Lutte contre les exclusions

SEILLIER (Bernard)

RAPPORT 450 (97-98), Tome I, 2ème partie - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES

Table des matières






CHAPITRE III
-
MESURES RELATIVES AU MAINTIEN DANS LE LOGEMENT

Ce chapitre comprend diverses mesures en matière de prévention des expulsions.

S'agissant des résiliations de bail pour défaut de paiement de loyer, un délai minimum de deux mois est imposé entre l'assignation et l'examen de l'affaire et le juge est habilité accorder des délais de paiement qui suspendent l'application de la clause résolutoire du bail ( art. 58 ).

Dans le parc locatif social, la section départementale des aides publiques au logement (SDAPL) et les CAF devront être saisies au minimum quatre mois avant l'audience de résiliation du bail ( art. 59 ).

Le versement de l'allocation logement en tiers payant est rendu obligatoire dans le parc social non conventionné ( art. 60 ).

Le délai de deux mois minimal à respecter avant une expulsion court à compter de la transmission au préfet du commandement à payer les loyers et charges non acquittés ( art. 61 ).

Le préfet doit s'assurer qu'une offre d'hébergement est proposée à toute personne expulsée avant toute expulsion entraînant le concours de la force publique ( art. 62 ).

Les chartes départementales de prévention des expulsions à caractère obligatoire sont instituées ( art. 63 ).

En plus des dispositions précitées prévues dans le projet de loi initial, l'Assemblée nationale a ajouté trois articles additionnels ayant respectivement pour objet :

- de permettre l'engagement d'une instance dans le cadre des jugements d'expulsions sans recours à un huissier ( art. 61 bis ) ;

- de lever un litige d'interprétation sur les cas dans lesquels l'huissier peut pénétrer dans un logement dont les locataires sont en instance d'expulsion ( art. 62 bis ) ;

- de répondre au problème des troubles de voisinage dans le parc social ( art. 63 bis ).

Ces dispositions ne font l'objet que d'une présentation sommaire, votre commission ayant décidé de s'en remettre à l'avis de la commission des Lois sur ces articles, à l'exception toutefois de l'article 60 qui modifie le code de la sécurité sociale.

Section 1
Prévention des expulsions

Art. 58
(Art. 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989)
Modification de la procédure de résiliation de plein droit des baux d'habitation

Cet article, modifié par l'Assemblée nationale, aménage les délais de la procédure judiciaire de résiliation de plein droit d'un bail pour défaut de paiement du loyer et des charges aux termes convenus afin de faciliter la mobilisation des aides auxquelles le locataire peut accéder.

Actuellement, l'article 24 ( deux premiers alinéas ) de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 dispose que toute clause prévoyant la résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer et des charges ne produit effet que deux mois après un commandement de payer resté infructueux.

En pratique, il apparaît que les locataires en difficulté ne mettent pas toujours à profit ce délai pour faire le point sur les aides auxquelles ils ont droit et, s'ils le font, ne saisissent que rarement le juge d'une demande de délai de paiement, assortie d'une suspension de la clause résolutoire, pour apurer leur dette dans de meilleures conditions.

Le 1° de cet article modifie et complète l'article 24 précité.

Le premier alinéa du texte proposé présente deux innovations :

Tout d'abord, l'assignation aux fins de constat de la résiliation du bail -qui est le préalable au déclenchement de la procédure d'expulsion- doit être notifiée par l'huissier de justice, non seulement au locataire défaillant, mais également au préfet du département ;

Ensuite, cette assignation doit impérativement intervenir deux mois au moins avant l'audience portant sur l'affaire ; les services préfectoraux saisis par lettre recommandée sont ainsi mis en mesure de vérifier le respect des délais.

Selon l'étude d'impact, ce délai de deux mois doit être mis à profit par le préfet pour faire recenser les aides auxquelles le locataire défaillant peut accéder et informer le juge sur la situation de la famille concernée et sur la capacité du locataire à apurer la dette locative et à reprendre les paiements.

Le deuxième alinéa du texte proposé permet au juge d'accorder d'office des délais de paiement au locataire "  en situation de régler sa dette locative ".

Actuellement, les délais de paiement ne sont accordés que si le locataire défaillant en a fait la demande suivant la forme juridique appropriée et dans les délais légaux, ce qui est rarement le cas de la part de personnes précarisées ou en situation d'exclusion ; au demeurant, comme l'indique l'étude d'impact, certains juges d'instance décident de suspendre les effets de la clause résolutoire de leur propre initiative.

Le 2° de cet article reprend une disposition qui était incluse dans le projet de loi " Barrot-Emmanuelli " (I de l'article 26).

Il complète le dispositif relatif à la mise en oeuvre du commandement de payer, pour défaut du paiement du loyer ou des charges pouvant donner lieu à résiliation du contrat de location, en prévoyant que ce document doit mentionner, non seulement la faculté pour le locataire de saisir le FSL, mais également l'adresse de cet organisme. Il s'agit d'améliorer l'information du locataire défaillant.

Votre commission s'en remet à l'avis de votre commission des Lois sur cet article .

Art. 59
(Art. L. 353-15-1 et L. 442-6-1 du code de la construction et de l'habitation)
Obligations spécifiques aux bailleurs sociaux

Cet article, modifié par l'Assemblée nationale, impose un délai de quatre mois, dans le parc social, entre la date de la saisine de la section départementale des aides publiques au logement (SDAPL) ou de la caisse d'allocation familiale (CAF) et celle de l'assignation en vue de constater la résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer et des charges.

Cet article vise à articuler de manière plus cohérente l'action des instances chargées de se prononcer en cas d'impayés de la part du titulaire d'une aide au logement avec la procédure judiciaire mise en oeuvre pour obtenir la résiliation du bail.

Instituée par l'article L. 351-14 du code de la construction et de l'habitation, la section départementale des aides publiques au logement (SAPL) est une instance administrative intégrée au conseil départemental de l'habitat compétente pour tous les recours amiables relatifs à la réglementation de l'APL en particulier de son calcul et de ses modalités de versement.

La SDAPL peut notamment décider du maintien du versement de l'APL lorsque le bénéficiaire ne règle pas la part de la dépense de logement restant à sa charge dès lors que celui-ci s'est engagé à un plan d'apurement de sa dette éventuellement en bénéficiant des aides du FSL.

Dans le secteur locatif social, l'impayé est constitué soit lorsque trois termes nets consécutifs sont totalement impayés, soit lorsque le locataire est débiteur à l'égard du bailleur d'une somme au moins égale à deux fois le montant mensuel brut du loyer et des charges ( art. R. 351-30 du code de la construction et de l'habitation ).

Cet article prévoit que, pour la mise en jeu des clauses de résiliation de plein droit pour défaut de paiement du loyer dans le cadre de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée (cf. commentaire de l'article 58 ci-dessus), les organismes d'HLM et assimilés devront saisir la SDAPL préalablement avant l'assignation aux fins de constat de résiliation du bail et respecter un délai de quatre mois entre la saisine de la SDAPL et le déclenchement de l'assignation.

Il est à noter que cette nouvelle obligation se cumule avec celle prévue à l'article 68 ci-dessus imposant un délai minimal de deux mois entre la notification de l'assignation au préfet et la date de l'audience.

Le délai de quatre mois a été choisi car il correspondrait au délai moyen d'instruction des dossiers par les SDAPL : en pratique, cet article vise à éviter, ce qui arrive parfois aujourd'hui, que la procédure judiciaire de résiliation du bail et la procédure amiable devant la SDAPL se déroulent de manière indépendante et cloisonnée, ce qui peut conduire au prononcé d'une décision d'expulsion à l'encontre d'un locataire au profit duquel les SDAPL souhaitent mettre en place un plan d'apurement acceptable.

Le paragraphe I de cet article concerne les organismes d'HLM (OPHLM, OPAC, SAHLM, SACI, SA coopératives de production d'HLM et fondation d'HLM).

Le paragraphe II impose le même dispositif aux SEM détenant des logements conventionnés mentionnés à l'article L. 353-19 du code de la construction et de l'habitation.

Enfin, le paragraphe III de cet article concerne les locataires percevant l'allocation de logement familiale (ALF) ou l'allocation de logement sociale (ALS) et occupant des logements non conventionnés du secteur locatif social (c'est-à-dire des logements antérieurs à la création de l'APL en 1977). Dans ce cas, la saisine préalable doit porter non pas auprès de la SDAPL mais de l'organisme payeur c'est-à-dire de la CAF.

Votre commission s'en remet à l'avis de votre commission des Lois sur cet article .

Art. 60
(Art. L. 553-4 et L. 835-2 du code de la sécurité sociale)
Versement en tiers payant de l'allocation de logement familiale pour le parc social non conventionné

Cet article, adopté conforme par l'Assemblée nationale, prévoit de rendre obligatoire le versement de l'allocation de logement familiale (ALF) et de l'allocation de logement social (ALS) en tiers payant dans le secteur du logement locatif social non conventionné. Il aligne le régime de l'ALF et de l'ALS sur celui de l'APL applicable dans le secteur du logement social conventionné et vise ainsi à éviter l'apparition des incidents de paiement les plus lourds.

Le paragraphe I de cet article modifie la rédaction de l'article L. 553-4 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne la cessibilité de l'allocation de logement familiale (ALF).

L'ALF est versée d'une manière générale aux personnes ayant droit aux allocations familiales ou ayant la charge d'un enfant ou d'un ascendant et qui ne sont pas bénéficiaires de l'APL ( art. L. 542-1 du code de la sécurité sociale ) : il s'agit instamment des personnes résidant des logements locatifs sociaux qui ne sont pas conventionnés au titre de l'APL, c'est-à-dire des logements construits avant 1977.

