D non soumise à enregistrement, votre commission a adopté un amendement COM-88 de son rapporteur limitant aux armes de catégorie D soumises à enregistrement les modifications prévues par le présent article.

En outre, les cas d'interdiction d'acquisition ou de détention des armes de catégorie B et C - et à terme de catégorie D soumises à enregistrement, au regard du présent article - en cas de condamnation judiciaire , nécessitent d'être actualisés. En effet, de manière surprenante, les condamnations pour terrorisme ou pour association de malfaiteurs, par exemple, ne figurent pas au nombre des condamnations judiciaires interdisant d'acquérir ou de détenir une arme.

En conséquence, à l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-88 opérant une réécriture et une mise à jour des condamnations justifiant une telle interdiction, afin d'y inclure les infractions suivantes :

- administration de substances nuisibles (art. 222-15) ;

- exploitation de la vente à la sauvette (art. 225-12-8) ;

- travail forcé (art. 225-14-1) ;

- réduction en servitude (art. 225-14-2) ;

- embuscade (art. 222-15-1) ;

- destruction, dégradations et détérioration d'un bien (art. 322-1) ;

- diffusion de procédés pour fabriquer des engins incendiaires ou explosifs (art. 322-6-1) et transport, sans motif légitime, d'explosifs ou d'éléments entrant dans la composition d'explosifs (art. 322-11-1 du code pénal) ;

- actes de terrorisme (art. 421-1 et suivants du code pénal) ;

- entrave à l'exercice des libertés d'expression, du travail, d'association, de réunion ou de manifestation (art. 431-1 du code pénal) ;

- participation à un groupe de combat interdit (art. 431-13 et suivants du code pénal) ;

- association de malfaiteurs (art. 450-1 du code pénal) ;

- demande de fonds sous contrainte (art. 312-12-1) ;

- par coordination, les infractions nouvelles relatives aux armes créées à l'article 222-52 à 222-62 du code pénal 136 ( * ) ;

- l'évasion (art. 434-30 du code pénal).

Enfin, trois a mendements rédactionnels ou de coordination COM-89, COM-90 et COM-91 ont été adoptés.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .

Article 8 (art. 706-55 du code de procédure pénale) - Inclusion des infractions liées aux armes dans le champ du fichier national automatisé des empreintes génétiques

Initialement, cet article présentait deux objets principaux distincts : en premier lieu, il visait à élargir le champ des infractions intégrées au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), pour y actualiser les références relatives aux infractions ayant trait aux armes ; en second lieu, il avait pour objet de modifier le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale définissant les infractions relevant de la criminalité organisée , pour les infractions liées aux armes, permettant donc la mise en oeuvre de techniques spéciales d'enquête.

Enfin, le présent article autorise une technique nouvelle d'enquête au bénéfice des forces de l'ordre leur permettant d'acquérir des armes ou de fournir des moyens logistiques aux auteurs d'infractions, sans être pénalement responsables (technique dite du « coup d'achat »). À cet égard, les agents des douanes bénéficieraient également de cette facilité, à l'article 10 du présent projet de loi.

Au regard du caractère distinct de ces deux mesures et pour plus de clarté, votre commission a adopté un amendement COM-92 de son rapporteur supprimant les dispositions relatives à la criminalité organisée et à la nouvelle technique de coup d'achat en matière d'infractions relatives aux armes, afin de les insérer, par un amendement COM-93 de son rapporteur, au sein d'un article additionnel 8 bis .

Dans la nouvelle rédaction proposée par votre commission, le présent article a donc pour seul objet d'actualiser la liste des infractions relatives aux armes relevant du FNAEG.

Ce fichier, créé par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs 137 ( * ) et régi par l'article 706-54 du code de procédure pénale, comporte les empreintes génétiques et les traces biologiques des personnes condamnées ou mises en cause pour une des infractions mentionnées à l'article 706-55.

Ce fichier était initialement réservé aux seules infractions sexuelles, mais son champ d'application a été progressivement étendu à de nombreuses autres infractions : les crimes et délits d'atteintes volontaires à la vie de la personne, les crimes et délits relatifs aux vols, extorsions et atteintes aux biens, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, en particulier les actes de terrorisme, ainsi que les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l'une des infractions précitées.

En particulier, la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a étendu le champ de ce fichier à certaines infractions relatives aux armes définies par le code de la défense (art. 706-55 5° du code de procédure pénale).

Sont également recueillies dans le fichier les empreintes génétiques à l'occasion des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d'une disparition ainsi que pour identifier les personnes décédées dont l'identité n'a pas pu être établie.

Le profil génétique d'une personne soupçonnée d'avoir commis une des infractions de l'article 706-55 peut être rapproché des empreintes contenues dans le fichier, mais les données de cette personne ne sont pas incluses dans le fichier, contrairement aux mis en causes.

Enfin, les empreintes génétiques des personnes poursuivies pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 ayant fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale sont également conservées dans ce fichier.

L'article 706-56 prévoit les modalités de recueil de l'empreinte génétique. Il incrimine le refus de se soumettre au prélèvement ou le fait d'avoir substitué ou tenté de substituer des éléments d'empreinte génétique d'une autre personne à l'occasion du prélèvement.

La constitutionnalité de ce fichier a été contestée, à l'occasion d'une QPC, au motif notamment que son champ était trop étendu mais le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions contestées étaient constitutionnelles, dans la mesure où toutes les infractions concernées par le fichier « portent atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, incriminent des faits en permettant la commission ou ceux qui en tirent bénéfice (...) qu'il en résulte que la liste prévue par l'article 706-55 est en adéquation avec l'objectif poursuivi par le législateur et que cet article ne soumet pas les intéressés à une rigueur qui ne serait pas nécessaire et ne porte atteinte à aucun des droits et libertés invoqués » 138 ( * ) .

Au 1 er septembre 2013, le FNAEG contient les profils génétiques de 2 547 499 individus, dont 1 911 675 personnes mises en causes, 430 298 personnes condamnées et 149 097 traces non identifiées 139 ( * ) .

La liste des infractions relatives aux armes prévues par le FNAEG est toutefois incomplète : en particulier, les importantes modifications intervenues dans le code de la défense et dans le code de la sécurité intérieure, à la suite notamment de l'adoption de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif 140 ( * ) n'ont pas été prises en compte ( Voir le commentaire de l'article 7 ).

En matière d'infractions relatives aux armes, le 5° de l'article 706-55 ne prévoit en effet que les infractions présentes dans le code de la défense, en particulier la fabrication d'engins explosifs (art. L. 2353-4), la fabrication d'armes ou de munitions sans autorisation (art. L. 2339-2), les violations des obligations des importateurs ou exportateurs d'armes (art. L. 2339-10 et suivants).

Certains des articles du code de la défense renvoient en outre de manière générale au code de la sécurité intérieure, ce qui crée des difficultés de lisibilité de ces dispositions.

En outre, des articles L. 2339-11-1 et L. 2339-11-2 ont été créés dans le code de la défense postérieurement à la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure précitée, afin de prévoir des sanctions pénales en cas d'importation et d'exportation de matériels de guerre et n'entrent pas dans le périmètre du FNAEG.

Ainsi, le projet de loi de ratification des ordonnances relatives à l'établissement du code de la sécurité intérieure n° 1378 141 ( * ) , déposé à l'Assemblée nationale le 18 septembre 2013, mais jamais adopté, prévoyait à son article 10 de modifier l'article 706-55 du code de procédure pénale, afin d'actualiser la liste des infractions susceptibles d'être intégrées dans le FNAEG . L'étude d'impact du projet de loi de ratification précise que la CNIL a été préalablement consultée sur l'extension du champ de ce fichier et qu'elle a émis un avis favorable aux modifications proposées 142 ( * ) .

Le présent article reprend donc les dispositions de l'article 10 du projet de loi de ratification précité en opérant une actualisation des références du code de la défense et du code de la sécurité intérieure.

Seraient ainsi visés les articles L. 2339-11-1 et L. 2339-11-2 du code de la défense, relatifs aux violations d'obligations en matière d'exportation d'armes ou de la tenue des registres, l'article L. 2353-4 pénalisant la fabrication d'engin explosif et l'article L. 2353-13 sanctionnant l'acquisition, la détention, le transport ou le port illégal de produits explosifs ou d'engins explosifs du code de la défense. En outre, les articles du code de la défense opérant des renvois vers le code de la sécurité intérieure figurant actuellement à l'article 706-55 seraient supprimés et remplacés par les références aux articles L. 317-1-1 à L. 317-9 et L. 317-9-2 du code de la sécurité intérieure, c'est-à-dire l'ensemble des infractions relatives aux armes du code de la sécurité intérieure .

La modification du périmètre du FNAEG proposée par le présent article est justifiée au regard de la gravité des infractions relatives aux armes , qui portent effectivement atteinte à la sécurité des personnes et des biens.

En cohérence avec les modifications adoptées à l'article 9 du présent projet de loi, consistant à intégrer un certain nombre d'infractions relatives aux armes de catégorie A et B dans le code pénal, votre commission a adopté un amendement COM-92 prenant en compte ces modifications, en les ajoutant à la liste des infractions visées par le 5° de l'article 706-55.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 8 bis (nouveau) (art.  706-73 et 706-106-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Élargissement des infractions liées aux armes dans le champ de la criminalité organisée et autorisation de la technique du « coup d'achat » en matière de trafic d'armes

Cet article, inséré par votre commission par un amendement COM-94 de votre rapporteur, a pour objet de créer un article distinct relatif à l'intégration des délits relatifs aux armes dans le champ de la criminalité organisée et à la création d'une technique d'enquête permettant aux forces de l'ordre de procéder à des « coups d'achat » d'armes , afin de faciliter le constat des infractions relatives aux armes.

1.- L'élargissement des infractions relatives aux armes relevant de la criminalité organisée

Le régime procédural applicable à la criminalité organisée, définie aux article 706-73 et suivants du code de procédure pénale présente plusieurs spécificités : un régime de garantie des droits moins favorable , en particulier en matière de durée de la garde à vue, qui peut durer jusqu'à quatre-vingt-seize heures (art. 706-88), le recours à des techniques spéciales d'enquête , comme l'enquête sous pseudonyme (706-87-1), l'infiltration (art. 706-81 à 706-87), les perquisitions en dehors des heures légales (art. 706-91), les interceptions judiciaires (art. 706-95), l'intrusion informatique (art. 706-102-1), etc.

En l'état du droit, les infractions relatives aux armes entrant dans le champ de la criminalité organisée concernent la fabrication et le commerce d'arme sans l'autorisation de l'État (art. L. 2339-2), les infractions relatives au non-signalement de découverte ou d'invention de mécanisme par une entreprise ayant déposé un brevet en ce sens (art. L. 2332-6 par renvoi de l'article L. 2339-3), le fait de ne pas signaler les commandes de matériels de guerre non destinés à l'exportation et n'ayant pas été effectuées par l'État (art. L. 2332-10 par renvoi de l'article L. 2332-4), le non-respect de l'obligation de coopérer avec les agents publics chargés des contrôles (art. L. 2339-1, par renvoi de l'article L. 2339-3), la mise au point, la fabrication ou la détention d'armes microbiologiques (art. L. 2341-1, par renvoi de l'article L. 2341-4) ou le financement de l'achat de ce type d'arme (art. L. 2341-2, par renvoi de l'article L. 2341-4), la fabrication d'engins explosifs ou de substance entrant dans sa composition (art. L. 2353-4), la production, l'importation ou l'exportation d'explosifs sans agrément ou autorisation (art. L. 2352-1, par renvoi de l'article L.2353-5).

En outre, plusieurs infractions définies par le code de la sécurité intérieure entrent dans le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale : les infractions liées à l'achat d'armes par des particuliers dans des ventes publiques sans être autorisé à les détenir (art. L. 312-5 du code de la sécurité intérieure, par renvoi de l'article L. 317-2), le non-respect de l'obligation de coopérer avec les agents publics chargés des contrôles (art. L. 317-1 par renvoi de l'article L. 317-2), le fait de vendre au détail des matériels de guerre ou des armes en violation des prescriptions légales (art. L. 317-2), le fait de vendre ou de céder des armes à un mineur en dehors des cas autorisés (art. L. 317-2) ou le fait de détenir un dépôt d'armes ou de munitions de catégorie A, B ou D (art. L. 317-7).

Toutes ces infractions doivent avoir été commises en bande organisée pour entrer dans le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale.

Le présent article ne modifie que très marginalement la liste des infractions susceptibles de relever du champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale, en y ajoutant simplement l'infraction relative au fait de porter ou de transporter des matériels de guerre ou des armes sans motif légitime relevant des catégories A et B (art. L. 317-8 1° du code de la sécurité intérieure).

En revanche, la modification majeure apportée par le présent article consiste à supprimer la condition selon laquelle les infractions en cause doivent être commises en bande organisée .

Il peut être observé que pour quelques infractions relevant de l'article 706-73, la condition qu'elles aient été commises en bande organisée n'est pas imposée, notamment l'infraction de contrefaçon monétaire (art. 442-1), le blanchiment (art. 324-1 et 324-2 du code pénal) ou le recel (art. 321-1 du code pénal).

Lors de l'examen de la loi Perben II du 2 mars 2004, qui a créé le mécanisme dérogatoire de l'article 706-73 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a constaté que les infractions établies par l'article 706-73 du code de procédure pénale « sont susceptibles, pour la plupart, de porter une atteinte grave à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes 143 ( * ) » et que cet élément justifiait que la procédure spéciale de l'article 706-73 du code de procédure pénale s'applique. Ainsi, dans la même décision, le Conseil constitutionnel a émis deux réserves d'interprétation, pour le vol et pour l'aide au séjour irrégulier d'un étranger en France commis en bande organisée en considérant que ces délits ne relèvent de la délinquance organisée que « s'il[s] présente[ent] des éléments de gravité suffisants pour justifier les mesures dérogatoires en matière de procédure pénale 144 ( * ) ». Dans le cas contraire, le Conseil constitutionnel souligne que « ces procédures spéciales imposeraient une rigueur non nécessaire au sens de l'article 9 de la Déclaration de 1789 ; qu'il appartiendra à l'autorité judiciaire d'apprécier l'existence de tels éléments de gravité dans le cadre de l'application de la loi » 145 ( * ) .

Dans sa décision 2014-420/421 QPC, le Conseil constitutionnel a rappelé que dans le cadre de la fixation du champ d'application pénale, le législateur doit « éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions 146 ( * ) ». Il a ainsi considéré que le délit d'escroquerie , qui est un délit commis contre les biens, « même lorsqu'il est commis en bande organisée (...) n'est pas susceptible de porter atteinte en lui-même à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes ; qu'en permettant de recourir à la garde à vue selon les modalités fixées par l'article 706-88 du code de procédure pénale au cours des enquêtes ou des instructions portant sur ce délit, le législateur a permis qu'il soit porté à la liberté individuelle et aux droits de la défense une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi 147 ( * ) ». Il a donc jugé que la disposition déférée était contraire à la Constitution.

Il ressort de ces décisions que le critère retenu pour intégrer des infractions dans le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale est moins un critère de commission en bande organisée 148 ( * ) que le fait que les délits considérés portent atteinte « en [eux]-même[s] à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes ».

Dès lors, la suppression de la condition de bande organisée se justifie pour les infractions en matière d'armes ou d'explosifs, qui portent effectivement atteinte à la sécurité ou à la vie des personnes, même lorsqu'elles ne sont pas commises en bande organisée.

En cohérence avec les modifications intervenues à l'article 9 du présent projet de loi, la liste des infractions a été complétée par celles relatives aux armes de catégorie A et B intégrées dans le code pénal par un amendement COM-95 de votre rapporteur 149 ( * ) .

Cet amendement ajoute en outre à l'article 706-73 du code de procédure pénale deux séries d'infractions :


• les infractions relatives à la suppression des marquages destinés à déterminer la traçabilité d'une arme
, quelle qu'en soit la catégorie (art. 222-55 nouveau du code pénal, reprenant l'article L. 317-7-1 du code de la sécurité intérieure), l'acquisition, la vente, le port et le transport d'armes dépourvues de marquage destinés à en assurer la traçabilité (art. 222-55-1 nouveau du code pénal, reprenant l'article L. 317-7-2 du code de la sécurité intérieure), la contrefaçon de poinçons d'épreuve ou l'utilisation frauduleuse de tels poinçons (art. 222-55-2 nouveau du code pénal, reprenant l'article L. 317-9-2 du code de la sécurité intérieure) ainsi que l'infraction nouvelle de constitution ou de reconstitution d'une arme , le fait de la modifier en lui faisant changer de catégorie et le fait de détenir en connaissance de cause, d'acquérir, de vendre, de livrer ou de transporter une arme ayant fait l'objet d'une modification destinée à faire obstacle à sa traçabilité (art. 222-55-3 nouveau du code pénal).

Votre rapporteur justifie cette extension en raison des difficultés particulières qui existent en matière de trafic d'armes pour démanteler les filières d'approvisionnement des armes ou des munitions et lutter ainsi efficacement en amont contre la criminalité organisée mais aussi contre le terrorisme.

L'altération des marquages des armes vise à empêcher de retrouver leur origine et entrave de ce fait la lutte contre le trafic d'armes. La difficulté liée au démantèlement de ces filières est en lien direct avec la mise en cause de la sécurité et la vie des personnes et justifie donc pleinement cette extension.

En outre, la remilitarisation d'armes neutralisées vise par essence à rendre à nouveau opérationnelles des armes dangereuses, relevant des catégories A et B ;


les infractions du code pénal relatives à la diffusion de procédés permettant la fabrication d'engins de destruction (art. 322-6-1 du code pénal) et la détention ou le transport de substances ou produits incendiaires ou explosifs ainsi que d'éléments ou substances destinés à entrer dans la composition de produits ou engins incendiaires ou explosifs (art. 322-11-1 du code pénal).

En effet, ces délits, dont les peines ont été alourdies par l'article 9 du présent projet de loi, présentent également des risques importants pour la sécurité et la vie des personnes, comme l'ont illustré les récents attentats. Par ailleurs, des délits relativement équivalents réprimés par le code de la défense figurent déjà dans la liste des infractions de l'article 706-73 du code de procédure pénale (art. L. 2353-4 et L. 2352-1 du code de la défense).

Extension du champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale

Actuel

Proposé par le texte

Adopté en commission

Commission de ces infractions en bande organisée

Suppression de la condition de commission de ces infractions en bande organisée

Suppression de la condition de commission de ces infractions en bande organisée

Code de la défense

L. 2339-2

L. 2339-2

L. 2339-2

L. 2339-3

L. 2339-3

L. 2339-3

L. 2339-10

L. 2339-10

L. 2339-10

L. 2341-4

L. 2341-4

L. 2341-4

L. 2353-4

L. 2353-4

L. 2353-4

L. 2353-5

L. 2353-5

L. 2353-5

Code de la sécurité intérieure

L. 317-2

L. 317-2

L. 317-2

L. 317-4

L. 317-4

Supprimé et remplacé par l'article 222-52 nouveau du code pénal : acquisition, détention ou cession d'arme de catégorie A ou B

L. 317-7

L. 317-7

Art. L. 317-7 (limité au dépôt d'armes de catégorie C ou D, dans la mesure où l'article 222-53 nouveau du code pénal crée une infraction spécifique pour les dépôts d'armes de catégorie A ou B).

L. 317-8

L. 317-8 1°

Supprimé et remplacé par l'article 222-54 nouveau du code pénal : port et transport d'armes de catégorie A ou B sans motif légitime hors de son domicile

Code pénal

L. 317-7

° L. 317-7

Dépôt d'arme de catégorie A ou B : art. 222-53 nouveau du code pénal

-

-

Supprimer, altérer les marquages destinés à garantir leur identification : art. 222-55 nouveau du code pénal

-

-

Acquisition, vente, livraison ou transport d'armes dépourvues de marquage destinés à garantir leur identification : art. L. 222-55-1 nouveau du code pénal

-

-

Contrefaçon de poinçon d'épreuve ou utilisation de poinçons contrefaits : art. 222-55-2 du code pénal

-

-

Constituer ou reconstituer des armes neutralisées, changer la catégorie d'arme ou détenir en connaissance de cause, acquérir, vendre, livrer ou transporter une arme ayant fait l'objet d'une modification destinée à en supprimer ou altérer le marquage :
art. 222-55-3 du code pénal

-

-

Diffusion de procédés permettant la fabrication d'engins de destruction élaborés à partir de poudre ou de substances explosives, de matières nucléaires, biologiques ou chimiques, ou à partir de tout autre produit destiné à l'usage domestique, industriel ou agricole :
art. 322-6-1 du code pénal

-

-

Détention ou transport de substances ou produits incendiaires ou explosifs ainsi que d'éléments ou substances destinés à entrer dans la composition de produits ou engins incendiaires ou explosifs en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, des infractions définies à l'article 322-6 ou d'atteintes aux personnes :
art. 322-11-1 du code pénal

2.- La création d'une technique spéciale de coup d'achat pour la répression du trafic d'armes

Le présent article vise également à créer une technique spéciale d'enquête particulière pour la répression des infractions relatives aux armes, permettant aux forces de l'ordre d'acquérir des armes ou de fournir une aide logistique aux personnes se livrant à l'achat d'armes , afin de permettre de caractériser une telle infraction, sans être pénalement responsables .

Le coup d'achat serait autorisé aux officiers de police judiciaire (OPJ) et aux agents de police judiciaire (APJ) placés sous leur autorité, avec autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction qui doit avoir averti préalablement le parquet.

L'autorisation doit être versée au dossier et selon un schéma classique, les actes commis par les enquêteurs ne doivent pas constituer une incitation à commettre l'infraction, selon le même équilibre que pour les cyber-patrouilles prévues à l'article 706-87-1 du code de procédure pénale.

Le dispositif proposé est inspiré de la technique du coup d'achat en matière de produits stupéfiants, autorisé par l'article 706-32 du code de procédure pénale, introduit par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Toutefois, le dispositif proposé par le présent article n'ouvre cette possibilité que pour les seules armes , alors même que les éléments d'armes - pour reconstituer une arme neutralisée -, les munitions ou les explosifs sont étroitement liés au trafic d'arme.

En conséquence, l' amendement COM-94 précité de votre rapporteur a complété le dispositif pour prévoir que le coup d'achat pouvait également avoir pour objet d'acheter des munitions, des éléments d'armes ainsi que des produits explosifs.

Votre commission a adopté l'article 8 bis ainsi rédigé .

Article 9 (art. 132-16-4-1 [nouveau], 222-52 à 222-67 [nouveaux], 322-6-1, 322-11-1, 421-1, 431-28 du code pénal, art. L. 2339-10, 2339-14, 2353-4 du code de la défense, L. 312-3, L. 317-4, L. 317-5, L. 317-7, L. 317-7-1 à L. 317-7-4, L. 317-8, L. 317-9 du code de la sécurité intérieure, art. 46 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et art. 40 de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concessions) - Création d'une section nouvelle au sein du code pénal relative au trafic d'armes de catégorie A et B

Le présent article a pour objet de durcir la réglementation relative aux armes de catégorie A et B, qui sont les armes les plus dangereuses, en augmentant en particulier les quantum des peines encourues.

1.- Un constat : des dispositions pénales réprimant le trafic d'armes souffrant d'une faible effectivité.

À la suite de la réforme de la classification des armes et des munitions opéré par la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif 150 ( * ) , l'ancienne classification des armes, illisible, a été revue et fondée sur la dangerosité de l'arme .

Dans la réforme de la classification, le législateur a interdit aux particuliers, sauf exceptions très limitatives, d'acquérir et de détenir des armes de catégorie A , qui est une catégorie regroupant les armes de guerre et leurs accessoires. En raison de sa dangerosité, les armes de catégorie B sont soumises à autorisation 151 ( * ) .

- Des infractions prévues au sein des codes de la défense et de la sécurité intérieure

Le dispositif réprimant la violation des dispositions relatives aux armes figure actuellement au code de la sécurité intérieure , aux articles L. 317-1 et suivants. En outre, le code de la défense prévoit diverses incriminations, relevant davantage de la violation d'obligations en lien avec l'importation, l'exportation ou la fabrication de matériels de guerre.

Il n'existe que quelques infractions relatives aux armes au sein du code pénal , notamment le fait pour une personne autorisée à pénétrer dans un établissement scolaire en étant porteuse d'arme sans motif légitime (art. 431-28) ou des infractions relatives aux explosifs ou aux matières dangereuses , le fait de détériorer le bien d'autrui à l'aide d'une substance explosive ou incendiaire (art. 322-6), le fait de diffuser des procédés permettant de fabriquer d'engins de destruction (art. 322-6-1) et la détention de matière explosifs ou incendiaires (art. 322-11-1).

Les infractions prévues par le code de la sécurité intérieure concernent, d'une part, les fabricants et les vendeurs au détail 152 ( * ) qui ne respectent pas les dispositions du code (L. 317-1-1 à L. 317-3-2) et, d'autre part, les particuliers .

Dans ce dernier cas, le code de la sécurité intérieure pénalise principalement trois types de comportements :

- le fait d'acquérir, de céder ou de détenir une arme de catégorie A ou B sans autorisation , puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende (art. 317-4). Pour les armes de catégorie C, la peine est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende (art. L. 317-4-1) ;

- la détention d'un dépôt d'armes ou de munitions de catégorie A, B ou D , puni de cinq ans d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende (art. 317-7) ;

- le fait de porter ou de transporter sans motif légitime des armes , puni de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour une arme ou des munitions de catégorie A ou B, de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende pour les armes de catégorie C et d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende pour les armes de catégorie D soumises à enregistrement (art. L. 317-8 du code de la sécurité intérieure).

Par ailleurs, le fait de modifier les marquages d'une arme , pour en dissimuler l'origine, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (art. L. 317-7-1 à L. 317-7-4 du code de la sécurité intérieure).

Ces articles prévoient en outre un certain nombre de circonstances aggravantes .

Dans certains cas, la peine est aggravée en cas de commission de l'infraction en bande organisée , en particulier en cas d'acquisition, cession ou détention d'armes ou de munitions sans autorisation, en bande organisée (art. 317-4) ou en cas de masquage frauduleux de l'origine de l'arme (art. L. 317-7-3), ou de détention d'un dépôt d'armes ou de munitions (art. L. 317-7).

Il existe aussi des circonstances aggravantes particulières aux infractions relatives aux armes :

- lorsque l'auteur de l'infraction « a été antérieurement condamné à l'emprisonnement ou à une peine plus grave pour crime ou délit », ce qui revient donc en réalité à instaurer un mécanisme de récidive général et perpétuel . Cette circonstance est applicable en matière d'acquisition et de détention d'arme sans autorisation (art. L. 317-4) ;

- si l'infraction a été commise « par au moins deux personnes ensemble ». C'est le cas par exemple en cas de transport ou de port d'armes (art. L. 317-9).

Enfin, le code de la sécurité intérieure prévoit des peines complémentaires obligatoires d'interdiction de détenir ou de porter une arme, de confiscation des armes, le retrait du permis de chasser (art. L. 317-12 du code de la sécurité intérieure). Toutefois, le juge peut ne pas prononcer la mesure par une décision spécialement motivée, selon un mécanisme analogue à une peine-plancher et peut faire varier la durée de la peine.

- La faible répression du trafic d'armes et de munitions

Le trafic d'armes et de munitions est un trafic qui irrigue la délinquance organisée de droit commun mais également le terrorisme, les individus ayant perpétré les récentes attaques terroristes menées à Paris en 2015 disposant d'armes de guerre.

Estimations quantitatives en matière de trafic d'armes

Inscrit dans le paysage de la criminalité organisée, le trafic d'armes a pour particularité de reposer sur des biens « durables » - à l'exception des munitions - et dont la technologie s'est largement développée, contrairement à d'autres trafics transnationaux qui portent sur des produits « périssables », tel que le trafic de stupéfiants. Il résulte de cette caractéristique que les revenus générés par ce trafic sont bien inférieurs à ceux du trafic de stupéfiants : les stocks d'armement ne font pas l'objet d'un renouvellement régulier, donnant lieu à des trafics de faible ampleur et plus difficiles à déceler.

De plus, ce trafic porte sur des objets dont la production, le commerce et la détention ne sont pour certaines catégories d'entre eux pas prohibés, contrairement à d'autres trafics, conduisant à une possible alimentation du commerce illicite par le marché réglementé, en cas de détournement ou de non-respect de la législation en vigueur.

Chiffres relatifs aux saisies d'armes

Pour l'année 2012, la section centrale armes, explosifs et matières sensibles (SCAEMS) de la direction centrale de la police judiciaire, a recensé la saisie de 5.198 armes à feu par les services de police et de gendarmerie, ce qui représente une hausse de 33 % par rapport à 2011 et de 92 % par rapport à 2010 153 ( * ) .

Toutefois, les saisies d'armes de guerre et d'armes automatiques interdites aux particuliers ne représentent que 2 % des armes saisies (109 saisies). Parmi ces dernières, la Kalachnikov occupe une place prépondérante : en 2012, 89 Kalachnikov ou armes assimilées ont été saisies, ce qui représente une forte augmentation par rapport aux années précédentes (65 saisies en 2011, 30 en 2010).

Ce constat traduit l'action des services répressifs et des parquets qui ont mis l'accent sur la lutte contre la circulation de ce type d'armement, en particulier dans les zones de sécurité prioritaires. Toutefois, il démontre également une certaine disponibilité de cette arme, achetée au prix de 300 à 500 euros dans les Balkans, et qui se négocie entre 2.000 et 3.000 euros en France 154 ( * ) .

Source : Direction des affaires criminelles et des grâces

Les sources d'approvisionnement du trafic d'armes sont principalement de trois natures 155 ( * ) :

- la contrebande internationale en provenance des Balkans , qui constituent une zone sensible au regard des estimations faites : on compterait 2 millions d'armes en Serbie, environ 300 000 à 400 000 armes au Kosovo et un peu plus en Macédoine ;

- la remilitarisation d'armes à feu neutralisées. L'opération de neutralisation, consistant à rendre une arme à feu impropre au tir, en principe de manière définitive, est en réalité parfois réversible, si l'opération de neutralisation a été imparfaitement menée, à l'aide de pièces achetées notamment sur Internet, ;

- le commerce illégal d'armes, alimenté par des vols ou des échanges illicites d'armes entre amateurs et collectionneurs.

Le contentieux relatif aux armes représentait, au 31 décembre 2014, 5,5 % de l'activité globale des JIRS en matière de criminalité organisée depuis leur création en 2004, avec 137 dossiers sur un total de 2 511 156 ( * ) .

Toutefois, si entre 2004 et 2010, les JIRS ont traité 53 dossiers d'infractions à la législation sur les armes, entre 2011 et 2014, elles se sont saisies de 84 dossiers 157 ( * ) .

Une dépêche du 24 novembre 2015 demande d'ailleurs aux JIRS de se saisir en priorité de dossiers de trafic d'armes.

Nombre d'affaires de trafics d'armes
dans des dossiers de criminalité organisée JIRS

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Total

Bordeaux

0

0

0

1

0

0

1

0

0

0

1

3

Fort deFrance

0

0

1

0

0

0

2

1

1

3

4

12

Lille

0

0

1

0

0

0

2

1

1

3

4

12

Lyon

0

0

0

0

2

0

0

4

3

7

4

20

Marseille

1

4

0

3

1

4

2

3

9

7

1

35

Nancy

0

1

1

0

0

1

0

0

1

1

2

7

Paris

3

5

4

4

5

1

6

6

5

13

6

58

Rennes

0

0

0

0

0

0

0

1

1

0

0

2

Total

4

10

6

8

8

6

11

15

20

31

18

137

Source : Direction des affaires criminelles et des grâces

Les infractions relatives aux armes sont relativement peu prononcées comme l'illustre le tableau ci-après, non exhaustif, même si l'augmentation des condamnations prononcées entre 2013 et 2014 est tout à fait réelle.

Il résulte de ce tableau que les condamnations pour des infractions relatives aux armes sont rarement prononcées à titre principal : autrement dit, la plupart des condamnations relatives aux armes sont prononcées à l'occasion d'une condamnation principale pour trafic de stupéfiants, etc.

En outre, le nombre de condamnations pour la détention et l'acquisition d'armes de catégorie A est très marginal en proportion des condamnations relatives aux armes de catégorie B, comme le relève d'ailleurs l'étude d'impact 158 ( * ) .

Plusieurs facteurs expliquent la répression relativement faible des infractions relatives aux armes :

- il existe un nombre très important d'infractions relatives aux armes, à la rédaction parfois compliquées, parfois redondante entre elles, voire contradictoire ;

- les infractions relatives aux armes figurent en outre au sein de deux codes différents, le code de la sécurité intérieure et le code de la défense qui opèrent de nombreux renvois entre eux : ainsi, Mme Morgane Daury-Fauveau, professeur de droit privé à l'université de Picardie Jules Verne, relève que la législation en la matière est ainsi peu accessible ou intelligible en raison notamment de « l'éclatement des textes entre le code de la défense et le code de la sécurité intérieure qui contiennent parfois exactement les mêmes dispositions et opèrent des renvois incessants entre eux » 159 ( * ) .

Le fait que les infractions relatives aux armes ne figurent pas dans le code pénal aggrave en outre cette complexité.

2.- La solution peu ambitieuse du projet de loi

Les dispositions du présent article ont pour objectif de renforcer la répression des infractions relatives au trafic d'armes , en opérant diverses modifications des infractions existantes du code de la sécurité intérieure et du code de la défense.

Ainsi, le projet de loi propose de renforcer la répression de la l'acquisition, la cession ou la détention d'une arme de catégorie A ou B , en portant de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros les peines applicables, la peine d'emprisonnement étant portée à sept ans, au lieu de cinq, en cas de condamnation antérieure de l'auteur.

Par ailleurs, le présent article étend les peines applicables aux personnes ayant fait l'objet d'une peine de confiscation ou de dessaisissement et qui se seraient ultérieurement procuré des armes ou des munitions, aux personnes ayant fait l'objet d'une mention dans le fichier automatisé comme ne pouvant pas disposer d'une arme ou de munitions et pour les personnes ayant fait l'objet de la mesure d'interdiction préventive du préfet, nouvelle mesure créée par le présent projet de loi 160 ( * ) , soit une peine de trois ans et de 45 000 euros d'amende (art. L. 317-5 code de la sécurité intérieure).

La détention d'un dépôt d'armes à l'article L. 317-7 serait punie plus sévèrement puisque l'amende serait portée à 75 000 euros d'amende au lieu de 3 750 euros, afin de rendre l'amende cohérente avec la peine d'emprisonnement de cinq ans encourue.

Enfin, l'article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure, qui réprime le port et le transport d'une arme sans motif légitime serait complété par une circonstance aggravante en cas de condamnation antérieure pour un ou plusieurs crimes ou délits relevant de la criminalité organisée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an ferme . Dans ce cas, la peine pourrait être alors portée à dix ans d'emprisonnement, le quantum d'amende restant inchangé.

Le code de la défense ferait également l'objet de modifications en vue d'alourdir les peines encourues : ainsi, à l'article L. 2339-10 du code de la défense, qui réprime l'importation sans autorisation de matériels relevant des catégories A à D , la peine d'amende serait mise en cohérence avec la peine d'emprisonnement encourue de cinq ans, en passant l'amende de 9 000 euros à 75 000 euros.

Le non-respect des dispositions relatives au transfert des armes , prévus à l'article L. 2335-17 serait puni des mêmes peines.

Enfin, la peine de réclusion criminelle de 15 ans et d'un 1,5 million d'euros d'amende serait applicable aux personnes ayant commis l'infraction à l'article L. 2339-10 (importation sans autorisation de matériels des catégories A à D).

Les dispositions du présent article opèrent une réforme à la portée tout à fait limitée des dispositions relatives aux infractions applicables en cas de violation des dispositions relatives aux armes.

En effet, l'aggravation du quantum de peines encourus ou leur mise en cohérence avec les peines d'emprisonnement ne répond que très partiellement aux lacunes du dispositif actuel : les éléments transmis dans l'étude d'impact ou figurant dans le tableau présentant quelques condamnations au titre des infractions sur les armes montrent que les montants moyens des amendes ou des peines prononcées sont très en deçà des plafonds .

La réforme a minima proposée ne répond pas non plus à l'absence d'intelligibilité ou à la complication des mesures applicables exposées précédemment qui semblent pourtant expliquer, pour une large part, la faible répression en matière d'armes.

3.- La proposition de votre commission : créer un cadre juridique dédié aux infractions relatives aux armes de catégorie A et B au sein du code pénal

La répression efficace du trafic d'armes est un élément clef dans la lutte contre la délinquance organisée, mais aussi contre le terrorisme .

Dans cette perspective, il semble plus efficace de se concentrer sur les infractions relatives aux catégories A et B et certaines infractions communes à toutes les catégories mais se caractérisant par la volonté de compliquer le travail des enquêteurs contre les filières d'approvisionnement.

Dès lors, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement COM-95 créant une section nouvelle relative au trafic d'armes au sein du chapitre du code pénal relatif aux atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne, s'inspirant pour partie de la section relative au trafic de stupéfiants.

Le principe de la modification opérée est de créer un système respectant les grands équilibres du code de la sécurité intérieure et du code de la défense ainsi que la logique des infractions existantes, en s'appuyant sur les trois principes suivants :

- le choix d'une répression aussi sévère des armes de catégorie A et B ;

- le maintien dans le code de la sécurité intérieure des infractions relatives aux armes de catégorie C et D ainsi que toutes les infractions relatives à la vente ou à la fabrication au détail des armes et des munitions ;

- le maintien dans le code de la défense des infractions relatives aux armes de catégories A et B commises dans le cadre de la fabrication, l'importation ou l'exportation à une échelle industrielle de ces armes .

Cette nouvelle section serait organisée selon les différents ensembles suivants.


La création de trois délits principaux

La section serait tout d'abord organisée autour de trois délits principaux relatifs aux armes de catégorie A et B :

- l'acquisition, la détention ou la cession non autorisée d'armes ou de munitions (art. 222-52 nouveau)

- la détention d'un dépôt d'armes ou de munitions (art. 222-53 nouveau) ;

- le port et le transport d'armes ou de munitions (art. 222-54 nouveau). Dans ce dernier cas, l'infraction prévue par l'article 431-28 du code pénal, relative au fait pour une personne autorisée à pénétrer dans une école avec une arme serait intégrée au sein d'un article 222-55 nouveau au sein de cette section, avec des peines alourdies 161 ( * ) . En conséquence, l'article 431-28 du code pénal serait abrogé .


L'intégration dans le code pénal des délits relatifs à la suppression des éléments permettant d'identifier la provenance d'une arme

En outre, plusieurs autres délits, communs, pour certains, à toutes les catégories et actuellement prévus par le code de la sécurité intérieure, seraient intégrés dans cette section nouvelle en raison de leur lien avec la criminalité organisée, en ce qu'ils répriment des comportements visant à rendre plus compliquée l'identification des filières d'approvisionnement , en procédant à l'altération des marquages, à l'utilisation de poinçons contrefaits (articles 222-56 à 222-58 nouveaux).


La pénalisation nouvelle de la remilitarisation d'une arme neutralisée ou le fait de modifier une arme conduisant à en modifier la classification

Enfin, une infraction nouvelle serait créée, afin de punir de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de « remilitariser » une arme neutralisée, c'est-à-dire le fait de la rendre à nouveau opérationnelle (art. 222-59). Ce même article sanctionnerait des mêmes peines, d'une part, le fait de faire changer une arme de catégorie - nécessairement vers une catégorie supérieure à celle d'origine -, et, d'autre part, de détenir en connaissance de cause, d'acquérir, de céder, de transporter ou de porter une arme dont les marquages ont été frauduleusement altérés.


L'uniformisation des circonstances aggravantes

Les circonstances aggravantes applicables à ces délits seraient en outre uniformisées .

En premier lieu, la circonstance aggravante de commission en bande organisée serait remplacée par la commission de l'infraction par deux personnes au moins , agissant en qualité d'auteur ou de complice. Cette circonstance aggravante serait prévue pour les infractions d'acquisition, cession et détention d'armes (art. 222-52), de dépôt d'armes ou de munitions (art. 222-53), et de port ou transport d'armes ou de munitions (art. 222-54).

La circonstance aggravante de commission en bande organisée , plus difficile à prouver que la circonstance aggravante serait toutefois maintenue pour les infractions d'altération frauduleuse des éléments d'identification d'une arme (art. 222-57) et pour le fait d'avoir remilitarisé une arme neutralisée , de l'avoir fait changer de catégorie ou de détenir en connaissance de cause, d'acquérir, de céder, de transporter ou de porter une arme dont les marquages ont été frauduleusement altérés (art. 222-59).

Enfin, la circonstance aggravante relative au fait que la personne a déjà été condamnée à une peine d'emprisonnement , trop imprécise , serait remplacée par la rédaction proposée par l'article 9 du présent projet de loi, qui crée une circonstance aggravante si l'auteur des faits a été antérieurement condamné pour un ou plusieurs crimes ou délits relevant de la criminalité organisée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an ferme . Cette circonstance aggravante serait applicable aux infractions d'acquisition, cession et détention d'arme ou de munitions (art. 222-52) de dépôt d'armes ou de munitions (art. 222-53) et de port ou transport d'armes ou de munitions (art. 222-54) ainsi que pour le fait d'avoir remilitarisé une arme neutralisée , de l'avoir fait changer de catégorie ou d'avoir cédé, transporté etc. des armes aux marquages altérés (art. 222-59).

• La mise en cohérence de l'échelle des peines

À l'occasion de la création de cette section nouvelle au sein du code pénal, les peines applicables seraient revues, en application du tableau ci-dessous :

Révision de l'échelle des peines applicables
aux infractions relatives aux armes de catégorie A et B

INFRACTIONS

Peine actuelle

pour les armes de catégorie A et B

Peine proposée par le texte transmis

pour les armes de catégorie A et B

Peine proposée par la commission pour les armes de catégorie A et B

Acquisition, détention, cession

3 ans

45.000 €

5 ans

75 000 €

5 ans

75 000

... par une personne déjà condamnée

5 ans

45.000 €

7 ans

75 000 €

7 ans

100.000 €

... en bande organisée

10 ans

500.000 €

10 ans

500.000 €

Remplacé par la circonstance aggravante de commission par au moins deux personnes

... par au moins deux personnes

Sans objet

Sans objet

10 ans

500.000 €

Détention d'un dépôt d'armes

5 ans

3.750 €

5 ans

75 000 €

5 ans

75.000 €

... par une personne déjà condamnée

10 ans

3.750 €

10 ans

75 000 €

Remplacé par la circonstance aggravante de commission par une personne déjà condamnée au titre de la délinquance organisée

... par une personne déjà condamnée pour un crime ou un délit relevant de la délinquance organisée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an

Sans objet

Sans objet

10 ans

500.000 €

... en bande organisée

10 ans

500.000 €

10 ans

500.000 €

Remplacé par la circonstance aggravante de commission par au moins deux personnes

... par au moins deux personnes

Sans objet

Sans objet

10 ans

500.000 €

Port, transport

5 ans

75.000 €

5 ans

75.000 €

7 ans

100.000 €

Port d'armes dans un établissement scolaire (art. 431-28 du code pénal) 162 ( * )

3 ans

45.000 €

Sans objet

7 ans

100.000 €

... par au moins deux personnes

10 ans

500.000 €

10 ans

500.000 €

10 ans

500.000 €

... par une personne déjà condamnée pour un crime ou un délit relevant de la délinquance organisée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an

Pas d'aggravation

10 ans

75 000 €

10 ans

500 000 €

Modification des éléments d'identification d'une arme

5 ans

75.000 €

5 ans

75.000 €

5 ans

75.000 €

Acquisition, vente, livraison, transport d'une arme dont les éléments d'identification ont été modifiés

5 ans

75.000 €

5 ans

75.000 €

5 ans

75.000 €

Acquisition, vente, livraison, transport, en bande organisée, d'une arme dont les éléments d'identification ont été modifiés

10 ans

150.000 €

10 ans

150.000 €

10 ans

500.000 €

Constitution, reconstitution d'une arme, modification d'une arme la faisant changer de catégorie, détention, port, transport, etc. d'une arme aux éléments d'identification altérés

Sans objet

Sans objet

5 ans

75.000 €

... par une personne déjà condamnée pour un crime ou un délit relevant de la délinquance organisée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an

Sans objet

Sans objet

7 ans

100 000 €

... en bande organisée

Sans objet

Sans objet

10 ans

500.000 €


La prise en compte de la tentative de l'infraction

Au sein de cette section nouvelle, l'article 222-60 nouveau pénaliserait la tentative des délits d'acquisition, détention, cession (art. 222-54) et d'altération des marquages d'une arme (art. 222-56, 222-57 et 222-58 nouveaux) des mêmes peines que celles prévues à ces articles.

La pénalisation de la tentative d'acquisition, détention ou cession sera particulièrement utile, en complément des techniques nouvelles d'enquêtes offertes aux enquêteurs en matière d'armes.


L'harmonisation des peines complémentaires applicables

Les peines complémentaires applicables seraient calquées sur celles pouvant être prononcées dans le cadre du code de la sécurité intérieure, complétées d'un certain nombre de peines complémentaires généralement encourues en cas d'atteintes aux personnes.

Pour les personnes morales , les peines complémentaires applicables seraient ainsi, en application d'un article 222-61 nouveau, la peine d'amende prévue à l'article 131-38 du code pénal ainsi que l'ensemble des peines complémentaires encourues par une personne morale prévues à l'article 131-39 du code pénal, notamment la dissolution , le placement sous surveillance judiciaire , la fermeture définitive ou temporaire , l'exclusion des marchés publics ou l' interdiction de l'exercice de l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise (art. 222-61 alinéa 2).

Pour les personnes physiques , les peines complémentaires seraient en partie calquées sur celles de l'article 317-12 du code de la sécurité intérieure, soit l'interdiction de détenir ou de porter une arme ou la confiscation des armes (art. 222-62 nouveau).

Par ailleurs, pourraient être également encourues les peines complémentaires d'interdiction de séjour (art. 222-63), l'interdiction du territoire français (art. 222-64), le suivi socio-judiciaire (art. 131-36-1 à 131-36-13 du code pénal).

Enfin, une disposition générale permettrait de prononcer la confiscation de tous les biens constituant l'instrument de l'infraction ou le produit direct ou indirect de celle-ci (art. 222-66 nouveau).


Plusieurs dispositions de cohérence ou de coordination

En premier lieu, par cohérence avec l'aggravation des infractions relatives aux armes, les infractions du code pénal relatives aux explosifs figurant aux articles 322-6-1 et 322-11-1, réprimant la diffusion de moyens de fabrication d'un engin explosif ou incendiaire et le transport de substances explosifs ou incendiaires en vue de commettre une atteinte aux personnes ou aux biens seraient aggravées en étant portée, d'une part, de un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende, et, d'autre part, de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende. Au même article, la détention ou le transport sans motif légitime de substance ou de produit explosifs ou incendiaires seraient portée de un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende.

En second lieu, l'article 421-1 du code pénal, relatif à la qualification d'acte de terrorisme serait modifié pour intégrer dans son champ les infractions nouvelles créées par l'amendement de votre rapporteur, de manière symétrique aux infractions relatives aux armes qui y figurent actuellement : seuls seraient visés l ' acquisition, la cession et la détention d'armes de catégorie A ou B (art. 222-52), la détention d'un dépôt d'armes de catégorie A ou B (art. 222-53) et le port ou le transport d'armes de catégorie A ou B (art. 222-54).

Par ce même amendement, votre commission a également effectué une harmonisation des dispositions du code de la sécurité intérieure et du code de la défense, afin d'opérer des modifications de conséquence au sein de certains articles du code de la sécurité intérieure, en particulier pour ne viser que les armes de catégorie C ou D soumises à enregistrement.

Par ailleurs, l'article L. 2353-4 du code de la défense réprimant le fait de fabriquer un engin explosif a fait l'objet d'une modification de cohérence, afin que le montant de la peine encourue soit porté de 3 750 euros à 75 000 euros.

Enfin, diverses coordinations ont été effectuées au sein de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et au 1° de l'article 40 de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, prévoyant les cas d'exclusion des entreprises des marchés publics.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi rédigé .

Article 10 (art.  67 bis et 67 bis-1 du code des douanes) - Autorisation de la technique du « coup d'achat » et de l'infiltration en matière de trafic d'armes au bénéfice des agents des douanes

Cet article a pour objet de modifier le code des douanes afin de permettre aux agents des douanes de disposer de deux techniques supplémentaires afin de constater les infractions relatives au trafic d'armes : l'infiltration et le coup d'achat .

L'infiltration est une technique d'enquête permettant de faire passer un agent des douanes comme un complice, co-auteur ou une personne intéressée à la fraude, afin de permettre de collecter des éléments de preuve et de constater un certain nombre d'infractions 163 ( * ) .

En matière douanière, ce procédé est autorisé par l'article 67 bis du code des douanes pour lutter contre le trafic de biens interdits et contre le trafic de biens fortement taxés (alcools ou tabacs) en contrebande, mais aussi en matière d'importation ou d'exportation de marchandises contrefaites (art. 414) ou de fonds provenant de la vente de substances ou de plantes classées comme stupéfiants (art. 415).

Les conditions de mise en oeuvre de cette technique nécessitent l'autorisation préalable du procureur de la République , l'opération étant réalisée sous son contrôle. L'agent infiltré n'est pas pénalement responsable mais il ne peut inciter à commettre des infractions . Dans ce cadre, les agents peuvent alors acquérir, détenir, transporter, etc. des biens tirés de la commission de l'infraction ou fournir des moyens logistiques aux personnes se livrant à ces infractions.

En pratique, très peu d'opérations d'infiltrations sont menées, au regard des risques encourus.

Le « coup d'achat » est une technique également éprouvée en matière douanière, autorisée par l'article 67 bis -1 du code des douanes, consistant, comme pour les forces de l'ordre à acquérir des marchandises dont la détention est illégale ou qui sont le produit d'une infraction ou à fournir des moyens logistiques à des personnes se livrant à des infractions données.

Comme pour les forces de l'ordre, les douaniers doivent disposer de l'autorisation préalable du procureur de la République , qui doit être versée au dossier de procédure. Par ailleurs, les actes de l'enquêteur ne doivent pas inciter une personne à commettre une infraction .

Dans ce cadre, les agents des douanes bénéficient également d'une technique particulière, dite de « cyber-patrouille », leur permettant d'utiliser une identité d'emprunt lors d'échanges en ligne et d'acquérir, extraire ou de conserver des données relatives aux auteurs de l'infraction. Dans le code de procédure pénale, cette technique existe en tant que telle, indépendamment de la mise en oeuvre d'une technique de coup d'achat.

Le présent article étendrait l'application de ces deux techniques aux infractions d'importation et d'exportation ou de détention d'armes à feu, de leurs éléments, des munitions et des explosifs 164 ( * ) .

Si cette extension se justifie pleinement, en particulier en raison des modes d'approvisionnement des réseaux de trafiquants d'armes, la mention d'armes « à feu » est inopportune, dans la mesure où lors de la révision de la catégorisation des armes par la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, le choix a été fait de ne pas distinguer les armes à feu des autres, afin d'éviter de rendre obsolète la classification des armes en raison d'évolutions technologiques futures 165 ( * ) . En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-96 de son rapporteur supprimant cette mention.

Par ailleurs, la rédaction du dispositif relatif aux cyber-patrouilles dans le code des douanes apparaît toutefois relativement ambigüe. Dans la mesure où cette rédaction a été clarifiée dans le code de procédure pénale, par la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, votre commission a adopté un amendement COM-97 opérant une rédaction de l'article 67 bis -1 analogue aux dispositions réécrites dans le code de procédure pénale.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 (art. 113-2-1 [nouveau] du code pénal, art. 43, 52, 382, 706-72, 706-72-1 à 706-72-6 [nouveaux] et 706-73-1 du code de procédure pénale) - Dispositions relatives à la détermination des juridictions compétentes en matière de cybercriminalité

L'article 11 du présent projet de loi vise d'une part, à fonder la compétence des juridictions françaises à connaître des infractions commises au moyen d'Internet, et d'autre part, à préciser les critères de compétence des juridictions entre elles et les procédures d'enquête applicables.


Sécuriser la compétence française en matière de cybercriminalité

Le I du présent article introduit un nouvel article 113-2-1 du code pénal prévoyant la compétence de la loi pénale française lorsqu'une infraction est commise par le biais d'un réseau de communication électronique au préjudice d'une personne résidant en France ou d'une personne morale y ayant son siège.

Cette disposition constitue une avancée significative bienvenue au regard de la nature des comportements propres à la cybercriminalité, souvent commis à l'étranger et/ou par des étrangers.

Les juridictions françaises peuvent actuellement retenir leur compétence dans plusieurs hypothèses. En premier lieu, selon l'article 113-2 du code pénal, si l'un des faits constitutifs d'une infraction a été commis sur le territoire français, l'infraction est réputée commise en France. Néanmoins, il est parfois malaisé de prouver la commission d'un élément constitutif en France. La compétence française peut également être retenue si les infractions ont été commises par un Français, selon l'article 113-6 du code pénal, mais l'auteur est rarement identifié dès le stade de la plainte. Enfin, l'article 113-6 permet de retenir la compétence de la justice française si la victime d'une infraction est française. Néanmoins, la victime doit porter plainte préalablement à l'enquête du ministère public. Or les plaintes préalables sont très rares.

Aussi, si les dispositions actuelles du code de procédure pénale permettent de justifier de la compétence française pour la quasi-totalité des crimes et délits relatifs à la cybercriminalité, il semble opportun de lever tout doute et toute difficulté d'interprétation en créant, comme le recommandait le rapport du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité, dirigé par le procureur général Marc Robert 166 ( * ) , un nouveau cas de compétence des juridictions pénales françaises.


• Clarifier les critères de compétence entre juridictions françaises

Le 1° à 3° du II du présent article tend également à clarifier les critères de compétence entre les juridictions françaises.

Selon les articles 43, 52 et 382 du code de procédure pénale, trois critères déterminent la compétence territoriale du procureur de la République, du juge d'instruction ou du tribunal correctionnel : le lieu de résidence des personnes soupçonnées, le lieu d'arrestation des suspects et le lieu de détention de ces personnes - critères peu pertinents en matière de cybercriminalité où les enquêtes ne permettent d'identifier l'auteur supposé qu'après un long travail d'investigation - ainsi que le lieu de l'infraction, mais ce critère est peu opérant en matière de cybercriminalité, où l'infraction est soit réputée commise sur l'ensemble du territoire, soit commise depuis l'étranger.

Cette organisation de la compétence territoriale ne permet pas de recouper des éléments issus de plaintes déposées sur tout le territoire et exposent les enquêtes à des risques récurrents de dessaisissement. La spécificité des infractions de la cybercriminalité nécessite de créer un nouveau critère de compétence territoriale fondé sur le lieu de résidence des victimes de ces actes, selon la recommandation n° 31 du rapport précité 167 ( * ) .

Cette disposition vient consacrer dans la loi un critère jusque-là jurisprudentiel, dégagé par l'arrêt de la chambre d'instruction de Paris du 3 mai 2008. Elle a vocation à permettre une répartition plus rationnalisée du contentieux.


Étendre l'application du régime procédural de la criminalité organisée

Le 5° du II du présent article vise à introduire dans l'article 706-73-1 168 ( * ) , qui permet le recours à certaines techniques du régime procédural de la criminalité organisée, le délit d'atteinte en bande organisée aux systèmes de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en oeuvre par l'État, prévu à l'article 323-4-1, ainsi que le délit d'évasion commis en bande organisée prévu à l'article 434-30 du code pénal. En conséquence, le supprime l'article 706-72 du code de procédure pénale, rétabli par la loi du 13 novembre 2014 qui permettait l'application de plusieurs techniques d'enquêtes dérogatoires au droit commun, au délit d'atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en oeuvre par l'État.

Application du régime procédural au délit d'atteinte
aux systèmes de traitement automatisé de données
à caractère personnel mis en oeuvre par l'État

Droit actuel

Droit tel que modifié par le texte issu de l'Assemblée nationale

Droit tel que proposé par le texte de la commission

L'article 706-72 du code de procédure pénale permet l'application de :

L'intégration du délit à l'article 706-73-1 du code de procédure pénale permet l'application de :

L'article 706-72 (nouvelle rédaction) combiné avec l'article 706-73-1 permettent l'application de :

- L'extension de la compétence territoriale des OPJ et des APJ pour surveiller les personnes suspectes (art. 706-80 du code de procédure pénale)

- L'organisation d'opérations d'infiltration qui permettent aux OPJ et APJ d'utiliser une identité d'emprunt et à commettre certains actes illicites limitativement énumérés (art. 706-81 et s. du code)

- La constatation d'infractions via le dispositif d'enquête sous pseudonyme sur Internet (cyberpatrouille) défini à l'article 706-87-1 du code de procédure pénale.

- Le recours aux perquisitions de nuit (articles 706-89 à 706-94 du code de procédure pénale)

- L'interception de correspondances émises par la voie des télécommunications (écoutes téléphoniques)
(article 706-95 du code de procédure pénale)

- Le recours aux saisies de données informatiques (nouveaux articles 706-95-1 et s.)

- La sonorisation et la fixation d'images de certains lieux ou véhicules (articles 706-96 à 706-102 du code).

- La captation des données informatiques à l'insu de la personne (art. 706-102-1 et suivants du code).

- La possibilité d'ordonner des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen (article 706-103 du code de procédure pénale).

Compétence possible des JIRS (706-75 et suivants du code de procédure pénale)

Compétence concurrente de Paris

Source : commission des lois du Sénat

Outre la possibilité de recourir aux perquisitions de nuit et de permettre une enquête menée par les juridictions interrégionales spécialisées, cette translation s'effectue, peu ou prou, à droit constant. Néanmoins, l'actuel article 706-72 permet jusqu'à présent l'application de ces techniques au blanchiment de ce délit, ce qui ne semble pas prévu par le projet de loi.


Organiser la spécialisation de l'organisation judiciaire en matière de cybercriminalité

Enfin, votre rapporteur considère que la cybercriminalité présente indéniablement une technicité particulière dont l'appréhension nécessite une sensibilisation, une formation et une capacité d'adaptation certaine. Le rapport du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité, dirigé par le procureur général Marc Robert soulignait le manque d'efficacité de la lutte en raison d'un « manque de stratégie et de cohérence d'ensemble » et d'un mode de traitement « inadapté » à un contentieux « souvent massif » qui exige des recoupements 169 ( * ) . Or, ces derniers seraient d'autant plus facilités s'il existait une centralisation de fait, induite par une compétence concurrente.

Aussi, votre commission a-t-elle adopté l' amendement COM-98 de votre rapporteur visant à créer une juridiction parisienne spécialisée en matière de cybercriminalité, qui serait compétente concurremment aux juridictions de droit commun, pour la poursuite, l'instruction et le jugement de certains délits et crimes qui relèvent de la cybercriminalité.

Cette proposition, souhaitée par le parquet de Paris, apparaît utile et pertinente au regard de la forte technicité de ce contentieux aux enjeux considérables, de la localisation actuelle des services enquêteurs et de l'importance d'une spécialisation accrue pour l'organisation d'une répression efficace.

Comme pour la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la cybercriminalité repose sur des services spécialisés à très haute compétence technique qui se trouvent en région parisienne tels l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), rattaché à la direction centrale de la police judiciaire, ou la Brigade d'enquête sur les fraudes aux technologies de l'information (BEFTI), qui relève de la préfecture de police de Paris.

Une spécialisation des magistrats poursuivant et instruisant ces dossiers semble aujourd'hui nécessaire. Depuis septembre 2014, le parquet de Paris dispose d'une section spécialisée - dite F1 - dédiée à la lutte contre la délinquance astucieuse et la cybercriminalité, dont le pôle cybercriminalité, composé de deux vice-procureurs et d'un assistant spécialisé, est compétent pour toutes les affaires d'atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données et de faux ordres de virements internationaux. L'instauration d'une compétence concurrente poursuivrait ainsi ce mouvement de spécialisation.

La compétence concurrente, telle qu'elle résulterait du présent article, présente l'avantage de donner une compétence nationale à la juridiction parisienne pour les infractions de cybercriminalité. Cette disposition permettrait ainsi de lever tout doute sur la compétence territoriale, souvent hasardeuse lorsque les faits ont été commis virtuellement.

Elle organiserait une certaine centralisation du contentieux, une synergie des moyens en confiant le traitement des affaires les plus complexes à des services spécialisés ; enfin elle contribuerait à la définition d'une stratégie pénale. Cette compétence non exclusive permettrait aux juridictions territoriales de droit commun de pouvoir mener investigations et poursuites dans un cadre souple sans induire une compétence systématique de la juridiction parisienne . Néanmoins, la nécessaire communication avec celle-ci entraînerait une centralisation des informations et donc des recoupements et une exploitation optimale des informations.

Les nouveaux articles 706-72-2 à 706-72-6 du code de procédure pénale visent à organiser les conditions d'un dessaisissement consensuel . Son initiative appartiendrait au seul procureur de la République localement compétent, qui pourrait requérir le juge d'instruction localement compétent de se dessaisir. Après les observations des parties, le juge d'instruction rendrait son ordonnance entre huit jours et un mois plus tard. Celle-ci ne prendrait effet que cinq jours après, sans conséquence sur les titres de détentions et les mandats décernés. Le ministère public, la partie civile et la défense disposeraient de cinq jours pour former un recours devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui disposerait de huit jours pour statuer. La juridiction parisienne aurait l'obligation de se déclarer incompétente quand les faits ne relèvent pas des infractions de cybercriminalité limitativement énumérés.

Le nouvel article 706-72-5 du code de procédure pénale préciserait que l'ensemble des actes de procédure (mandat de dépôt ou d'arrêt, actes de poursuite ou d'instruction) antérieurs à la décision de dessaisissement ou d'incompétence conserveraient leur force exécutoire ou leur validité et n'auraient donc pas à être renouvelés.

Votre rapporteur souligne qu'il est d'autant plus cohérent et pertinent de confier cette compétence concurrente au TGI de Paris, qu'il dispose déjà d'une telle compétence en matière de terrorisme. En effet, il existe un important contentieux lié aux infractions terroristes commises par la voie d'un service de communication au public en ligne qui relève d'ores et déjà de la compétence de la juridiction parisienne. De plus, les cyber-attaques relèvent parfois de la même organisation et de l'utilisation des mêmes techniques que les groupements terroristes. Par ailleurs, le parquet de Paris dispose d'une compétence concurrente, en application de l'article 693 du code de procédure pénale, pour connaître des infractions commises hors du territoire français, à l'instar de la plupart des infractions cybercriminelles. Il est à souligner que l'exercice de cette compétence pourrait s'appuyer sur le réseau de référents cybercriminalité, dont un membre est présent dans chaque parquet.

Le présent article ne propose pas de mettre en place cette compétence concurrente pour l'ensemble du contentieux de la cybercriminalité. Seules les infractions spécifiques à la cybercriminalité, qui sont dirigées contre les systèmes d'information, seraient concernées , c'est-à-dire :

- l'accès ou le maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données (STAD), défini à l'article 323-1 du code pénal ;

- l'atteinte à l'intégrité du STAD, définie à l'article 323-2 ;

- l'atteinte à l'intégrité des données du STAD, définie à l'article 323-3 ;

- la détention, l'offre, la cession ou la mise à disposition d'un équipement d'atteinte aux STAD, définies à l'article 323-3-1 ;

- la participation à un groupe formé en vue de commettre des fraudes informatiques, définie à l'article 323-4 ;

- et le fait de détruire, détériorer ou détourner tout STAD afin de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, défini par l'article 411-9 du code pénal.

Ainsi, les infractions de droit commun commises au moyen des nouvelles technologies de l'information, soit pour véhiculer des contenus illicites, soit pour faciliter la commission d'une autre infraction, ne relèveraient pas de cette compétence concurrente.

Enfin, certaines procédures d'enquête dérogatoires issues du régime propre à la criminalité organisée pourraient être appliquées pour la poursuite de ces infractions, à savoir : l'extension de la compétence territoriale des OPJ et des APJ pour surveiller les personnes suspectes, l'organisation d'opérations d'infiltration qui permettent aux OPJ et APJ d'utiliser une identité d'emprunt et à commettre certains actes illicites limitativement énumérés, les enquêtes sous pseudonyme sur Internet, les interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications, le recours aux saisies de données informatiques, la sonorisation et la fixation d'images de certains lieux ou véhicules, la captation des données informatiques à l'insu de la personne et la possibilité d'ordonner des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen (article 706-103 du code de procédure pénale).

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

CHAPITRE IV
Dispositions améliorant
la lutte contre le blanchiment
et le financement du terrorisme

Article 12 (art. 322-3-2 [nouveau] du code pénal et art. 706-73-1 du code de procédure pénale) - Délit de trafic de biens culturels

L'article 12 vise à créer un nouveau délit réprimant le trafic de biens culturels provenant de théâtres d'opérations de groupements terroristes.

Le présent article vise à sanctionner le fait d'importer, d'exporter, de faire transiter, de détenir, de vendre, d'acquérir, d'échanger et, par un ajout de la commission de lois de l'Assemblée nationale, de transporter un bien culturel présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique dès lors que seraient réunies trois conditions préalables.

En premier lieu, le bien culturel devrait provenir d'un territoire qui constituerait, au moment de la soustraction du bien, un théâtre d'opérations de groupements terroristes. En second lieu, la personne suspecte devrait avoir connaissance de l'origine de cette soustraction. Enfin, elle serait en position de ne pas pouvoir justifier la provenance licite du bien.

Ce nouveau délit était initialement puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Néanmoins, en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements de notre collègue député M. Patrick Hetzel afin d'aligner les peines prévues pour cette nouvelle infraction sur les peines prévues par l'article 322-3-1 du code pénal qui sanctionne la destruction, la dégradation et la détérioration de vestiges mobiliers et archéologiques, de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende.

Enfin, le II du présent article modifie le code de procédure pénale afin de ne pas appliquer à la poursuite de ce délit dit terroriste - puisqu'inséré dans le titre II du livre IV du code pénal relatif au terrorisme - certaines règles procédurales dérogatoires, notamment la garde à vue de 96 heures, les perquisitions de nuit sans assentiment ou encore les interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications.


• En premier lieu, et à l'instar de la commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) 170 ( * ) , votre rapporteur s'interroge sur la pertinence de l'introduction de ce délit à l'article 421-2-7 du code pénal .

En effet, le délit de financement du terrorisme, puni de dix ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende, permet déjà d'appréhender le trafic de biens culturels sous l'angle terroriste, par les dispositions des articles 421-2-1 et 421-2-2 du code pénal 171 ( * ) .

Votre rapporteur considère par ailleurs qu'il est préférable d'appréhender le trafic des biens culturels par un dispositif global, à l'instar des mesures votées par le Sénat à l'article 18 B du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine , qui renforcent les sanctions pénales du code du patrimoine relatives au trafic de biens culturels.

Enfin, la similitude des peines entre ce délit et le délit de dégradation des vestiges mobiliers et archéologiques a conduit votre commission à déplacer cet article dans la partie relative aux atteintes aux biens du code pénal, à l'initiative de votre rapporteur, par l'adoption d'un amendement COM-99 similaire à un amendement du rapporteur général de la commission des finances.


• En second lieu, votre rapporteur estime nécessaire de substituer à la notion de « théâtres d'opérations de groupements terroristes » celles de « théâtres d'opérations de groupes armés ». Si la première notion se retrouve à l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure, relatif à l'interdiction de sortie du territoire, mais également à l'article 421-2-6 du code pénal, relatif à l'entreprise individuelle terroriste, elle concerne cependant des faits matériels qui caractérisent l'intention terroriste de la personne mise en cause.

Or, en l'espèce, cette notion est un des éléments caractérisant l'intentionnalité du mis en cause de participer à un trafic de biens culturels issus de théâtres de groupements terroristes. Cette rédaction réduit considérablement le champ de ce délit. En effet, il serait très difficile de rapporteur la preuve qu'un marchand de biens avait connaissance de la provenance « terroriste » d'un bien. En conséquence, à l'initiative de votre rapporteur, votre commission a élargi l'élément moral de l'infraction à la connaissance d'une soustraction de ce bien culturel d'un territoire d'opérations de groupes armés.

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (art. L. 315-9 [nouveau] et L. 561-12 du code monétaire et financier) - Plafonnement des cartes prépayées

Le présent article vise d'une part, à instaurer un mécanisme de plafonnement de la valeur maximale stockée sous une forme électronique et utilisable au moyen d'un support physique, et d'autre part, à renforcer les dispositifs de vigilance concernant les cartes prépayées.


Le plafonnement des cartes prépayées

Par la création d'un nouvel article 315-9 dans le code monétaire et financier, le présent article visait, dans sa rédaction initiale, à plafonner la valeur maximale stockée sur une carte prépayée. Ce plafond, défini par décret, tiendrait compte des caractéristiques du produit et des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme qu'il présente, conformément à l'approche européenne fondée sur les risques.

Ce dispositif a été utilement complété par l'Assemblée nationale, en séance publique et à l'initiative du député M. Alain Tourret, pour fixer trois nouveaux plafonds : le montant maximal de chargement, de remboursement et de retrait.

Toutefois, à l'initiative du rapporteur général de la commission des finances, saisie pour avis, votre commission des lois a jugé utile de préciser que le montant maximal, fixé par décret, ne concerne que le chargement, le remboursement et le retrait en monnaie électronique anonyme et en espèces. S'il est légitime de répondre aux préoccupations liées à l'anonymat que procurent ces cartes, il ne convient pas de pénaliser inutilement les utilisateurs de produits traçables. Aussi, votre commission a-t-elle adopté l' amendement COM-4 de notre collègue M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, saisie pour avis.


Une obligation de conserver les informations

Afin de renforcer la traçabilité des cartes prépayées, le II du présent article vise à préciser que les personnes morales et physiques assujetties au dispositif de vigilance ( voir l'encadré ), notamment les établissements bancaires ou les établissements de monnaie électronique, seraient désormais tenues de conserver « toute information » relative à l'identité de leurs clients et non plus seulement, selon la rédaction actuelle, les seuls « documents ».

Par une disposition expresse, le présent article impose aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique de conserver plus précisément « les informations et les données techniques relatives à l'activation, au chargement et à l'utilisation de la monnaie électronique au moyen d'un support physique » pendant une durée de cinq ans.

Personnes assujetties aux obligations relatives à la lutte
contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
au titre de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier

1° Les établissements du secteur bancaire ;

1° bis Les établissements de paiement ;

1° ter Les établissements de monnaie électronique

2° Les entreprises d'assurance ;

3° Les institutions de prévoyance ;

4° Les mutuelles ;

5° La Banque de France, l'institut d'émission des départements d'outre-mer et l'institut d'émission d'outre-mer ;

6° Les entreprises d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille, les chambres de compensation, les entreprises de marché, les dépositaires centraux et gestionnaires de systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers, les conseillers en investissements financiers et les intermédiaires habilités, les sociétés de gestion de portefeuille au titre des services d'investissement, ainsi que les sociétés de gestion de portefeuille et les sociétés de gestion au titre de la commercialisation des parts ou actions d'organismes de placement collectif dont elles assurent ou non la gestion ;

7° Les changeurs manuels ;

7° bis Les intermédiaires en financement participatif

8° Les agents immobiliers ;

9° Les représentants légaux et directeurs responsables des opérateurs de jeux ou de paris ;

9° bis Les représentants légaux et directeurs responsables des opérateurs de jeux ou de paris en ligne ;

10° Les personnes se livrant habituellement au commerce ou organisant la vente de pierres précieuses, de matériaux précieux, d'antiquités et d'oeuvres d'art ;

12° Les experts comptables, les salariés autorisés à exercer la profession d'expert-comptable ainsi que les commissaires aux comptes ;

13° Les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, les avocats, les avoués près les cours d'appel, les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les commissaires-priseurs judiciaires ;

14° Les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ;

15° Les personnes exerçant l'activité de domiciliation ;

16° Les agents sportifs.

17° Les personnes habilitées à soumettre directement une offre aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14 (art. L. 561-29-1 [nouveau] et art. L. 574-1 du code monétaire et financier) - Signalement par Tracfin de situations générales et individuelles présentant un risque élevé de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme

Le présent article vise à permettre à Tracfin 172 ( * ) de signaler aux personnes soumises au dispositif de vigilance, de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, certaines opérations ou certaines personnes afin d'accroître leur vigilance à leur égard.

Service à compétence nationale doté de 104 agents, Tracfin a pour mission de lutter contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment et le financement du terrorisme et est, à ce titre, membre de la communauté du renseignement. En tant que service spécialisé de renseignement, Tracfin peut également mobiliser les techniques de renseignement ouvertes par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

Il travaille principalement à partir des déclarations de soupçons , transmises par les professions définies par l'article L. 561-2 du code monétaire et financier ( voir encadré) lorsqu'elles constatent des opérations financières atypiques (article L. 561-15 du même code) et il dispose également d'un droit d'obtention des documents conservés par ces personnes.

Tracfin a d'ores et déjà, par deux fois, lancé des appels publics à vigilance à l'occasion des événements du printemps arabe en 2011 et de la dégradation de la situation en Ukraine en 2014. Le présent article vise à donner une base légale à ces appels à vigilance à l'égard des professionnels en permettant à Tracfin de désigner, pour une durée maximale de six mois renouvelable :

- les opérations « qui présentent, eu égard à leur nature particulière ou aux zones géographiques déterminées à partir desquelles, à destination desquelles ou en relation avec lesquelles elles sont effectuées, un risque élevé de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme » ;

- et les personnes qui « présentent un risque élevé de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ».

