2. La notion incertaine de « mesures déjà annoncées »

Le chiffrage du Gouvernement comporte en second lieu, au sein des crédits d'Etat, une rubrique intitulée « mesures déjà annoncées » à hauteur de 15,8 milliards de francs cumulés sur trois ans (1998-2000).

Selon les réponses apportées à votre rapporteur, ces « mesures déjà annoncées » sont de deux ordres :

- d'une part des « mesures qui relèvent clairement de la lutte contre l'exclusion mais dont l'annonce avait été anticipée et qui avaient donné lieu à une inscription des moyens correspondant dans la loi de finances pour 1998 » ;

- d'autre part, « des mesures qui sont financées par des enveloppes dont le montant avait été arrêté en loi de finances ».

Le point commun entre ces deux catégories de mesures est donc d'avoir fait l'objet d'une inscription en loi de finances pour 1998.

Détail des mesures dites « déjà annoncées »
(crédits d'Etat)

En millions de francs

1998

1999

2000

Cumul

20 % des « emplois-jeunes » aux jeunes des quartiers

920

3.220

5.520

9.660

Ingénierie « emplois-jeunes des quartiers » (part Etat)

18

64

110

192

Contrats aidés affectés à TRACE

137

548

821

1.506

Accompagnement stagiaires SIFE

60

130

130

320

Sous-total emploi

1.135

3.962

6.581

11.678

Revalorisation ASS de 2 % au 01.07.97 et 1 % au 01.07.98

250

406

406

1.062

PLA-Intégration (logement)

670

670

670

2.010

FSL (logement)

65

65

65

195

Fonds cantines (éducation)

290

290

290

870

TOTAL

2.410

5.393

8.012

15.815

(Source : réponse au questionnaire du rapporteur)

Les crédits auxquels se réfère le chiffrage du Gouvernement s'élèveraient ainsi globalement à 2.410 millions de francs dans la loi de finances pour 1998.

Ces crédits votés par le Parlement sont toutefois de deux ordres :

- soit ils « relevaient clairement de la lutte contre l'exclusion », et étaient inscrits « par anticipation » ;

- soit ils ont été, postérieurement à leur inscription, mobilisés, voire détournés au profit d'actions de lutte contre l'exclusion telles que figurant dans le programme publié le 4 mars ou dans le projet de loi présenté le 25 mars 1998.

Le poids des emplois-jeunes et de la part de 20 % qui serait réservée aux jeunes de quartiers défavorisés est significatif. Les crédits pris en compte s'élèvent, dès 1998, à 938 millions de francs (sur une enveloppe de 2.400 millions de francs au titre des mesures déjà annoncées), soit près de 12 % des crédits inscrits en loi de finances au titre du « programme en faveur de l'emploi des jeunes » ( chapitre 44-01 du budget de l'emploi et de la solidarité ).

Le critère d'inscription en loi de finances pour 1998 laisse entière la question du chiffrage en 1999 et 2000 des actions correspondantes. Le coût des « mesures déjà annoncées » qui est évalué à 5.400 millions de francs en 1999 et 8.000 millions de francs en 2000 ne se réfère pas, semble-t-il, à la notion de services votés ou de mesures acquises correspondant à l'enveloppe de 1998 mais à une évaluation volontariste traduisant la « montée en charge » ou de « nouvelles entrées » des ou dans les dispositifs concernés. Il s'agit donc, toujours selon les réponses fournies à votre rapporteur, d'une « approche très large des mesures déjà annoncées ».

Il y a donc un contraste entre le critère strict qui commande l'entrée d'une disposition dans la catégorie des « mesures déjà annoncées » (existence de crédits en loi de finances pour 1998) et l'approche souple de l'évaluation des moyens correspondant en 1999 et 2000 qu'il serait demandé au Parlement d'approuver à l'automne 1998 et à l'automne 1999.

Il y a donc aussi a contrario des mesures déjà annoncées qui ne sont pas considérées comme telles parce qu'elles n'ont pas reçu de financement spécifique. Ces mesures sont soit du domaine réglementaire, soit du domaine législatif.

Ainsi, en est-il de l'allocation spécifique d'attente (loi du 17 avril 1998) ou de la revalorisation, au 1er janvier 1998, de 6 % de l'ASS et de 29 % de l'AI. Il est frappant que ces dispositions ne soient donc pas considérées comme des « mesures déjà annoncées » bien que le Parlement en ait longuement débattu et que la loi ait été promulguée

S'agissant de l'allocation spécifique d'attente, qui représente 935 millions de francs de dépenses annoncées en montant cumulé, c'est à l'issue d'un entretien le 23 décembre dernier entre M. le Premier ministre et M. Alain Bocquet, président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, qu'il a été indiqué que « des mesures seraient préparées pour améliorer les conditions d'attente de la retraite pour les chômeurs de longue durée à l'ASS et au RMI ayant cotisé plus de 40 annuités ».

On peut se demander dans ces conditions si ce dispositif n'était pas en préparation avant que ne soit lancé le projet de loi de lutte contre les exclusions. La commission des Affaires culturelles, familiales et sociales à l'Assemblée nationale avait examiné la proposition de loi le 7 janvier bien avant que M. Jospin ne décide, le 16 février dernier, d'inclure l'allocation spécifique d'attente (ASA) dans les mesures de lutte contre les exclusions.

De même, dans la mesure où le Gouvernement avait décidé une première revalorisation de l'ASS à l'automne dernier, il paraît étonnant de retrouver le coût de cette première mesure corrective dans les dépenses liées à la lutte contre l'exclusion même à titre de « mesures déjà annoncées ».

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