L'article L. 553-4 du code de la sécurité sociale modifié par cet article pose le principe du caractère " incessible et insaisissable " des prestations familiales sauf en cas de versement indu par suite de manoeuvre frauduleuse, pour le paiement des dettes alimentaires liées à l'entretien des enfants et pour le paiement des frais liés à l'éducation spécifique des jeunes enfants handicapés.

Pour ce qui concerne l'ALF, cet article prévoit déjà deux dérogations au principe de l'incessibilité :

- tout d'abord, le titulaire de l'ALF peut donner son accord pour le versement de l'allocation au bailleur, lorsqu'il est locataire, ou au prêteur en cas d'accession à la propriété ; ces modalités de versement ne peuvent être modifiées qu'avec l'accord de l'allocataire lui-même ;

- ensuite, en cas de non paiement du loyer (ou du non-remboursement de la dette contractée en vue de l'accession à la propriété), le bailleur ou le prêteur peut demander à l'organisme débiteur, c'est-à-dire à la CAF, que l'ALF soit versée entre ses mains pendant une période déterminée, et au plus tard, jusqu'à l'extinction de la dette résultant des impayés.

Tout d'abord, le 1° du paragraphe I prévoit que dès lors que le titulaire de l'ALF loue un logement non conventionné auprès d'un organisme d'HLM, le montant de l'ALF est automatiquement versé au bailleur, que l'allocataire ait ou non donné son accord.

Les 2° et 3° de l'article ne concernent désormais que les bailleurs du parc privé et les prêteurs : ils reprennent le dispositif déjà existant de cessibilité de l'ALF avec l'accord préalable de l'allocataire ou à la suite d'incidents de paiement.

S'agissant des organismes d'HLM concernés, trois conditions sont posées.

Tout d'abord, il ne peut s'agir que d'un organisme d'HLM au sens strict : sont ainsi visés par l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, les OPAC, les OPHLM, les SAHLM, les sociétés anonymes de crédit immobilier (SACI), les SA coopératives de production d'HLM et les fondations d'HLM.

Par ailleurs, le logement doit faire partie d'un patrimoine d'au moins dix logements, ce qui vise à éviter le développement de coût unitaire de gestion trop élevé.

Enfin, il doit s'agir d'un logement non conventionnée à l'APL : cette condition peut paraître redondante dans la mesure où le versement de l'APL dans le parc conventionné est exclusif de celui de l'ALF.

Par ailleurs, cet article introduit une meilleure information de l'allocataire : le montant de l'ALF doit apparaître clairement en déduction du montant du loyer ou des charges d'emprunt du titulaire qui doit être informé du montant exact de cette imputation.

Le paragraphe II de cet article modifie, par coordination, l'article L. 835-2 du code de la sécurité sociale qui prévoit un dispositif analogue à celui examiné ci-dessus, pour les titulaires de l'allocation de logement sociale (ALS). L'ALS introduite par l'article L. 831-1 du code de la sécurité sociale est versée à toutes personnes dont les ressources sont modestes et qui acquittent un loyer dès lors qu'elles n'ont pas droit au bénéfice de l'APL ou de l'AFL (" bouclage " des aides au logement).

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Art. 61
(Art. 62 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et art. L. 613-2-1 du code de la construction et de l'habitation)
Information du préfet sur les décisions d'expulsion et les délais accordés pour leur exécution

Cet article, adopté conforme par l'Assemblée nationale, vise à améliorer les conditions dans lesquelles le préfet est informé des jugements ordonnant une expulsion afin de faciliter la mise en oeuvre de la demande de relogement des occupants dans le cadre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD).

Ce dispositif est identique, à l'exception de la coordination prévue à l'article L. 613-2 du code de la construction et de l'habitation, à celui qui avait été prévu en ce domaine par l'ancienne loi d'orientation relative au renforcement de la cohésion sociale (III et IV de l'article 26).

Le droit des mesures d'expulsion découle à la fois des articles 61 à 66 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution et des articles L. 613-1 à L. 613-5 du code de la construction et de l'habitation portant diverses dispositions en matière de sursis à l'exécution de décisions de justice.

D'une manière générale, l'expulsion ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux.

Si l'expulsion porte sur un local affecté à l'habitation principale, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la délivrance du commandement d'avoir à quitter les lieux.

Le juge au fond peut réduire ou supprimer ce délai de deux mois, notamment lorsque les personnes expulsables sont entrées dans les locaux par voie de fait (" squatters ") . En revanche, il peut proroger le délai pour une durée ne dépassant pas trois mois lorsque l'expulsion aurait pour la personne concernée des conséquences d'une exceptionnelle dureté, du fait notamment de la période de l'année considérée ou des circonstances atmosphériques.

Par ailleurs, dès que le commandement d'avoir à libérer les locaux est pris, l'huissier de justice chargé de son exécution doit en informer le préfet dans le département afin que celui-ci puisse examiner la demande de relogement dans le cadre du PDALPD.

A cet ensemble de dispositions, le code de la construction et de l'habitation ajoute que le juge du fond, le juge des référés ou le juge de l'exécution, peut accorder des délais renouvelables excédant une année, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, même si les occupants ne justifient pas d'un titre d'occupation.

Le juge peut apprécier notamment la bonne foi de l'occupant pour accorder ces " délais de grâce " qui ne peuvent, au total, excéder trois ans ni être inférieurs à trois mois.

Toute décision accordant un " délai de grâce " doit être notifiée au préfet (art. L. 613-2-1 du code de la construction et de l'habitation).

Enfin, indépendamment des décisions judiciaires et de l'expiration des délais, il doit être sursis à toute mesure d'exécution entre le 1 er novembre de l'année et le 15 mars (" trêve hivernale ") sauf si le relogement peut être assuré dans des conditions satisfaisantes. La trêve hivernale n'est pas applicable aux personnes entrées dans les locaux par voie de fait ( " squatters " ).

Le paragraphe I de cet article prévoit, tout d'abord, que la transmission directe par le juge au préfet pourra porter, non plus seulement sur les seules décisions accordant des délais de grâce, mais sur toutes les décisions d'expulsion (ordonnance ou jugement) prises avant la délivrance du commandement d'avoir à libérer les locaux. Ainsi, le préfet pourra être informé de la nécessité d'un relogement avant même que ne lui soit communiqué le commandement relatif à l'expulsion.

La décision de transmission est laissée à l'appréciation du juge afin notamment de tenir compte des cas d'expulsion qui ne portent pas sur l'habitation principale ou qui portent sur des locaux professionnels.

Par ailleurs, le I renforce l'obligation qui pèse sur l'huissier en matière de transmission au préfet du commandement d'avoir à libérer les locaux : le délai de deux mois entre le commandement et l'expulsion ne courra qu'à compter de la notification au préfet du commandement.

Par coordination, le paragraphe II de cet article mentionne, à l'article L. 613-2 du code de la construction et de l'habitation, la possibilité pour le juge qui statue au fond ou pour le juge des référés statuant sur une demande de délais, de transmettre au préfet le jugement ou l'ordonnance avant que ne soit délivré le commandement d'avoir à libérer les locaux.

Il est à noter que la transmission n'est plus automatique mais laissée à l'appréciation du juge pour les raisons exposées plus haut.

Cette reprise du dispositif dans le code de la construction et de l'habitation devrait faciliter l'information des personnes passibles de la procédure d'expulsion.

Sur cette disposition relative à la procédure d'expulsion, votre commission a décidé de s'en remettre à l'avis de votre commission des Lois.

Art. 61 bis
Saisine directe du juge de l'exécution pour engager la procédure d'expulsion

Cet article additionnel, adopté à l'initiative de la commission spéciale, malgré l'avis défavorable du Gouvernement, prévoit que, pour l'exécution des ordonnances et jugements autorisant une expulsion, l'instance est engagée, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, par lettre recommandée avec accusé de réception, sans concours d'un officier ministériel pour engager la procédure.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, a fait valoir que la technicité des voies d'exécution nécessitait l'intervention d'un professionnel et que les frais au demeurant limités de l'assignation par un huissier pouvaient être pris en charge par l'aide juridictionnelle.

Votre commission s'en remet à l'avis de votre commission des Lois sur cet article .

Art. 62
(Art. L. 613-6 du code de la construction et de l'habitation)
Conditions d'octroi du concours de la force publique en cas d'expulsion

Cet article insère un article L. 613-6 nouveau dans le code de la construction et de l'habitation, prévoyant qu'avant d'accorder le concours de la force publique, le préfet doit s'assurer " qu'une offre d'hébergement est proposée aux personnes expulsées ".

Il convient de rappeler que les huissiers, officiers ministériels, sont seuls habilités à procéder à l'exécution des décisions de justice. L'huissier peut requérir le concours de la force publique (art. 16 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 susvisée) : celle-ci intervient principalement en cas de difficulté sérieuse risquant d'entraîner des troubles à l'ordre public.

De plus, l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 dispose que l'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires et que " le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation ".

Il est à noter que le présent article prévoit que le préfet s'assure d'une " proposition d'hébergement " et non pas d'une proposition de relogement à part entière de la personne expulsable.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Philippe Decaudin et les membres du groupe socialiste, réaffirmant clairement que l'obligation, pour le préfet, de s'assurer que les personnes expulsées seront hébergées ne fait pas obstacle à une indemnisation du propriétaire en cas de refus d'expulsion.

S'agissant d'une modification des principes retenus en matière des procédures civiles d'exécution, votre commission s'en remet à l'avis de votre commission des Lois sur cet article.

Art. 62 bis
(Art. 21-1 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991)

Cet article additionnel, introduit à l'initiative de la commission spéciale, reprend une disposition prévue au II de l'article 26 du projet de loi " Barrot-Emmanuelli " afin de préciser que les dispositions des articles 20 et 21 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution qui permettent à un huissier de justice de pénétrer dans un local dans un délai de huit jours à compter du commandement de payer, même en l'absence de l'occupant du local ou si ce dernier en refuse l'accès, ne sont pas applicables en matière d'expulsions pour lesquelles le délai de droit commun est de deux mois à compter du commandement d'avoir à libérer les locaux.