Par coordination avec le dispositif prévu à l'article L. 561-19 qui sanctionne la méconnaissance de l'interdiction de divulgation dans le cadre des déclarations de soupçon, le présent article propose d'interdire aux professionnels assujettis aux dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment, au président de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et au bâtonnier de l'ordre auprès duquel l'avocat est inscrit de « porter à la connaissance de leurs clients ou à des tiers autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales mentionnées à l'article L. 561-36 » les informations transmises par Tracfin. La méconnaissance de cette interdiction de divulgation serait sanctionnée d'une amende de 22 500 euros.

Votre commission a adopté l'article 14 sans modification.

Article 14 bis (art. L. 561-22 du code monétaire et financier) - Extension du régime d'irresponsabilité pénale en cas d'ouverture de compte sur désignation de la Banque de France

L'article 14 bis a été introduit en séance publique à l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement de notre collègue député M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission des finances.

Il vise à étendre le champ du régime d'irresponsabilité pénale dont bénéficient les établissements de crédit en cas d'ouverture de compte sur désignation de la Banque de France 173 ( * ) , au délit de financement du terrorisme.

Selon l'article L. 561-22 du code monétaire et financier, hors le cas d'une concertation frauduleuse avec le propriétaire des sommes ou l'auteur de l'opération, la responsabilité pénale des établissements bancaires ne peut être engagée lorsqu'ils ouvrent un compte sur désignation de la Banque de France pour les infractions suivantes : direction d'un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants ; production ou fabrication de stupéfiants ; importation ou exportation de stupéfiants ; transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi de stupéfiants ; blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants ; cession ou offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle ; recel ; blanchiment.

Votre commission a adopté l'article 14 bis sans modification .

Article 15 (art. L. 314-1 et L. 561-26 du code monétaire et financier) - Extension du droit de communication de Tracfin aux entités chargées de gérer les systèmes de paiement

Le présent article vise à étendre le droit de communication de Tracfin, prévu à l'article 561-26 du code monétaire et financier, aux « gestionnaires d'un système de cartes de paiement ou de retrait ».

En application des dispositions proposées par le présent article, à l'instar des professionnels assujettis ( voir encadré ) et, depuis la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, des opérateurs de voyages, les gestionnaires d'un système de cartes de paiement devraient communiquer, sur demande de Tracfin, « toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission ».

Par coordination avec l'article 14, le présent article vise également à remplacer au sein du même article L. 561-26 du code monétaire et financier, la référence aux « pièces conservées » par l'expression « les documents, informations ou données ».

Votre rapporteur considère pertinent d'étendre ce droit de communication afin de permettre à Tracfin un accès facilité aux données relatives aux cartes prépayées.

Enfin votre commission a adopté un amendement rédactionnel COM-8 du rapporteur général de la commission des finances.

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi modifié .

Article 15 bis (art. L. 561-27 du code monétaire et financier) - Accès direct de Tracfin au fichier des antécédents judiciaires

Le présent article, introduit par la commission des lois l'Assemblée nationale par sa rapporteure, vise à donner à Tracfin, un accès direct au fichier des antécédents judiciaires, dit Taj. Ce fichier, régi par les articles 230-6 à 230-11 du code de procédure pénale, qui a remplacé les fichiers STIC et JUDEX, rassemble les données recueillies par les services de la police et les unités de la gendarmerie nationales, ou par certains agents des douanes. La CNIL estime à 9,5 millions de personnes le nombre de personnes inscrites au Taj en qualité de « mises en causes ».

En tant que service spécialisé de renseignement, Tracfin bénéficie d'un accès direct au Taj dans le cadre des enquêtes administratives préalables au recrutement, selon les dispositions de l'article L. 234-2 du code de la sécurité et intérieure, et dans le cadre de la loi relative au renseignement, pour les seuls besoins relatifs à l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale ainsi que pour les besoins relatifs à la prévention du terrorisme (article L. 234-4 du code de la sécurité intérieure).

L'accès direct au Taj par Tracfin pour l'ensemble de ses missions, y compris la lutte contre le blanchiment, lui permettrait de contextualiser plus rapidement les 38 000 informations qu'elle reçoit annuellement.

Néanmoins, selon le Gouvernement, réticent à remettre en cause l'équilibre déterminé par la loi relative au renseignement, il serait plus opportun d'attendre la transposition en droit français de la quatrième directive européenne contre le blanchiment et le financement du terrorisme pour modifier les règles d'accès au Taj. L'amendement du Gouvernement visant à supprimer cet article a toutefois été rejeté par l'Assemblée nationale en séance publique.

Redéposé devant votre commission, il a une nouvelle fois été rejeté. Votre commission a adopté l'article 15 bis sans modification .

Article 16 (art. 415-1 [nouveau] du code des douanes) - Présomption de culpabilité

Afin de faciliter l'établissement de l'infraction de blanchiment douanier, le présent article renverse la charge de la preuve en instaurant une présomption d'origine illicite des fonds.

Le délit douanier de blanchiment, défini à l'article 415 du code des douanes, punit « d'un emprisonnement de deux à dix ans, de la confiscation des sommes en infraction ou d'une somme en tenant lieu lorsque la saisie n'a pas pu être prononcée, de la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction et d'une amende comprise entre une et cinq fois la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction ceux qui auront, par exportation, importation, transfert ou compensation, procédé ou tenté de procéder à une opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds qu'ils savaient provenir, directement ou indirectement, d'un délit prévu au présent code ou d'une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants ».

Le délit douanier de blanchiment suppose donc un lien avec un délit douanier ou une infraction à la législation sur les stupéfiants, ainsi que la connaissance de l'origine illicite des fonds par la personne qui effectue l'opération financière. Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, les agents de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ne peuvent pas faire usage de cette disposition.

Rapporter la preuve de l'origine illicite des fonds transférés est particulièrement difficile. Pourtant, les conditions de leur transfert, notamment lorsque les sommes sont dissimulées, avec un conditionnement typique du trafic de stupéfiants, conduisent les agents des douanes à ne pas douter du caractère illicite de ces sommes et du fait qu'elle révèle un blanchiment douanier, notamment de trafic de produits stupéfiants.

Cette difficulté avait également été constatée pour l'application de l'article 324-1 du code pénal relatif au délit de blanchiment de droit commun. Afin de faciliter sa mise en oeuvre, l'article 8 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a introduit une présomption d'origine illicite des fonds. Le nouvel article 324-1-1 du code pénal dispose ainsi que « pour l'application de l'article 324-1, les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus ».

Cette présomption d'origine illicite des fonds correspond à un renversement de la charge de la preuve, toutefois limité aux seuls cas où les conditions de l'opération révèlent l'intention de dissimuler l'origine illicite ou le bénéficiaire effectif des fonds. Si cette présomption déroge au principe constitutionnel de présomption d'innocence, le Conseil constitutionnel a néanmoins admis la possibilité pour le législateur de l'instituer 174 ( * ) , à titre exceptionnel, dès lors qu'elle ne revêt pas de caractère irréfragable et « qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité ».

Votre rapporteur a considéré nécessaire à l'efficacité de la lutte contre le blanchiment de procéder à un tel renversement de la charge de la preuve. Par conséquent, votre commission a adopté l'article 16 sans modification.

Article 16 bis A (nouveau) (art. 28-1 du code de procédure pénale) - Prérogatives du service national de douane judiciaire

L'introduction de cet article dans le texte du projet de loi résulte de l'adoption par votre commission des amendements COM-146 et COM-141 présentés par le Gouvernement qui modifient tous deux l'article 28-1 du code de procédure pénale.

Le I de cet article modifie le II de l'article 28-1. Afin de renforcer la lutte contre le terrorisme, il est nécessaire de prévoir une plus grande coordination et complémentarité de l'action de l'ensemble des forces de police, de gendarmerie et de douanes.

L'article 28-1 du code de procédure pénale prévoit l'habilitation d'agents des douanes, regroupés au sein du service national de douane judiciaire à effectuer, pour la recherche de certaines infractions (infractions douanières, trafic d'armes, blanchiment de droit commun, escroquerie à la TVA etc...), des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction.

Dans le domaine de la délinquance économique et financière, le service national de douane judiciaire est doté de compétences et d'un savoir-faire reconnus, avec la réalisation d'enquêtes pouvant avoir une dimension internationale. Cependant, à ce jour, le service national de douane judiciaire a un champ de compétence limitée dans la lutte contre le terrorisme puisqu'il ne peut agir que lorsque des infractions liées au terrorisme sont connexes aux infractions entrant dans ses attributions légales.

Par ailleurs, la délinquance douanière permet à des personnes proches des mouvances islamistes radicales de se financer sans attirer l'attention des services de police spécialisés, notamment dans le cas de trafic de contrefaçons ou de cigarettes ou de tabac à narguilé. L'ensemble de ces affaires est susceptible de donner lieu à une judiciarisation des suites douanières par le service national de douane judiciaire.

Le I vise donc à élargir le champ de compétence du service national de douane judiciaire aux infractions de blanchiment et de financement du terrorisme, selon les mêmes modalités que celles prévues en matière de trafic de stupéfiant au II de l'article 28-1 du code de procédure pénale. Ainsi, le procureur de la République ou le juge d'instruction territorialement compétent pourront constituer des unités temporaires composées d'officiers de police judiciaire et d'agents du service national de douane judiciaire.

Le II du présent article modifie le VI de l'article 28-1 du code de procédure pénale. Si ces dispositions prévoient que les agents du service national de douane judiciaire disposent des mêmes prérogatives que les officiers de police judiciaire, un certain nombre de dispositions du code de procédure pénale, relatives à l'enquête, sont toutefois réservées à des officiers de police judiciaire lorsqu'ils sont affectés dans des services spécialisés du ministère de l'intérieur, ou font référence à des services « placés sous l'autorité ou la tutelle du ministre de l'intérieur » ou « aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale ». Tel est par exemple le cas de l'enquête sous pseudonyme prévue à l'article 706-87-1 du code de procédure pénale.

Dans ces conditions, l'articulation entre l'article 28-1 du code de procédure pénale et de telles mesures est ambiguë, voire source de fragilité pour les enquêtes confiées au service national de douane judiciaire.

L'amendement du Gouvernement vise à remédier à cette difficulté en clarifiant le fait que les agents du service national de douane judiciaire disposent, uniquement dans le champ de compétence d'attributions qui leur est dévolu et sous les mêmes réserves que celles applicables aux officiers de police judiciaire, des mêmes prérogatives d'enquête attribuées tant à titre général aux officiers de police judiciaire, que celles réservées à certains services de police ou de gendarmerie.

Votre commission a adopté l'article 16 bis A ainsi rédigé.

Article 16 bis B (nouveau) (art. 15-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité) - Prérogatives du service national de douane judiciaire

L'article 16 bis B a été inséré dans le texte du projet de loi avec l'adoption par votre commission de l' amendement COM-147 du Gouvernement.

L'article 15-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité 175 ( * ) permet aux services de police et de gendarmerie de rétribuer toute personne étrangère aux administrations publiques qui leur a fourni des renseignements ayant conduit directement soit à la découverte de crimes ou de délits, soit à l'identification des auteurs de crimes ou de délits.

Dans la conduite des enquêtes qui lui sont confiées, soit par le procureur de la République, soit par le juge d'instruction, les agents des douanes mentionnés à l'article 28-1 du code de procédure pénale obtiennent des renseignements émanant de personnes étrangères au service qui permettent l'identification des auteurs d'infractions pénales.

Cependant, ces agents ne peuvent mettre en oeuvre le dispositif prévu à l'article 15-1 de la loi du 21 janvier 1995 précitée pour rétribuer les personnes ayant apporté leur concours à la découverte des infractions pénales. De la même manière, ils ne peuvent pas recourir aux dispositions du code des douanes, qui ne s'appliquent pas à la douane judiciaire.

Le présent article vise à étendre les dispositions de cet article 15-1 aux agents de la douane judiciaire, afin de leur permettre de rémunérer leurs informateurs.

Votre commission a adopté l'article 16 bis B ainsi rédigé.

Article 16 bis (art. 63 ter, 65 A bis, 67 quinquies A, 67 quinquies B [nouveau], 101 et 322 bis du code des douanes) - Harmonisation des dispositions relatives aux prélèvements d'échantillons par les agents des douanes

Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission des finances.

Par l'introduction d'un nouvel article 67 quinquies B, dans une nouvelle section 11, intitulée « P rélèvement d'échantillons », au sein du chapitre IV du titre II du code des douanes, le présent article vise à instituer une disposition de portée générale et transversale permettant aux agents de la douane de prélever des échantillons, dans le cadre de l'ensemble de leurs missions.

Le présent article vise à sécuriser cette pratique, prévue explicitement par plusieurs dispositions du code des douanes, notamment aux articles 63 ter et 65 A bis et procède d'une meilleure lisibilité de la loi.

Toutefois, le dispositif proposé ne correspond pas à une reprise à droit constant des dispositions existantes. En effet, il permettrait notamment le prélèvement d'échantillons, y compris en cas de contrôles de la circulation, hypothèse non expressément prévue par le droit existant.

Enfin, votre commission a adopté un amendement COM-100 de son rapporteur visant à supprimer les dispositions assurant l'application outre-mer de modifications apportées au code des douanes afin de les réunir au sein de l'article 34 du projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 16 bis ainsi modifié.

Article 16 ter (supprimé)
(art. 67 G [nouveau] du code des douanes)
Extension aux douanes de l'enquête sous pseudonyme

Le présent article, adopté à l'Assemblée nationale avec un avis de sagesse du Gouvernement, vise à introduire dans le code des douanes un nouvel article 67 G, créant un régime de l'enquête sous pseudonyme propre aux douaniers.

Cette technique d'enquête, également appelée « cyberpatrouille » se conçoit comme l'adaptation numérique de l'infiltration. Sous une identité d'emprunt ou un pseudonyme, les enquêteurs peuvent collecter en ligne des éléments de preuves, ainsi qu'extraire, acquérir ou conserver des contenus illicites 176 ( * ) , sans être pénalement responsables. Ces actes ne peuvent toutefois pas provoquer à la commission d'infraction, à peine de nullité.

Depuis la loi du 13 novembre 2014 177 ( * ) , cette technique d'enquête a été étendue à l'ensemble des infractions de la délinquance et de la criminalité organisée, mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1, mais également aux délits d'atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en oeuvre par l'État, commis en bande organisée. L'article 706-87-1, créé par la loi du 13 novembre 2013, dispose que seuls les officiers ou agents de police judiciaire affectés dans un service spécialisé désigné par arrêté et spécialement habilités à cette fin, peuvent mettre en oeuvre cette technique.

Ce régime est d'ores et déjà applicable aux officiers de police judiciaire de la douane. En effet, l'article 28-1 du code de procédure pénale permet expressément d'habiliter certains douaniers, par arrêté des ministères de la justice et du budget, aux fonctions de police judiciaire. Ces dispositions semblent donc redondantes.

Par ailleurs, le dispositif proposé ne prévoit aucune des garanties procédurales prévu à l'article 706-87-1. Contrairement aux policiers et aux gendarmes, le dispositif propre aux douanes leur permettrait d'utiliser cette technique d'enquête, sans habilitation préalable ni autorisation d'un magistrat, afin de constater toutes les infractions douanières, y compris les contraventions. Ce dispositif apparaît manifestement disproportionné.

Par conséquent, par l'adoption de l' amendement COM-101 de votre rapporteur, votre commission a supprimé l'article 16 ter.

Article 16 quater (art. L. 152-1 du code monétaire et financier) - Obligation de déclaration

Le présent article résulte d'un amendement de notre collègue député Yann Galut, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, sous-amendé par un amendement de précision de notre collègue députée Colette Capdevielle, rapporteure au nom de la commission des lois. Il a été adopté avec l'avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement.

Cet amendement vise, d'une part, à modifier l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, afin de préciser que « l'obligation de déclaration n'est pas réputée exécutée si les informations fournies sont incorrectes ou incomplètes ». Cette rédaction est directement issue de l'article 3 du règlement (CE) n° 1889/2005 du 26 octobre 2005 précité.

Il vise, d'autre part, à prévoir une obligation de fournir des justificatifs sur la provenance des sommes transférées dès lors que leur montant dépasse un certain seuil. L'article L. 152-1 précité serait ainsi complété par les dispositions suivantes : « sont également considérées comme non effectuées les déclarations portant sur des sommes supérieures à un montant fixé par décret et qui ne sont pas accompagnées des documents dont la production permet de justifier leur provenance. Un décret fixe la liste des documents admis pour justifier de la provenance des fonds ainsi transférés ».

Si votre rapporteur juge ces apports pertinents, il semble difficile d'imposer à toute personne de détenir systématiquement un justificatif au moment de la déclaration.

Dès lors, votre commission a adopté l' amendement COM-14 du rapporteur pour avis de la commission des finances afin de :

- remplacer l'obligation de joindre les documents à la déclaration par une obligation de tenir ceux-ci à la disposition de la direction générale des douanes et des droits indirects, afin qu'ils puissent être vérifiés à l'occasion d'un contrôle, décidé après réception de la déclaration ;

- préciser que les documents doivent permettre de renseigner sur la « provenance immédiate » des fonds, et non pas sur leur seule « provenance ».

Votre commission a adopté l'article 16 quater ainsi modifié .

Article 16 quinquies (art. L. 152-4 du code monétaire et financier) - Répression accrue du manquement aux obligations déclaratives

Le présent article, issu de l'adoption en séance publique par l'Assemblée nationale d'un amendement de M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission des finances, vise à porter à 50 % le montant maximum de l'amende encourue en cas de manquement à l'obligation de déclaration prévue par l'article L. 152-1 du code monétaire et financier et par le règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005.

Aux termes de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier, le manquement à l'obligation déclarative est puni d'une amende égale au quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction. Ce taux ne semble néanmoins pas suffisamment dissuasif.

Aussi votre rapporteur juge opportun de renforcer l'amende encourue et par conséquent, votre commission a adopté l'article 16 quinquies sans modification .

Article 16 sexies (art. 705 du code de procédure pénale) - Extension de la compétence du parquet national financier

Le présent article, qui résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale, en séance publique, d'un amendement de M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission des finances, tend à étendre la compétence du parquet national financier.

Le parquet national financier, créé par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière , est doté d'une compétence nationale en matière d'infractions économiques et financières . Si l'article 705-1 du code de procédure pénale lui attribue une compétence exclusive pour certains délits boursiers, il dispose cependant d'une compétence concurrente 178 ( * ) à celle des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) 179 ( * ) et à celle des parquets territorialement compétents, notamment en matière d'atteinte à la probité de grande complexité ou de fraude fiscale complexe, en vertu de l'article 705 du code de procédure pénale.

Compétences du parquet national financier

Juridictions interrégionales spécialisées
(704 du code de procédure pénale)

Parquet national financier
(705 et 705-1 du code de procédure pénale)

Compétence concurrente du PNF avec les JIRS et les TGI territorialement compétents pour les infractions suivantes :

1. Les atteintes à la probité de grande complexité : concussion ; corruption ; trafic d'influence ; prise illégale d'intérêts ; favoritisme ; détournement de fonds publics ; détournement de fonds publics ; délits d'entraves à l'exercice de la justice ; délits d'obtention illicite de suffrages en matière électorale

2. L'escroquerie à la TVA de grande complexité

3. Les délits de fraude fiscale complexe et de fraude fiscale commise en bande organisée

4. Le recel et le blanchiment de l'ensemble des infractions mentionnées, et l'ensemble des infractions connexes

Compétence exclusive , pour les délits boursiers suivants et leurs infractions connexes : délit d'initié ; manipulation de cours ; diffusion d'informations fausses ou trompeuses

Source : commission des lois du Sénat

Le présent article complète à l'article 705 du code de procédure pénale la liste des infractions pour lesquelles le parquet exerce une compétence concurrente. Cet ajout lui permettrait de poursuivre les délits d'association de malfaiteurs ayant pour objet l'une des infractions punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement pour lesquels le parquet est d'ores et déjà compétent. Ainsi, il pourrail enquêter sur une association de malfaiteurs en vue de commettre un délit de corruption passive.

Votre rapporteur considère que cette extension de compétence est pleinement justifiée. Il semble en effet logique que le traitement judiciaire des actes préparatoires à une infraction puisse relever du même parquet.

Votre commission a adopté l'article 16 sexies sans modification.

Article 16 septies (supprimé) (art. 705-5 du code de procédure pénale) - Organisation d'un maintien de la compétence du parquet national financier

Le présent article résulte de l'adoption en séance publique par l'Assemblée nationale d'un amendement de M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il vise à prévoir que la compétence du procureur de la République financier soit maintenue lorsqu'à l'issue de l'enquête, l'instruction ou l'audience, aucune des infractions qui fondent en principe sa compétence n'étaient retenues.

Le code de procédure pénale prévoit plusieurs hypothèses dans lesquelles les juridictions saisies demeurent compétente quelque que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire. Ces mesures relèvent, comme le soulevait M. Yann Galut, dans le souci d'une bonne administration de la justice.

Néanmoins, le code de procédure pénale ne prévoit pas d'hypothèse de maintien de la compétence du ministère public. En effet, le ministère public se caractérise par son indivisibilité. Ainsi, si le parquet de Paris compétent en matière de terrorisme considère, après examen, que les faits poursuivis ne relèvent pas du terrorisme, il est tenu de se déclarer incompétent.

En outre, le parquet national financier est d'ores et déjà compétent pour toutes les infractions connexes aux infractions entrant dans le champ de sa compétence exclusive. Aussi lui est-il d'ores et déjà possible, dans de nombreux cas, de maintenir sa compétence alors mêmes que les qualifications principales auraient pu le conduire à se dessaisir.

Par l'adoption de l' amendement COM-102 de votre rapporteur, votre commission a supprimé l'article 16 sexies.

Article 16 octies (nouveau) (art. L. 233-1 du code de la sécurité intérieure) - Possibilité pour les services de police, de gendarmerie et des douanes de mettre en oeuvre le dispositif LAPI

L'insertion de l'article 16 octies dans le texte du projet de loi résulte de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-34 présenté par notre collègue Anne-Catherine Loisier.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure prévoit la possibilité pour les services de police, de gendarmerie et des douanes, de mettre en oeuvre le dispositif LAPI (lecture automatisée de plaques d'immatriculation), dans un but de lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et les vols de véhicules. Il constitue, de l'avis de notre collègue, un outil précieux pour la localisation des auteurs et complices des infractions visées aux articles 706-73 du code de procédure pénale, au dernier alinéa de l'article 414 du code des douanes et à l'article 415 du même code.

L'article retenu par votre commission inclut dans le champ de l'article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure, les infractions définies à l'article 706-73-1 du code de procédure pénale relatives aux escroqueries à la TVA. Ces escroqueries à la TVA représentent un montant non négligeable pour les finances publiques, estimé à 17 milliards d'euros par an de préjudice selon notre collègue. Ces escroqueries sont souvent le fait du banditisme et servent aussi parfois à financer des réseaux terroristes, comme l'ont démontré diverses enquêtes menées par la douane française ou d'autres services européens. Il s'agit donc de mettre en cohérence l'utilisation du dispositif LAPI avec la réalité de la délinquance.

Votre commission a adopté l'article 16 octies ainsi rédigé .

CHAPITRE V
Dispositions renforçant
l'enquête et les contrôles administratifs

Article 17 (art. 78-2-2 et 78-2-4 du code de procédure pénale) - Extension des possibilités de fouille préventive aux bagages

Cet article a pour objet de modifier les articles 78-2-2 et 78-2-4 du code de procédure pénale permettant la mise en oeuvre de contrôles d'identité afin d'autoriser également dans ces cas l'inspection visuelle et la fouille des bagages.

Il existe deux types de contrôles ou de vérifications d'identité :

- les contrôles et vérifications effectués dans le cadre de la police judiciaire , pour rechercher des éléments relatifs à la commission d'une infraction ;

- les contrôles et vérifications effectués dans le cadre de la police administrative , pour prévenir la commission d'une infraction.

Les personnes habilitées à effectuer ces contrôles et ces vérifications d'identité sont, en application de l'article 78-2 du code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire (OPJ), les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ces deux derniers y procédant sur l'ordre et sous la responsabilité des OPJ.

Dans les deux cas, le contentieux de ces mesures relève du juge judiciaire , en application de l'article 78-1 du code de procédure pénale.

L'article 78-2-2 du code de procédure pénale prévoit une mesure de police judiciaire de contrôle et de vérification d'identité, autorisée par le procureur de la République .

L'article 78-2-2 du code de procédure pénale permet au procureur de la République de requérir, pour une durée de vingt-quatre heures renouvelable, et pour des lieux qu'il détermine, les officiers de police judiciaire pour effectuer des contrôles d'identité mais également pour fouiller les véhicules présents sur la voie publique, afin de rechercher certaines infractions limitativement énumérées :

- les actes de terrorisme ;

- les infractions en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs ;

- les infractions en matière d'armes et d'explosifs :

- les infractions en matière de vol et de recel ;

- les infractions en matière de trafic de stupéfiants.

Ce contrôle est de nature administrative mais il est autorisé par une autorité judiciaire et non par l'administration, ce qui permet d'opérer des contrôles et des fouilles de manière systématique dans le lieu déterminé et pour la durée fixée par le procureur de la République, ce que le Conseil constitutionnel n'autorise pas dans le cadre d'un contrôle exercé sous le contrôle d'une autorité administrative.

Plusieurs garanties sont prévues.

En premier lieu, le véhicule ne peut être immobilisé que le temps « strictement nécessaire » à la visite. Le conducteur doit être présent . Si le véhicule est en stationnement, une personne extérieure à l'administration doit assister à la visite.

En outre, le propriétaire du véhicule peut demander la rédaction d'un procès-verbal.

Enfin, si le véhicule est aménagé à usage d'habitation, les règles de la perquisition et de la visite domiciliaire s'appliquent.

Source : Rapport n° 315 (2015-2016) de M. François Bonhomme, au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves
à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude
dans les transports publics de voyageurs

L'article 78-2-4 du code de procédure pénale prévoit, quant à lui, une mesure de contrôle et de vérification d'identité opérée par un OPJ, dans le cadre de la police administrative , afin de prévenir une infraction.

La loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, a modifié les articles 78-2-2 et 78-2-4 du code de procédure pénale, afin de permettre l'inspection visuelle et la fouille des bagages au sein des seuls véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs . Pour plus d'intelligibilité, ces articles ont été réécrits pour distinguer le cas de la fouille des véhicules de celui de la fouille des bagages au sein des véhicules et des emprises immobilières liés au transport collectif de personnes , des garanties équivalentes étant prévues dans ces deux cas.

Le présent article vise à étendre les possibilités de fouille des bagages en supprimant à l'article 78-2-2 la référence aux « véhicules et aux emprises immobilières liés au transport collectif de personnes ».

La modification proposée par le présent article permet d'améliorer l'efficacité des contrôles d'identité, en autorisant la fouille des bagages des personnes contrôlées. C'est un complément nécessaire de la possibilité de fouiller les véhicules.

La rédaction de l'article 78-2-2 est toutefois encore perfectible. En particulier, il est nécessaire d'intégrer un certain nombre d'infractions, liées notamment aux armes ou aux explosifs, - certaines ayant été créées par le présent projet de loi 180 ( * ) -, pouvant justifier à titre préventif la mise en oeuvre de tels contrôles

En conséquence, afin d'améliorer encore la rédaction de l'article 782-2 du code de procédure pénale, un amendement COM-103 a été adopté par votre commission, sur proposition de son rapporteur, procédant à une réécriture de cet article et ajoutant dans son champ deux infractions pénales :

- le fait de porter ou de transporter une arme de catégorie A ou B (art. 222-54 nouveau du code pénal 181 ( * ) ), par coordination avec les modifications effectuées à l'article 9 du présent projet de loi 182 ( * ) ;

- l'infraction définie à l'article 322-11-1 du code pénal, qui réprime la détention ou le transport de substances ou de produits incendiaires ou explosifs en vue de commettre une atteinte aux personnes ou aux biens.

Par ailleurs, l' amendement COM-103 précité a opéré une modification de conséquence au sein de l'article 78-2-4 du code de procédure pénale pour y supprimer la référence aux véhicules ou aux emprises immobilières liés au transport publics de voyageurs.

Comme l'ont rappelé nos collègues MM. François Bonhomme et Alain Fouché, rapporteurs de la mission d'information sur la sécurité dans les gares 183 ( * ) , les contrôles d'identité opérés dans un cadre de police administrative ne peuvent pas être systématiques , le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 93-323 DC du 5 août 1993, Loi relative aux contrôles et vérifications d'identité , ayant précisé que dans le cadre de ce contrôle, des « circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public » devaient toujours motiver le contrôle.

En outre, l'autorisation du procureur de la République pour surmonter le refus du propriétaire de bagage de laisser fouiller son bagage lorsqu'il est contrôlé dans le cadre de l'article 78-2-4 a été maintenu, comme c'est le cas en matière de fouille des véhicules 184 ( * ) .

L' amendement COM-103 a également opéré la coordination pour prendre en compte les modifications opérées à l'article 78-2 du code de procédure pénale par l'article 31 du présent projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 17 ainsi rédigé .

Article 18 (art 78-3-1 [nouveau] et 78-4 du code de procédure pénale) - Retenue pour vérification de situation administrative

Cet article a pour objet de créer une retenue administrative lorsqu'il existe, à l'égard d'une personne dont l'identité a été contrôlée ou vérifiée, des raisons de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste .

Il vise à donner un fondement juridique à la retenue dont sont l'objet certaines personnes faisant l'objet d'une fiche dite « S ». Pour rappel, la fiche dite « S » correspond à une des catégories du fichier des personnes recherchées (FPR), celle des personnes « faisant l'objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard » 185 ( * ) .

L'article 3 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées précise que, pour chaque personne inscrite dans ce fichier, est notamment enregistrée la conduite à tenir en cas de contrôle de la personne . Dans le cas des personnes faisant l'objet d'une fiche « S », il est généralement indiqué que leur découverte doit être signalée au service demandeur le plus rapidement et le plus discrètement possible. Il peut également être recommandé de recueillir des informations sur cette personne (accompagnants, information sur le véhicule le cas échéant, lieu de destination notamment).

Dans certains cas cependant, il apparaît nécessaire de prévenir un passage à l'acte à l'égard de certaines personnes fichées, en retenant la personne concernée.

Aujourd'hui, cette retenue s'effectue sur le fondement de l'article 78-3 du code de procédure pénale, qui prévoit une retenue administrative pour vérification d'identité.

La retenue pour vérification d'identité
(art. 78-3 du code de procédure pénale)

Elle permet, lorsqu'une personne dont l'identité est contrôlée refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, de retenir cette dernière pour le temps nécessaire à l'établissement de son identité, avec une durée maximale de quatre heures. Le procureur de la République peut mettre fin à tout moment à la rétention.

Cette rétention est entourée d'un certain nombre de garanties et de droits pour la personne retenue. En premier lieu, la personne est présentée à un officier de police judiciaire dès le début de la procédure, qui l'informe de ses droits de faire aviser le procureur de la République de la vérification dont elle fait l'objet et de prévenir sa famille ou une personne de son choix. Lorsque la personne dont l'identité est vérifiée est mineure de dix-huit ans, le procureur de la République est informé dès le début de la rétention et le mineur est assisté, sauf impossibilité, de son représentant légal. Enfin, sont consignés dans un procès-verbal rédigé par l'officier de police judiciaire les motifs du contrôle et de la vérification d'identité, les conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant l'officier, informée de ses droits et mise en mesure de les exercer, ainsi que les éléments horaires de la procédure. Ce procès-verbal est transmis au procureur de la République.

Or, dans la mesure où cette retenue ne se justifie que par le refus ou l'impossibilité de justifier de son identité, elle ne peut valablement servir de fondement à la retenue d'une personne faisant l'objet d'une fiche « S » , dès lors que cette personne a, par hypothèse, justement décliné son identité, comme le relève d'ailleurs l'étude d'impact du projet de loi 186 ( * ) .

L'article 18 du projet de loi vise ainsi à créer une nouvelle mesure de retenue administrative , dans le but d'opérer une vérification de la situation d'une personne ayant fait l'objet d'un contrôle ou d'une vérification d'identité, « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste ou qu'elle est en relation directe et non fortuite avec une personne ayant un tel comportement ». Cette retenue correspond, selon le ministre de l'intérieur, à la nécessité de s'adapter à la dimension internationale que doit revêtir aujourd'hui la lutte contre le terrorisme 187 ( * ) . En donnant le temps de vérifier les informations concernant une personne suspectée d'être liée à des activités terroristes, elle répondrait à la critique récurrente mise en avant depuis les attentats de janvier et novembre 2015, concernant les fiches « S » dont faisait l'objet une partie des auteurs de ces attentats.

La vérification de la situation consisterait à :

- consulter les fichiers de police autres que le FPR ;

- interroger le service ayant signalé la personne au FPR ;

- interroger les organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire et les services de police étrangers.

À la différence de la retenue pour vérification d'identité, le procureur de la République serait informé dès le début de la procédure . Pour le reste, la procédure introduite par l'article 18 du projet de loi comporte de nombreux points communs avec celle de la retenue pour vérification d'identité :

- la personne ne peut être retenue que le temps nécessaire à l'accomplissement des vérifications, la durée maximale de la retenue étant de quatre heures . Le procureur de la République peut mettre fin à tout moment à la retenue ;

- la personne faisant l'objet de la retenue est immédiatement informée de son droit de prévenir sa famille ;

- lorsqu'il s'agit d'un mineur, il doit être, sauf impossibilité, assisté de son représentant légal.

Un procès-verbal, rédigé par l'officier de police judiciaire, mentionne les motifs justifiant la vérification de situation et les conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant lui, informée de ses droits et mise en mesure de les exercer. La personne est informée de son droit de faire aviser le procureur de la République lorsqu'il y a lieu à procédure d'enquête ou d'exécution.

Les prescriptions énumérées sont imposées à peine de nullité et la durée de la retenue s'impute, le cas échéant, sur celle de la garde à vue.

À l'initiative de son rapporteur M. Pascal Popelin, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant l'objet de cette retenue. Le projet de loi se limitait en effet à indiquer que la vérification de la situation administrative « pouvait comprendre » une consultation des traitements relevant de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 188 ( * ) , c'est-à-dire les fichiers intéressant la sûreté de l'État, la défense ou la sécurité publique ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté. L'amendement adopté aboutit à une définition claire des prérogatives de l'officier de police judiciaire en charge de la vérification : elle inclut la consultation des fichiers de police mentionnés ci-dessus, l'interrogation des services ayant signalé la personne et l'interrogation des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou des services de police étrangers.

La commission des lois a également adopté des amendements précisant la rédaction de l'article 18. Elle a enfin renforcé les droits des mineurs faisant l'objet de cette retenue , en précisant qu'en cas d'impossibilité dûment justifiée de l'assistance de leur représentant légal, ils devaient être assistés par un tuteur désigné par le juge des enfants.

Au cours de la séance publique, deux amendements ont encore clarifié la retenue administrative. Les députés ont, en premier lieu, supprimé la mention étendant aux personnes « en relation directe et non fortuite » avec une personne pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités terroristes, estimant que cette mention laissait une trop grande marge d'appréciation à l'officier de police judiciaire pour décider du placement en retenue pour vérification de situation administrative . À l'initiative de notre collègue député M. Pascal Popelin, rapporteur, un amendement précisant que la retenue ne pouvait donner lieu à audition a également été adopté , limitant clairement l'objectif de la retenue aux vérifications évoquées ci-dessus.

Un amendement du Gouvernement, sous-amendé par nos collègues députés MM. Guillaume Larrivé et Pierre Lellouche, a supprimé la notification à la personne retenue de sa possibilité de prévenir la personne de son choix et l'a remplacée par l'information, donnée à la personne par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, de la durée maximale de la retenue. Le Gouvernement s'est en effet rallié à la position de M. Pierre Lellouche, qui avait présenté un amendement tendant à supprimer la faculté pour la personne de prévenir la personne de son choix, estimant qu'elle rendait inopérante l'action des services de police, puisqu'elle aurait permis à une personne effectivement engagée dans la préparation d'actes terroristes de prévenir ses éventuels complices ou les membres de son réseau.

En séance publique, les députés ont à nouveau modifié les dispositions relatives aux mineurs en prévoyant qu'en cas de présence impossible du titulaire de l'autorité parentale, la retenue devait faire l'objet d'un accord exprès du procureur de la République.

Votre commission, à l'initiative de votre rapporteur, a entendu préciser les motifs du placement en retenue pour vérification et renforcer les garanties entourant cette procédure.

Concernant le motif du placement en retenue d'une personne, la notion de « raisons sérieuses faisant penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste » peut être interprétée de manière très large. En outre, elle ne correspond pas à l'objectif précis exprimé par le Gouvernement avec la création de cette retenue pour vérification. Comme il l'a été indiqué ci-dessus, il s'agit de créer une base juridique valable sur le fondement de laquelle pourraient être retenus les individus dont le contrôle ou la vérification d'identité aurait révélé qu'ils faisaient l'objet d'une fiche « S » .

Il peut être d'ailleurs observé que dans leurs conclusions sur le rapport d'information° 4113 du 21 décembre 2011 sur la mise en oeuvre des conclusions de la mission d'information sur les fichiers de police , nos collègues députés Mme Delphine Batho et M. Jacques Alain Bénisti ont observé qu'il manquait aux forces de police un dispositif juridique leur permettant d'approfondir les investigations tout en conservant la personne à leur disposition, quel que soit le motif de l'inscription au fichier des personnes recherchées : « Lorsque le contrôle est positif, les enquêteurs doivent respecter la « conduite à tenir » indiquée sur la fiche FPR. Il peut s'agir d'inviter la personne à suivre les enquêteurs au poste de police, de conduire la personne au poste contre son gré ou, au contraire, de recueillir des éléments d'information sur place, sans indiquer à la personne qu'elle est recherchée. Cependant, il apparaît que ces conduites à tenir manquent souvent de précision et de clarté , ce qui oblige le service inscripteur à entrer en contact avec les services demandeurs. Par exemple, si la conduite à tenir consiste à inviter la personne à venir au poste de police, il faut également indiquer le comportement à adopter lorsque celle-ci décline la proposition. » 189 ( * ) .

Dans ce contexte, le besoin étant clairement identifié, il s'agit de définir le plus objectivement possible le critère permettant à l'agent de décider de placer la personne contrôlée en retenue, ce qui est une volonté partagée par nos collègues députés.

Concernant les garanties dont bénéficie la personne retenue, l'équilibre actuel entre ces dernières et l'objet de la retenue, à savoir la prévention d'actes à caractère terroriste , n'est pas satisfaisant.

En effet, en premier lieu, l'article 5 de la convention européenne des droits de l'homme et du citoyen prévoit que « toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation ou de toute accusation portée contre elle » . Il semble donc nécessaire de prévoir que la personne intéressée soit informée des motifs de la retenue, et ce dès le début de cette dernière . L'information donnée à la personne faisant l'objet de la retenue a été utilement complétée par les députés qui ont précisé que cette retenue ne pouvait donner lieu à audition . Autrement dit, cette mention permet d'éviter toute confusion avec la garde à vue : la retenue n'a pour objet que de s'assurer de la personne.

Dès lors, la suppression opérée par l'Assemblée nationale du droit de prévenir une personne de son choix paraît disproportionnée , même si l'argument selon lequel le fait de laisser un terroriste présumé communiquer avec l'extérieur nuirait à l'objectif de prévention poursuivi par la mesure est très solide. Il n'en demeure pas moins que le droit de prévenir un proche existe en garde à vue , avec le même risque que la personne gardée à vue alerte d'éventuels complices.

Article 63-2 du code de procédure pénale

Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou son curateur ou son tuteur de la mesure dont elle est l'objet. Elle peut en outre faire prévenir son employeur. Lorsque la personne gardée à vue est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays.

Si l'officier de police judiciaire estime, en raison des nécessités de l ' enquête, ne pas devoir faire droit à cette demande, il en réfère sans délai au procureur de la République qui décide, s'il y a lieu, d'y faire droit.

Sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, les diligences incombant aux enquêteurs en application du premier alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-104 de son rapporteur réécrivant les dispositions relatives à la retenue administrative.

En premier lieu, le critère justifiant la mesure de retenue serait réécrit pour l'objectiver. En effet, cette mesure serait seulement possible si le contrôle révèle qu'il existe de sérieuses raisons de penser que le comportement de la personne peut être lié à des activités à caractère terroriste, révélées notamment par son inscription au fichier des personnes recherchées (FPR).

En outre, les mesures applicables à la garde à vue seraient transposées, tout en les adaptant à la retenue pour vérification. Ainsi, le droit d'informer la personne de son choix serait rétabli mais il serait possible au procureur de la République de différer le fait de prévenir la personne, pour une durée maximale de deux heures à compter du moment où la personne retenue a formulé sa demande de faire prévenir le proche de son choix. Par ailleurs, il est nécessaire de prévoir également qu'en dehors de la personne de son choix, la personne retenue doit pouvoir prévenir son employeur .

Enfin, la réécriture du dispositif de retenue vise à mieux encadrer cette mesure quand elle sera prise à l'encontre des mineurs . Dès lors, la retenue serait limitée à deux heures . En outre, le droit d'être assisté par un administrateur ad hoc désigné par le procureur de la République en cas d'impossibilité d'être assisté par son représentant légal serait rétabli et complété par l'obligation qu'un représentant du service d'aide sociale à l'enfance assiste également le mineur pendant la durée de la retenue .

Enfin, le procès-verbal précisant les motifs de la retenue et les conditions de son déroulement devrait être transmis sans délai au procureur de la République une fois la mesure achevée.

Votre commission a adopté l'article 18 ainsi modifié .

Article 18 bis (art. 371-6 [nouveau] du code civil) - Autorisation de sortie du territoire

Cet article, inséré par notre collègue député M. Éric Ciotti et les membres du groupe Les Républicains, lors de l'examen du présent projet de loi en séance publique par l'Assemblée nationale, a pour objet de rétablir l'autorisation parentale de sortie du territoire pour les enfants mineurs , au sein d'un article 371-6 nouveau du code civil.

Cet article a été adopté par les députés, le 8 octobre 2015, lors de l'examen de la proposition de loi n° 2960 visant à rétablir pour les mineurs l'autorisation de sortie du territoire 190 ( * ) .

L'autorisation de sortie du territoire était un dispositif prévu par plusieurs circulaires du ministre de l'intérieur 191 ( * ) , qui instituaient « un régime d'autorisation préalable à la sortie du territoire » 192 ( * ) .

Comme l'a rappelé notre collègue député M. Guy Geoffroy, rapporteur de la proposition de loi visant à rétablir pour les mineurs l'autorisation de sortie du territoire précitée, l'autorisation de sortie du territoire a été supprimée à la suite de l'adoption de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, par une circulaire du 20 novembre 2012 193 ( * ) , en raison de la création du mécanisme d'interdiction judiciaire de sortie du territoire (IST) 194 ( * ) .

Toutefois, une mesure conservatoire pouvant être prise en urgence, l'opposition à sortie du territoire (OST), a été créée par la circulaire pour faire obstacle à la sortie du territoire d'un mineur.

Le phénomène de départs massifs de personnes vers la zone syro-irakienne se caractérise par la proportion inhabituellement forte de mineurs concernés. Or, l'interdiction judiciaire de sortie du territoire comme l'opposition à sortie du territoire n'ont pas permis de répondre à cette difficulté, comme l'a relevé notre collègue M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe 195 ( * ) qui a également observé qu'en conséquence, « le Gouvernement a souhaité apporter une réponse au phénomène préoccupant des départs de mineurs en direction de la zone syro-irakienne. Il a par conséquent décidé, par instruction en date du 5 mai 2014, de modifier les modalités d'application de la procédure d'opposition à sortie du territoire (OST) de mineurs non accompagnés d'une personne titulaire de l'autorité parentale ou d'un représentant légal. ».

L'OST, initialement non reconductible et d'une durée de quinze jours, a été modifiée par la circulaire du 5 mai 2014 pour prendre en compte ce phénomène de départs de mineurs vers l'étranger : sa durée de validité est désormais de six mois et elle est reconductible à la demande expresse d'un titulaire de l'autorité parentale . La décision d'OST continue en outre à faire l'objet d'une inscription au fichier des personnes recherchées (FPR) et d'un signalement au système d'information Schengen (SIS). Le service instructeur est par ailleurs tenu d'en informer l'autorité judiciaire aux fins de saisine, le cas échéant, du juge des enfants.

Toutefois, la situation très préoccupante du départ massif de mineurs radicalisés à l'insu de leurs parents ou de leurs représentants légaux vers des territoires où opèrent des groupements à caractère terroriste justifie le rétablissement de la mesure préventive d'autorisation parentale de sortie du territoire. Au demeurant, la nature réglementaire apparaît très contestable : l'état et la capacité des personnes relèvent du domaine de la loi.

Votre commission a adopté l'article 18 bis sans modification .

Article 18 ter (art. 375-7 du code civil) - Interdiction de sortie judiciaire du territoire d'un mineur

Cet article, inséré par notre collègue député M. Éric Ciotti et les membres du groupe Les Républicains, lors de l'examen du présent projet de loi en séance publique par l'Assemblée nationale, a pour objet de prévoir la possibilité pour le procureur de la République de prononcer une mesure d'interdiction judiciaire de sortie du territoire , pour un nouveau motif, lié à la sortie du territoire du mineur dans des conditions dangereuses , en cas de carence des parents.

Cet article est issu d'un amendement gouvernemental, adopté dans le cadre de la proposition de loi n° 2960 visant à rétablir pour les mineurs l'autorisation de sortie du territoire 196 ( * ) , adoptée par les députés le 8 octobre 2015.

Les parents, en tant que titulaires de l'autorité parentale, sont en principe responsables des mesures éducatives (art. 371-1 du code civil). Toutefois, le code civil prévoit que, dans certains cas, le juge peut décider à la place des parents, sur sollicitation de ceux-ci, de l'un d'entre eux, des personnes à qui l'enfant a été confié, du mineur ou du ministère public, le juge pouvant même se saisir exceptionnellement d'office (art. 375).

Dans ce cas, un juge spécifique, le juge des enfants , est compétent pour prononcer diverses mesures d'assistance éducative (art. 375-1), en particulier le placement au sein d'un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (art. 375-3) ou la remise provisoire à un centre d'accueil (art. 375-5 du code civil).

Le procureur de la République a un rôle de juge de l'urgence : dans ce cas, il peut prendre un certain nombre de mesures de placement, relevant normalement du juge des enfants, tout en le saisissant dans les huit jours, afin que celui-ci statue et mette fin à la mesure, la prolonge ou la modifie. C'est notamment le cas en matière de remise provisoire à un centre d'accueil (art. 375-5 du code civil).

Au regard des risques liés notamment à l'enlèvement d'un enfant par un des parents, le juge des enfants peut ordonner l'interdiction de sortie du territoire d'un enfant (IST) , pour une durée maximale de deux ans (art. 375-7 du code civil) 197 ( * ) mais seulement en appui d'une décision , en particulier de placement auprès d'un centre d'accueil (art. 375-5 du code civil).

Le présent article complèterait l'article 375-5 du code civil afin d'autoriser le procureur de la République à prendre une décision d'interdiction de sortie du territoire à l'égard d'un mineur susceptible de quitter le territoire national dans des conditions dangereuses , en cas de carence des parents, indépendamment de toute décision au fond .

Le procureur de la République pourrait prononcer une mesure d'interdiction de sortie du territoire d'une durée maximale de deux mois , qui serait inscrite au fichier des personnes recherchées (FPR), mais il devrait saisir, dans les huit jours à compter de sa décision, le juge des enfants, qui pourrait alors soit prononcer une interdiction de sortie du territoire sur le fondement de l'article 375-7 du code civil - c'est-à-dire pour une durée maximale de deux ans -, soit ordonner la main levée de la mesure.

Cette nouvelle procédure ne se rattache qu'indirectement à l'article 375-5 qui est relatif au placement dans un centre d'accueil ou d'observation par le juge des enfants.

Dans la mesure où les dispositions du présent article permettent de prononcer une interdiction judiciaire du territoire (art. 375-7) pour faire obstacle à un départ du mineur à l'étranger dans des conditions dangereuses lorsque les parents ne prennent aucune mesure pour l'en empêcher, votre commission a intégré cette procédure spécifique au dernier alinéa de l'article 375-7 du code civil, en adoptant un amendement COM-105 de son rapporteur en ce sens. Cet amendement a en outre modifié le dispositif de l'article en prévoyant que la mesure d'interdiction judiciaire de sortie du territoire peut être prise en cas de carence d'au moins un des détenteurs de l'autorité parentale , cette notion étant plus large que celle de « parents ».

En outre, la mesure d'interdiction de sortie du territoire actuellement prévue à l'article 375-7 ne peut être prise qu'à l'appui de décisions d'assistance éducative . Or, il arrive qu'il soit nécessaire d'interdire la sortie du territoire à un mineur en urgence, avant même qu'une décision soit prise au fond, en faisant de la mesure d'interdiction de sortie du territoire une décision conservatoire , dans le cadre d'investigations menées par le juge des enfants en application de l'article 1183 du code de procédure civile. En conséquence, votre commission a adopté au même amendement COM-105 une disposition prévoyant que dans le cadre des mesures d'enquête pouvant être menées par le juge des enfants en application de l'article 1183 du code de procédure civile , une interdiction de sortie du territoire peut être également prononcée.

Votre commission a adopté l'article 18 ter ainsi modifié.

Article 19 (art. L. 122-4-1 [nouveau] du code pénal) - Autorisation d'ouverture du feu pour prévenir la réitération d'une attaque meurtrière de masse

Le présent article a pour objet de créer un cadre juridique permettant aux forces de l'ordre - policiers, militaires et douaniers - de faire usage de leur arme sans qu'ils puissent être mis en cause pénalement, dans le but de prévenir la réitération d'une attaque d'ampleur , alors même que les auteurs de la première attaque ne les menacent pas directement (ils progressent pour aller effectuer un nouvel attentat, sans menacer personne immédiatement, par exemple), ne permettant pas ainsi d'invoquer la légitime défense.

La question de l'usage de leurs armes par les forces de l'ordre est récurrente et a déjà fait l'objet de plusieurs propositions de loi afin de définir un cadre juridique particulier pour les forces de l'ordre, plus large que le régime de droit commun de la légitime défense qui leur est actuellement applicable.


• Le cadre juridique actuel d'intervention des forces de l'ordre

À l'occasion de la discussion de la proposition de loi n° 767 (2011-2012), présentée par nos collègues MM. Louis Nègre, Pierre Charon et plusieurs de leurs collègues, visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité et l'usage des armes à feu, notre ancienne collègue Mme Virginie Klès a précisé dans son rapport le cadre juridique actuel encadrant l'usage de leurs armes par les forces de l'ordre 198 ( * ) .

- La légitime défense (art. 122-5 du code pénal)

En premier lieu, pour que la légitime défense puisse être reconnue, les forces de l'ordre sont astreintes aux mêmes conditions que n'importer quel particulier.

La légitime défense est rigoureusement encadrée par le code pénal, à son article 122-5 199 ( * ) . L'atteinte à laquelle il est riposté doit tout d'abord être injuste, c'est-à-dire ni fondée en droit, ni autorisée ou ordonnée par la loi. (...)

La riposte doit être, quant à elle, nécessaire pour faire face à l'agression subie et ne pas être disproportionnée .

Le caractère nécessaire de la riposte, à son tour, se traduit par une double exigence : la riposte doit d'abord être simultanée à l'agression. La Cour de cassation vérifie le caractère actuel de l'agression justifiant la réaction. Elle ne retient donc pas la légitime défense lorsque l'agresseur ne menaçait plus l'inspecteur de police 200 ( * ) , pas plus qu'elle ne retient la légitime défense pour des particuliers ayant exercé des violences à l'égard de personnes qui ne les menaçaient plus 201 ( * ) . La riposte doit ensuite avoir été « commandée par la nécessité de la défense » 202 ( * ) .

(...)

Il appartient enfin aux juges du fond de vérifier que la riposte « n'est pas disproportionnée à la gravité de la menace» 203 ( * ) . L'exigence de proportionnalité de la riposte est également indifférente à la qualité de membre de force de l'ordre ou de simple particulier 204 ( * ) . Il convient aussi de souligner que la gravité de la menace peut ne pas être réelle, mais seulement suffisamment crédible, pour emporter la conviction des juges, quel que soit le motif d'irresponsabilité pénale invoqué. Ainsi, une arme factice, brandie dans un contexte ne permettant pas de supposer son absence de dangerosité, sera évaluée comme une menace de même gravité que si elle avait été réelle.

Source : Rapport n° 453 (2012-2013) de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité
et l'usage des armes à feu, pp. 9-10.

- L'état de nécessité (art. 122-7 du code pénal)

Le code pénal prévoit également que l'état de nécessité peut exonérer la personne qui en fait usage de sa responsabilité pénale, sous conditions .

S'agissant de l'état de nécessité, si la lettre de l'article 122-7 du code pénal ne le formule pas expressément et n'exclut pas une telle justification de l'emploi de la force armée, le danger dans ce cas doit moins provenir d'une menace humaine que de circonstances matérielles, extérieures, insurmontables, assimilables en fait au cas de force majeure . En outre, la valeur sacrifiée par l'acte de nécessité doit être inférieure à la valeur sauvegardée, et non pas équivalente.

De fait, une seule décision de la Cour de cassation fait application de l'état de nécessité dans le cadre de l'usage d'une arme par un policier 205 ( * ) .

- L'ordre de la loi ou du règlement (art. 122-4 du code pénal)

L'article 122-4 du code pénal prévoit une irresponsabilité pénale pour les personnes accomplissant un acte autorisé ou imposé par une disposition légale ou réglementaire . Dans ce cas, les forces de l'ordre peuvent utiliser la force sans que les conditions relatives à la légitime défense ou l'état de nécessité ne soient remplies.

Plusieurs dispositions autorisent ainsi les forces de l'ordre à utiliser leurs armes sans que l'acte qui en résulte n'entraîne leur responsabilité pénale, et sans que les conditions relatives à la légitime défense ou l'état de nécessité ne soient remplies.

L'article 431-3 du code pénal prévoit un cas déterminé d'usage des armes, pour « dissiper un attroupement ».

Cet article n'énonce qu'une possibilité pour les représentants de la force publique. L'usage de la force est ensuite étroitement encadré, puisque seule l'autorité civile peut décider de l'emploi de la force et qu'un nombre précis de sommations est imposé avant son usage. Toutefois, si des violences ou des voies de fait sont exercées contre les représentants de la force publique, ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent, ils peuvent avoir directement recours à la force 206 ( * ) . Cependant, le principe de proportionnalité de la réponse au trouble à faire cesser doit être respecté par le commandant de la force publique.

Cette disposition est cependant peu mise en oeuvre.

L'article R. 57-7-84 du code de procédure pénale est propre aux personnels pénitentiaires : il prévoit expressément l'usage de la force en dehors du cadre de la légitime défense, pour empêcher une évasion ou pour prévenir une intrusion, mais une exigence de proportionnalité dans l'emploi de la force est exigée, ce qui rapproche cet article des conditions exigées par la Cour de cassation pour reconnaître la légitime défense.

Enfin, l'article L. 2338-3 du code de la défense dont les dispositions sont largement reprises par la présente proposition de loi institue un dispositif plus large, au bénéfice des seules forces de gendarmerie 207 ( * ) . Il reprend l'article 174 du décret du 20 mai 1903.

Cet article permet aux gendarmes de faire usage de leurs armes dans quatre cas : lorsque des violences ou des voies de faits sont exercées contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés, lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent ou les personnes ou les postes qui leurs sont confiés ou si la résistance est telle qu'elle ne peut être surmontée que par les armes, lorsque des personnes invitées à s'arrêter tentent de s'échapper à leur garde et ne peuvent être contraintes de s'arrêter que par l'usage des armes et enfin, lorsqu'ils ne peuvent autrement immobiliser un véhicule ou tout autre moyen de transport.

Source : Rapport n° 453 (2012-2013) de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité
et l'usage des armes à feu, pp. 11-12.

L'article 56 du code des douanes prévoit également différents cas autorisant les douaniers à faire usage de la force, avec une rédaction proche de celle de l'article L. 2338-3 du code de la défense.

- La jurisprudence très restrictive de la Cour européenne des droits de l'homme

En tout état de cause, en application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le recours à la force par les forces de police d'un État est strictement encadré. En effet, la Cour impose une condition « d'absolue nécessité » 208 ( * ) pour que soit portée une atteinte à la vie. Ce contrôle conduit ainsi la Cour de cassation à interpréter les dispositions dont elle est saisie à l'aune de cette jurisprudence, permettant notamment d'assurer la conventionalité de l'article L. 2338-3 du code de la défense 209 ( * ) .

En outre, la Cour exige une condition de stricte proportion aux buts poursuivis dans l'usage de la force. Ainsi, dans l'arrêt Gardner contre France du 17 avril 2014, elle précise que « la force utilisée doit être strictement proportionnée aux buts légitimes visés » 210 ( * ) , en s'appuyant sur la jurisprudence Mc Cann, Farell et Savage contre Royaume-Uni du 27 septembre 1995.


La proposition du texte : instaurer un cadre juridique particulier d'ouverture du feu pour prévenir une nouvelle action criminelle d'ampleur

Le présent article ne prévoit pas d'instaurer un cas de présomption de légitime défense .

Le présent article vise à créer un nouveau cas de nécessité , sur le fondement de l'article 122-7 du code pénal 211 ( * ) , pouvant justifier l'usage de la force par les forces de l'ordre, aussi bien policiers que militaires et douaniers.

Le dispositif a fait l'objet d'évolutions entre la version initiale du projet de loi, la commission des lois de l'Assemblée nationale puis la séance publique.

- Les dispositions du texte initial

Dans son texte initial, l'article 19 prévoyait plusieurs conditions cumulatives pour que la situation soit qualifiée d'état de nécessité :

- un ou plusieurs homicides volontaires ou tentatives d'homicides volontaires ont été commis ;

- il existe des raisons objectives de croire que plusieurs autres actes d'homicides volontaires vont être commis dont il résulterait une pluralité de victimes ;

- ces actes seraient commis « dans un temps rapproché » du premier acte criminel, par un ou plusieurs individus ayant participé à la première action criminelle ;

- l'usage de son arme devrait être « absolument nécessaire » pour prévenir la réitération de l'acte criminel.

- Les dispositions votées par les députés

Lors de l'examen de ce texte en commission, l'article 19 a été réécrit, afin de rendre l'appréciation de la situation par l'agent des forces de l'ordre plus objective en précisant que l'appréciation de la commission d'une autre action criminelle par le ou les mêmes auteurs et la nature criminelle de celle-ci doit être évaluée, au regard des « circonstances de la première infraction et des informations dont il dispose au moment où il fait usage de son arme ».

En séance publique, la notion d' « homicide » a été remplacée par celle de « meurtre » et une modification rédactionnelle a été adoptée.


La proposition de votre commission : réécrire un dispositif respectant les équilibres de la jurisprudence conventionnelle, en le simplifiant et en le rattachant à l'ordre de la loi (art. 122-4 du code pénal)

Les conditions posées par l'article pour que la situation soit considérée comme étant un « état de nécessité » justifiant le recours aux armes sans que la responsabilité pénale de l'agent soit mise en cause sont tellement complexes qu'elles créent davantage d'insécurité juridique que l'état du droit actuel , comme l'ont souligné l'ensemble des personnes entendues par le rapporteur, en particulier les représentants des forces de l'ordre.

En effet, les actes criminels que l'agent doit s'efforcer de prévenir répondent à deux conditions cumulatives très difficiles à caractériser :

- il faut que soit en cause la réitération d'au moins deux actes criminels, et non un seul ;

- alors que la réaction peut intervenir après la commission d'un seul meurtre, ou tentative de meurtre, le texte impose que les actes à prévenir visent à causer une pluralité de victimes .

En outre, l'usage de l'arme par les forces de l'ordre ne peut être effectué que contre le ou les auteurs de l'action précédente ; autrement dit, dans le cas d'une attaque concertée de plusieurs groupes armés, qui s'étalerait dans le temps, les forces de l'ordre ne pourraient pas utiliser le présent cadre légal pour neutraliser les membres d'un second groupe, qui n'auraient pas commis le premier attentat.

Enfin, l'appréciation de la situation par l'agent des forces de l'ordre est limitée aux circonstances de la première agression et des informations dont il dispose : ces éléments sont particulièrement subjectifs et il est difficile de considérer, eu égard aux circonstances d'une intervention dans un tel contexte, que des éléments pourront étayer, dans un sens ou dans un autre, les éléments fournis par l'auteur du tir.

L'avis du Conseil d'État sur ces dispositions souligne d'ailleurs leur faible efficacité pour garantir la sécurité juridique des interventions . En outre, il relève que ce nouveau régime complique le cadre juridique applicable aux gendarmes, l'argument pouvant être étendu aux douaniers qui disposent d'une disposition leur autorisant l'usage de leurs armes.

Au regard de la rédaction excessivement complexe de cet article, votre rapporteur considère qu'il ne remplit pas son objectif de sécurisation juridique des forces de l'ordre.

Par ailleurs, le rattachement de cet article au fondement de l'état de nécessité (art. 122-7 du code pénal) est discutable.

Enfin, une telle disposition devrait être plutôt insérée au sein du code pénal qu'au sein du code de la sécurité intérieure.

En conséquence, votre rapporteur a recherché une rédaction alternative, répondant à l'objectif poursuivi.

En premier lieu, le fondement juridique retenu ne peut pas être celui de l'état de nécessité de l'article 122-7 qui a davantage trait à un cas de force majeure.

Votre rapporteur partage en outre l'idée que le cadre de la légitime défense ne doit pas davantage être modifié, en particulier par l'instauration d'une présomption de légitime défense au bénéfice des membres des forces de l'ordre faisant usage de leur arme .

Notre ancienne collègue Mme Virginie Klès a en effet souligné dans son rapport précité l'équilibre délicat des conditions de la légitime défense et l'insécurité juridique que représenterait une telle présomption, dans la mesure où elle pourrait être renversée par tout moyen.

En tout état de cause, elle avait alors relevé que la jurisprudence de la Cour de cassation était en réalité très protectrice des forces de l'ordre mis en cause en raison de l'ouverture du feu, contrairement à un certain nombre d'argumentations.

En premier lieu, la Cour de cassation ne s'attache pas à la qualité de l'auteur des faits, mais aux seules circonstances entourant l'acte commis. L'analyse par la Cour de cassation des circonstances montre tout d'abord que cette jurisprudence est protectrice des forces de l'ordre.

La qualité de membre des forces de sécurité, qui pourrait conduire à une approche plus restrictive que pour un particulier, en considérant par exemple que le gendarme ou le policier est plus aguerri, plus entrainé, plus au fait des procédures et du droit applicable que ne l'est le particulier placé dans les mêmes circonstances, n'est en effet pas prise en compte.

La notion de légitime défense putative , qui permet de considérer qu'il y a eu légitime défense parce que l'auteur de l'infraction se croyait légitimement menacé, joue également au bénéfice des forces de l'ordre. C'est la réaction d'un « homme moyen » 212 ( * ) qui sera prise en compte, quelles que soient sa qualité ou ses fonctions.

En outre, la Cour de cassation a bien rappelé que l'appréciation des circonstances ayant donné lieu à la riposte est le seul élément pris en compte pour déterminer s'il y a irresponsabilité pénale ou non.

Dès lors, la jurisprudence se révèle être un instrument souple, prenant en compte les contraintes des forces de l'ordre.

En deuxième lieu, dans l'appréciation du caractère proportionné de la riposte, la Cour de cassation se refuse à toute appréciation de l'équilibre entre le dommage évité grâce à l'intervention et la conséquence du geste contesté.

La Cour de cassation a ainsi rappelé que « les conditions dans lesquelles les policiers ont mis en place, en amont, l'opération de surveillance et les conditions dans lesquelles ils ont décidé de procéder à l'interpellation de Nicolas X... n'ont pas à interférer sur l'appréciation de l'état de légitime défense, lequel doit être examiné, (...) au moment précis de l'atteinte ; que, par ailleurs, la notion de proportionnalité ne doit être appréhendée qu'entre l'atteinte injustifiée et l'acte commandé par la légitime défense et nullement, (...) entre le mal que l'on cherchait à éviter et le préjudice effectif. » 213 ( * )

La Cour de cassation estime ainsi que l'action est proportionnée lorsqu'un policier, pour sauver la vie de son collègue sur lequel fonce délibérément un véhicule, blesse mortellement le conducteur, par des tirs directs 214 ( * ) . Dans un arrêt très récent 215 ( * ) , la Cour de cassation retient également l'irresponsabilité pénale d'un gendarme en constatant que « son acte qui visait principalement sa défense et l'immobilisation du véhicule, n'apparaît ainsi nullement disproportionné face au péril imminent auquel il a dû faire face. ». Dans une autre espèce, la Cour de cassation retient, dans un arrêt très motivé, la légitime défense au bénéfice du militaire en situation de maintien de l'ordre qui utilise son fusil d'assaut contre un forcené qui l'attaque à mains nues, en considérant que « les moyens de défense utilisés étaient proportionnés à la gravité de l'atteinte et ne dépassaient pas les limites rendues nécessaires par la défense légitime de soi-même et d'autrui. » 216 ( * )

L'appréciation de la manière dont l'opération a été menée par les forces de l'ordre, son utilité, son opportunité, ou sa justification au regard de la dangerosité de la personne recherchée n'a donc aucune incidence sur l'appréciation des circonstances par la Cour de cassation 217 ( * ) . La jurisprudence de la Cour de cassation ne constitue donc pas un frein à l'action des forces de l'ordre.

En matière d'état de nécessité, la Cour de cassation a la même approche, car « un fait justificatif s'apprécie au moment où est accompli l'acte reproché, indépendamment de ses conséquences effectives . » 218 ( * )

(...)

Le rapport de la mission Guyomar a souligné que la souplesse permise par la jurisprudence permettait de prendre en compte les sujétions particulières des forces de l'ordre, non en raison de leur seule appartenance, mais parce qu'elles interviennent dans des circonstances particulières, difficiles, que le juge apprécie au cas par cas : « L'étude de la jurisprudence de la Cour de cassation montre ainsi que c'est dans le cadre de l'appréciation casuistique des circonstances de chaque espèce, et dans l'évaluation de « l'impression de danger » dont l'auteur de l'acte a pu être légitimement saisi, que les spécificités et les difficultés des missions du policier ou du gendarme sont utilement prises en compte. »

Rapport n° 453 (2012-2013) de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois
sur la proposition de loi visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité
et l'usage des armes à feu, pp. 16-17.

Dans son rapport sur la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes, la mission Guyomar 219 ( * ) , instituée en juin 2012 à l'initiative du ministre de l'intérieur, la mission a jugé dangereux d'instituer une présomption de légitime défense 220 ( * ) .

Partageant la volonté de clarifier le cadre juridique relatif à l'utilisation des armes pour prévenir la réitération d'actes meurtriers dans un délai proche d'un premier acte meurtrier, votre commission a adopté un amendement COM-106 de son rapporteur réécrivant l'article 19.

En premier lieu, cette disposition ne serait pas introduite au sein du code de la sécurité intérieure mais au sein du code pénal , comme un article additionnel 122-4-1. En effet, le fondement retenu serait celui de l'article 122-4 du code pénal , instituant une irresponsabilité pénale en cas d'obéissance à un ordre donné par la loi ou le règlement.

Le périmètre ne serait pas modifié : il concernerait les agents de la police et de la gendarmerie nationales, les militaires déployés dans le cadre de réquisitions sur le territoire national et les agents des douanes.

La formulation retenue s'inscrit dans les exigences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, en imposant que l'ouverture du feu soit « absolument nécessaire » et « strictement proportionnée » à l'objectif recherché, c'est-à-dire le fait d'empêcher une personne ayant commis un ou des meurtres de réitérer ces actes dans un délai très proche. En outre l'ouverture du feu dans ce cadre ne pourrait être faite que dans le but exclusif d'empêcher la réitération d'actes meurtriers.

Votre commission a adopté l'article 19 ainsi rédigé .

Article 20 (art. L. 225-1 à L. 225-7 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) - Création d'un dispositif de contrôles administratifs pour les personnes de retour des théâtres d'opérations terroristes

L'article 20 propose l'instauration d'un régime de contrôle administratif applicable aux personnes de retour sur le territoire national des théâtres d'opérations de groupements terroristes. À cet effet, il insère un chapitre spécifique consacré à ces contrôles dans le titre II du livre II du code de la sécurité intérieure composé des articles L. 225-1 à L. 225-6.

La justification de ces mesures est liée au fait que ces individus, qui présentent, pour un grand nombre d'entre eux, un degré élevé de dangerosité, ne pourraient faire l'objet d'une judiciarisation de leur situation sur le fondement de l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (article 421-2-1 du code pénal) ou de l'entreprise individuelle de terrorisme (article 421-2-6 du même code), ces infractions n'étant parfois pas toujours suffisamment caractérisées.

L'étude d'impact du projet de loi précise ainsi qu'à défaut « de disposer d'éléments attestant du passage d'une personne en Syrie ou de son implication au sein de groupes de combattants, une période d'observations en France, accompagnée de mesures coercitives, permettrait soit de lever favorablement le doute sur les activités de cette personne dans la zone turco-syrienne soit, au contraire, de les conforter par des éléments matériels permettant l'ouverture d'une enquête judiciaire ».


L'instauration d'un régime de contrôles administratifs

Le nouvel article L. 225-1 définirait le périmètre d'application de ce régime de contrôle. Cet article a fait l'objet d'une modification substantielle à la suite de l'adoption en séance publique par les députés d'un amendement présenté, à titre personnel, par le rapporteur de la commission des lois.

Seraient ainsi concernées les personnes ayant quitté le territoire national et pour lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser que ce déplacement a pour but de rejoindre ou de tenter de rejoindre un théâtre d'opérations de groupements terroristes dans « des conditions susceptibles de la conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français » 221 ( * ) .

Le projet de loi initial prévoyait, au-delà du fait d'avoir rejoint ou tenté de rejoindre un tel théâtre, un troisième cas de figure permettant la mise en oeuvre de ces contrôles pour les personnes ayant accompli des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes. Ce critère a cependant été supprimé par l'amendement de M. Pascal Popelin au motif qu'il constituait « déjà en soi une situation pouvant être passible d'un traitement pénal », pouvant ainsi laisser penser « qu'un choix serait possible entre la mise en place d'un contrôle administratif ou une judiciarisation ».

L'article L. 225-2 définit une première série d'obligations qui pourrait être imposée par le ministre de l'intérieur, dans un délai maximal d'un mois à compter de la date certaine de retour sur le territoire national, dans le cadre de ces contrôles administratifs, applicables aux seules personnes ayant effectué un déplacement sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes 222 ( * ) , à l'exclusion donc des personnes ayant tenté de se rendre sur de tels théâtres.

Sur proposition de son rapporteur, la commission des lois a précisé que le ministre de l'intérieur était tenu à une information préalable du procureur de la République territorialement compétent avant toute décision en la matière.

Deux types d'obligations pourraient être imposés :

- résider dans un périmètre géographique déterminé permettant à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle normale et, le cas échéant, l'astreindre à demeurer à son domicile ou, à défaut, dans un autre lieu à l'intérieur de ce périmètre, pendant une plage horaire fixée par le ministre, dans la limite de huit heures par vingt-quatre heures ;

- se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite de trois présentations par semaine, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés.

Les obligations prises en application du présent article pourraient être prononcées pour une durée maximale d'un mois, non renouvelable.

L'article L. 225-3 détermine, quant à lui, une seconde série d'obligations que le ministre de l'intérieur pourrait décider, également dans le délai maximal d'un an , et non d'un mois comme le prévoit l'article précédent, à compter de la date certaine du retour sur le territoire national, tant à l'égard des personnes s'étant rendues sur les théâtres d'opérations terroristes que de celles ayant tenté de s'y rendre. La personne pourrait à ce titre être tenue de :

- déclarer son domicile et tout changement de domicile ;

- déclarer ses identifiants de tout moyen de communication électronique dont elle dispose ou qu'elle utilise, ainsi que tout changement d'identifiant ;

- signaler ses déplacements à l'extérieur d'un périmètre déterminé ne pouvant être plus restreint que le territoire d'une commune ;

- ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.

De telles obligations pourraient être prononcées pour une durée maximale de trois mois , renouvelable une fois par décision motivée 223 ( * ) .

À l'instar du droit applicable en matière d'interdiction de sortie du territoire (IST) 224 ( * ) , l'article L. 225-4 dispose que les obligations prévues aux deux articles précédents sont écrites et motivées. Le ministre de l'intérieur, ou son représentant, serait également tenu de mettre la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours à compter de la notification de la décision. Cette personne pourrait se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.