Il est précisé néanmoins que l'huissier pourra intervenir dans les conditions prévues à l'article 21, c'est-à-dire accompagné du maire d'une autorité de police ou de gendarmerie ou à défaut de deux témoins majeurs pour constater que l'occupant a volontairement libéré les locaux après que le commandement de payer lui eut été signifié.

Le Gouvernement s'est déclaré défavorable à l'article, estimant qu'une circulaire permettrait de lever les litiges d'interprétation des articles 20 et 21 de la loi du 9 juillet 1991 précitée.

Votre commission s'en remet à l'avis de votre commission des Lois sur cet article .

Art. 63
Institution de chartes pour la prévention des expulsions dans les départements

Cet article, adopté à l'unanimité, reprend une disposition déjà prévue dans le projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale (VI de l'article 26) et visant à généraliser, dans l'ensemble des départements, la démarche, conduite aujourd'hui à titre expérimental, de conclusion de chartes pour la prévention de l'exclusion, associant le préfet, les élus locaux et les représentants des notaires, des huissiers de justice et des professionnels de l'immobilier.

Il est opportun de rappeler que le Gouvernement de M. Alain Juppé avait conduit les négociations qui ont abouti, le 13 mars 1997, à la signature d'une " Charte pour l'amélioration de la prévention des expulsions " entre le ministère du logement et la Chambre nationale des huissiers de justice.

La charte stipule que les huissiers de justice remettront, lors de la délivrance d'un commandement de payer ou d'un commandement d'avoir à libérer les locaux, une notice explicative indiquant au locataire défaillant ses droits et ses obligations, expliquant les démarches concrètes à entreprendre et donnant toute indication sur l'identification et la domiciliation des organismes et des services sociaux susceptibles de l'aider ou de l'assister.

Elle préconise que les huissiers développent leur fonction de conseil envers les locataires en difficulté, ainsi qu'envers les propriétaires, en les invitant à contacter les services sociaux. Il est indiqué que les huissiers de justice et l'Etat participeront à l'élaboration de chartes départementales de prévention des expulsions avec les partenaires concernés.

Votre commission s'en remet à l'avis de votre commission des Lois sur ce dispositif.

Art. 63 bis
(Art. L. 442-6-4 et L. 613-1 du code de la construction et de l'habitation et art. 62 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991)
Troubles de voisinage dans le parc locatif social

Cet article additionnel, introduit par un amendement de la commission spéciale avec l'approbation de M. Patrick Devedjian qui a bien voulu le cosigner en séance publique, vise à apporter une réponse aux problèmes causés par les troubles de voisinage dans le parc HLM qui touchent particulièrement des locataires aux ressources modestes.

Le paragraphe I de cet article , qui a donné lieu à un avis favorable du Gouvernement, prévoit que, lorsqu'un locataire ne respecte pas l'obligation qui lui est faite par l'article 7 (3 ème alinéa) de la loi du 6 juillet 1989 " d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ", il peut lui être attribué un nouveau logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités. Dans ce cas, la procédure normale de résiliation du bail, et notamment le respect d'un délai de préavis de trois mois, n'est pas applicable, pour autant que le changement de logement soit intervenu.

Les paragraphes II et III de cet article, votés malgré l'avis défavorable du Gouvernement, ont pour objet de réduire les délais de la procédure d'expulsion accordés par le juge lorsque le locataire à l'origine des troubles de voisinage a refusé le changement de logement qui lui était proposé.

Le secrétaire d'Etat au logement a estimé que les résiliations de bail pour troubles de voisinage devaient continuer à s'apprécier dans le droit commun des rapports locatifs et que le juge ne pouvait subordonner son action à l'accomplissement de formalités dans le parc HLM.

Votre commission s'en remet à l'avis de votre commission des Lois sur cet article .

Section 2
Amélioration des conditions de vie et d'habitat

A l'exception des dispositions relatives aux mesures d'urgence contre le saturnisme (art. 64) qui ont trait à un problème de santé publique, les autres dispositions de cette section visent plus particulièrement à protéger les personnes en situation de précarité contre les abus commis par certains bailleurs.

Il s'agit de la création d'une peine de confiscation du fonds de commerce à l'encontre des marchands de sommeil (art. 65) , du régime juridique des sous-locataires (art. 66) et de la protection juridique des occupants des locations en meublés (art. 67).

Art. 64
(Chapitre IV du titre premier du livre premier, art. L. 32-1 à L. 32-5 nouveaux du code de la santé publique)
Mesures d'urgence contre le saturnisme

Cet article prévoit l'insertion, dans le chapitre IV ( Salubrité des immeubles ) du titre premier ( Mesures sanitaires générales ) du livre premier ( Protection générale de la santé publique ) du code de la santé publique d'une section nouvelle consacrée à des mesures d'urgence contre le saturnisme (articles L. 32-1 à L. 32-5 nouveaux).

Le code de la santé publique comporte déjà, dans ce chapitre IV, des dispositions permettant aux autorités administratives d'intervenir " lorsqu'un immeuble, bâti ou non, attenant ou non à la voie publique, constitue soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé, un danger pour la santé ".

Ces dispositions, figurant aux articles L. 26 à L. 32, ne permettent toutefois pas à l'administration de prendre les mesures nécessaires dans de brefs délais. Ainsi, le rapport du directeur départemental de la santé prévu par ces articles doit en effet être déposé à la préfecture à la disposition des intéressés, qui peuvent ensuite présenter des observations. Ils peuvent être entendus par le comité départemental d'hygiène, qui doit être réuni.

Un autre article du même code pourrait être plus approprié : il s'agit de l'article L. 17 qui permet au préfet, en cas d'urgence sanitaire, d'ordonner l'exécution immédiate des mesures prescrites par les règlements sanitaires départementaux.

De fait, des règlements auraient pu être édictés en matière de lutte contre le saturnisme sur le fondement de l'article L. 1 er du code de la santé publique. Celui-ci prévoit en effet que des décrets en Conseil d'Etat pris après consultation du Conseil supérieur d'hygiène publique de France fixeront toutes mesures concernant " la salubrité des habitations, des agglomérations et de tous les milieux de vie de l'homme " .

En outre, les dispositions adoptées à l'initiative du Sénat dans le cadre de la proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme auraient pu permettre au gouvernement d'inclure le saturnisme parmi les maladies à déclaration obligatoire ( art. premier ter de la proposition de loi ).

Le Gouvernement a choisi une voie différente puisqu'elle nécessite l'adoption d'un nouvel article de loi exclusivement consacré à la lutte contre le saturnisme mais évite la publication de règlements sanitaires concernant ce problème.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification

Art. 65
(Art. 225-16 et 225-19 du code pénal,
art. 34 de la loi du 17 mars 1909
et art. L. 651-10 du code de la construction et de l'habitation)
Création d'une peine de confiscation du commerce applicable aux marchands de sommeil

Cet article prévoit une peine complémentaire de confiscation du fonds de commerce pour les " marchands de sommeil " proposant, contre rémunération, des " conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine ".

Les paragraphes I et II de cet article modifient le code pénal afin d'ajouter une peine complémentaire de confiscation du fonds de commerce à l'encontre des personnes morales ou physiques ayant commis l'infraction prévue à l'article 225-14 dudit code, à savoir "  le fait de soumettre une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa condition de dépendance, à des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine ".

Sont respectivement modifiés par ces paragraphes, l'article 225-16 relatif aux personnes morales et l'article 225-19 relatif aux personnes physiques.

Le paragraphe III permet l'application de la procédure applicable en cas de confiscation de fonds de commerce, prévue à l'article 34 de la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement de fonds de commerce, dans l'hypothèse de la confiscation d'un bien au titre des articles 225-16 et 225-19 du code pénal visés ci-dessus.

L'article 34 précité dispose que dans le cas de la confiscation d'un fonds de commerce prononcée par une juridiction répressive, l'Etat fait procéder à la vente du bien confisqué dans un délai d'un an après le prononcé du jugement, sauf prorogation exceptionnelle.

Le paragraphe IV de cet article introduit un article L. 651-10 nouveau dans le code de la construction et de l'habitation prévoyant diverses mesures complémentaires dans le cadre de poursuites exercées sur la base de l'article 225-14 du code pénal précité :

- désignation d'un administrateur provisoire sur requête de l'autorité administrative auprès du tribunal de grande instance ;

- information du propriétaire du fonds ou de l'immeuble sur les poursuites et procédures engagées ;

- garantie des droits de la défense pour les titulaires d'une licence de débits de boissons et de restaurant et pour les propriétaires du fonds de commerce ;

- transfert à l'Etat de la propriété du fonds confisqué et subrogation de l'Etat dans tous les droits du propriétaire du fonds.

L'ensemble de ce dispositif vise deux objectifs à l'égard des hôtels meublés qui constituent la couverture commerciale sous laquelle s'abritent " les marchands de sommeil ".

Actuellement, en cas de poursuites, l'administration n'a pas d'autre choix que de faire procéder à la fermeture de l'établissement incriminé : la loi permettra de poursuivre l'exploitation du fonds dans des conditions rendues plus acceptables.

Par ailleurs, les loueurs de meublés utilisés dans des conditions anormales, demandent souvent un prix excessif de leurs fonds de commerce qui empêche tout rachat du fonds par un organisme d'HLM souhaitant se porter acquéreur à des fins sociales : la procédure de confiscation créée par le projet de loi permet de réintégrer les hôtels meublés en question dans le circuit classique de l'offre d'hébergement à fins sociales.

Cet article a fait l'objet d'un amendement de précision rédactionnelle à l'Assemblée nationale.

S'agissant d'un dispositif de nature essentiellement pénale, v otre commission s'en remet à l'avis de la commission des Lois sur cet article.

Art. 66
(Art. L. 353-20, L. 442-8-1 et L. 442-8-2
du code de la construction et de l'habitation)
Clarification du statut des sous-locataires

Cet article, qui reprend très largement le contenu d'une disposition du projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale (article 21), a pour objet de préciser les dispositions applicables aux contrats de sous-location conclus au profit des personnes les plus démunies.

Ce dispositif vise à clarifier en particulier le régime juridique applicable aux contrats de sous-location lorsqu'un organisme public, tel que le CCAS, ou une association loue un logement afin de le mettre à disposition des familles défavorisées et se porter ainsi comme garant.

Le paragraphe I de cet article clarifie le régime juridique applicable aux sous-locataires lorsque les bailleurs, autres que les organismes d'HLM, ont loué des logements conventionnés au titre de l'APL :

- à des centres communaux d'action sociale,

- à des associations déclarées ou d'autres organismes agréés visant à sous-louer des logements aux personnes déshéritées (art. L. 442-8-1 du code de la construction et de l'habitation),

- à des associations déclarées visant au logement temporaire des jeunes et aux établissements publics assurant le logement des étudiants (art L. 442-8-4 du code de la construction et de l'habitation).

Cette clarification du régime juridique applicable à ces contrats de sous-location prend trois formes :

- l'assimilation générale des sous-locataires aux locataires, notamment pour le bénéfice de l'APL ;

- l'application aux contrats de sous-location des dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs . Certaines dispositions de cette loi ne sont toutefois pas applicables aux contrats de sous-location : règles de cession du contrat de location, réglementation de la durée de location, congé donné au locataire, règle de majoration du loyer en cas de travaux, montant du dépôt de garantie, modalités de fixation du loyer, règles concernant les charges récupérables ;

- l'application aux contrats de sous-location de certaines dispositions des conventions mentionnées à l'article L. 351 du code de la construction et de l'habitation : durée minimale des baux et conditions de leur résiliation ou reconduction, fixation et évolution des loyers, détermination des charges, obligations des bailleurs par rapport aux organismes liquidant et payant l'APL.

Il est cependant précisé que " les locataires peuvent donner congé à tout moment à leurs sous-locataires " dans deux cas :

- si les sous-locataires de centres communaux d'action sociale, d'associations déclarées ou d'organismes agréés visant au logement des personnes défavorisées ont refusé une offre de logement définitif correspondant à leurs besoins et à leurs possibilités ;

- si les sous-locataires d'associations se consacrant au logement temporaire des jeunes ou d'organismes visant au logement des étudiants ne remplissent plus les conditions d'âge ou de statut permettant d'accéder à ces logements.

Le paragraphe II de cet article vise à permettre aux organismes HLM de louer à des organismes qui pourront en effectuer la sous-location " meublée ou non meublée " : il s'agit de lever une ambiguïté de la législation actuelle, laquelle interdit aux HLM de louer en meublé ou de sous-louer en meublé ou non meublé (art. L. 442-8 du code de la construction et de l'habitation). Il s'agit ici de mettre le droit en accord avec les faits, la pratique des locations et sous-locations en meublé tendant à se développer.

Le paragraphe III de cet article précise le régime juridique des contrats de sous-location de logements loués dans le parc social des organismes d'HLM par des associations, CCAS ou d'autres organismes.

Le régime juridique applicable à ces contrats de sous-location reprend les deux premiers principes détaillés au paragraphe I, pour le cas des logements conventionnés au titre de l'APL : assimilation des sous-locataires aux locataires et application des dispositions précitées de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 .

Ce paragraphe prévoit également l'application à ces contrats de sous-location de certaines dispositions mentionnées dans les articles L. 441-3 à L. 442-5 du code de la construction et de l'habitation, à l'article L. 441-1 de ce même code et dans la loi n° 48-1360 du 1 er septembre 1948 : règles régissant le supplément de loyer de solidarité, fixation des loyers HLM, détermination des charges récupérables, conditions de ressources permettant l'accès à un logement HLM.

Ce régime souffre toutefois de deux exceptions :

- les sous-locataires perdent le bénéfice du droit au maintien dans les lieux s'ils refusent une offre de relogement correspondant à leurs besoins et à leurs possibilités ;

- les personnes qui sous-louent une partie de leur logement à des personnes âgées ou handicapées sont exclues de ce régime.

L'Assemblée nationale n'a apporté qu'une simple modification rédactionnelle à cet article lors de son examen en première lecture.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Art. 67
(Art. L. 632-1 à L. 632-3 du code de la construction et de l'habitation)
Protection des occupants des hôtels meublés

Cet article reprend un dispositif prévu dans le projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale (art. 22) qui insère un chapitre nouveau dans le code de la construction et de l'habitation afin de garantir les droits essentiels des locataires des hôtels, pensions de famille et meublés lorsque le local loué constitue leur résidence principale.

Le recours à des locations en hôtels meublés constitue parfois la dernière étape avant qu'une famille ou un individu expulsé de son logement ne se retrouve à la rue. Or, actuellement, la location des logements meublés est soumise aux seules dispositions du code civil en matière de louages de choses. Les locataires ne bénéficient donc d'aucune des garanties offertes par le code de la construction et de l'habitation, notamment en matière tarifaire.

La protection juridique apportée par cet article à des personnes qui ne bénéficient pas en droit de la protection juridique ouverte aux locataires du parc privé est donc particulièrement utile.

Les deux principales dispositions de cet article sont les suivantes :

- le locataire a droit à l'établissement d'un contrat écrit d'un an au moins, sauf exceptions limitativement énumérées par la loi ;

- le renouvellement du contrat de location est de droit , sauf si le propriétaire a informé le locataire de son intention de modifier le contrat ou de ne pas le renouveler en respectant un délai de préavis d'au moins trois mois.

Cet article insère un nouveau chapitre dans le titre III ( dispositions tendant à maintenir ou à augmenter le nombre des logements ) du livre VI ( mesures tendant à remédier à des difficultés exceptionnelles de logement ) du code de la construction et de l'habitation comprenant trois articles.

L'article L. 632-1 prévoit la réglementation applicable entre le loueur en meublé et le locataire. Le loueur en meublé est défini comme tout bailleur " qui loue habituellement plus de quatre logements meublés, que la location s'accompagne ou non de prestations secondaires ".

Le présent article précise que le locataire a droit à l'établissement d'un contrat écrit d'un an au moins, renouvelable par tacite reconduction. Il encadre les conditions de résiliation du bail et définit les délais de préavis.

L'article L. 632-2 fait obligation au bailleur, en cas de cessation d'activité, d'informer les locataires trois mois au moins avant la date à laquelle cette cessation d'activité est prévue.

L'article L. 632-3, qui constitue une nouveauté par rapport au texte de MM. Jacques Barrot et Xavier Emmanuelli, exclut expressément du champ d'application des dispositions précitées les logements foyers et les logements faisant l'objet d'une convention avec l'Etat portant sur leurs conditions d'occupation et leurs modalités d'attribution. Cette dernière formule recouvre les hôtels sociaux visés à l'article 24 du présent projet de loi acquis par les organismes d'HLM pour héberger les personnes en difficulté.

L'Assemblée nationale a apporté quelques modifications au texte du Gouvernement lors de l'examen du projet de loi en première lecture :

- elle a modifié le titre du chapitre II en remplaçant les termes " les hôtels meublés " par " certains meublés " ;

- elle a imposé l'obligation d'une motivation pour tout refus de renouvellement de bail ;

- elle a adopté un amendement de M. Daniel Marcovitch, prévoyant le renouvellement tacite du bail en cas de changement de propriétaire d'hôtel meublé et le relogement des occupants en cas d'opération d'urbanisme.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification .

CHAPITRE IV
-
MOYENS D'EXISTENCE

Dans le projet de loi initial, ce chapitre comprend six articles portant respectivement, limitation de la portée des exceptions au principe de l'insaisissabilité des prestations familiales ( art. 68 ), obligation de revalorisation annuelle de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation d'insertion ( art. 69 ), mise en oeuvre d'un mécanisme d'intéressement pour les titulaires de l'allocation parent isolé ( art. 70 ), préservation du droit à une vie familiale normale pour les personnes accueillies en CHRS ( art. 71 ), garantie du droit de chacun à un accès minimum à l'eau, à l'électricité et au téléphone ( art. 72 ) et garantie du droit au compte bancaire ( art. 73 ).

Trois articles additionnels ont été introduits par l'Assemblée nationale en première lecture à ce chapitre pour garantir le caractère incessible et insaisissable de l'AI et de l'ASS ( art. 68 A ), engager une concertation sur la mise en oeuvre du droit au transport pour les chômeurs en fin de droits et les demandeurs d'emploi de moins de 26 ans ( art. 69 bis ) et légaliser la technique des " titres-services " appelés " chèque d'accompagnement personnalisé " ( art. 73 bis ).

Art. 68 A
(Art. L. 351-10 bis du code du travail)
Caractère incessible et insaisissable de l'allocation d'insertion et de l'allocation de solidarité spécifique

Cet article additionnel introduit à l'initiative de la commission spéciale à l'Assemblée nationale avec avis favorable du Gouvernement, pose le principe du caractère incessible et insaisissable de l'allocation d'insertion et de l'allocation de solidarité spécifique.

Ces deux minima sociaux bénéficient donc du même régime protecteur que celui mis en place au titre du RMI par l'article 31 de la loi du 1 er décembre 1988.

Votre rapporteur rappelle, sous le commentaire de l'article 69 ci-après, les caractéristiques et les publics de ces deux allocations qui sont financées par le budget de l'Etat dans le cadre du Fonds de solidarité chômage.

Cet article insère un article dans la section du code du travail relative au régime de solidarité pour les travailleurs privés d'emploi.