À la suite du vote de deux amendements identiques de MM. Coronado et Cavard, les députés ont précisé que, comme les IST, les décisions portant les obligations de ce régime de contrôle devaient être levées aussitôt que les conditions requises pour leur mise en oeuvre ne sont plus réunies. De même, les députés ont adopté deux amendements identiques de MM. Popelin et Dolez disposant que la personne faisant l'objet d'obligations peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision ou de son renouvellement, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif doit alors statuer dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. Ces amendements précisent enfin que ces recours s'exercent sans préjudice des procédures d'urgence prévues aux articles L. 521-1 225 ( * ) et L. 521-2 226 ( * ) du code de justice administrative. Ces dispositions constituent également le décalque de procédures prévues par le droit en vigueur en matière d'interdiction de sortie du territoire.

Sur proposition de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a inséré un article L. 225-4-1 prévoyant que lorsqu'est ouverte une procédure judiciaire concernant une personne faisant l'objet d'obligations fixées en application des articles L. 225-2 et L. 225-3, le ministre de l'intérieur doit abroger ces décisions.

Selon les dispositions de l'article L. 225-5 , les obligations prononcées par le ministre de l'intérieur peuvent être en tout ou partie suspendues lorsque la personne accepte de participer, dans un établissement habilité à cet effet, à une action destinée à permettre sa réinsertion et l'acquisition des valeurs de citoyenneté.

Enfin, l'article L. 225-6 prévoit, outre le renvoi à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les modalités d'application de ces dispositions, de punir de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de se soustraire aux obligations fixées par l'autorité administrative en application des articles L. 225-2 et L. 225-3.


La position de votre commission

Votre rapporteur s'est longuement interrogé sur l'opportunité de ce dispositif qui a pour effet de brouiller les frontières entre la police administrative et la police judiciaire et peut prêter le flanc à la critique selon laquelle le présent projet de loi introduit dans le droit commun des mesures issues du régime juridique de l'état d'urgence.

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que l'objet de ce dispositif était d'apporter une solution au problème lié aux personnes de retour des zones de guerre ayant participé aux opérations des groupements terroristes qui agissent sur place.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, plus de 250 personnes ont été recensées comme étant de retour de tels théâtres. Sur ce total, une centaine de personnes ne relèverait pas de poursuites pénales à l'heure actuelle. La participation à l'étranger à des activités d'un groupement terroriste constitue une infraction relevant de l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Toutefois, de nombreuses personnes entendues par les services spécialisés à leur retour nient toute implication dans un projet violent sur le territoire national. Si une partie de ces personnes exprime un repenti sincère, le doute est permis quant aux convictions réelles de ces individus qui n'ont pas renoncé à l'action violente.

De telles situations doivent être judiciarisées. Le Gouvernement fait cependant valoir que l'engagement de poursuites pénales n'est possible que si des charges suffisantes ont été réunies, préalablement au retour des personnes en France, quant à leur participation à un projet terroriste. Il faut ainsi avoir accumulé des éléments permettant d'établir formellement que ces personnes :

- ont intégré un groupe combattant (article 421-2-6 du code pénal) ;

- ont participé à des combats (article 421-2-6 du même code) ;

- ou ont participé à une association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes (article 421-2-1 du même code), qu'il s'agisse d'un projet terroriste proprement dit ou d'une filière d'acheminement (article 421-2-2 du même code).

Le Gouvernement souligne qu'il est nécessaire d'établir à chaque situation un faisceau d'indices suffisamment probants, qui puisse être présenté au parquet pour obtenir l'ouverture de l'enquête judiciaire. Les dossiers de demande de judiciarisation contiennent des éléments pouvant être issus par exemple d'interceptions de sécurité ou de copies de pages de réseaux sociaux, souvent recoupés par des déclarations des familles qui permettent d'attester l'implication de l'individu dans des combats ou son appartenance à une organisation terroriste.

Lorsque l'information ne peut être recoupée par d'autres éléments, la judiciarisation demeure aléatoire et exige la poursuite du travail en renseignement.

Il arrive également que les informations soient issues de source sensible (source humaine ou partenaire international) et ne puissent de ce fait être produites devant une juridiction pour des raisons de protection de la source.

Votre commission s'était penchée sur cette situation dans le cadre de la proposition de loi votée par le Sénat le 2 février dernier, son article 12 proposant la création d'un délit de séjour sur les théâtres d'opérations de groupements terroristes qui, selon son analyse, avait vocation à permettre de judiciariser tous les cas de personnes revenant des théâtres d'opérations.

À l'appui de cette création, votre rapporteur faisait ainsi valoir 227 ( * ) que si l'infraction d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste est particulièrement efficace dans la très grande majorité des cas de départs et de retours de la zone syro-irakienne, elle peut être insuffisante lorsque les séjours sur zone sont justifiés par la personne mise en cause par un but humanitaire ou religieux et que n'est pas apportée la preuve d'une adhésion à un groupement terroriste identifié. De même, il est délicat d'appliquer l'association de malfaiteurs à but terroriste aux jeunes filles justifiant d'un séjour sur zone qui, tout en ayant rejoint leur époux, n'ont pas nécessairement voulu participer à son entreprise criminelle.

La création d'un délit de séjour aurait ainsi permis d'élargir le spectre judiciaire pour appréhender la totalité des personnes revenant de la zone syro-irakienne sans qu'il soit nécessaire de démontrer une intention criminelle.

Le Gouvernement a fait valoir que la création d'un tel délit ne permettrait pas d'atteindre son objectif et ne résoudrait pas les difficultés rencontrées par le parquet national antiterroriste pour judiciariser tous les cas de retour de ces théâtres, la preuve de la présence sur place étant, dans certaines situations, tout aussi difficile à apporter que la participation à des exactions ou la commission d'actes relevant de la loi pénale française.

Après réflexion, votre rapporteur s'est rangé à cette analyse et entendu les objections formulées par le Gouvernement. Il convient également de la nécessité d'adopter un dispositif permettant d'assurer un suivi efficace de la centaine de personnes de retour des théâtres d'opérations qui constituent une menace évidente pour la sécurité nationale.

Du reste, il relève que le Conseil d'État a admis la constitutionnalité d'une telle mesure, sous certaines conditions reprises dans l'article 20, dans un avis qu'il a rendu le 17 décembre 2015 sur la constitutionnalité et la compatibilité avec les engagements internationaux de la France de certaines mesures de prévention du risque de terrorisme à la suite de questions qui lui avaient été posées par le ministre de l'intérieur.

Le Conseil d'État a été saisi par le ministre de l'intérieur des trois questions suivantes :

1) Pour prévenir la commission d'actions violentes de la part de personnes radicalisées, présentant des indices de dangerosité et connues comme telles par les services de police, sans pour autant avoir déjà fait l'objet d'une condamnation pour des faits de terrorisme, la loi peut-elle autoriser une privation de liberté des intéressés à titre préventif et prévoir leur rétention dans des centres prévus à cet effet ?

2) Une telle mesure pourrait-elle être envisagée, à tout le moins, pour celles des personnes ayant déjà fait l'objet d'une condamnation à une peine d'emprisonnement pour des actes de terrorisme, à l'instar du dispositif de rétention de sûreté en vigueur aux articles 706-53-13 et suivants du code de procédure pénale ?

3) À défaut de leur imposer le maintien en rétention administrative dans un centre prévu à cet effet, la loi pourrait-elle prévoir la possibilité, soit de placer les personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité sous surveillance électronique, soit de prononcer leur assignation à résidence ?

En réponse à la troisième question, le Conseil d'État a fait valoir l'analyse suivante.

« L'assignation à résidence peut être plus ou moins contraignante selon l'objet de la mesure et la nature des risques qu'il s'agit de prévenir. Au titre de ces mesures peuvent notamment être prévues : l'obligation de résider dans un territoire donné plus ou moins restreint ; l'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, avec une périodicité plus ou moins exigeante ; l'obligation de présence au domicile pendant une partie de la journée ; l'interdiction de voir certaines personnes.

Une telle mesure peut également avoir une durée plus ou moins longue.

Lorsque les contraintes imposées à l'intéressé excèdent par leur rigueur une restriction de la liberté de circulation, au point de le confiner en pratique en un lieu déterminé, fût-il son domicile, l'assignation à résidence est assimilable à une privation de liberté.

Hors période d'état d'urgence, une assignation à résidence « préventive » si contraignante par un confinement durable en un lieu déterminé qu'elle serait assimilable à une détention est impossible en dehors de toute condamnation ou contrôle judiciaire lié à une procédure pénale. Cette assignation à résidence porterait en effet atteinte à la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution des personnes concernées.

Seule une assignation à résidence qui se bornerait, pour les personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité, à restreindre leur liberté de circulation avec des modalités d'exécution laissant à l'intéressé une liberté de mouvement conciliable avec une vie familiale et professionnelle normale, pourrait, le cas échéant, être envisagée dans un cadre administratif . Elle devrait être prévue par la loi et comporter un degré de contraintes inférieur aux mesures prévues par l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. En tout état de cause, une telle mesure devrait être justifiée par la nécessité de sauvegarder l'ordre public et être proportionnée à cet objectif, notamment quant à sa durée et aux contraintes qu'elle impose.

Ces mesures feraient l'objet de recours devant le juge administratif, y compris par la voie du référé-suspension ou du référé-liberté, et seraient soumises à son entier contrôle, dès lors que tel est déjà le cas, même en période d'urgence, ainsi qu'il résulte des décisions de section du Conseil d'État du 11 décembre 2015 (n° 395009 et autres). »

Dans ces conditions, il a proposé à votre commission, qui l'a accepté, de retenir le principe de l'instauration d'un régime de contrôles administratifs applicable à ces personnes, tout en en aménageant les modalités avec l' amendement COM-166 .

Cet amendement porte plusieurs modifications.

Il supprime tout d'abord la notion de « tentative de se rendre sur un théâtre d'opérations » qui n'apparaît pas nécessaire dès lors que la rédaction de l'article L. 225-1 prévoit son application à toute personne dont il existe des raisons sérieuses de penser que le déplacement a pour but de rejoindre un tel théâtre.

Il prévoit ensuite l'information systématique, non pas du procureur de la République territorialement compétent, mais du procureur de la République de Paris puisque ce dispositif relève des infractions terroristes pour lesquels le parquet de Paris est compétent.

Puis, votre rapporteur a relevé qu'un dispositif de contrôles administratifs efficace, assorti d'une assignation à résidence et d'une obligation de présentation périodique au commissariat ou à l'unité de gendarmerie, le temps que l'enquête administrative permette « de lever le doute » ou de « confirmer les soupçons », devait pouvoir s'appliquer pendant une période suffisante. Or, en un mois, il ne lui a pas semblé que de telles vérifications pourraient être effectuées de façon suffisamment approfondie. À l'inverse, il ne considère pas opportun l'instauration d'obligations - pouvant être qualifiées d'allégées - qui pourraient s'appliquer pendant une période de trois mois renouvelable une fois et qui sont de nature à constituer autant d'éléments d'un véritable « contrôle judiciaire administratif » sans contrôle de l'autorité judiciaire. Or, certaines de ces obligations apparaissent fortement attentatoires à certains droits constitutionnellement garantis, en particulier le droit au secret des correspondances auquel il serait porté une atteinte substantielle avec l'obligation de déclarer ses identifiants de tout moyen de communication.

Dans ces conditions, l'amendement adopté par la commission prévoit tout d'abord, à titre du renforcement de l'efficacité du dispositif, d'allonger la durée pendant laquelle l'assignation à résidence et les obligations de pointage peuvent avoir lieu en la portant à deux mois et de supprimer les « obligations allégées », en particulier l'obligation de fournir ses mots de passe et identifiants de communication, à l'exception de l'interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes nommément désignées qui pourrait être prononcée pendant cette période maximale de deux mois.

Enfin, le texte de la commission prévoit, pour faciliter l'exercice des recours devant la juridiction administrative et notamment de la procédure du référé-liberté, de présumer la condition d'urgence comme remplie, sauf à ce que l'administration fasse valoir des circonstances particulières. Une telle formulation reprend de manière exhaustive les conditions définies par la jurisprudence du Conseil d'État 228 ( * ) pour les recours en référé sur les mesures d'assignation à résidence prises dans le cadre de l'état d'urgence.

Votre commission a adopté l'article 20 ainsi modifié .

Article 21 (art. L. 114-2 du code de la sécurité intérieure) - Sécurisation des grands évènements

Cet article a pour objet de créer une disposition particulière permettant aux organisateurs d'évènements d'ampleur de faire procéder par l'administration à des vérifications des personnes susceptibles d'accéder aux installations en n'étant ni spectateurs ni participants.

Les attentats du 13 novembre dernier ont effectivement montré que les grands évènements, en particulier culturels et sportifs, étaient des cibles privilégiées des terroristes 229 ( * ) .

Actuellement, comme l'a noté d'ailleurs notre collègue M. François Bonhomme, dans son rapport relatif à la loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs 230 ( * ) , il n'existe que quelques dispositifs permettant de mener des enquêtes administratives préalables.

Plusieurs dispositions législatives permettent la mise en oeuvre d'enquêtes administratives préalables si les fonctions remplies par l'agent nécessitent qu'il ait connaissance d'informations classifiées au titre du secret de la défense nationale (art. L. 2311-1 et R. 2311-7 du code de la défense) ou qu'il accède à un point d'importance vitale (art. R. 1332-22-1 du code de la défense) et pour un grand nombre d'emplois, publics ou privés, intéressant notamment la sécurité.

Enfin, l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure prévoit la possibilité de mener des enquêtes administratives préalablement au recrutement et à l'affectation d'agents, publics ou privés, exerçant des activités considérées comme sensibles, dans un certain nombre de secteurs, en particulier la sécurité mais cet article ne peut être mobilisé que dans le cas où la décision de recrutement ou d'affectation est une décision administrative .

Source : Rapport n° 315 (2015-2016) de M. François Bonhomme, au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves
à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude
dans les transports publics de voyageurs, p. 32.

Pour ces raisons, un article additionnel a été ajouté par l'Assemblée nationale, lors de l'examen de la proposition de loi précitée, dont la rédaction a été parachevée lors de l'examen du texte par le Sénat, puis lors de l'établissement du texte de la commission mixte paritaire.

Cette disposition permet désormais, au sein d'un article L. 114-2 nouveau du code de la sécurité intérieure, de procéder, à la demande de l'employeur ou de l'administration, à une enquête administrative, préalable au recrutement ou à l'affectation, mais également pendant l'affectation sur le poste sensible d'une personne « occupant un emploi en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens ».

Au regard de l'objet du texte, la disposition a été limitée aux entreprises de transport de voyageurs et de fret dangereux .

Dans ce cadre, une consultation des fichiers pourra être effectuée. Les personnes sont averties qu'en raison du poste qu'elles sollicitent, elles peuvent faire l'objet d'une telle enquête.

Enfin, la formulation de l'article L. 114-2 prévoit que « l'enquête précise si le comportement de cette personne donne des raisons sérieuses de penser qu'elle est susceptible, à l'occasion de ses fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l'ordre publics ».

Le présent article permettrait aux organisateurs de « grands évènements », définis comme étant exposés à un risque exceptionnel de menace terroriste et nommément désignés par un décret en Conseil d'État, de soumettre l'accès des personnes n'étant ni spectateurs , ni participants , à une autorisation d'accès, pendant la durée mais aussi pendant la préparation de l'évènement.

Autrement dit, ce dispositif viserait les employés de ces organisateurs d'évènements, mais aussi le personnel des sous-traitants , les bénévoles , etc.

Dans ce cas, l'organisateur devrait recueillir au préalable l'avis de l'autorité administrative avant d'autoriser à ces personnes l'accès aux installations, pendant l'évènement mais aussi lors de sa préparation . Dans ce cadre, l'autorité administrative pourrait consulter certains traitements automatisés de données ; l'avis rendu ne serait négatif que s'il ressort de l'enquête que le comportement ou les agissements de la personne sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes.

La multiplication de dispositions spécifiques destinées à permettre le contrôle des personnes pose une question de cohérence globale de ces dispositifs et la question de leur lisibilité.

Au regard du caractère abouti de la disposition adoptée définitivement le 9 mars dernier dans le cadre de la loi précitée, il est préférable, d'une part, d'opérer des modifications permettant d'étendre le champ d'application de l'article L. 114-2, c'est-à-dire les cas dans lesquels une enquête administrative peut être menée - se matérialisant ensuite par un avis - et, d'autre part, de prévoir au sein de cet article le cas particulier des grands évènements .

En outre, la disposition adoptée le 9 mars est plus complète que le dispositif du présent article : en effet, celui-ci ne prévoit pas que l'administration peut avoir l'initiative de demander l'enquête, en plus de l'employeur. De même, l'article voté dans la proposition de loi autorise la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire. Enfin, les possibilités de consultation des traitements automatisés sont plus larges que le dispositif proposé par le présent article qui évoque la possibilité de consulter « certains traitements », ce qui est une formule floue.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-107 de son rapporteur réécrivant l'article L. 114-2 pour en permettre une application plus large : la référence aux entreprises de transports publics de voyageurs ou de fret a été supprimée , pour en rendre l'application générale, tout en maintenant une condition de lien direct avec la sécurité des personnes et des biens, indispensable pour éviter l'embolie des services administratifs. En effet, la vérification massive de la situation de toute personne serait contraire à l'objectif d'efficacité des mesures de sécurité.

Cet amendement modifie également l'article L. 114-2, pour prévoir le cas particulier des grands évènements exposés à un risque terroriste particulier, en subordonnant l'accès de toute personne, autre que spectateur ou participant, à l'autorisation de l'organisateur , prise après avis de l'autorité administrative. Dans ce cas, l'exigence d'un lien avec la sécurité n'est pas à rapporter : l'ensemble des personnes concernées devront faire l'objet d'une vérification préalable, comme dans le dispositif initial de l'article.

Votre commission a adopté l'article 21 ainsi modifié .

TITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT
LES GARANTIES DE LA PROCÉDURE PÉNALE
ET SIMPLIFIANT SON DÉROULEMENT
CHAPITRE IER
Dispositions renforçant
les garanties de la procédure pénale

Article 22 (art. 39-3 [nouveau] du code de procédure pénale) - Missions du procureur de la République en sa qualité de directeur de la police judiciaire

L'article 22 crée un article 39-3 au sein du code de procédure pénale 231 ( * ) afin de préciser le cadre général dans lequel le procureur de la République exerce ses attributions de direction de la police judiciaire.

Alors que l'article 12 du même code confie explicitement cette mission de direction de la police judiciaire au procureur de la République 232 ( * ) et que l'article 41 apporte des précisions sur les conditions dans lesquelles il « procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale », aucune disposition spécifique 233 ( * ) ne détaille le cadre général de cette mission de direction de la police judiciaire.

Le premier alinéa de l'article 39-3, qui n'a fait l'objet que de modifications rédactionnelles de la part de l'Assemblée nationale, précise que, dans le cadre de ses attributions de direction de la police judiciaire, le procureur de la République, « sans préjudice des instructions générales ou particulières qu'il adresse aux enquêteurs », contrôle :

- la légalité des moyens mis en oeuvre par ces enquêteurs ;

- la proportionnalité des actes d'investigation au regard de la nature et de la gravité des faits ;

- l'orientation donnée à l'enquête ;

- la qualité de l'enquête.

Son deuxième alinéa dispose que le procureur veille par ailleurs à ce que les investigations :

- tendent à la manifestation de la vérité ;

- soient accomplies à charge et à décharge dans le respect des droits de la victime, du plaignant selon un ajout issu d'un amendement adopté par la commission des lois à l'initiative de sa rapporteure, et de la personne suspectée.

Pour utiles que puissent être de telles dispositions, dont la portée est essentiellement symbolique 234 ( * ) , votre rapporteur n'en relève pas moins qu'elles ne sauraient faire oublier le fait que l'enjeu principal pour le ministère public réside aujourd'hui dans le manque de garanties d'indépendance dont il dispose à l'heure actuelle au regard des exigences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme 235 ( * ) . Dans ces conditions, votre rapporteur rappelle la nécessité pour l'Assemblée nationale, de reprendre le cours de la discussion sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature 236 ( * ) dont l'un des objectifs est de donner au parquet de véritables garanties d'indépendance en prévoyant la nomination des parquetiers et l'exercice du pouvoir disciplinaire sur son avis conforme. À cet égard, il se félicite que le Gouvernement ait enfin décidé d'inscrire la deuxième lecture de ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 6 avril prochain.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement rédactionnel COM-108 sur cet article.

Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 23 (art. 229-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Procédure disciplinaire d'urgence applicable aux officiers de police judiciaire

L'article 23 propose la création d'une procédure disciplinaire d'urgence à l'encontre d'un officier ou agent de police judiciaire en cas de manquement professionnel grave ou d'atteinte grave à l'honneur ou à la probité ayant une incidence sur la capacité d'exercice des missions de police judiciaire. À cet effet, il insère un nouvel article 229-1 dans le code de procédure pénale.

Parmi les personnes exerçant des missions de police judiciaire, il convient de distinguer :

- les officiers de police judiciaire, définis à l'article 16 du code de procédure pénale ;

- les agents de police judiciaire, définis aux articles 20 et 20-1 du même code ;

- les agents de police judiciaire adjoints, régis par l'article 21 du code de procédure pénale ;

- les fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire (articles 22 à 29-1 du code de procédure pénale).

Alors que la qualité d'agent de police judiciaire est attribuée, de par la loi, aux fonctionnaires cités par les articles 20 et 20-1, les fonctionnaires mentionnés à l'article 16 ne peuvent « exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité d'officier de police judiciaire ni se prévaloir de cette qualité que s'ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice et en vertu d'une décision du procureur général près la cour d'appel les y habilitant personnellement ».

En application des articles 13 et 38 du code de procédure pénale qui placent la police judiciaire sous la surveillance du procureur général, ce dernier peut, dans les conditions fixées aux articles R. 15-2 et R. 15-6, retirer ou suspendre l'habilitation d'officier de police judiciaire .

Ce retrait ou cette suspension d'une durée maximale de deux ans est décidé par arrêté du procureur général pris soit d'office, soit sur la proposition du chef de service. Avant de prendre sa décision, le procureur général est tenu d'entendre préalablement l'officier de police judiciaire qui peut prendre connaissance du dossier relatif aux faits qui lui sont reprochés et se faire assister d'un conseil de son choix.

En outre, le code de procédure pénale ouvre deux voies de recours à l'encontre d'une telle décision 237 ( * ) :

- dans le mois qui suit la notification de la décision de suspension ou de retrait d'habilitation, l'officier de police judiciaire peut demander au procureur général de rapporter cette décision. Le procureur général doit statuer dans un délai d'un mois et, à défaut, son silence vaut rejet de la demande (article 16-1) ;

- dans le délai d'un mois à partir du rejet explicite ou implicite de la demande auprès du procureur général, l'officier de police judiciaire peut former un recours devant une commission composée de trois magistrats du siège de la Cour de cassation ayant le grade de président de chambre ou de conseiller (article 16-2).

Le contrôle de la police judiciaire relève pour sa part de la chambre de l'instruction, dans les conditions prévues aux articles 224 à 230 du code de procédure pénale. Les procédures qui y sont définies sont applicables à tous les fonctionnaires civils ou militaires ayant la qualité d'officier ou d'agent de police judiciaire, mais également aux agents de police judiciaire adjoints ainsi qu'aux fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire.

En vertu de ces dispositions, la chambre de l'instruction - qui peut être saisie par le procureur général, par son président ou d'office à l'occasion de l'examen d'une procédure qui lui est soumise - peut avoir à connaître des manquements déontologiques ou professionnels des fonctionnaires et agents exerçant des fonctions de police judiciaire.

Une fois saisie, la chambre de l'instruction fait procéder à une enquête et entend le procureur général ainsi que le fonctionnaire en cause. Celui-ci doit avoir été préalablement mis à même de prendre connaissance de son dossier de police judiciaire tenu au parquet général de la cour d'appel et peut se faire assister par un avocat.

Sans préjudice des sanctions disciplinaires, la chambre de l'instruction peut adresser à la personne mise en cause des observations ou décider qu'il ne pourra, temporairement ou définitivement , exercer, soit dans le ressort de la cour d'appel, soit sur tout l'ensemble du territoire, ses fonctions d'officier de police judiciaire et de délégué du juge d'instruction ou ses fonctions d'agent de police judiciaire. Cette décision prend effet immédiatement. Les décisions prises par la chambre de l'instruction contre les officiers ou agents de police judiciaire sont notifiées, à la diligence du procureur général, aux autorités dont ils dépendent.

Enfin, si la chambre de l'instruction estime que la personne a commis une infraction à la loi pénale, elle ordonne en outre la transmission du dossier au procureur général à toutes fins qu'il lui appartiendra d'apprécier.


La création d'une procédure de suspension d'urgence

En complément des procédures décrites ci-dessus, le projet de loi propose de créer une nouvelle procédure de suspension d'urgence applicable à l'encontre des fonctionnaires ayant la qualité d'officier ou d'agent de police judiciaire en cas de « manquement professionnel grave ou d'atteinte grave à l'honneur ou à la probité » ayant une incidence sur la capacité d'exercice des missions de police judiciaire.

Cette procédure permettrait ainsi au président de la chambre de l'instruction, saisi par le procureur général compétent, de suspendre immédiatement, pour une durée maximale d'un mois, la personne de sa capacité d'exercer des fonctions de police judiciaire. Cette décision serait d'effet immédiat sans procédure contradictoire. Elle serait ainsi notifiée, à la diligence du procureur général, aux autorités dont dépend l'intéressé.

L'utilisation de cette procédure d'urgence vaudrait saisine de la chambre de l'instruction au titre de la procédure prévue par les articles 224 et suivants du code de procédure pénale.

D'après les précisions fournies dans l'étude d'impact du projet de loi, de tels compléments à la législation seraient justifiés par le fait que la procédure disciplinaire relevant de la chambre de l'instruction serait peu mise en oeuvre tant à l'encontre des officiers que des agents de police judiciaire. Cette procédure se juxtaposerait souvent aux procédures judiciaires relevant du procureur de la République et disciplinaires relevant de l'autorité administrative. Dans ces conditions, l'étude d'impact souligne qu'il n'est pas « rare d'observer un décalage temporel, parfois regrettable entre la mise en cause d'un officier ou d'un agent de police judiciaire pour des manquements professionnels ou des atteintes à l'honneur ou à la probité et la sanction prononcée par la chambre de l'instruction ».

Par ailleurs, il est fait valoir qu'il n'existe que cette procédure lourde pour les agents de police judiciaire et que le procureur général ne peut exercer ses missions de surveillance à leur égard.

Votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de confier au procureur général, et non au président de la chambre de l'instruction, cette possibilité de suspension temporaire. Toutefois, comme le souligne l'étude d'impact du projet de loi, il n'existe pas à l'heure actuelle de procédure d'habilitation pour exercer les fonctions d'agent de police judiciaire. Une telle création aurait au demeurant constitué un alourdissement substantiel des tâches administratives confiées aux parquets généraux. Dès lors, il apparaît cohérent que les procureurs généraux demeurent compétents pour les habilitations qu'ils délivrent aux officiers de police judiciaire. Dans le cas de figure où un procureur général exerce ses prérogatives en la matière, qu'il s'agisse d'un retrait ou d'une suspension, l'officier conserve au demeurant la capacité d'exercer des fonctions judiciaires puisqu'il demeure agent de police judiciaire. Pour les cas les plus graves, qui peuvent mener à la suspension voire au retrait définitif de toute fonction de police judiciaire (y compris donc de la qualité d'agent de police judiciaire), il apparaît en conséquence logique que cette compétence demeure du ressort de la chambre de l'instruction.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel COM-109 de son rapporteur, votre commission a adopté l'article 23 ainsi modifié.

Article 24 (art. 77-2, 77-3 et 393 du code de procédure pénale) - Introduction d'une procédure contradictoire au sein de l'enquête préliminaire

L'article 24 du projet de loi propose d'introduire une procédure contradictoire au sein des enquêtes préliminaires. Le texte du projet de loi initial avait, dans un premier temps, été profondément modifié par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de sa rapporteure. Le Gouvernement s'étant opposé aux modifications proposées, les députés ont en définitive adopté un amendement de rédaction globale de l'article présenté par ce dernier, revenant à une version du texte plus proche de celle d'origine.

Dans sa version initiale, l'article 24 institue une procédure contradictoire dans les enquêtes durant plus d'un an, sur demande des personnes qui ont fait l'objet d'une mesure d'audition libre, de garde à vue, ou de saisie de leurs biens, ou sur demande de leurs avocats, cette demande pouvant être faite au procureur de la République six mois après cette mesure.

Avant de prendre sa décision sur l'action publique, à moins qu'il ne décide d'un classement sans suite ou de l'ouverture d'une information, ce magistrat serait alors tenu de communiquer à ces personnes, ainsi qu'à la victime l'intégralité du dossier de la procédure, pour recevoir leurs observations et leurs éventuelles demandes d'actes.

Cette communication du dossier et ce recueil d'observations pourrait également intervenir à tout moment en cours de procédure, même en l'absence de demande, à l'initiative du procureur.

Le procureur apprécierait les suites à apporter aux observations et demandes d'actes, étant précisé qu'il en informe les intéressés et que sa décision est insusceptible de recours.

• Les modifications initialement envisagées par la commission des lois de l'Assemblée nationale

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des lois avait adopté un amendement modifiant profondément le dispositif envisagé par le Gouvernement.

Dans son rapport, Mme Colette Capdevielle a ainsi considéré que, bien que nécessaire, l'introduction du contradictoire au cours de l'enquête préliminaire selon les modalités proposées par le Gouvernement soulevait plusieurs interrogations.

Les interrogations de la commission des lois de l'Assemblée nationale

- Comment une personne apprend-elle qu'elle fait l'objet d'une enquête préliminaire ? Comment, une fois informée, peut-elle savoir que l'enquête en question a commencé depuis plus d'un an et qu'elle est autorisée à solliciter la communication du dossier ?

- Le droit d'accès au dossier peut-il réellement prospérer dès lors que le procureur de la République est seul juge du caractère communicable de l'enquête, que sa décision est discrétionnaire et qu'elle ne peut faire l'objet d'aucun recours ? Ne sera-t-il pas tentant, pour des magistrats par ailleurs confrontés à des tâches extrêmement nombreuses et prenantes, de garder le silence et de ne jamais considérer l'enquête en état d'être communiquée ?

- Surtout, dans les enquêtes complexes sur des sujets tels que le terrorisme ou les délits financiers, il est fréquent que de nombreuses personnes fassent l'objet d'investigations sans pour autant être renvoyées devant la juridiction de jugement. Est-il cohérent de donner accès au dossier, voire d'offrir la possibilité de solliciter des actes et de formuler un avis sur l'enquête, à des personnes qui ne seront même pas parties au procès et qui, contrairement à l'instruction, ne bénéficient d'aucun statut comparable à celui de témoin assisté (238) ou de mis en examen ?

Source : Rapport n° 3515 de Mme Colette Capdevielle et M. Pascal Popelin, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale

La commission des lois, s'inspirant de la rédaction de l'article 175 du code de procédure pénale relatif à la mise en état de l'instruction avant règlement, avait tout d'abord prévu que son dispositif de contradictoire n'interviendrait qu'une fois que le procureur estime l'enquête terminée, jugeant que cette condition, qui relève certes de l'appréciation discrétionnaire du procureur, était objectivement observable en ce qu'elle précède la clôture de la phase d'enquête pour donner une suite aux investigations accomplies.

Elle a ensuite supprimé toute référence à un délai afin de simplifier les démarches et créer « les conditions d'une égalité entre les enquêtes longues et les dossiers traités plus brièvement - ces derniers échappant à tout contradictoire dans la version proposée par le Gouvernement » et prévu que la consultation ne serait pas non plus « conditionnée à une quelconque mesure d'enquête privative ou restrictive de liberté, la Commission ayant estimé fortement improbable que des poursuites puissent être engagées à l'encontre d'une personne n'ayant jamais fait l'objet de la moindre audition par les enquêteurs ».

Enfin, la commission des lois a limité la communication « à la victime, au plaignant et à la seule personne que le procureur de la République envisage de poursuivre, donc aux seules parties au procès - sauf à ce qu'il recoure à la procédure du défèrement contradictoire » et, outre la communication, maintenu la liberté pour le procureur de la République de communiquer, à tout moment, tout ou partie de la procédure.


Le rétablissement en séance de l'article 20 dans une version proche du texte initial

Le Gouvernement a considéré que les dispositions adoptées par la commission des lois constituaient « un bouleversement majeur, totalement inapplicable et sur le fond profondément injustifié, de la procédure pénale » 238 ( * ) .

Il a d'abord souligné que ce dispositif était de nature à obliger le procureur, avant toute décision de poursuite à l'issue d'une enquête préliminaire, notamment avant une convocation par officier de police judiciaire, une citation directe, une ordonnance pénale, une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou d'ouverture d'information, de communiquer le dossier à la personne suspecte et la victime, et d'attendre un mois leur éventuelles observations avant de prendre sa décision.

Cette communication du dossier et ce délai d'attente d'un mois seraient ainsi applicables, au vu de l'évaluation réalisée par le ministère de la justice, dans environ 375 000 procédures chaque année, et l'impact de cette réforme en ETP de magistrats du parquet et fonctionnaires du greffe serait donc extrêmement important.

Le Gouvernement a ensuite fait valoir qu'une telle réforme « mettrait par ailleurs totalement fin, hors le cas limité de la flagrance, à la pratique du traitement en temps réel, en interdisant au procureur de décider du mode de poursuites, à l'issue de l'audition de la personne au cours de l'enquête, notamment le recours à la COPJ [convocation par officier de police judiciaire] qui intervient dans 150 000 procédures chaque année ».

Puis, il a ensuite souligné que si, après la communication de l'entier dossier - qui ne pourra pas intervenir immédiatement, sauf à créer une nouvelle charge inacceptable pour les services enquêteurs, et après le délai d'observations d'un mois, le procureur décide cependant d'une COPJ, il appartiendra aux forces de l'ordre de convoquer à nouveau la personne pour lui signifier ces poursuites, ce qui aggravera encore le poids de leur tâche. L'impact de la réforme sur les forces de police et de gendarmerie serait donc également extrêmement important. Si le procureur renonce à une COPJ et décide d'une citation directe par un huissier, l'impact sur les frais de justice sera alors considérable, puisque 150 000 citations devraient s'ajouter aux 30 000 citations annuelles.

Enfin, sur le fond, dans la très grande majorité des procédures, dans lesquelles les faits sont soit simples soit non contestés, cette phrase contradictoire obligatoire et systématique ne sera d'aucune utilité pour l'exercice des droits de la défense.

Le Gouvernement a en conséquence estimé « indispensable de revenir à un dispositif plus proche de celui du projet initial », tout en prenant en compte certaines « des interrogations et critiques pertinentes de la commission des lois ».

Les modifications apportées par cet amendement, adopté par les députés, sont les suivantes :

En premier lieu, le critère de l'enquête préliminaire de plus d'un an, condition du reste difficile à connaître par la personne, n'est pas retenu. En revanche est maintenue la condition essentielle consistant en une demande formée par une personne mise en cause six mois auparavant au cours de l'enquête. Cette condition est doublement indispensable, d'une part pour s'assurer que ce dispositif ne s'appliquera que si la personne suspectée estime nécessaire de faire des observations, d'autre part pour tenir compte des contraintes matérielles des enquêteurs et des parquets qui exigent de leur donner un délai d'au moins six mois pour clôturer et enquête et prendre une décision sur l'action publique sans imposer une possible phase contradictoire. Ce délai de six mois sera du reste une incitation pour clôturer rapidement les enquêtes simples, et son non-respect constituera un indice d'une possible complexité du dossier, justifiant donc l'ouverture, à la demande, d'une phase contradictoire.

En deuxième lieu, en cas de demande, la communication du dossier ne devra intervenir, comme le proposait le texte de la commission, que lorsque l'enquête sera terminée, critère clair et objectif, similaire à celui de l'avis de fin d'information prévu par l'article 175, et non lorsque le procureur estimera la procédure communicable.

En troisième lieu, la communication ne devra être faite qu'aux personnes que le parquet envisage de poursuivre, ainsi que le précisait le texte de la commission. Plus précisément, ce ne sera que si le parquet envisage des poursuites par COPJ ou citation directe que la communication sera nécessaire. En effet, dans tous les autres cas, elle n'est pas justifiée : en cas de défèrement, l'article 392 prévoit déjà une procédure contradictoire ; en cas d'ouverture d'information, la procédure devient alors par nature totalement contradictoire ; en cas de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), la procédure est non seulement contradictoire, mais exige l'accord de la personne ; enfin, en cas d'ordonnance pénale, outre que cette procédure s'applique dans des affaires simples, l'ordonnance est susceptible d'opposition par la personne.

En quatrième lieu, ce dispositif ne s'appliquera que pour les infractions punies d'une peine privative de liberté, car il serait excessif de le prévoir non seulement pour des contraventions, mais également pour des délits non punis d'une peine d'emprisonnement, délits qui ne permettent ni le placement en garde à vue, ni l'assistance d'un avocat au cours de l'audition libre.

En cinquième lieu, il est précisé que le dispositif s'applique à la victime ayant déposé plainte, ce qui est plus exact et cohérent que le projet, qui parlait de façon générale de la victime, même en l'absence de plainte, ou que le texte de la commission, qui parlait à la fois de la victime et du plaignant. En effet, au cours de l'instruction, le contradictoire ne s'applique qu'à la victime qui s'est constituée partie civile, et il est donc logique qu'il s'applique au cours de l'enquête à la victime qui a déposé plainte.

En sixième lieu, le droit à l'accès au dossier en cas de poursuite de l'enquête et de nouvelle audition est mieux précisé, dans un IV de l'article 77-2 : ce droit ne s'appliquera que si la personne qui a fait la demande a déjà été entendue, en audition libre ou garde à vue, et pas si elle a simplement fait l'objet d'une perquisition ou d'une saisie, qui peut en effet concerner une personne en fuite et qui n'est interpellée que six mois plus tard et qui aurait alors communication du dossier dès sa première audition ; il est précisé qu'à défaut d'information sur la mise à disposition du dossier cinq jours ouvrables avant l'audition, la personne pourra demander le report de celle-ci, ce qui, à défaut d'une telle demande, évitera une annulation de la procédure ; ces règles s'appliqueront en cas de nouvelle audition libre, mais pas en en cas de garde à vue sans convocation préalable, donc faisant suite à une interpellation, car la personne ne peut évidemment être informée cinq jours auparavant, et dans ce cas sera uniquement prévu l'accès au dossier.

Il est par ailleurs précisé que la demande est en principe adressée au procureur saisi des faits, et uniquement à défaut, si cette information n'est pas connue de la personne, au procureur de la République dans le ressort duquel l'enquête a été menée.

Enfin, les modalités d'application dans le temps des nouvelles dispositions sont précisées. La demande de règlement contradictoire de l'enquête ne pourra être formée que par les personnes ayant fait l'objet d'un acte de procédure après l'entrée en vigueur de la loi, et non pas par toutes les personnes déjà entendues six mois auparavant. Le procureur pourra toutefois, dès cette entrée en vigueur, communiquer le dossier en application du II de l'article 77-2. Cela permettra une montée en puissance progressive de la réforme sans désorganiser le fonctionnement des parquets.

Source : objet de l'amendement n° 553 rectifié du Gouvernement


La position de votre commission

Votre rapporteur se déclare convaincu par les arguments mis en avant par le Gouvernement et estime également que l'amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale aurait été inapplicable et source d'alourdissements substantiels des procédures pénales conduites par les parquets.

Pour autant, tout en saluant le rétablissement d'une version de l'article 24 plus proche du texte initial, votre rapporteur a constaté, au cours des auditions qu'il a conduites pour la préparation de son rapport, que le dispositif du Gouvernement continuait à susciter des interrogations substantielles de la part des magistrats en matière d'applicabilité, alors même que l'un des objectifs du texte est de simplifier les procédures pénales. Il relève en outre qu'aucune obligation de nature constitutionnelle ou conventionnelle n'oblige à procéder à une telle évolution de notre droit .

En effet, comme le relève le rapport de Jacques Beaume 239 ( * ) , l'exigence du contradictoire doit s'apprécier sur l'ensemble d'une procédure pénale : les droits de la personne mise en cause peuvent ne pas être les mêmes au cours de l'enquête, phase de recueil d'éléments permettant la manifestation de la vérité, et de l'instruction ou du procès si l'action publique est engagée, pendant lequel le contradictoire doit être pleinement respecté.

Par conséquent, sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-110 dont le but principal est de permettre l'ouverture d'une fenêtre de contradictoire pour les enquêtes préliminaires les plus longues sans remettre en cause leur efficacité. Outre des améliorations rédactionnelles, cet amendement prévoit de :

- porter de six mois à un an le point de départ à partir duquel une personne mise en cause dans une enquête préliminaire peut demander à consulter le dossier de la procédure ;

- limiter les actes susceptibles d'ouvrir le contradictoire aux seules mesures de garde à vue et d'audition libre ;

- permettre au procureur de la République de décider de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (qui impose l'accord de la personne mise en cause) prévue aux articles 495-7 à 495-13 du code de procédure pénale pendant le mois pendant lequel la personne peut formuler des observations ;

- supprimer les dispositions en vertu desquelles la personne ayant déjà fait l'objet d'une garde à vue ou d'une audition libre peut consulter le dossier avant de faire l'objet d'une nouvelle audition ou d'une garde à vue.

Votre commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article 25 (supprimé) (art. 100-1, 100-2 et 100-7 du code de procédure pénale) -Encadrement des interceptions de correspondances émises par la voie de télécommunications

L'article 25 vise à préciser les modalités d'interceptions des correspondances émises par la voie des télécommunications, placées sous l'autorité du juge judiciaire, qui recouvrent les écoutes téléphoniques mais également l'interception judiciaire de toute correspondance émise par un système de télécommunication (SMS, email, etc.)


Le régime actuel des interceptions judiciaires de correspondances

À la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) du 24 avril 1990 240 ( * ) , le législateur a adopté la loi du 10 juillet 1991 241 ( * ) qui affirme, dans son article premier, le principe du secret des correspondances auquel il ne peut être porté atteinte que dans les limites fixées par la loi. Deux principales exceptions sont prévues : les interceptions de sécurité (dites administratives) et les interceptions judiciaires.

Le régime des interceptions judiciaires défini par la loi de 1991, aux articles 100 à 100-7 du code de procédure pénale, a confié au seul juge d'instruction la possibilité de prescrire des interceptions « lorsque les nécessités de l'instruction l'exigent », en matière criminelle et correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement. La décision est prise pour une durée maximale de quatre mois renouvelable, sans limitation quant au nombre de renouvellements. Cette décision écrite n'est ni motivée ni susceptible d'un recours juridictionnel.

Depuis la loi du 9 mars 2004 242 ( * ) , le juge des libertés et de la détention peut également autoriser des interceptions de correspondances pendant une enquête de flagrance ou préliminaire relative à l'une des infractions dans le cadre des enquêtes de flagrance ou préliminaires relatives à la criminalité organisée. Ces interceptions sont ordonnées pour une durée maximale d'un mois, renouvelable une seule fois.

Si le législateur n'a pas entendu limité la mesure aux seuls suspects, il a néanmoins prévu un régime spécifique pour certaines personnes, à raison de leur mandat ou de leur profession. Ainsi, avant toute interception sur une ligne appartenant à un parlementaire, à un avocat ou à un magistrat, le président de l'assemblée du parlementaire, le bâtonnier et le premier président ou le procureur général de la juridiction du magistrats doivent être respectivement informés.


Le renforcement des garanties encadrant l'interception de correspondances

L'article 25 du présent projet de loi entend renforcer les garanties relatives aux interceptions judiciaires afin de prévenir tout risque d'inconstitutionnalité ou d'inconventionnalité.

À cette fin, il prévoit la motivation de toutes les ordonnances du juge d'instructions, aux fins d'interceptions de correspondances, et encadre la durée totale d'une opération d'interception. Celle-ci ne pourrait excéder un an, ou deux ans dans les affaires de délinquance et de criminalité organisées.

En outre, le présent article entend renforcer la protection des professions protégées en soumettant l'interception de correspondances sur la ligne d'un parlementaire, d'un avocat ou d'un magistrat à l'appréciation du juge des libertés et de la détention, y compris lors d'une instruction.

Votre rapporteur remarque que le Conseil constitutionnel ne s'est jamais prononcé sur la constitutionnalité du régime de droit commun des écoutes et qu'à l'occasion du contrôle a priori de la loi du 9 mars 2004, il a validé le dispositif applicable en matière de criminalité et délinquance organisées. Comme le relève également l'étude d'impact du présent projet de loi 243 ( * ) , aucune décision judiciaire n'a déclaré les dispositions contraires aux exigences conventionnelles. De même, il semble qu'aucun pays de la CEDH n'ait limité la durée totale de l'utilisation d'une technique d'enquête.

De plus, ces dispositions semblent n'offrir aucune garantie supplémentaire par rapport au droit existant, puisqu'en pratique, aucune interception de correspondances ne s'effectue sur la même ligne pendant plus de deux ans, eu égard aux changements de numéros fréquents des délinquants et criminels.

Alors que l'obligation de motivation des ordonnances ne découle d'aucune norme supra-nationale, elle poserait néanmoins d'importantes difficultés dans certaines affaires où il est parfois nécessaire de mettre en place de nombreuses interceptions dans des délais très courts.

Enfin, votre rapporteur s'interroge sur les dispositions soumettant la décision d'une interception de communication concernant une profession protégée à l'examen du juge des libertés et de la détention, plutôt qu'au juge d'instruction. Cette disposition remet en question le positionnement de ce juge, créé par le législateur afin que le « juge de l'enquête », à savoir le juge d'instruction ne soit pas également celui qui statue sur la détention. Or ce dispositif concentrerait à nouveau dans les mains d'un même juge à la fois les autorisations liées à l'enquête et les décisions de détention provisoire. Ce dispositif symbolise, selon les magistrats entendus par votre rapporteur, un acte de défiance à l'égard du juge d'instruction alors même que celui-ci bénéficie de garanties statutaires supérieures 244 ( * ) .

Au regard de ces observations, votre rapporteur a considéré que l'article 25 n'apportait que des garanties superficielles. Dès lors, votre commission a adopté l' amendement COM-111 de son rapporteur supprimant l'article 25.

Votre commission a supprimé l'article 25.

Article 25 bis A (supprimé) (art. 230-44-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Interdiction d'utilisation de la géolocalisation à l'encontre des parlementaires et des membres des professions protégées

L'article 25 bis A a été introduit par les députés à l'initiative du Gouvernement. Dans le prolongement de l'article 2 bis qui prohibe l'usage des techniques spéciales d'enquête en matière de criminalité organisée à l'encontre des parlementaires ou des membres des « professions protégées » (magistrats, avocats et journalistes) à raison de l'exercice du mandat ou de la profession, cet article prévoit qu'aucune mesure de géolocalisation judiciaire régie par les articles 230-32 à 230-44 du code de procédure pénale ne pourrait être ordonnée à l'encontre de ces mêmes personnes à raison de leur mandat ou de leur fonction.

Comme votre rapporteur l'a exposé dans son commentaire de l'article 2 bis , une telle disposition est en partie redondante avec la lettre de l'article 230-34 qui prévoit déjà des protections particulières pour les parlementaires et membres des « professions protégées » en indiquant qu'un dispositif de géolocalisation ne peut être mis en oeuvre si son installation suppose l'introduction dans un bureau ou un domicile d'une personne ayant une telle qualité.

Par conséquent, sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-112 de suppression de cet article.

Votre commission a supprimé l'article 25 bis A .

Article 25 bis (art. 56, 56-5 [nouveau], 57, 57-1, 60-1, 77-1-1, 96, 99-3, 230-34, 695-41, 706-96, 706-96-1 et 706-102-5 du code de procédure pénale) - Perquisitions et saisies dans les locaux d'une juridiction

Issu d'un amendement de la rapporteure de la commission des lois de l'Assemblée nationale, le présent article vise à tirer les conséquences de la décision n° 2015-506 QPC du 4 décembre 2015 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution certaines dispositions relatives aux modalités de perquisition et de saisie en matière pénale. Ces dispositions faisaient initialement l'objet d'une habilitation à légiférer par ordonnance ( 5° du II de l'article 33 ).

Les régimes de la perquisition

Le régime de la perquisition diffère selon qu'elle est réalisée en enquête de flagrance, lors d'une enquête préliminaire ou dans le cadre de l'instruction.

En enquête de flagrance, aux termes des articles 56 et 57 du code de procédure pénale, les perquisitions peuvent être réalisées d'initiative par les officiers de police judiciaire et sans le consentement de l'occupant.

Lors d'une enquête préliminaire, le régime défini à l'article 76 du code de procédure pénale impose l'assentiment de la personne concernée aux mesures de perquisitions et saisies, sauf autorisation du juge des libertés et de la détention et à l'exception du dispositif dérogatoire propre à la délinquance et à la criminalité organisées.

Enfin, sur le fondement des articles 81, 92 et 94 du même code, le juge d'instruction peut procéder à des perquisitions et des saisies, en présence de la personne concernée, ou à défaut, de ses représentants ou de deux témoins.

Le code de procédure pénale distingue les perquisitions de droit commun de celles effectuées chez une profession protégée.

L'article 56 et 96 du code, qui fondent notamment le cadre général des perquisitions, disposent que les personnes procédant à une perquisition ou à une saisie doivent prendre toutes mesures afin d'assurer « le respect du secret professionnel et des droits de la défense ».

De plus, le code de procédure pénale organise des modalités d'application spécifique des perquisitions pour les parlementaires et membres des professions protégées.

Selon l'article 56-1, les perquisitions réalisées dans un cabinet d'avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par « un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d'une décision écrite et motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci ». En outre, seuls le magistrat et le bâtonnier, ou son délégué, ont le droit de « consulter ou de prendre connaissance des documents ou des objets se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans la décision de perquisition ».

Les perquisitions réalisées les locaux d'une entreprise de presse , obéissent également à un régime spécifique prévu à l'article 56-2. Ces opérations ne peuvent être effectuées que « sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci ». A l'instar du dispositif propre aux avocats, seuls le magistrat et la personne concernée ont « le droit de prendre connaissance des documents ou des objets découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie ». Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans la décision de perquisition.

En outre, selon l'article 56-3 du code de procédure pénale, les perquisitions réalisées dans le cabinet d'un médecin, d'un notaire ou d'un huissier doivent également être effectuées par un magistrat et en présence de la personne responsable de l'ordre à laquelle la personne appartient. Enfin, un magistrat de la Commission consultative du secret de la défense nationale doit nécessairement être présent lors de perquisitions dans un lieu identifié comme abritant des éléments couverts « par le secret de la défense nationale », selon l'article 56-4 du code.

Si le code de procédure pénale ne détermine pas de règles particulières concernant les perquisitions réalisées dans les locaux des assemblées parlementaires, celles-ci sont soumises à une autorisation préalable du président de l'assemblée concernée.

Il est dès lors surprenant de constater, qu'en dehors de la mention relative aux mesures utiles « afin d'assurer le respect du secret professionnel et les droits de la défense », aucune disposition particulière ne concerne les magistrats.

Cette absence de dispositions spécifiques a conduit le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2015-506 QPC245 ( * ), a déclaré contraires à la Constitution certaines dispositions de l'article 56 et 57 du code de procédure pénale. Le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur avait méconnu sa compétence pour encadrer les atteintes au principe d'indépendance des juridictions, dont découle le respect du secret du délibéré. En raison du caractère général des dispositions censurées, les effets de cette déclaration ont été reportés au 1er octobre 2016.

Le présent article vise à répondre à cette décision du Conseil constitutionnel en créant un nouvel article 56-5 du code de procédure pénale, relatif aux « perquisitions dans les locaux d'une juridiction ou au domicile d'une personne exerçant des fonctions juridictionnelles et qui tendent à la saisie de documents susceptibles d'être couverts par le secret du délibéré », s'inspirant des dispositions existantes relatives aux professions protégées.

A l'instar des dispositifs actuellement prévus pour les professions protégées, les perquisitions dans les locaux d'une juridiction ou au domicile d'une personne exerçant des fonctions jurisprudentielles ne pourront avoir lieu que « sur décision écrite et motivée » d'un magistrat « et en présence du premier président de la cour d'appel ou du premier président de la Cour de cassation ou de son délégué ». Seuls le magistrat, le premier président ou son délégué pourraient consulter ou prendre connaissance des documents ou des objets se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie.

Le présent article propose explicitement d'inscrire dans le code de procédure pénale que le magistrat présent veille à ce que « les investigations conduites ne portent pas atteinte à l'indépendance de la justice ».

En outre, à l'instar du dispositif prévu pour les avocats et selon les mêmes modalités, le premier président ou son délégué pourront s'opposer à la saisie d'un document, qui serait alors placé sous scellé fermé et transmis à un juge des libertés et de la détention, compétent pour décider de la saisie éventuelle du document.

Enfin, le II du présent article reporte l'entrée en vigueur du présent article au 1er octobre 2016, compte tenu de l'effet différé de la décision du Conseil constitutionnel.

Votre commission a approuvé l'économie générale de ce dispositif. Elle a toutefois adopté un amendement COM-114 de coordination et un amendement COM-113 de son rapporteur visant à permettre l'intervention du procureur général près la cour d'appel lorsque le magistrat concerné appartiendrait au parquet.

Votre commission a adopté l'article 25 bis ainsi modifié .

Article 26 (art. 179, 186-2, art. 186-4, 186-5 et 194-1 [nouveaux], art. 199, 574-1 et 728-69 du code de procédure pénale) - Sécurisation du contentieux de la détention provisoire

L'article 26 améliore certains aspects procéduraux du contentieux de la détention provisoire dans le prolongement de recommandations émises par la Cour de cassation dans plusieurs de ses rapports annuels et d'une décision du Conseil constitutionnel sur une décision prioritaire de constitutionnalité 246 ( * ) . Ses dispositions figuraient au sein de l'article 23 de la loi « DADUE », déclaré contraire à la Constitution pour absence de lien avec ce texte 247 ( * ) . Cet article n'a fait l'objet que de modifications rédactionnelles de la part de l'Assemblée nationale, introduites en commission des lois à l'initiative de sa rapporteure.


Le maintien en détention provisoire après renvoi devant la juridiction

Selon les termes de l'article 179 du code de procédure pénale, l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel prise par le juge d'instruction, quand il estime que les faits dont il est saisi sont constitutifs d'un délit, met fin à la détention provisoire 248 ( * ) . Toutefois, il peut, dans une ordonnance distincte spécialement motivée 249 ( * ) , maintenir le prévenu en détention provisoire dans l'attente de la comparution du prévenu devant la juridiction.

Le prévenu en détention est immédiatement remis en liberté si le tribunal correctionnel n'a pas commencé à examiner au fond à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de l'ordonnance de renvoi.

Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut se tenir avant l'expiration de ce délai, le tribunal peut, à titre exceptionnel, par une décision mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle durée de deux mois. La comparution personnelle du prévenu est de droit si lui-même ou son avocat en fait la demande. Cette décision peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes. Si le prévenu n'a toujours pas été jugé à l'issue de cette nouvelle prolongation, il est remis immédiatement en liberté.

D'après les indications fournies dans l'étude d'impact du projet de loi, la Cour de cassation appelle de ses voeux, de manière régulière dans ses derniers rapports annuels, une clarification législative des délais sanctionnés par la mise en liberté, « notamment en cas de décision de renvoi devant le tribunal correctionnel prise en application de l'article 179 du code de procédure pénale ». La difficulté créée par l'actuelle rédaction de l'article 179 est l'absence de mention des délais applicables dans le cas où l'ordonnance de renvoi est frappée d'appel ou fait l'objet d'un pourvoi en cassation . La Cour de cassation préconise à cet égard la transcription dans les textes de solutions jurisprudentielles qu'elle a dégagées dans ses arrêts du 5 février 2014 250 ( * ) :

- la chambre de l'instruction qui statue sur appel d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel n'est pas soumise aux règles gouvernant la durée de la détention provisoire pendant l'instruction ;

- le délai de comparution devant la juridiction de deux mois ne court pas tant que l'ordonnance n'est pas définitive du fait d'un appel ;

- le tribunal correctionnel n'est pas compétent pour prolonger la détention provisoire de deux mois tant que l'ordonnance n'est pas définitive du fait d'un appel.

Afin que les délais applicables soient fixés avec précision 251 ( * ) , le I de l'article 26 dispose que le délai de deux mois dans lequel le tribunal correctionnel doit commencer à examiner au fond l'affaire, à défaut de quoi le prévenu maintenu en détention provisoire est remis immédiatement en liberté, s'applique à compter de la date de l'ordonnance de renvoi, ce qui constitue le droit actuellement en vigueur, mais également :

- en cas d'appel 252 ( * ) , de l'arrêt de renvoi non frappé de pourvoi, de l'arrêt déclarant l'appel irrecevable, de l'ordonnance de non-admission rendue en application du dernier alinéa de l'article 186 253 ( * ) ou de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation rejetant le pourvoi ;

- de la date à laquelle le prévenu a été ultérieurement placé en détention provisoire 254 ( * ) .

Par coordination, le II insère deux articles dans le code de procédure pénale ayant respectivement pour but :

- de préciser qu'en cas d'appel sur une ordonnance de renvoi, la chambre de l'instruction statue dans les deux mois de l'ordonnance 255 ( * ) , faute de quoi la personne détenue est remise d'office en liberté (article 186-4) ;

- d'indiquer que les délais relatifs à la durée de détention provisoire résultant des articles 145-1 à 145-3 pendant le temps de l'information judiciaire ne sont plus applicables dès lors que le juge d'instruction a rendu son ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement, y compris en cas d'appel formé contre cette ordonnance (article 186-5).

Enfin, le V de l'article 26 vise à combler une lacune du droit en vigueur dans la mesure où l'article 574-1 du code de procédure pénale prévoit certes que la chambre criminelle de la Cour de cassation saisie d'un pourvoi contre un arrêt portant mise en accusation devant la cour d'assises doit statuer dans les trois mois de la réception du dossier à la Cour mais n'enserre pas l'examen d'un pourvoi formé sur une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel 256 ( * ) dans des délais similaires. Si la jurisprudence de la Cour de cassation a certes admis le principe d'une extension de ce délai aux ordonnances de renvoi 257 ( * ) , il est néanmoins proposé de combler ce silence en précisant explicitement que ce délai de trois mois leur est applicable.


Les délais d'examen de l'ordonnance de renvoi après cassation

L'étude d'impact du projet de loi relève que le rapport annuel pour l'année 2014 de la Cour de cassation mentionne le fait que la chambre criminelle a connu des situations dans lesquelles « des demandes de mise en liberté avaient fait l'objet d'un examen par la juridiction de renvoi, alors qu'un délai important s'était écoulé depuis des arrêts de cassation ».

Dans sa rédaction actuelle, l'article 194 du code de procédure pénale prévoit qu'en matière de détention provisoire, par dérogation au délai de droit commun de deux mois, la chambre de l'instruction doit se prononcer « dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas, faute de quoi la personne concernée est mise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu au présent article ».

L'article 194 ne précise cependant pas les délais qui sont applicables quand la chambre de l'instruction est saisie d'un appel sur renvoi après cassation. La constitutionnalité de cette absence de délai légal a été contestée dans une instance et renvoyée sous la forme d'une question prioritaire par la Cour de cassation.

Dans sa décision 258 ( * ) , le Conseil constitutionnel a considéré que cette absence de délai ne portait pas atteinte à des exigences constitutionnelles mais que « le droit à un recours juridictionnel effectif » imposait que « le juge judiciaire soit tenu de statuer dans les plus brefs délais » et qu'il appartenait « aux autorités judiciaires, sous le contrôle de la Cour de cassation, de veiller au respect de cette exigence, y compris lorsque la chambre de l'instruction statue sur renvoi de la Cour de cassation ». Le Conseil a par conséquent, tout en déclarant l'article 194 conforme à la Constitution, invité le législateur à modifier les dispositions législatives contestées pour préciser ces délais 259 ( * ) .

Le III de l'article 26 répond précisément à cette invitation par l'insertion dans le code de procédure pénale d'un nouvel article 194-1 consacré à cette question. Il dispose qu'en cas de saisine sur renvoi après cassation de la chambre de l'instruction, cette dernière doit statuer dans les délais fixés prévus aux articles 148-2 (dix ou vingt jours), 186-2 (quatre mois), 186-4 (deux mois) et 194 (dix ou quinze jours). Par parallélisme avec le point de départ retenu à l'article 567-2 quand la chambre criminelle est saisie d'un pourvoi en cassation en matière de détention provisoire, ces délais courraient à compter de la réception par le procureur général près la cour d'appel de l'arrêt et du dossier transmis par le procureur général près la Cour de cassation.


La comparution personnelle du prévenu devant la chambre de l'instruction

Dans sa version en vigueur, l'article 199 dispose qu'en matière de détention provisoire, la comparution personnelle de la personne concernée devant la chambre de l'instruction est de droit si celle-ci ou son avocat en fait la demande. Cette requête doit alors, à peine d'irrecevabilité, être présentée en même temps que la déclaration d'appel ou que la demande de mise en liberté adressée à la chambre de l'instruction. Toutefois, le président de cette juridiction peut, en cas d'appel d'une ordonnance rejetant une demande de mise en liberté et si la personne a déjà comparu devant la chambre de l'instruction moins de quatre mois auparavant, refuser la comparution personnelle de l'intéressé par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours. Dans le cas où le prévenu comparaît personnellement, le délai maximum prévu au dernier alinéa de l'article 194 (dix ou quinze jours) est prolongé de cinq jours.

L'étude d'impact du projet de loi souligne que la Cour de cassation a fait valoir dans ses rapports annuels pour 2013 et 2014 que ces dispositions ne prévoient pas la comparution personnelle de droit du prévenu quand le ministère public fait appel d'une décision de refus de placement en détention provisoire ou de remise en liberté. Elle estime en conséquence qu'une telle précision serait de nature à accroître les droits de la défense et le respect du principe du procès équitable.

Le IV remédie à cette lacune en prévoyant une telle faculté de comparaître personnellement devant la chambre de l'instruction qui serait alors reconnue de droit à un prévenu libre en cas d'appel formé par le ministère public.

Il permet également de porter de cinq à dix jours le délai supplémentaire accordé à la chambre de l'instruction pour statuer dans le cas où elle est saisie sur renvoi après cassation 260 ( * ) et si le prévenu en détention demande à comparaître personnellement. L'étude d'impact précise que cet allongement se justifie par « le fait que la chambre de l'instruction de renvoi peut être plus éloignée du lieu de détention que la chambre initialement saisie, et qu'il doit donc être tenu compte des délais nécessaires pour organiser le transfèrement de la personne ».

Sur cet article, votre commission a tout d'abord adopté un amendement COM-115 de son rapporteur visant à préciser que le délai dans lequel la chambre de l'instruction doit statuer sur une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel (deux mois) ou une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises (quatre mois) s'apprécie à compter de la date de déclaration d'appel et non de la date de l'ordonnance elle-même. Puis, elle a adopté un autre amendement COM-116 de son rapporteur afin de clarifier l'organisation des dispositions relatives à la comparution personnelle du prévenu devant la chambre de l'instruction en cas d'appel du parquet. Enfin, elle a adopté l' amendement COM-142 du Gouvernement afin de reporter de deux mois l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 26, afin de permettre aux juridictions de prendre en compte ces nouvelles règles et d'éviter que leur non-respect ne provoque des annulations de procédures et des remises en liberté.

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.

Article 27 (supprimé) (art. L. 1521-18 du code de la défense) - Délai de présentation à l'autorité judiciaire en cas d'arrestation en mer

Le présent article complète l'article L. 1521-18 du code de la défense afin de prévoir la présentation à un juge, dans les plus brefs délais, des personnes faisant l'objet d'une garde à vue à la suite d'une arrestation en mer.

À la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, le 10 juillet 2008, dans une décision Medvedyev contre France 261 ( * ) , la loi n° 2011-13 du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer a déterminé, dans le code de la défense , un régime sui generis de détention à bord fixant le cadre des mesures de restriction ou de privation de liberté pouvant être prises par l'État français à l'égard de personnes arrêtées en mer. Lorsque des mesures de privation de liberté sont mises à l'oeuvre, à l'instar d'une arrestation de personnes sur des navires arraisonnés et de leur retenue en vue de leur acheminement vers la France, le préfet maritime en est informé ainsi que le procureur de la République compétent. Le juge des libertés et de la détention se prononce sur la prolongation éventuelle de la mesure dans un délai maximal de quarante-huit heures après le début de la mesure de coercition. Si l'article L. 1521-17 du code de la défense prévoit que les mesures de coercition peuvent être poursuivies sur le navire ou au sol, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, l'article L. 1521-18 dispose que « dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l'objet de mesures de coercition sont mises à la disposition de l'autorité judiciaire. »

Cet état du droit semble néanmoins en violation avec l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme , dont les paragraphes 1 c) et 3 disposent respectivement que nul ne peut être privé de sa liberté « sauf s'il a été arrêté ou détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente » et que « toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » .

Si la CEDH admet que des circonstances exceptionnelles empêchent de présenter « aussitôt » les suspects à un juge, notamment en raison de la distance les séparant du juge et eu égard aux conditions de navigation 262 ( * ) , elle a condamné par deux fois la France 263 ( * ) pour avoir soumis les personnes privées de liberté à une coercition supplémentaire à leur arrivée en France, en violation avec l'exigence de promptitude posé par l'article 5 de la convention : en l'espèce, elle condamne le placement en garde à vue, dès leur arrivée sur le sol français, des personnes suspectées et privées de liberté depuis plusieurs jours, afin de procéder à des mesures d'investigation alors que les individus aurait dû être traduits « sans délai » devant un juge.

Cette jurisprudence désormais affirmée de la CEDH concernant le droit à la sûreté implique, en premier lieu, une traduction rapide « dans un court délai » devant un juge de toute personne privée de liberté 264 ( * ) . Lorsque cette présentation a été différée en raison de « circonstances exceptionnelles », la CEDH est particulièrement vigilante sur l'exigence de présentation immédiate à un juge. En second lieu, elle nécessite une présentation devant un « juge ou autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ». Or la CEDH ne reconnaît aux magistrats du parquet français ni le caractère d'indépendance, en raison de leurs conditions de nomination, ni le caractère d'impartialité, puisque qu'il est autorité de poursuite 265 ( * ) .

Afin de mettre en cohérence le droit français avec cette jurisprudence de la CEDH, le présent article propose de préciser que les personnes faisant l'objet d'une mesure de garde à vue à leur arrivée sur le sol français sont présentées « dans les plus brefs délais » à un juge d'instruction ou à un juge des libertés et de la détention et qu'elles peuvent demander à être assistées par un avocat. Outre deux amendements rédactionnels de précision adoptés en commission des lois à l'initiative de notre collègue rapporteure Mme Colette Capdevielle, l'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission ne partage ni l'analyse du Gouvernement et de l'Assemblée nationale, ni l'analyse de la CEDH quant à l'absence de caractère impartial et indépendant du parquet français.

Dans une décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs rappelé que « l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet » et qu'est régulière toute privation de liberté placée sous le contrôle de ce magistrat, membre de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-31 de notre collègue André Reichardt afin de supprimer cet article.

Votre commission a supprimé l'article 27 .

Article 27 bis A (art. 706-15 du code de procédure pénale) - Information des victimes en cas de condamnation

L'article 27 bis A a été introduit dans le texte par les députés à la suite de l'adoption de trois amendements identiques respectivement déposés par MM. Coronado, Tourret et Cavard. Ses dispositions constituaient l'article 8 de la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne (texte dit « DADUE »), dans sa version résultant de la lecture définitive de l'Assemblée nationale le 23 juillet 2015, lequel avait été déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août dernier 266 ( * ) pour absence de lien avec ce texte.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 706-15 du code de procédure pénale dispose que lorsqu'une juridiction condamne l'auteur d'une infraction pénale mentionnée aux articles 706-3 et 706-14 du même code à verser des dommages-intérêts à la partie civile, elle informe cette dernière de la possibilité de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) 267 ( * ) .

L'article 27 bis A complète cet article 706-15 afin que la juridiction de jugement informe également la partie civile, dans les mêmes circonstances, de la possibilité de saisir le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) d'une demande d'aide au recouvrement.

Institué par la loi du 1 er juillet 2008 268 ( * ) , le service d'aide au recouvrement des victimes (SARVI) permet aux victimes qui n'ont pas été réglées volontairement par le condamné des sommes accordées par le tribunal, d'en obtenir rapidement le paiement total ou partiel. Dans ce cas, le SARVI se chargera de récupérer auprès du condamné le complément des sommes dues. Opérationnel depuis le 1 er octobre 2008, le SARVI est géré par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).

Les indemnisations versées par le SARVI s'étendent aux victimes qui ont subi de faibles préjudices corporels ou des préjudices matériels qui ne peuvent pas être indemnisées par la CIVI. La victime qui n'a pas été indemnisée par le condamné peut saisir le SARVI sur simple justification de la décision pénale définitive lui accordant des dommages et intérêts. Se substituant au responsable, le SARVI verse à la victime l'intégralité des dommages et intérêts jusqu'à hauteur de 1 000 euros. Au-delà, il règle une avance de 30 % de la somme, dans la limite d'un plafond de 3 000 euros. Si la victime n'a reçu qu'une avance de la part du condamné, le SARVI paie le complément de la somme qui lui reste due, et se charge d'obtenir le recouvrement auprès du condamné.

Le recours au SARVI doit être impérativement formé entre deux mois et un an à compter du jour où la décision statuant sur les dommages et intérêts devient définitive.

Votre commission a adopté l'article 27 bis A sans modification.

Article 27 bis

Cet article, adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale, a été supprimé par les députés lors de son examen en séance publique.

Article 27 ter (art. 41-7 [nouveau], 99, 99-2-1 [nouveau], 802-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Instauration d'un délai pour statuer sur une demande, formulée en cours d'instruction, de restitution d'objets placés sous main de justice et création d'une procédure de « référé-restitution » des objets placés sous main de justice

Cet article, inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, a pour objet de prévoir un délai au terme duquel le juge d'instruction doit se prononcer sur la demande, faite au cours de l'instruction, de restitution d'objets placés sous main de justice . En second lieu, cet article vise à créer une procédure nouvelle, dénommée « référé-restitution », permettant à une personne de demander la restitution des objets qui ont été saisis dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction, selon une procédure d'urgence, lorsque les biens saisis sont susceptibles de lui causer un préjudice économique « irrémédiable ».

- L'instauration d'un délai pour statuer sur la demande de restitution d'objet saisi présentée en cours d'instruction par le propriétaire de l'objet saisi

Le juge d'instruction, au cours de l'instruction, peut décider de la restitution d'objets saisis, en application de l'article 99 du code de procédure pénale.

Il peut le décider d'office, avec l'accord du procureur, être saisi de réquisitions du procureur de la République en ce sens ou être saisi par « toute (...) personne qui prétend avoir un droit sur l'objet ». Dans ce cas, le juge d'instruction rend également sa décision après avis du procureur de la République.

L'ordonnance du juge d'instruction peut être contestée dans les dix jours de sa notification devant la chambre de l'instruction.

Toutefois, l'article 99 ne fixe aucun délai au juge d'instruction pour statuer .

Ainsi, dans le cas où il ne statue pas, toute contestation de ce refus par le demandeur est de fait impossible.

En conséquence, dans sa décision n° 2015-494 QPC 269 ( * ) , le Conseil constitutionnel a estimé que l'absence de délai imposé au juge d'instruction sur la requête des personnes demandant la restitution était contraire à l'article 16 de la DDHC, relatif au droit de propriété : « Considérant que (...) l'impossibilité d'exercer une voie de recours devant la chambre de l'instruction ou toute autre juridiction en l'absence de tout délai déterminé imparti au juge d'instruction pour statuer conduit à ce que la procédure applicable méconnaisse les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété (...) » 270 ( * ) .

L'effet de cette censure a été différé au 1 er janvier 2017 .

En conséquence, le présent article instaure un délai d'un mois pour que le juge d'instruction statue, en prévoyant qu'en cas de non-respect de ce délai, le requérant peut saisir directement la chambre de l'instruction de la demande.

Devant la chambre d'instruction, le président de la chambre de l'instruction statuerait par ordonnance dans les huit jours suivant la réception de la demande pour saisir ou non la chambre de l'instruction (art. 186-1 du code de procédure pénale), qui statuerait alors le cas échéant sur la demande dans les deux mois suivant la transmission par le président (art. 194 du code de procédure pénale).

Pour prendre en compte la décision d'annulation différée, cette disposition entrerait en vigueur à compter du 1 er janvier 2017 .

Pour prévenir d'éventuels recours fondés sur le même grief que celui ayant abouti à la décision 2015-494 QPC précitée, le présent article crée un article 802-1 au sein du code de procédure pénale pour prévoir de manière générale qu'en cas d'absence de délai pour statuer pour un magistrat sur une demande présentée, l'absence de réponse du ministère public ou de la juridiction pourrait être contestée dans un délai de deux mois devant l'autorité supérieure. Cette procédure ne serait en tout état de cause applicable que pour les demandes devant faire l'objet de décisions motivées et étant susceptibles de recours .

Cette disposition, qui permettrait donc de prendre en compte de manière générale la décision du Conseil constitutionnel, cèderait devant les dispositions législatives spéciales prévoyant une procédure spécifique pour contester une décision motivée.