Les deux derniers alinéas du texte proposé définissent les modalités selon lesquelles les établissements bancaires doivent garantir le caractère insaisissable des prestations. Ils reprennent un dispositif déjà prévu à l'article 31 précité de la loi RMI.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Art. 68
(Art. L. 553-4 du code de la sécurité sociale)
Fixation d'un seuil minimal insaisissable pour les prestations familiales

Cet article prévoit, dans le projet de loi initial que, lorsqu'il est fait exception au principe d'insaisissabilité des prestations familiales, le montant de la saisie ne peut excéder un pourcentage des allocations familiales versées qui sera fixé par décret. Selon les informations fournies par le Gouvernement, le taux maximal autorisé de la saisie devait s'élever à 50 %.

L'article L. 553-4 du code de la sécurité sociale pose le principe de la non-cessibilité et de l'insaisissabilité des prestations familiales, sauf exceptions limitativement énumérées par le législateur.

S'agissant de la cessibilité, des exceptions sont prévues afin de permettre le versement direct de l'allocation logement au bailleur ou au prêteur ( cf. commentaire de l'article 60 ci-dessus ).

Concernant l'interdiction des saisies, trois exceptions sont envisagées par l'article L. 553-4 précité :

- pour le recouvrement de prestations familiales indûment versées à la suite d'une manoeuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration de l'allocataire ;

Ce cas doit être distingué du simple paiement indu de prestations familiales visé à l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale : si l'allocataire ne conteste pas le caractère indu, la dette peut être récupérée par retenues sur les prestations à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution. La même règle est applicable en cas de non remboursement d'un prêt subventionné ou consenti par une caisse d'allocation familiale ;

- pour le paiement de dettes alimentaires ou l'exécution de la contribution aux charges du mariage et liées à l'entretien des enfants : la saisie est limitée par son objet et ne peut porter que sur l'allocation pour jeune enfant, les allocations familiales, le complément familial, l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation de soutien familial, l'allocation parentale d'éducation (l'API et l'allocation d'adoption ne sont pas visées) ;

- pour le paiement des frais liés à l'entrée en établissement d'éducation spéciale pour handicapés : la saisie peut être opérée sur l'allocation d'éducation spéciale (AES).

Concrètement, selon le Gouvernement, les situations d'impayés concernent pour l'essentiel des dettes de cantine scolaire ainsi que des dettes hospitalières (forfait hospitalier).

Le taux maximum de la saisie prévu par le texte ne concerne pas les manoeuvres frauduleuses mais uniquement les saisies opérées dans les deux dernières hypothèses évoquées ci-dessus, à savoir la saisie pour des dettes liées à l'entretien de l'enfant ou relatives à l'accès à un établissement d'éducation spéciale pour handicapés.

Ce type de saisie doit être distingué de la saisie opérée par un organisme débiteur des prestations familiales subrogé dans les droits du parent créancier pour le recouvrement des créances alimentaires impayées lorsque l'un au moins des parents se soustrait totalement au versement d'une créance alimentaire pour enfants fixée par décision de justice.

Cet article appelle une observation préalable de votre rapporteur . Lors de l'examen de la loi du 25 juillet 1994 dite " loi Famille ", il avait été prévu, s'agissant des retenues pour récupération de paiement indu sans fraude , que celles-ci seraient déterminées en fonction de la composition de la famille, de ses ressources, des charges de logement et du montant des prestations servies par les CAF, dans des conditions fixées par décret.

Or, ce décret n'est toujours pas paru et l'administration a maintenu le dispositif déjà applicable lors de l'entrée en vigueur de la " loi Famille " et l'autorisant à retenir au maximum 20 % sur les prestations à venir ( art. R. 553-2 du code de la sécurité sociale ).

Votre rapporteur ne peut que regretter le retard pris dans l'application de la " loi Famille " alors qu'il a eu la confirmation au cours de ses auditions que la CNAF était prête à mettre en oeuvre le nouveau dispositif de saisie dont le niveau de préparation est relativement avancé. Il est logique que l'administration récupère des sommes versées pour l'entretien des enfants lorsque celles-ci ne sont pas utilisées à cette fin.

Il est vrai qu'aujourd'hui la mise en oeuvre de la saisie-attribution, qui entraîne le blocage du montant intégral des prestations saisissables servies jusqu'à l'extinction de la dette, peut déstabiliser la situation budgétaire de familles en situation précaire.

La mesure proposée a simplement pour objet d'étaler dans le temps le recouvrement de la créance qui pourra cependant être poursuivie chaque mois par l'organisme débiteur 1( * ) . Elle ne remet donc pas en cause le principe de la récupération mais en atténue les effets les plus criants.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que dans le cas d'un quasi-abandon de l'enfant, la procédure utilisable ne serait pas celle de la saisie mais du transfert du montant des prestations familiales à une autre personne physique ou morale sous le contrôle du juge des enfants (article L. 552-6 du code de la sécurité sociale).

En première lecture à l'Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement a été adopté à l'unanimité afin de renvoyer, pour la détermination du taux maximum de la saisie, au décret mentionné ci-dessus et prévu au deuxième alinéa de l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale pour la mise en oeuvre de la retenue pour remboursement de paiement indu de prestations familiales.

Votre rapporteur se félicite de ce renvoi qui permettra d'ajuster le niveau de la saisie à la situation spécifique de la famille en tenant compte de sa composition, de son niveau de revenus, du poids de ses charges de logement et du montant total des sommes servies par les CAF.

Il devient maintenant de plus en plus impératif que le décret, dont le législateur avait souhaité la parution à partir de juillet 1994, puisse être pris dans un délai acceptable.

Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Art. 69
(Art. L. 351-9, L. 351-10 du code du travail
et art. 3 de la loi n° 88-1088 du 31 décembre 1988)
Indexation sur les prix de l'allocation d'insertion et de l'allocation de solidarité spécifique

Cet article, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, garantit l'indexation annuelle sur l'évolution des prix du montant de l'allocation d'insertion (AI) et de l'allocation de solidarité spécifique (ASS).

Ces dispositions constituent l'un des engagements pris par le Premier ministre lors de son intervention télévisée du 26 février 1998 pour répondre aux problèmes soulevés par les mouvements de chômeurs de décembre 1997 et janvier 1998.

L'ASS et l'AI sont deux prestations destinées aux travailleurs privés d'emploi et financés, non par l'UNEDIC, mais par le budget de l'Etat, dans le cadre du Fonds de solidarité.

L'allocation d'insertion (AI) visée à l'article L. 351-9 du code du travail est destinée :

- aux détenus libérés, lorsque la durée de leur détention n'a pas été inférieure à deux mois et qu'ils sont inscrits comme demandeurs d'emploi, sauf s'ils ont été condamnés pour certains délits (proxénétisme et trafic de stupéfiants, notamment) ;

- aux travailleurs en attente de réinsertion ou en instance de reclassement notamment à la suite d'un accident de travail, et exclus du bénéfice de l'assurance chômage pour des raisons indépendantes de leur volonté.

Aux termes de l'article R. 351-10, ont également droit à l'AI, les rapatriés, les apatrides réfugiées et demandeurs d'asile qui ne sont pas pris en charge dans un centre d'hébergement, les salariés expatriés non couverts lors de leur retour en France, les salariés suspendus après un contrat de travail.

L'AI est versée environ à 15.000 personnes en 1998. Son montant est de 1.700 francs à compter du 1er janvier 1998.

L'allocation de solidarité spécifique (ASS) est versée, sous condition de ressources, au chômeurs de longue durée qui ont épuisé leurs droits à l'assurance chômage.

Versée aux demandeurs d'emploi dont le montant des ressources n'excède pas 5.601 francs par mois pour une personne seule (et 8.802,20 francs pour un couple), le montant de l'ASS est fixé depuis le 1er février 1998 à 2.400 francs par mois.

480.000 allocataires de l'ASS sont dénombrés en 1998.

Cet article prévoit de réviser une fois par an en fonction de " l'évolution des prix " 2( * ) le taux de l'allocation d'insertion ( paragraphe I ) ainsi que celui de l'ASS ( paragraphe II ) alors qu'aucune disposition n'est expressément prévue aujourd'hui.

Il convient de rappeler que l'AI n'avait pas été revalorisée depuis 1986 et que l'ASS ne l'avait pas été depuis 1989.

La mesure d'indexation permettra de maintenir le pouvoir d'achat de l'allocation et d'aligner ainsi le régime des différents minima sociaux .

Il convient de rappeler :

- que le RMI est révisé en principe deux fois par an, en fonction de l'évolution des prix ( article 3 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 ) ; en pratique, il est seulement opéré une revalorisation au 1er janvier de chaque année.

- que l'allocation de parent isolé (API) évolue comme les prestations familiales c'est-à-dire en fonction de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) prévue à l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale .

Aux termes de l'article 36 de la loi du 25 juillet 1994 (loi " famille "), sur la période allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999, la BMAF est revalorisée, une ou plusieurs fois par an conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l'année civile à venir (un ajustement est prévu en cas de divergence entre l'évolution prévue et l'évolution constatée).

- enfin, le minimum vieillesse -ainsi que l'allocation de veuvage, l'allocation adulte handicapé (AAH) et le minimum invalidité qui y sont liés par référence- doivent évoluer comme les pensions de retraite qui sont elles-mêmes indexées sur les prix aux termes de la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Art. 69 bis
Mise en oeuvre du droit au transport pour les chômeurs en fin de droits et les demandeurs d'emploi de moins de 26 ans

Cet article additionnel, issu d'un amendement cosigné par les députés membres du groupe socialiste et du groupe communiste et adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, a pour objet d'initier une concertation entre l'Etat, les régions, les ASSEDIC, les directeurs d'entreprise de transport, les départements et les communes pour mettre en oeuvre un " droit au transport " au profit de deux catégories de demandeurs d'emploi : les chômeurs en fin de droits et les demandeurs d'emploi de moins de 26 ans. Il a été précisé que le financement de ces mesures reposerait sur la modulation des tarifs.

Votre rapporteur souligne qu'il est important que les chômeurs en situation difficile accèdent aux transports collectifs pour se rendre à l'ANPE, suivre une formation ou accomplir toutes les démarches nécessaires à la recherche d'un emploi.

En Ile-de-France, un dispositif de " chèque-mobilité " a été mis en place en faveur des demandeurs d'emploi. Il importe que ce type de démarche puisse s'étendre dans toutes les agglomérations où sont organisés des transports collectifs.

Mme Martine Aubry s'est déclarée favorable à cet article sous réserve qu'il soit entendu que l'Etat, en participant à la concertation, ne remettait pas en question la répartition des compétences actuelles en matière de transports publics et que les départements et les communes soient appelés à participer à la négociation.

Il est à noter que la référence faite à la modulation des tarifs exclut a priori tout appel à un financement non volontaire des collectivités publiques qui pourrait conduire à une augmentation des prélèvements obligatoires.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Art. 70
Intéressement des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé à l'exercice d'une activité professionnelle

Dans le projet de loi initial, cet article a pour objet de permettre, dans des conditions de durée et de revenus fixés par décret, le maintien du versement de l'allocation de parent isolé (API) aux personnes ayant commencé à exercer une activité professionnelle.

L'allocation de parent isolé

Régie par les articles L.524-1 et suivants du code de la sécurité sociale, l'API est versée à toute personne isolée résidant en France et assumant seule la charge d'un ou de plusieurs enfants.

Il s'agit d'une allocation différentielle pour les personnes éligibles dont le montant mensuel des ressources n'excède pas 4.264 francs par mois pour une personne seule avec un enfant à charge.

Est considérée comme personne isolée, la personne veuve, divorcée, séparée de droit ou de fait, abandonnée ou célibataire, sauf si elle vit maritalement.

L'allocation est due à la date à laquelle la personne devient isolée (décès du conjoint ou du concubin, divorce ou séparation du couple) ou à la date de la déclaration de grossesse pour les femmes enceintes.

Sont prises en compte pour le calcul des ressources de l'intéressé, les revenus professionnels, les avantages en nature dont il jouit, les revenus procurés par des biens mobiliers ou immobiliers (évalués forfaitairement si ces biens ne sont pas exploités ou placés) et les pensions alimentaires.

En revanche, il n'est pas tenu compte de l'allocation d'éducation spéciale, de l'allocation pour jeune enfant et de l'allocation de rentrée scolaire ainsi que des prestations en nature de la sécurité sociale, du capital décès versé par le régime général et de l'aide pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée.

L'allocation est versée soit pendant une période de 12 mois consécutifs dans la limite d'un délai de 18 mois à compter de la date d'ouverture du droit, soit au-delà de cette date, jusqu'à ce que l'enfant le plus jeune ait atteint l'âge de trois ans.

Cet article prévoit pour les bénéficiaires de l'API la possibilité de cumuler cette allocation, pendant une durée limitée, avec les revenus tirés d'une activité professionnelle. Ce dispositif, qui vise à faciliter le retour à une activité professionnelle, existe déjà pour les titulaires du RMI et les titulaires de l'ASS.

Actuellement, aucun système analogue n'existe pour l'API : les revenus professionnels viennent donc immédiatement en déduction du montant de l'API, qui est calculée comme une allocation différentielle, alors que la reprise d'un travail peut, particulièrement pour un parent isolé, générer des frais au titre de la garde des enfants .

Le Gouvernement envisage d'uniformiser les règles de calcul de l'intéressement pour tous les bénéficiaires de minima sociaux suivant les principes suivants :

- cumul de l'allocation avec le revenu d'activité si celui-ci et inférieur ou égal à un demi SMIC pendant les trois premiers mois ;

- application d'un abattement pendant les six mois suivants ;

- déduction d'un second abattement pendant les trois mois suivants

Cet article a été supprimé en première lecture à l'Assemblée nationale ; en effet, l'article 5 bis examiné supra qu'elle a introduit en première lecture, pose le principe de l'intéressement au retour à l'activité professionnelle pour les titulaires du RMI, de l'ASS et de l'API. Cette présentation permet de rassembler, en un article unique, les diverses mesures applicables pour le cumul d'un minimum social avec des revenus tirés d'activité professionnelle, qui doivent prochainement donner lieu à la parution d'un décret d'application annoncé dans le programme d'action contre les exclusions du Gouvernement.

Votre commission vous demande de maintenir la suppression de cet article.

Art. 71
(Art. 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975)
Droit à la vie familiale des personnes hébergées dans les centres d'accueil

Cet article, qui reprend une disposition déjà prévue dans le premier projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale ( article 6 ), a pour objet de garantir le respect du droit à la vie familiale pour les personnes accueillies dans les établissements ou services d'aide à l'enfance ou les centres d'hébergement et de réinsertion sociale.

Le rapport du Conseil économique et social sur l'évaluation des politiques publiques de lutte contre la pauvreté présenté par Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz a montré que la dislocation des familles qui résulte de l'exclusion était ressentie très douloureusement par les personnes concernées.

L'un des voeux des familles en difficulté est d'éviter la séparation des parents et de leurs enfants, dont la présence représente souvent un facteur très motivant de réinsertion.

Cet article complète l'article 3 de la loi du 30 juin 1975 qui définit les conditions dans lesquelles sont autorisées les diverses catégories d'établissements sociaux et médico-sociaux. Il prévoit donc que les institutions sociales ou médico-sociales susceptibles d'accueillir les membres d'une famille doivent veiller à éviter la " séparation des personnes " afin d'assurer le " respect du droit à une vie familiale ".

Deux catégories d'établissements sont visées :

- il s'agit, tout d'abord, des établissements relevant de l'aide à l'enfance ( 1° de l'article 3 de la loi du 30 juin 1975 ) c'est-à-dire les établissements financés au titre de l'aide sociale des départements, les maisons d'enfants à caractère social, les centres de placements familiaux et les établissements maternels.

Si ces établissements ont vocation à accueillir en priorité des mineurs délinquants ou en difficulté, ils peuvent, dans certains cas, recevoir des familles et notamment des familles monoparentales.

- il s'agit, ensuite, des structures d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS visée au 8° de l'article 3 de la loi du 30 juin 1975 ) financées par l'aide sociale de l'Etat.

L'accueil de familles entières suppose l'existence de locaux séparés permettant une vie autonome commune. Dans certains centres qui ne disposent que de dortoirs collectifs, l'accueil groupé est rendu impossible pour des raisons matérielles.

Afin de tenir compte de cette situation, cet article prévoit que, si la séparation de la famille ne peut être évitée, l'établissement ou le service doit établir, de concert avec les personnes accueillies, un projet propre à permettre la réunion des membres de la famille dans les meilleurs délais 3( * ) .

La différence essentielle du texte proposé par rapport à celui de MM. Jacques Barrot et Xavier Emmanuelli réside dans la mention faisant obligation aux établissements et services concernés de " suivre le projet " visant à permettre la réunion de la famille accueillie, lorsque la séparation est temporairement inévitable. Cette adjonction apparaît comme une garantie supplémentaire. Il n'est pas inutile de rappeler que 50 % des adultes hébergés en CHRS sont des familles et que dans 33 % des cas, il s'agit de personnes accompagnées d'enfants, la mère étant seule avec eux, neuf fois sur dix.

En première lecture, deux amendements identiques présentés par MM. Pinte, de Broissia, Fromion, Accoyer, Martin-Lalande, Jacques Barrot et Jacquat ont complété cet article, avec l'avis favorable du Gouvernement afin de prévoir que chaque schéma départemental des CHRS devrait " évaluer les besoins en accueil familial du département et prévoir les moyens pour y répondre ". L'article modifié a été adopté à l'unanimité. Il est essentiel en effet de parvenir à une amélioration qualitative des structures d'hébergement afin de faciliter la réunion des familles.

Enfin, votre commission ne peut que déplorer les décisions prises unilatéralement par certains préfets dont elle a été informée à l'occasion de l'audition de l'Assemblée des présidents de conseils généraux, de refuser de prendre en charge systématiquement au titre de l'aide sociale de l'Etat les mères et enfants de moins de trois ans hébergés en CHRS.

Ce type de pratique administrative, qui se fait toujours au détriment des enfants dont la protection est prioritaire, va à l'encontre des objectifs généraux de la lutte contre les exclusions.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 71
(Art. 375-7 du code civil)
Droit de visite des parents en cas de placement d'enfants

Cet article additionnel prévoit que le juge des enfants, lorsqu'il prend une mesure d'assistance éducative, peut indiquer dans sa décision que le lieu de placement de l'enfant doit être recherché afin de faciliter, autant que possible, l'exercice du droit de visite par le ou les parents.

Les dispositions relatives à l'assistance éducative relèvent des articles 375 à 375-7 du code civil.

Aux termes de l'article 375 du code civil , si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel.

La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu'il s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée.

Le juge des enfants est compétent, à charge d'appel, pour tout ce qui concerne l'assistance éducative. Il doit toujours s'efforcer de recueillir l'adhésion de la famille à la mesure envisagée (art. 375-1 du code civil).

Le deuxième alinéa de l'article 375-7 qu'il vous est proposé de compléter prévoit que, s'il a été nécessaire de placer l'enfant hors de chez ses parents, ceux-ci conservent un droit de correspondance et un droit de visite. Le juge en fixe les modalités et peut même, si l'intérêt de l'enfant l'exige, décider que l'exercice de ces droits, ou de l'un d'eux, sera provisoirement suspendu.