Cette disposition générale, certes utile, ne s'appliquerait en l'état de sa rédaction qu'au code de procédure pénale. Or, dans de nombreux codes, ou même dans des dispositions législatives non codifiées, des dispositions relatives aux saisies ou immobilisations existent, sans qu'un délai ne soit fixé au magistrat pour se prononcer. Afin de sécuriser l'ensemble de ces procédures, votre commission a adopté un amendement COM-118 étendant cette disposition à l'ensemble des textes applicables .

- La création d'une procédure de « référé-restitution » pour les seuls biens nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle

Le présent article a également pour objet de créer une procédure permettant d'obtenir en urgence une décision sur une demande de restitution d'objet saisi, lorsque cette saisie causerait au propriétaire de l'objet saisi un préjudice professionnel ou économique « irrémédiable ».

Cette procédure de « référé-restitution » pourrait être mise en oeuvre aussi bien dans le cadre de l'instruction (art. 99-2-1 nouveau) que dans le cadre de l'enquête (art. 41-7 nouveau).

En cas de préjudice professionnel ou économique « irrémédiable », le demandeur pourrait demander la mise en oeuvre de cette procédure, qui imposerait au procureur de la République ou au juge d'instruction de statuer dans un délai de cinq jours suivant la demande.

En cas de refus, le demandeur pourrait saisir le président de la chambre d'instruction, dans un délai de 24 heures suivant la notification du refus, le président disposant alors de huit jours pour statuer sur la demande. Cette demande ne serait pas susceptible de recours.

En cas de non-respect des délais par le magistrat, le demandeur pourrait saisir directement le président de la chambre d'instruction.

En premier lieu, il peut être observé que le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée, n'impose pas de mettre en oeuvre une telle procédure d'urgence, dans la mesure où il n'impose que l'existence d'un recours effectif contre la décision de refus de restitution d'un bien.

En second lieu, la mise en oeuvre de cette procédure, même très encadrée, risque d'encombrer fortement les juridictions, dans la mesure où le nombre d'objets saisis est particulièrement important : à Marseille, près de 30 000 objets sont ainsi saisis annuellement.

La procédure apparaît ainsi contradictoire avec l'objectif de plusieurs articles du texte visant justement à simplifier et à améliorer le régime procédural des saisies, dans un objectif de bonne gestion des scellés.

Il ne semble donc pas opportun d'instaurer un tel instrument.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-117 de son rapporteur supprimant ces dispositions.

Votre commission a adopté l'article 27 ter ainsi modifié .

Article 27 quater (art. 61-3 [nouveau], 63-1, 63-2, 63-3-1, 63-4-2, 76-1, 117, 133-1, 135-2, 145-4, 154, 695-17-1[nouveau], 695-27 et 706-88 du code de procédure pénale, art. 323-5 du code des douanes, art. 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, art. 64 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et art. 23-1-1 de l'ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna) - Transposition de la directive dite « C » sur l'accès à l'avocat et la communication avec un tiers

L'article 27 quater résulte de de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement de sa rapporteure, visant à transposer certaines dispositions de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires, dite « directive C ». Cet article se substitue à l'habilitation inscrite au 1° du II de l'article 33.


Le droit à l'assistance d'un avocat

Les et du I du présent article visent à permettre aux personnes suspectes mais également aux victimes d'être assistés par un avocat lors des opérations de reconstitution ou d'identification des suspects. Ce droit s'appliquerait au cours des enquêtes de flagrance ainsi qu'au cours des enquêtes préliminaires et permettrait à l'avocat de présenter des observations écrites à l'issue de ces opérations, mais également lors de l'exécution des commissions rogatoires, en application du 10° du I.

Ces dispositions transposent l'article 3 de la directive 2013/48/UE, devant être transposée au plus tard le 27 novembre 2016, qui prévoit « l'exercice effectif du droit à l'assistance d'un avocat ».

Les 7° et 8° du I visent à reconnaître à la personne retenue par les services enquêteurs avant sa présentation devant un magistrat, au cours d'une information judiciaire, ainsi qu'à celle faisant l'objet d'un mandat d'arrêt et arrêtée après le règlement de l'information judiciaire le droit d'être examiné par un médecin et d'être assisté d'un avocat.

Enfin, les 11° et 12° complètent le chapitre IV du titre X du livre quatrième du code de procédure pénale relatif à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen afin de faciliter la désignation d'un avocat par une personne arrêtée en exécution d'un mandat d'arrêt et afin de permettre à la personne appréhendée de son droit à « demander à être assistée dans l'État d'émission par un avocat de son choix ou par un avocat commis d'office »


Le droit par le gardé à vue d'informer un tiers

Depuis la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 et en application de l'article 63-2 du code de procédure pénale, la personne gardée à vue a le droit de faire prévenir un proche et son employeur. Lorsque la personne gardée à vue est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays. Le 2° du I du présent article mentionne ce droit à l'article 63-1 qui énumère les droits dont bénéficie la personne gardée à vue.

Le II du présent article étend à la procédure de retenue douanière prévue par l'article 323-5 du code des douanes cette possibilité pour la personne étrangère placée en garde à vue de « faire contacter les autorités consulaires de son pays » et « de communiquer le cas échéant avec ces personnes ».

Enfin, par coordination, le III modifie l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante afin de prévoir que le report du droit du mineur placé en garde à vue d'informer un tiers de cette mesure ne peut être décidé par le magistrat que « pour permettre le recueil ou la conservation des preuves ou pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne, sur décision du procureur de la République ou du juge chargé de l'information prise au regard des circonstances de l'espèce ».


Les conditions permettant de différer le droit d'informer un tiers

Le 3° du I complète par ailleurs l'article 63-2 afin de préciser les conditions dans lesquelles le droit de la personne placée en garde à vue peut être différé.

Actuellement, un officier de police judiciaire peut demander au procureur de la République de ne pas faire droit à cette demande en raison des « nécessités de l'enquête » et il appartenait au procureur de la République de statuer.

Le présent article vise à préciser le critère fondant la décision du procureur. Le droit d'informer un tiers pourrait désormais être refusé ou différé « si cette décision est, au regard des circonstances de l'espèce, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne ». En cas de report de la garde à vue au-delà de 48 heures, seul le juge des libertés et de la détention pourra maintenir le report de cet avis, pour les mêmes motifs, « sauf lorsque l'avis concerne les autorités consulaires ».

L'officier de police judiciaire pourrait autoriser la personne à communiquer seulement « s'il lui apparaît que cette communication n'est pas incompatible » avec les objectifs de la garde à vue et « qu'elle ne risque pas de permettre une infraction pénale ». Les modalités et la durée de la conversation, qui ne pourrait pas excéder trente minutes, seraient décidées par l'officier de police judiciaire.

Le présent article prévoit également que l'avis aux autorités consulaires pour une personne étrangère ne peut pas être refusé au-delà de la quarante-huitième heure de garde à vue.

Le du I encadre également le droit de communication à des tiers des personnes placées en détention provisoire. Désormais, le juge d'instruction ne pourrait refuser l'usage du téléphone à un détenu que par décision écrite et spécialement motivée au regard des nécessités de l'instruction. Après la clôture de l'instruction, le procureur de la République exercerait les attributions du juge d'instruction en matière de communication au tiers.


Le report de la présence de l'avocat lors de la garde à vue

Le du I vise à encadrer les possibilités de reporter la présence de l'avocat lors d'une garde à vue.

Actuellement, l'article 63-4-2 du code de procédure pénale prévoit que la présence de l'avocat peut être reportée « pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes ».

Désormais, cette dérogation au droit à l'avocat devrait exiger non pas la prévention « d'une atteinte imminente aux personnes » mais la prévention d'une « atteinte grave et imminente à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne ». Cette précision rédactionnelle serait également applicable au régime de la garde à vue en matière de criminalité et de délinquance organisés.


Encadrement des interrogatoires immédiats

Le du I supprime la possibilité pour le juge d'instruction de procéder à des interrogatoires immédiats et à des confrontations en cas de crimes flagrants et non en cas d'urgence résultant « soit de l'état d'un témoin en danger de mort, soit de l'existence d'indices sur le point de disparaître ».

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté l'article 27 quater sans modification.

Article 27 quinquies A (nouveau) (art. 63-4-3-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Information de l'avocat en cas de transport du gardé à vue

L'insertion de l'article 27 quinquies A résulte de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-58 présenté par notre collègue Esther Benbassa.

Cet article, qui insère un nouvel article 63-4-3-1 dans le code de procédure pénale, vise à prévoir que l'avocat est informé du fait que la personne gardée à vue est transporté sur un autre lieu.

En effet, comme l'indique le rapport de la mission confiée à Jacques Beaume 271 ( * ) , « il n'est pas rare que, lors d'une audition, le mis en cause donne une information sur le lieu d'un butin, d'un cadavre, d'un instrument du crime, d'une cachette de complices, ou sur une circonstance matérielle ayant pu échapper aux diligences des enquêteurs....Cette audition ayant eu lieu en principe avec l'assistance de l'avocat, la découverte en présence du mis en cause d'éléments fournis par lui et péremptoires à son encontre, rend nécessaire, aux yeux de la mission, que ce transport ait lieu avec l'assistance de l'avocat (ou, au moins, celui-ci dûment appelé ) ».

Votre commission a adopté l'article 27 quinquies A ainsi rédigé .

Article 27 quinquies (art. 213 et 215 du code de procédure pénale) - Obligations procédurales applicables à la chambre de l'instruction

L'article 27 quinquies a été inséré par la commission des lois sur proposition de sa rapporteure. Il reprend les dispositions de l'article 24 de la loi « DADUE », censuré par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec ce texte 272 ( * ) .

L'article 213 du code de procédure pénale détermine les conditions dans lesquelles la chambre de l'instruction, saisie en appel d'une ordonnance d'un juge d'instruction, peut prononcer le renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police si elle estime que les faits constituent un délit ou une contravention. L'article 215 offre la même faculté pour ordonner la mise en accusation en cas de crime.

Les dispositions de l'article 27 quinquies tendent à compléter ces deux articles afin d'obliger la chambre de l'instruction, quand elle renvoie devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police ou met en accusation devant la cour d'assises, de mentionner les éléments à charge et à décharge . Une telle obligation avait été instaurée pour les ordonnances prises par le juge d'instruction avec la loi du 5 mars 2007 273 ( * ) mais n'avait pas été prévue pour les ordonnances de la chambre de l'instruction. Ces dispositions réparent de manière très opportune cette omission.

Votre commission a adopté l'article 27 quinquies sans modification.

Article 27 sexies

Cet article, adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale, a été supprimé par les députés lors de son examen en séance publique.

Article 27 septies (art. 723-15-2 du code de procédure pénale) - Délais d'examen d'un aménagement de peine par le juge de l'application des peines

Inséré par un amendement de la commission des lois présenté par sa rapporteure, l'article 27 septies constitue la reprise des dispositions de l'article 28 de la loi DADUE, censuré par le Conseil pour absence de lien avec ce texte 274 ( * ) .

Les articles 723-15 et 723-15-1 du code de procédure pénale précisent les conditions dans lesquelles le juge de l'application des peines peut, pour certains condamnés libres, prévoir un aménagement ou une conversion de peine « dans la mesure du possible et si leur personnalité et leur situation le permettent ». Avant toute décision, le condamné est convoqué devant le juge de l'application des peines, puis devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) « afin de déterminer les modalités d'exécution de sa peine les mieux adaptées à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale ».

Toutefois, en application de l'article 723-15-2, si le condamné ne souhaite pas bénéficier d'un aménagement ou d'une conversion de sa peine ou si, au vu du rapport motivé du SPIP, un tel aménagement ou une telle conversion ne lui paraît pas possible, le juge de l'application des peines peut fixer la date d'incarcération.

À défaut de décision du juge de l'application des peines dans les quatre mois suivant la communication de la copie de la décision 275 ( * ) , ainsi que dans les cas prévus par l'article 723-16, le ministère public peut ramener la peine à exécution 276 ( * ) .

L'article 27 septies a pour effet de porter de quatre à six mois le délai au-delà duquel, à défaut de décision du juge de l'application des peines, le parquet peut ramener la peine à exécution. Un tel dispositif vise par conséquent à laisser un délai de réflexion plus long au juge de l'application des peines pour favoriser les alternatives à l'incarcération.

Votre commission a adopté l'article 27 septies sans modification.

Article 27 octies (art. 762 du code de procédure pénale) - Modalités d'incarcération en cas de non-paiement des jours-amende

L'article 27 octies a été introduit par la commission des lois sur proposition de sa rapporteure. Il reprend les dispositions de l'article 29 de la loi « DADUE », censuré par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec ce texte 277 ( * ) .

Ces dispositions complètent l'article 762 du code de procédure pénale afin de permettre à une personne condamnée à une peine de jours-amende 278 ( * ) , et contre qui la mise à exécution de l'emprisonnement a été prononcée pour non-paiement, de prévenir cette mise à exécution ou d'en faire cesser les effets, si l'incarcération a été ordonnée mais n'a pas encore été mise à exécution, en payant l'intégralité de l'amende.

Votre commission a adopté l'article 27 octies sans modification.

Article 27 nonies (nouveau) (art. 230-8, 230-9 et 230-11 du code de procédure pénale) - Effacement des informations inscrites dans le fichier « Traitement d'antécédents judiciaires »

L'insertion de l'article 27 nonies dans le projet de loi résulte de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-144 présenté par le Gouvernement.

Dans un arrêt du 18 septembre 2014 279 ( * ) , la Cour européenne des droits de l'homme a constaté la violation par la France de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à raison des règles applicables au fichier STIC 280 ( * ) , remplacé par le fichier TAJ 281 ( * ) , qui ne permettent pas l'effacement des données du fichier en cas de classement sans suite pour un motif autre que l'insuffisance de charges.

Le présent article vise donc à mettre le droit interne en conformité avec la jurisprudence de la CEDH en prévoyant que l'ensemble des décisions de classement sans suite, quel qu'en soit le motif, peut donner lieu à l'effacement des données du fichier par le procureur de la République.

Il précise également, ainsi que le recommande la CEDH, que les décisions du procureur de la République tendant au maintien ou à l'effacement des données sont prises en fonction des finalités du fichier appréciées au regard de la nature et des circonstances de commission de l'infraction et de la personnalité de leur auteur.

Enfin, il institue un recours contre les décisions du procureur de la République et du magistrat-référent, à l'instar de celui prévu pour le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Votre commission a adopté l'article 27 nonies ainsi rédigé.

CHAPITRE II
Dispositions simplifiant
le déroulement de la procédure pénale

Article 28 (art. 18 du code de procédure pénale) - Simplification de l'extension de la compétence territoriale des officiers de police judiciaire

L'article 28 permet de dispenser les officiers de police judiciaire, qui suppléent leurs collègues, de voir leur habilitation modifiée par le parquet général.

Aux termes de l'article 16 du code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire doivent être personnellement habilités par le procureur général près la cour d'appel où ils exercent pour exercer effectivement « les attributions attachées à leur qualité d'officier de police judiciaire ». Leur compétence s'exerce, selon l'article 18 du même code « dans les limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles ».

En cas de besoin, les officiers de police judiciaire peuvent être amenés à suppléer leurs collègues officiers, disposant d'une compétence territoriale différente de la leur. L'avant-dernier alinéa de l'article 18 impose alors que cette extension de compétence fasse l'objet d'une habilitation spéciale du procureur général.

Or, les demandes d'habilitation représentent une lourde charge de gestion pour les parquets généraux. Il semble aujourd'hui nécessaire de « recentrer l'activité du parquet sur l'exercice de l'action publique dans les affaires individuelles » et à cette fin, alléger les tâches de gestion des parquets, comme le proposait le rapport de Jean-Louis Nadal « Refonder le ministère public ». De plus, selon plusieurs des interlocuteurs de votre rapporteur, les procédures d'habilitation sont complexes et parfois sources d'erreurs.

Par ailleurs, l'alinéa 2 de l'article 18 prévoit d'ores et déjà l'extension automatique de la compétence territoriale, sans habilitation spécifique, en cas de mise à disposition de l'officier dans un autre service ou une autre unité.

Le présent article propose d'unifier le dispositif d'habilitation, en supprimant le sixième alinéa de l'article 18 du code de procédure pénale, aux termes duquel les officiers de police judiciaire « peuvent, sur proposition des autorités administratives dont ils dépendent et par habilitation du procureur général, recevoir compétence dans les mêmes limites de compétence territoriale que celles des officiers de police judiciaire qu'ils sont appelés à suppléer en cas de besoin ». Ce dispositif aurait une double conséquence :

- le régime de la suppléance se trouverait aligné sur celui de la mise à disposition, qui étend automatiquement la compétence territoriale ;

- la procédure d'habilitation n'aurait plus à être renouvelée en cas de changement - temporaire ou définitif - de service ou d'unité d'affectation de l'officier de police judiciaire.

Cette simplification étant saluée tant par les officiers de police judiciaires que par les magistrats, votre commission a adopté l'article 28 sans modification .

Article 28 bis (nouveau) (art. 19 du code de procédure pénale) - Dématérialisation des actes de procédure pénale effectués par les officiers de police judiciaire

L'article 28 bis a été introduit par votre commission avec l'adoption de deux amendements identiques COM-120 282 ( * ) et COM-148 présentés par le rapporteur et le Gouvernement. Leur dispositif reprend celui de l'article 14 du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXI ème siècle, adopté par votre Haute assemblée en première lecture le 5 novembre 2015.

En vertu de l'article 19 du code de procédure pénale, les originaux des actes de procédure pénale établis par les officiers de police judiciaire sont transmis au procureur de la République dès la clôture des opérations. Ces mêmes officiers sont également tenus d'adresser une copie certifiée conforme des procès-verbaux qu'ils dressent.

Afin de réduire les délais de transmission de ces pièces et d'accélérer le déroulement des procédures pénales, la modification proposée par ces dispositions donne au procureur de la République la faculté d'autoriser que les procès-verbaux dématérialisés soient transmis, ainsi que leur copie, sous la forme d'un document numérique, le cas échéant par un moyen de communication électronique. La certification conforme des documents numérisés n'étant cependant pas envisageable à l'heure actuelle, cet article supprime par ailleurs cette exigence.

Dans la mesure où ces dispositions constituent une réelle simplification du déroulement de la procédure et que la première lecture du projet de loi « justice du XXI ème siècle » n'est pas encore programmée à l'Assemblée nationale, votre rapporteur a considéré que ces dispositions trouveraient plus opportunément leur place dans le présent projet de loi, qui compte en définitive assez peu de mesures de simplification de la procédure pénale. Il appartiendra ainsi aux députés de supprimer l'article 14 du projet de loi « justice du XXI ème siècle » qui ne contiendra dès lors plus aucune disposition de droit pénal 283 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 28 bis ainsi rédigé .

Article 28 ter (nouveau) (art. 20 du code de procédure pénale) - Qualité d'agent de police judiciaire conférée aux élèves-gendarmes affectés en unité opérationnelle

L'article 28 ter a été introduit dans le texte de la commission avec l'adoption de l' amendement COM-16 présenté par M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Actuellement, le statut des élèves-gendarmes, affectés en stage dans les unités opérationnelles à la fin de leur formation initiale de sous-officier, ne leur donne que des prérogatives d'agent de la force publique, ce qui limite considérablement leurs possibilités d'emploi et représente plus une charge qu'une aide pour les unités.

En outre, dans le cadre du pacte de sécurité, afin de pouvoir absorber le volume d'élèves-gendarmes à former, le stage en unité opérationnelle clôturant la formation initiale des sous-officiers va être porté à six mois pour les anciens gendarmes adjoints volontaires, contre quatre aujourd'hui, et à quatre mois pour les élèves-gendarmes de recrutement externe, contre trois aujourd'hui.

Au total, ce sont 3 950 élèves gendarmes qui sortiront des écoles en 2016 et serviront comme élèves-gendarmes.

Aussi, cet amendement vise à attribuer aux élèves-gendarmes affectés en unité opérationnelle la qualité d'agent de police judiciaire (avec les attributions de l'article 20 du code de procédure pénale, comme la possibilité de seconder les officiers de police judiciaire, de constater des crimes, délits et contraventions et d'en dresser procès-verbal, de recevoir par procès-verbal des déclarations) afin de renforcer les capacités opérationnelles de ces unités.

Votre commission a adopté l'article 28 ter ainsi rédigé .

Article 29 (art. 148 et art. 803-7 [nouveau] du code de procédure pénale) - Mise en liberté des personnes placées en détention provisoire

L'article 29 du présent projet de loi a pour objet d'accroître la sécurité juridique du contentieux de la détention provisoire.


L'état du droit en matière de demande de mise en liberté

En application du droit en vigueur, une personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, selon les termes de l'article 148 du code de procédure pénale, demander « à tout moment » sa mise en liberté. Cette demande, dont la forme doit obéir aux prescriptions des articles 148-6 et 148-7, est adressée au juge d'instruction, qui communique alors immédiatement le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions.

Sauf si le juge d'instruction donne une suite favorable à cette demande, il doit, dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la République, la transmettre avec son avis motivé au juge des libertés et de la détention. Le juge des libertés et de la détention doit pour sa part statuer dans un délai de trois jours ouvrables , par une ordonnance comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de l'article 144.

En vertu de l'article 144, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique :

1° Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;

2° Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;

3° Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;

4° Protéger la personne mise en examen ;

5° Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;

6° Mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement ;

7° Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l'affaire. Toutefois, le présent alinéa n'est pas applicable en matière correctionnelle.

L'ordonnance de rejet de la demande par le juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant la chambre de l'instruction. En outre, faute par le juge des libertés et de la détention d'avoir statué dans les trois jours, la personne peut saisir directement de sa demande la chambre de l'instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général, se prononce dans les vingt jours de sa saisine faute de quoi la personne est mise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées.

L'article 148 prévoit également que lorsqu'il n'a pas encore été statué sur une précédente demande de mise en liberté ou sur l'appel d'une précédente ordonnance de refus de mise en liberté :

- les délais de trois et cinq jours ne commencent à courir qu'à compter de la décision rendue par la juridiction compétente ;

- il peut être répondu à ces différentes demandes dans les délais précités par une décision unique.


La multiplication des demandes accroît le risque de mise en liberté d'office pour irrégularité procédurale

Comme le souligne l'étude d'impact du projet de loi, ces dispositions n'empêchent toutefois pas « certains détenus de multiplier des demandes successives de mise en liberté, y compris en en déposant une chaque jour et de faire systématiquement appel des refus ou de saisir directement la chambre en cas d'omission du juge, dans le seul but d'obtenir leur libération parce que la chambre de l'instruction aura omis de statuer dans le délai de 20 jours ».

Cette difficulté procédurale avait du reste été soulignée par Mme Laurence Le Vert, première vice-présidente chargée de l'instruction à la section antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris, lors de son audition devant votre commission le 9 décembre dernier 284 ( * ) .

L'article 29 du projet de loi entend ainsi apporter une réponse à cette multiplication des contentieux de la détention provisoire et limiter le risque de remise en liberté à la suite du non-respect des délais fixés par l'article 148 du code de procédure pénale.

Son I rend ainsi irrecevable toute nouvelle demande de mise en liberté tant qu'il n'a pas été statué sur la demande précédente par le juge des libertés et de la détention dans le délai de cinq jours.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission des lois a par ailleurs complété ces dispositions en précisant que « cette irrecevabilité est prévue sans préjudice de l'obligation pour le juge d'instruction, en cas de fait nouveau apparu dans la procédure après la précédente demande, d'ordonner la mise en liberté d'office en application du second alinéa de l'article 144-1, dès lors qu'il apparaît à la suite de ce fait nouveau que les conditions permettant la détention ne sont plus remplies ».

Comme indiqué ci-dessus, l'article 144 détermine les critères autorisant le juge d'instruction à solliciter auprès du juge des libertés et de la détention le placement ou le prolongement en détention provisoire de la personne mise en examen. L'article 144-1 dispose cependant que la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité. En outre, le juge d'instruction ou, s'il est saisi, le juge des libertés et de la détention doit ordonner la mise en liberté immédiate de la personne placée en détention provisoire dès que les conditions prévues à l'article 144 et au présent article ne sont plus remplies.

Cet ajout résulte du souci de la commission, selon les explications fournies dans son rapport, de formaliser dans le projet de loi une réserve d'interprétation que le Conseil constitutionnel avait formulée sur la détention provisoire dans une décision du 3 septembre 1986 285 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel avait été saisi de dispositions de la loi relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance modifiant les articles 148 et 148-2 du code de procédure pénale relatifs aux demandes de mise en liberté en cas de détention provisoire et dont l'objet était, en cas de demandes réitérées, de reporter le point de départ du délai imparti pour se prononcer sur une nouvelle demande à la date à laquelle il a été statué sur la précédente demande 286 ( * ) . Dans le considérant n° 20 de sa décision, le Conseil a estimé que « ces dispositions, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires, ne font pas obstacle à ce que le juge d'instruction, saisi d'un fait nouveau à l'appui de toute demande, statue immédiatement ; que, dès lors, ces articles ne méconnaissent pas le principe du respect des droits de la défense ».


Le placement sous contrôle judiciaire après une mise en liberté

Le II de l'article 29 traite du placement sous contrôle judiciaire d'une personne ayant fait l'objet d'une mise en liberté pour irrégularité procédurale.

Comme le souligne l'étude d'impact du projet de loi, si la jurisprudence de la Cour de cassation admet désormais 287 ( * ) , après avoir pris une position inverse, qu'une personne mise en liberté pour vice de forme peut faire l'objet d'un nouveau placement en détention provisoire sans qu'il soit besoin d'établir de circonstances nouvelles, il n'en reste pas moins que ce nouveau placement ne peut être ordonné au moment même où l'irrégularité est constatée, mais ultérieurement, selon les conditions de droit commun qui imposent un débat contradictoire de la personne et la convocation de son avocat dans les délais légaux 288 ( * ) . Il résulte donc de cette jurisprudence et de la nécessité de respecter les garanties légales que « si un nouveau placement en détention est possible, il ne peut être immédiat et suppose donc en pratique que la personne n'ait pas pris la fuite ».

Afin de limiter ce risque, le projet de loi complète les dispositions générales du code de procédure pénale par un nouvel article 803-7, qui n'a fait l'objet que de modifications rédactionnelles de la commission des lois de l'Assemblée nationale, disposant que lorsqu'une juridiction « ordonne la mise en liberté immédiate d'une personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison du non-respect des délais ou formalités prévus par le présent code, elle peut, dans cette même décision, placer la personne sous contrôle judiciaire si cette mesure est indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 ». De même, si la mise en liberté est ordonnée, pour les mêmes raisons, par le procureur de la République 289 ( * ) , ce dernier se verrait reconnaître la faculté de saisir sans délai le juge des libertés et de la détention aux fins de placement sous contrôle judiciaire.


La position de votre commission

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-121 . Afin de donner à ces dispositions leur plein caractère de simplification, cet amendement précise que cette irrecevabilité s'applique de plein droit et qu'elle n'a pas besoin d'être constatée par une ordonnance du juge d'instruction qui pourrait faire l'objet d'un appel. Dans le cas inverse, les modifications n'atteindraient pas leur objectif et alourdiraient la procédure. Ce faisant, cet amendement supprime les dispositions selon lesquelles cette irrecevabilité est prévue « sans préjudice de l'obligation pour le juge d'instruction, en cas de fait nouveau apparu dans la procédure après la précédente demande, d'ordonner la mise en liberté d'office en application du second alinéa de l'article 144-1, dès lors qu'il apparaît à la suite de ce fait nouveau que les conditions permettant la détention ne sont plus remplies ». Il est en effet apparu à votre rapporteur que ces dispositions alourdissaient la rédaction de cet article et étaient superfétatoires sur le plan juridique.

Votre commission a adopté l'article 29 ainsi modifié .

Article 30 (art. 390-1, 396 et 527 du code de procédure pénale) - Simplification des modalités du jugement

L'article 30 vise à simplifier les dispositions relatives à la convocation en justice, au jugement par comparution immédiate et au régime de notification des ordonnances pénales contraventionnelles.


• Le I et le III de l'article 30 vise à autoriser les délégués et médiateurs du procureur de la République 290 ( * ) à remettre les convocations en justice et à notifier les ordonnances pénales contraventionnelles .

Selon l'article 390-1 du code de procédure pénale, les convocations en justice, c'est-à-dire les citations à comparaître devant un tribunal correctionnel, doivent être notifiées au prévenu par un greffier, un officier ou agent de police judiciaire, ou par le chef de l'établissement pénitentiaire du prévenu s'il est détenu. Cette mission de notification mobilise de manière significative les agents et officiers de police judiciaire sans qu'il semble nécessaire que cette mission soit assurée par un fonctionnaire habilité au travail de police judiciaire.

Le I du présent article propose d'élargir la liste des personnes autorisées à remettre ces notifications et de confier cette mission aux délégués et médiateurs du procureur de la République. Cette mesure semble opportune et permettrait de revaloriser les missions des délégués et médiateurs du procureur de la République tout en facilitant les tâches des officiers de police judiciaire.

Le III du présent article vise également à confier une nouvelle mission aux délégués du procureur : la notification des ordonnances pénales contraventionnelles, prévue à l'article 527 du code de procédure pénale, dans le cadre de la procédure simplifiée des jugements des contraventions.

Les contraventions, qui relèvent du tribunal de police ou de la juridiction de proximité, peuvent être jugées selon trois procédures simplifiées : l'ordonnance pénale (art. 524 et suivants du code de procédure pénale), l'amende forfaitaire (art. 529 et suivants) ou l'indemnité forfaitaire (art. 529-3 et suivants). Lorsque le ministère public choisit la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale, le juge statue sans débat préalable par une ordonnance pénale portant soit relaxe, soit condamnation. Cette ordonnance doit ensuite être notifiée au prévenu nécessairement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Les ordonnances pénales délictuelles doivent, quant à elles, être notifiées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception mais peuvent également être portées à la connaissance des prévenus « par le procureur de la République, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée ».

Le III du présent article propose d'aligner le régime de notification des ordonnances pénales contraventionnelles sur celui des ordonnances pénales délictuelles, ce qui semble opportun.


• Le II permet aux juges et aux greffiers de notifier la date et le lieu d'une prochaine audience aux personnes poursuivies et non détenues dont la présentation en vue d'une comparution immédiate n'a pu avoir lieu .

La procédure de comparution immédiate, prévue aux articles 395 et suivants du code de procédure pénale 291 ( * ) , permet de faire comparaître le prévenu devant un tribunal correctionnel « sur-le-champ ». Le prévenu est alors retenu jusqu'à sa comparution devant un tribunal, qui doit avoir lieu le jour même. Si sa présentation devant un tribunal est impossible, il peut être placé en détention provisoire par un juge des libertés et de la détention jusqu'à une future comparution devant le tribunal qui ne peut excéder trois jours ouvrables.

S'il n'estime pas la détention provisoire nécessaire, le juge des libertés et de la détention peut placer le prévenu sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique. Le procureur de la République doit alors notifier « sur-le-champ » au prévenu la date et l'heure de l'audience de sa comparution devant le tribunal, dans un délai compris entre dix jours et deux mois.

Le II tend à simplifier cet enchaînement chronophage des interventions des acteurs de la chaîne judiciaire en permettant désormais au juge des libertés et de la détention et à son greffier de notifier directement la date et l'heure de l'audience au prévenu non détenu. Cette disposition de bonne administration de la justice restreint l'intervention du procureur de la République à la suite des décisions du juge des libertés et de la détention.

Lorsqu'une même affaire concerne plusieurs personnes, les dispositions proposées précisent que le prévenu laissé libre doit être convoqué à la même audience où comparaissent les autres prévenus détenues. Dans cette hypothèse, la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa rapporteure, a précisé que le prévenu ne peut faire l'objet d'un mandat de dépôt afin que cette mesure de bonne administration de la justice ne conduise pas à restreindre les droits des prévenus.

Votre commission a adopté l'article 30 sans modification.

Article 31 (art. 74-2, 78-2, 78-2-2 et 78-2-4 du code de procédure pénale) - Extension du dispositif de recherche des personnes en fuite

Le présent article vise à permettre de rechercher plus efficacement les personnes se soustrayant à leurs obligations judiciaires.

La loi du 9 mars 2004, dite Perben II, a créé, à l'article 74-2 du code de procédure pénale, un cadre juridique pour la recherche des personnes en fuite . Sur réquisitions du procureur de la République, les officiers de police judiciaire peuvent procéder aux actes prévus aux articles 56 à 62 du code de procédure pénale, à savoir des perquisitions, des saisies, des réquisitions ou encore des examens techniques et scientifiques. Si les nécessités de la recherche le justifient, un juge des libertés et de la détention peut également autoriser l'interception de correspondances par la voie des télécommunications.

Ce dispositif concerne notamment les personnes renvoyées devant une juridiction de jugement faisant l'objet d'un mandat d'arrêt, les personnes condamnées lorsque cette condamnation est exécutoire ou encore les personnes inscrites au FIJAISV ou FIJNAIT 292 ( * ) ayant manqué à leurs obligations.

Le du présent article complète la liste des personnes concernées en y ajoutant :

- les personnes condamnées à une peine privative de liberté supérieure ou égale à un an résultant de la révocation d'un sursis assorti ou non d'une mise à l'épreuve ;

- les personnes ayant fait l'objet d'une décision de retrait ou de révocation d'un aménagement de peine ou d'une libération sous contrainte, ou d'une décision de mise à exécution de l'emprisonnement prévu par la juridiction de jugement en cas de violation des obligations et interdictions résultant d'une peine, dès lors que cette décision a pour conséquence la mise à exécution d'un quantum ou d'un reliquat de peine d'emprisonnement supérieur à un an.

Le 2° du présent article complète également l'article 78-2 du code de procédure pénale relatif aux contrôles d'identité réalisés d'initiative par les officiers de police judiciaire . Actuellement, les officiers de police judiciaire peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existent une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit, qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

Selon le Gouvernement, ce dispositif ne permet pas de contrôler l'identité d'une personne qui s'est soustraite aux obligations imposées à la suite d'une peine ou d'un placement sous contrôle judiciaire. Aussi propose-t-il de compléter l'article 78-2 du code de procédure pénale afin d'y inclure toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner « qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge de l'application des peines ».

Tout en considérant nécessaire l'amélioration du dispositif de recherche des personnes en fuite, votre rapporteur s'interroge sur la pertinence la précision apportée à l'article 78-2 du code de procédure pénale au regard du droit existant tel qu'interprété par les juridictions.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel COM-122 de son rapporteur, votre commission a adopté l'article 31 ainsi modifié.

Article 31 bis A (art. 230-19, 706-53-7 et 774 du code de procédure pénale) - Modifications d'accès relatives au fichier des personnes recherchées, au FIJAISV et au casier judiciaire

L'article 31 bis A résulte de l'adoption par les députés d'un amendement présenté en séance publique par M. Philippe Goujon.

Son I modifie l'article 230-19 du code de procédure pénale, relatif au fichier des personnes recherchées, afin d'ajouter à ce fichier les décisions prises par les juridictions tendant à assortir une condamnation d'une obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, ainsi que les mesures de contrôle complémentaires prévues par les 3° et 4° de l'article 132-55 du code pénal dans le cas d'un tel sursis 293 ( * ) .

Son II modifie les dispositions de l'article 706-53-7 du code de procédure pénale relatives au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) afin de faciliter les conditions dans lesquelles le personnel des greffes des établissements pénitentiaires, spécialement habilités par les chefs d'établissement pénitentiaire, peuvent avoir accès à ce fichier à partir de données nominatives concernant une personne ou d'un numéro de dossier.

Enfin, le III , qui modifie l'article 774 du code de procédure pénale, traite de l'accès au casier judiciaire dont bénéficient les greffes des établissements pénitentiaires. Dans sa rédaction actuelle, le dernier alinéa de cet article permet à ces greffes de se voir délivrer l'extrait du bulletin n° 1 afin de permettre aux directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) de proposer un aménagement de peine ou un placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution d'une fin de peine d'emprisonnement ou d'apprécier, avant la libération d'une personne faisant l'objet d'un sursis avec mise à l'épreuve, les modalités de son suivi. La modification proposée par le III permet aux greffes d'avoir accès au bulletin n° 1 pour compléter les dossiers individuels des personnes incarcérées et simplifie la rédaction actuelle en ce qu'elle concerne les directeurs des SPIP tout en leur donnant un accès direct au bulletin n° 1 sans passer par l'intermédiaire des greffes des établissements pénitentiaires.

Votre commission a adopté l'article 31 bis A sans modification .

Article 31 bis B (nouveau) (art. 706-25-6 et 706-53-4 du code de procédure pénale) - Modifications de règles d'inscription au FIJAIT et au FIJAISV

L'introduction de l'article 31 bis B dans le texte du projet de loi résulte de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-143 présenté par le Gouvernement.

Il s'agit d'un article contenant des dispositions de précision et de clarification ayant tout d'abord pour objet de lever une ambiguïté de l'article 706-25-6 du code de procédure pénale concernant le point de départ de la durée d'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT) lorsque la personne a été condamnée pour un acte de terrorisme à une peine privative de liberté. La date du point de départ, qui est en principe celle de la condamnation, doit en effet dans un tel cas être reportée à la date de libération de la personne.

Or ce report du point de départ doit s'appliquer dans toutes les hypothèses, et pas uniquement, comme l'indique par erreur la version actuellement en vigueur du texte, en cas de mandat de dépôt ou de maintien en détention, car une telle décision n'existe pas en cas de condamnation prononcée par une cour d'assises.

Des précisions similaires sont insérées, par cohérence, dans l'article 706-53-4 concernant le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes (FIJAISV). Cet article est également modifié pour ramener à dix ans le délai d'inscription dans le FIJAISV lorsqu'il s'agit de mineur, comme c'est aujourd'hui le cas pour le FIJAIT.

Votre commission a adopté l'article 31 bis B ainsi rédigé .

Article 31 bis C (nouveau) (art. 706-56-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Modifications d'accès relatives au fichier des personnes recherchées, au FIJAISV et au casier judiciaire

L'insertion de l'article 31 bis C dans le projet de loi procède de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-150 du Gouvernement.

Cet article vise à consacrer l'existence des recherches en parentalité dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Cette expertise consiste à comparer les résultats des analyses génétiques d'une trace biologique issue d'une personne inconnue recueillie sur une scène d'infraction dans le cadre d'une procédure pénale d'une part avec les profils génétiques des personnes suspectes ou déclarées coupables enregistrés au FNAEG d'autre part, dans le but de permettre l'identification d'un ascendant ou descendant de l'individu étant à l'origine de la trace biologique issue d'une personne inconnue, susceptible d'être victime ou auteur d'un crime.

Cet article tend à encadrer juridiquement le recours à ce type d'expertise, qui a permis l'élucidation d'importantes affaires judiciaires.

Au vu des lourdes charges que cette méthode implique pour le service gestionnaire du fichier et pour les services d'enquête et pour garantir les droits des personnes dont l'empreinte génétique est enregistrée dans le FNAEG, le présent article en limite le recours aux seules procédures relatives à l'un des crimes prévus à l'article 706-55 du code de procédure pénale.

Votre commission a adopté l'article 31 bis C ainsi rédigé .

Article 31 bis (art. L. 218-30, L. 218-55 et L. 218-68 du code de l'environnement) - Confiscation et saisie de navires saisis dans le cadre d'une procédure relative à une pollution maritime

Cet article, introduit à l'initiative du rapporteur de l'Assemblée nationale, a pour objet de prendre en compte la censure par le Conseil constitutionnel de dispositions relatives à la confiscation et à la saisie de navires , dans le cadre d'infractions à la pêche.

Dans sa décision QPC 2014-375 du 21 mars 2014 294 ( * ) , le Conseil constitutionnel a en effet censuré des dispositions du code rural analogues à des dispositions du code de l'environnement réprimant la pollution maritime . Le présent article a donc pour objet de prévenir une éventuelle censure de ces dispositions.

Initialement, ces dispositions faisaient l'objet d'une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, au d) du 3° du II de l'article 33 du présent projet de loi, mais elles ont été finalement intégrées au présent texte par le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

En l'état actuel du droit, l'article L. 218-30 du code de l'environnement prévoit actuellement que le procureur de la République ou le juge d'instruction peut décider l'immobilisation du navire ayant servi à commettre l'infraction, aux frais de l'armateur . Cette mesure peut être levée contre le versement d'une caution dont le montant et les modalités de versement sont fixées par le procureur de la république ou le juge d'instruction ayant décidé l'immobilisation. Cette décision peut être contestée dans un délai de cinq jours à compter de la notification devant le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance saisi de l'enquête.

En l'état, ces dispositions posent effectivement une difficulté, en raison de l'absence de délai imposé au juge des libertés et de la détention (JLD) pour statuer sur la requête de la personne intéressée. Pour ce motif, le Conseil constitutionnel a déjà invalidé plusieurs dispositions du code de procédure pénale 295 ( * ) . En effet, en l'absence de délai imposé au juge pour statuer, aucun recours effectif n'existe pour la personne, dans la mesure où le JLD peut ne pas prendre de décision sans que cette abstention, qui s'apparente à la confirmation d'une décision d'immobilisation ne puisse être contestée.

En conséquence, le présent article complète la procédure pour imposer que le JLD statue en trois jours ouvrés , l'intéressé pouvant former un appel devant la chambre d'instruction dans les cinq jours suivant la décision, qui doit alors rendre sa décision dans les cinq jours qui suivent.

L'appel n'est pas suspensif , mais en cas de risque de réitération ou pour garantir le paiement des amendes, l'appel peut être déclaré comme suspensif par le Premier président de la cour d'appel, sur requête du procureur de la République. Dans ce cas, l'appel doit être formé dans un délai de six heures , devant le premier président qui statue sans délai sur le caractère ou non suspensif du recours par une ordonnance insusceptible de recours.

Le présent article étend cette procédure aux infractions visées par les articles L. 218-55 et L. 218-68 du code de l'environnement, soit l'immersion de déchets en mer (L. 218-43 du code de l'environnement) et l'incinération en mer (L. 218-68 du code de l'environnement), pour lesquelles le navire ayant servi à commettre l'infraction peut être également immobilisé.

Votre commission a adopté un amendement COM-123 rédactionnel de son rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 31 bis ainsi modifié .

Article 31 ter (supprimé) (art. 132-20 du code pénal, art. 707-6 [nouveau] du code de procédure pénale, art. 409-1 du code des douanes, art. L. 612-42 et L. 621-15 du code monétaire et financier, art. L. 464-5-1 du code de commerce, art. 44 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne) - Majoration systématique du montant des amendes pénales et douanières et des sanctions financières

Le présent article, issu de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement de son président M. Dominique Raimbourg, instaure une majoration systématique des amendes pénales, des amendes douanières et des sanctions financières prononcées par les autorités administratives indépendantes.


Un dispositif censuré à deux reprises par le Conseil constitutionnel

Ces dispositions reprennent un principe par deux fois censuré par le Conseil constitutionnel, la première fois pour des raisons de fond, la seconde fois en raison de son caractère de cavalier législatif.

Ce principe d'une sur-amende pénale trouve son origine dans le rapport de la députée Nathalie Nieson, sur le financement des associations d'aide aux victimes et la gouvernance de la politique nationale d'aide aux victimes, remis à la ministre de la Justice en juillet 2013. Constatant la situation financière très difficile des associations d'aide aux victimes, le rapport proposait de rechercher de nouvelles ressources financières, notamment par l'instauration d'une majoration forfaitaire de 10 euros de l'ensemble des amendes pénales.

Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de nos collègues députées Mmes Nathalie Nieson et Martine Carrillon-Couvreur instaurant une « contribution » de 10% du montant des amendes pénales, douanières et des sanctions prononcées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), par l'Autorité des marchés financiers, par l'Autorité de la concurrence ainsi que celles prononcées par l'Autorité de régulation des jeux en ligne. Afin de respecter les principes constitutionnels de nécessité, de proportionnalité et d'égalité devant la loi , le Gouvernement avait défendu, en vain, un amendement limitant cette contribution à 8% et ne s'appliquant qu'aux amendes pénales et non aux sanctions financières prononcées par les autorités administratives indépendantes (AAI) . Afin de limiter les risques d'inconstitutionnalité au regard du principe de proportionnalité , votre commission avait, quant à elle, plafonné cette « sur-amende » à 1 000 euros pour les personnes physiques et 5 000 euros pour les personnes morales. De plus, le Sénat, à l'initiative du Gouvernement, avait supprimé la mention selon laquelle cette « surtaxe » était destinée à financer l'aide aux victimes, cette précision étant contraire au principe constitutionnel d'universalité budgétaire. Le rapporteur du projet de loi M. Jean-Pierre Michel avait néanmoins interpellé le Gouvernement sur l'ambiguïté de cette mesure, à la fois sanction et taxe.

Dans sa décision n°2014-696 DC du 7 août 2014, le Conseil constitutionnel a examiné, d'office, la constitutionnalité de l'article 49 de la loi du 15 aout 2014 au regard du principe d'individualisation des peines et du principe de nécessité des peines posé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Considérant que ces peines s'appliquaient sans qu'un juge ne les prononce en tenant compte des « circonstances propres à chaque espèce », le Conseil a déclaré ces dispositions inconstitutionnelles.

Lors de l'examen du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne, la commission des lois a, à nouveau, introduit un dispositif de contribution assise sur le montant des amendes pénales et douanières ainsi que sur les sanctions prononcées par certaines autorités administratives indépendantes. Le dispositif proposé était également systématique, mais il permettait à la juridiction d'y déroger par une décision spécialement motivée. A l'instar de vingt-six autres articles introduits par l'Assemblée nationale, cet article a été censuré par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien, même indirect, avec le projet de loi initial.


Un dispositif qui reste contraire aux principes constitutionnels

Le présent article reprend les dispositions proposées par l'article 9 de la loi du 17 août 2015, censuré par le Conseil constitutionnel.

Tout d'abord, votre rapporteur s'étonne de l'adoption par la commission des lois d'une disposition changeant aussi profondément le prononcé des sanctions pénales, en l'absence de toute étude d'impact ou de consultation des magistrats . Les magistrats entendus par votre rapporteur s'inquiètent de l'introduction d'un tel dispositif, source de complexité supplémentaire . Le prononcé des peines est en effet compliqué par la superposition de plusieurs dispositifs : à l'amende prononcée par le tribunal, s'ajoute en effet un droit de procédure à payer au Trésor public 296 ( * ) . Néanmoins, si la personne condamnée effectue un paiement dans un délai de 30 jours après le jugement, les dispositions de l'article 707-2 à 707-3 du code de procédure pénale permettent un abattement de 20 %. Ces dispositions visent à inciter au paiement volontaire des amendes, afin de diminuer les frais liés à leur recouvrement. En effet, le taux de recouvrement des amendes est particulièrement faible en France. Dès lors, ce dispositif risque non seulement de nuire à la lisibilité de la peine prononcée, et donc à son efficacité, mais également au recouvrement des amendes.

De plus, ce dispositif complexe soulève d'importantes difficultés constitutionnelles, au regard du principe d'individualisation des peines, de nécessité des peines mais également au regard du principe d'égalité devant la loi.

Selon ce dispositif, la majoration des amendes devrait nécessairement être prononcée par la juridiction, dans la limite de 10 % du montant, en fonction de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné . Néanmoins, la peine principale devant être prononcée au regard des mêmes critères, il semble singulier de prévoir que la même juridiction prononce une autre peine qui s'ajouterait à celle qu'elle a jugé nécessaire et proportionnée. A cet égard, ce dispositif semble inefficace et il est fort probable que les juridictions ne modifieront pas la hauteur des peines d'amendes qu'elles prononçaient.

Par ailleurs, ce dispositif est contraire au principe constitutionnel d'universalité budgétaire . Sous cette réserve, il ne saurait être procédé à une telle affectation en dehors d'une loi de finances. À défaut, outre le fait que cette disposition est contraire à la loi organique relative aux lois de finances, la prévision selon laquelle cette sur-amende serait affectée à l'aide aux victimes est dénuée de toute portée normative.

Enfin, si elle se comprend d'un point de vue budgétaire, l'instauration d'une majoration des sanctions prononcées par les AAI semble contraire au principe d'égalité devant la loi et la charge publique, en ce qu'elle ferait peser une différence de traitement sur certaines personnes morales sanctionnées par les AAI . Or cette différence de traitement, qui peut être justifiée par l'intérêt général, n'est pas en rapport direct avec l'objet visé : en effet, il semble paradoxal de faire financer l'aide aux victimes d'infractions pénales par des entreprises ayant, par exemple, manqué à leurs obligations de déploiement d'équipement technique.

Le financement des associations d'aide aux victimes s'exprime moins dans la loi pénale que dans les lois de finances et il n'appartient qu'au Gouvernement de consacrer plus de moyens à celles-ci. Par ailleurs, comme le suggérait le rapport d'information MM. Christophe Béchu et Philippe Kaltenbach, « Pour une meilleure indemnisation des victimes d'infractions pénales », il semble préférable, afin de sécuriser les ressources des associations d'aide aux victimes, d'affecter à un fonds spécialement créé, une fraction des amendes pénales collectées (proposition n° 28). Cette modification permettrait effectivement de sanctuariser les ressources affectées à l'aide aux victimes .

Parce que ce dispositif soulève de sérieuses interrogations constitutionnelles et ne répond pas effectivement au besoin de financement des associations d'aide aux victimes en l'absence d'un réel mécanisme budgétaire d'affectation des recettes, votre commission a adopté l' amendement COM-124 de son rapporteur, visant à supprimer cet article.

Votre commission a supprimé l'article 31 ter.

Article 31 quater (art. 28 du code de procédure pénale, L. 8271-6-1 du code du travail, L. 172-8 du code de l'environnement, L. 450-4 du code du commerce, L. 215-18 du code de consommation, L. 331-21-1 du code de propriété intellectuelle, L. 3341-2 du code de la santé publique, L. 234-18 et L. 235-5 du code de la route) - Auditions libres réalisées par les agents pouvoir de police spéciale

Le présent article, issu de l'adoption d'un amendement de la rapporteure Colette Capdevielle par la commission des lois de l'Assemblée nationale, étend l'encadrement relatif aux auditions libres aux auditions réalisées par des fonctionnaires et agents détenteurs d'un pouvoir de police spéciale conformément à la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales.

Dans le projet de loi initial, ces dispositions faisaient l'objet d'une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance (au 7° du II de l'article 33).


Le cadre actuel de l'audition libre

Jusqu'à la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 297 ( * ) , aucune disposition légale, autre que jurisprudentielle, n'encadrait les conditions dans lesquelles une personne suspecte pouvait être entendue sans contrainte et en dehors du cadre de la garde à vue. Pourtant, la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales imposait l'exercice d'un certain nombre de droits par la personne entendue librement, droits par ailleurs en partie reconnus par le Conseil constitutionnel 298 ( * ) .

La loi du 27 mai 2014 est venue procéder partiellement à cette transposition en créant un article 61-1 du code de procédure pénale. Celui-ci dispose qu'une audition libre ne peut débuter sans que la personne suspecte soit informée de la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ; du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ; du droit d'être assistée par un interprète ; du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; de la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit et du droit d'être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation, selon les modalités prévues aux articles 63-4-3 et 63-4-4, par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats.


Son application aux auditions réalisées par les agents et fonctionnaires

Actuellement, ces dispositions ne s'appliquent pas aux enquêtes régies par des lois pénales spéciales et mises en oeuvre par les fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire.

Pourtant, ces fonctionnaires sont parfois autorisés, par des lois pénales spéciales, à entendre ou recueillir les déclarations de suspects. Aussi le présent article étend l'application de la directive 2012/13/UE aux auditions libres autorisées par des lois pénales spéciales, afin d'unifier les droits accordés aux suspects libres qui en l'état, selon l'incrimination et la qualité de la personne réalisant l'audition, sont en situation d'inégalité.

À cette fin, le présent article 31 quater modifie l'article 28 du code de procédure pénale, relatif aux pouvoirs de police spéciale accordés aux fonctionnaires et agents des administrations et services publics, mais également plusieurs codes. En effet, il permet l'application des droits propres à l'audition libre aux auditions réalisés par les inspecteurs du travail ( II du présent article), les inspecteurs de l'environnement ( III du présent article), les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ( IV et V du présent article), ou encore les agents de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) ( VI du présent article).

Votre rapporteur s'interroge toutefois sur les difficultés engendrées par cette extension, notamment pour permettre l'assistance effective d'un avocat ou d'un interprète en cas d'atteinte constatée en flagrance, par exemple au droit à l'environnement. Aussi votre rapporteur recommande-t-il un effort particulier de formation à l'égard des fonctionnaires habilités afin d'éviter un contentieux massif lié à la non-application des règles propres à l'audition libre.

Enfin, le présent article permet l'application des droits applicables à l'audition libre en matière de répression de l'ivresse publique, de conduite sous l'influence de l'alcool ou après usage de stupéfiants ( VII du présent article). La circulaire JUSD1430472C du 19 décembre 2014 avait cependant déjà invité les parquets à faire application de l'article 61-1 du CPP dans ces situations.

Votre commission a adopté l'article 31 quater sans modification .

Article 31 quinquies (art. 41-4, 41-5, 99, 99-2, 373, 481, 493-1 [nouveau], 706-11, 706-148, 706-152, 706-157, 706-160, 706-161, 706-163, 706-164, 707-1 du code de procédure pénale) - Transposition de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne et dispositions relatives à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués

Cet article, inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, a pour objet, d'une part, d'opérer des simplifications du régime applicable pour le transfert de propriété à l'État de biens placés sous main de justice , tout en opérant à cette occasion la transposition de la directive 2014/42 du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne, et, d'autre part, de modifier plusieurs dispositions relatives à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) dans le but de faciliter l'exercice de ses missions.

Initialement, ces dispositions faisaient l'objet d'une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, au a) et b) du 3° du II de l'article 33 du présent projet de loi, mais elles ont été finalement intégrées au présent texte par le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

1.- Des modifications limitées apportées aux dispositions relatives aux saisies

1.1- La mise en oeuvre de diverses mesures de simplification et de transposition de la directive 2014/42 pour le transfert de propriété à l'État de biens placés sous main de justice.

Le régime de la confiscation des biens est régi par l'article 131-21 du code pénal, en tant que peine complémentaire , quand elle est expressément prévue, mais elle est également encourue de plein droit pour tous les délits et crimes punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an , sauf délit de presse.

Cependant, des biens peuvent être saisis en cours d'enquête ou d'instruction , pour différents motifs : l'objet est utile à la manifestation de la vérité, sa saisie permet d'anticiper une confiscation ou il s'agit de biens présentant un danger pour les personnes ou les biens.

Dans ce cas, la saisie a pour effet de donner compétence aux juridictions, et désormais à l'AGRASC, pour assurer la gestion de ce bien, étant précisé que dans un certain nombre de cas, ces biens peuvent faire l'objet d'une aliénation , par vente, ou par destruction, ou encore d'une mise à disposition des services de police.

Les personnes propriétaires des objets saisis peuvent demander leur restitution ; l'autorité à laquelle ils peuvent s'adresser varie en fonction du stade de la procédure : il s'agit du procureur de la République en cours d'enquête (art. 41-5) ou si aucune décision n'a été prise par la juridiction ayant définitivement statué (art. 41-5), le juge d'instruction en cours d'instruction (art. 99), la demande de restitution pouvant intervenir également devant le tribunal correctionnel (art. 481) ou la cour d'assises (art. 373).

Les procédures applicables devant ces différentes autorités ou juridictions ne sont pas uniformes.

Au cours de l'enquête , les propriétaires des objets peuvent contester le refus du procureur de la République de leur restituer un bien saisi devant la chambre de l'instruction, dans les cinq jours suivant la notification de la décision de refus (art. 41-5 du code de procédure pénale). Ce délai est suspensif.

L'article 99 du code de procédure pénale, qui prévoit la possibilité de restituer les biens saisis au stade de l'instruction dispose que le juge d'instruction peut décider d'office, sur réquisitions du procureur de la République ou sur demande d'une personne ayant un droit sur l'objet saisi de restituer celui-ci.

Cette restitution est possible si la propriété des objets en cause est incontestable. Elle est interdite dans trois cas :

- l'objet est encore utile à la manifestation de la vérité ;

- la restitution pourrait porter une atteinte aux droits des parties ;

- le bien est dangereux.

Enfin, le magistrat peut refuser la restitution de l'objet si le bien saisi est susceptible d'être confisqué.

En cas de refus, la décision du magistrat, qui n'est actuellement pas tenu de statuer dans un délai donné 299 ( * ) , peut être contestée dans un délai de dix jours à compter de sa notification ou de sa signification devant la chambre de l'instruction.

Actuellement, le magistrat ne dispose pas de la possibilité de refuser la restitution pour un autre motif que ceux prévus à l'article 99.

Devant le tribunal correctionnel (art. 481) ou devant la cour d'assises (art. 373), une personne peut demander la restitution des objets placés sous main de justice, mais le régime applicable devant les deux types de juridiction diffère.

En effet, saisi d'une demande de restitution, le tribunal correctionnel peut surseoir à statuer sur la restitution si le bien est utile à la manifestation de la vérité ou susceptible de confiscation, jusqu'à ce qu'il ait définitivement statué. En tout état de cause, en cas de danger pour les personnes ou les biens, le tribunal a la possibilité de refuser la restitution du bien saisi (art. 481).

La cour d'assises peut, quant à elle, restituer les objets saisis d'office et, en cas de condamnation, uniquement si le délai pour se pourvoir en cassation est écoulé ou que l'affaire a été définitivement jugée. Là encore, en tout état de cause, en cas de danger pour les personnes ou les biens, la cour peut refuser la restitution d'un objet (art. 373 code de procédure pénale).

Dans le cas particulier des biens saisis mais pour lesquels le tribunal ne s'est pas prononcé , alors même qu'il est dessaisi, la procédure est définie par l'article 41-4 du code de procédure pénale : les objets qui n'ont pas fait l'objet d'une décision n'ont pas à être restitués s'ils présentent un danger pour les personnes ou les biens ou si une disposition spécifique prévoit leur destruction. En dehors de ces cas, si la propriété du bien « n'est pas sérieusement contestée », les biens saisis doivent être restitués par le procureur de la République, à la demande de la personne dont le bien a été saisi ou d'office.

Le refus de restitution peut être contesté dans le mois suivant la décision de refus devant le tribunal correctionnel ou devant la chambre des appels correctionnels.

En tout état de cause, en l'absence de demande ou de décision de restitution dans les six mois suivant la décision de classement ou la décision de la dernière juridiction saisie, les biens saisis deviennent propriété de l'État. Ce transfert de propriété intervient également deux mois après la notification au propriétaire de l'objet de la restitution de l'objet.

Les objets dangereux ou dont la détention est interdite peuvent alors être détruits, sur décision du procureur de la République.

Il ressort de ces dispositions que le magistrat, saisi d'une demande de restitution d'un bien saisi ne peut opposer un refus à cette restitution sur un autre fondement que ceux qui sont prévus par ces articles , et invoquer en particulier le fait que le bien dont la restitution est demandée est l'instrument ou le produit, direct ou indirect, de l'infraction. Il a une compétence liée pour restituer le bien s'il répond aux conditions posées par l'article 41-4 : l'invocation d'un autre motif, comme les antécédents du requérant 300 ( * ) ou l'origine incertaine du bien 301 ( * ) , pour ne pas restituer le bien, a ainsi été censurée par la Cour de cassation.

La directive 2014/42 du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne prévoit que les États membres ont l'obligation de confisquer les biens issus d'une activité criminelle ou en ayant été un instrument .

Les dispositions relatives à la confiscation des biens, en tant que peine complémentaire , prévoient déjà cette situation (art. 131-21 du code de procédure pénale), mais dans le cadre des procédures particulières permettant à une personne de demander la restitution d'objets saisis et placés sous main à différents stades de la procédure, les conditions actuelles ne permettent pas au magistrat saisi de refuser la restitution pour la seule raison que le bien saisi a été l'instrument ou le produit direct ou indirect d'un délit.

Or, en application de la directive précitée, ces biens ne doivent pas pouvoir être restitués.

Le présent article créerait donc un cas supplémentaire pour lequel la restitution ne peut être effectuée, quand le bien saisi est l'instrument ou le produit, direct ou indirect, de l'infraction :

- en cours d'instruction (art. 99) ;

- dans la phase de jugement (art. 481 - tribunal correctionnel - ou art. 373 - cour d'assises) ;

- après le jugement définitif (art. 41-4).

1.2.- Des simplifications et des harmonisations nécessaires de la procédure applicable pour statuer sur les objets placés sous main de justice

En second lieu, le présent article opèrerait des simplifications de la procédure applicable pour statuer sur les objets placés sous main de justice, en procédant à l'harmonisation des différentes procédures applicables selon le stade de l'affaire où la demande de restitution est formulée.

Ainsi, devant la cour d'assises , serait créée la possibilité pour les personnes intéressées de demander la restitution d'un objet : en effet, en l'état du droit, seule la cour d'assises peut prendre l'initiative de cette restitution . Une rédaction équivalente aux dispositions applicables au tribunal correctionnel serait introduite, en permettant que cette demande soit faite par une partie ou toute personne intéressée, puisqu'un objet appartenant à un témoin ou à un tiers à l'affaire pourrait très bien avoir fait l'objet d'une saisie. Dans ce cas, ces demandeurs ne seraient alors pas assimilés à une partie et ils ne pourraient avoir accès qu'aux seuls procès-verbaux de la saisie des biens.

Par ailleurs le régime du transfert de propriété des biens placés sous main de justice ferait l'objet de plusieurs modifications, au stade de l'enquête (art. 41-5 du code de procédure pénale), de l'instruction (art. 99-2 du même code), comme au stade postérieur à un jugement définitif (art. 41-5 du même code).

En effet, le régime de transfert de propriété est assez similaire : en particulier, il est prévu que le propriétaire qui ne réclame pas le bien qui lui a été restitué perd la propriété de ce droit dans les deux mois suivant la mise en demeure adressée à son domicile.

Le présent article simplifie et unifie le régime applicable en remplaçant l'exigence d'adresser la mise en demeure au « dernier domicile connu » dans le cadre de l'article 41-4 par l'exigence d'adresser cette mise en demeure au domicile de la personne , comme cela est déjà le cas dans le cadre de l'instruction (art. 99).

Surtout, pour les deux régimes, le délai dans lequel le propriétaire est tenu de réclamer le bien qui lui a été restitué serait ramené de deux à un mois , ce qui permettra en particulier d'alléger et de simplifier cette charge.

Enfin, dans le cadre de l'instruction, l'article 99-2 du code de procédure pénale serait simplifié puisque la remise aux domaines des biens saisis pourrait porter sur tout bien meuble placé sous main de justice plutôt que sur les seuls meubles appartenant aux personnes poursuivies . Cette précision est tout à fait bienvenue : en effet, les personnes mises en cause peuvent organiser, en l'état actuel du droit, des montages juridiques visant à ce que les biens ne leur appartiennent plus mais appartiennent à une personne morale, domiciliée dans un pays étranger, rendant très difficile la saisie de ces biens.

Une procédure particulière serait en outre prévue pour la destruction de produits stupéfiants , permettant la notification orale de la décision de destruction, la contestation de cette décision devant s'effectuer dans un délai de 24 heures devant la chambre d'instruction. En effet, la procédure prévue à l'article 99-2 est plus complexe et plus protectrice, mais au regard de la nature des produits stupéfiants, la contestation de leur saisie peut être enserrée dans des délais beaucoup plus limités, au regard des risques et des contraintes posés par la conservation de ces produits dans l'attente de leur destruction. Cette procédure serait calquée sur la procédure équivalente prévue en cours d'enquête ou quand la juridiction a définitivement statué sans se prononcer sur les scellés (art. 41-5 alinéa 5 du code de procédure pénale).

Enfin, un article 493-1 nouveau serait inséré dans le code de procédure pénale, afin de prévoir le cas particulier d'objets confisqués dans le cadre d'un jugement rendu par défaut qui n'aurait pas fait l'objet d'une opposition . Dans ce cas, la propriété des biens confisqués dans le cadre de l'affaire serait transférée à l'État à l'expiration du délai de prescription de la peine.

1.3- La position de votre commission

La simplification des dispositions de transfert de la propriété des biens placés sous main de justice est un élément essentiel pour une bonne administration de la justice.

En effet, cette question est directement liée à la gestion des scellés de justice, dont le coût de gestion est très élevé pour les juridictions et qui pose des questions de sécurité, dans la mesure où de nombreux objets dangereux y figurent.

2.- La facilitation de l'exercice de ses missions pour l'AGRASC

2.1- Un cadre juridique adapté moyennant quelques difficultés

Le présent article apporte également diverses modifications des modalités relatives à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), afin de faciliter l'exercice de ses missions.

L'AGRASC a été créée par la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.

L'AGRASC est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle conjointe du ministre de la justice et du ministre chargé du budget. Elle est dirigée par un magistrat de l'ordre judiciaire, secondé par un secrétaire général nommé par arrêté du ministre du budget.

Son mode de financement est original, puisqu'elle assure son autofinancement à partir de deux ressources : la première correspond à une dotation, déterminée chaque année par la loi de finances, sur le produit de la vente des biens confisqués lorsque l'AGRASC est intervenue pour leur gestion ou leur vente ; la seconde correspond au produit du placement des sommes saisies ou acquises au titre de la gestion des avoirs saisis et versées sur son compte à la Caisse des dépôts.

Les missions de l'agence sont nombreuses.

En amont de la saisie, elle apporte une aide technique et une assistance aux juridictions dans la conduite de leur procédure. L'agence ne procède pas elle-même à ses opérations, qui demeurent des opérations judiciaires.

Une fois la saisie opérée, elle assure la gestion centralisée des fonds saisis au cours des procédures pénales, qui ne sont donc plus conservés par les juridictions.

Elle est compétente pour procéder à certains actes de gestion sur les biens saisis : vente des biens meubles avant jugement, gestion, sur mandat de justice, des biens complexes ou des immeubles et vente une fois leur confiscation prononcée. Elle assure par ailleurs la publication des saisies pénales immobilières et l'information des créanciers publics.

Elle procède à l'indemnisation des parties civiles sur les biens confisqués et les restitutions des sommes à verser aux justiciables.

Enfin, elle facilite aussi la coopération internationale en matière de saisies et de confiscations et tient à jour une base de données sur les saisies et confiscations.

Les juridictions - qui seules procèdent aux saisies - se sont remarquablement approprié les nouvelles possibilités qui leur ont été ouvertes par la réforme, et elles ont été très efficacement secondées en cela par l'AGRASC.

Au total, après deux ans et demi d'exercice, le bilan de la réforme est très positif : le montant des saisies bancaires a augmenté de 700 % entre 2011 et 2012 (945 saisies en 2011 - soit 34 millions d'euros -, 1602 saisie en 2012 - soit 245 millions d'euros), le nombre de saisies immobilières de 58 % (202 en 2011, 320 en 2012).

Lors de son audition, la directrice de l'agence, Mme Élisabeth Pelsez, a indiqué qu'au cours de cette période, 45 000 biens avaient été saisis, dans plus de 25 000 affaires, pour un montant total d'1,1 milliard d'euros.

668 immeubles ont été saisis, 44 ont fait l'objet d'une confiscation, et 1 330 biens meubles ont été vendus avant jugement, pour un montant total de 1,74 million d'euros, ce qui a évité leur dégradation ou le paiement de frais trop élevés de gardiennage.

Enfin l'agence a restitué aux prévenus ou aux parties civiles un montant total qui s'élève à 23,8 millions d'euros.

Les chiffres précités témoignent du succès des nouvelles procédures de saisies mises en oeuvre par les juridictions et de l'aide que leur a apporté l'agence.

Ce succès ne se limite cependant pas aux millions collectés. En effet, l'agence facilite le travail des juridictions, à plusieurs titres, dans la gestion des scellés.

En premier lieu, elle centralise les fonds saisis par les juridictions, qui n'ont plus à les gérer - activité chronophage, notamment en raison des formalités de restitution des fonds -, alors qu'auparavant, elles étaient déposées sur un compte du tribunal à la caisse des dépôts et consignations.

Il s'avère que, même après rapatriement de ces fonds auprès de l'agence, il reste sur les comptes des tribunaux un reliquat de 147 millions d'euros que les juridictions ne parviennent pas à rattacher à des affaires pénales identifiables. Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique a prévu que 80 % de ce solde serait versé au budget de l'État, l'agence conservant les 20 % restants, pour faire face aux éventuelles demandes de restitution.

Par ailleurs, l'agence procède désormais, pour le compte des juridictions, à la vente des biens mobiliers avant jugement. De ce fait, elle évite aux juridictions tous les frais et les difficultés liés au gardiennage parfois coûteux de ces scellés.

Enfin, elle apporte aux magistrats enquêteurs son expertise pour la conduite de leurs procédures de saisie.

Source : Avis n° 162 (2013-2014) de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2014 : Justice judiciaire et accès au droit,
pp. 36 et suivantes.

Si l'efficacité du mécanisme de l'AGRASC est incontestable, plusieurs modifications pourraient être effectuées, comme l'Agence le relève d'ailleurs dans son rapport pour l'année 2014.

En particulier, le dispositif de l'article 706-164 du code de procédure pénale permettant aux victimes d'être indemnisées sur les biens saisis de l'auteur de l'infraction lui ayant causé un préjudice est trop imprécis en l'état de sa rédaction pour permettre qu'il soit mis en oeuvre, comme le précise le rapport annuel de l'AGRASC pour l'année 2014 302 ( * ) .

2.2- L'amélioration de diverses dispositions relatives à l'AGRASC

Le présent article opèrerait plusieurs modifications aux objets très variables, pour faciliter l'exercice de ses missions par l'Agence, qui peuvent être regroupées sous plusieurs thématiques. Ces modifications sont très largement inspirées du rapport annuel de l'AGRASC qui a en effet préconisé plusieurs pistes d'améliorations.

En premier lieu, il s'agit de conforter l'exercice de ses missions par l'AGRASC, en réaffirmant son rôle d'administration, de gestion et de valorisation des biens confisqués, notamment en transférant à l'AGRASC le monopole pour la valorisation des fonds de commerce saisis (art. 706-157 du code de procédure pénale).

L'AGRASC verrait son rôle d'assistance aux juridictions pour opérer les saisies également conforté ainsi que sa mission de valorisation des biens confisqués en vertu d'une sanction pénale, alors même que l'AGRASC n'aurait pas administré ces biens.

Le recours subrogatoire du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) contre l'AGRASC serait désormais impossible , pour que le choix d'affectation des ressources de l'AGRASC reste maîtrisé.

Les modifications ont également pour fonction de conforter les ressources de l'AGRASC , en prévoyant que parmi ses ressources figure également le produit du placement des sommes versées sur le compte de l'Agence à la Caisse des dépôts et consignations (art. 706-163) dont l'origine ne peut être déterminée et qui font l'objet d'un transfert quatre ans après leur versement sur le compte à l'État.

Par ailleurs, l'article permettrait l'aliénation, par anticipation d'une décision de justice, d'un bien dont les frais de conservation seraient disproportionnés par rapport à sa valeur (art. 706-143 du code de procédure pénale).

En effet, des frais importants peuvent découler de cette gestion, à la charge de l'AGRASC. Selon le schéma retenu pour les biens saisis mais qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité (art. 99-2), le présent article permettrait qu'en cas de frais disproportionnés pour la conservation de ces biens, l'agence pourrait alors les aliéner, après en avoir eu l'autorisation par le juge des libertés et de la détention sur requête du procureur de la République, ou en cas d'information judiciaire, du juge d'instruction après avis du procureur de la République.

Dans ce cas, le produit des sommes serait consigné , et son produit reversé au propriétaire, en cas de non-lieu, de relaxe, d'acquittement ou si la peine de confiscation n'est pas prononcée.

Cet article opèrerait également une clarification de la procédure applicable de l'article 706-164, qui permet d'indemniser les victimes sur les biens de la personne condamnée, à l'origine de leur dommage . En effet, la rédaction actuelle de l'article 706-164 du code de procédure pénale est trop lacunaire pour permettre la mise en oeuvre effective de cette procédure. De fait, le rapport annuel de l'AGRASC pour 2014 ne fait état que de sommes très limitées mises à disposition des victimes 303 ( * ) .

En effet, dans sa rédaction actuelle, l'article 706-164 indique simplement que la victime qui n'a pu obtenir une indemnisation par le fonds de garantie, peut demander à l'agence de lui payer les sommes auxquelles elle a droit « prioritairement ». Toutefois, aucun délai n'enserre cette possibilité, ce qui fait peser une incertitude sur les fonds confisqués par l'agence. Par ailleurs, la situation d'une pluralité de créanciers n'est pas envisagée.

Le présent article renforce également le rôle d'expert en matière de saisie et de confiscations au service des juridictions de l'AGRASC, en ajoutant aux juridictions qui peuvent la solliciter, les procureurs de la République . Pour les juridictions et les procureurs de la République, l'AGRASC aurait également la possibilité de fournir une aide de sa propre initiative et non plus seulement sur seule sollicitation. Dans ce cadre, les magistrats, et les greffiers de l'AGRASC disposeraient d'un accès à Cassiopée , pour les procédures pour lesquelles sont envisagées des saisies ou des confiscations.