Les décisions de placement d'enfants, qui sont parfois prises lorsque les familles, entraînées dans la spirale de l'exclusion, traversent de très gaves difficultés, sont souvent extrêmement mal vécues par les parents qui sont légitimement attachés à garder un contact avec leurs enfants. La présence de ces derniers est ressentie comme un élément stimulant pour rechercher une réinsertion rapide.

Il paraît utile de préciser que le juge des enfants, lorsqu'il prend sa décision, peut mentionner s'il estime qu'il convient de faciliter, autant que possible, l'exercice du droit de visite.

Avertis par l'instance judiciaire, les services de l'aide sociale à l'enfance pourront veiller, dans la mesure du possible, à ce que le lieu de placement de l'enfant ne l'éloigne pas trop de ses parents.

Votre commission vous demande d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. 72
(Art. 43-5 et 43-6 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988)
Fournitures minimum d'énergie, d'eau et de téléphone

Cet article renforce et élargit le chapitre III de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion , portant sur l'accès à une fourniture minimum d'eau et d'énergie, afin de l'élargir à la fourniture de services téléphoniques et de garantir le maintien de la fourniture d'énergie et d'eau jusqu'à l'intervention du dispositif d'aide spécifique.

La loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle a imposé des obligations aux distributeurs d'eau et d'énergie à l'égard des plus démunis, afin de faciliter la conclusion de conventions entre l'Etat et les entreprises ou établissements publics intéressés.

L'article 43-5 de la loi du 1er décembre 1988 modifiée précitée prévoit que toute personne en situation de précarité a droit à une aide de la collectivité pour accéder ou préserver son accès à une fourniture d'eau et d'énergie.

L'article 43-6 institue un dispositif conventionnel d'aide , à la fois sur le plan national et le plan départemental, avec les établissements publics chargés de la distribution d'électricité et de gaz ; les collectivités territoriales, les CCAS et les organismes de protection sociale sont invités à participer au mécanisme au niveau des conventions départementales.

Deux conventions ont été conclues sur le plan national depuis 1996 :

- une charte " solidarité-énergie " a été signée en 1996 entre l'Etat, d'une part, et Electricité de France et Gaz de France, d'autre part. Ce dispositif a permis d'aider 147.000 familles en 1996 : le coût total de l'engagement est de 150 millions de francs dont 42 millions de francs à la charge d'EDF et de GDF ;

- une charte " solidarité-eau " a été signée en novembre 1996 entre l'Etat et les distributeurs d'eau. Le dispositif concerne les consommateurs qui sont abonnés directement à ce service public ; les usagers qui n'ont pas de compteurs individuels et qui acquittent les frais de facture d'eau dans leurs charges locatives continuent à relever des Fonds de solidarité logement.

A travers la Charte Solidarité Eau, les distributeurs d'eau privés s'engagent pour les plus démunis :

- à prendre en charge à hauteur de 15 millions de francs, tout ou partie des factures d'eau des plus démunis,

- à maintenir la fourniture de l'eau pendant toute la durée d'étude du dossier par la commission solidarité eau créée au niveau départemental pour traiter les cas d'impayés,

- à ne pas couper l'eau après 12 heures, ni les vendredis, samedis, dimanches, jours de fête et veilles de jours de fêtes,

- à mener des actions préventives.

Les distributeurs d'eau ont désigné, dans chacune de leurs agences locales, un correspondant Solidarité eau, interlocuteur des plus démunis.

Dans le projet de loi initial, cet article apporte trois modifications par rapport au dispositif existant :

- tout d'abord, la garantie d'une aide de la collectivité, pour accéder ou préserver un accès à une fourniture minimum, est étendue aux services téléphoniques .

Sur ce point, il convient de rappeler, que l'article 8 de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications prévoit la création d'un service universel fourni dans des conditions tarifaires et techniques " prenant en compte les difficultés spécifiques rencontrées dans l'accès au service téléphonique par certaines catégories de personnes en raison de leur niveau de revenus ou de leur handicap ".

Conformément aux directives européennes relatives au service universel du téléphone, ce " service universel " doit comporter la mise en place de tarifs sociaux pour les personnes handicapées ou démunies ainsi que la possibilité de conserver un service restreint (maintien de la réception des appels ; accès aux numéros verts ou aux numéros de secours d'urgence).

Le dispositif n'est pas réellement mis en oeuvre de manière systématique à ce jour ; le coût de la mise en oeuvre des tarifs sociaux a été évalué à 921 millions de francs pour 1998.

- Par ailleurs, cet article complète le principe de l'aide à l'accès ou à la préservation de l'accès aux services par celui du maintien de la fourniture d'eau et d'énergie en cas de non-paiement jusqu'à l'intervention du dispositif d'aide défini par voie conventionnelle.

Cette obligation de non-coupure concerne le maintien de la fourniture d'énergie (électricité et gaz) et d'eau, mais pas les services téléphoniques.

- Enfin, cet article étend aux distributeurs d'eau le dispositif national d'aide et prévention jusqu'alors réservé à la fourniture d'électricité et de gaz. Les " organisations professionnelles de distributeurs d'eaux " doivent conclure des conventions nationales. Ces distributeurs d'eau doivent s'associer aux conventions passées au plan départemental avec le préfet. Il est précisé que ces conventions " déterminent les conditions d'application des conventions nationales ".

S'agissant de la distribution d'eau, le financement est compliqué par le fait que le produit de la facture d'eau revient à différents intervenants : distributeur d'eau, organismes publics et collectivités locales.

La politique de recouvrement des factures d'eau pour les plus démunis est très ancrée localement au niveau de la commune. Elle a montré son efficacité quotidienne auprès des collectivités délégantes. Plusieurs dizaines de milliers de dossiers sont traités par les distributeurs d'eau avec les services sociaux des collectivités et les associations caritatives chaque année et trouvent ainsi une solution financière avec le plus souvent une participation de la collectivité et/ou du distributeur (souvent sous forme d'abandons de créances). Le traitement des situations des personnes démunies est extrêmement développé et affiché dans les chartes " service-client " qui prévoient des dispositifs spécifiques et en particulier un contact personnalisé.

S'agissant de l'examen de cet article à l'Assemblée nationale, on signalera, pour mémoire, que la commission spéciale avait adopté, malgré la position contraire de son rapporteur, un amendement prévoyant la fourniture gratuite d'un minimum d'eau et d'énergie aux usagers des services publics et qui n'a pas été discuté en séance en raison de l'application de l'article 40 de la Constitution.

Votre rapporteur souligne que les situations sont diverses et que la notion de fourniture minimale gratuite pourrait avantager le propriétaire d'une résidence secondaire qui ne l'occuperait que peu de temps dans l'année et ne répondrait pas à l'inquiétude de la famille nombreuse d'un titulaire d'un minimum social qui serait hors d'état de faire face à ses factures : une approche personnalisée, telle que celle conduite depuis la mise en place de la loi sur le RMI, semble donc préférable.

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Patrick Devedjian, avec avis favorable du Gouvernement, portant sur le dispositif des conventions nationales, pour que soient visés les " distributeurs d'eaux " et non plus seulement les " organisations professionnelles de distributeurs d'eau " : la formulation du projet de loi initial avait pour conséquence d'écarter du dispositif d'aide aux plus démunis, les services de distribution d'eau en régie.

Le présent article ainsi modifié a été adopté à l'unanimité.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 73
(Art. 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984)
Droit au compte bancaire

Cet article modifie l'article 58 de la loi du 24 janvier 1984 afin de garantir pour toute personne physique résidant en France, le droit à l'ouverture d'un compte dans l'établissement de crédit de son choix ou auprès des services financiers de la Poste ou du Trésor public.

Actuellement, l'article en question prévoit que toute personne qui n'a pas de compte bancaire par suite du refus d'ouverture d'un compte de dépôt par " plusieurs établissements ", peut demander à la Banque de France de lui désigner, soit un établissement de crédit, soit un établissement à caractère public (Poste, Trésor public, Banque de France et institut d'émission d'outre-mer, Caisse des dépôts et consignations) auprès duquel elle pourra ouvrir un compte.

Les services opérés sur ce compte peuvent être limités par l'établissement de crédit à des opérations de caisse.

Le présent article apporte un certain nombre de modifications à ce dispositif tout en conservant une certaine souplesse dans les modalités d'application. Il pose tout d'abord le principe selon lequel toute personne dépourvue d'un compte de dépôt a droit à l'ouverture de celui-ci dans un établissement bancaire, de la Poste ou du Trésor public.

En cas de refus d'ouverture, l'intéressé saisit la Banque de France qui désigne un établissement de crédit, un établissement de la Poste ou du Trésor public 4( * ) .

Les modifications sont les suivantes :

- le droit est reconnu à toute personne " résidant en France " : le texte actuel de la loi du 24 janvier 1984 n'apporte pas de précision sur ce point ;

- un seul refus permet d'intervenir auprès de la Banque de France : le texte actuel envisage le cas de plusieurs refus ;

- la procédure d'intervention de la Banque de France revêt un caractère quasi contentieux comme en témoigne le choix du terme " saisine " au lieu de " demande ". S'agissant d'un droit reconnu par le législateur, les établissements de crédit devront sans doute motiver plus clairement qu'ils ne le font actuellement leur décision de refus ;

- la notion d'absence de compte est attestée par une déclaration sur l'honneur de l'intéressé ;

- un décret doit définir les conditions dans lesquelles un établissement peut limiter à des opérations de caisse les opérations sur le compte.

L'Assemblée nationale a adopté quatre modifications à cet article.

Tout d'abord, elle a précisé les conditions dans lesquelles l'utilisation du compte peut être limité. Un amendement déposé par la commission spéciale et sous-amendé par M. Jean-Pierre Balligand, président de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et Consignations a prévu qu'un établissement bancaire peut décider de limiter " aux services bancaires de base " les services liés à l'ouverture du compte dans des conditions définies par décret.