2.3- La position de votre commission

Les mesures proposées par le présent article sont particulièrement bienvenues, en ce qu'elles facilitent les missions de l'AGRASC. Elles sont pour partie suggérées par l'AGRASC elle-même dans ses rapports annuels.

Toutefois, plusieurs ajustements semblent nécessaires.

En premier lieu, la nouvelle procédure d'aliénation des biens avant jugement au fond proposée par le présent article présente une difficulté, en ce qu'elle vise l'ensemble des biens , meubles et immeubles . Or, si cette procédure est nouvelle pour les immeubles, tel n'est pas le cas pour les biens meubles qui font déjà l'objet de dispositions équivalentes, aux articles 41-4 (au stade de l'enquête) et 99-2 (au stade de l'instruction) du code de procédure pénale.

En conséquence, par un amendement COM-125 de votre rapporteur, ces dispositions ont été modifiées pour les limiter aux seuls immeubles , dans la mesure où les meubles font déjà l'objet de dispositions spécifiques, et déplacées à l'article 706-152 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, s'il est justifié de prévoir que parmi les ressources de l'AGRASC figurent également les sommes confisquées dont l'origine ne peut être déterminée, la mention selon laquelle le produit de placement de ces sommes sur le compte de la caisse des dépôts et consignations est également une ressource de l'agence est inutile et source d'ambiguïté : en effet, une disposition générale prévoit que les sommes placées sur le compte unique de l'agence à la CDC produisent des intérêts sans distinction selon l'origine des sommes perçues. En conséquence, un amendement COM-126 du rapporteur a été adopté par votre commission, supprimant ces dispositions.

Votre commission a adopté l'article 31 quinquies ainsi modifié .

Article 31 sexies (art. 48-1 du code de procédure pénale) - Accès des magistrats chargés du contrôle des fichiers de police judiciaire à Cassiopée

Le présent article résulte de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement de la rapporteure Mme Colette Capdevielle.

Par la modification de l'article 48-1 relatif au bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires, il vise à étendre l'accès à cette application automatisée dite Cassiopée (acronyme de chaîne applicative supportant le système d'information orienté procédure pénale et enfants). Ce traitement automatisé de données enregistre l'ensemble des informations relatives aux plaintes et dénonciations reçues par les magistrats. Les informations peuvent concerner les témoins, les personnes mises en examen, les prévenus, les accusés, les victimes, les parties civiles, les avocats ou encore le personnel du ministère de la justice. Il permet également de gérer les audiences, d'élaborer les décisions des juridictions de jugement, de gérer les voies de recours et les recours en grâce, les requêtes, les scellés et les objets en gardiennage, ou encore l'exécution des peines.

Peuvent directement accéder aux informations les procureurs de la République et les magistrats du siège exerçant des fonctions pénales, les procureurs généraux ou, par exemple, le représentant national auprès d'Eurojust.

Le présent article vise à préciser que les magistrats « chargés par une disposition législative ou règlementaire du contrôle des fichiers de police judiciaire, du fichier national automatisé des empreintes génétiques et du fichier automatisé des empreintes digitales » peuvent directement accéder à Cassiopée. Il s'avère en effet opportun de leur permettre cet accès afin de faciliter l'exercice de leur fonction.

Votre rapporteur s'interroge néanmoins sur la nécessité de recourir à la loi pour permettre cet accès à des magistrats, qui semblent nécessairement visés par les dispositions réglementaires (notamment l'article R15-33-66-8) précisant les personnes ayant accès à Cassiopée.

Votre commission a adopté l'article 31 sexies sans modification .

Article 31 septies (art. 84-1 [nouveau], 135-2, 141-2, 161-1, 175, 197 et 706-71 du code de procédure pénale) - Dispositions relatives à la simplification de la procédure d'instruction

Le présent article résulte de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement, visant à procéder à plusieurs simplifications de la procédure d'instruction.


Possibilité pour les parties de renoncer aux délais en matière d'expertise et de règlement de l'instruction

L'article 31 septies , 1° et 4°, vise à simplifier la procédure d'instruction au regard des délais qui sont offerts aux parties en matière d'expertise et de règlement de l'instruction, en modifiant les modalités selon lesquelles elles peuvent choisir d'y renoncer.

En matière d'expertise , l'article 161-1 du code de procédure pénale prévoit que dès qu'une expertise est ordonnée par le juge d'instruction, elle est communiquée aux parties qui disposent d'un délai de dix jours pour demander au juge d'instruction de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert désigné, un autre expert de leur choix figurant sur la liste des experts judiciaires.

Toutefois, il est possible de passer outre ce délai de dix jours dans trois hypothèses :

- en cas d'urgence, lorsque les opérations d'expertise et le dépôt des conclusions de l'expert ne peuvent être différés pendant le délai de dix jours ;

- lorsque la communication aux parties risque d'entraver l'accomplissement des investigations ;

- lorsque les conclusions de l'expertise ordonnée seront sans incidence sur la détermination de la culpabilité du mis en cause.

Enfin, l'article 161-1 dispose que les parties peuvent déclarer renoncer, en présence de leur avocat ou celui-ci dûment convoqué, à bénéficier de ce délai.

Le présent article prévoit, dans un nouvel article 84-1, de permettre au juge d'instruction de demander directement aux parties si elles entendent renoncer au délai de dix jours, à n'importe quel moment de la procédure, dès la première comparution ou audition des intéressés. Ces derniers peuvent déclarer ne renoncer au délai que pour certaines catégories d'expertises. La création de l'article 84-1 entrainerait par conséquent la suppression du dernier alinéa de l'article 161-1 qui permet aux parties de prendre l'initiative de renoncer à ce délai.

Concernant l'avis de fin d'information , l'article 175 du code de procédure pénale dispose que lorsque l'information lui paraît terminée, le juge d'instruction avise les parties qui disposent d'un délai d'un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas, pour adresser des observations écrites au juge.

À l'issue de ces délais, elles disposent à nouveau d'un délai - dix jours si le mis en examen est détenu ou un mois dans les autres cas - pour adresser des observations complémentaires au vu des réquisitions ou observations qui leur ont été communiquées. Ce n'est qu'à l'issue de ces délais que le juge d'instruction peut rendre son ordonnance de règlement. L'article 175 dispose également que les parties peuvent déclarer renoncer, en présence de leur avocat ou celui-ci dûment convoqué, à bénéficier de ces délais.

Le présent article prévoit la même possibilité que pour l'article 161-11 : permettre au juge d'instruction de demander directement aux parties si elles entendent renoncer à ces délais, sans attendre qu'elles en prennent l'initiative. Toutefois, il précise que cette renonciation n'est valable que si elle a été faite par l'ensemble des parties de la procédure.

Ces dispositions retirent aux parties l'initiative de renoncer à ces délais et confie ce seul rôle au juge d'instruction qui peut choisir d'y recourir, n'importe quand, au cours de la procédure. Il s'agit en effet d'un moyen de simplifier la procédure, et non pas d'une réelle prérogative offerte aux parties, ce qui justifie que ce soit au juge de décider d'y avoir recours.

Votre rapporteur relève néanmoins la portée limitée de ces dispositions. En effet, le procureur de la République dispose des mêmes délais que les parties en matière d'expertise et lors du règlement de l'information. N'étant pas « une partie » au sens de ce texte, mêmes si celles-ci renoncent aux délais, il conserve ses prérogatives pendant les délais impartis et le juge d'instruction devra nécessairement attendre l'issue de ces délais pour agir. Une telle réforme n'aura donc pas pour conséquence de raccourcir les délais et de faire gagner du temps, mais uniquement de permettre au juge d'avoir connaissance de la position des parties sur ces points.

De plus, comme l'ont remarqué plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, il paraît assez peu probable, au stade du premier interrogatoire ou de la première audition, que les parties choisissent, dès le début de la procédure, de renoncer au délai qui leur est offert en fin d'information, afin de se réserver cette possibilité, si nécessaire, en fonction du déroulement de l'instruction. Le formalisme imposé par cet article (lecture des articles, présence des avocats) oblige le juge d'instruction à le faire en présence des parties. Dans l'hypothèse où poser cette question au début de la procédure semble peu opportun, le juge ne pourra le faire qu'à condition de convoquer à nouveau les parties. En revanche, en l'absence de la nécessité d'avoir à procéder à un acte, tel un interrogatoire, notamment lorsque seule la première audition de partie civile suffit, le juge aura l'obligation de convoquer les parties et leurs avocats uniquement pour savoir s'ils entendent ou non renoncer aux délais. Il est souhaitable que cette modification n'entraîne pas un nouveau formalisme à la charge du juge, sans qu'un réel gain de temps soit assuré.


Recours à la visio-conférence pour les présentations sur mandats d'arrêt

Les 2° et 5° du présent article visent à permettre le recours à la visio-conférence lors de la présentation, devant le procureur de la République et le juge des libertés et de la détention, d'une personne arrêtée en vertu d'un mandat d'arrêt.

En l'état actuel du droit, l'article 135-2, alinéa 5 du code de procédure pénale, dispose que lorsqu'une personne, faisant l'objet d'un mandat d'arrêt, est arrêtée à plus de deux cents kilomètres du siège de la juridiction de jugement, elle est conduite devant le juge des libertés et de la détention du lieu de son arrestation s'il n'est pas possible de la conduire, dans le délai de vingt-quatre heures, devant le procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel siège la juridiction de jugement saisie des faits.

Ce dernier est ensuite avisé, par le juge des libertés et de la détention, de la mise à exécution du mandat, et doit dès lors ordonner le transfèrement de la personne qui doit comparaître devant lui dans les quatre jours de la notification du mandat (délai de six jours en cas de transfèrement entre un département d'outre-mer et la France métropolitaine ou un autre département d'outre-mer). À l'issue de cette présentation, le procureur de la République présente la personne devant le juge des libertés et de la détention du tribunal où siège la juridiction de jugement.

Afin de simplifier la procédure, le présent article prévoit de permettre la présentation par visio-conférence de la personne, devant le procureur de la République puis devant le juge des libertés et de la détention du tribunal où siège la juridiction de jugement saisie, selon les modalités prévues à l'article 706-71 du code de procédure pénale. Le but est d'éviter le transfèrement de la personne qui se trouve à plus de deux cents kilomètres du siège de la juridiction de jugement.

Cet article ajoute qu'il n'est possible d'y recourir que si la personne arrêtée y consent . Il modifie également l'alinéa 3 de l'article 706-71 aux termes duquel, pour pouvoir accepter ou refuser l'utilisation de la visio-conférence, la personne doit être informée de la date de l'audience devant le juge des libertés et de la détention et du fait que le recours à ce moyen de télécommunication est envisagé.


Suivi du contrôle judiciaire par le procureur de la République

Le du présent article a pour objectif d'assurer un meilleur suivi par le procureur de la République des contrôles judiciaires après la décision de renvoi devant la juridiction.

En l'état actuel du droit, l'article 141-2, alinéa 2, dispose que si une personne se soustrait aux obligations du contrôle judiciaire alors qu'elle est renvoyée devant la juridiction de jugement , le procureur de la République peut, hors le cas où le président de la cour d'assises est compétent (art. 272-1), saisir le juge des libertés et de la détention pour que celui-ci décerne mandat d'arrêt ou d'amener à l'encontre de l'intéressé ou son placement en détention provisoire.

De plus, à l'instar des attributions confiées au juge d'instruction à l'article 141-4, l'article 141-2 autorise le procureur de la République à ordonner aux services de police ou de gendarmerie d'appréhender la personne placée sous contrôle judiciaire à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a manqué aux obligations de son contrôle judiciaire.

Le présent article prévoit, dans la continuité de ces dispositions, d'ajouter aux prérogatives du procureur de la République, celle de pouvoir ordonner aux services de police ou de gendarmerie de procéder à une perquisition chez une personne qui, placée sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, est soumise à l'interdiction de détenir une arme, lorsqu'il existe des indices graves ou concordants que des armes se trouvent actuellement à son domicile.

Il s'agit d'une prérogative spécifique attribuée au juge d'instruction depuis la loi n°2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales , qu'il semble opportun d'étendre au procureur de la République.


Nullités en cas de dossier incomplet

Votre commission a complété l'article 31 septies par de nouvelles dispositions introduites par l' amendement COM-145 du Gouvernement.

Selon les précisions fournies par le Gouvernement, cette modification juridique répond à une demande des praticiens, notamment des juges d'instruction de Paris, en clarifiant et simplifiant les dispositions applicables en cas d'appel ou de requête devant la chambre de l'instruction intervenant au cours de l'instruction préparatoire.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 197 du code de procédure pénale prévoit qu'avant l'audience, les avocats des parties doivent pouvoir consulter le dossier de la procédure ou en obtenir une copie. Ce dossier est en réalité une copie de celui détenu par le juge d'instruction. Il arrive parfois, notamment dans les dossiers volumineux, que certaines pièces du dossier original ne figurent pas dans la copie transmise à la chambre de l'instruction, ce qui peut conduire, à la demande des avocats des personnes mises en examen qui relèvent ces omissions, soit à l'annulation de la procédure, soit au renvoi de l'audience, à une date qui peut dépasser la date limite à laquelle la chambre doit statuer, notamment en matière de détention provisoire, ce qui peut provoquer la mise en liberté de la personne.

Le Gouvernement considère que ces conséquences, qui font l'objet de jurisprudences contradictoires de la Cour de cassation 304 ( * ) , sont doublement excessives.

D'une part en effet, les avocats ont déjà connaissance de l'entier dossier détenu par le juge d'instruction, auquel ils ont accès à tout moment en application de l'article 114 du code de procédure pénale. C'est du reste précisément de par leur connaissance du dossier original qu'ils peuvent découvrir qu'une pièce manque dans le dossier transmis à la cour d'appel. Il peut être à cet égard souligné que la communication de l'entier dossier devant la chambre de l'instruction date du code de procédure pénale originel de 1958, à l'époque où les avocats n'avaient pas un accès permanent au dossier du juge d'instruction, mais uniquement 24 heures avant chaque interrogatoire.

D'autre part, il arrive fréquemment que la ou les pièces manquantes - par exemple quelques pages d'un procès-verbal décrivant l'ensemble des objets saisis lors d'une perquisition, mais dont la liste figure également dans un PV de synthèse - n'aient aucune incidence sur le litige porté devant la chambre de l'instruction.

Le Gouvernement a donc jugé utile, votre commission souscrivant à cette analyse, de compléter l'article 197 pour indiquer que l'absence d'une pièce ne peut constituer une cause de nullité, et que le renvoi de l'audience ne s'impose que si la pièce manquante est nécessaire à l'examen de la question soumise à la cour.

Votre commission a adopté l'article 31 septies ainsi modifié.

Article 31 octies A (nouveau) (art. 82-3, 87, 173-1, 175 et 186-3 du code de procédure pénale) - Simplifications procédurales en matière d'instruction pour limiter les demandes dilatoires

L'article 31 octies A, résultant de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-149 présenté par le Gouvernement, répond à des demandes des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Paris, relayées par le président de cette juridiction, tendant à simplifier la procédure d'instruction, en évitant des demandes dilatoires déposés en cours de procédure ou, en toute fin d'information, lors du règlement de celle-ci. Ces demandes permettent en effet de former ensuite appel contre les ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel, qui sont considérées comme des « ordonnances mixtes », statuant également sur les précédentes demandes, alors même que ces appels ne sont en principe possibles, en vertu de l'article 186-3 du code de procédure pénale, qu'en cas de correctionnalisation ou en cas de signature unique malgré une co-saisine.

Tout d'abord, afin de prévenir toute demande dilatoire en ce sens, l'article propose d'enserrer dans un délai de six mois (exactement comme pour les demandes de nullité) suivant le premier interrogatoire la demande d'une personne mise en examen ou témoin assisté tendant à faire constater la prescription de l'action publique.

Il est de même prévu que les contestations de constitution de partie civile ne pourront être faites en toute fin de procédure après l'avis de fin d'information, dès lors que la question pourra être examinée par la juridiction de jugement. Actuellement ces contestations peuvent être faites dans un but dilatoire au moment du règlement uniquement pour pouvoir ensuite interjeter appel contre l'ordonnance de renvoi, qui statue alors, explicitement ou implicitement sur cette contestation.

Par ailleurs, il est proposé de faire courir le délai de forclusion de six mois des demandes de nullités, énoncé à l'article 173-1 du code de procédure pénale, non seulement après chaque interrogatoire, mais également après chaque notification - les parties étant alors tout autant incitées à consulter le dossier de la procédure, par exemple pour savoir si elles peuvent demander une contre-expertise ou une nouvelle demande de mise en liberté.

Il est également proposé d'indiquer expressément que le délai ouvert aux parties lors du règlement du dossier pour présenter d'ultimes demandes ou requêtes en nullité ne leur permet pas de déposer des demandes pour lesquelles elles seraient déjà forcloses, à savoir, précisément, les demandes de nullité ou de constatation de la prescription.

Enfin, il est précisé que sont irrecevables les appels contre les ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel, hors les deux cas prévus par l'article 186-2, et que cette irrecevabilité peut être constatée par le président de la chambre de l'instruction, y compris lorsqu'il est allégué que l'ordonnance de règlement est une ordonnance mixte, alors que la précédente demande formée était elle-même irrecevable ou, s'agissant d'une demande d'acte, manifestement infondée.

Ainsi, selon l'analyse défendu par le Gouvernement à laquelle votre commission a souscrit, cet article ne limite pas les droits de la défense et le respect du contradictoire au cours de l'instruction, mais il évite que ces droits ne soient utilisés de façon abusive uniquement pour retarder le jugement des affaires correctionnelles.

Votre commission a adopté l'article 31 octies A ainsi rédigé.

Article 31 octies (art. 230-2, 230-3, 230-45 [nouveau] du code de procédure pénale) - Monopole de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires

Le présent article, résultant de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement, vise à organiser la centralisation de la plupart des réquisitions adressées par les officiers de police judiciaire au sein de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ). Cette disposition faisait initialement l'objet d'une habilitation à légiférer par ordonnance à l'article 33 du présent projet de loi.

Le du présent article crée un nouvel article 230-45 du code de procédure pénale rendant obligatoire le recours à la PNIJ pour des réquisitions limitativement énumérées, à savoir les réquisitions d'informations numériques, les interceptions de correspondances et les géolocalisation.

Le du présent article permet d'adresser directement les données obtenues dans le cadre d'une interception de communication enregistrée sur la PNIJ aux moyens de l'État permettant la mise au clair de données chiffrées.

La plateforme nationale des interceptions judiciaires a « pour objet de faire face aux évolutions technologiques en matière de communications électroniques et de rationaliser les coûts en matière de frais de justice liés aux réquisitions adressées aux opérateurs de télécommunications ainsi qu'aux sociétés privées de location de centrales d'écoute 305 ( * ) ». Elle agit en qualité de tiers de confiance centralisé, située en aval des opérateurs et en amont des OPJ et agents de la douane judiciaire, respectant ainsi le secret de l'enquête et de l'instruction.

Les objectifs de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires

- Adapter les moyens d'interception aux évolutions des usages et des technologies en matière de communications électroniques ;

- Assurer la fiabilité, l'authenticité et la confidentialité des informations recueillies, conservées et restituées par une architecture centralisée utilisant des réseaux de collecte et de distribution de données de l'État ou gérés par l'État ;

- Diminuer le montant des frais de justice consacrés aux réquisitions judiciaires en matière de communications électroniques en supprimant les coûts supportés par la location de lignes de renvoi, de réseaux intermédiaires de distribution et de centrales d'écoutes ;

- Instaurer un nouveau circuit de paiement des mémoires de frais, permettant de décharger les juridictions du traitement des mémoires de frais ;

- Dématérialiser et conserver numériquement les scellés de données interceptées ;

- Assurer un suivi statistique, notamment à des fins budgétaires.

Source : avis de la commission des lois
sur le projet de loi de finances pour 2010

Instaurée par le décret n° 2014-1162 du 9 octobre 2014, la plate-forme nationale des interceptions judiciaires n'est pas encore opérationnelle sur tout le territoire. A l'heure actuelle, si les services enquêteurs semblent satisfaits de l'utilisation de la PNIJ pour l'envoi de réquisitions portant sur l'identification de numéros par exemple, de nombreuses difficultés apparaissent quant à la réalisation des interceptions, notamment en raison de la lenteur de chargement des communications. De plus, la PNIJ a connu une panne importante, fin février, qui a concerné à la fois les interceptions et les prestations annexes de la PNIJ. De fait, un grand nombre de services enquêteurs continuent d'utiliser les prestataires historiques, pourtant plus couteux que la PNIJ. 306 ( * )

Dans ce contexte, il semble délicat de faire de la PNIJ le dispositif exclusif des réquisitions adressées aux fins d'interceptions de correspondance.

Aussi, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a-t-elle considéré que si la centralisation était souhaitable, notamment pour les garanties de fiabilité des informations recueillies, elle ne devait pas être exclusive de l'utilisation d'autres procédés. En conséquence, elle a adopté l' amendement COM-127 qui permet une centralisation non contraignante des réquisitions des officiers de police judiciaire et qui prévoit l'entrée en vigueur de ce dispositif au 1 er janvier 2018.

Votre commission a adopté l'article 31 octies ainsi modifié.

Article 31 nonies (art. 308 du code de procédure pénale) - Enregistrement sonore des débats en cour d'assises

Résultant de l'adoption par la commission des lois d'un amendement de sa rapporteure, Mme Colette Capdevielle, l'article 31 nonies tend à modifier l'article 308 du code de procédure pénale afin de tirer les conclusions de la décision n° 2015-499 du 20 novembre 2015 du Conseil constitutionnel, qui a déclaré le dernier alinéa de cet article contraire à la Constitution.


L'enregistrement sonore des débats de la cour d'assises : d'une possibilité à une obligation

Jusqu'à la loi du 20 juin 2014 307 ( * ) , l'article 308 du code de procédure pénale disposait que le président de la cour d'assises pouvait ordonner l'enregistrement sonore des débats, cet enregistrement pouvant ensuite être réutilisé jusqu'au prononcé de l'arrêt, en appel, en cas de révision de la cassation ou devant la juridiction de renvoi après cassation ou annulation.

L'adoption de la proposition de loi de notre collègue député Alain Tourret, ayant pour objectif d'élargir les possibilités d'aboutissement des demandes de révision, a remplacé la faculté pour le président de la cour d'assises de demander l'enregistrement des débats par une obligation de procéder à cet enregistrement. L'objectif de cette systématisation de l'enregistrement des débats est de faciliter l'identification des faits nouveaux ou éléments inconnus qui peuvent appuyer une demande de révision.

Aux termes de l'article 308, ces dispositions n'étaient toutefois pas prescrites à peine de nullité de la procédure. Cette précision est issue d'un amendement du Sénat, adopté lors du vote de la loi du 2 février 1981 308 ( * ) , qui tendait à éviter la nullité de la procédure dans le cas de l'utilisation d'un appareil défectueux pour l'enregistrement facultatif des débats 309 ( * ) .


La décision du Conseil constitutionnel : l'inconstitutionnalité de la nullité

Par une décision QPC n° 2015-499, le Conseil constitutionnel a déclaré qu'en instaurant une telle obligation, le législateur avait conféré aux parties un droit à l'enregistrement sonore des débats de la cour d'assises. Mais qu'en interdisant toute forme de recours fondé sur l'atteinte à ce droit, le dernier alinéa de l'article 308 du code de procédure pénale méconnaissait l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée [...] n'a point de Constitution » . Le dernier alinéa de l'article 308 a donc été déclaré contraire à la Constitution, avec effet différé au 1 er septembre 2016.

En conséquence, le Gouvernement a demandé, dans le projet de loi initial, une habilitation à modifier par ordonnance l'article 308 du code de procédure pénale afin de tirer les conclusions de la décision du Conseil constitutionnel. La commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue rapporteure Colette Capdevielle, a adopté un article additionnel modifiant directement cet article.

La modification ainsi apportée à l'article 308 consiste à rendre obligatoire l'enregistrement sonore des audiences de la cour d'assises lorsque celle-ci statue en appel, à moins que l'ensemble des accusés y renoncent expressément. Pour les débats de cour d'assises en premier ressort, le président peut ordonner, d'office ou à la demande du ministère public ou des parties, l'enregistrement. Il est enfin précisé que l'absence d'enregistrement sonore des débats de la cour d'assises statuant en appel « constitue une cause de cassation de l'arrêt de condamnation s'il est établi qu'il a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts du demandeur du pourvoi ».


La position de votre commission

Votre rapporteur s'interroge sur la restriction de l'obligation d'enregistrement sonore aux seules audiences de cour d'assises statuant en appel. Selon plusieurs magistrats entendus par votre rapporteur, le texte proposé « vide très substantiellement le recours à l'enregistrement sonore de sa portée juridique et fait reposer la charge de la preuve d'un grief sur les épaules d'un demandeur qui ne pourra pas s'appuyer sur l'enregistrement pour étayer ses dires ». Pour justifier cette restriction, l'étude d'impact du projet de loi et le rapport de notre collègue députée se fondent sur le fait que les accusés renonçant à faire appel ne forment généralement pas de demande en révision. Toutefois, même si l'obligation d'enregistrement sonore a été décidée par le législateur dans le but précis de faciliter les demandes de révision, cet enregistrement peut être utilisé pour d'autres raisons, et ne crée donc pas de droits seulement pour les personnes susceptibles de demander la révision de leur condamnation. L'article 308 prévoit en effet l'utilisation de l'enregistrement devant la cour d'assises jusqu'au prononcé de l'arrêt, en appel ou devant la juridiction de renvoi. Si, par exemple, après avoir livré un témoignage-clé en première instance, une personne décède ou se trouve hors d'état de témoigner lors d'un procès ultérieur, le condamné dont le procès aura fait l'objet d'un enregistrement des débats sera dans une situation beaucoup plus avantageuse que celui dont le procès se sera déroulé sans enregistrement. Ainsi, maintenir l'obligation d'enregistrement uniquement en appel pourrait, en créant des inégalités entre les condamnés, créer une nouvelle situation d'insécurité juridique.

Surtout, la décision du Conseil constitutionnel impose l'équipement de toutes les cours d'assises en dispositifs d'enregistrement sonore fonctionnel avant le 1 er septembre 2016 310 ( * ) : dans la mesure où il sera matériellement possible de procéder aux enregistrements sonores des débats, il ne semble pas logique de limiter ces enregistrements uniquement aux débats en appel.

Enfin, il paraît nécessaire d'envisager le cas du défaut de fonctionnement du système d'enregistrement sonore. En effet, ce cas est précisément à l'origine de la mention de l'article 308 du code de procédure pénale prévoyant que les dispositions de l'article ne sont pas prescrites à peine de nullité. Cette absence de prescription à peine de nullité étant partiellement remise en cause, il semble cohérent de prévoir qu'en cas de dysfonctionnement, le président de la cour d'assises demande aux parties si elles souhaitent renoncer à l'enregistrement des débats, et qu'en cas de réponse négative de ces dernières, les débats soient suspendus le temps de rétablir la possibilité d'enregistrer.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a ainsi adopté un amendement COM-128 tendant à rétablir l'enregistrement des débats de la cour d'assises, qu'elle statue en premier ressort ou en appel et prévoyant le cas du dysfonctionnement du système d'enregistrement sonore.

Votre commission a adopté l'article 31 nonies ainsi modifié .

Article 31 decies (art. 354 et 355 du code de procédure pénale) - Aménagement des lieux d'un procès d'assises

Le présent article résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Il vise à modifier les articles 354 et 355 du code de procédure pénale qui disposent que l'accusé ne peut quitter le palais de justice, ni le jury la chambre des délibérations, pendant que le délibéré a lieu, afin de permettre au président de la cour d'assises de désigner un lieu autre que la juridiction comme lieu du délibéré ou lieu dans lequel l'accusé doit attendre le délibéré.

Le ministère de la justice a jugé nécessaire de procéder à cette modification législative après avoir constaté dans quelques rares procès, que la stricte interprétation des articles 354 et 355 du code de procédure pénale pouvait empêcher les jurés ou l'accusé de sortir du palais, y compris pendant la nuit.

Cette possibilité offerte au président de la cour d'assises ne pourrait toutefois être prononcée que « si la longueur prévisible du délibéré le justifie ».

Votre commission a adopté l'article 31 decies sans modification .

Article 31 undecies (art. 379-2, 379-7 [nouveau] et 380-1 du code de procédure pénale) - Jugement aux assises réputé contradictoire

Le présent article résulte de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale, d'un amendement du Gouvernement.

Il vise à réputer contradictoire l'arrêt d'assises rendu à l'encontre d'un accusé qui prend la fuite alors que les interrogatoires sur les faits et la personnalité ont déjà été réalisés et que son avocat continue à assurer la défense de ses intérêts. De même, il permettrait d'écarter à son égard le bénéfice des règles avantageuses du jugement par défaut, définies au chapitre VIII du titre Ier du livre II du code de procédure pénale,  et l'arrêt de condamnation vaudrait mandat d'arrêt. Enfin, les délais d'appel ou de pourvoi en cassation courraient à partir du moment où l'arrêt aurait été porté à la connaissance de l'accusé.

Les règles du jugement par défaut en matière criminelle ont été posées par la loi Perben II du 9 mars 2004, qui a abrogé les anciennes dispositions relatives à la contumace jugées contraire à l'article 6 de la convention européennes relatif au procès équitable 311 ( * ) .

Si elles permettent la tenue d'un procès même en l'absence de l'accusé, elles organisent cependant la mise à néant de l'arrêt prononcé par défaut. En effet, si la personne est arrêtée, un nouveau procès devra se tenir, l'arrêt prononcé par défaut étant considéré non avenu.

Le présent article vise à mettre fin à ce régime qui permet aux accusés, délibérément en fuite, de bénéficier de plusieurs procès alors même qu'ils étaient représentés par un avocat. Il prévoit de réputer également contradictoire le procès devant la cour d'assises d'appel, lorsque la décision de première instance a été rendue normalement.

Jugeant ce dispositif compatible avec l'exercice des droits de la défense, votre commission a adopté l'article 31 undecies sans modification .

Article 31 duodecies A (nouveau) (art. 296 et art. 379-4 du code de procédure pénale) - Aménagement du défaut criminel et possibilité pour les jurés suppléants d'assister au délibéré

Le présent article résulte de l'adoption par votre commission d'un amendement COM-152 du Gouvernement.

Il vise d'une part à aménager la mise à néant de l'arrêt d'une cour d'assises prononcé par défaut. S'il est possible de prononcer une condamnation en l'absence de l'accusé, l'arrêt de la cour d'assises est néanmoins réputé non avenu si le condamné par défaut se constitue prisonnier ou est arrêté avant que la peine soit éteinte par la prescription et il doit être procédé à un nouveau procès d'assises.

Les dispositions proposées par le Gouvernement permettraient à l'accusé, assisté de son avocat, condamné par défaut de pouvoir accepter l'arrêt de condamnation de la cour d'assises. Seulement dans l'hypothèse contraire serait-il alors procéder à l'organisation d'un nouveau procès.

D'autre part, le présent article vise à permettre aux jurés supplémentaires d'assister au délibéré, sans toutefois qu'ils puissent manifester leur opinion. Cette disposition permettrait, en cas de nécessité de remplacer un juré au cours d'un délibéré, de ne pas recommencer l'ensemble des délibérations.

Par l'adoption d'un amendement COM-152 du Gouvernement, votre commission a adopté l'article 31 duodecies A ainsi rédigé.

Article 31 duodecies (art. 380-1, 380-14, 380-15 [nouveau], 500-1, 502, 505-1 du code de procédure pénale ; art. L. 555-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. 48 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna ; art. 50 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française ; art. 50 de l'ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie) - Diverses dispositions relatives à l'appel

Le présent article, issu de l'adoption d'un amendement du Gouvernement par la commission des lois de l'Assemblée nationale, tend à simplifier les dispositions relatives à l'appel.


Simplification de la procédure de désignation des cours d'assises d'appel

Selon l'article 380-1 du code de procédure pénale les arrêts de la cour d'assises peuvent faire l'objet d'un appel. La cour d'assises d'appel est désignée par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Or cette tâche soumet la chambre criminelle de la Cour de cassation à un « lourd travail de gestion sur l'intérêt duquel on est en droit de s'interroger », soulignait ainsi le dernier rapport annuel de la Cour de cassation 312 ( * ) . La chambre criminelle traite en effet plus de 500 dossiers de désignation par an. Votre rapporteur s'interroge également sur la pertinence de cette centralisation des décisions, alors même que la chambre criminelle ne connaît pas nécessairement l'encombrement de toutes les cours d'assises et n'est dès lors pas le lieu de décision le plus pertinent. Il serait opportun de la recentrer sur sa mission normative et de donner aux premiers présidents des cours d'appel cet outil de gestion du contentieux de leur ressort 313 ( * ) .

Les 1°A et 1° du I du présent article reprennent ces suggestions de déconcentration. Désormais, le premier président de la cour d'appel pourrait désigner la cour d'assises d'appel, après avoir recueilli les observations écrites du ministère public et des parties. Si toutefois ces derniers demandaient un dépaysement de l'affaire, la chambre criminelle de la Cour de cassation resterait chargée de désigner la cour d'assises d'appel.

Le 2° du I du présent article, qui modifie l'article 380-15 du code de procédure pénale, vise également à alléger les tâches de gestion de la chambre criminelle, relatives à la désignation des cours d'assises d'appel.

Actuellement, si un appel d'un arrêt de cour d'assises n'a pas été formé dans les délais ou n'est pas susceptible d'appel, la chambre criminelle constate l'irrecevabilité de ces appels.

Le présent article permet au seul président de la chambre criminelle ou au président de la cour d'appel de constater cette irrecevabilité, sans qu'il soit nécessaire que la chambre criminelle réunie prenne cette décision.


Clarification de la procédure de désistement

Le 3° du I du présent article vise à clarifier les règles propres au désistement.

Tout jugement correctionnel peut faire l'objet d'un appel de la part du prévenu, du procureur de la République ou du procureur général près la cour d'appel 314 ( * ) , dans un délai de dix jours à compter de la signification du jugement. En cas d'appel d'une des parties, les autres parties ont cinq jours supplémentaires pour interjeter appel.

L'article 500-1 du code de procédure pénale permet au prévenu ou à la partie civile de se désister de son appel principal dans un délai maximum d'un mois à compter de l'appel. Ce désistement entraîne la caducité de tous les appels incidents, y compris ceux du ministère public.

Néanmoins, si le prévenu se désiste de son appel plus d'un mois après l'écoulement du délai, son désistement ne frappe pas de caducité l'appel incident du ministère public. Or, comme le soulève la Cour de cassation dans son dernier rapport annuel, « un prévenu qui n'aurait connu que tardivement les motifs du jugement, et qui se serait désisté après le délai d'un mois » resterait « exposé à un risque d'aggravation de sa peine au cas où le ministère public ne se serait pas désisté de son appel incident ».

La Cour de cassation suggérait de préciser que le désistement d'appel du prévenu, même hors délai, entraîne toujours la caducité de l'appel incident du ministère public 315 ( * ) . Le projet de loi prévoit quant à lui d'étendre la période pendant laquelle prévenu peut se désister. Désormais, le désistement du prévenu, qui entrainerait la caducité de tous les appels incidents, y compris du ministère public, pourrait avoir lieu jusqu'à deux mois avant la date de l'audience devant la cour d'appel.


Possibilité d'interjeter partiellement un jugement correctionnel

Le 4° du I du présent article propose de permettre d'interjeter appel partiellement et de ne contester que les peines prononcées, la nature de celles-ci ou les modalités de leur application. Ainsi, si l'ensemble des parties s'accordent sur la culpabilité, le jugement d'appel pourrait ne porter que sur un réexamen de la peine prononcée en première instance.

Votre rapporteur tient à souligner l'originalité de cette disposition, qui pourrait permettre d'alléger les tâches des juridictions. Néanmoins, il s'interroge sur la réduction effective des débats. En effet, l'article 132-1 du code pénal dispose que la juridiction détermine les peines « en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ». Dès lors, même en cas de culpabilité admise, les débats devront nécessairement portés sur la nature et la circonstance des faits reprochés, à l'origine de la condamnation.


De la procédure de filtrage des appels correctionnels

Créé par la loi du 9 mars 2004, dite Perben II, l'article 505-1 du code de procédure pénale permet au président de la chambre des appels correctionnels de rendre d'office une ordonnance de non-admission de l'appel insusceptible de recours lorsque :

- l'appel est formé après expiration des délais prévus aux articles 498, 500 et 505 du code de procédure pénale (délai de dix jours à compter du prononcé du jugement contradictoire, délai supplémentaire de cinq jours en cas d'appel d'une partie, délai d'appel de deux mois pour le procureur général) ;

- l'appel est devenu sans objet ;

- l'appelant s'est désisté de son appel.

Le 5° du I du présent article propose de compléter cette liste afin que le président de la chambre des appels correctionnels puisse également rendre d'office une ordonnance de non-admission lorsque l'appel a été présentée en violation des obligations de forme de l'article 502 du code de procédure pénale, relatif aux jugements du tribunal correctionnel, ou de l'article 546 du même code, relatif aux jugements du tribunal de police.

Cette disposition semble opportune au regard d'un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 11 octobre 2011 qui rappelle que constitue un excès de pouvoir (et donc est susceptible de recours 316 ( * ) ) le fait de prononcer la non-admission d'un appel irrecevable pour une autre cause que celles limitatives énumérées à l'article 505-1 du code de procédure pénale.

Les II à V du présent article résultent d'un amendement de la rapporteure Mme Colette Capdevielle afin de permettre l'application outre-mer de ces dispositions.

Votre commission a adopté l'article 31 duodecies sans modification.

Article 31 terdecies (art. 394 du code de procédure pénale) - Délai de convocation devant le tribunal correctionnel

Introduit dans le présent projet de loi par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de sa rapporteur, l'article 31 terdecies reprend les dispositions de l'article 25 de la loi « DADUE », censuré par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec ce texte 317 ( * ) . Il modifie le cadre juridique de la procédure dite de la convocation par procès-verbal définie à l'article 394 du code de procédure pénale.

En vertu de l'article 393, applicable en matière correctionnelle, le procureur de la République peut ordonner le défèrement devant lui d'une personne qu'il envisage de poursuivre soit en comparution immédiate, dans les conditions fixées à l'article 395, soit de manière différée en vertu de l'article 394. Dans le second cas, le procureur de la République peut inviter la personne déférée à comparaître devant le tribunal dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours, sauf renonciation expresse de l'intéressé en présence de son avocat, ni supérieur à deux mois. Il lui notifie alors les faits retenus à son encontre ainsi que le lieu, la date et l'heure de l'audience. Il informe également le prévenu qu'il doit comparaître à l'audience en possession des justificatifs de ses revenus ainsi que de ses avis d'imposition ou de non-imposition. Cette notification, mentionnée au procès-verbal dont copie est remise sur le champ au prévenu, vaut citation à personne.

Votre rapporteur relève que ce cadre juridique offre également la possibilité au ministère public, en vertu du troisième alinéa de l'article 394, de demander au juge des libertés et de la détention de soumettre le prévenu jusqu'à sa comparution devant le tribunal à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou de le placer sous assignation à résidence avec surveillance électronique.

La modification proposée par le présent article, que votre rapporteur juge très opportune, propose de porter de deux à six mois le délai maximum dans lequel le procureur de la République peut inviter le prévenu à comparaître devant le tribunal correctionnel

Votre commission a adopté l'article 31 terdecies sans modification .

Article 31 quaterdecies (art. 590-1 et 590-2 [nouveaux] du code de procédure pénale) - Déchéance des pourvois en cassation

L'article 31 quaterdecies a été inséré dans le projet de loi sur proposition de la commission des lois à l'initiative du Gouvernement. Il concerne les conditions de déchéance des pourvois en cassation.

Il introduit deux nouveaux articles 590-1 et 590-2 dans la section du code de procédure pénale consacrée aux formes des pourvois en cassation.

L'article 590-1 précise que le demandeur en cassation n'ayant pas constitué avocat et n'ayant pas déposé son mémoire dans les dix jours suivant la décision attaquée est déchu de son pourvoi. Il en serait de même, sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, du demandeur condamné pénalement n'ayant pas constitué avocat et du ministère public qui n'auraient pas fait parvenir leur mémoire au greffe de la Cour de cassation dans le délai d'un mois après la date du pourvoi. Ces déchéances ne seraient toutefois pas applicables au demandeur condamné à une peine non prévue par la loi.

L'article 590-2 précise que la décision de déchéance de pourvoi est prononcée par ordonnance du président de la chambre criminelle ou du conseiller délégué par lui. Cette disposition viserait les cas prévus aux articles 567-2 318 ( * ) , 574-1 319 ( * ) , 574-2 320 ( * ) et le nouveau cas créé par l'article 590-1.

Votre commission a adopté l'article 31 quaterdecies sans modification .

Article 31 quindecies (art. 628-1 du code de procédure pénale) - Compétence de la cour d'assises de Paris

Le présent article complète l'article 628-1 du code de procédure pénale, relatif à la compétence des juridictions parisiennes pour la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes contre l'humanité et des crimes et délits de guerre, afin de permettre à la cour d'assises de Paris, autrement composée, de connaître des appels de ses arrêts 321 ( * ) .

Ce dispositions constituent une dérogation à la règle posée à l'article 380-1 du code de procédure pénale, depuis la loi du 15 juin 2000 322 ( * ) qui a instauré un appel des arrêts de cours d'assises, selon laquelle l'appel d'un arrêt de cour d'assises doit être jugé devant une autre cour d'assises.

Néanmoins, en confiant la compétence d'appel également à la cour d'assises de Paris, autrement composée, le présent article permettrait de poursuivre la spécialisation de la juridiction parisienne en matière de crimes contre l'humanité. En effet, depuis la loi du 13 décembre 2011 323 ( * ) , la juridiction parisienne dispose d'une compétence concurrente pour poursuivre, instruire et juger les crimes contre l'humanité et les crimes et délits de guerre, à l'instar de celle qu'elle dispose pour les actes de terrorisme.

Le code de procédure pénale connaît par ailleurs plusieurs exceptions au principe posé à l'article 380-1 du code de procédure pénale. En effet, pour les infractions jugées par une cour d'assises spéciale composée de professionnels, à savoir en matière de terrorisme, d'infractions militaires ou de trafic de stupéfiants, la chambre criminelle de la Cour de cassation peut désigner la même cour d'assises autrement composée aux termes de l'article 698-6 du code de procédure pénale.

De plus, depuis la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure et l'introduction dans le code de procédure pénale d'un article 706-75-2 à l'initiative du Sénat par un amendement de notre ancien collègue M. Jean-René Lecerf, les cours d'assises des juridictions interrégionales spécialisées peuvent connaître des appels des arrêts prononcés en matière de criminalité organisée, également dans une composition différente afin de ne pas porter atteinte au droit à un procès équitable.

Une dérogation similaire est également prévue pour les départements et collectivités d'outre-mer : en application de l'article 380-14 du code de procédure pénale, « en cas d'appel de la décision d'une cour d'assises d'un département d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie Française et des îles Wallis et Futuna, la chambre criminelle peut désigner la même cour d'assises, autrement composée, pour connaître de l'appel. Il en est de même en cas d'appel des décisions de la cour criminelle de Mayotte  ou du tribunal criminel de Saint-Pierre-et-Miquelon ».

Considérant que cette disposition relevait de la bonne administration de la justice et ne portait pas atteinte au droit à un procès équitable, votre commission a adopté l'article 31 quindecies sans modification.

Article 31 sexdecies (art. 665 du code de procédure pénale) - Modification du délai d'examen des requêtes en dessaisissement

Inséré par la commission des lois sur proposition de sa rapporteure, l'article 31 sexdecies reprend le contenu de l'article 26 de la loi « DADUE », déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec ce texte 324 ( * ) . Il concerne les délais d'examen des requêtes en dessaisissement.

En application de l'article 665, le renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre peut être ordonné pour cause de sûreté publique par la chambre criminelle, mais seulement à la requête du procureur général près la Cour de cassation. Ce renvoi peut également être ordonné, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, par la chambre criminelle, soit sur requête du procureur général près la Cour de cassation, soit sur requête du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la juridiction saisie a son siège, agissant d'initiative ou sur demande des parties.

Dans le cas où elle est demandée dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la requête doit être signifiée à toutes les parties intéressées, qui ont un délai de huit jours pour déposer un mémoire au greffe de la Cour de cassation. Dans les dix jours de la réception de la demande et s'il n'y donne pas suite, le procureur général près la cour d'appel informe le demandeur des motifs de sa décision. Ce dernier peut alors former un recours devant le procureur général près la Cour de cassation qui, s'il ne saisit pas la chambre criminelle, l'informe des motifs de sa décision. La chambre criminelle statue dans les huit jours de la requête

Selon les précisions fournies dans le rapport de notre collègue députée, « le délai de huit jours s'avère trop court pour permettre l'instruction du dossier par le cabinet du procureur général, puis par le rapporteur et l'avocat général, de sorte que, dans la pratique, la chambre criminelle est conduite, pour respecter ce délai, à n'enregistrer la requête que lorsque la date d'audience est fixée ».

Pour remédier à cette difficulté, l'article 31 sexdecies porte ce délai de huit jours à un mois , ce qui apparaît opportun aux yeux de votre rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 31 sexdecies sans modification .

Article 31 septdecies A (art. 711 du code de procédure pénale) - Rectification des erreurs matérielles

L'insertion de l'article 31 septdecies A résulte du vote par les députés d'un amendement présenté par M. Sergio Coronado, sous-amendé par la rapporteure de la commission des lois. Il est relatif à la procédure de rectification des erreurs purement matérielles fixée à l'article 710 du code de procédure pénale.

En vertu de ces dispositions, le tribunal correctionnel ou la cour d'assises qui a prononcé la sentence peut également procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions. En matière criminelle, la chambre de l'instruction connaît également des rectifications auxquelles peuvent donner lieu les arrêts de la cour d'assises.

La rectification des erreurs purement matérielles

Si les dispositions de l'article 710 donnent à ces juridictions le pouvoir de rectifier de telles erreurs purement matérielles, il résulte d'une jurisprudence constante que ces dernières n'ont pour autant pas le pouvoir de restreindre ou d'accroître les droits qu'elles ont consacrés et de modifier ainsi la chose jugée. Comme le soulignent Frédéric Desportes et Laurence Lazerges-Cousquer 325 ( * ) , « le principe de l'autorité qui s'attache à la chose jugée, fut-ce de manière erronée, s'oppose à ce qu'une décision devenue définitive soit remise en cause . Toute la difficulté est donc de distinguer « les erreurs purement matérielles » dont « la rectification ne modifie ni la substance, ni la nature des faits » (Crim. 12 nov. 1997, B. n° 381) des erreurs dont la rectification est interdite ».

Selon les mêmes auteurs, pour la chambre criminelle, entrent « dans la catégorie des erreurs purement matérielles, susceptibles de rectification :

- la simple erreur de calcul (Crim. 24 janv. 1978, B. n° 26 - 29 mars 1990, B. n° 137 - 25 févr. 1991, B. n° 93) ;

- l'erreur de nom ;

- le rappel erroné de la procédure ;

- l'omission, par les juges du fond, d'appliquer, dans le dispositif de leur décision, le partage de responsabilité par eux prononcé, à certaines sommes auxquelles ils ont évalué divers chefs du préjudice subi par la victime de l'infraction (Crim. 16 déc. 1992, B. n° 422) ;

- en matière criminelle, la peine mentionnée au dispositif de l'arrêt de condamnation lorsqu'elle ne correspond pas à celle figurant en chiffres et en lettres sur la feuille de questions, laquelle, signée du président et du premier juré, authentifie le résultat du délibéré (Crim. 19 déc. 2007, B. n° 318) ;

- dans certaines hypothèses, le défaut de concordance entre le dispositif et les motifs, le dispositif d'un arrêt devant être interprété par les motifs auxquels il s'unit et dont il est la conséquence (Crim. 19 mai 2009, B. n° 98) ».

Pour statuer sur ces erreurs matérielles, le tribunal correctionnel est composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs du président. Il en est de même de la chambre des appels correctionnels ou de la chambre de l'instruction, qui est composée de son seul président, siégeant à juge unique. Ce magistrat peut toutefois, si la complexité du dossier le justifie, décider d'office ou à la demande du condamné ou du ministère public de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la juridiction.

Le but de l'article adopté par l'Assemblée nationale est d'alléger encore cette procédure pour faciliter la rectification des erreurs purement matérielles en dispensant le juge unique de convoquer une audience pour statuer, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties ou que l'une d'elles le demande expressément. Dès lors, le juge statuerait par ordonnance rectificative rendue après avis des parties.

Votre commission a adopté deux amendements identiques COM-129 et COM-151 présentés par le rapporteur et le Gouvernement qui a pour objectif d'améliorer le dispositif adopté par nos collègues députés. Il apparaît en effet préférable aux yeux de votre rapporteur de permettre une rectification par simple ordonnance uniquement dans le cas où le parquet en est d'accord, à l'instar de la procédure prévue à l'article 712-6 du code de procédure pénale qui permet au juge de l'application des peines d'ordonner un aménagement de peine par ordonnance, et non par un jugement rendu à la suite d'un débat contradictoire, uniquement si le procureur de la République donne son autorisation.

Votre commission a adopté l'article 31 septdecies A ainsi modifié .

Article 31 septdecies (art. 712-17 du code de procédure pénale) - Recours à la visioconférence en matière d'application des peines

L'article 31 septdecies a été inséré dans le texte du projet de loi par la commission des lois de l'Assemblée nationale qui a adopté un amendement présenté par le Gouvernement. Il a pour objet de faciliter le recours à la visioconférence en matière d'application des peines.

Selon les dispositions de l'article 712-17 du code de procédure pénale, le juge de l'application des peines peut délivrer un mandat d'amener contre un condamné placé sous son contrôle en cas d'inobservation par ce dernier des obligations qui lui incombent. Si le condamné est en fuite ou réside à l'étranger, il peut délivrer un mandat d'arrêt.

Dans le cas où la personne est découverte, le procureur de la République du lieu de l'arrestation est avisé dès le début de la rétention de la personne par les services de police ou de gendarmerie. La personne est alors conduite dans les meilleurs délais, et au plus tard dans les vingt-quatre heures de son arrestation, devant le procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel siège le juge de l'application des peines compétent. Après avoir vérifié son identité et lui avoir notifié le mandat, le procureur la présente devant le juge de l'application des peines qui l'entend dans les conditions prévues à l'article 712-6.

Si la présentation immédiate devant le juge de l'application des peines n'est pas possible, la personne est présentée devant le juge des libertés et de la détention qui peut, sur les réquisitions du procureur de la République, ordonner l'incarcération du condamné jusqu'à sa comparution, selon les cas, devant le juge de l'application des peines, qui doit intervenir dans un délai maximal de huit jours, ou devant le tribunal de l'application des peines, qui doit intervenir dans un délai maximal d'un mois.

Si la personne est arrêtée à plus de 200 kilomètres du siège du juge de l'application des peines et qu'il n'est pas possible de la conduire dans le délai de vingt-quatre heures devant le procureur de la République du TGI où siège le juge de l'application des peines, elle est conduite devant le procureur de la République du lieu de son arrestation, qui vérifie son identité, lui notifie le mandat et reçoit ses éventuelles déclarations après l'avoir avertie qu'elle est libre de ne pas en faire. Ce magistrat met alors le mandat à exécution en faisant conduire la personne à la maison d'arrêt et en avise le juge de l'application des peines ayant délivré le mandat. Celui-ci ordonne le transfèrement de la personne, qui doit comparaître devant lui dans les quatre jours de la notification du mandat. Ce délai est toutefois porté à six jours en cas de transfèrement entre un département d'outre-mer et la France métropolitaine ou un autre département d'outre-mer.

Le but des dispositions proposées par le présent article, qui complète l'article 712-17 par un alinéa supplémentaire, est d'autoriser la comparution devant le juge ou le tribunal de l'application des peines de la personne arrêtée par visioconférence, ce qui permettra notamment d'éviter le transfèrement prévu par cet article en cas d'arrestation de la personne à plus de 200 kilomètres du siège du juge de l'application des peines.

Votre commission a adopté l'article 31 septdecies sans modification .

Article 31 octodecies (art. 713-49 [nouveau] du code de procédure pénale) - Caractère exécutoire par provision des décisions mettant à exécution l'emprisonnement d'une personne condamnée à une peine de contrainte pénale

Inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de sa rapporteure, l'article 31 octodecies est relatif au caractère exécutoire par provision des décisions mettant à exécution l'emprisonnement contre un condamné ne respectant pas les obligations attachées à sa peine de contrainte pénale. Il constitue la reprise de l'article 12 de la loi « DADUE », déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec ce texte 326 ( * ) .

La peine de contrainte pénale consiste en l'obligation pour le condamné de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans, à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières, définies aux articles 131-4-1 et 132-44 du code pénal, destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société. La juridiction fixe également la durée maximale de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations et interdictions auxquelles il est astreint. Cet emprisonnement ne peut excéder deux ans, ni le maximum de la peine d'emprisonnement encourue. L'article 131-4-1 du code pénal renvoie au code de procédure pénale le soin de fixer les conditions dans lesquelles l'exécution de l'emprisonnement peut être ordonnée, en tout ou partie.

En application de ces dispositions, l'article 713-47 du code de procédure pénale prévoit qu' en cas de méconnaissance de ces mesures de contrôle et d'assistance, des obligations ou des interdictions fixées en application d'une peine de contrainte pénale, le juge de l'application des peines peut , d'office ou sur réquisitions du procureur de la République, modifier ou compléter les obligations ou interdictions auxquelles le condamné est astreint . Il peut également procéder à un rappel des mesures, obligations et interdictions auxquelles est astreinte la personne condamnée.

Toutefois, s'il juge que cette modification, ce complément ou ce rappel sont insuffisants pour assurer l'effectivité de la peine, le juge saisit , d'office ou sur réquisitions du procureur de la République, par requête motivée, le président du tribunal de grande instance ou un juge par lui désigné afin que soit mis à exécution contre le condamné tout ou partie de l'emprisonnement fixé par la juridiction .

De même, l'article 713-48 prévoit que si le condamné commet, pendant la durée d'exécution de la contrainte pénale, un crime ou un délit de droit commun suivi d'une condamnation à une peine privative de liberté sans sursis, la juridiction de jugement peut, après avis du juge de l'application des peines, ordonner la mise à exécution de tout ou partie de l'emprisonnement fixé par la juridiction.

Le but des dispositions contenues dans le présent article est de donner un caractère exécutoire par provision des décisions mettant à exécution tout ou partie de l'emprisonnement en cas de méconnaissance des obligations de la contrainte pénale ou de condamnation de la personne pour un crime ou un délit de droit commun. Il s'agit ainsi de mettre la décision immédiatement à exécution, y compris dans le cas où la personne interjetterait appel.

Dans le cas d'un tel appel formé devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, cette dernière devrait statuer dans un délai de deux mois, à défaut de quoi la personne serait remise en liberté si elle n'est pas détenue pour une autre cause.

Votre commission a adopté l'article 31 octodecies sans modification .

TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES

Article 32 AA (art. L. 232-14-4 du code du sport et 706-2 du code de procédure pénale) - Compétence du juge des libertés et de la détention des « pôles santé » de Paris et de Marseille pour autoriser des contrôles anti-dopage de nuit sans l'accord du sportif

Cet article, inséré par les députés lors de l'examen du texte en séance publique, à l'initiative des députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, a pour objet de donner au juge des libertés et de la détention (JLD) des deux pôles spécialisés en matière de santé publique de Paris et de Marseille la compétence pour autoriser des contrôles antidopage de nuit au domicile de sportifs .

Actuellement, le régime des contrôles en matière de lutte contre le dopage est régi par les articles 232-14-1 et suivants du code du sport. Ces dispositions ont été introduites par l'ordonnance n° 2015-1207 du 30 septembre 2015 relative aux mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer le respect des principes du code mondial antidopage.

Les dispositions proposées pour les articles L. 232-14-1 et L. 232-14-4 ont été ratifiées par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Au regard des techniques très élaborées de dopage, mises en exergue en particulier par le rapport n° 782 (2012-2013) de notre collègue M. Jean-Jacques Lozach , au nom de la commission d'enquête menée par le Sénat sur l'efficacité de la lutte contre le dopage 327 ( * ) , et en conformité avec les recommandations formulées par l'Agence mondiale antidopage (AMA), il est nécessaire de pouvoir procéder à des contrôles anti-dopage de nuit , pour prélever des échantillons.

Cette possibilité est prévue par l'article L. 232-14-1 du code du sport, qui autorise les contrôles au domicile d'un sportif entre 23 heures et 6 heures dans deux cas :

- lorsque le sportif appartient à un groupe-cible de sportifs . Ce groupe-cible réunit des sportifs de haut niveau soumis à une obligation de localisation . Il est défini pour une durée d'un an par l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ;

- lorsqu'il existe des soupçons « graves et concordants » que le sportif a contrevenu ou va contrevenir à des obligations en matière de lutte contre le dopage et qu'il existe un risque de dépérissement de preuves .

En cas de refus du sportif de se soumettre à ces opérations ou en cas de décision de mener un contrôle inopiné , le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel s'effectue le contrôle, saisi par l'AFLD , une organisation nationale antidopage étrangère ou un organisme sportif international , peut autoriser ce contrôle (art. L. 232-14-4 du code du sport). Le procureur de la République territorialement compétent est informé avant la saisine du JLD et peut s'opposer au contrôle.

Pour des raisons de lisibilité, en particulier au bénéfice des organismes internationaux autorisés par ces dispositions à initier un tel contrôle, les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen de l'Assemblée nationale ont souhaité clarifier la procédure applicable en confiant aux JLD des deux pôles spécialisés en matière de santé publique de Paris et de Marseille la compétence pour autoriser ces contrôles .

En outre, la garantie apportée par le JLD est amoindrie par les difficultés pratiques pour vérifier effectivement les conditions d'une opération de contrôle anti-dopage menée au domicile d'un sportif qui serait très éloigné de Paris ou de Marseille.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-130 de son rapporteur rétablissant la possibilité pour le JLD du tribunal de grande instance dans le ressort duquel s'effectue le contrôle d'autoriser le contrôle, alternativement au JLD de Paris ou de Marseille.

Votre commission a adopté l'article 32 AA ainsi modifié .

Article 32 AB (nouveau) (art. L. 6341-4 du code des transports) - Allongement de la durée des mesures de sûreté aérienne renforcées pour les vols au départ d'aérodromes étrangers

L'insertion de l'article 32 AB résulte de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-163 présenté par le Gouvernement.

Selon les explications fournies par celui-ci, la situation préoccupante du niveau de sûreté de très nombreux aéroports de pays tiers - confirmée par les évaluations françaises conduites dans le cadre des missions dites « sûreté des vols entrants » - et la forte élévation de la menace terroriste à l'encontre des intérêts français, notamment dans l'arc de crise de la bande sahélo-saharienne, du Maghreb et du Moyen-Orient, imposent de disposer d'un outil efficace pour renforcer la sûreté des vols desservant le territoire français.

L'article L. 6341-4 du code des transports 328 ( * ) permet l'adoption d'arrêtés interministériels, d'une durée de trois mois renouvelable, imposant à des entreprises de transport aérien desservant le territoire national au départ d'aérodromes étrangers, la mise en oeuvre de mesures de sûreté supplémentaires afin de renforcer la sécurité des vols à destination de la France.

Ce dispositif est aujourd'hui mis en oeuvre en Tunisie, au Sénégal et au Mali. Le retour d'expérience effectué par les services de l'État après un an de mise en oeuvre de ces dispositions démontre le caractère inadapté de leur durée :

- l'édiction de l'arrêté requiert des négociations diplomatiques et techniques délicates qui doivent être reconduites à chaque renouvellement ;

- le délai de trois mois n'est pas suffisant pour permettre à l'État concerné de mettre en place les mesures correctives nécessaires pour diminuer les vulnérabilités constatées et aux actions de coopération techniques engagées parallèlement de porter leurs fruits ;

- la menace terroriste dans les pays dans lesquelles les mesures de sûreté ont été mises en oeuvre, perdure et risque de s'intensifier.

Eu égard à l'objectif poursuivi de renforcement de la sûreté aérienne dans un contexte géopolitique et sécuritaire fortement dégradé et nonobstant l'atteinte à la liberté d'entreprendre, le Gouvernement a souhaité porter à six mois la durée de ces arrêtés, demande que votre commission a approuvée.

Votre commission a adopté l'article 32 AB ainsi rédigé .

CHAPITRE IER A
Dispositions relatives aux peines

Le chapitre I er A, intitulé « dispositions relatives aux peines » a été introduit dans le titre III sur proposition de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Il regroupe exclusivement des articles qui figuraient dans la loi « DADUE » et qui ont été déclarés contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec ce texte 329 ( * ) .

Article 32 A (art. 131-5-1 du code pénal) - Possibilité de prononcer la peine d'accomplissement d'un stage de citoyenneté en l'absence du prévenu à l'audience

L'article 32 A a été inséré dès le stade de la réunion de la commission des lois sur le projet de loi. Il reprend les dispositions de l'article 15 de la loi « DADUE ».

En application de l'article 131-5-1 du code pénal, lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l'emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir un stage de citoyenneté, dont les modalités, la durée et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'État, et qui a pour objet de lui rappeler les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société. La juridiction précise si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la troisième classe, doit être effectué aux frais du condamné. Cette peine ne peut cependant être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou n'est pas présent à l'audience .

Afin de favoriser cette alternative à l'emprisonnement, l'article 32 A permet à la juridiction de prononcer cette peine en l'absence du prévenu dès lors qu'il a fait connaître son accord par écrit et qu'il est représenté par son avocat lors de l'audience.

Votre commission a adopté l'article 32 A sans modification .

Article 32 B (art. 131-8 du code pénal) - Possibilité de prononcer la peine d'accomplissement d'un travail d'intérêt général en l'absence du prévenu à l'audience

L'article 32 B a également été inséré dans le texte de la commission des lois sur proposition de sa rapporteure. Il constitue la reprise des dispositions de l'article 16 de la loi « DADUE ».

Dans sa rédaction actuelle, l'article 131-8 du code pénal permet à la juridiction de prescrire, lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, que le condamné accomplira, à la place de l'emprisonnement, pour une durée de vingt à deux cent quatre-vingts heures, un travail d'intérêt général non rémunéré au profit soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre des travaux d'intérêt général. Cette peine ne peut toutefois être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou qui n'est pas présent à l'audience.

À l'instar de l'article précédent, cet article permet à la juridiction de prononcer la peine de travail d'intérêt général en l'absence du prévenu si celui-ci a fait connaître son accord par écrit et qu'il est représenté à l'audience par son avocat.

Votre commission a adopté l'article 32 B sans modification .

Article 32 C (art. 131-35-2 [nouveau] du code pénal) - Limitation du coût du stage à la charge du condamné

L'article 32 C a été introduit par un amendement de la rapporteure lors de l'établissement du texte de la commission des lois. Il reprend les termes de l'article 17 de la loi « DADUE ».

Cet article vise à introduire une nouvelle règle générale dans le code pénal, au sein d'un nouvel article 131-35-2, en vertu de laquelle lorsqu'une peine consiste dans l'obligation d'accomplir un stage, la durée de celui-ci ne peut excéder un mois et son coût, s'il est à la charge du condamné, ne peut excéder le montant de l'amende encourue pour les contraventions de la troisième classe, soit 450 euros au maximum selon les termes de l'article 131-13 du code pénal.

Votre commission a adopté l'article 32 C sans modification .

Article 32 D (art. 132-54 du code pénal) - Possibilité de prononcer un sursis assorti d'un travail d'intérêt général en l'absence du prévenu à l'audience

Introduit lors de la réunion de la commission des lois tendant à établir son texte, l'article 32 D constitue la reprise de l'article 20 de la loi « DADUE ».

En vertu de l'article 132-54 du code pénal, la juridiction peut assortir un sursis à exécution de la peine d'emprisonnement d'une obligation de travail d'intérêt général, pour une durée de vingt à deux cent quatre-vingts heures, non rémunéré au profit soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre des travaux d'intérêt général. Ce sursis ne peut cependant être ordonné lorsque le prévenu le refuse ou n'est pas présent à l'audience.

Dans le prolongement des articles 32 A et 32 B, le présent article donne à la juridiction la possibilité de prononcer un tel sursis assorti de l'obligation de travail d'intérêt général en l'absence du prévenu si celui-ci a fait connaître son accord par écrit et qu'il est représenté à l'audience par son avocat.

Votre commission a adopté l'article 32 D sans modification .

Article 32 E (art. 131-4-1 du code pénal) - Présence de la personne lors de l'audience et du délibéré de la peine de contrainte pénale

L'article 32 E a été inséré par les députés à la suite du vote d'un amendement présenté par M. Sergio Coronado. Il reprend les dispositions de l'article 13 de la loi « DADUE ».

En application du dernier alinéa de l'article 131-4-1, la peine de contrainte pénale est exécutoire par provision, ce qui signifie que les obligations trouvent immédiatement à s'appliquer, y compris dans le cas où le condamné forme appel de la décision de condamnation.

L'article 32 E complète ces dispositions afin de préciser d'aménager cette règle quand la personne est absente à l'audience, la contrainte pénale devenant alors exécutoire à compter du jour où la personne a eu personnellement connaissance de la signification ou se l'est vu personnellement notifier.

Sur proposition de notre collègue André Reichardt, votre commission a adopté l' amendement COM-32 supprimant ces dispositions et les remplaçant par des dispositions précisant que la peine de contrainte pénale ne peut être prononcée par la juridiction que si la personne est présente à l'audience et au délibéré, doutant du potentiel de réinsertion d'un prévenu qui ne prend pas la peine de se présenter devant le tribunal. Votre commission s'est déclarée sensible à cette observation.

Votre commission a adopté l'article 32 E ainsi modifié .

Article 32 F (supprimé) (art. 132-19 du code pénal) - Motivation des peines sans sursis

Introduit dans le texte du projet de loi par l'Assemblée nationale à la suite du vote d'un amendement présenté par M. Sergio Coronado, l'article 32 F reprend la modification portée par l'article 18 de la loi « DADUE ».

Dans sa version en vigueur, l'article 132-19 du code pénal prévoit que lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement sans sursis ou ne faisant pas l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux sous-sections 1 (semi-liberté, placement à l'extérieur et placement sous surveillance électronique) et 2 (fractionnement des peines) de la section 2 du chapitre II du titre III du livre I er , il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.

La modification proposée par cet article consiste à prévoir cette motivation spéciale pour les peines ne faisant à la fois ni l'objet d'un sursis ni d'un aménagement. Elle revient dès lors à limiter l'obligation de motivation aux seules décisions cumulant les deux critères alors qu'auparavant une telle motivation était requise pour l'un des deux critères.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-131 de suppression de cet article dont elle n'a pas réussi à mesurer avec exactitude la portée juridique.

Votre commission a supprimé cet article.

Article 32 G (supprimé) (art. 132-41 du code pénal) - Suppression de la limitation du nombre de sursis avec mise à l'épreuve en cas de récidive

L'article 32 G a été introduit dans le texte à la suite du vote par les députés de deux amendements identiques respectivement présentés par MM. Sergio Coronado et Christophe Cavard, avec un avis défavorable du Gouvernement. Il constitue la reprise de l'article 19 de la loi « DADUE ». Il concerne les conditions dans lesquelles les personnes en état de récidive légale peuvent bénéficier du sursis avec mise à l'épreuve.

Dans sa rédaction en vigueur, qui résulte de la loi du 12 décembre 2005 330 ( * ) , l'article 132-41 du code pénal prévoit que si le sursis avec mise à l'épreuve est applicable aux condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus, en raison d'un crime ou d'un délit de droit commun, cette durée est portée à dix ans pour les condamnations à l'emprisonnement prononcées à l'encontre d'une personne en état de récidive légale.

En outre, la juridiction ne peut prononcer le sursis avec mise à l'épreuve à l'encontre d'une personne ayant déjà fait l'objet de deux condamnations assorties du sursis avec mise à l'épreuve pour des délits identiques ou assimilés au sens des articles 132-16 à 132-16-4 et se trouvant en état de récidive légale. Lorsqu'il s'agit soit d'un crime, soit d'un délit de violences volontaires, d'un délit d'agressions ou d'atteintes sexuelles ou d'un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, la juridiction ne peut prononcer le sursis avec mise à l'épreuve à l'encontre d'une personne ayant déjà fait l'objet d'une condamnation assortie du sursis avec mise à l'épreuve pour des infractions identiques ou assimilées et se trouvant en état de récidive légale. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le sursis avec mise à l'épreuve ne porte que sur une partie de la peine d'emprisonnement prononcée en application du dernier alinéa de l'article 132-42 331 ( * ) .

L'article 32 G vise à supprimer cette limitation des sursis avec mise à l'épreuve dont peuvent bénéficier les personnes en état de récidive légale.

À l'instar du Gouvernement, votre rapporteur ne juge pas opportun la suppression de ces dispositions, qui pourrait avoir pour effet de permettre la multiplication des sursis avec mise à l'épreuve dont bénéficieraient les personnes en état de récidive légale. Partageant cette opinion et considérant que le droit en vigueur permet déjà à une personne en état de récidive légale de bénéficier, pour certaines infractions, de deux sursis avec mise à l'épreuve, votre commission a par conséquent adopté l' amendement COM-132 de suppression de cet article qui lui a été présenté par son rapporteur.

Votre commission a supprimé l'article 32 G.

Article 32 H (supprimé) (art. 132-57 du code pénal) - Conversion des peines d'emprisonnement ferme

Initialement les dispositions de cet article figuraient au sein de l'article 27 bis du projet de loi, qui avait été inséré par la commission des lois à l'initiative de sa rapporteure. En séance publique, les députés ont supprimé cet article 27 bis et adopté un amendement de la rapporteure de la commission des lois tendant à insérer ses dispositions au sein de l'article 32 H, placé dans le chapitre relatif aux peines du titre III du projet de loi. Cet article constitue la reprise de l'article 21 de la loi « DADUE ».

Il a tout d'abord pour objet de créer une nouvelle sous-section dans le code pénal consacrée à la conversion d'une peine d'emprisonnement ferme en sursis avec mise à l'épreuve, travail d'intérêt général, jours-amende ou contrainte pénale, qui serait constituée de l'article 132-57, modifié dans les conditions précisées ci-dessous.

Dans sa rédaction actuelle, cet article permet au juge de l'application des peines, lorsqu'une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d'emprisonnement ferme de six mois au plus a été prononcée et si cette condamnation n'est plus susceptible de faire l'objet d'une voie de recours par le condamné, d'ordonner qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine et que le condamné accomplira, pour une durée de vingt à deux cent quatre-vingts heures, un travail d'intérêt général non rémunéré au profit soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre des travaux d'intérêt général. Le juge de l'application des peines peut également décider de convertir la peine d'emprisonnement en une peine de jours-amende.

Ces dispositions :

- sont applicables aux peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un sursis partiel, assorti ou non d'une mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois. Dans ce cas, la partie de la peine avec sursis demeure applicable ;

- sont également applicables aux peines d'emprisonnement inférieures ou égales à six mois résultant de la révocation d'un sursis, assorti ou non d'une mise à l'épreuve.

En cas d'exécution partielle d'un travail d'intérêt général, le juge de l'application des peines peut également ordonner la conversion de la partie non exécutée en jours-amende.

Sans modifier les règles posées par cet article 132-57, les modifications introduites par le projet de loi en élargissent la portée en permettant au juge de l'application des peines de convertir une peine d'emprisonnement ferme, toujours dans la limite de six mois, en :

- sursis avec mise à l'épreuve. Il appartiendrait alors au juge de l'application des peines de fixer le délai d'épreuve et de déterminer les obligations applicables ;

- contrainte pénale. Il appartiendrait au juge de l'application des peines de déterminer les obligations s'appliquant au condamné. La durée maximale d'emprisonnement encourue par la personne pour non-respect de ces obligations correspondrait alors à la durée de la peine d'emprisonnement initialement prononcée.

Enfin, il est proposé de prévoir que, si le condamné doit exécuter plusieurs peines d'emprisonnement, ces règles de conversion s'appliquent à chaque peine d'emprisonnement prononcée, même si la durée totale de l'emprisonnement à exécuter excède six mois.

Votre rapporteur est opposé à l'élargissement des facultés de conversion des peines d'emprisonnement ferme proposé par cet article. Il est défavorable à l'idée qu'un juge unique de l'application des peines puisse remettre en cause une décision d'emprisonnement ferme prise par une formation de jugement collégiale. Sensible à ces arguments, votre commission a adopté l' amendement COM-133 de suppression de cet article.

Votre commission a supprimé l'article 32 H.

CHAPITRE IER
Caméras mobiles

Article 32 (art. L. 241-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) - Pérennisation de l'expérimentation relative aux caméras mobiles équipant les forces de l'ordre

Cet article a pour objet de pérenniser le dispositif dit des « caméras-piéton » , dont les forces de l'ordre sont équipées à titre expérimental depuis avril 2013 au sein de plusieurs zones de sécurité prioritaires (ZSP), au regard du bilan positif de leur déploiement.

Lors du deuxième comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté, le 26 octobre 2015, un bilan positif a en effet été tiré de cette expérimentation : le comité a ainsi observé que ce dispositif permet de collecter des éléments de preuve objectifs, qu'il a également un effet préventif et qu'il facilite en général les interventions des agents.

Comme le rappelle le Gouvernement dans son étude d'impact, « le coût d'une caméra est actuellement de 1 200 €, avec des tarifs préférentiels en cas de commande de masse. À la fin de l'année 2015, les services de la direction générale de la police nationale et de la préfecture de police étaient dotés de 1 584 caméras piétons. Un budget de 875.000 euros a été dégagé en 2015. En 2016, 373 caméras supplémentaires seront livrées. » 332 ( * )

Votre rapporteur observe qu'un dispositif semblable a été introduit à titre expérimental au bénéfice des agents de sécurité privée de la SNCF et de la RATP , dans le cadre de la loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs 333 ( * ) .

Deux alternatives se présentent pour encadrer le régime juridique de ces caméras mobiles :

- le régime de droit commun de la vidéoprotection et donc des dispositions du titre V du livre II du code de la sécurité intérieure, qui a codifié la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité ;

- un régime ad hoc .

Le présent article retient la seconde option, en créant un régime ad hoc applicable à ces caméras. La rapporteure de l'Assemblée nationale justifie ce choix en considérant que ce régime spécial serait justifié par le fait que ces caméras pourraient filmer des lieux privés et sont portées par les agents, alors que les installations de vidéo protection filment un « site selon une position fixe ». Ces arguments techniques sont toutefois discutables, dans la mesure où des installations de vidéoprotection peuvent opérer un balayage assez large d'une zone donnée et qu'il existe même des zones faisant l'objet d'une autorisation globale pour y déployer un système de vidéoprotection.

La création d'un régime particulier, qui a été le choix finalement retenu par les deux assemblées dans le cadre de la proposition de loi précitée, nécessite donc d'instituer un dispositif complet, dans la mesure où les garanties en la matière relèvent du niveau de la loi.

Le présent article définit en premier lieu les finalités du dispositif, au nombre de quatre :

- la prévention des incidents au cours des interventions ;

- le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs ;

- le respect de leurs obligations par les agents ;

- la formation des agents.

Les garanties encadrant la mise en oeuvre de ces dispositifs sont de trois ordres :

- les caméras doivent être portées de manière visible et être dotées d'un signal faisant savoir aux personnes que l'enregistrement s'effectue ;

- les personnes doivent être informées que l'enregistrement est mis en oeuvre, réserve faite de circonstances rendant cette information impossible ;

- les agents des forces de l'ordre ne peuvent avoir accès aux enregistrements .

Il existe trois cas dans lesquels l'intervention est filmée : en cas d'incident , de menace de survenance d'incident ou, à la demande des personnes faisant l'objet de l'intervention , ce dernier cas ayant été rajouté à l'initiative de notre collègue députée Mme Elizabeth Pochon, lors de l'examen du texte par la commission des lois.

Enfin, la durée de conservation des images est limitée à six mois , sauf en cas de procédure disciplinaire, administrative ou judiciaire.

Un décret en Conseil d'État pris après avis de la CNIL est également prévu pour les mesures réglementaires d'application.

En premier lieu, il semble nécessaire de disposer d'une rédaction comparable aux dispositions applicables aux agents de sécurité de la SNCF et de la RATP, définitivement adoptées le 23 mars dernier.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-15 de M. Philippe Paul, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense et des affaires étrangères alignant les cas dans lesquels l'intervention doit être filmée sur la rédaction adoptée pour les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP.

En second lieu, l'ajout de l'Assemblée nationale, permettant que cet enregistrement soit décidé à l'initiative de la personne faisant l'objet de l'intervention, risque d'être instrumentalisé et pourrait contribuer à affaiblir l'action des forces de l'ordre : en effet, une demande, exprimée de manière volontairement provocatrice, devra-t-elle par exemple être prise en compte par l'agent ?

En conséquence, votre commission a adopté, outre l' amendement COM-15 précité de notre collègue M. Philippe Paul, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, visant à supprimer cette possibilité, un amendement COM-21 de notre collègue M. Jean-Pierre Grand opérant également cette suppression.

Enfin, en considérant que les garanties applicables en la matière relèvent de la loi, et en s'inspirant des dispositions de l'article 1 er ter tel qu'il résulte de la rédaction adoptée en commission mixte paritaire, deux garanties essentielles relatives, d'une part, à la possibilité pour la CNIL d'opérer des contrôles en cours de mise en oeuvre du dispositif , et, d'autre part, à la possibilité pour la personne enregistrée d'avoir accès aux éléments collectés , ce qui est une garantie réelle importante, ont été ajoutées par un amendement COM-135 de votre rapporteur. Ces garanties ont été assurées par le renvoi aux articles pertinents du code de la sécurité intérieure, selon le choix opéré dans le cadre de la proposition de loi précitée.

Enfin, dans la même volonté de disposer d'une rédaction analogue à celle adoptée pour les agents de sécurité privée, votre commission a adopté un amendement COM-134 de votre rapporteur définissant plus simplement les finalités de l'enregistrement :

- la prévention des incidents au cours des interventions ;

- le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;

- la formation et la pédagogie des agents

Votre commission a adopté l'article 32 ainsi modifié .

Article 32 bis - Expérimentation pour une durée de deux ans des caméras mobiles au bénéfice des agents de police municipale relevant du périmètre d'une zone de sécurité prioritaire

Cet article, inséré lors de l'examen du texte en séance publique par un amendement de notre collègue député M. Florent Boudié, a pour objet de permettre l'expérimentation des caméras mobiles au bénéfice des agents de police municipale , pour une durée de deux ans à compter de la promulgation du présent texte.

Les conditions de mise en oeuvre de ces caméras seraient les mêmes que pour les forces de l'ordre relevant de la police ou de la gendarmerie nationales.

Toutefois, cette expérimentation ne serait possible que pour les polices municipales intervenant dans les zones classées comme zones de sécurité prioritaires (ZSP).

En outre, la mise en oeuvre de caméras mobiles serait subordonnée à la demande préalable du maire et à l'existence d'une convention de coordination entre la police municipale et l'État .

En outre, le présent article prévoit que pour les polices intercommunales, créées en application de l'article L. 512-2 du code de la sécurité intérieure, la demande doit être établie conjointement par les maires des communes où les agents seraient affectés.

L'exigence d'une convention de coordination vise à garantir le professionnalisme de la police municipale.

Les conventions de coordination ont été créées par la loi n° 99-291 du 15 avril 1999, relative aux polices municipales.

L'article 2 de cette loi, codifié à l'article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales, devenu l'article L. 512-4 du code de la sécurité intérieure, impose en effet la conclusion d'une convention de coordination entre le maire et le représentant de l'État dans le département dès lors que le service de police municipale « comporte au moins cinq emplois d'agent de police municipale » 334 ( * ) , y compris quand ces agents ont été mis à disposition de la commune par un établissement public de coopération intercommunale, en application des dispositions de l'article L. 512-2 du code de la sécurité intérieure. Le procureur de la République émet un avis préalablement à la conclusion de la convention.

Lorsqu'il n'existe pas de convention de coordination, les agents ne peuvent plus intervenir que dans des plages horaires réduites, de 6 h 00 à 23 h 00.

(...) L'article L. 512-6 impose aux conventions de préciser « la nature et les lieux d'intervention des agents de police municipale » ainsi que les modalités de coordination avec les forces de police et de gendarmerie nationales.

Ces conventions sont élaborées à partir d'un diagnostic local de sécurité et intègrent les travaux du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.

Comme le relève Jean-Marie Pontier, il existe actuellement environ 3 500 services de police municipale et près de 2 230 conventions de coordination 335 ( * ) .

Source : Rapport n° 608 (2013-2014) de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi visant à créer des polices territoriales
et portant dispositions diverses relatives à leur organisation et leur fonctionnement, p. 43

En 2014, il existe 2 374 conventions actives pour 3 900 services de police municipale environ 336 ( * ) .

Toutefois, plusieurs polices municipales mettent d'ores et déjà en oeuvre des caméras mobiles, en dehors de tout cadre juridique encadrant cette possibilité, sans que cette situation n'ait posé une quelconque difficulté.

Or, l'adoption du présent article pourrait avoir des effets non évalués pour les polices municipales équipées, notamment sur celles ne se situant pas dans le périmètre d'une ZSP. En outre, aligner le régime applicable aux caméras mobiles des polices municipales sur celui des forces de l'ordre semble assez peu adapté, dans la mesure où les polices municipales les utilisent surtout dans un but préventif et non dans un objectif de collecte de preuve.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-22 de M. Jean-Pierre Grand, supprimant la mention selon laquelle l'expérimentation ne peut être faite que dans les zones de sécurité prioritaires, ainsi qu'un amendement COM-33 du même auteur, visant à rendre ces caméras éligibles au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance défini à l'article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Votre commission a adopté l'article 32 bis ainsi modifié .

CHAPITRE IER BIS
Commercialisation et utilisation des précurseurs d'explosifs
en application du règlement (UE) n° 98/2013
du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013
sur la commercialisation et l'utilisation
de précurseurs d'explosifs

Article 32 ter (art. L. 2351-1 [nouveau] du code de la défense) - Commercialisation et utilisation des précurseurs d'explosifs

Cet article, inséré lors de l'examen du texte en séance publique par un amendement du Gouvernement, a pour objet de mettre en oeuvre une procédure d'enregistrement de la transaction de trois produits d'utilisation courante , qui sont également des précurseurs d'explosifs .

Le règlement (UE) n° 98/2013 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013 sur la commercialisation et l'utilisation de précurseurs d'explosifs interdit la mise à disposition, l'introduction, la détention ou l'utilisation au bénéfice de membres du grand public de précurseurs d'explosifs faisant l'objet de restrictions.

Comme le précise ce règlement, les précurseurs d'explosifs sont des substances courantes mais présentant un degré de concentration supérieur à un seuil, les rendant dangereuses, en permettant leur utilisation pour constituer des mélanges ou des produits explosifs .

Le règlement européen étant, en vertu des traités communautaires, un acte obligatoire et directement applicable, il modifie de plein droit la situation juridique des États membres.

En principe, l'applicabilité directe s'oppose à toute formalité nationale d'insertion ou de transposition dans l'ordre interne (CJCE, 7 févr. 1973, Commission c/ Italie ; CJCE, 10 oct. 1973, Variola c/ Administration des finances italienne ). Un tel acte serait illégal comme contraire, en tant que tel, au droit communautaire. Toutefois, l'applicabilité directe d'un règlement européen ne fait pas obstacle à ce qu'un règlement habilite un État membre à prendre des mesures d'application (CJCE, 27 sept. 1979, Eridania c/Ministre de l'Agriculture et des forêts , pour un règlement donnant aux autorités nationales le pouvoir d'accorder des dérogations). Son intervention doit cependant se limiter aux mesures strictement nécessaires à l'exécution du règlement (CJCE, 11 févr. 1971, Fleischkontor c/Hauptzollamt Hamburg ) et ne pas porter atteinte à son autorité.

Or, le règlement (UE) n°98/2013 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013 sur la commercialisation et l'utilisation de précurseurs d'explosifs prévoit, au paragraphe 3 de son article 4, une dérogation au principe d'interdiction d'insertion dans l'ordre interne rappelé ci-dessus, concernant les précurseurs d'explosifs faisant l'objet de restrictions. Il autorise un État membre à maintenir ou à établir un régime d'enregistrement autorisant les précurseurs à être mis à disposition de membres du grand public ou détenus ou utilisés par ceux-ci .

Ce même règlement impose aux États membres 337 ( * ) de notifier à la Commission européenne les mesures qu'ils prennent pour mettre en oeuvre un des régimes dérogeant au principe d'interdiction.

Le présent article prévoit donc simplement une obligation pour les opérateurs économiques vendant des substances visées par le règlement précité à une personne physique d'enregistrer ces transactions , dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État.

Comme l'a relevé le Gouvernement à l'Assemblée nationale, en raison de la restriction apportée au principe de liberté du commerce et de l'industrie, qui est un principe de valeur législative, il revient à la loi d'autoriser cette restriction.

Votre commission a adopté l'article 32 ter sans modification .

CHAPITRE II
Habilitation à légiférer par ordonnances

Le chapitre II du titre III de ce projet de loi comporte un article unique, l'article 33, qui énumère 19 domaines dans lesquels le Gouvernement sollicite une habilitation du Parlement à légiférer par ordonnances. À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté l 'amendement COM-136 qui modifie l'intitulé de ce chapitre en supprimant la mention inutile « des mesures relevant du domaine de la loi ».

Votre commission a adopté l'intitulé de cette division ainsi modifié .

Article 33 - Habilitations à légiférer par ordonnances

L'article 33 prévoit une série d'habilitations permettant au Gouvernement de prendre par ordonnance des dispositions législatives afin d'une part, d'adapter notre droit interne au droit de l'Union européenne, et d'autre part, de tirer les conséquences de décisions d'inconstitutionnalité prononcées par le Conseil constitutionnel.

Le projet de loi initial comptait vingt-et-une mesures d'habilitations. La commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa rapporteure, a inséré dans le texte de la commission les dispositions que le Gouvernement envisageait de prendre par voie d'ordonnances et a, en conséquence, supprimé les habilitations correspondantes.

Ces dispositions nouvelles correspondent à :


• l'article 25 bis, relatif aux perquisitions dans les juridictions, qui tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-506 QPC du 4 décembre 2015, M. Gilbert A., disposition initialement prévue au 5° du II ;


• l'article 27 ter, relatif à la restitution des saisies, qui tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-494 QPC du 16 octobre 2015, Consorts R., disposition initialement prévue au c) du 3° du II ;


• l'article 27 quater qui transpose la dire directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires, disposition initialement prévue au 1° du II ;


• l'article 31 bis, relatif à la saisie et à la confiscation des navires , qui tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-375 QPC du 21 mars 2014, M. Bertrand L. et autres, disposition initialement prévue au d) du 3° du II ;


• l'article 31 quater qui transpose la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, prévue au 7° du II ;


• l'article 31 quinquies qui transpose la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne et modifie le code de procédure pénale relatives aux prérogatives de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), dispositions initialement prévues aux a) et b) du 3° du II ;


• l'article 31 octies qui prévoit le caractère obligatoire du recours à la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), disposition initialement prévue au 8° du II ;


• l'article 31 nonies qui tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-499 QPC du 20 novembre 2015, M. Hassan B, relative à l'enregistrement sonore des cours d'assises, disposition initialement prévue au 4° du II .

Dès lors, à l'exception des habilitations à prendre par ordonnance les mesures d'application du présent projet de loi dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, le projet de loi transmis au Sénat concerne compte encore sept habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnances afin notamment de :


• transposer la directive 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ;


• modifier les règles figurant au code monétaire et financier afin d'étendre le champ des avoirs susceptibles d'être gelés et la définition des personnes assujetties au respect des mesures de gel et d'interdiction de mise à disposition des fonds ;


• transposer la directive 2014/41/UE du 3 avril 2014 concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-137 supprimant ces dispositions habilitant le Gouvernement, dans le cadre de l'article 38 de la Constitution, à légiférer par ordonnances.

En premier lieu, la directive 2015/849 du 20 mai 2015 doit être transposée au plus tard le 26 juin 2017. Le calendrier n'oblige donc en rien le Parlement à renoncer à un examen approfondi de ces dispositions. De plus, un projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, porté par le ministre des finances, devrait être prochainement présenté au Parlement et constituerait un véhicule approprié à l'examen de ces dispositions.

En outre, votre rapporteur constate qu'une habilitation aurait pour objectif de modifier certains chapitres du code monétaire et financier, par ailleurs modifié par la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et significativement par le présent projet de loi. Il est pertinent de relever que le Conseil constitutionnel a récemment censuré dans une décision n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016 une partie des dispositions de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, relatif au gel des avoirs, tel que modifié par l'ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Cette décision impose une vigilance particulière du Parlement, tant sur le fond que sur les modalités de ratification des ordonnances. Or la marge de manoeuvre du Parlement est très étroite lors d'une simple ratification. Parce qu'il est nécessaire que l'organisation de notre système anti-blanchiment donne lieu à un débat politique approfondi, votre rapporteur a considéré opportun de supprimer cette habilitation.

Enfin, ce même amendement COM-137 supprime également la transposition de la directive 2014/41/UE concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale. Le code de procédure pénale ne saurait être modifié, à l'aune du droit européen, sans un examen approfondi de ces nouvelles dispositions. Initialement de simples projets de transpositions, les lois n°2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France ont été considérablement enrichies et précisées par le Sénat. Si la commission des lois est particulièrement prudente dans les habilitations du gouvernement à légiférer par ordonnances, elle est d'autant plus vigilante que ces modifications sont susceptibles d'affecter la matière pénale.

Par ailleurs, la commission a adopté l' amendement COM-138 qui supprime la partie de l'habilitation autorisant expressément le Gouvernement, dans le cadre de l'article 38 de la Constitution, à assurer par ordonnance l'application outre-mer des dispositions prises en vertu des 1° à 7° de l'habilitation prévue à l'article 33 du projet de loi.

Cette disposition est superfétatoire car l'habilitation conférée au Gouvernement par le législateur en application de l'article 38 de la Constitution vaut transfert entier du pouvoir législatif pour le périmètre, la finalité et la durée définie dans la loi. À cet égard, sauf précision contraire du texte d'habilitation, et dans le champ strict ouvert par celle-ci, le pouvoir législatif délégué, compétent pour adopter une disposition, l'est également pour :

- l'adapter dans les collectivités régies par l'article 73 et 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie ;

- la rendre applicable dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, régies par le principe de spécialité.

Cette règle a été rappelée par le Conseil d'État, dans son rapport public de 2005 : « une loi d'habilitation prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution investit les autorités exécutives compétentes du pouvoir de prendre des ordonnances dans les domaines définis par la loi sans être tenus de spécifier à ce stade si les mesures qui seront prises ultérieurement s'appliqueront aux collectivités ultramarines soumises au principe de spécialité législative ».

Votre commission a adopté l'article 33 ainsi modifié .

CHAPITRE III
Dispositions relatives aux outre-mer

Article 34 (art. 711-1 du code pénal ; art. 804 du code de procédure pénale ; art. L. 155-1, L. 156-1, L. 157-1, L. 158-1, L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1, L. 288-1, L. 344-1, L. 345-1, L. 346-1, L. 347-1, L. 445-1, L. 446-1, L. 447-1, L. 448-1, L. 545-1, l. 546-1, l. 645-1, l. 646-1 ? L. 647-1, l. 648-1, L. 765-1, L. 766-1, L. 767-1, L. 768-1, L. 895-1, L. 896-1, L. 897-1 et L. 898-1 du code de la sécurité intérieure ; art. L. 1641-1, L. 1651-1, L. 1661-1, L. 1671-1, L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461-1, L. 2471-1, L. 4341-1, L. 4351-1, L. 4361-1 et L. 4371-1 du code de la défense ; art. L. 743-7-2, L. 753-7-2 et L. 763-7-2 du code monétaire et financier) - Application Outre-mer

L'article 34 assure l'application du projet de loi sur « l'ensemble du territoire de la République », ce qui permet son extension sur le territoire des collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative. En vertu de ce principe, une mention expresse est requise pour assurer l'application de dispositions législatives ainsi que celle des modifications que le législateur y apporte. Il s'agit de la Polynésie française, des îles Wallis et Futuna, de la Nouvelle-Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises ainsi que, de manière marginale, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Le présent projet de loi s'appliquerait, en tout état de cause, dans les départements et régions d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique et Mayotte) ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cet article procède également aux coordinations nécessaires au sein des dispositions relatives à l'application outre-mer du code de la sécurité intérieure, du code de la défense et du code monétaire et financier. Ainsi, il actualise ou introduit des « compteurs outre-mer », cette technique du « compteur » consistant à indiquer qu'une disposition est applicable dans une collectivité régie par le principe de spécialité législative dans sa rédaction résultant d'une loi déterminée, ce qui permet de savoir si les modifications ultérieures de cette disposition ont été ou non étendues.

Adoptant un amendement COM-139 de son rapporteur, votre commission a complété et amélioré la rédaction de cet article.

Tout d'abord, votre commission a procédé aux coordinations rendues nécessaires par les modifications ou suppressions qu'elle a adoptées précédemment sur le texte, sur proposition de son rapporteur.

Ensuite, la mention expresse d'application dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative a été clarifiée afin de tenir compte des dispositions statutaires de ces collectivités qui fixent les règles d'application des lois et règlement sur leur territoire. La mention qui se borne à prévoir que « la présente loi est applicable sur l'ensemble du territoire de la République » ne distingue pas les dispositions qui nécessitent une mention expresse, de celles qui le sont de plein droit voire de celles qui ne peuvent être étendues, faute de compétence en ce domaine de l'État.

Par exception au principe de spécialité, l'article 1-1 de la loi du 6 août 1955 rend applicable de plein droit dans les Terres australes et antarctiques françaises les dispositions relatives au droit pénal et à la procédure pénale, à la défense nationale ainsi qu'à la monnaie, au Trésor, aux relations financières avec l'étranger, à la lutte contre la circulation illicite et le blanchiment des capitaux, à la lutte contre le financement du terrorisme, et aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions et aux procédures contentieuses en matière douanière. Cette règle a pour effet de rendre inutile une mention expresse pour assurer l'application du présent texte qui relève de ces catégories de disposition.

S'agissant de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, les articles L.O. 6213-1 et L.O. 6313-1 du code général des collectivités territoriales prévoient, respectivement pour ces deux collectivités d'outre-mer, que les dispositions législatives y sont applicables de plein droit sauf celles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile. La mention expresse n'est donc requise que pour le II de l'article 31 duodecies , modifiant le code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

En revanche, les dispositions de droit pénal et de procédure pénale appellent, pour être applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, une mention expresse tandis que celles relatives à la défense nationale et à la lutte contre la circulation illicite et le blanchiment des capitaux, à la lutte contre le financement du terrorisme, aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions et aux procédures contentieuses en matière douanière sont applicables de plein droit, en application respectivement de l'article 6-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

Enfin, la loi du 29 juillet 1961 ne ménage aucune exception au principe de spécialité pour les îles Wallis et Futuna, rendant nécessaire une mention expresse pour assurer l'application du projet de loi sur le territoire de cette collectivité d'outre-mer.

Par l'adoption de l'amendement de son rapporteur, votre commission a donc précisé les dispositions pour lesquelles une mention expresse avait pour effet d'étendre l'application dans ces différentes collectivités ultramarines. Pour satisfaire cette exigence, votre commission a souhaité introduire à l'article 711 du code pénal et à l'article 804 du code de procédure pénale, un « compteur outre-mer » dont ces codes étaient jusqu'à présent dépourvus. Ce « compteur » aurait pour effet de rendre applicable l'ensemble des dispositions contenues au sein de ces deux codes aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie au même titre que sur l'ensemble du territoire national, à la date d'entrée en vigueur du présent texte. De cette manière, les dispositions dont le législateur aurait omis d'étendre leur application dans ces collectivités le deviendraient par l'effet de ce « compteur ». Ce cas de figure n'est pas théorique comme le prouve l'habilitation confiée par le Parlement au Gouvernement, au I de l'article 82 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, « à étendre par ordonnance à la Nouvelle-Calédonie les dispositions du code pénal relevant du domaine de la loi et intervenues après la publication de l'ordonnance n° 96-267 du 28 mars 1996 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte ». Par ce « compteur », cette difficulté serait résolue pour ces trois collectivités françaises du Pacifique Sud.

En revanche, ce « compteur outre-mer » est sans effet sur les mesures d'adaptation prévues au sein du code pénal et du code de procédure pénale pour tenir compte des particularités de l'organisation administrative et judiciaire de ces collectivités. Votre commission s'est bornée à actualiser la formulation de ces dispositions, notamment en abandonnant l'expression de « territoires d'outre-mer » devenue soit obsolète, soit imprécise depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

De même, votre commission a amélioré la rédaction en généralisation le « compteur outre-mer » que le Gouvernement se proposait d'introduire au sein du code de la sécurité intérieure. Lors de l'examen de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest s'était opposé, dans son rapport, au recours partiel au « compteur outre-mer » dans un même code, afin de ne pas créer de disparités rédactionnelles à l'origine d'interrogations sur le sens à donner à l'absence de « compteur » pour les autres dispositions du code : en effet, si le « compteur » a pour objet d'indiquer l'état de la rédaction dans laquelle une disposition s'applique dans ces collectivités, dans quelle rédaction s'appliqueraient les dispositions qui ne sont pas couvertes par le « compteur » ? La simple lecture du code ne permettrait pas d'y répondre. Réaffirmant sa position en séance publique, le président Hyest indiquait ainsi au Gouvernement la méthode à privilégier : « Si vous voulez introduire un compteur, il faut le faire à chaque fois. ». C'est pourquoi votre commission a généralisé le « compteur » pour les sept premiers livres du code de la sécurité intérieure, des « compteurs » ayant déjà été introduits au livre VIII dudit code créé par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Ainsi, le code de la sécurité intérieure serait également applicable, dans son ensemble et sous des réserves des adaptations - inchangées par l'amendement -, dans leur rédaction applicable en métropole au jour de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Votre commission a maintenu, pour les collectivités françaises du Pacifique Sud (Wallis-et-Futuna, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie) le « compteur » prévu pour le code monétaire et financier, qui en comporte déjà, certes de manière variée, en son sein. Il permettrait en effet de s'assurer de l'application à ces collectivités de l'article 13 relatif au plafonnement des cartes prépayées.

Votre commission a adopté l'article 34 ainsi modifié .

Article 35 (art. 926-1 [abrogé] du code de procédure pénale) - Création d'un service pénitentiaire d'insertion et de probation à Saint-Pierre-et-Miquelon

Le présent article vise à abroger l'article 926-1 du code de procédure pénale afin de permettre la création d'un service pénitentiaire d'insertion et de probation à Saint-Pierre-et-Miquelon.

En effet, l'article 926-1 du code de procédure pénale dispose qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, « le président du tribunal de première instance exerce les fonctions dévolues au service pénitentiaire d'insertion et de probation » pour l'application des modalités de convocation d'un condamné devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation.

Cette disposition, déjà votée par l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne, mais censurée en raison de son absence de lien avec le projet initial 338 ( * ) , met en conformité la loi avec la pratique puisqu'il existe déjà un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation en activité dans cette collectivité.

Votre commission a adopté l'article 35 sans modification.

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

_________

MERCREDI 23 MARS 2016

M. Philippe Bas , président . - Nous examinons à présent le rapport de M. Michel Mercier sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Au départ, les choses étaient assez simples : le Gouvernement entendait préparer la sortie de l'état d'urgence en renforçant les dispositions de droit commun au stade de l'enquête, en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, en simplifiant les procédures et en achevant la transposition de directives européennes. Après le débat à l'Assemblée nationale, les intentions demeurent mais apparaissent moins clairement : le texte est passé de moins de 40 articles à près d'une centaine, et chaque article ou presque mériterait une discussion générale à lui seul. Aujourd'hui nous examinerons 175 amendements dont 26 ont été déposés par le Gouvernement.

Nombre de mesures visant à renforcer les dispositifs de droit commun ont déjà été votées par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi du président Bas tendant à renforcer la lutte antiterroriste. Je songe à l'utilisation par les services d'enquête et d'instruction des moyens mis à disposition des services de renseignement. Nous les accueillons donc favorablement et ne proposerons que des aménagements techniques.

D'autres mesures posent plus de problèmes, comme l'extension du principe du contradictoire au stade de l'enquête - il faudra trouver un équilibre avec l'efficacité des procédures - ou les mesures administratives, qu'il s'agisse de la retenue de quatre heures après un contrôle d'identité ou du contrôle des personnes de retour d'un théâtre d'opération de groupements terroristes - que le Gouvernement préfère à la création d'une incrimination spécifique.

Je salue la présence du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et celle du rapporteur pour avis de la commission des finances, qui présente des amendements relatifs au blanchiment d'argent, aux contrôles douaniers et au rôle de Tracfin.

Dernier sujet d'importance : l'usage des armes par les forces de sécurité contre quelqu'un qui vient de commettre ou tenter de commettre un meurtre et qui s'apprête à recommencer. L'Assemblée nationale a voté un dispositif compréhensible des seuls agrégés de droit ayant aussi travaillé à l'Académie française... Nous tâcherons de bâtir un mécanisme plus opérationnel sur ce point, et de reprendre plus largement les dispositions figurant dans la proposition de loi Bas adoptée en février dernier.

M. Philippe Bas , président . - Je salue à mon tour la présence parmi nous du rapporteur général de la commission des finances M. Albéric de Montgolfier, qui est aussi rapporteur pour avis sur ce texte, et de M. Philippe Paul, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur pour avis de la commission des finances . - La commission des finances s'est saisie pour avis des articles 12 à 16 quinquies, ainsi que de l'article 33. Elle a adopté douze amendements, symboliques ou substantiels. La présidente Michèle André et moi-même nous sommes récemment rendus au service Tracfin, avec qui nous avons largement échangé, ainsi qu'avec la direction des douanes.

L'article 14 permettant à Tracfin de signaler à un établissement financier tel de ses clients faisant par exemple l'objet d'une fiche S est très utile, sous réserve que la banque ne cherche pas à se dégager de toute responsabilité en fermant le compte : cela éveillerait immanquablement les soupçons de l'intéressé. Nous avons donc adopté un amendement tendant à créer un régime d'irresponsabilité leur interdisant de fermer les comptes de clients signalés par Tracfin - il est inspiré de celui prévu en cas d'ouverture de compte sur demande de la banque de France.

À l'article 14 bis , ajouté à l'Assemblée nationale par la commission des finances après avis favorable du Gouvernement et de la commission des lois, qui étend le régime d'irresponsabilité pénale des établissements de crédit en cas d'ouverture d'un compte sur désignation de la Banque de France, nous avons adopté une amélioration rédactionnelle.

À l'article 15 bis , nous ouvrons l'accès direct de Tracfin au fichier traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), dans le strict respect de ses attributions.

Les banques ne pouvant pour l'heure, à l'ouverture d'un compte, vérifier que les documents d'identité qu'on lui présente sont réguliers, nous avons adopté après l'article 15 bis un amendement leur permettant d'accéder aux informations relatives aux numéros des documents d'identité perdus, volés et invalidés.

À l'article 16 ter , nous avons adopté, avec l'accord de Bercy, un amendement encadrant le régime des cyberdouaniers et limitant ainsi les risques de contentieux, en instaurant une habilitation des agents, un contrôle du procureur de la République et une limitation de leurs compétences aux délits douaniers. Les dispositions existantes, éparses sont ainsi rassemblées et précisées.

J'espère que la commission des lois pourra intégrer d'autres amendements poursuivant l'objectif de rendre plus efficace la lutte contre le blanchiment et le terrorisme.

M. Philippe Paul , rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - La commission des affaires étrangères salue la mise en place à l'article 19, sur laquelle elle s'est saisie pour avis, de la couverture juridique très attendue par les militaires mobilisés dans le cadre de l'opération Sentinelle. L'égalité est enfin instaurée avec les forces de sécurité.

La commission a adopté deux amendements. Le premier porte sur les caméras-piétons. Un amendement de la députée Élisabeth Pochon adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale prévoit que les personnes qui font l'objet de l'intervention peuvent elles-mêmes demander le déclenchement de l'enregistrement. Nous y sommes défavorables, car les risques juridiques seraient nombreux. En effet, quelles seraient les demandes valables ? Et si l'enregistrement est diffusé sur Internet pour faire le buzz ? Une panne du dispositif ferait-elle tomber toute la procédure ? Le coût d'un tel équipement n'est pas non plus négligeable : 48 millions d'euros sans doute pour des caméras à 800 euros pièce, sans compter le coût du traitement des images.

Le second amendement adopté par notre commission améliore l'emploi des gendarmes stagiaires, en leur conférant le statut d'adjoint de police judiciaire. En vertu des engagements du président de la République, nous devons en effet déployer 4 000 nouveaux gendarmes ; la formation est déjà de grande qualité, rendons-les opérationnels.

M. Jacques Bigot . - Au lendemain d'un nouvel attentat, nous pourrions être conduits, si nous n'y prenons pas garde, à accepter des règles dérogatoires à l'État de droit ; il faut néanmoins adapter les moyens d'enquête. La présente réforme de notre procédure pénale revêt donc un caractère essentiel, en renforçant le procureur de la République et, simultanément, le contrôle exercé par le juge des libertés et de la détention (JLD), institution qui n'est pas encore totalement aboutie. Soyons enfin attentifs aux moyens nécessaires à la justice pour fonctionner : humains, mais aussi matériels, notamment informatiques.

M. François Zocchetto . - Notre a priori est favorable sur un texte où nous retrouvons un certain nombre de dispositions de la proposition de loi du président Bas. Dommage que le Gouvernement n'ait pas repris notre texte, mais l'important est l'efficacité. Je demeure attaché, comme l'est le Sénat, à la création du délit de séjour intentionnel sur un théâtre d'opération de groupements terroristes.

J'espère que les 26 amendements déposés par le Gouvernement ne sont que de coordination : la procédure accélérée ayant été déclenchée, les députés découvriraient de nouvelles rédactions en commission mixte paritaire... Ce ne serait pas une bonne manière.

Mme Cécile Cukierman . - Nous ne nous retrouvons pas dans ce projet de loi, qui n'est qu'un enchevêtrement de plusieurs textes antérieurs, et qui donne le sentiment de procéder au rattrapage de ce qui n'a pas pu être obtenu plus tôt. Or cette logique de fuite en avant dans le renforcement de l'arsenal juridique est vouée à l'échec puisque le terrorisme évolue lui-même rapidement. Les professionnels de la justice et de nombreuses associations se sont émus de la remise en cause des libertés individuelles. L'équilibre avec la protection de la sécurité publique est certes difficile à trouver, mais ici nos libertés sont plus menacées que renforcées.

M. Jacques Mézard . - Le problème de fond est que nous n'avons plus la capacité de conduire une réflexion de fond sur notre politique pénale. Ce texte est le troisième sur le terrorisme depuis 2012. Même avant cette date, l'opposition, à laquelle j'appartenais, ne manquait jamais une occasion de dénoncer les lois votées en réaction à l'actualité. Les évènements ont certes pris une autre ampleur, mais il reste que nous n'avons jamais pris le temps de dresser un bilan sérieux de notre politique pénale, ni surtout de la réalité de l'exécution des peines, qui est indigne d'une république moderne. Pourtant, de nombreux rapports ont été rendus par de grands magistrats, dont les propositions auraient permis de lancer la modernisation de notre droit.

Les dispositions du texte ne sont pas toutes mauvaises, mais celui-ci est mal ficelé et nous est soumis en procédure accélérée... Le rapporteur lui-même a indiqué que de nombreux articles mériteraient chacun une discussion générale. Je serai peut-être amené, en séance publique, à rappeler les déclarations des uns et des autres, il y a quatre ans, sur la retenue administrative ; invoquer la tournure prise par les événements pour changer d'avis n'est pas convaincant, il y a eu des évènements dramatiques à toutes les époques. Est-ce à dire qu'au prochain attentat, on ajoutera une nouvelle couche ?

M. Pierre-Yves Collombat . - Bien entendu !

M. Jacques Mézard . - Nos concitoyens ne seront rassurés que lorsque le pilotage de la nation sera de nature à leur inspirer confiance. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Commençons par faire le bilan de notre politique pénale et par donner à la justice les moyens de faire appliquer ses décisions, sans quoi nos discussions resteront vaines.

M. François Pillet . - Merci, monsieur le rapporteur, de nous avoir rassurés sur la présence parmi nous de sentinelles vigilantes, soucieuses des libertés individuelles. Nous avons toutefois atteint, il faut le reconnaître, les limites des restrictions que nous pouvons leur apporter. L'amendement COM-66 que nous examinons en premier nous place d'emblée dans le coeur du sujet, en supprimant le caractère « sérieux » du risque d'atteinte à la vie privée, même si cela ne concerne que certaines hypothèses limitativement énumérées. Les événements dictent leur loi certes, mais les circonstances ne sauraient avoir raison de la raison. Souhaitons que cela soit le dernier texte du genre.

Notre code de procédure pénale devient un terrain miné pour la régularité des procédures. Il faudra un jour avoir le courage de rationaliser tout cela, et de revoir l'échelle des peines au sein du code pénal. La référence faite à l'article 706-92 du code de procédure pénale, qui vise tous les crimes et tous les délits, est à cet égard emblématique... Le Sénat a toujours été un gardien vigilant des libertés individuelles, parfois leur dernier rempart, gardons cela à l'esprit.

Mme Esther Benbassa . - Je veux remercier le rapporteur pour son exposé, clair et surtout très bref... Ce projet de loi fait partie de l'avalanche de textes qui nous submerge depuis les attentats. Un attentat égale plusieurs lois, désormais. Faire entrer les mesures de l'état d'urgence dans le droit commun, soit. Je ne suis pas défavorable aux dispositions sur la protection des témoins, la lutte contre les infractions en matière d'armes et la cybercriminalité, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, même si certaines sont insuffisantes. Mais la plupart des dispositions posent de graves problèmes, voire sont inacceptables. Elles marginalisent l'autorité judiciaire. Cette soumission accrue au pouvoir exécutif n'est pas acceptable.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Pour avoir vécu l'affaire Merah de près, je suis sensible à la critique consistant à dénoncer le caractère réactif du texte. Elle ne touche toutefois pas juste : nous essayons de pallier un manque, une lacune ou une faiblesse que la commission d'un attentat révèle, sans pour autant menacer les libertés individuelles. Je ne suis pas de ceux qui pensent que la sûreté est la première des libertés : la première des libertés, c'est la liberté ! Mais la sûreté en est une condition d'exercice. Et elle est devenue pour nos concitoyens pris collectivement - même si les réponses individuelles peuvent être différentes - la première priorité...

Mme Éliane Assassi . - D'où tenez-vous cela ? Quelle étude le démontre ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - Les attentats ont conduit à un changement d'attitude, nous le sentons tous.

Faut-il revoir tout notre droit pénal et notre procédure pénale ? Sûrement. Des ateliers de réflexion sur la réforme du code pénal et du code de procédure pénale ont été mis en place il y a longtemps à la Chancellerie. Certains de nos collègues présents ici-même y ont participé. Il serait opportun de ressortir certains des projets élaborés naguère dans ce cadre. Procéder ainsi, ce n'est pas ajouter des couches de textes les unes sur les autres, c'est ajuster à la marge les divers dispositifs pour plus d'efficacité...

Mme Éliane Assassi . - Cela ne marche pas !

M. Michel Mercier , rapporteur . - Vous manquez de sens de la nuance... Ce texte ouvre des perspectives qui appellent des réformes plus larges. Nous donnons par exemple naissance à un couple nouveau, formé par le procureur et le juge des libertés et de la détention (JLD), qui sera bientôt chargé de 98 % des affaires pénales dans notre pays. Or il leur manque un statut solide ; en effet, certaines décisions du JLD ne sont pas susceptibles de recours. Le texte ne règle pas ce problème.

M. Pierre-Yves Collombat . - Le garde des sceaux nous a fait à peu près la même réponse hier : chaque événement appellerait une réaction. C'est le signe que nos concepts ne sont pas adaptés, car un bon code pénal est capable d'absorber la nouveauté. S'il faut changer la loi à chaque nouvelle version de l'iPhone, c'est que la loi est mal conçue...

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

M. Michel Mercier , rapporteur . - Outre des améliorations rédactionnelles, l'amendement COM-66 supprime le caractère « sérieux » du risque d'atteinte à la vie privée ou à l'intégrité physique qui limiterait les perquisitions de nuit.

M. François Pillet . - Les visites domiciliaires du fisc ou des douanes ne sont donc pas concernées ? Tous les crimes et délits de l'article 706 ne sont pas visés ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - Non.

M. François Pillet . - Une dernière remarque : nous nous sommes élevés naguère contre la suppression du juge d'instruction : c'est pourtant bien ce que nous sommes en train de faire !

M. Pierre-Yves Collombat . - Exactement.

M. Jean-Pierre Sueur . - L'adjectif « sérieux » n'était pas clair ; cet amendement le guérit de l'adjectivite qui sévit trop souvent...

M. Jacques Bigot . - La référence aux « modalités prévues par l'article 706-92 » a-t-elle des conséquences ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - Aucune.

L'amendement COM-66 est adopté.

Les amendements COM-36, COM-37, COM-38, COM-39 et COM-40 deviennent sans objet.

Article additionnel après l'article 1 er

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-67, qui reprend partiellement les dispositions votées à l'article 3 de la proposition de loi Bas, crée un régime de saisie de données de messagerie électronique indépendant de la perquisition. Cela est conforme à l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 juillet 2015.

L'amendement COM-67 est adopté.

Article 2

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-68 réécrit l'article pour autoriser le parquet et les juges d'instruction à utiliser la technique de l' IMSI catcher dans les procédures relatives à la criminalité organisée.

M. Jean-Pierre Sueur . - Cette technique est utile, mais capter des données dans une aire géographique déterminée conduit à une « pêche » large. Et les conditions de destruction des données qui n'ont rien à voir avec l'enquête ne sont pas précisées. Est-il envisagé d'y remédier ?

M. Jacques Mézard . - Des voix se sont déjà élevées, dans tous les groupes, contre de telles dispositions : la pêche au chalut impose ensuite de trier les poissons... Malgré le contrôle accru du JLD, ces nouveaux pouvoirs confiés au parquet sont un recul considérable pour les libertés individuelles. Au demeurant, le JLD est en position subsidiaire, puisque le II de l'amendement dispose qu'il peut « également » autoriser l'utilisation de ces appareils : quel formidable progrès ! Bref, ce texte remet en cause toute l'architecture de notre droit pénal, et en procédure accélérée par-dessus le marché.

M. Alain Richard . - Cet amendement apporte une amélioration judicieuse, nécessaire, qui sera approuvée par les deux chambres du Parlement. Une imprécision demeure toutefois dans la rédaction qu'il propose de l'article 706-95-10 du code de procédure pénale, en disposant que les données collectées utiles sont détruites « à la diligence du procureur de la République ou du procureur général ». Est-ce suffisant pour identifier le responsable de cette destruction ?

Mme Cécile Cukierman . - Défavorables à un recours accru aux IMSI catcher , nous voterons contre cet amendement.

M. Alain Vasselle . - Je partage la volonté de renforcer les moyens du renseignement, mais y a-t-il en contrepartie des dispositions relatives à la réparation du préjudice que certaines personnes dépourvues de lien avec l'enquête pourraient subir ? Les modalités de collecte des données autorisent-elles des destructions sélectives, ciblées sur les parties inutiles à la justice ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - Les données dépourvues de lien avec l'autorisation délivrée doivent en effet être détruites. Les autres le sont, elles, à l'extinction de l'action publique ou lorsqu'une décision définitive a été rendue au fond. Sur l'autorité responsable de ces destructions, je propose en réponse à M. Richard de rectifier mon amendement pour apporter la précision nécessaire. Le préjudice éventuellement subi par les personnes sans lien avec l'enquête peut être réparé au moyen du régime classique de responsabilité de l'administration ; si un fonctionnaire utilisait ces données à d'autres fins que celles pour lesquelles l'autorisation de les collecter a été donnée, sa responsabilité individuelle pourrait être engagée pour faute grave détachable du service.

M. Pierre-Yves Collombat . - Elle ne doit pas forcément être détachée...

L'amendement COM-68 est rectifié et adopté.

Les amendements COM-41 et COM-42 deviennent sans objet.

Article 2 bis

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-69 supprime l'article 2 bis qui protège les parlementaires, magistrats, avocats et journalistes, car des dispositions de protection existent déjà. Cet article est purement déclaratoire et les deux premières catégories ont des garanties de rang constitutionnel.

L'amendement COM-69 est adopté.

Article 3

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-70 étend au parquet la possibilité d'utiliser la technique de la sonorisation, selon les dispositions votées par le Sénat le 2 février dernier.

L'amendement COM-70 est adopté.

Les amendements COM-43, COM-44 et COM-45 deviennent sans objet.

Article additionnel après l'article 3

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-71 reprend les dispositions initialement prévues à l'article 3 du projet de loi, qui autorisent le procureur de la République à recourir à la technique de captation à distance des données informatiques, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. Il reprend également des dispositions de la proposition de loi en autorisant le procureur et le juge d'instruction à requérir de toute personne qualifiée la réalisation d'un dispositif technique de captation à distance des données et à recourir aux moyens de l'État soumis au secret de la défense nationale. On pourrait ainsi lutter contre l'obsolescence technologique des logiciels industriels. Ces dispositifs demeurent soumis à l'agrément de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

L'amendement COM-71 est adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - J'insiste sur mon amendement COM-72, qui insère les dispositions de l'article 1er de la proposition de loi votée le 2 février : il améliore la transition entre la phase d'enquête du parquet antiterroriste et la phase placée sous l'autorité du magistrat instructeur, en prolongeant la validité des mesures du parquet pendant quarante-huit heures après l'ouverture d'une information judiciaire, afin que tout ne s'arrête pas lors du changement de régime.

L'amendement COM-72 est adopté.

Article 3 bis

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-73 réintroduit les dispositions de la proposition de loi qui allongent la durée totale de détention provisoire des mineurs de 16 à 18 ans, pour l'instruction du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et l'instruction des crimes terroristes.

L'amendement COM-73 est adopté.

Division additionnelle avant l'article 4

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-74 améliore la présentation des articles.

L'amendement COM-74 est adopté.

Article 4

M. Michel Mercier , rapporteur . - Même si le Gouvernement a choisi une autre solution, mon amendement COM-75 reprend des dispositions de la proposition de loi, retirant uniquement de la compétence exclusive de la juridiction parisienne d'application des peines les délits d'apologie du terrorisme dont le parquet national antiterroriste ne s'est pas saisi. Le parquet de Paris peut en effet laisser de petites affaires aux parquets territoriaux. Il en va de même pour l'application des peines.

M. Alain Richard . - Le parquet de Paris serait compétent pour le délit d'évasion de quelqu'un condamné pour terrorisme, selon la présomption que ce délit aurait un lien avec les actes antérieurs.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Tout à fait.

L'amendement COM-75 est adopté.

Article additionnel après l'article 4

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-76 crée une circonstance aggravante qui criminalise les associations de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste lorsqu'elles sont commises à l'occasion ou après un séjour à l'étranger, sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes. Ainsi, il maintient dans le code pénal un délit terroriste d'association de malfaiteurs tout en facilitant l'aggravation des peines pour certains terroristes.

M. Philippe Bas , président . - On criminalise ce qui est actuellement un délit puni d'une peine maximale de dix ans d'emprisonnement, dont nous avons constaté qu'elle était toujours prononcée.

M. Pierre-Yves Collombat . - Pourquoi serait-il plus grave de tuer des gens après un séjour à l'étranger ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - Vous avez raison, un assassinat est toujours un assassinat. Mais une personne qui s'est rendue sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes a été formée : elle est donc plus dangereuse.

M. Pierre-Yves Collombat . - La pénalisation du séjour ne me choque pas, mais la rédaction donne l'impression que la sanction de quelqu'un qui tue des personnes est plus grave quand il a été à l'étranger.

M. Michel Mercier , rapporteur . - On parle de la circonstance aggravante, comme il en existe beaucoup dans le code pénal, du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, et non de la circonstance aggravante d'un meurtre.

M. Alain Vasselle . - Je partage l'avis du rapporteur. Ira-t-on vers une harmonisation européenne dans ce domaine, pour plus de réciprocité ? Une peine de quinze ans de réclusion criminelle pour un crime terroriste est-elle réaliste ?

Mme Cécile Cukierman . - Je partage les propos de M. Collombat. Je ne suis pas favorable à cet amendement sur le fond. Il pose la question de ce que signifie un théâtre d'opérations de groupements terroristes. On peut être bien mieux formé, préparé, équipé dans un pays non concerné et revenir plus efficace et plus performant. Je ne suis pas certaine que votre volonté de simplifier et de renforcer la procédure soit satisfaite par cet amendement, monsieur le rapporteur.

M. Jacques Mézard . - On peut allonger l'échelle des peines jusqu'à l'éternité. Quelle est la définition d'un théâtre d'opérations de groupements terroristes ? Il est bon de se préoccuper de l'étranger, mais quand on assassine un préfet en France, ce n'est pas du terrorisme ? Une zone majoritairement peuplée de Kurdes est-elle un théâtre d'opérations de groupements terroristes ? Le qualificatif peut se décliner sur la terre entière. Qui en décide ? Le Gouvernement ?

Mme Esther Benbassa . - Très bien.

M. Philippe Bas , président . - Cette disposition a été votée par le Sénat il y a sept semaines.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Il s'agit de l'utilisation d'une technique de droit pénal. Soit toute action terroriste grave est appelée crime, et l'organisation de la Cour d'assises spéciale de Paris explose - M. Mézard a posé la question essentielle des moyens. Soit, comme nous l'avons fait, on qualifie certaines associations de malfaiteurs terroristes de crimes quand il y a eu séjour à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes. Dans ce cas, la cour d'assises spécialement composée est compétente. Elle a suffisamment de retard pour qu'on ne l'engorge pas. Cette solution n'est peut-être pas idéale mais elle a le mérite de distinguer des catégories.

Mme Cécile Cukierman . - Comment définir un théâtre d'opérations de groupements terroristes ? On intègre une notion subjective susceptible de recours contentieux.

M. Jacques Mézard . - Cette notion est susceptible de recours. La loi doit avoir un minimum de précision. Je ne remets pas en cause l'architecture choisie, mais un minimum de précision est nécessaire si l'on ne veut pas ouvrir une brèche.

M. Michel Mercier , rapporteur . - La notion de théâtre d'opérations de groupements terroristes est définie depuis des années par une jurisprudence constante des tribunaux, qui constitue aussi une source de droit.

M. Jacques Mézard . - Mieux vaut dire que vous n'avez pas de réponse !

M. Alain Richard . - Ce sujet mérite qu'on poursuive la réflexion sur la définition. Si une appréciation relève de l'exécutif, ce doit être écrit expressément dans le code pénal. C'est le cas, par exemple, pour la réciprocité dans l'application d'une convention internationale. Le procureur questionnera les services du Gouvernement et le tribunal appréciera souverainement.

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'article 421-2-6 du code pénal reprend la notion de théâtre d'opérations de groupements terroristes. Elle est déjà utilisée. Il peut y avoir des recours, rien n'est interdit. La position du procureur peut être contestée, c'est le droit commun. Mais il n'existe pas de risque particulier de contentieux.

L'amendement COM-76 est adopté.

Article 4 bis

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-77, qui reprend l'article 13 de la proposition de loi, autorise une juridiction à prescrire des actions de prise en charge de la radicalisation, dans le cadre d'une condamnation assortie du sursis avec mise à l'épreuve, en élargissant la possibilité d'en faire usage.

M. François Pillet . - Cet amendement est tout à fait satisfaisant. Reste à assurer la formation du personnel.

M. Michel Mercier , rapporteur . - C'est une question de moyens.

L'amendement COM-77 est adopté.

Article additionnel après l'article 4 bis

M. Michel Mercier , rapporteur . - Nous avons reçu vingt-six amendements du Gouvernement entre l'après-midi et la nuit de lundi - ce qui montre que le Gouvernement travaille. Je propose le rejet de quatre d'entre eux, l'adoption de quatorze autres qui sont intéressants, et le rejet temporaire de huit qui nécessitent une étude approfondie, et sur lesquels je reviendrai en séance publique. J'adopte une attitude ouverte.

L'amendement COM-158 doit ainsi être étudié de plus près d'ici la séance publique.

L'amendement COM-158 n`est pas adopté.

Article 4 ter A

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-1.

L'amendement COM-1 est adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-2.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Article 4 ter

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-79 de cohérence avec la loi sur le renseignement facilite les échanges d'informations entre l'administration pénitentiaire et les services de renseignement. Par ailleurs, sous le contrôle du procureur de la République, l'administration pénitentiaire peut prendre toute mesure de détection, brouillage et interruption des correspondances ; utiliser la technique de l' IMSI catcher ; accéder aux données informatiques contenues dans les systèmes de traitement automatisé des données que possèdent les personnes détenues. Bref, nous conservons la même position, alors que le Gouvernement, lui, en a changé. Nous allons plus loin que lui, sans intégrer complètement l'administration pénitentiaire à la communauté du renseignement.

M. Jean-Pierre Sueur . - Cette question n'est pas du tout facile. Les six organisations du premier cercle de la communauté du renseignement ont une réticence à créer un second cercle de six organisations, craignant une dilution.

Les propos du garde des sceaux, hier, ont témoigné d'une évolution. La précédente position de la chancellerie était qu'il ne fallait pas confondre les missions. Mme Taubira avait déclaré que 160 personnes étaient chargées du renseignement dans la sphère pénitentiaire. M. Urvoas nous a dit hier que ces agents relèvent du ministère de la justice, sont formés par lui, et sont distincts des surveillants ou d'autres catégories de personnel. Le renseignement pénitentiaire est indispensable, mais sa mise en oeuvre n'est pas simple.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Cet amendement répond à la question soulevée par le président Sueur. C'est à l'administration pénitentiaire de s'organiser, et de collaborer avec les services de renseignement. Cet amendement organise leur coopération.

L'amendement COM-79 est adopté.

L'amendement COM-46 devient sans objet.

Mme Esther Benbassa . - Mon amendement COM-46 est satisfait !

Article 4 quinquies

M. Michel Mercier , rapporteur . - Nous avons réécrit l'article 4 quinquies adopté par l'Assemblée nationale contre la volonté du Gouvernement, et qui porte sur Apple et les organismes privés détenteurs ou fabricants d'un moyen de cryptologie. Mon amendement COM-80 augmente le quantum encouru en cas de refus d'une personne morale de répondre aux réquisitions. Contrairement à la rédaction initiale qui la réservait aux enquêtes terroristes, cette peine serait applicable dans l'ensemble des procédures. De même, alors que la rédaction initiale insérait dans le code de procédure pénale un nouveau délit de refus de communiquer des données protégées par un moyen de cryptologie à l'autorité judiciaire, l'amendement complète une disposition du code pénal qui punit d'ores et déjà le refus de remettre une convention secrète de chiffrement d'un moyen de cryptologie. Il porte à 150 000 euros la peine encourue.

M. François Pillet . - La rédaction du rapporteur éloigne le risque d'inconstitutionnalité que la rédaction un peu faible de l'Assemblée nationale faisait courir. Il y a cependant là une atteinte à la liberté d'entreprendre en cryptologie.

M. Pierre-Yves Collombat . - La peine n'est pas très dissuasive.

M. Philippe Bas , président . - Donnons mandat au rapporteur pour voir comment pousser la punition le plus loin possible.

L'amendement COM-80 est adopté.

Article additionnel après l'article 4 quinquies

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-81 reprend partiellement l'article 10 de notre proposition de loi, qui créait un délit spécifique d'entrave au blocage des services de communication en ligne faisant l'apologie d'actes de terrorisme ou provoquant à de tels actes. Il réprime le fait d'extraire, de reproduire et de transmettre intentionnellement des données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme afin d'entraver les mécanismes de blocage, en sanctionnant ces comportements de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

M. Philippe Bas , président . - Ceci a déjà été examiné et approuvé le 2 février.

M. Alain Vasselle . - Je partage l'objectif du rapporteur, mais sera-ce suffisant pour éviter l'apologie du terrorisme ? Ceux qui partent en Syrie puis reviennent ne peuvent-ils pas mener des actions détournées d'apologie, hors d'Internet ? Il faudrait revoir la rédaction pour améliorer la couverture du risque.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Il existe deux incriminations différentes, dont une nouvelle qui punit ceux qui entravent le blocage d'un site.

L'amendement COM-81 est adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Dans mon amendement COM-82, je reprends l'article 14 de la proposition de loi, en excluant du champ de la contrainte pénale les délits terroristes. C'était une incongruité.

L'amendement COM-82 est adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-83 reprend l'article 17 de la proposition de loi afin de créer un fondement légal à la récente pratique de regroupement des détenus radicalisés ou en voie de l'être au sein d'unités dédiées dans les établissements pénitentiaires. Ce n'est pas une obligation, mais une possibilité.

L'amendement COM-83 est adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-84 reprend l'article 19 de la proposition de loi en définissant un régime d'exécution de peine plus rigoureux pour les condamnés terroristes.

L'amendement COM-84 est adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis pour l'instant défavorable à l'amendement COM-157, qu'il nous faut étudier.

L'amendement COM-157 n'est pas adopté.

Article 5

L'amendement rédactionnel COM-85 est adopté.

Article 6

L'amendement rédactionnel COM-86 est adopté.

L'amendement de précision COM-87 est adopté.

Article 7

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-88 distingue, au sein des armes de catégorie D, les armes dont l'achat est soumis à agrément, et limite à celles-ci l'interdiction d'acquisition et de détention. Il actualise également la liste des infractions pouvant justifier une interdiction d'acquisition et de détention d'arme.

L'amendement COM-88 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-89 est adopté, ainsi que les amendements de coordination COM-90 et COM-91.

Article 8

Les amendements COM-92 et COM-93 sont adoptés.

Article additionnel après l'article 8

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-94 réintroduit ici l'article 8 de la proposition de loi, relatif à la délinquance organisée. Il modifie le périmètre de celle-ci, pour y intégrer les nouvelles infractions relatives aux armes créées au sein du code pénal. Il améliore la compréhension des dispositions concernant la vente et la détention d'armes. Il inclut les infractions relatives à la diffusion de procédés permettant la fabrication d'engins explosifs.

M. François Pillet . - Je salue le travail de codification et de réécriture du rapporteur. Cet amendement et le suivant sont remarquables.

M. Jacques Mézard . - La rédaction ne souffre pas de discussion, mais avez-vous mené une réflexion sur la fabrication des explosifs ? J'ai vu sur une chaîne télévisée détailler la liste des produits à employer pour fabriquer un gilet explosif ! Il faudrait réprimer cela.

M. Alain Richard . - Hélas, les éléments qui entrent dans cette fabrication sont licites. On pourrait en revanche pénaliser la présentation du mode d'association des produits.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Un amendement ultérieur répond à cette question.

L'amendement COM-94 est adopté.

Article 9

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-95 du rapporteur crée au sein du code pénal une section nouvelle, relative au trafic d'armes, afin d'en améliorer le cadre répressif. L'intention est excellente.

L'amendement COM-95 est adopté.

Article 10

L'amendement rédactionnel COM-96 est adopté, ainsi que l'amendement COM-97.

Article additionnel après l'article 10

L'amendement COM-35, repoussé par le rapporteur, n'est pas adopté.

Article 11

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-98 crée une juridiction parisienne spécialisée en cybercriminalité.

L'amendement COM-98 est adopté.

Article additionnel avant l'article 12

M. Michel Mercier , rapporteur . - Je comprends que l'Union des fabricants demande des mesures contre la contrefaçon. L'Assemblée nationale a rejeté un amendement identique à cet amendement COM-64. La lutte contre la contrefaçon, dont il faut rappeler l'importance, ne nécessite pas l'inclusion de ce délit dans ce texte. Les faits de financement du terrorisme doivent être punis en tant que tels. Retrait ou rejet.

L'amendement COM-64 n'est pas adopté.

Article 12

L'amendement COM-99 est adopté.

L'amendement COM-47, repoussé par le rapporteur, n'est pas adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-3 est satisfait.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

Article 13

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-4 qui précise le champ des nouveaux plafonds applicables aux cartes prépayées.

L'amendement COM-4 est adopté.

Article 14

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-5 protège les professionnels assujettis aux obligations anti-blanchiment. Je ne partage pas le sentiment de la commission des finances, qui l'a déposé. Les professionnels doivent participer à la lutte contre le blanchiment.

M. Philippe Bas , président . - Le but de cet amendement est d'autoriser les agents à dissuader leurs clients de prendre part à une activité illégale.

M. Jean-Pierre Sueur . - L'intention est bonne...

M. Alain Richard . - Je n'en suis pas certain. Il s'agit d'une mesure d'autoprotection des établissements financiers tenus au respect des règles de Tracfin, obligés de signaler les cas à l'autorité légitime... mais non au client ! Car sous une apparence vertueuse, on donne la possibilité au banquier d'avertir son client que telle action entrerait dans un circuit de délits. La plupart du temps, le client le sait parfaitement.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-6 évite que la désignation par Tracfin de personnes soupçonnées de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ne conduise à la fermeture de leurs comptes, ce qui pourrait les alerter de l'attention dont ils font l'objet de la part des services de renseignement. On comprend la préoccupation du rapporteur pour avis de la commission des finances, mais Tracfin est très hostile à cette disposition qui inverse la logique de responsabilité entre lui et les établissements bancaires. Je suis défavorable à un régime d'irresponsabilité de ces derniers.

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

- Présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente -

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-48 ainsi qu'à l'amendement COM-49.

Les amendements COM-48 et COM-49 ne sont pas adoptés.

Article 14 bis

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-7 de la commission des finances, pour les mêmes raisons que précédemment - l'amendement réduit le champ de la responsabilité pénale des établissements de crédit.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

Article 15

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-8.

L'amendement COM-8 est adopté.

Article 15 bis

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-154 du Gouvernement qui vise à supprimer l'accès direct de Tracfin au fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ). En tant que service spécialisé de renseignement, Tracfin bénéficie déjà d'un accès direct au TAJ dans certains cas, et il convient de l'élargir.

M. Jean-Pierre Sueur . - Pourquoi le Gouvernement a-t-il déposé cet amendement ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - Je l'ignore.

L'amendement COM-154 n'est pas adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-50.

L'amendement COM-50 n'est pas adopté.

L'amendement COM-9, accepté par le rapporteur, est adopté.

Article additionnel après l'article 15 bis

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-10 donne aux établissements de crédit, de paiement et de monnaie électronique accès aux informations relatives aux numéros des documents d'identité perdus, volés ou invalidés afin de vérifier l'identité fournie par leur client. Le fichier des objets et véhicules signalés, qui contient ces informations, a été instauré à titre expérimental par le pouvoir réglementaire - il est expiré depuis le 17 mars. Cette disposition ne relève pas de la loi. Avis défavorable.

L'amendement COM-10 n'est pas adopté.

Article 16

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-11 instaure une présomption de provenance illicite des fonds afin de faciliter la répression du délit douanier de blanchiment aux opérations financières entre la France et l'étranger portant sur des fonds provenant de tout crime ou délit, c'est-à-dire non douanier, mais de droit commun. Avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat . - Si notre but est la simplification et l'unification, pourquoi rejeter cet amendement ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - Le régime douanier est dérogatoire.

M. Pierre-Yves Collombat . - Le problème du financement est très important.

M. Michel Mercier , rapporteur . - C'est vrai, mais cet amendement a pour objet d'étendre la présomption de culpabilité, ce qui pose aussi problème !

M. Pierre-Yves Collombat . - On ne se préoccupe des libertés que lorsqu'on aborde les trafics d'argent.

L'amendement COM-11 n'est pas adopté.

Article additionnel après l'article 16

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-141.

M. Jacques Mézard . - Il n'est pas neutre, pourtant, d'assimiler les agents des douanes à des officiers de police judiciaire...

L'amendement COM-141 est adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-146 renforce la lutte contre le terrorisme en prévoyant une plus grande coordination et complémentarité des forces de police, de gendarmerie et de douanes, avec l'habilitation des agents des douanes à effectuer des enquêtes. Cet amendement répond à la demande que M. Collombat a formulée à l'instant. Favorable également au COM-147.

L'amendement COM-146 est adopté, ainsi que l'amendement COM-147.

Article 16 bis

L'amendement de coordination COM-100 est adopté.

Article 16 ter

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-101 supprime un dispositif ad hoc de cyberpatrouilles redondant avec le droit actuel et source d'insécurité juridique, qui serait également applicable à la constatation de contraventions douanières.

L'amendement COM-101 est adopté.

L'amendement COM-12 devient sans objet.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement COM-13 qui fixe par la loi le seuil à partir duquel les justificatifs de la provenance des sommes transférées en liquide à l'étranger doivent être fournis, alors que l'article 16 quater renvoie sa fixation à un décret.

L'amendement COM-13 n'est pas adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-14.

L'amendement COM-14 est adopté.

Article 16 septies

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-102 supprime le dispositif de maintien de compétence du parquet financier quelles que soient les infractions retenues à l'issue de l'enquête : c'est une source d'opacité quant à la répartition des attributions entre parquets.

L'amendement COM-102 est adopté.

Articles additionnels après l'article 16 septies

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-34.

L'amendement COM-34 est adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Demande de retrait de l'amendement COM-63 relatif à la lutte contre la contrefaçon. Même chose pour l'amendement COM-65.

L'amendement COM-63 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-65 n'est pas adopté.

Article 17

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-103 clarifie la rédaction de l'article 78-2-2 du code pénal et y introduit plusieurs modifications. La possibilité de fouiller les bagages, prévue dans la rédaction initiale, est maintenue ; à la liste des infractions pour lesquelles le procureur de la République peut autoriser la mise en oeuvre des contrôles d'identité sont ajoutées les infractions relatives aux armes créées à l'article 9 du projet de loi ; enfin, en cohérence avec la proposition de loi sur la sécurité dans les trains, la possibilité de fouille des bagages est étendue au-delà des seuls véhicules de transport public de voyageurs.

L'amendement COM-103 est adopté.

L'amendement de suppression COM-51 devient sans objet.

Article additionnel après l'article 17

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-52.

L'amendement COM-52 n'est pas adopté.

Article 18

M. Michel Mercier , rapporteur . - C'est un point important du texte : la retenue de quatre heures. Mon amendement COM-104 l'encadre en l'assortissant de garanties : information immédiate de la personne faisant l'objet de la mesure, du motif de son placement en retenue et du fait que cette retenue ne peut donner lieu à audition ; droit de prévenir un proche et l'employeur, ce qui peut être différé sous le contrôle du procureur de la République ; transmission sans délai du procès-verbal au procureur de la République ; et pour le mineur, en cas d'impossibilité d'être assisté par son représentant légal, désignation d'un administrateur ad hoc par le procureur de la République, information de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), limitation à deux heures et nécessité d'un accord exprès.

Nous acceptons le principe de la retenue des personnes inscrites dans les fichiers pour effectuer des vérifications supplémentaires, tout en l'encadrant.

M. Jacques Mézard . - Vous apportez en effet des améliorations au texte. On peut aussi comprendre que dès qu'il est question de terrorisme, les citoyens soient prêts à tout accepter. Toutefois, qu'une personne puisse être retenue s'il existe « des raisons sérieuses de penser que son comportement peut être lié à des activités de caractère terroriste » ouvre la porte à toutes sortes de dérives. Si l'on dispose d'éléments concrets, on peut agir dans le cadre normal. Mais agir sur la foi d'une conjecture est contraire à toutes les règles et nous dirige vers un délit de pensée.

M. François Pillet . - Je rejoins mon collègue Jacques Mézard. Cela est dangereux.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Je comprends vos réserves. Nous avons décidé d'accepter le principe d'une retenue pour une durée maximale de quatre heures, mais en en limitant le champ d'application. Je conviens, avec Jacques Mézard, que la formulation peut sembler vague...

Mme Cécile Cukierman . - Nous sommes un certain nombre à le penser !

Mme Catherine Troendlé , présidente . - Vous avez la possibilité de déposer des amendements de séance.

M. Michel Mercier , rapporteur . - On pourrait limiter cette mesure aux personnes inscrites dans le fichier des personnes recherchées.

M. Jacques Bigot . - La rédaction que vous proposez va affiner les contrôles. L'Assemblée nationale a ajouté que la retenue ne pouvait être le début d'une garde à vue et ne saurait donner lieu à une audition. Des précautions supplémentaires ont été introduites, comme l'obligation d'établir un procès-verbal et d'aviser le procureur de la République. Il reste que l'article peut inquiéter.

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

M. Philippe Bas , président . - Proposez-vous d'améliorer la rédaction ou demandez-vous le rejet de l'article ?

M. François Pillet . - Pourquoi ne pas introduire la notion de présomption ?

M. Philippe Bas , président . - C'est une notion judiciaire. Nous sommes dans le cadre de la police administrative, sous le contrôle du juge administratif qui veille à éviter les abus.

M. Jean-Pierre Sueur . - Cet article est-il compatible avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - Une analyse plus précise est nécessaire. Je vous répondrai à la prochaine réunion.

M. Philippe Bas , président . - Si c'est la rédaction qui vous pose problème, nous aurons l'occasion de l'approfondir en séance.

M. Pierre-Yves Collombat . - Il est bien précisé que le procureur de la République est « informé sans délai »...

M. Philippe Bas , président . - Précisément, il est seulement informé.

M. Pierre-Yves Collombat . - Alors c'est purement décoratif !

M. Philippe Bas , président . - Non. En cas d'abus de droit, de privation infondée de liberté, « le procureur de la République peut mettre fin à tout moment à la retenue ». Mais le régime initial de la retenue est bien celui de la police administrative.

M. Pierre-Yves Collombat . - Le texte dit le contraire !

M. Jacques Mézard . - Nous allons trop vite sur un point très important. Il est bien précisé que le procureur peut mettre fin à la retenue à tout moment. On crée donc un double régime de police administrative et judiciaire. Ce n'est pas un mécanisme sain.

M. Philippe Bas , président . - Vous avez raison : c'est un système original de police administrative sous le contrôle du juge judiciaire.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Le contrôle des autorités judiciaires est prévu par l'article 78-1 du code de procédure pénale.

M. François Pillet . - La portée de l'article est considérable. Si les actes effectués dans ce cadre sont annulés, c'est la procédure entière qui tombera, alors que l'on aura peut-être découvert des éléments importants. Soyons attentifs à la rédaction, faute de quoi les avocats s'engouffreront dans la brèche.

M. Jacques Bigot . - La retenue ne peut être un début de garde à vue ; et la décision est prise par un officier de police judiciaire, placé sous le contrôle du procureur. Il faudra demander au ministre de l'intérieur de s'expliquer sur la nécessité du dispositif. L'enjeu consiste à concilier l'État de droit et l'exigence d'efficacité dans la lutte policière contre le terrorisme.

M. Michel Mercier , rapporteur . - C'est un régime hybride. Je comprends que les « raisons sérieuses de penser » puissent vous sembler un motif imprécis. C'est pourquoi le II, 1° du nouvel article 78-3-1 du code de procédure pénale oblige l'officier de police judiciaire à informer la personne des motifs de son placement en retenue. C'est là que le procureur peut exercer son contrôle.

M. Pierre-Yves Collombat . - Mais non !

M. Michel Mercier , rapporteur . - Pour plus de clarté, nous pouvons faire remonter cet alinéa au I.

M. Pierre-Yves Collombat . - Certains policiers retiendront tel individu simplement pour l'ennuyer... S'il existe de véritables raisons pour retenir une personne, on peut avoir recours à la procédure normale. Si l'objectif est de ne retenir que ceux qui figurent dans le fichier des personnes recherchées, alors les retenues ne devraient être pratiquées que par des officiers de police judiciaire. La rédaction est incompréhensible.

M. Philippe Bas , président . - Il s'agit bien d'un régime de police administrative, mais l'article 78-1 du code de procédure pénale prévoit un contrôle par les autorités judiciaires. C'est un OPJ qui procède aux investigations.

M. Pierre-Yves Collombat . - Mais pas à la rétention !

M. Philippe Bas , président . - Il ne faut pas confondre cette mesure avec une garde à vue ; et nous ne sommes pas dans le cadre d'une enquête judiciaire. La rédaction est complexe parce que la situation l'est aussi. C'est un approfondissement du contrôle d'identité, non une enquête.

M. Jacques Mézard . - L'OPJ doit préciser les motifs de la retenue. On dit que ce n'est pas une mesure de privation de liberté...

Imaginez que la personne retenue avoue des infractions : que fait l'officier ? D'autant qu'il est exposé à un fort risque de recours. La rédaction doit être très précise.

M. Philippe Bas , président . - Imaginons le cas où un contrôle d'identité révèle la possible appartenance de l'individu à un réseau terroriste, sans éléments suffisants pour une garde à vue. On prend alors le temps de consulter les fichiers, de réunir l'information, au besoin en consultant les bases de données à l'étranger. S'il apparaît que l'on peut basculer vers une garde à vue, le procureur, informé dès le début de la retenue, a les moyens de restituer un enchaînement juridique conforme au droit commun.

M. Alain Richard . - Lors du contrôle, la consultation des fichiers A, B ou C, numérisés, est facile depuis un terminal. Les quatre heures que dure la retenue donnent le temps de déterminer s'il y a matière à une garde à vue. C'est un dispositif adapté aux périodes de tension, sur les axes de déplacement ; il présente l'intérêt de permettre les contrôles sur des résidents étrangers. La retenue donne le temps d'approfondir les vérifications. Si vous croyez que cela est inutile, libre à vous de voter contre. L'autre solution, qui a mes faveurs, consiste à approfondir le dispositif, à apporter des garanties et assurer une continuité entre le contrôle et la procédure proprement dite.

Lors de la prorogation de l'état d'urgence, beaucoup ont fait valoir que ce régime prendrait fin plus vite si des dispositifs d'investigation et de repérage appropriés étaient mis en place. En voici un.

M. Jean-Yves Leconte . - Je comprends que l'on envisage un tel dispositif dans le cadre de l'état d'urgence, mais il me semble difficile de lui conférer un caractère permanent. Il est surtout une réponse au manque de moyens, et aux difficultés d'interconnexion entre les différents fichiers du renseignement ! L'atteinte aux libertés est grave, surtout s'agissant des mineurs. Et certains font l'objet de contrôles à répétition.

M. Michel Mercier , rapporteur . - La mesure ne vise que les personnes pouvant être soupçonnées de liens avec une opération terroriste. De plus, conformément aux articles 12 et 13 du code de procédure pénale, les OPJ agissent sous le contrôle du procureur de la République et sous la surveillance du procureur général et de la chambre de l'instruction. Nous proposons un renforcement du contrôle et des restrictions supplémentaires pour la retenue des mineurs.

On ne peut améliorer l'efficacité de la lutte contre le terrorisme hors état d'urgence sans prendre de mesures renforçant les pouvoirs habituels de la police administrative et judiciaire. Nous demeurons cependant bien dans le cadre de l'article 66 de la Constitution.

L'amendement COM-104 est adopté.

Les amendements de suppression COM-27 et COM-53 ainsi que les amendements COM-29 et COM-28 deviennent sans objet.

M. Jacques Bigot . - L'amendement COM-29 introduit des compléments à l'article 18.

M. Philippe Bas , président . - Les amendements portant sur la précédente rédaction de l'article sont rendus sans objet par l'adoption de la nouvelle rédaction, mais ils peuvent être présentés à nouveau en séance publique.

Article 18 bis

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-165 du Gouvernement remplace l'autorisation parentale de sortie du territoire par la possession d'un passeport - en cours de validité - par le mineur. Mieux vaut encore ne rien écrire ! On ne connaît pas toujours la provenance du passeport, qui ne saurait remplacer l'autorisation de sortie. Avis défavorable.

L'amendement COM-165 n'est pas adopté.

Article 18 ter

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-105 insère la nouvelle procédure d'interdiction de sortie judiciaire du territoire dans l'article 375-7 du code civil. La condition de carence des parents est remplacée par celle de carence du détenteur de l'autorité parentale. L'amendement étend aussi les possibilités, pour le juge des enfants, de prononcer une telle mesure d'interdiction.

L'amendement COM-105 est adopté.

L'amendement COM-164 devient sans objet.

M. Alain Richard . - L'amendement COM-164 tombe en partie seulement : qu'en est-il de l'extension de la mesure aux collectivités d'outre-mer ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'outre-mer fera l'objet d'un article global à la fin du texte.

Article 19

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-106 réécrit l'article 19 relatif au cadre juridique d'emploi de la force contre les auteurs de meurtres ou de tentatives de meurtre, afin de les empêcher au plus vite de réitérer ces actes. Nous avons simplifié, au bénéfice des policiers et des gendarmes, la rédaction de l'Assemblée nationale, très complexe.

Ce cadre se fonde sur l'autorisation de la loi ou du règlement et non sur l'article 122-7 relatif à l'état de nécessité. Enfin, conformément aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme, l'usage de la force doit être absolument nécessaire et strictement proportionné.

M. Philippe Bas , président . - Les syndicats de police y sont favorables. La rédaction quelque peu improvisée de cet article 19 par l'Assemblée nationale méritait en effet des améliorations.

L'amendement COM-106 est adopté.

L'amendement de suppression COM-54 devient sans objet.

Article 20

M. Michel Mercier , rapporteur . - Particulièrement important, l'amendement COM-166 concerne les personnes de retour en France après un séjour sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes. J'ai longuement hésité entre la position du Sénat qui, le 2 février, a créé une nouvelle incrimination, et celle du Gouvernement, qui organise un contrôle de police administrative à travers une assignation à résidence. Nous avons reçu plus de soixante praticiens ; et la disposition du Gouvernement a été votée à la quasi-unanimité par l'Assemblée nationale. Si nous souhaitons parvenir à un accord sur ce texte, il faut en tenir compte. Je propose par conséquent de reprendre ce dispositif, sous plusieurs réserves. Ainsi l'amendement prévoit l'information systématique non du procureur territorialement compétent, mais du procureur de Paris, puisqu'il s'agit de lutte antiterroriste.

Ensuite, le délai d'un mois n'est pas toujours suffisant pour lever le doute ou confirmer les soupçons. À l'inverse, les obligations dites « allégées » prévues pour six mois sont un véritable contrôle judiciaire qui ne dit pas son nom, sans supervision d'un magistrat. Par conséquent, je propose l'allongement à deux mois de la durée d'assignation à résidence et la suppression des obligations allégées. L'amendement inscrit l'interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes dans les obligations liées à l'assignation à résidence.

Enfin, je propose de présumer la condition d'urgence pour faciliter l'exercice du recours en référé devant la juridiction administrative, dans l'esprit de la récente jurisprudence du Conseil d'État.

L'amendement COM-166 est adopté.

L'amendement de suppression COM-55 devient sans objet, ainsi que les amendements COM-56 et COM-57.

Article 21

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-107 étend la vérification de situation personnelle pratiquée dans les entreprises de transport public de voyageurs et de fret dangereux à tous les emplois qui exposent une population importante à des atteintes graves à la sécurité publique.

L'amendement intègre la possibilité de vérifier la situation des personnes employées par une entité organisant un grand événement sportif ou culturel - la mesure cible en particulier l'Euro de football à venir. En effet, la multiplication des régimes est une source d'incertitude, et le dispositif adopté dans le cadre de la proposition de loi sur la sécurité dans les transports fait l'objet d'un consensus.

M. Alain Richard . - Notre travail consiste à rapprocher le souhaitable et le possible. Le rapporteur nous présente un dispositif souhaitable, mais le criblage - dans les faits, un contrôle d'honorabilité - se heurte à un problème de moyens et d'échelle, a fortiori si le projet de loi est adopté dans la deuxième quinzaine de mai : l'Euro commence début juin. Avez-vous eu des assurances quant à la faisabilité matérielle du dispositif ? Une date d'entrée en vigueur avancée est-elle prévue ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - Nous avons informé le Gouvernement de cet amendement.

M. Philippe Bas , président . - Le Gouvernement avait déjà proposé un amendement en ce sens dans la loi sur le renseignement. Ensuite, la loi sur la sécurité dans les transports a donné aux entreprises de transport collectif une base légale pour organiser leur collaboration avec les services de sécurité. Cet amendement harmonise les différents régimes juridiques.

L'amendement COM-107 est adopté.

Article 22

L'amendement rédactionnel COM-108 est adopté.

Article 23

L'amendement rédactionnel COM-109 est adopté.

L'amendement de suppression COM-17 devient sans objet.

Article 24

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-110, important, aborde la question du contradictoire. Nous entrons dans une nouvelle ère en matière d'organisation du procès. Certes, ni les conventions internationales ni notre Constitution n'obligent à prévoir du contradictoire dans l'enquête. Tous les magistrats que nous avons entendus y insistent : si le procès est un, de l'enquête au jugement, les garanties ne sont pas forcément identiques à chaque étape. Lors de l'enquête, c'est l'autorité judiciaire qui les apporte.

Rappelons qu'au Royaume-Uni, pays supposé plus favorable aux libertés individuelles, c'est la police qui mène l'enquête.

M. Pierre-Yves Collombat . - Rien de plus normal dans un régime accusatoire !

M. Michel Mercier , rapporteur . - Le fait demeure : le contradictoire y est réservé au jugement.

En France, nous nous heurtons à une difficulté pratique : le temps de l'enquête est trop long, principalement pour des raisons de moyens. La vice-présidente de la juridiction inter-régionale spécialisée (Jirs) de Marseille nous a indiqué qu'elle devait parfois attendre un an avant l'ouverture d'un dossier par la police, compte tenu de la charge de travail. Il nous est apparu nécessaire d'ouvrir, dans la phase d'enquête, pour les procédures les plus longues, une sorte de fenêtre de contradictoire. C'est la quadrature du cercle : on ne peut pas ouvrir tous les actes de la procédure au contradictoire - sinon, autant les publier directement dans le journal... ; et si on l'introduit de manière étendue, il faudra supprimer à terme le juge d'instruction. Nous avons trouvé un compromis.

Mon amendement encadre la nouvelle obligation qui pèsera sur le parquet - la rédaction retenue par l'Assemblée nationale aurait ouvert des centaines de milliers de procédures au contradictoire... Il est ainsi prévu de porter de six mois à un an la période précédant l'ouverture du contradictoire, tout en limitant les actes concernés aux seules mesures de garde à vue et d'audition libre. Le procureur de la République peut décider de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui impose l'accord de la personne mise en cause, au cours du mois pendant lequel elle peut formuler des observations.

Enfin, l'amendement supprime la possibilité pour la personne concernée de consulter le dossier avant de faire l'objet d'une nouvelle audition ou d'une garde à vue. La vice-présidente de la Jirs de Marseille nous a dit qu'une telle mesure entraverait le fonctionnement des tribunaux.

M. Jacques Bigot . - Le contradictoire est appliqué devant le juge d'instruction, mais les commissions rogatoires durent parfois plus longtemps que les enquêtes préliminaires... Vous avez porté le délai de six mois à un an. Cela me paraît adapté au mode de fonctionnement quotidien des parquets. Il arrive qu'une personne auditionnée n'ait plus de nouvelles du procureur pendant plusieurs mois. Vous avez aménagé l'obligation de lettre recommandée, tant mieux, c'était une surcharge de travail. Vous avez trouvé un équilibre.

Le juge d'instruction n'est plus aussi protecteur des libertés qu'auparavant. La possibilité pour l'avocat de formuler des observations durant l'enquête préliminaire incitera le procureur à enquêter à charge et à décharge. Il faut espérer que l'on en tirera les conclusions et que l'on modifiera le mode de nomination des procureurs, comme le prévoit le texte constitutionnel réformant le Conseil supérieur de la magistrature.

M. André Reichardt . -Une telle mesure allongera les procédures avec ce nouveau délai d'un mois pour la formulation d'observations. Plusieurs centaines de milliers d'enquêtes seront concernées.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Plutôt des dizaines de milliers.

M. André Reichardt . - C'est déjà trop ! Je suis favorable à une suppression de l'article, tel est l'objet de mon amendement COM-110.

M. Jacques Mézard . - D'un point de vue pratique, le principal problème est, pour les justiciables, l'absence d'information après l'ouverture de la procédure. Votre amendement est un progrès, mais il va aussi faire émerger des difficultés. Ainsi, le II prévoit qu'à tout moment, « le procureur de la République peut communiquer tout ou partie de la procédure à la personne mise en cause ou à la victime pour recueillir leurs observations ou celles de leur avocat ». Mais comment formuler des observations lorsque l'on ne reçoit qu'une partie de l'information ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - Je comprends vos réticences, mais le texte accorde une importance croissante à l'enquête préliminaire conduite par le procureur.

M. Alain Richard . - Vous tirez les conclusions d'une évolution en cours.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Pour préserver la possibilité de se défendre, nous devons introduire du contradictoire. Constatant la durée souvent très longue de l'enquête préliminaire, nous ouvrons une fenêtre tant pour les personnes mises en cause que pour les victimes. Quant au II, les représentants de la Conférence des procureurs nous ont dit que la communication de la procédure aux personnes mises en cause ou aux victimes se pratiquait déjà. L'Assemblée nationale a introduit un contradictoire permanent ; le Gouvernement ne le limitait pas assez. Nous sommes parvenus à un compromis.

L'amendement COM-110 est adopté.

L'amendement de suppression COM-30 devient sans objet.

Article 25

M. Philippe Bas , président . - L'amendement de suppression COM-111 du rapporteur conserve le droit existant en matière d'interception de correspondances.

L'amendement de suppression COM-111 est adopté.

Article 25 bis A

L'amendement de suppression COM-112 est adopté.

Article 25 bis

Les amendements COM-113 et COM-114 sont adoptés.

Article 26

M. Philippe Bas , président . - L'amendement du rapporteur COM-115 fait commencer à la date de déclaration d'appel, et non de l'ordonnance elle-même, le délai dans lequel la chambre de l'instruction doit statuer sur une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ou une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises.

L'amendement COM-115 est adopté.

L'amendement COM-116 est adopté.

L'amendement COM-142 est adopté.

Article 27

L'amendement COM-31, accepté par le rapporteur, est adopté.

Article additionnel après l'article 27

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-59.

L'amendement COM-59 est adopté.

Article 27 ter

Les amendements COM-117 et COM-118 sont adoptés.

Article 27 quater

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-18.

L'amendement COM-18 n'est pas adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-60.

L'amendement COM-60 n'est pas adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-19.

L'amendement COM-19 n'est pas adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable, pour le moment, à l'amendement COM-161.

L'amendement COM-161 n'est pas adopté.

Article additionnel après l'article 27 quater

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-58 prévoit l'assistance par un avocat en cas de transport d'une personne gardée à vue. Avis favorable.

L'amendement COM-58 est adopté.

Mme Esther Benbassa . - Je suis surprise !

Article additionnel après l'article 27 octies

L'amendement COM-144, accepté par le rapporteur, est adopté.

Articles additionnels après l'article 28

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon COM-120 est un amendement de simplification.

L'amendement COM-120 est adopté.

L'amendement COM-148, accepté par le rapporteur, est adopté.

L'amendement COM-16, accepté par le rapporteur, est adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Demande de retrait de l'amendement COM-156.

L'amendement COM-156 n'est pas adopté.

L'amendement COM-159 n'est pas adopté.

Article 29

L'amendement COM-121 est adopté.

Article 31

L'amendement de coordination COM-122 est adopté.

Article additionnel après l'article 31

L'amendement COM-61 n'est pas adopté.

Articles additionnels après l'article 31 bis A

L'amendement COM-143, accepté par le rapporteur, est adopté, de même que l'amendement COM-150.

Article 31 bis

L'amendement rédactionnel COM-123 est adopté.

Article 31 ter

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-124 supprime l'instauration d'une sur-amende pénale, douanière, également applicable aux sanctions financières des autorités administratives et indépendantes, dispositif par deux fois censuré par le Conseil constitutionnel.

L'amendement COM-124 est adopté.

Article 31 quinquies

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-125 exclut les biens meubles du périmètre d'application de la procédure de saisie de biens prévue par l'article.

L'amendement COM-125 est adopté.

L'amendement de cohérence COM-126 est adopté.

Article 31 septies

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-160, qui facilite l'ouverture des scellés par le magistrat instructeur.

L'amendement COM-160 n'est pas adopté.

L'amendement COM-145, accepté par le rapporteur, est adopté.

Article additionnel après l'article 31 septies

L'amendement COM-149, accepté par le rapporteur, est adopté.

Article 31 octies

L'amendement COM-127 est adopté.

L'amendement COM-140, satisfait, devient sans objet.

Article 31 nonies

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-128 rétablit l'obligation d'enregistrement sonore pour l'ensemble des débats en cour d'assises.

L'amendement COM-128 est adopté.

Article additionnel avant l'article 31 duodecies

L'amendement COM-152, accepté par le rapporteur, est adopté.

Article additionnel après l'article 31 duodecies

M. Michel Mercier , rapporteur . - Demande de retrait, pour le moment, de l'amendement COM-155.

L'amendement COM-155 n'est pas adopté.

Article additionnel après l'article 31 sexdecies

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-62 est satisfait.

L'amendement COM-62 n'est pas adopté.

Article 31 septdecies A

L'amendement COM-129 est adopté, ainsi que l'amendement identique COM-151.

Article 32 AA

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-130 donne au juge des libertés et de la détention territorialement compétent la possibilité d'autoriser les opérations de contrôle anti-dopage au domicile ou au lieu d'hébergement d'un sportif entre 23 heures et 6 heures en cas de refus de ce dernier.

L'amendement COM-130 est adopté.

M. Alain Vasselle . - Vous acceptez ici ce que vous avez refusé pour la contrefaçon...

M. Michel Mercier , rapporteur . - Le texte transmis portait déjà sur ce sujet.

Article additionnel après l'article 32 AA

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-163.

L'amendement COM-163 est adopté.

Article 32 E

L'amendement COM-32, accepté par le rapporteur, est adopté.

Article 32 F

L'amendement de suppression COM-131 est adopté.

Article 32 G

L'amendement de suppression COM-132 est adopté.

Article 32 H

L'amendement de suppression COM-133 est adopté.

Article 32

L'amendement rédactionnel COM-134 est adopté, ainsi que l'amendement COM-135.

L'amendement COM-25 n'est pas adopté.

L'amendement COM-21 est adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - C'est une garantie importante, pour les personnes filmées, que d'être informées du déclenchement de l'enregistrement. L'article 32 prévoit cette information, « sauf si les circonstances l'interdisent ». L'amendement COM-23 supprime cette information. Or celle-ci participe à la pacification des relations entre les agents et les personnes faisant l'objet de l'intervention. Avis défavorable.

L'amendement COM-23 n'est pas adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-24 réduit de six mois à un mois la durée de conservation des enregistrements réalisés par des caméras mobiles. Avis défavorable : cette durée répond aux besoins de formation pédagogique des agents, une finalité validée par la Cnil.

L'amendement COM-24 n'est pas adopté.

L'amendement COM-15 est adopté.

Article additionnel après l'article 32

L'amendement COM-162 n'est pas adopté.

Article 32 bis

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-26.

L'amendement COM-26 n'est pas adopté.

L'amendement COM-22, accepté par le rapporteur, est adopté, ainsi que l'amendement COM-33.

M. François Grosdidier . - Très bien !

Chapitre II

L'amendement rédactionnel COM-136 est adopté.

Article 33

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement supprime la partie de l'habilitation autorisant le Gouvernement à assurer par ordonnance la transposition de la directive sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Il supprime également l'habilitation à prendre par ordonnances toute mesure modifiant le code monétaire et financier afin d'étendre le périmètre des personnes assujetties au respect des mesures de gel et d'interdiction de mise à disposition des fonds. Les chapitres concernés, récemment modifiés par la loi de lutte contre le terrorisme du 13 novembre 2014, exigent un contrôle approfondi du Parlement : le Conseil constitutionnel a censuré, le 2 mars, une partie des dispositions de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier relatif au gel des avoirs. La marge de manoeuvre du Parlement étant très étroite dans le cadre d'une simple ratification, nous proposons de passer par la loi.

M. Alain Richard . - Il faut en effet légiférer sur ce point. Nous connaissons les contraintes du calendrier parlementaire. Est-il préférable de refuser l'habilitation dès maintenant, ou de laisser le Gouvernement développer un argumentaire pour ensuite mettre les deux solutions en balance ?

M. Michel Mercier , rapporteur . - La loi Sapin II introduira ces dispositions dans une forme qui respectera la décision du Conseil constitutionnel. Nous pourrons aussi mettre à profit la CMP pour revoir ce point.

L'amendement COM-137 est adopté.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-138 supprime la partie de l'habilitation autorisant expressément le Gouvernement à assurer par ordonnance l'application outre-mer des dispositions prises en vertu des 1° à 7° de l'habilitation prévue à l'article 33 du projet de loi.

L'habilitation conférée au Gouvernement par le législateur en application de l'article 38 de la Constitution vaut transfert entier du pouvoir législatif pour le périmètre, la finalité et la durée définie dans la loi. Sauf précision contraire du texte d'habilitation, et dans le champ strict ouvert par celle-ci, le pouvoir législatif délégué, compétent pour adopter une disposition, l'est également pour l'adapter dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie, et la rendre applicable dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

L'amendement COM-138 est adopté.

Les amendements COM-20 et COM-153 deviennent sans objet.

Article 34

L'amendement de coordination COM-139 est adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant:

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Autorisation des perquisitions de nuit dans les domiciles en enquête préliminaire
et en information judiciaire en matière terroriste

M. M. MERCIER, rapporteur

66

Simplification procédurale en matière de perquisitions nocturnes

Adopté

Mme BENBASSA

36

Suppression de la possibilité des perquisitions nocturnes en enquête préliminaire pour terrorisme

Satisfait
ou sans objet

Mme BENBASSA

37

Préciser que la perquisition nocturne ne peut avoir comme motif qu'un risque "imminent" d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique

Satisfait
ou sans objet

Mme BENBASSA

38

Supprimer la référence à l'intégrité physique comme critère des perquisitions nocturnes

Satisfait
ou sans objet

Mme BENBASSA

39

Préciser que la perquisition nocturne ne peut avoir comme motif qu'un risque "imminent" d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique

Satisfait
ou sans objet

Mme BENBASSA

40

Supprimer la référence à l'intégrité physique comme critère des perquisitions nocturnes

Satisfait
ou sans objet

Article additionnel après l'article 1 er

M. M. MERCIER, rapporteur

67

Saisie des données de messagerie électronique

Adopté

Article 2
Utilisation de l' IMSI catcher dans le cadre des enquêtes du parquet et des informations judiciaires
en matière de criminalité organisée

M. M. MERCIER, rapporteur

68

Utilisation des IMSI catcher dans le cadre de l'enquête préliminaire et de l'information judiciaire

Adopté avec modification

Mme BENBASSA

41

Prévoir la destruction des données recueillies par IMSI catcher et qui sont sans rapport avec l'autorisation

Satisfait
ou sans objet

Mme BENBASSA

42

Prévoir que les données recueillies par l' IMSI catcher ne peuvent être utilisées pour d'autres enquêtes ou informations que celles ayant justifié l'autorisation

Satisfait
ou sans objet

Article 2 bis
Interdiction d'utilisation des techniques d'enquête de la criminalité organisée
à l'encontre des parlementaires et des « professions protégées »

M. M. MERCIER, rapporteur

69

Suppression

Adopté

Article 3
Sonorisation et fixation d'images dans le cadre des enquêtes du parquet en matière de criminalité organisée

M. M. MERCIER, rapporteur

70

Précision du régime juridique de la sonorisation

Adopté

Mme BENBASSA

43

Suppression de l'article relatif à la sonorisation

Satisfait
ou sans objet

Mme BENBASSA

44

Assujettir la technique de la sonorisation au principe de subsidiarité

Satisfait
ou sans objet

Mme BENBASSA

45

Suppression de l'extension de la technique de captation à distance des données informatiques

Satisfait
ou sans objet

Articles additionnels après l'article 3

M. M. MERCIER, rapporteur

71

Captation à distance des données informatiques dans le cadre de l'enquête préliminaire ou de l'information judiciaire

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

72

Transition entre l'enquête préliminaire et l'information judiciaire

Adopté

Article 3 bis
Durées de détention provisoire applicables aux procédures terroristes

M. M. MERCIER, rapporteur

73

Allongement de la durée maximale de détention provisoire pour les mineurs de 16 à 18 ans

Adopté

Division additionnelle avant l'article 4

M. M. MERCIER, rapporteur

74

Rédactionnel

Adopté

Article 4
Règles de compétence de la juridiction parisienne en matière d'application
des peines pour les infractions terroristes

M. M. MERCIER, rapporteur

75

Compétence de la juridiction parisienne d'application des peines sur les détenus pour terrorisme

Adopté

Article additionnel après l'article 4

M. M. MERCIER, rapporteur

76

Criminalisation partielle de l'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste

Adopté

Article 4 bis
Actions de prise en charge de la radicalisation
en cas de sursis avec mise à l'épreuve ou de contrôle judiciaire

M. M. MERCIER, rapporteur

77

Prescription par le juge des actions de prise en charge de la radicalisation dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve

Adopté

Article additionnel après l'article 4 bis

Le Gouvernement

158

Renforcement des peines complémentaires applicables en cas d'infraction terroriste

Rejeté

Article 4 ter A
« Perpétuité réelle » pour les crimes terroristes

M. GRAND

1

Amendement de coordination

Adopté

M. GRAND

2

Possibilité d'examen de la peine prononcée par le tribunal d'application des peines, après un minimum de 50 ans d'incarcération

Rejeté

Article 4 ter
Organisation du renseignement pénitentiaire

M. M. MERCIER, rapporteur

79

Amélioration du dispositif du renseignement pénitentiaire

Adopté

Mme BENBASSA

46

Suppression de l'article sur le renseignement pénitentiaire

Satisfait
ou sans objet

Article 4 quinquies
Renforcement des sanctions en cas de non-coopération
des organismes détenteurs d'un moyen de cryptologie

M. M. MERCIER, rapporteur

80

Renforcement des sanctions pour refus de répondre aux réquisitions judiciaires en matière de cryptographie

Adopté

Articles additionnels après l'article 4 quinquies

M. M. MERCIER, rapporteur

81

Délit d'entrave au blocage des sites faisant l'apologie du terrorisme

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

82

Exclusion des délits terroristes du champ de la contrainte pénale

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

83

Regroupement des détenus radicalisés ou en voie de l'être au sein d'unités spéciales

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

84

Durcissement du régime d'exécution des peines des détenus pour des infractions terroristes

Adopté

Le Gouvernement

157

Amendement de coordination

Rejeté

Article 5
Audition d'un témoin à huis clos en cas de risques de représailles

M. M. MERCIER, rapporteur

85

Rédactionnel

Adopté

Article 6
Dispositions renforçant la protection des témoins

M. M. MERCIER, rapporteur

86

Rédactionnel

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

87

Exercice des droits de la défense

Adopté

Article 7
Interdiction d'acquisition et de détention d'armes

M. M. MERCIER, rapporteur

88

Encadrement de l'interdiction et de l'acquisition d'armes de catégorie D

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

89

Rédactionnel

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

90

Coordination

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

91

Coordination

Adopté

Article 8
Inclusion des infractions liées aux armes dans le champ du fichier national automatisé des empreintes génétiques, ajout des infractions liées aux armes dans le champ de la criminalité organisée
et autorisation de la technique au « coup d'achat » en matière de trafic d'armes

M. M. MERCIER, rapporteur

92

Coordination

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

93

Coordination

Adopté

Article additionnel après l'article 8

M. M. MERCIER, rapporteur

94

Précisions et coordinations relatives au régime juridique de la lutte contre la délinquance organisée

Adopté

Article 9
Création d'une section nouvelle au sein du code pénal relative au trafic d'armes de catégorie A et B

M. M. MERCIER, rapporteur

95

Création d'une section dans le code pénal dédiée à la lutte contre le trafic d'armes

Adopté

Article 10
Autorisation de la technique du « coup d'achat » et de l'infiltration
en matière de trafic d'armes au bénéfice des agents des douanes

M. M. MERCIER, rapporteur

96

Rédactionnel

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

97

Reprise de la rédaction proposée lors de l'examen de la loi du 13 novembre 2014 pour les cyberpatrouilles

Adopté

Article additionnel après l'article 10

Mme LOISIER

35

Autorisation du service national de la douane judiciaire à accéder au traitement des antécédents judiciaires (TAJ)

Rejeté

Article 11
Dispositions relatives à la détermination des juridictions compétentes en matière de cybercriminalité

M. M. MERCIER, rapporteur

98

Création d'une juridiction spécialisée en matière de cybercriminalité

Adopté

Article additionnel avant l'article 12

M. VASSELLE

64

Intégrer les délits de contrefaçon dans les délits terroristes

Rejeté

Article 12
Délit de trafic de biens culturels

M. M. MERCIER, rapporteur

99

Renforcement de la lutte contre le trafic de biens culturels et coordinations

Adopté

Mme BENBASSA

47

Amendement de précision

Rejeté

M. de MONTGOLFIER

3

Déplacement de l'article relatif au trafic de biens culturels dans un autre titre du code pénal

Satisfait
ou sans objet

Article 13
Plafonnement des cartes prépayées

M. de MONTGOLFIER

4

Précision du champ des nouveaux plafonds applicables aux cartes prépayées

Adopté

Article 14
Signalement par Tracfin de situations générales et individuelles présentant un risque élevé
de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme

M. de MONTGOLFIER

5

Précision visant à protéger les professionnels assujettis aux obligations anti-blanchiment

Rejeté

M. de MONTGOLFIER

6

Dispositif sécurisant les établissements bancaires en cas d'appel à vigilance de Tracfin

Rejeté

Mme BENBASSA

48

Suppression de l'interdiction de divulger les informations relatives aux appels renforcés à vigilance de Tracfin

Rejeté

Mme BENBASSA

49

Définition par voie réglementaire des territoires et les opérations qui seraient considérées comme litigieuses

Rejeté

Article 14 bis
Extension du régime d'irresponsabilité pénale en cas d'ouverture de compte
sur désignation de la Banque de France

M. de MONTGOLFIER

7

Élargissement du champ de l'irresponsabilité pénale des établissements de crédit

Rejeté

Article 15
Extension du droit de communication de Tracfin
aux entités chargées de gérer les systèmes de paiement

M. de MONTGOLFIER

8

Assujettir les plateformes d'échange de monnaies virtuelles de type bitcoin au statut de prestataire de services de paiement

Adopté

Article 15 bis
Accès direct de TRACFIN au fichier des antécédents judiciaires

Le Gouvernement

154

Suppression de l'accès direct de Tracfin au TAJ

Rejeté

Mme BENBASSA

50

Suppression de l'accès direct de Tracfin au TAJ

Rejeté

M. de MONTGOLFIER

9

Amendement de précision rédactionnelle

Adopté

Article additionnel après l'article 15 bis

M. de MONTGOLFIER

10

Accès des établissements de crédit au « Fichier des objets et des véhicules signalés » (FOVeS)

Rejeté

Article 16
Présomption de culpabilité

M. de MONTGOLFIER

11

Élargissement de la présomption de culpabilité propre au délit douanier de blanchiment

Rejeté

Articles additionnels après l'article 16

Le Gouvernement

141

Habilitation des agents des douanes à la recherche des infractions terroristes

Adopté

Le Gouvernement

146

Habilitation des agents des douanes à la recherche des infractions terroristes

Adopté

Le Gouvernement

147

Possibilité accordée aux agents du service nationale de la douane judiciaire de rétribuer des personnes étrangères au service ayant permis d'identifier des auteurs d'infractions pénales

Adopté

Article 16 bis
Harmonisation des dispositions relatives aux prélèvements d'échantillons par les agents des douanes

M. M. MERCIER, rapporteur

100

Suppression des dispositions sur l'application outre-mer

Adopté

Article 16 ter
Extension aux douanes de l'enquête sous pseudonyme

M. M. MERCIER, rapporteur

101

Suppression

Adopté

M. de MONTGOLFIER

12

Encadrement de la procédure de l'enquête sous pseudonyme

Satisfait
ou sans objet

Article 16 quater
Obligation de déclaration

M. de MONTGOLFIER

13

Précision d'un seuil, initialement prévu par décret

Rejeté

M. de MONTGOLFIER

14

Amendement de précision

Adopté

Article 16 septies
Organisation d'un maintien de la compétence du parquet national financier

M. M. MERCIER, rapporteur

102

Suppression

Adopté

Articles additionnels après l'article 16 septies

Mme LOISIER

34

Possibilité pour les services de police, de gendarmerie et des douanes, de mettre en oeuvre le dispositif LAPI (lecture automatisée de plaques d'immatriculation) pour les infractions de nature économique relevant de l'article 706-73-1 du code de procédure pénale

Adopté

M. VASSELLE

63

Lutte contre la contrefaçon

Rejeté

M. VASSELLE

65

Augmentation des sanctions relatives à la contrefaçon

Rejeté

Article 17
Extension des possibilités de fouille préventive aux bagages

M. M. MERCIER, rapporteur

103

Réécriture du dispositif

Adopté

Mme BENBASSA

51

Suppression

Satisfait
ou sans objet

Article additionnel après l'article 17

Mme BENBASSA

52

Récépissé obligatoire en cas de contrôle d'identité

Rejeté

Article 18
Retenue pour vérification de situation administrative

M. M. MERCIER, rapporteur

104

Encadrement du régime de la retenue

Adopté

M. LECONTE

27

Suppression

Satisfait
ou sans objet

Mme BENBASSA

53

Suppression

Satisfait
ou sans objet

M. LECONTE

29

Durée de 90 jours suivant une première retenue pendant laquelle une retenue ne peut pas être à nouveau effectuée

Satisfait
ou sans objet

M. LECONTE

28

Assistance obligatoire d'un avocat pour les mineurs retenus

Satisfait
ou sans objet

Article 18 bis
Autorisation de sortie du territoire

Le Gouvernement

165

Réécriture de l'article pour prévoir l'obligation pour le mineur de disposer d'un passeport pour quitter le territoire à la place d'une autorisation administrative de sortie du territoire

Rejeté

Article 18 ter
Interdiction de sortie judiciaire du territoire d'un mineur

M. M. MERCIER, rapporteur

105

Rédactionnel et élargissement du périmètre de la mesure d'interdiction judiciaire de sortie du territoire d'un mineur

Adopté

Le Gouvernement

164

Application outre-mer

Satisfait
ou sans objet

Article 19
Autorisation d'ouverture du feu dans le cadre d'un « périple meurtrier »

M. M. MERCIER, rapporteur

106

Nouvelle rédaction du cadre juridique d'emploi de la force à l'encontre des meurtriers susceptibles de réitérer leur crime de façon imminente

Adopté

Mme BENBASSA

54

Suppression de l'article

Satisfait
ou sans objet

Article 20
Création d'un dispositif de contrôle administratif pour les personnes
de retour des théâtres d'opérations terroristes

M. M. MERCIER, rapporteur

166

Réécriture du dispositif

Adopté

Mme BENBASSA

55

Suppression

Satisfait
ou sans objet

Mme BENBASSA

56

Suppression de l'obligation de déclarer, dans le cadre des contrôles administratifs, ses identifiants de communication pendant une période de trois mois renouvelable une fois

Satisfait
ou sans objet

Mme BENBASSA

57

Prévoir qu'en cas de référé sur une mesure du contrôle administratif, la condition d'urgence est présumée

Satisfait
ou sans objet

Article 21
Sécurisation des grands évènements

M. M. MERCIER, rapporteur

107

Extension du champ de la procédure de vérification de la situation des personnes employées à certaines activités sensibles

Adopté

Article 22
Missions du procureur de la République en sa qualité de directeur de la police judiciaire

M. M. MERCIER, rapporteur

108

Rédactionnel

Adopté

Article 23
Procédure disciplinaire d'urgence applicable aux officiers de police judiciaire

M. M. MERCIER, rapporteur

109

Rédactionnel

Adopté

M. GRAND

17

Suppression

Satisfait
ou sans objet

Article 24
Introduction d'une procédure contradictoire au sein de l'enquête préliminaire

M. M. MERCIER, rapporteur

110

Réécriture de l'article

Adopté

M. REICHARDT

30

Suppression

Satisfait
ou sans objet

Article 25
Encadrement des interceptions de correspondances émises par la voie de télécommunications

M. M. MERCIER, rapporteur

111

Suppression

Adopté

Article 25 bis A
Interdiction d'utilisation de la géolocalisation à l'encontre des parlementaires
et des membres professions protégées

M. M. MERCIER, rapporteur

112

Suppression

Adopté

Article 25 bis
Perquisitions et saisies dans les locaux d'une juridiction

M. M. MERCIER, rapporteur

113

Coordination

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

114

Coordination

Adopté

Article 26
Sécurisation du contentieux de la détention provisoire

M. M. MERCIER, rapporteur

115

Améliorations procédurales en matière d'appel contre l'ordonnance de renvoi ou de mise en accusation

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

116

Clarification juridique

Adopté

Le Gouvernement

142

Entrée en vigueur différée

Adopté

Article 27
Délai de présentation à l'autorité judiciaire en cas d'arrestation en mer

M. REICHARDT

31

Suppression

Adopté

Article additionnel après l'article 27

Mme BENBASSA

59

Suppression de la possibilité de recourir au jugement de comparution immédiate pour les délits d'apologie du terrorisme

Rejeté

Article 27 ter
Instauration d'un délai pour statuer sur une demande, formulée en cours d'instruction, de restitution d'objets
placés sous main de justice et création d'une procédure de « référé-restitution »
des objets placés sous main de justice

M. M. MERCIER, rapporteur

117

Suppression de la procédure de référé-restitution en matière de saisie

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

118

Extension du champ d'application du délai prévu à l'article 802-1 du code de procédure pénale

Adopté

Article 27 quater
Transposition de la directive dite « C » sur l'accès à l'avocat et la communication avec un tiers

M. GRAND

18

Suppression de la transposition de la directive C

Rejeté

Mme BENBASSA

60

Accès au dossier aux avocats en garde à vue

Rejeté

M. GRAND

19

Réduction de la durée de l'entretien téléphonique pour le gardé à vue

Rejeté

Le Gouvernement

161

Modifications des règles relatives aux permis de visite et aux autorisations de téléphoner pour les prévenus

Rejeté

Article additionnel après l'article 27 quater

Mme BENBASSA

58

Information de l'avocat en cas de transport d'une personne gardée à vue

Adopté

Article additionnel après l'article 27 octies

Le Gouvernement

144

Mise en conformité avec la jurisprudence de la CEDH les règles relatives à l'effacement des données dans le fichier "traitement des antécédents judiciaires"

Adopté

Articles additionnels après l'article 28

M. M. MERCIER, rapporteur

120

Dématérialisation des procès-verbaux des officiers de police judiciaire

Adopté avec modification

Le Gouvernement

148

Dématérialisation des procès-verbaux des officiers de police judiciaire

Adopté

M. PAUL

16

Attribution de la qualité d'APJ aux élèves gendarmes

Adopté

Le Gouvernement

156

Élargissement des cas dans lesquels le procureur de la République peut, en flagrance ou en préliminaire, autoriser la comparution par la force publique

Rejeté

Le Gouvernement

159

Ouverture des scellés contenant des données informatiques pour procéder à des copies

Rejeté

Article 29
Mise en liberté des personnes placées en détention provisoire

M. M. MERCIER, rapporteur

121

Irrecevabilité de la réitération de demandes de mise en liberté tant qu'il n'a pas été statué sur une précédente demande

Adopté

Article 31
Extension du dispositif de recherche des personnes en fuite

M. M. MERCIER, rapporteur

122

Coordination

Adopté

Article additionnel après l'article 31

Mme BENBASSA

61

Suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs

Rejeté

Articles additionnels après l'article 31 bis A

Le Gouvernement

143

Clarification de règles relatives au FIJAIT et au FIJAISV

Adopté

Le Gouvernement

150

Création d'un cadre juridique relatif à l'existence des recherches en parentalité dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques

Adopté

Article 31 bis
Confiscation et saisie de navires saisies dans le cadre d'une procédure relative à une pollution maritime

M. M. MERCIER, rapporteur

123

Rédactionnel

Adopté

Article 31 ter
Majoration systématique du montant des amendes pénales et douanières et des sanctions financières

M. M. MERCIER, rapporteur

124

Suppression

Adopté

Article 31 quinquies
Transposition de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014
concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne
et dispositions relatives à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués

M. M. MERCIER, rapporteur

125

Limitation aux immeubles saisis de la faculté d'aliénation conférée à l'AGRASC

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

126

Cohérence rédactionnelle

Adopté

Article 31 septies
Dispositions relatives à la simplification de la procédure d'instruction

Le Gouvernement

160

Faciliter l'ouverture des scellés par le magistrat instructeur

Rejeté

Le Gouvernement

145

Limitation des risques de nullité en cas de dossier incomplet

Adopté

Article additionnel après l'article 31 septies

Le Gouvernement

149

Simplifications des procédures de l'instruction devant le juge d'instruction et la chambre de l'instruction

Adopté

Article 31 octies
Monopole de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires

M. M. MERCIER, rapporteur

127

Mesures transitoires pour l'utilisation de la plateforme nationale des interceptions judiciaires

Adopté

Le Gouvernement

140

Rédactionnel

Satisfait
ou sans objet

Article 31 nonies
Enregistrement sonore des débats en cour d'assises

M. M. MERCIER, rapporteur

128

Rétablissement de l'obligation d'enregistrement sonore des débats de cour d'assises

Adopté

Article additionnel avant l'article 31 duodecies

Le Gouvernement

152

Possibilité pour les jurés suppléants d'assister au délibéré et aménagement du défaut criminel

Adopté

Article additionnel après l'article 31 duodecies

Le Gouvernement

155

Extension de la faculté de recourir au juge unique pour certains délits

Rejeté

Article additionnel après l'article 31 sexdecies

Mme BENBASSA

62

Permettre au tribunal de l'application des peines de relever un condamné des interdictions et incapacités qui l'empêcheraient d'obtenir un aménagement de peine

Rejeté

Article 31 septdecies A
Rectification des erreurs matérielles

M. M. MERCIER, rapporteur

129

Amélioration des dispositions sur la rectification des erreurs matérielles

Adopté

Le Gouvernement

151

Amélioration des dispositions sur la rectification des erreurs matérielles

Adopté

Article 32 AA
Compétence du JLD des pôles santé de Paris et de Marseille pour autoriser
des contrôles anti-dopage de nuit sans l'accord du sportif

M. M. MERCIER, rapporteur

130

Autorisation par le juge des libertés et de la détention des contrôles anti-dopage nocturnes au domicile ou au lieu d'hébergement du sportif

Adopté

Article additionnel après l'article 32 AA

Le Gouvernement

163

Porter de trois à six mois la durée pendant laquelle, en cas de menace pour la sécurité nationale, l'autorité administrative peut imposer aux entreprises de transport aérien desservant le territoire national au départ d'aérodromes étrangers la mise en oeuvre de mesures de sûreté

Adopté

Article 32 E
Précision sur le caractère exécutoire de la contrainte pénale

M. REICHARDT

32

Prévoir que la contrainte pénale ne peut être prononcée que si la personne est présente à l'audience

Adopté

Article 32 F
Motivation des peines sans sursis

M. M. MERCIER, rapporteur

131

Suppression

Adopté

Article 32 G
Suppression de la limitation du nombre de sursis avec mise à l'épreuve en cas de récidive

M. M. MERCIER, rapporteur

132

Suppression

Adopté

Article 32 H
Conversion des peines d'emprisonnement ferme

M. M. MERCIER, rapporteur

133

Suppression

Adopté

Article 32
Pérennisation de l'expérimentation relative aux caméras mobiles équipant les forces de l'ordre

M. M. MERCIER, rapporteur

134

Rédactionnel

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

135

Renvoi aux dispositions correspondantes du code de la sécurité intérieure

Adopté

M. COURTEAU

25

Réécriture de l'article relatif aux caméras mobiles pour en étendre le champ à l'ensemble des agents des collectivités territoriales

Rejeté

M. GRAND

21

Suppression de la possibilité donnée à une personne contrôlée de demander le déclenchement de la caméra mobile de l'agent

Adopté

M. GRAND

23

Suppression de l'obligation d'information des personnes qu'elles font l'objet d'un enregistrement

Rejeté

M. GRAND

24

Limitation de la durée de conservation des enregistrements réalisés par les caméras mobiles à un mois au lieu de six mois

Rejeté

M. PAUL

15

Précision rédactionnelle et suppression de la possibilité donnée à une personne faisant l'objet d'un contrôle de demander la mise en oeuvre de l'enregistrement

Adopté

Article additionnel après l'article 32

Le Gouvernement

162

Retenues financières sur la part disponible des détenus en cas de dommages matériels

Rejeté

Article 32 bis
Expérimentation pour une durée de deux ans des caméras mobiles au bénéfice
des agents de police municipale relevant du périmètre d'une zone de sécurité prioritaire

M. COURTEAU

26

Suppression de l'expérimentation relative aux caméras mobiles au bénéfice des policiers municipaux

Rejeté

M. GRAND

22

Suppression de la condition de mise en oeuvre des caméras mobiles au bénéfice des agents de police municipale à l'existence d'une zone de sécurité prioritaire

Adopté

M. GRAND

33

Éligibilité de l'expérimentation des caméras mobiles au bénéfice de la police municipales au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance

Adopté

CHAPITRE II
Habilitation à légiférer par ordonnances

M. M. MERCIER, rapporteur

136

Rédactionnel

Adopté

Article 33
Habilitations à légiférer par ordonnances

M. M. MERCIER, rapporteur

137

Suppression partielle des demandes d'habilitations à légiférer par ordonnance

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

138

Suppression partielle des demandes d'habilitations à légiférer par ordonnance

Adopté

M. GRAND

20

Amendement de coordination avec la suppression posée de l'article 27 quater

Satisfait
ou sans objet

Le Gouvernement

153

Report du délai de transposition

Satisfait
ou sans objet

Article 34
Application outre-mer de la loi

M. M. MERCIER, rapporteur

139

Application outre-mer

Adopté

ANNEXE 1 - COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE M. JEAN-JACQUES URVOAS,
GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE

________

MARDI 22 MARS 2016

M. Philippe Bas , président . - Merci, Monsieur le ministre, d'avoir accepté cette nouvelle audition, très importante pour nous, sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Notre rapporteur, Michel Mercier, est l'un des auteurs - avec deux autres collègues et moi-même - de la proposition de loi que le Sénat a adoptée il y a quelques semaines, et qui converge sur de nombreux points avec ce texte, déjà adopté par l'Assemblée nationale.

Notre commission souhaiterait aussi vous entendre sur les conséquences de l'arrestation de Salah Abdeslam et sur les procédures en cours avec la justice belge pour pouvoir le juger en France. Peut-être pourrez-vous aussi nous transmettre des informations sur l'enquête relative aux terribles attentats de Bruxelles ce matin ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice . - Lorsque nous avons prévu cette audition, nous ne pensions pas que l'actualité nous rappellerait avec une telle intensité la nécessité de répondre au défi du terrorisme. Celui-ci est devenu notre horizon quotidien et la principale menace sur la sécurité mondiale.

Depuis toujours, nous avons une coopération d'une très grande fluidité avec le parquet fédéral belge. Le 1 er février, lors de mon premier déplacement comme garde des sceaux, je me suis rendu à Bruxelles avec le Premier ministre et le ministre de l'intérieur pour y rencontrer nos homologues et les directeurs des services, ainsi que le procureur général Van Leeuw.

Plusieurs outils sont exploités entre nos deux pays : treize mesures d'entraide judiciaire internationale en matière pénale sont en cours actuellement entre la France et la Belgique ; j'ai annoncé la nomination d'un 18 ème magistrat de liaison ; quatre équipes communes d'enquête franco-belges travaillent ensemble : une sur les attentats dans le Thalys, une sur la cellule terroriste de Verviers, une sur l'attentat de Mehdi Nemmouche au musée juif de Bruxelles, une sur les attentats parisiens du 13 novembre. Les documents ont été renforcés le 27 novembre pour couvrir la totalité des cadres devant être mobilisés. La coopération est donc très large.

Je n'ai pas d'informations particulières sur Salah Abdeslam. Un mandat d'arrêt européen a été notifié aux autorités belges samedi après-midi, réactualisant le précédent pour y intégrer les informations de la matinée et garantir l'exhaustivité de l'enquête. M. Abdeslam ne veut pas être poursuivi en France et a 90 jours pour user de toutes les voies de recours, mais au-delà, la justice belge n'aura a priori aucune réticence à nous le transférer. J'ai garanti aux victimes qu'il serait incarcéré à Fleury-Mérogis avec toutes les précautions nécessaires : Yassin Salhi, connu pour ses actes atroces en Isère, s'est suicidé en prison alors qu'il n'avait pas été diagnostiqué en proie à ces tendances. Nous ne voulons pas de chaise vide au procès et le prisonnier sera donc très surveillé.

C'est au procureur général de Paris que revient d'abord la communication sur les attentats de Bruxelles. Des Français ont été blessés, certains peut-être tués, une enquête pourrait donc être centralisée au parquet de Paris, selon les articles 706-16 et 706-22 du code de procédure pénale.

Le texte présenté s'inscrit dans une très ancienne tradition. Notre système restructuré de lutte antiterroriste est souvent présenté comme avant-gardiste, voire un modèle à suivre. Veillons à ce que les adaptations respectent scrupuleusement l'encadrement démocratique, sans atteindre à l'État de droit par des politiques par trop dérogatoires. En matière de terrorisme, cet encadrement est incarné par le juge.

Ce projet de loi poursuit le dialogue que nous avions entamé le 2 février dernier dans l'hémicycle lors de l'examen de la proposition de loi de MM. Bas et Mercier. Nous avançons sur le même chemin, poursuivons le même but et travaillons sur des solutions comparables, comme les perquisitions de nuit, le suivi socio-judiciaire en cas de condamnation pour terrorisme ou la captation de données informatiques. Pourquoi n'aboutirions-nous pas à un accord ?

Ce projet de loi a trois ambitions : renforcer les moyens des magistrats dans la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement ; renforcer les garanties au cours de la procédure pénale, notamment au cours de l'enquête et de l'instruction, pour rendre notre procédure totalement conforme aux exigences constitutionnelles et européennes ; procéder à des simplifications, à tous les stades de la procédure, qui faciliteront le travail des enquêteurs et des magistrats.

Ces objectifs sont le fruit d'une volonté polyphonique, avec un choeur de trois ministères faisant écho aux trois commissions du Sénat, puisque la commission des affaires étrangère et de la défense et la commission des finances sont saisies pour avis. J'ai lu les propos des rapporteurs pour avis, qui me semblent de bon augure.

Le ministre de l'intérieur présente des mesures pour lutter contre le terrorisme, dont la plupart proviennent des observations liées à l'application de l'état d'urgence. Je dissipe une critique : aucune mesure en vigueur dans l'état d'urgence ne sera transposée dans le droit commun par ce projet. Celui-ci comble des manques : création d'une retenue administrative de quatre heures pour des personnes contrôlées qui seraient liées à des activités terroristes, contrôle administratif des personnes de retour d'un théâtre d'opérations terroristes, un nouveau fait justificatif de l'usage des armes par les forces de l'ordre.

Le ministre de l'économie défend des dispositions sur le financement du terrorisme et le blanchiment, comme la répression du trafic de biens culturels provenant de zones contrôlées par des terroristes, le renforcement des pouvoirs de la cellule Tracfin, ou encore la réglementation des cartes prépayées.

Quant à moi, je souhaite renforcer la protection de nos concitoyens dans le cadre intangible de l'État de droit, avec un regard particulier de l'autorité judiciaire, qui tient une place à la fois symbolique et opérationnelle.

D'aucuns dénoncent un énième texte de lutte antiterroriste, un fourre-tout, avec désormais 90 articles. À l'origine, il y en avait 34, 60 après le passage devant la commission des lois de l'Assemblée et 90 après la séance publique - sans aucun amendement du Gouvernement. Pourquoi ? Les députés ont voulu limiter, avec l'accord du Gouvernement, les habilitations à légiférer par ordonnance. Il en reste une seule, pour transposer une directive européenne qui ne pose pas de difficulté. L'Assemblée a aussi réintroduit une partie des dispositions qu'elle avait déjà adoptées dans le texte portant diverses dispositions d'adaptation du droit pénal au droit de l'Union européenne... et que les sénateurs avaient découvertes avec réticence en commission mixte paritaire. La censure du Conseil constitutionnel nous conduit à recommencer l'exercice.

J'ai ajouté des mesures de simplification, puisque je dispose des diagnostics posés par trois magistrats, missionnés par Mme Taubira : le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, a remis à l'automne 2013 un rapport sur le ministère public, régulièrement objet d'injustes critiques de la Cour européenne des droits de l'homme ; le procureur général Jacques Beaume a remis un rapport sur l'enquête pénale en juillet 2014 ; et le procureur général Marc Robert a formulé des préconisations sur la cybercriminalité en septembre 2015.

J'ai déposé 19 amendements devant votre commission. Neuf portent sur des mesures de simplification - sur l'instruction, la gestion des scellés, les procédures... Quatre concernent l'encadrement de fichiers - Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT), Traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) - notamment sur l'effacement. Deux portent sur l'administration pénitentiaire et les conditions de détention. Sont aussi prévus le recours à la force publique pour faire comparaître une personne mise en cause, et des peines complémentaires en matière d'association de malfaiteurs ou de financement du terrorisme.

Nous avons donc trois orientations : modernisation de la procédure pénale, simplification, accroissement des garanties du justiciable. Nous souhaitons renforcer la place du contradictoire. Depuis vingt ans, les enquêtes dirigées par le procureur de la République sont de plus en plus nombreuses, comparativement à celles dirigées par le juge d'instruction. Or, l'avocat est moins présent au cours de la procédure et il n'y a pas de contradictoire - accès au dossier, faculté de produire des observations... Si cette situation ne pose pas de difficulté dans les affaires les plus simples où les faits sont reconnus, elle est moins satisfaisante dans le cas d'une enquête approfondie. Renforçons donc le contradictoire, la présence de l'avocat dans la procédure, les possibilités de recours. Le justiciable ou l'avocat pourront avoir accès au dossier avant l'engagement des poursuites ; la présence de l'avocat sera garantie lors des reconstitutions et des séances d'identification des suspects ; les personnes en garde à vue auront un droit de communication avec les tiers sauf incompatibilité avec l'enquête ; il sera possible d'exercer un recours en l'absence de réponse à une demande dans un délai de deux mois. Cela confortera l'équilibre entre police administrative et police judiciaire, entre les magistrats du parquet et ceux du siège, et entre le parquet et la police judiciaire.

Enquêteurs et magistrats sont accaparés par trop de contraintes procédurales. D'après tous les rapports, elles n'apportent rien au justiciable ni à la sauvegarde des libertés. Nous allégeons le texte en donnant au délégué du procureur la possibilité de convoquer en justice, afin que les magistrats et les enquêteurs se concentrent sur leur travail d'enquête. Nous étendons la possibilité de recourir à la visioconférence pour limiter le transfèrement des détenus, soit un gain de temps et d'argent. Nous simplifions la possibilité de prononcer des travaux d'intérêt général, même en l'absence du détenu à l'audience, lorsqu'il a donné son accord et qu'il est représenté par son avocat. Toutes ces mesures consolideront les outils dont chacun reconnaît la pertinence.

M. Philippe Bas , président . - Les textes enflent à chaque étape de la procédure législative. En cas de procédure accélérée, la première assemblée saisie découvre en commission mixte paritaire les amendements adoptés par l'autre assemblée. Nous avons suffisamment de déplaisir lorsque cela nous arrive pour être sensible aux intérêts de l'Assemblée nationale. Nous nous livrerons avec sérénité à cet examen. Introduire un trop grand nombre d'amendements, quel que soit leur intérêt, pose des difficultés de procédure. Nous connaissons bien une partie des dispositions, qui reprennent notre travail. Nous exercerons néanmoins la plénitude de nos pouvoirs, veillerons à ce que les dispositions votées par l'Assemblée ne soient pas en-deçà de nos exigences, et serons sensibles aux observations du Gouvernement sur la mise en oeuvre de l'état d'urgence et sur l'insuffisance de certains dispositifs de police - non liés aux procédures pénales. Enfin, nous veillerons à maintenir un équilibre.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Ce projet de loi adopté par l'Assemblée comporte certaines dispositions figurant dans la proposition de loi de M. Bas et de trois de nos collègues...

M. Philippe Bas , président . - ... dont M. Mercier !

M. Michel Mercier , rapporteur . - ... adoptée par le Sénat en février dernier. Vous faites donc un effort - faible, mais nous espérons qu'il s'accentuera au cours de la discussion ! Nous proposons de supprimer certains points qui bouleversent l'unité profonde du texte, notamment à la fin, pour en conserver la cohérence. Nous armons la justice. Si les procédures de droit commun sont suffisamment efficaces pour lutter contre le terrorisme, nous n'aurons plus besoin de l'état d'urgence. Nous souhaitons par exemple que les moyens matériels d'enquête ouverts aux services de renseignement le soient aussi au procureur et au juge d'instruction. Nous nous accordons tous pour que l'État soit plus efficace, mais ne ferons pas fi des libertés publiques ni des droits fondamentaux : nous visons surtout des dispositions présentées par le ministère de l'intérieur, mais le Gouvernement est un.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux . - Vous parlez d'or !

M. Michel Mercier , rapporteur . - Attention, sous couvert d'efficacité, aux mesures qui semblent bonnes mais sont en réalité néfastes, comme l'introduction du contradictoire dans l'enquête préliminaire. Désormais, le nouveau couple procureur - juge des libertés et de la détention (JLD) traite 98 % des procédures et le juge d'instruction, ce qui reste. Quel statut du JLD prévoyez-vous ? Ses décisions sont, pour beaucoup d'entre elles, aujourd'hui sans recours... sauf à aller en cassation. Quel sera le rôle exact du JLD dans la procédure ?

Selon le procureur général Jacques Beaume, le procès est un : il ne faut pas juger des droits accordés aux parties sur une section du procès mais sur sa totalité. La garantie pour les parties existe lors de l'enquête judiciaire ; y instiller du contradictoire nuirait à l'efficacité. Demain, je déposerai probablement des amendements en commission sur ce sujet. Le contradictoire doit être dans le procès et non dans l'enquête, comme l'ont observé M. Jacques Beaume et M. Jean-Louis Nadal, autorités incontestées !

Nous reparlerons de la législation sur les armes, aspect très important.

Vous prenez en compte le souhait des policiers de se servir plus légitimement de leurs armes lors d'interventions durant lesquelles des voyous ou des terroristes ont déjà tiré. L'Assemblée nationale a voté un article très intéressant, mais fort complexe. Nos policiers devront, s'ils veulent dégainer, avoir sous un bras le dictionnaire, sous l'autre le code pénal. Nous ferons une proposition.

Les perquisitions de nuit et les fouilles des véhicules, voilà des sujets qui auraient dans le passé paralysé net tout débat. Les esprits ont évolué. La retenue de quatre heures s'explique par la nécessité d'approfondir les recherches lorsque la personne contrôlée est fichée. Nous encadrerons cependant les dispositions adoptées à l'Assemblée nationale. Surtout, on ne peut traiter un mineur comme un adulte, sans avertir son représentant légal, l'aide sociale à l'enfance (ASE), le procureur de la République. Nos services sont efficaces : deux heures leur suffisent pour les vérifications, pas quatre heures !

Vous voulez assigner à résidence les personnes revenant d'un théâtre d'opérations terroristes - c'est-à-dire de partout ! Cela pose un vrai problème : dans notre proposition de loi, nous avions clairement choisi de judiciariser au maximum toutes les opérations de lutte contre le terrorisme, en créant des incriminations : le fait d'être allé sur place constituerait une infraction. Le Gouvernement n'a pas souhaité nous suivre, ni lors de la discussion de cette proposition de loi, ni aujourd'hui. Je reconnais que notre proposition n'a pas suscité l'enthousiasme lors des auditions. Mais l'Assemblée nationale prévoit l'assignation à résidence : monsieur le ministre, si vous ne souhaitez pas intégrer de mesure de l'état d'urgence dans ce projet de loi, modifiez cet article ! Je présenterai un amendement limitant les pouvoirs de l'autorité administrative.

Grâce à vous, monsieur le ministre, le nombre d'articles augmentera d'une vingtaine d'amendements.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux . - Très exactement, 19.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Nous aurons un gros travail d'examen, car bien des questions restent ouvertes, sur le couple procureur-JLD, sur le régime des peines, les retenues pour les mineurs, etc. Peut-être devrons-nous y revenir à l'occasion d'une réforme plus large du code pénal ou du code de procédure pénale, cependant le travail sera loin d'être terminé après ce texte, qui est seulement une étape - importante.

M. Pierre-Yves Collombat . - Monsieur le ministre, vous balayerez peut-être ma première question d'un revers de main : voici un énième texte, alors que nous connaissons le terrorisme depuis les années 1980, et même avant. Compte tenu de l'importance de cette question, pourquoi n'avons-nous pas pris le temps - nous sommes en guerre, paraît-il - de constituer un corpus juridique résistant au temps et pouvant régler par avance ces questions ? Disposera-t-on un jour d'un ensemble cohérent qui ne sera pas changé à chaque nouveau crime ? Faut-il à chaque fois une nouvelle liste de courses ?

La partie sur le financement du terrorisme est bien trop restreinte, avec seulement trois mesures principales, alors qu'il s'agit du nerf de la guerre. On n'ennuie guère les banquiers sur l'opacité des transferts de capitaux - je fais du mauvais esprit...

Selon vous, aucune des mesures ne transpose celles de l'état d'urgence. Pour notre rapporteur, au contraire, une bonne loi est celle qui rend l'état d'urgence permanent ; ce n'est pas ma façon de voir. Pourriez-vous nous donner des éclaircissements à ce sujet ?

M. Jacques Bigot . - Ce texte, concentré sur le crime organisé et le terrorisme, réforme également, et profondément, la procédure pénale, avec un rôle important du procureur et du JLD. J'ai des interrogations sur les articles 18 et 20. Des personnes soupçonnées d'intentions terroristes, à leur retour d'un théâtre d'opérations, pourraient faire l'objet d'un contrôle administratif, gênant pour l'État de droit. La rédaction initiale de cet article, dont le 1° a été supprimé, permettait d'arrêter ces personnes, de saisir le juge d'instruction, et de mettre en oeuvre un contrôle judiciaire. Selon certains magistrats, le délit créé dans la proposition de loi ouvrait aussi des possibilités... C'est un vrai point de débat.

Mme Catherine Tasca . - Merci pour cette présentation extrêmement construite et claire. Ce texte a davantage de cohérence et de structuration que n'en a vu M. Collombat : cette « liste de courses » repose sur des enseignements très concrets tirés de l'expérience actuelle et de l'état d'urgence. La place du contradictoire fait l'objet de nombreuses critiques des avocats ; êtes-vous allé aussi loin que possible ? Pourquoi doubler la retenue à quatre heures ? Que permettra concrètement cet allongement ? J'approuve le rapporteur qui considère qu'une solution spécifique doit être trouvée pour les mineurs.

M. Alain Vasselle . - Je déposerai quelques amendements sur le financement du terrorisme. La législation actuelle est-elle suffisamment coercitive et contraignante pour limiter la contrefaçon, qui participe au financement du terrorisme ?

Mme Cécile Cukierman . - Nous débattrons sur l'ensemble du texte en séance, entre les esprits qui évoluent et ceux qui résistent... Selon vous, la simplification permet à la justice d'être plus efficace et plus rapide ; mais elle ne palliera pas le manque de moyens. La visioconférence, loin de régler ces difficultés matérielles, fera perdre leur solennité aux auditions, y compris sur des affaires du quotidien.

Que pensez-vous de l'habilitation donnée à l'administration pénitentiaire de procéder à des écoutes ? Lors du débat sur la loi relative au renseignement, notre groupe y était hostile, pour éviter le mélange des genres.

M. François Grosdidier . - Je partage les remarques du rapporteur sur l'utilisation des armes et celles de mes collègues sur les sources de financement. Pourquoi une nouvelle mesure de sanction des officiers ou des agents de police judiciaire à l'article 23 ? Ce nouveau dispositif disciplinaire d'urgence est-il vraiment nécessaire ?

Parmi les forces de l'ordre, beaucoup dénoncent la surtransposition de la directive d'octobre 2013 qui multiplie les contraintes administratives, au détriment du travail de terrain. Cette transposition est-elle nécessaire ou exagérée ? Que pensez-vous des caméras mobiles, qui protègent les contrevenants de bavures, les policiers de remises en cause abusives, et qui servent de point d'appui précieux aux magistrats ?

Dans ma modeste commune qui compte 22 agents pour 14 000 habitants, et où deux équipages tournent chaque nuit - contre quatre pour 230 000 habitants dans la police nationale - le système est opérationnel depuis longtemps. Élaborer un cadre juridique pour les caméras mobiles individuelles, d'accord, mais j'ai été surpris de voir que les députés limitaient le dispositif aux polices municipales des communes situées en zone de sécurité prioritaire : la mienne, parce que le taux de délinquance a chuté de 50%, n'en fait plus partie... Ouvrons-le plutôt à toutes les polices municipales liées à l'État par une convention de coordination. Les conditions d'utilisation de ces techniques sont en outre, depuis la loi sur la sécurité dans les transports collectifs, plus restrictives pour les forces de sécurité publiques que pour les agents de sécurité privés. Ne faudrait-il pas faire converger les deux régimes ?

M. Alain Richard . - L'article 24 élargit les conditions d'accès au dossier pendant l'enquête. Or, d'après nos auditions, cela nuirait à l'efficacité de l'enquête et serait très consommateur de moyens humains. Qu'en pense le Gouvernement ? L'impact d'une telle mesure a-t-il pu être évalué ? Le Gouvernement fera-t-il des propositions de modification ?

M. François Pillet . - Alors que le rôle du juge des libertés et de la détention s'accroît, il serait bon de prévenir les critiques adressées naguère au juge d'instruction en lui garantissant un statut solide. Le Sénat a pris une position claire lors de l'examen du projet de loi pour la justice du XXI ème siècle et du projet de loi organique relatif au statut des magistrats. Le JLD sera-t-il un juge expérimenté, par exemple un magistrat de premier grade comme nous le souhaitons, ou bien un juge sortant de l'école ? Sera-t-il nommé par décret ou, comme c'est le cas aujourd'hui, par le président du tribunal de grande instance ? Le Sénat souhaitait conserver cette dernière solution, après avis conforme de l'assemblée générale du TGI.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux . - Merci pour la diversité de vos questions. Conséquence du caractère choral du texte, une grande partie est en fait adressée au ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a d'ailleurs proposé au Sénat d'examiner ses dispositions par blocs : avec le ministre de l'intérieur dès le 29 mars, le ministre de l'économie ensuite, sur les questions de financement du terrorisme et de blanchiment d'argent, et moi-même enfin.

Tirons-nous parti d'un arsenal juridique solide ou sommes-nous pris de court par les événements ? Sans doute un peu les deux. Il existe un modèle français, celui de l'association de malfaiteurs à but terroriste, infraction créée en 1986, qui s'est révélée très efficace. Mais la situation a changé : Daech n'existait pas en 1986, et les technologies ont profondément muté. Voyez les difficultés qu'a le FBI pour obtenir d'Apple les informations utiles à la lutte antiterroriste - problème impensable il y a encore cinq ans, et qui est devenu un défi quasi quotidien. L'application la plus utilisée par Daech, Telegram, évolue elle-même rapidement. Le texte parfait n'existe donc pas. J'ai toujours considéré que le droit était moins affaire de connaissance que d'interprétation ; la discussion pourrait durer longtemps - pour preuve, dix-neuf amendements ont été déposés au Sénat alors que la discussion à l'Assemblée nationale remonte à peine à quinze jours...

La position du Gouvernement comme celle du Parlement s'enrichit chaque jour de l'expérience de ceux dont la lutte antiterrorisme constitue le quotidien, et je me félicite que nous ayons renforcé leurs moyens : les 302 millions d'euros débloqués sur trois ans après les attentats de Charlie Hebdo, dont 190 en 2016, ont en effet permis de mobiliser davantage de personnel. Six des neuf juges d'instruction du pôle antiterroriste travaillent par exemple sur les attentats du 13 novembre ; la section antiterroriste du parquet de Paris compte désormais onze magistrats ; la dernière promotion de l'École nationale d'administration pénitentiaire comptait, en juillet, 980 surveillants pénitentiaires, financés sur les programmes du plan de lutte antiterroriste ; 228 magistrats, autant de greffiers, 15 assistants spécialisés dans l'antiterrorisme ont également été rendus opérationnels.

Un nouveau couple, formé par le procureur et le JLD, est en train de naître. La responsabilité donnée à l'un doit être équilibrée par le pouvoir de contrôle octroyé à l'autre. C'est une question de statut, mais aussi de moyens : le tribunal de grande instance de Paris compte plusieurs JLD à temps plein, tandis que le président de celui de Saint-Omer exerce cette fonction à titre subsidiaire... Sur ce point comme sur la collégialité de l'instruction
- applicable au 1 er janvier 2017, ce qui implique de prévoir les moyens appropriés ou de réduire le champ d'application, car je ne veux pas reporter une quatrième fois l'échéance - il est temps d'avancer, car chaque nouveau texte modifiant la procédure pénale donne au JLD des compétences supplémentaires. Les présidents de TGI ne sont pas favorables à ce que les JLD soient nommés par décret ; le Gouvernement y voit pourtant une garantie pour celui qui exerce cette responsabilité.

Monsieur Vasselle, l'arsenal juridique relatif au financement du terrorisme permet de combattre aussi la contrefaçon, ne l'alourdissons pas.

Madame Tasca, la rapporteure de l'Assemblée nationale, Colette Capdevielle, avait déposé en commission un amendement qui aurait élargi les possibilités d'accès au dossier, mais l'analyse par nos services a montré que cela aurait concerné près de 375 000 procédures... Elle s'est donc rangée à notre position - qui demeure toutefois, j'en suis certain, perfectible.

Le Gouvernement reste prudent sur l'attitude qu'il convient d'avoir à l'égard des personnes de retour d'un théâtre d'opération de groupements terroristes, mais persiste à privilégier la retenue administrative car elle présente des avantages opérationnels et demeure conforme à nos canons juridiques. J'ai eu l'occasion de le dire aux présidents des juridictions administratives que j'ai reçus à la Chancellerie.

M. Alain Richard . - Il faudrait le dire à d'autres...

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux . - Le Gouvernement est attaché à la dualité de juridictions, et le juge administratif a fait toute la démonstration de sa capacité de protéger les libertés. Le citoyen a, je crois, tout à gagner à cette double protection. Bref, le ministre de l'intérieur aura l'occasion de revenir sur la nature du contrôle administratif des personnes de retour de Syrie.

Monsieur Collombat, parmi les membres du groupe d'action financière (Gafi), la France fait partie des pays les mieux armés, avec Tracfin, pour lutter contre le blanchiment d'argent, et n'est pas si complaisante que vous le dites vis-à-vis de ses banques.

Le ministre de l'intérieur vous répondra ultérieurement sur la situation des mineurs.

Sur la légitime défense, la perfection n'étant pas de ce monde, le Gouvernement ne souhaite qu'améliorer la rédaction du texte, dès lors qu'il reste opérationnel. Il convient de maintenir la légitime défense dans des frontières claires et bien établies.

Nous sommes en phase d'expérimentation des caméras mobiles pour la police municipale. À l'Assemblée nationale, le Gouvernement, estimant équilibré le texte initial, a émis un avis de sagesse sur les amendements élargissant le dispositif - que les députés n'ont pas votés - et n'a pas changé d'avis.

Monsieur Mercier, le Gouvernement n'est pas hostile à vos amendements sur l'article 24.

Madame Cukierman, la visioconférence peut être la meilleure et la pire des choses. Faisons confiance à la capacité de discernement des fonctionnaires. Il n'est pas toujours possible de monter en urgence une escorte policière pour transférer un détenu. Le ministère de la justice doit assumer ses responsabilités, apprendre à s'organiser, et arrêter de vouloir sous-traiter les transfèrements et les extractions judiciaires aux policiers et gendarmes.

J'ai rencontré hier toutes les organisations syndicales du ministère lors du comité technique paritaire que je présidais : toutes sont désormais favorables à ce que des agents de l'administration pénitentiaire soient spécialement formés au renseignement, selon une doctrine qui sera négociée avec elles. Il n'est bien sûr pas question de former tous les agents ; les conseillers d'insertion et de probation, par exemple, ne sont en aucune façon concernés. Le renseignement doit rester l'affaire du MS3, devenu bureau du renseignement pénitentiaire, appelé à devenir opérationnel dès que l'administration sera prête.

Le ministère ne peut se permettre une fuite en avant technologique. Songez que les 804 brouilleurs de téléphones portables disponibles dans les prisons ne brouillent que la 2G ! En racheter pour brouiller les 30 000 téléphones portables entrés en prison l'an passé ne serait profitable qu'aux fabricants de brouilleurs... Recentrons le renseignement pénitentiaire sur la criminalité organisée, la lutte contre la radicalisation ; l'appui technologique pour la sécurisation des prisons, oui, la course technologique au brouillage, non. Les parlementaires seront associés à ce chantier ; je vous invite d'ailleurs à venir avec moi constater l'utilité des 3 millions d'euros budgétés en 2017 pour l'achat de nouveaux brouilleurs...

Monsieur Grosdidier, la création d'une procédure disciplinaire d'urgence est cohérente avec le renforcement du rôle du parquet et le contrôle accru des OPJ.

M. Philippe Bas , président . - Nous vous remercions.

ANNEXE 2 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la justice

Cabinet du garde des sceaux

M. Charles Moynot , conseiller législation pénale

M. Floran Vadillo , conseiller auprès du ministre

Mme Morgane Frétault , conseillère parlementaire

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

Mme Sonya Djemni-Wagner , sous-directrice de la négociation et de la législation pénales

Défenseur des droits

M. Jacques Toubon , Défenseur des droits

Mme Muriel Cauvin , juriste à la mission expertise

Mme France de Saint-Martin , attachée parlementaire

Cour de cassation

M. Bertrand Louvel , premier président

M. Didier Guérin , président de la chambre criminelle

M. Jean-Claude Marin , procureur général

Mme Agnès Labregere-Delorme , secrétaire général du parquet général

Parquet du tribunal de grande instance de Paris

M. François Molins , procureur de la République

Mme Camille Hennetier , vice-procureur, chef de la section C1, antiterrorisme et atteintes à la sûreté de l'État

Section antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris

Mme Laurence Le Vert , première vice-présidente

M. David Bénichou , vice-président

Conférence nationale des procureurs généraux

M. Jean-Jacques Bosc , procureur général de Dijon

M. Jean-François Thony , procureur général de Colmar

Conférence nationale des procureurs de la République

Mme Nathalie Becache , procureur à Créteil

M. Marc Cimamonti , procureur à Lyon

membres du conseil d'administration de la CNPR

Conférence nationale des présidents de cour d'appel

Mme Dominique Lottin , présidente, premier président de la cour d'appel de Versailles

M. Jean-François Beynel , premier président de la cour d'appel de Grenoble

Conférence nationale des présidents de tribunaux de grande instance

Mme Françoise Barbier-Chassaing, présidente du tribunal de grande instance de Chartres, vice-présidente de la conférence

M. Benjamin Deparis, président du tribunal de grande instance du Havre, membre du conseil d'administration de la conférence

Parquet de Marseille

M. Brice Robin, procureur de la république

Mme Audrey Jouaneton , première vice-procureur, chef de la section criminalité organisée au parquet de Marseille

Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille

M. Christophe Perruaux , vice-président chargé de l'instruction et coordinateur de la section JIRS criminalité organisée

M. Christophe Petiteau , vice-président chargé de l'instruction JIRS criminalité organisée

Personnalités qualifiées

M. Marc Robert , procureur général près la cour d'appel de Versailles

M. Jacques Beaume , procureur général honoraire

Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC)

M. Charles Duchaine , directeur général

Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI)

M. Jean-Paul Balzamo, sous-directeur « affaires juridiques, contentieux, contrôles et lutte contre la fraude »

M. Michel Baron , administrateur des douanes, chef du bureau des affaires juridiques et contentieuses

Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN)

M. Bruno Dalles , directeur

Commission nationale consultative des droits de l'homme

Mme Christine Lazerges , présidente et professeure émérite de droit à l'université Paris 1

Mme Renée Koering-Joulin, conseiller honoraire à la Cour de cassation

Mme Astrid Dousset, élève magistrat

M. Victor Jacquet, stagiaire

M. Hervé Henrion-Stoffel, conseiller juridique, magistrat

La Quadrature du Net

Mme Adrienne Charmet-Alix , coordonnatrice des campagnes

Conseil national des barreaux

Mme Françoise Mathe , présidente de la commission Libertés et Droits de l'Homme

Mme Géraldine Cavaillé , directrice du service juridique du Conseil national des barreaux

Mme Françoise Louis-Tréfouret , directrice des relations avec les pouvoirs publics

Conférence des Bâtonniers

Monsieur Marc Absire , président de la commission pénale

M. Pierre-Yves Joly , ancien Bâtonnier de Lyon, secrétaire général adjoint de la Conférence des Bâtonniers

Barreau de Paris

M. Xavier Autain , délégué du Bâtonnier de Paris aux affaires publiques

Association française des magistrats instructeurs

M. Pascal Gastineau , président, vice-président à la JIRS de Lille

Mme Patricia Simon, vice-présidente en charge de l'instruction au Pôle économique et financier à Paris

Mme Lucie Delaporte , juge d'instruction au pôle général à Paris

FO-Magistrats

Mme Béatrice Brugère , secrétaire générale

M. Jean de Maillard , adjoint

Syndicat de la magistrature

Mme Clarisse Taron , présidente

Mme Laurence Blisson , secrétaire générale

Union syndicale des magistrats

M. Olivier Janson, secrétaire général adjoint

Mme Véronique Léger , secrétaire nationale

Syndicats de police

Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN-UNSA/FASMI)

Mme Céline Berthon , secrétaire général

M Jean-Luc Taltavull , secrétaire général adjoint

Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI)

M. Jean-Marc Bailleul , secrétaire général

Mme Chantal Pons-Mesouaki , secrétaire générale adjointe

Synergie officiers

Mme Isabelle Trouslard , secrétaire national

M. David Alberto , conseiller technique

Alliance Police Nationale

M. Stanislas Gaudon , secrétaire administratif général adjoint

M. Pascal Disant , chargé de mission

Unité SGP Police FO

M. Fréderic Galéa , délégué national en charge des conditions de travail

M. Michel Chouippe-Macé, référent national de l'investigation

Liste des contributions écrites

Association professionnelle nationale des militaires de la gendarmerie du XXIe siècle

Mme Morgane Daury-Fauveau , Professeur de droit privé à l'Université de Picardie Jules Verne, Directrice de l'Institut d'Etudes Judiciaires de la faculté de droit d'Amiens

Union des fabricants (UNIFAB)

ANNEXE 3 - LISTE DES INFRACTIONS RELEVANT DE LA PROCÉDURE APPLICABLE À LA CRIMINALITÉ ET À LA DÉLINQUANCE ORGANISÉES

On distingue les infractions définies à l' article 706-73 du code de procédure pénale auxquelles s'applique l'ensemble du régime procédural dérogatoire de la criminalité et de la délinquance organisée du régime défini à l' article 706-73-1 , qui exclut la possibilité de prolonger la durée de la garde à vue jusqu'à quatre jours et de différer l'intervention de l'avocat jusqu'à la soixante-douzième heure :

Les infractions relevant du champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale :

1° Crime de meurtre commis en bande organisée ;

2° Crime de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée ;

3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants ;

4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée ;

5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains ;

6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme ;

7° Crime de vol commis en bande organisée ;

8° Crimes aggravés d'extorsion ;

9° Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée ;

10° Crimes en matière de fausse monnaie ;

11° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme ;

12° Délits en matière d'armes et de produits explosifs commis en bande organisée ;

13° Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée ;

14° Délits de blanchiment ou de recel du produit, des revenus et des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° à 13° ;

15° Délits d'association de malfaiteurs, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 14° et 17° ;

16° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, lorsqu'il est en relation avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 15° et 17° ;

17° Crime de détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande organisée ;

18° Crimes et délits punis de dix ans d'emprisonnement, contribuant à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs entrant dans le champ d'application de l'article 706-167 du code de procédure pénale ;

19° Délit d'exploitation d'une mine ou de disposition d'une substance concessible sans titre d'exploitation ou autorisation, accompagné d'atteintes à l'environnement, commis en bande organisée, lorsqu'il est connexe avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 17° du présent article.

Les infractions relevant du champ de l'article 706-73-1 du code de procédure pénale :

1° Délit d'escroquerie en bande organisée ;

2° Délits de dissimulation d'activités ou de salariés, de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d'oeuvre, de prêt illicite de main-d'oeuvre ou d'emploi d'étranger sans titre de travail, commis en bande organisée ;

3° Délits de blanchiment ou de recel du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° ;

4° Délits d'association de malfaiteurs, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 3° ;

5° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, lorsqu'il est en relation avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 4°.

Par ailleurs, en application de l'article 706-74 du code de procédure pénale, le régime procédural de la criminalité organisée s'applique également à tous les délits d'association de malfaiteurs et tous les crimes et délits commis en bande organisée non mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1, « lorsque la loi le prévoit ».

ANNEXE 4 - ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE

Février 2016

- LÉGISLATION COMPARÉE -

Le Patriot Act :

Coopération entre services chargés
de la prévention et services chargés
de la répression du terrorisme

_____

États-Unis

_____

Cette note a été réalisée à la demande de

M. Philippe BAS, Sénateur de la Manche,
Président de la commission des Lois constitutionnelles, de Législation,
du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale

DIRECTION DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE

ET DES DÉLÉGATIONS

LC 263

AVERTISSEMENT

Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

SOMMAIRE

Pages

LE PATRIOT ACT : COOPÉRATION ENTRE SERVICES CHARGÉS DE LA PRÉVENTION ET SERVICES CHARGÉS DE LA RÉPRESSION DU TERRORISME 380

1. Les dispositions du Patriot Act 380

2. Les suites du Patriot Act 385

ANNEXE : DOCUMENTS UTILISÉS 392

LE PATRIOT ACT : COOPÉRATION ENTRE SERVICES CHARGÉS DE LA PRÉVENTION ET SERVICES CHARGÉS DE LA RÉPRESSION DU TERRORISME

Adopté au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le Patriot Act est destiné à détecter et combattre le terrorisme. Le législateur a, en particulier, cherché à renforcer la coopération et le partage d'informations entre les pouvoirs publics opérant dans le domaine du renseignement, de la défense et de l'application de la loi.

1. Les dispositions du Patriot Act

Les dispositions du Patriot Act relatives à la communication d'informations entre les pouvoirs publics résultent notamment des articles (section) :

- 203, « Partage d'information dans le cadre d'une enquête pénale » du Titre II qui concerne les « Procédures de surveillance renforcée » (enhanced surveillance) ;

- 504, « Coordination lors de l'application de la loi », du Titre V applicable à « La suppression des obstacles à la lutte contre le terrorisme » ;

- et 905, « Communication de renseignements extérieurs obtenus lors d'enquêtes pénales » (criminal investigations) , avis ( notice ) d'enquêtes pénales émanant de sources de renseignement étrangères », du Titre IX, consacré à l'« Amélioration du renseignement » (improved intelligence) .

Les articles 203(b) et 203(d) étaient initialement en vigueur jusqu'au 31 décembre 2005 . Ils sont applicables sans limitation de durée depuis le 9 mars 2006 en vertu de la loi relative à l'amélioration et à la réautorisation du Patriot Act (USA Patriot Improvement and Reauthorization Act).

a) Partage des informations issues d'enquêtes criminelles

Aux termes de l'article 203 du Patriot Act , trois types d'informations issues d'enquêtes pénales (criminal investigative information) , qui sont en principe confidentielles, peuvent être communiquées à d'autres entités publiques chargées de la préservation de la sécurité, à savoir :

- celles obtenues devant un « grand jury » ;

- celles d'origine électronique, filaire et verbale ;

- et celles relatives au renseignement extérieur.

• Les informations obtenues devant un « grand jury »

L'article 203 (a) prévoit, par dérogations aux règles générales, la communication (disclosure) de ces informations lorsque :

- un juge l'ordonne avant une procédure judiciaire ou en lien avec celle-ci ;

- un juge l'autorise à la demande du défendeur qui sollicite l'arrêt des poursuites en démontrant qu'existent des motifs résultant de questions posées devant un « grand jury 339 ( * ) » ;

- la communication est effectuée par un procureur fédéral 340 ( * ) à l'attention d'un autre grand jury fédéral ;

- un juge l'autorise à la demande d'un procureur fédéral qui démontre une violation du droit pénal d'un État, à l'attention d'un agent de cet État ou d'une des collectivités de celui-ci, afin de tirer les conséquences pénales de cette violation ;

- et lorsque ces questions concernent le renseignement extérieur (foreign intelligence) , le contrespionnage (counteritelligence) ou des informations relatives au renseignement extérieur, à l'attention de tout agent fédéral chargé de la poursuite des infractions concernant le renseignement, la protection des personnes, l'immigration, la défense ou la sécurité nationales, afin d'aider cet agent dans l'exercice de sa mission.

Le juge détermine les modalités de communication (formes, moment, autres conditions...).

Tout agent fédéral destinataire d'une telle communication ne peut l'utiliser que dans le cadre de sa mission et sous réserve du respect des autres règles en vigueur en la matière. Dans un délai raisonnable après la communication, un procureur fédéral adresse, de façon confidentielle, au juge une note indiquant que des informations ont été divulguées ainsi que les ministères, agences ou entités qui ont bénéficié de la communication.

Pour l'application de ces dispositions, le terme d'information concernant le renseignement extérieur (foreign intelligence information) vise les informations qui, concernant ou non un citoyen des États-Unis, ont trait à la capacité de ceux-ci à se protéger :

- d'une attaque effective ou potentielle ou d'autres actes d'hostilité graves d'une puissance étrangère ou d'un agent d'une puissance étrangère ;

- du sabotage ou du terrorisme international d'une puissance étrangère ou d'un de ses agents ;

- et d'activités de renseignement clandestines d'un service ou d'un réseau d'une puissance étrangère ou d'un ses agents.

Ces informations peuvent concerner aussi bien la défense nationale et la sécurité des États-Unis que la conduite de leurs relations extérieures.

• Les informations électroniques, filaires et verbales

L'article 203 (b) prévoit que tout agent chargé d'une enquête ou de l'application d'une loi (investigative or law inforcement officer) et tout procureur (attorney for the Government) qui, par tout moyen autorisé en vertu de l'article 2517 du titre 18 du code des États-Unis (United States Code) , relatif à l'autorisation de divulgation et d'utilisation des communications filaires, verbales et électroniques interceptées, a eu connaissance du contenu d'une communication filaire, verbale ou électronique, ou d'une preuve en découlant, peut (may) communiquer ce contenu à tout agent fédéral chargé de l'application des lois (law enforcement) , du renseignement, de la protection des personnes, de l'immigration, de la défense ou de la sécurité nationales, dans la mesure où ce contenu inclut des informations relatives au renseignement extérieur 341 ( * ) ou au contrespionnage, lesquelles peuvent être utiles à cet agent dans l'accomplissement de sa mission. Tout responsable fédéral recevant une telle communication ne peut l'utiliser que si cela est nécessaire à la conduite de cette mission et sous réserve du respect des autres règles en vigueur en la matière.

Pour l'application de ces dispositions, l'expression « information concernant le renseignement extérieur » (foreign intelligence information) a la même acception que celle évoquée supra en ce qui concerne l'article 203 (a).

• Les informations relatives au renseignement extérieur

L'article 203 (d) ouvre la faculté de communiquer à tout agent fédéral chargé de l'application des lois, du renseignement, de la protection des personnes, de l'immigration, de la défense ou de la sécurité nationales, pour l'exercice de sa mission, des renseignements extérieurs ou émanant du contrespionnage, ou des informations relatives au renseignement extérieur, sous réserve du respect des autres règles en vigueur en la matière.

b) Coordination entre les services

Deux types d'informations sont visées à l'article 504 du Patriot Act intitulé « Coordination lors de l'application de la loi », à savoir :

- celles obtenues par surveillance électronique (electronic surveillance) , visées au (a) ;

- et celles obtenues à la suite d'une fouille corporelle (physical search) , mentionnées au (b).

• Les informations obtenues par surveillance électronique

Aux termes de l'article 504 (a), les agents fédéraux (federal officers) chargés de la surveillance électronique ayant pour objet d'obtenir des informations relatives au renseignement extérieur peuvent (may) consulter les agents fédéraux chargés de l'application de la loi, afin de coordonner leurs efforts (coordinate efforts) pour enquêter et protéger contre :

- une attaque effective ou potentielle ou d'autres actes d'hostilité graves commis par une puissance étrangère ou l'agent d'une puissance étrangère ;

- le sabotage ou le terrorisme international d'une puissance étrangère ou d'un de ses agents ;

- et les activités de renseignement clandestines d'un service ou d'un réseau d'une puissance étrangère ou d'un ses agents.

Cette coordination est sans préjudice des dispositions des articles 104(a)(7)(b) et 105 de la loi sur la surveillance des renseignements extérieurs (Foreign intelligence surveillance act) de 1978 relatives :

- à la formulation de la demande, pour un acte autorisant une surveillance électronique, qui doit être faite par un agent fédéral sous serment ou sous déclaration à un juge compétent. Chaque demande requiert l'approbation du procureur général, qui doit apprécier le respect d'un certain nombre de critères, parmi lesquels la production d'une attestation délivrée par une personne compétente dans le domaine de la sécurité nationale ou de la défense, nommée par le Président après accord du Sénat, indiquant que le but de la surveillance est d'obtenir des informations relatives au renseignement extérieur (article 104 (a) (7) (b)) ;

- et à la mise en oeuvre de cette surveillance, s'agissant notamment des éléments de procédure devant être contenus dans l'acte approuvant la demande, son extension, son renouvellement ou encore les cas d'urgence (article 105).

• Les informations obtenues par fouille corporelle

L'article 504(b) dispose que les agents fédéraux qui réalisent des fouilles corporelles en vue d'obtenir des informations relatives au renseignement extérieur doivent consulter les agents fédéraux chargés de la répression des infractions afin de coordonner leurs efforts pour enquêter et protéger contre une attaque effective ou potentielle ou tout autre acte hostile grave d'une puissance étrangère ou d'un agent de celle-ci, contre le sabotage ou le terrorisme international d'une puissance étrangère ou d'un agent de celle-ci, ou contre les activités d'espionnage clandestin d'un service de renseignement ou du réseau d'une puissance étrangère ou d'un agent de celle-ci.

c) Communication au directeur de l'agence de renseignement d'informations extérieures concernant une enquête pénale

L'article 905, « communication de renseignements extérieurs obtenus lors d'enquêtes pénales (criminal investigations) , avis (notice) d'enquêtes pénales émanant de sources de renseignement étrangères », modifie la loi sur la sécurité nationale de 1947 en y insérant un titre spécifique.

Sauf exceptions prévues par la loi, le procureur général ou le chef de tout service ou agence du Gouvernement fédéral exerçant des compétences en matière d'application de la loi, doit (shall) communiquer sans délai au directeur de l'agence centrale de renseignements les éléments extérieurs obtenus par une entité relevant du ministère de la Justice ou d'une agence au cours d'une enquête pénale. Cette communication est réalisée conformément aux lignes directrices (guidelines) fixées par le procureur général (Attorney General) , après concertation avec le directeur central du renseignement, le cas échéant au cours d'une enquête pénale.

Toutefois, si cette communication est de nature à compromettre une enquête judiciaire en cours ou de nuire à d'autres importants (significant) intérêts judiciaires, des exceptions peuvent être prévues par le procureur général après consultation du directeur de l'agence fédérale de renseignements. Le procureur général peut, de ce fait, permettre de déroger aux dispositions visées au paragraphe précédent, pour divers motifs tenant au renseignement extérieur lui-même ou à divers objectifs (one ore more targets) qui lui sont assignés.

S'agissant de la procédure relative à l'avis (notice) d'ouverture d'une enquête pénale, le procureur général est tenu d'établir, dans les 180 jours suivant l'entrée en vigueur de la loi, des lignes directrices destinées à assurer qu'après réception d'un rapport d'une entité du secteur du renseignement (intelligence community) , concernant l'activité d'une source de renseignement extérieur effective ou potentielle, qui peut justifier l'ouverture d'une enquête pénale, le procureur général communique au directeur central du renseignement, dans un délai raisonnable, sa décision d'ouvrir ou non une telle enquête.

2. Les suites du Patriot Act

On verra successivement :

- le retour d'expérience présenté en 2004 ;

- et deux autres textes adoptés dans la lignée du Patriot Act .

a) Retour d'expérience

Le ministère de la Justice a publié en juillet 2004 un document intitulé « Rapport de terrain : le Patriot Act américain au travail », dans lequel il présente ses conclusions quant au résultat de l'application du Patriot Act ainsi que la mise en oeuvre de celui-ci sur le terrain. Aux termes de ce document, le Patriot Act « a brisé le mur (wall) séparant les agents de renseignement de ceux chargés de la répression des infractions. Cela n'a pas uniquement effacé l'obstacle légal apparent (statutory perceived) s'opposant à un meilleur partage d'informations entre les personnels de renseignement et de répression des infractions, mais cela a également suscité l'élan nécessaire pour la suppression des restrictions qu'elles soient administratives et formelles ou culturelles et informelles quant au partage d'informations » (p. 4).

« Ces efforts pour augmenter la coordination et le partage d'informations entre les agents du renseignement et ceux chargés de la répression des infractions, rendus possibles par le Patriot Act, ont produit des dividendes extraordinaires (extraordinary dividends) en permettant au Ministère d'ouvrir de nombreuses enquêtes pénales, de déjouer des complots terroristes, d'engager de nombreuses poursuites pénales et de condamner de nombreux individus pour des cas de terrorisme » (p. 5).

Tel est le cas de l'affaire dite des « 7 de Portland » (Portland seven) , dans laquelle les enquêteurs chargés de la répression des infractions avaient appris d'un des membres d'une cellule terroriste, par un agent infiltré, qu'au moins un de membres de cette cellule avait envisagé des attaques ciblées. Plusieurs personnes étaient impliquées mais les preuves étaient insuffisantes pour pouvoir toutes les arrêter. La coopération des services a permis que les agents fédéraux surveillent le membre contre lequel il existait des preuves tandis que les agents de la répression des infractions rassemblaient des preuves contre les autres.

Le document présente également six autres exemples de coopération et d'échange d'informations entre services ayant permis l'arrestation et la condamnation de personnes suite à des enquêtes pour terrorisme.

b) Un partage d'informations renforcé par deux autres textes

Le partage d'informations a été élargi par deux textes :

- la loi sur la sécurité nationale de 2002 ;

- et la loi visant à réformer le renseignement et à prévenir le terrorisme de 2004.

• Homeland Security Act of 2002

La loi sur la sécurité nationale de 2002 contient des dispositions sur le partage d'information. L'exposé des motifs de son article 891 indique notamment que « l'État fédéral, les États et les collectivités territoriales, ainsi que les agences de renseignement, de répression des infractions et autres structures de préparation et de réponse aux urgences doivent agir en partenariat pour maximiser les bénéfices de la collecte et de l'analyse d'informations afin de prévenir les attaques terroristes et d'y répondre ».

Dans le respect des procédures déterminées par le Président, toutes les agences, y compris celles appartenant à la communauté du renseignement, doivent, par les systèmes appropriés, partager les informations relatives à la sécurité intérieure avec les agences fédérales, les États et les personnels locaux appropriés dans la mesure où ces informations peuvent être partagées compte tenu de leur crédibilité (section 892(b)(1)).

• Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act of 2004

Le Parlement américain a adopté, en 2004, une loi visant à réformer le renseignement et à prévenir le terrorisme, qui comporte un titre relatif au partage d'information (information sharing) .

Aux termes de l'article 1016(a)(5)(a) de cette loi, les informations relatives au terrorisme sont définies comme celles recueillies, produites ou distribuées par les services de renseignement, de répression des infractions, militaires, de sécurité nationale ou autres, se rapportant :

- à l'existence, à l'organisation, aux capacités, aux projets, aux intentions, aux facteurs de vulnérabilité, aux moyens financiers ou d'aide matérielle, ou aux activités d'un groupe terroriste étranger ou international ou d'individus, ou de groupes ou d'individus impliqués dans le terrorisme interne ou transnational ;

- aux menaces liées à de tels groupes ou individus existant pour les États-Unis, leurs ressortissants, leurs intérêts ou ceux d'autres nations ;

- aux communications de ou par l'intermédiaire de ces groupes ou individus ;

- ou aux groupes ou individus dont on peut raisonnablement supposer qu'ils aident ou sont associés à de tels groupes ou individus.

Ce même texte enjoint le Président des États-Unis de créer les conditions propres au partage des informations sous l'appellation « environnement favorisant le partage d'informations » (Information sharing environment - ISE) , initiative chargée de l'échange des informations relatives au terrorisme dans le respect de la sécurité nationale et des principes légaux concernant la vie privée et les libertés civiles, de désigner les entités administratives chargées de la gestion de l'ISE et de déterminer et de mettre en oeuvre les politiques qui y sont relatives.

On examinera successivement :

- les attributions de l'ISE ;

- les modalités de sa mise en place ;

- le rôle du responsable de ce programme ;

- la mission du Conseil d'échange et d'information ;

- et enfin l'obligation d'informer le Congrès.

Les attributions de l'ISE

Le Président des États-Unis doit s'assurer que l'ISE fournit les dispositifs d'échange des informations relatives au terrorisme entre toutes les entités appropriées, qu'elles soient fédérales, relèvent des États, ou encore sont locales ou tribales, et le secteur privé, par l'utilisation de directives et de technologies. Dans toute la mesure du possible, le Président doit s'assurer que l'ISE fournit les équivalents fonctionnels d'un environnement décentralisé, réparti et coordonné, chargé notamment :

- de connecter les systèmes existants, lorsque cela est approprié, de n'occasionner aucune défaillance et de permettre aux utilisateurs de partager l'information entre les agences, les différents niveaux exécutifs et, en tant que de besoin, avec le secteur privé ;

- d'assurer un accès électronique en ligne direct et continu à l'information ;

- et de fournir de l'information dans des conditions permettant son utilisation lors des analyses, des enquêtes et des opérations.

Mise en place de l'ISE

Au plus tard 180 jours après la promulgation de la loi, le responsable du programme doit mettre en place les bases de l'ISE, en consultant le Conseil de partage d'information (information sharing council) , (voir infra ) notamment en proposant au Président et au Congrès une description des enjeux technologiques, juridiques et politiques qui résultent de la création de l'ISE et des manières d'y répondre, en établissant un état des lieux des ressources, bases de données et systèmes permettant le partage d'informations.

En parallèle, dès que possible et au plus tard 270 jours après la promulgation de la loi, le Président est tenu d'arrêter les orientations pour l'acquisition, l'accès, le partage et l'utilisation des informations. Ces orientations doivent respecter la protection de la vie privée et les libertés civiles. Le Comité sur le respect de la vie privée et des libertés civiles (Privacy and Civil Liberties Oversight Board) est consulté à cette occasion.

Enfin, au plus tard un an après la promulgation de la loi, le Président, en collaboration avec le responsable du programme, doit présenter au Congrès un rapport contenant un plan de mise en oeuvre de l'ISE, lequel doit inclure, en particulier :

- une description des fonctions, moyens, ressources et un schéma conceptuel relatif à l'ISE ;

- une description des conséquences sur l'architecture d'entreprise des agences participantes ;

- et une estimation du budget identifiant les coûts occasionnés par cette initiative.

Le responsable du programme

Le Président, après information du Congrès, nomme, dans les 120 jours suivant la promulgation de la loi, un responsable du programme, chargé du partage d'information au sein de l'exécutif fédéral. Les missions de celui-ci tiennent notamment à :

- la mise en oeuvre de la supervision et de la gestion de l'ISE ;

- l'aide à l'élaboration de politiques destinés à favoriser le développement et le fonctionnement approprié de l'ISE ;

- et l'identification et la résolution des différends concernant le partage d'information.

Les actions que le responsable du programme contribue à élaborer doivent en particulier :

- prendre en compte les missions diverses et les exigences de sécurité des agences participant à l'ISE ;

- élaborer et faciliter l'échange d'information entre les ministères et les agences de renseignement, le ministère de la Défense, ainsi que les services chargés de la sécurité nationale et de l'application de la loi ;

- et assurer la protection de la vie privée et des libertés civiles.

Pour l'aider dans l'exercice de ses fonctions, le responsable est autorisé à embaucher au plus 40 personnes à temps plein pour mener à bien les activités liées à la mise en oeuvre de l'ISE ou l'identification et la résolution des litiges qui lui sont liés.

Le Conseil d'échange d'information

Le Président des États-Unis et le responsable du programme sont assistés, dans l'exercice de leurs fonctions en matière d'échange d'information, par un conseil chargé notamment de :

- conseiller le Président et le responsable du programme dans l'élaboration des politiques, des procédures, des orientations, des compétences et des normes nécessaires à l'établissement et à la mise en oeuvre de l'ISE ;

- identifier et, le cas échéant, recommander la fusion (consolidation) ou la suppression de programmes, systèmes et processus actuellement utilisés par les ministères fédéraux et les agences pour partager les informations, et recommander, si nécessaire, la réorientation des ressources existantes pour soutenir l'ISE ;

- ou encore aider le responsable du programme à identifier et résoudre les litiges en matière de partage d'information entre les ministères fédéraux, les agences et les parties.

Dans l'exécution de ses missions, le Conseil peut consulter des personnes ou entités extérieures à l'exécutif fédéral dotées d'une grande expérience et d'une grande expertise dans les politiques et les questions techniques ou opérationnelles relatives à l'ISE.

Information du Congrès

Au plus tard deux ans après la promulgation de la loi, puis annuellement par la suite, le 30 juin, le Président des États-Unis présente au Congrès un rapport sur l'état de l'ISE et le partage d'information au sein de l'exécutif fédéral. Ce document doit contenir :

- les données sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre de l'ISE, en particulier en matière de performance et de mesure des objectifs fixés ;

- les objectifs fixés pour l'année suivante à l'échelle de l'ISE ;

- les informations financières quant au coût de l'ISE ;

- les initiatives prises pour assurer que les investissements dans les systèmes et la technologie sont cohérents avec le plan concernant la mise en oeuvre de l'ISE ;

- des indications concernant la mesure dans laquelle les listes relatives à la surveillance du terrorisme sont disponibles pour des recherches croisées en temps réel grâce à l'ISE et l'existence de normes cohérentes pour inscrire ou retirer des individus de ces listes, notamment par des procédés de correction des erreurs ;

- l'étendue de la participation à l'ISE des agents des États, des tribus ou des collectivités territoriales ;

- la mesure dans laquelle les données issues du secteur privé sont englobées dans l'ISE, et celle dans laquelle des personnes extérieures à l'exécutif sont destinataires d'informations émanant de l'ISE ;

- les dispositions adoptées par le Gouvernement fédéral pour assurer l'exactitude des informations de l'ISE, en particulier celles concernant des personnes ;

- une évaluation de la protection par l'ISE de la vie privée et des libertés publiques, notamment les actions mises en oeuvre l'année précédente pour garantir leur respect ;

- et enfin une évaluation des mesures de protection de la sécurité utilisées par l'ISE.

ANNEXE : DOCUMENTS UTILISÉS

• Textes législatifs et règlementaires

Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism (USA PATRIOT ACT) Act of 2001

loi de 2001 visant à unir et renforcer les États-Unis en fournissant les outils appropriés nécessaires pour intercepter et empêcher le terrorisme

U.S. Code

code des États-Unis

Foreign intelligence surveillance act of 1978

loi de 1978 sur la surveillance des renseignements extérieurs

Homeland Security Act of 2002

loi sur la sécurité nationale de 2002

Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act of 2004

loi visant à reformer le renseignement et à prévenir le terrorisme

• Autres documents

Report from the Field: the USA Patriot Act at work, U.S. Department of Justice 2004

rapport de terrain : le Patriot Act américain au travail, ministère de la Justice, 2004

Site internet du ministère fédéral de la Justice


* 1 Rapporteur des articles 1 er à 11 et 17 à 21.

* 2 Rapporteur des articles 12 à 16 et 22 à 34.

* 3 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-719 DC du 13 août 2015, loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

* 4 Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, modifiée par la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015.

* 5 Loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions.

* 6 Selon la terminologie de l'article 1 er de la loi du 3 avril 1955.

* 7 Loi n° 2016-162 du 19 février 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

* 8 Rapport n° 368 (2015-2016) fait par M. Michel Mercier, sénateur, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

* 9 Voir les propos du chef de l'État lors de la réunion du Congrès du 16 novembre 2015 : « Puisque la menace va peser durablement et que la lutte contre Daech va nous mobiliser encore longtemps sur le front extérieur comme sur le terrain intérieur, j'ai également décidé de renforcer substantiellement les moyens dont disposent la justice et les forces de sécurité. D'abord, les services d'enquête et les magistrats antiterroristes doivent pouvoir recourir, dans le cadre de la procédure judiciaire, à tout l'éventail des techniques de renseignement qu'offrent les nouvelles technologies, et dont la nouvelle loi sur le renseignement a autorisé l'utilisation dans un cadre administratif. La procédure pénale doit également prendre en compte, de la manière la plus étroite possible, la spécificité de la menace terroriste . »

* 10 Voir la version adoptée par le Sénat du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

* 11 Question qui fait l'objet de propositions du Gouvernement dans les textes « justice du XXI ème siècle » et « indépendance des magistrats » examinés par le Sénat à l'automne dernier.

* 12 Loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

* 13 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.

* 14 Directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires (dite « directive C »).

* 15 Refonder le ministère public , novembre 2013, rapport au garde des sceaux de la commission de modernisation de l'action publique sous la présidence de Jean-Louis Nadal.

* 16 Rapport sur la procédure pénale, juillet 2014, Jacques Beaume.

* 17 À l'article 24 du projet de loi.

* 18 Réforme qui résulte de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.

* 19 Technique consistant à autoriser des agents à acquérir des biens interdits à la vente ou de fournir une aide logistique aux personnes se livrant à des trafics, sans que la responsabilité des agents soit engagée.

* 20 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-719 DC du 13 août 2015, loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

* 21 Chaîne Applicative Supportant le Système d'Information Orienté Procédure pénale Et Enfants.

* 22 Dispositions contenues dans la proposition de loi votée le 2 février dernier par le Sénat.

* 23 Dispositions contenues dans la proposition de loi votée le 2 février dernier par le Sénat.

* 24 - crime ou délit flagrant ;

- risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels ;

- raisons plausibles de soupçonner la commission, dans les locaux qu'il est envisagé de perquisitionner, de crimes ou délits organisés.

* 25 Principe dont l'origine remonte à l'article 76 de la Constitution du 22 frimaire an VIII (« La maison de toute personne habitant le territoire français, est un asile inviolable. - Pendant la nuit, nul n'a le droit d'y entrer que dans le cas d'incendie, d'inondation, ou de réclamation faite de l'intérieur de la maison. - Pendant le jour, on peut y entrer pour un objet spécial déterminé ou par une loi, ou par un ordre émané d'une autorité publique . »).

* 26 Devenue la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996.

* 27 La fonction de juge des libertés et de la détention n'existait pas en 1996.

* 28 Conseil constitutionnel, décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996.

* 29 Liberté publique que le Conseil constitutionnel rattachait à l'époque à la liberté individuelle résultant de l'article 66 de la Constitution.

* 30 Devenue loi n° 2004-204 du 9 mars 2004.

* 31 Conseil constitutionnel, décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs.

* 32 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

* 33 Conseil constitutionnel, décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004.

* 34 Considérant n° 46.

* 35 Loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions.

* 36 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l'homme.

* 37 Considérant n° 10.

* 38 Rapport n° 335 (2015-2016) fait par M. Michel Mercier, sénateur, au nom de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Philippe Bas et plusieurs de ses collègues tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l15-335/l15-3351.pdf

* 39 Voir le compte-rendu à cette adresse :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20151207/suivi.html#toc2

* 40 David Bénichou, « Accès à un compte de données personnelles à l'insu de son titulaire : aspects techniques et juridiques », AJ Pénal, 2013, page 451.

* 41 Exemple : arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 17 décembre 2014.

* 42 Cour de cassation, Chambre criminelle, arrêt n° 3648 du 8 juillet 2015 (14-88.457).

* 43 Les problèmes posés par l'application de la captation des données informatiques à distances sont développés dans le commentaire de l'article 3 bis A.

* 44 Un webmail est une interface permettant la consultation de courriers électroniques directement depuis un navigateur web, à l'instar de Gmail ou d'Outlook.com par exemple.

* 45 L' International Mobile Subscriber Identity (IMSI) constitue le numéro d'identification de la carte SIM du téléphone mobile.

* 46 Rapport n° 460 (2014-2015) fait par M. Philippe Bas, sénateur, au nom de la commission des lois sur le projet de loi relatif au renseignement. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l14-460/l14-4601.pdf

* 47 Procédure définie aux articles L. 821-1 à L. 821-8 du code de la sécurité intérieure (autorisation du Premier ministre, sur demande du ministre de tutelle du service de renseignement utilisateur, délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement).

* 48 Il s'agit du numéro international de l'équipement mobile (international Mobile Equipment Identity [IMEI]), qui caractérise chaque boitier de téléphone portable ou de tablette.

* 49 Parmi lesquelles le numéro IMSI .

* 50 Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

* 51 Qui traite des opérations de sonorisation et de fixation d'images dans les lieux privés ou publics.

* 52 Cette formulation est identique à celle de l'article 230-35 du code de procédure pénale consacré aux opérations de géolocalisation.

* 53 Assemblée nationale, compte rendu intégral, première séance du 3 mars 2016.

* 54 Objet de l'amendement n° 386 (2 ème rect) du Gouvernement au projet de loi relatif au renseignement.

* 55 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, loi relative au renseignement.

* 56 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-506 QPC du 4 décembre 2015, M. Gilbert A.

* 57 En application de l'article 3 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

* 58 Avocats.

* 59 Journalistes.

* 60 Parlementaires et membres des « professions protégées ».

* 61 Loi n° 2014-372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation.

* 62 À l'exception des magistrats en l'état actuel du droit en vigueur.

* 63 Campbell c/ Royaume Uni 1992, Viemietz c/ Allemagne 1992, Halford c/ RU 1997, Kopp c/ Suisse 1998, Valenzuela c/. Espagne 1998, Amann c/ Suisse 2000, Case of Taylor Sabori c/ RU 2003, Prado Bugallo c/ Espagne 2003.

* 64 Un grand nombre de coordinations ayant du reste été omises dans cet article, ayant pour effet de ne pas faire bénéficier les juridictions et domiciles des magistrats des protections actuellement prévues par le code pour les autres professions protégées.

* 65 Rapport n° 335 (2015-2016) précité.

* 66 L'article D. 15-1-5 définit la liste de ces services, parmi lesquels les services judiciaires de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou encore la direction générale de la sécurité intérieure.

* 67 Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015.

* 68 Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2.

* 69 Un programme dit « cheval de troie » a l'apparence d'un logiciel légitime mais peut contenir en réalité un virus, un enregistreur de frappe (dit keylogger) ou un espiologiciel.

* 70 Auquel cas, la procédure applicable est définie à l'article 706-102-5 du code de procédure pénale.

* 71 Rapport du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité « Protéger les internautes - Rapport sur la cybercriminalité », dirigé par Marc Robert, février 2014 .

* 72 Décret n° 2015-1700 du 18 décembre 2015 relatif à la mise en oeuvre de traitements de données informatiques captées en application de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale.

* 73 Créé par le décret modifié n° 2002-1073 du 7 août 2002 d'application de l'article 30 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne et portant création du centre technique d'assistance.

* 74 Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

* 75 La détention est prohibée pour les mineurs de moins de 13 ans.

* 76 Ainsi que dans le cas où ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle judiciaire prononcé conformément aux dispositions du III de l'article 10-2 de l'ordonnance de 1945 ou à celles d'une assignation à résidence avec surveillance électronique.

* 77 Sur un nombre total de mises en examen pour terrorisme de plus d'une centaine.

* 78 Rapport n° 335 (2015-2016) précité.

* 79 Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

* 80 Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

* 81 Propos cités dans le rapport n° 388 (2014-2015) Filières « djihadistes » : pour une réponse globale et sans faiblesse, fait au nom de la commission d'enquête sur les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes, page 70.

* 82 Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire.

* 83 « Comme les infractions formelles, les infractions-obstacles s'analysent en un comportement dangereux susceptible de produire un résultat dommageable ou d'être suivi d'autres comportements susceptibles de produire un tel résultat et incriminé à titre principal, indépendamment de la réalisation de ce résultat. Elles diffèrent cependant des infractions formelles (exemple : l'empoisonnement) par le fait que le résultat, s'il se produit, caractérise une autre infraction. En réprimant le comportement initial, le législateur entend en effet faire obstacle à la commission de cette seconde infraction » dans Droit pénal général , Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec, Economica, 2008, page 415.

* 84 Voir le compte-rendu à cette adresse :
http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20151207/suivi.html#toc2

* 85 Par renvoi de l'article 706-25 du code de procédure pénale, l'article 698-6 prévoit que la cour d'assises compétente en la matière est exclusivement composée de conseillers de la cour d'appel, soit parmi les présidents et vice-présidents ou juges du tribunal de grande instance de Paris. La cour d'assises est composée de sept magistrats en premier ressort et de neuf magistrats en appel.

* 86 Le titre II « Des atteintes à la personne humaine » du code pénal énumère de nombreux crimes d'atteintes aux personnes, dont les principaux sont le meurtre, l'assassinat et l'empoisonnement.

* 87 Votre rapporteur renvoie à la lecture des pages 52 et 53 de son rapport n° 335 (2015-2016) précité pour une présentation du SME et de ses obligations.

* 88 La durée de la période de sûreté facultative ne peut excéder les deux-tiers de la peine prononcée ou vingt-deux ans en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité. Toutefois, cette seconde hypothèse semble superflue puisque le législateur a prévu l'application de plein droit de la période de sûreté à l'ensemble des crimes punis de la réclusion criminelle à perpétuité.

* 89 Si la période de sûreté n'empêche pas le prononcé de réductions de peine, celles-ci ne peuvent s'imputer sur la partie de la peine non couverte par celle-ci (alinéa 4 de l'article 132-23 du code pénal).

* 90 CEDH, 9 juillet 2013, Vinter et a. C/Royaume-Uni, requête n° 66069/09 ; CEDH, 13 novembre 2014, Bodein c/ France; CEDH, 3 février 2015, Hutchinson c/ Royaume-Uni, requête n° 57592/08 .

* 91 Pour la présentation de ces dispositions, votre rapporteur renvoie à la lecture des pages 47 à 50 de son rapport n° 335 (2015-2016) précité.

* 92 Ministres de l'intérieur, de la défense ainsi que de l'économie, du budget ou des douanes.

* 93 Ces services, dont les missions sont définies à l'article L. 811-2, sont mentionnés à l'article R. 811-1 résultant du décret n° 2015-1185 du 28 septembre 2015 portant désignation des services spécialisés de renseignement.

* 94 Décret n° 2015-1639 du 11 décembre 2015 relatif à la désignation des services autres que les services spécialisés de renseignement, autorisés à recourir aux techniques mentionnées au titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, pris en application de l'article L. 811-4 du code de la sécurité intérieure.

* 95 Voir les développements qui y sont consacrés dans le rapport d'activité 2015 (n° 423) fait par M. Jean-Pierre Raffarin au nom de la délégation parlementaire au renseignement.

* 96 Arrêté du 30 juin 2015 fixant l'organisation en sous-directions de la direction de l'administration pénitentiaire et arrêté du même jour fixant l'organisation en bureaux de la direction de l'administration pénitentiaire.

* 97 Avis n° 170 - Tome VIII Administration pénitentiaire (2015-2016), fait par M. Hugues Portelli au nom de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2016. Cet avis est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a15-170-16/a15-170-161.pdf

* 98 Rapport d'activité 2015 (n° 423) précité.

* 99 Voir compte-rendu de cette réunion : « Sur le décret du 11 décembre 2015 concernant les services du second cercle, la liste de ces derniers est peut-être trop longue. Je ne vous cache pas que la commission s'était prononcée en faveur d'une liste plus courte. Le Gouvernement, après avis du Conseil d'État, a préféré retenir une liste un peu plus longue. Est-ce que cette liste a une importance en matière de contrôle ? Bien sûr, car le périmètre est plus grand . »

* 100 Article 12 du projet de loi initial.

* 101 Frédéric Desportes et Laurence Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale , Troisième édition (ouvrage à jour au 1 er septembre 2013), Economica.

* 102 Articles 2-14 et 2-15 par exemple.

* 103 Assemblée nationale, compte rendu intégral, deuxième séance du 3 mars 2016.

* 104 Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

* 105 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.

* 106 Avis n° 170 - Tome VIII Administration pénitentiaire (2015-2016), fait par M. Hugues Portelli au nom de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2016.

* 107 On compte une peine de contrainte pénale pour 44 décisions de SME prononcées.

* 108 Pour une présentation détaillée des unités dédiées, votre rapporteur renvoie à la lecture du commentaire de l'article 17 dans son rapport n° 335 (2015-2016) précité.

* 109 Contrôleur général des lieux de privation de liberté, avis du 11 juin 2015 sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral, Journal officiel du 30 juin 2015.

* 110 Voir considérant 3 de la décision n° 2009-593 DC du 19 novembre 2009 (loi pénitentiaire).

* 111 Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

* 112 Avis n° 170 (2015-2016) précité.

* 113 Personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou le délit d'entrave aux blocages des sites Internet créé par l'article 4 sexies du projet de loi.

* 114 Ces réductions ne peuvent excéder trois mois par année d'incarcération ou sept jours par mois lorsque la durée d'incarcération restant à subir est inférieure à une année.

* 115 Personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou le délit d'entrave aux blocages des sites Internet créé par l'article 4 sexies du projet de loi.

* 116 À titre d'exemple, la composition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (CPMS) est définie dans la partie réglementaire du code de procédure pénale (article R. 61-8).

* 117 Personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou le délit d'entrave aux blocages des sites Internet créé par l'article 4 sexies du projet de loi.

* 118 Article 6 : « ... Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. ... »

* 119 CEDH 24 nov. 1997, Szücs et Werner c/ Autriche , requêtes n° 2060292 et n° 2183593.

* 120 Crim. 27 sept. 2000 , no 00-82.229, bulletin criminel n° 283

* 121 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

* 122 Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne

* 123 En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement, un témoin peut être entendu sans que son identité n'apparaisse dans le dossier de la procédure. Cette décision n'est pas susceptible de recours.

* 124 Conformément à l'article 706-62 du code de procédure pénale et aux exigences posées par la Cour européenne des droits de l'Homme.

* 125 L'article 132-78 du code de procédure pénale définit ces collaborateurs de la justice comme les personnes qui, impliquées dans la commission de l'infraction, ont permis d'éviter la réalisation de l'infraction et d'identifier les autres auteurs ou complices en avertissant les autorités administratives ou judiciaires.

* 126 Notamment la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (UNTOC) et la Convention des Nations Unies contre la corruption et, au sein du Conseil de l'Europe, la Convention pénale sur la corruption (STE n° 173), la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197), le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (STE n° 182) et les Recommandations du Comité des Ministres n° R (97) 13, Rec(2001)11 et Rec(2005)9.

* 127 Rapport n° 149 (2011-2012) de M. Antoine Lefèvre fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-255.html

* 128 Voir le commentaire de l'article 9.

* 129 Art. R. 312-26 du code de la sécurité intérieure.

* 130 Art. R. 312-27 du même code.

* 131 Art. R. 312-30 du même code.

* 132 Art. R. 312-31 et suivants du même code.

* 133 Cette procédure de dessaisissement a été considérée comme conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel : décision n° 2011-209 QPC du 17 janvier 2012 M. Jean-Claude G. [Procédure de dessaisissement d'armes].

* 134 En application de l'article L. 312-13, préfet peut ultérieurement lever cette interdiction si la personne ne présente plus de menace.

* 135 Art. R. 312-79 du code de la sécurité intérieure.

* 136 Voir le commentaire de l'article 9.

* 137 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl97-011.html

* 138 Décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 M. Jean-Victor C. [Fichier empreintes génétiques].

* 139 Source : CNIL. Dans les commentaires de la décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 M. Jean-Victor C. [Fichier empreintes génétiques] , il est précisé qu'au 1 er juin 2010, 1 363 704 personnes étaient inscrites dans le FNAEG (313 106 personnes condamnées et 1 050 598 personnes soupçonnées).

* 140 Rapport n° 149 (2011-2012) de M. Antoine Lefèvre fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-255.html

* 141 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/ratification_ordonnances_code_securite_interieure.asp

* 142 Étude d'impact, p. 19.

* 143 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité .

* 144 Considérant n° 17 et 18.

* 145 Considérant 17.

* 146 Décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, M. Maurice L. et autre [Prolongation exceptionnelle de la garde à vue pour des faits d'escroquerie en bande organisée].

* 147 Considérant n° 13.

* 148 Dans sa décision 2004-492 précité, le Conseil constitutionnel relève ainsi que « si le vol commis en bande organisée trouve sa place dans cette liste, il ne saurait en être ainsi que s'il présente des éléments de gravité suffisants pour justifier les mesures dérogatoires en matière de procédure pénale prévues à l'article 1er de la loi déférée (considérant 17).

* 149 Voir commentaire de l'article 9.

* 150 Rapport n° 149 (2011-2012) de M. Antoine Lefèvre fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-255.html. Voir le commentaire de l'article 7.

* 151 Voir le commentaire de l'article 7.

* 152 La vente et le commerce à l'échelle industrielle sont régies par le code de la défense.

* 153 « La criminalité en France » Rapport 2013 de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.

* 154 Le trafic d'armes dans les Balkans occidentaux : La Revue du Grasco n°3, octobre 2012.

* 155 Source : DACG.

* 156 Source : DACG.

* 157 Source : DACG.

* 158 Étude d'impact, p. 35 : « la très grande majorité de ces condamnations de port d'armes concerne des armes de catégorie B avec 170 condamnations en 2014. On retrouve une proportion similaire pour les transports d'armes de catégorie B. »

* 159 JCL Fasc. 30 : Armes et munitions. Matériels de guerre. - Fabrication et commerce, 4.

* 160 Voir le commentaire de l'article 7.

* 161 En outre, cette infraction ne distinguerait pas les catégories d'armes.

* 162 Quelle que soit l'arme introduite.

* 163 Une disposition identique existe au bénéfice des forces de l'ordre, pour les infractions liées à la criminalité organisée (art. L. 706-81 du code de procédure pénale). L'article 8 du présent texte étend cette possibilité pour les forces de l'ordre au trafic d'armes.

* 164 Pour les forces de l'ordre, la technique du coup d'achat serait également étendue pour permettre l'acquisition d'armes : voir le commentaire de l'article 8 du présent texte.

* 165 Rapport n° 149 (2011-2012) de M. Antoine Lefèvre fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-255.html

* 166 Recommandation n° 30, issue du Rapport du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité « Protéger les internautes - Rapport sur la cybercriminalité », dirigé par Marc Robert, février 2014 , page 211.

* 167 Recommandation n° 31, issue du Rapport de Marc Robert, précité, page 212.

* 168 Cet article, créé par la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne afin de tirer les conséquences de la décision n° 2004-420/421, définit un régime procédural spécifique reprenant toutes les dispositions de la procédure applicable à la criminalité organisée à l'exception de la prolongation de la garde à vue jusqu'à quatre jours.

* 169 Rapport du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité « Protéger les internautes - Rapport sur la cybercriminalité », dirigé par Marc Robert, février 2014 , page 42.

* 170 Avis sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, adopté en Assemblée plénière le 17 mars 2016, pages 18 à 19.

* 171 Selon l'article 421-2-1, constitue « un acte de terrorisme le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme mentionnés aux articles précédents. » et selon l'article 421-2-2, constitue un acte de terrorisme « le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l'intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu'ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l'un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d'un tel acte ».

* 172 Acronyme de Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins

* 173 En application de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, toute personne domiciliée en France ainsi que toute personne de nationalité française résidant hors de France a droit à l'ouverture d'un compte de dépôt dans l'établissement de crédit de son choix, si elle en est dépourvue. En cas de refus, le demandeur peut saisir la Banque de France, qui désigne un établissement de crédit situé à proximité du lieu de son choix. L'établissement est alors tenu de procéder à l'ouverture du compte sous trois jours ouvrés.

* 174 Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 relative à la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet

* 175 Loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité.

* 176 Cette disposition s'applique tout particulièrement à la lutte contre la pédopornographie.

* 177 Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

* 178 Voir compétence concurrente article 11.

* 179 Les juridictions interrégionales spécialisées sont. Ressort couvrant plusieurs cours d'appel. Compétentes à la fois en matière de criminalité organisée et en matière économique et financière.

* 180 Voir le commentaire de l'article 9.

* 181 Créé par l'article 9 du présent projet de loi.

* 182 Cette infraction figurait déjà dans la liste de l'article 78-2-2, car l'article L. 317-8 pénalisait le port et le transport d'armes de catégorie A à D, mais la distinction entre le port et le transport d'une arme de catégorie A ou B (infraction figurant dans le code pénal) et le port et le transport d'une arme de catégorie C ou D (maintenu dans le code de la sécurité intérieure) nécessite de faire mention de l'article 222-54 nouveau du code pénal dans la liste de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale.

* 183 Rapport n° 291 (2015-2016) fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des lois sur la sécurité dans les gares.

* 184 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl15-281.html

* 185 Décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, art. 2 (8°)

* 186 « Or, cette retenue [sur le fondement de l'article 78-3] ne repose actuellement sur aucun fondement juridique. En effet, les conditions légales prévues par l'article 78-3 du code de procédure pénale relatif aux vérifications d'identité, qui permet de retenir les personnes pendant une durée maximale de quatre heures, ne sont pas nécessairement réunies. Par ailleurs, la mise en oeuvre de cette brève retenue pourrait s'assimiler à un détournement de procédure dès lors qu'elle serait utilisée dans un autre objectif que celui de la vérification d'identité. »

* 187 Compte-rendu intégral de la première séance du mercredi 2 mars 2016 à l'Assemblée nationale.

* 188 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 189 Rapport, p. 95.

* 190 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/retablissement_autorisation_sortie_territoire_mineurs.asp

* 191 La circulaire du ministre de l'Intérieur n° 161 du 8 avril 1960 relative au franchissement des frontières métropolitaines par les mineurs français faisant partie de colonies de vacances, les circulaires du ministre de l'Intérieur n° 81-46 et n° 81-252 du 9 juillet 1981 encadrant les voyages des groupes scolaires à l'étranger et la circulaire du ministre de l'Intérieur n° NOR/INT/D/90/00124/e du 11 mai 1990, relative au franchissement des frontières nationales par les mineurs de nationalité française.

* 192 Rapport n° 3093 de M. Guy Geoffroy sur la proposition de loi n° 2960 visant à rétablir pour les mineurs l'autorisation de sortie du territoire.

* 193 n° INTD1237286C.

* 194 Rapport n° 3093 précité.

* 195 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2014/r14-388-notice.html .

* 196 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/retablissement_autorisation_sortie_territoire_mineurs.asp

* 197 Cette interdiction est inscrite au fichier des personnes recherchées.

* 198 Le rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l12-453/l12-4531.pdf

* 199 « N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte. N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction. ».

* 200 Lyon, 28 nov. 1962, Gaz. Pal., 1963.2.195.

* 201 Crim., 16 oct. 1979, D. 1980 IR p.522 note Puech.

* 202 Soyer (J-C.), Droit pénal et procédure pénale, 21 ème édition, LGDJ 2012.

* 203 Pour une illustration : Crim., 10 octobre 2007, pourvoi n° 06-88. 426, arrêt n° 5421.

* 204 Les deux arrêts Crim 28 nov. 1972 et Crim., 16 juillet 1986, dont les espèces sont très proches.

* 205 Crim., 16 juillet 1986, D, 1988. 390 note Dekeuwer.

* 206 « Toutefois, les représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement peuvent faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent. »

* 207 Une disposition analogue avait été instituée pour les policiers par l'acte dit « loi du 18 septembre 1943 », puis supprimée par l'ordonnance du 31 mars 1945, avant d'être rétablie - dans des termes identiques à l'art. 174 applicable aux gendarmes - par une ordonnance n° 58-1309 du 23 déc. 1958, puis à nouveau supprimée le 31 mai 1963, comme le rappelle A. Dekeuwer (D. 1988. 390).

* 208 CEDH 27 sept. 1995 Mc Cann, Farell et Savage C/ RU.

* 209 CEDH 5 juin 2012, Ülüfer contre Turquie. Cet arrêt est particulièrement intéressant car la Cour s'est prononcée sur la conformité de dispositions comparables à l'article L. 2338-3 du code de la défense français, mais interprétées littéralement par les juridictions turques. En conséquence, la Cour a constaté une violation de la convention. A contrario, dans l'arrêt Gardner contre France du 17 avril 2014, la Cour constate que « les dispositions précitées [article L. 2338-3 du code de la défense] sont largement atténuées par la jurisprudence de la Cour de cassation qui exige que le recours à la force meurtrière soit absolument nécessaire au regard des circonstances de l'espèce » (66). Les dispositions du code ne sont donc pas considérées comme contraires à la Convention.

* 210 CEDH Gardner contre France, § 62.

* 211 Article 122-7 du code pénal : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

* 212 Pradel (J.), Varinard (A), Grands arrêts du droit pénal général, Dalloz 8 ème éd., 2012., p. 313.

* 213 Crim., 10 octobre 2007, pourvoi n° 06-88. 426, arrêt n° 5421.

* 214 Crim., 10 octobre 2007, pourvoi n° 06-88. 426, arrêt n° 5421.

* 215 Crim., 12 mars 2013, pourvoi n° 12-82683, publié au Bulletin.

* 216 Crim., 9 février 2010, pourvoi n° 09-81399, non publié au Bull.

* 217 Dans l'espèce précitée, la Cour de cassation relève que le militaire n'a aucune formation en matière de maintien de l'ordre, n'a aucun autre équipement que son fusil d'assaut « inapproprié à la mission », et n'était accompagné d'aucun policier ou d'un autre membre de service d'ordre, sans que ces éléments ne jouent dans la reconnaissance ou non de la légitime défense.

* 218 Commentaire sous Crim., 16 juillet 1986, D, 1988. 390 note Dekeuwer.

* 219 La mission indépendante de réflexion sur la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes , présidée par M. Mattias Guyomar avait pour objectif de réfléchir à des dispositifs pour assurer une meilleure protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes quand leur faute personnelle n'est pas avérée. Cette mission a rendu son rapport au ministre de l'intérieur le 13 juillet 2012.

* 220 Proposition n° 24.

* 221 Cette formulation serait identique à celle retenue par le législateur pour le dispositif d'interdiction de sortie du territoire créé par la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

* 222 Dans la version initiale du texte, cette première série d'obligations était également applicable aux personnes ayant accompli des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes, critère supprimé par les députés.

* 223 Cet ajout, redondant avec les précisions portées par l'article suivant, ont été introduites par les députés sur proposition de M. Coronado.

* 224 Article L. 224-1 du CSI.

* 225 Procédure du « référé suspension ».

* 226 Procédure du « référé liberté ».

* 227 Voir rapport n° 335 (2015-2016) précité.

* 228 Conseil d'État, décisions n o s 395009, 394990, 394992, 394993, 394989, 394991 et 395002 du 11 décembre 2015.

* 229 Il peut être observé que l'attentat commis dans le stade de Grozny le 9 mai 2004 a été perpétré à l'aide d'un engin explosif intégré dans la structure même du stade.

* 230 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl15-281.html

* 231 Au sein de la section 3 (consacrée aux attributions du procureur de la République) du chapitre II du titre I er du livre I er du code.

* 232 L'article 13 confie pour sa part une mission de surveillance de la police judiciaire au procureur général et une mission de contrôle à la chambre de l'instruction.

* 233 Alors que, par exemple, l'article 39-2 détaille la nature de ses missions en matière de prévention des infractions à la loi pénale.

* 234 Pour mémoire, votre rapporteur rappelle que l'article 31 du code de procédure pénale précise déjà que le ministère public est astreint au respect du principe d'impartialité.

* 235 CEDH, 5 e section, Moulin c. France, 23 novembre 2010, req. n° 37104/06.

* 236 Qui fait l'objet d'un projet de loi constitutionnelle adopté en première lecture par le Sénat le 4 juillet 2013.

* 237 Ces procédures sont également applicables aux décisions de refus d'habilitation de la qualité d'officier de police judiciaire.

* 238 Objet de l'amendement n° 553 rectifié déposé par le Gouvernement en séance publique.

* 239 Rapport sur la procédure pénale, juillet 2014, Jacques Beaume.

* 240 Dans sa décision du 24 avril 1990, Kruslin et Huvig , la CEDH sanctionne la France pour violation de l'article 8 de la CEDH relatif au droit à la vie privée et familiale, non pas en raison de l'absence de texte législatif autorisant les écoutes mais à raison du défaut de précision du droit français, la jurisprudence relative aux écoutes téléphoniques n'ayant pas identifié les personnes susceptibles d'écoutes, les infractions justifiant le recours à ce procédé ou le sort des enregistrements.

* 241 Loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques .

* 242 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

* 243 Étude d'impact du présent projet de loi, page 109.

* 244 Contrairement au juge des libertés et de la détention, le juge d'instruction est nommé par décret et ne peut être relevé de ses fonctions par les chefs de cour.

* 245 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-506 QPC du 4 décembre 2015, M. Gilbert A.

* 246 Conseil constitutionnel, décision n° 2014-446 QPC du 29 janvier 2015, M. Maxime T.

* 247 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-719 DC du 13 août 2015, loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

* 248 Ou, le cas échéant, au contrôle judiciaire ou à l'assignation à résidence avec surveillance électronique.

* 249 Qui ne peut être fondée que sur une partie des motifs légaux, fixés à l'article 144, autorisant le recours à la détention provisoire.

* 250 Cass. crim., 5 février 2014, n° 13-87.372, Bull. crim n° 36 et 13-87.897, Bull. crim. n° 37.

* 251 À défaut d'une telle précision, seul s'appliquerait le délai raisonnable de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

* 252 Il est à noter que la personne mise en examen ne peut faire appel de l'ordonnance de renvoi, à l'exception des cas prévus à l'article 186-3.

* 253 Si le président de la chambre de l'instruction constate qu'il a été fait appel d'une ordonnance non visée aux alinéas 1 à 3 de l'article 186, il rend d'office une ordonnance de non-admission de l'appel qui n'est pas susceptible de voies de recours. Il en est de même lorsque l'appel a été formé après l'expiration du délai prévu au quatrième alinéa de l'article 186 ou lorsque l'appel est devenu sans objet. Le président de la chambre de l'instruction est également compétent pour constater le désistement de l'appel formé par l'appelant.

* 254 Cas d'une personne en fuite, avec mandat d'arrêt (article 179, alinéa 2), qui est arrêtée et placée en détention provisoire après l'ordonnance de renvoi, soit d'une personne placée sous contrôle judiciaire qui ne respecte pas les obligations de son contrôle et est alors placée en conséquence en détention provisoire.

* 255 Pour les ordonnances de mise en accusation, ce délai est de quatre mois en application de l'article 186-2.

* 256 Les cas de pourvoi en cassation sur les ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel sont au demeurant limités par les dispositions de l'article 574.

* 257 Cass. crim., 18 août 2010, n° 10-83656, Bull. Crim. n° 125.

* 258 Décision n° 2014-446 QPC précitée.

* 259 Voir le considérant n° 14.

* 260 Situation faisant l'objet de la clarification proposée par le III ci-dessus.

* 261 Par les décisions du 10 juillet 2008, Medvedyev et a. c/ France, puis l'arrêt de grande chambre du 28 mars 2010, Medvedyev c/ France, requête n° 3394/03, la CEDH condamne la France en raison de l'absence de cadre légal régissant les modalités de privation de liberté à bord des navires.

* 262 CEDH, 28 mars 2010, Medvedyev c/ France et CEDH, Rigolopoulois c/ Espagne.

* 263 CEDH, 27 juin 2013, Vassis c/ France, requête n° 62736 et CEDH, 4 décembre 2014, Ali Samatar et Hassan et autres c/ France, requête n° 46695/10.

* 264 CEDH, 29 novembre 1988, Brogan et autres c. Royaume-Uno, requête n° 11209/84.

* 265 Cette condamnation du parquet français, esquissée dans la décision du 10 juillet 2008, Medvedyev et a. c/ France, a été confirmée par la décision du 23 novembre 2010, Moulin c. France, requête n° 37104/06.

* 266 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-719 DC du 13 août 2015, loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

* 267 Au sein de chaque tribunal de grande instance, la CIVI statue sur les demandes d'indemnisation présentées par les victimes d'infractions ou leurs ayants droit.

* 268 Loi n° 2008-644 du 1 er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines.

* 269 Décision n° 2015-494 QPC du 16 octobre 2015, Consorts R. [Procédure de restitution, au cours de l'information judiciaire, des objets placés sous main de justice].

* 270 Décision n° 2015-494 QPC du 16 octobre 2015, Consorts R. [Procédure de restitution, au cours de l'information judiciaire, des objets placés sous main de justice].

* 271 Rapport sur la procédure pénale, juillet 2014, Jacques Beaume.

* 272 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 273 Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.

* 274 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 275 Il s'agit de la décision de condamnation à une peine de prison, transmise au juge de l'application des peines pour aménagement.

* 276 En cas d'urgence motivée soit par un risque de danger pour les personnes ou les biens établi par la survenance d'un fait nouveau, soit par l'incarcération de la personne dans le cadre d'une autre procédure, soit d'un risque avéré de fuite du condamné, le ministère public peut mettre la peine à exécution en établissement pénitentiaire.

* 277 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 278 Peine définie à l'article 131-5 du code pénal.

* 279 Cour européenne des droits de l'homme, Brunet c/ France, 18 septembre 2014.

* 280 Système de traitement des infractions constatées.

* 281 Traitement d'antécédents judiciaires régi par les articles 230-6 à 230-11 du CPP. Le TAJ résulte de la fusion du STIC et du fichier JUDEX (système judiciaire de documentation et d'exploitation).

* 282 Modifié par votre commission pour tenir compte de la rédaction proposée par le Gouvernement.

* 283 Exception faite d'un article adopté par le Sénat contre l'avis de votre commission.

* 284 Mme Le Vert indiquait ainsi : « J'en viens aux difficultés techniques que nous rencontrons, qui pourraient faire l'objet de modifications législatives. Nos cabinets sont absorbés par des contentieux que l'on pourrait réduire, à commencer par celui de la détention. Certaines personnes mises en examen forment une demande de mise en liberté tous les jours. Cela proscrit tout dysfonctionnement dans les transmissions, aujourd'hui en grande majorité dématérialisées, car s'il n'est pas statué dans les délais, la mise en liberté doit être ordonnée d'office. Ces demandes consomment beaucoup de temps de travail de greffiers et de juges, et génèrent un risque permanent de mise en liberté d'office ».

* 285 Conseil constitutionnel, décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986, loi relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance.

* 286 Ces dispositions ne sont plus en vigueur depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

* 287 Cass. Crim., 3 sept. 2003 ; Bull. crim. 2003, n° 152. - Cass. Crim., 1 er févr. 2005 ; Bull. crim. 2005, n° 33.

* 288 Article 145 du code de procédure pénale.

* 289 La mise en liberté pour vice de procédure est ordonnée par la juridiction si elle constate elle-même l'irrégularité de la détention et par le ministère public dans les autres cas.

* 290 Auxiliaires du parquet, les personnes physiques ou morales habilitées comme délégué du procureur, peuvent exécuter des mesures de rappel à la loi, de réparation ou encore de composition pénale. Les médiateurs du procureur peuvent également mettre en oeuvre toutes les mesures d'alternatives aux poursuites.

* 291 La procédure de comparution immédiate est possible seulement si les chargées réunies apparaissent suffisantes au ministère public, si l'affaire est en l'état d'être jugée, si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans ou à six mois en cas de délit flagrant.

* 292 Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes ; fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes.

* 293 Justifier des motifs de ses changements d'emploi ou de résidence qui font obstacle à l'exécution du travail d'intérêt général selon les modalités fixées et obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement qui ferait obstacle à l'exécution du travail d'intérêt général selon les modalités fixées.

* 294 Décision n° 2014-375 et autres QPC du 21 mars 2014, M. Bertrand L. et autres [Régime de saisie des navires utilisés pour commettre des infractions en matière de pêche maritime].

* 295 Voir le commentaire de l'article 27 ter .

* 296 En application de l'article 1018 A du code général des impôts, ce droit de procédure est de 22 euros pour les ordonnances pénales en matière contraventionnelle ou correctionnelle et les autres décisions des tribunaux de police et des juridictions de proximité et celles des juridictions qui ne statuent pas sur le fond ; 90 euros pour les décisions des tribunaux correctionnels. « Toutefois, ce droit est porté à 180 euros si le condamné n'a pas comparu personnellement, dès lors que la citation a été délivrée à personne ou qu'il est établi que le prévenu a eu connaissance de la citation, sauf s'il est jugé en son absence dans les conditions prévues par les premier et deuxième alinéas de l'article 411 du code de procédure pénale. Cette majoration ne s'applique pas si le condamné s'acquitte volontairement du montant du droit fixe de procédure dans un délai d'un mois à compter de la date où il a eu connaissance de la décision ». Enfin, ce droit est de 120 euros pour les décisions des cours d'appel statuant en matière correctionnelle et de police, de 150 euros pour les décisions de la Cour de cassation statuant en matière criminelle, correctionnelle ou de police, et de 375 euros pour les décisions des cours d'assises.

* 297 Loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales.

* 298 Décisions du Conseil constitutionnel du 18 novembre 2011 n°2011/191/194/195/196/197 QPC et du 18 juin 2012 n°2012-257 QPC.

* 299 Cette disposition a fait l'objet d'une censure par le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2015-494 QPC : voir le commentaire de l'article 27 ter .

* 300 Crim., 10 juil. 1996, n° 95-85629.

* 301 Crim., 5 déc. 2001, n° 01-80315.

* 302 Rapport annuel de l'AGRASC pour 2014, p. 28.

* 303 1,6 million d'euros ont été consacrés aux victimes, contre 1 million en 2013.

* 304 Celle-ci indiquant parfois que ces dispositions ne sauraient entraîner une nullité (Cass crim. 26 juillet 1989, 17 février 2004) et parfois qu'elles doivent être observées à peine de nullité (Cass crim. 6 janv. 2015).

* 305 Avis n° 106 (2009-2010) de MM. Yves Détraigne et Simon Sutour, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2010.

* 306 Notamment les systèmes mis en place par Elektron et Amecs.

* 307 Loi n° 2014-640 du 20 juin 2014 relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale

* 308 Loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes

* 309 Rapport n° 65 (1980-1981), tome II, de M. Pierre Carous sur le projet de loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes

* 310 Selon l'étude d'impact du projet de loi, l'équipement de toutes les cours d'assises en dispositifs d'enregistrement sonore est en cours.

* 311 CEDH 23 novembre 1993, Poitrimol c/ France , requête n° 14032/88 ; CEDH 13 février 2001, Krombach c/ France , requête n° 29731/96 ; CEDH 31 mars 2005, Mariani c/ France , requête n° 43640/98.

* 312 Rapport annuel 2014 de la Cour de cassation, suggestion de modifications législatives ou réglementaires, page 94 ; rapport annuel 2012 de la Cour de cassation, suggestion de modifications législative ou réglementaires, page 80.

* 313 En effet, dans la plupart des cas, la cour d'assises d'appel est désignée au sein du ressort d'une même cour d'appel.

* 314 La personne civilement responsable et la partie civile peuvent également faire appel quant aux intérêts civils uniquement. Les administrations publiques peuvent également faire appel quand elles exercent l'action publique.

* 315 Mais cela n'entrainerait pas la caducité de tous les appels puisqu'un appel du ministère public formé dans le délai de l'appel principal peut toujours être qualifié d'appel principal par le ministère public.

* 316 L'article 505-1 prévoit que l'ordonnance de non-admission d'appel du président de la chambre des appels correctionnels n'est pas susceptible de recours. Néanmoins dans une décision du 2 avril 2008 (Bull. crim. n° 92), la chambre criminelle a rappelé que toute décision entachée d'excès de pouvoir est susceptible d'appel.

* 317 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 318 Pourvoi contre un arrêt de la chambre de l'instruction rendu en matière de détention provisoire.

* 319 Pourvoi contre un arrêt portant mise en accusation.

* 320 Pourvoi contre un arrêt d'une chambre de l'instruction dans les cas mentionnés à l'article 568-1.

* 321 Ces dispositions avaient été introduites par amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi relatif à l'adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne mais avait été censurées par le Conseil constitutionnel en raison de leur caractère de cavaliers législatifs.

* 322 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

* 323 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

* 324 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 325 Frédéric Desportes et Laurence Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale , Troisième édition (ouvrage à jour au 1 er septembre 2013), Economica.

* 326 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 327 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2012/r12-782-1-notice.html

* 328 Dispositions qui résultent de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

* 329 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 330 Loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

* 331 Cas dans lequel la juridiction décide que le sursis ne s'appliquera à l'exécution de l'emprisonnement que pour une partie, qui ne peut excéder cinq ans d'emprisonnement, dont elle détermine la durée.

* 332 Étude d'impact, p. 141.

* 333 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl15-281.html

* 334 Si le service comporte moins de cinq agents, il est possible de conclure une convention à titre facultatif.

* 335 Pontier (J-M.), Conventions types de coordination en matière de police municipale, La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 12, 18 Mars 2013, act. 244.

* 336 Source : réponses aux questions budgétaires.

* 337 Paragraphe 4 de son article 4.

* 338 Voir le dossier législatif :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl13-482.html

* 339 Un « grand jury » est un ensemble de citoyens qui ont connaissance de preuves relatives à des faits de nature à justifier des poursuites pénales (criminal allegations), présentées par les services du procureur fédéral et se prononçant sur la possibilité que les actes aient effectivement été commis. Cette procédure est applicable aux « crimes fédéraux ». Elle se déroule à huis-clos. Ni la personne suspectée, ni son représentant, ne peuvent être présents (source : glossaire disponible sur le site du ministère de la Justice des États-Unis. La procédure devant le « grand jury » est codifiée à la règle 6 des règles fédérales de procédure pénale (Federal rules of criminal procedures) ) .

* 340 Un « procureur fédéral » est un magistrat nommé par le Président dans chaque district judiciaire afin d'exercer les poursuites et de gérer les dossiers (defend cases) au nom du gouvernement fédéral ( A lawyer appointed by the President in each judicial district to prosecute and defend cases for the federal government) (source : glossaire disponible sur le site du ministère de la Justice des États-Unis).

* 341 L'article 203(b) renvoie aux dispositions de l'Act of 1947 (50 U.S.C. 401a), lesquelles définissent les termes :

- renseignement (intelligence) comme regroupant le renseignement extérieur et le contrespionnage ;

- renseignement extérieur (foreign intelligence) comme les informations concernant les capacités, les intentions ou les activités de gouvernements étrangers ou de leurs éléments, d'organisations étrangères ou de personnes étrangères, ou les activités terroristes internationales ;

- et contrespionnage (counterintelligence) comme les informations rassemblées et les activités menées pour se protéger contre l'espionnage ou autres activités de renseignement, le sabotage ou les assassinats commis par ou au nom de gouvernements étrangers ou de leurs éléments, d'organisations étrangères ou de personnes étrangères, ou encore des activités terroristes internationales.

Cet article 203(b) renvoie également à la disposition (19) de l'article 2510 de l' US code , aux termes de laquelle les informations relatives au renseignement extérieur sont celles, concernant ou non un citoyen américain, relatives à la capacité des États-Unis à se protéger contre une attaque effective ou potentielle ou d'autres actes d'hostilité graves d'une puissance étrangère ou l'un de ses agents, le sabotage ou le terrorisme international d'une puissance étrangère ou d'un de ses agents ou les activités de renseignement clandestines d'un service ou d'un réseau d'une puissance étrangère ou d'un ses agents. Ce sont également les informations, en lien avec une puissance étrangère, concernant la défense nationale, la sécurité ou la conduite des affaires étrangères des États-Unis.

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