M. Jean-Pierre Balligand a indiqué que la notion de " services bancaires de bases spécifiques " devrait s'entendre par référence à la charte des services bancaires de 1992 signée par l'AFB, sachant que le développement du paiement par carte bancaire permet une sécurisation accrue sur le niveau des transactions.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de la commission spéciale afin de prévoir la fixation par décret des conditions tarifaires applicables lorsqu'un établissement bancaire désigné par la banque de France décide de restreindre l'utilisation de ce compte aux services bancaires de base.

De plus, il a été prévu que toute décision de clôture de compte devrait faire l'objet d'une notification écrite et motivée adressée à la Banque de France et au client, 45 jours au moins avant la clôture effective.

Enfin, un amendement du Gouvernement prévoyant que le dispositif précité s'appliquait aux interdits bancaires a été voté.

Cet article fait l'objet de saisines pour avis de votre commission des finances et de la commission des lois. Votre commission sera attentive à leurs observations.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous réserve des amendements qui seront présentés par les commissions des Lois et des Finances .

Art. 73 bis
(Art. L. 1611-6 du code général des collectivités territoriales et art. 902 du code général des impôts)
Chèques d'accompagnement personnalisé

Cet article additionnel, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. François Brottes et les membres du groupe socialiste a pour objet de créer un cadre légal à la délivrance de " titre-services " par les collectivités territoriales et les CCAS : le chèque d'accompagnement personnalisé (CAP) créé par cet article permet aux collectivités locales, à leurs établissements publics, aux CCAS et aux caisses des écoles de financer une aide personnalisée en versant une contribution à un émetteur qui émet des titres infalsifiables mis à disposition des personnes démunies, soit directement par le financeur, soit par une association agréée. Ces titres permettent aux bénéficiaires en difficulté d'acheter des biens ou services auprès de commerçants prestataires qui se font rembourser le titre de paiement auprès de l'émetteur.

Le dispositif légal prévoit un certain nombre de garanties pour assurer le fonctionnement du dispositif :

- les titres ne peuvent être remboursés directement auprès du commerçant prestataire ;

- les valeurs nominales des titres sont modulées pour permettre de petits achats ;

- la durée du titre est limitée à un an ;

- le remboursement doit être demandé par le prestataire dans un délai limité.

Les circulaires des 29 août 1994 et 23 décembre 1994 avaient autorisé, à titre expérimental, le système des " titres-services " mais il semble que le dispositif ait été " gelé ".

Le II de l'article exonère les CAP du paiement du droit de timbre de dimension, prévu à l'article 902 du code général des impôts, comme c'est déjà le cas pour les titres-restaurants.

Le titre de services, à l'instar du titre-restaurant, présente l'avantage de permettre de bien cibler les interventions sociales à un moindre coût pour la collectivité en offrant aux bénéficiaires l'usage d'un moyen de paiement préservant leur dignité, leur choix, leurs coutumes et contraintes alimentaires à l'aide d'un très large réseau national aussi bien dans la grande distribution que dans le commerce de proximité.

Ce titre de services a été expérimenté depuis cinq ans par les très grandes organisations caritatives telles que Secours Catholique, Secours Populaire, Fondation de France, AIDES, Fondation Abbé Pierre... ainsi que par près de 300 CCAS qui en tirent satisfaction. Ceci représente annuellement près de deux millions de titres représentant une aide globale de 87 millions de francs.

Outre les applications courantes déjà citées, le titre de service est à même de répondre avec efficacité au profit des personnes qui se trouvent en parcours d'insertion sociale et professionnelle qui ne peuvent, à ce jour, disposer d'outil comme le titre-restaurant pour leur déjeuner quotidien. Des PAIO, les missions locales, le FAJ et bien d'autres structures ont déjà expérimenté la solution titre de services depuis cinq ans.

Votre rapporteur se félicite donc de la mise en place d'un cadre légal aux titres de service.

Votre commission sera attentive aux observations de la commission des Finances sur ce nouveau moyen de paiement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE V
-
DROIT À L'ÉGALITÉ DES CHANCES PAR L'ÉDUCATION ET LA CULTURE

Art. 74
Accès à la culture, au sport, aux vacances et aux loisirs

Cet article qui se présente comme une déclaration de principe dispose, dans son premier alinéa, que " l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national ".

Or, ces principes sont déjà inclus dans le bloc de constitutionnalité. Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1958 avait déjà proclamé comme " principes particulièrement nécessaires à notre temps " le principe d'égal accès à la culture et la garantie pour tous du repos et des loisirs.

On peut donc s'interroger sur l'utilité de reprendre dans la loi des principes à valeur constitutionnelle.

Certes, le Conseil d'Etat considère, dans sa jurisprudence, que ces principes restent des principes généraux insuffisamment précis pour être directement applicables ou invocables par le justiciable. Or, la formulation législative proposée par le Gouvernement ne les rend ni directement applicables, ni invocables par le justiciable.

On peut aussi se demander quel est le contenu juridique précis de la notion d'" objectif national ", notion qui reste distincte de celle d'" objectif à valeur constitutionnelle " définie par le Conseil Constitutionnel.

Le second alinéa dresse la liste des partenaires associés à la réalisation de cet " objectif national " : l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes de protection sociale, les entreprises et les associations.

Cet alinéa recense en réalité les partenaires que le Gouvernement souhaite impliquer dans son programme d'action pour l'accès à la culture, aux sports et au tourisme.

Le programme d'action défini par le Gouvernement lors du Conseil des ministres du 4 mars 1998, qui ne nécessite pas de dispositions de nature législative, aborde trois domaines :

L'accès à la culture

Il devra être favorisé par la mise en place de programmes d'action concertés pour l'accès aux pratiques artistiques et culturelles. Ces programmes, qui pourront faire l'objet de contrats d'objectifs, seront négociés au niveau local entre les services de l'Etat, les collectivités locales et les associations de solidarité.

Les cahiers des charges des établissements culturels financés par l'Etat devront également inclure, au titre de leurs missions, l'obligation d'agir contre les exclusions.

Le Gouvernement envisage enfin la création de " médiateurs culturels ", sur le modèle des " médiateurs du livre " expérimentés par les associations en faveur de l'accès à la lecture et à l'écriture des personnes en voie d'exclusion.

L'accès aux sports

En cette matière, le Gouvernement propose de relancer les " tickets sport " qui permettent aux jeunes de s'initier aux différentes pratiques sportives et de créer les " coupons sport " qui instituent une aide financière aux familles les plus modestes afin de réduire les coûts d'adhésion aux associations sportives.

L'accès aux loisirs

Le Gouvernement envisage la création d'une " bourse solidarité-vacances " destinée à mettre en commun les moyens disponibles pour permettre aux familles les plus en difficulté de partir en vacances.

Ce programme d'action est évalué, selon les chiffres fournis par le Gouvernement le 4 mars 1998, à 375 millions de francs cumulés entre 1998 et 2000 : 95 millions de francs ou 125 millions de francs selon les sources au titre de la culture, 266 au titre des sports, 14 au titre des loisirs.

Or, il est à craindre que ce programme, qui repose largement sur l'implication des acteurs locaux, ne se traduise par un transfert de charges sur les collectivités locales.

Ce risque n'est cependant pas directement lié aux dispositions du présent article.

L'Assemblée nationale, lors de l'examen du texte en première lecture, a sensiblement modifié le texte proposé par le Gouvernement en adoptant trois amendements présentés par M. Jean Le Garrec, rapporteur de la commission spéciale . Le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée.

Le premier amendement précise que l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs " permet de garantir l'exercice effectif de la citoyenneté ".

Le second amendement définit les conditions concrètes de réalisation de cet objectif : " développement de la formation dans le secteur de l'animation et des activités périscolaires ", " organisation d'activités sportives hors du temps scolaire ", " sensibilisation des jeunes qui fréquentent les structures de vacances et de loisirs collectifs aux questions de société ", " développement des hébergements touristiques à caractère social et familial ", " organisation du départ en vacances des personnes rencontrant des difficultés pour bénéficier de ce droit ". Il vise à inscrire dans la loi les lignes directrices du programme d'action défini par le Gouvernement lors du Conseil des ministres du 4 mars 1998.

Le dernier amendement prévoit la mise en oeuvre de programmes d'action concertés pour favoriser l'accès de tous aux pratiques artistiques et culturelles. Cet amendement se réfère également au programme d'action du Gouvernement.

Votre commission souhaite vous proposer deux amendements à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.

Elle estime tout d'abord excessive la formulation retenue par l'Assemblée nationale dans son premier amendement sur cet article. Si l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs, constitue effectivement une condition nécessaire à l'insertion sociale, il ne peut garantir, en lui-même, " l'exercice effectif de la citoyenneté ". Le projet de loi comporte d'ailleurs un chapitre consacré spécifiquement à " l'exercice de la citoyenneté " qui traite principalement du droit de vote, lequel ne saurait être mis sur le même plan que l'accès aux loisirs. Votre commission propose donc de supprimer la deuxième phrase du premier alinéa de cet article.

Elle constate également que le deuxième amendement adopté à l'Assemblée nationale introduit un glissement sémantique qui déséquilibre la cohérence de cet article. Dans le premier alinéa de cet article, l'accès à la culture et aux loisirs est présenté comme un " objectif national " . Or, la dernière phrase du second alinéa transforme cet objectif en un " droit " , en l'espèce " le droit au départ en vacances ". Votre commission vous propose donc une nouvelle rédaction de cette phrase pour redonner une cohérence à l'ensemble du présent article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 75
(Art. premier de la loi n° 89-486 d'orientation sur l'éducation
du 10 juillet 1989)
Reconnaissance du principe de discrimination positive
en matière d'éducation

Le présent article modifie la loi d'orientation n° 89-486 du 10 juillet 1989 sur l'éducation en y introduisant le principe de discrimination positive.

Il précise que, pour garantir à chacun le droit à l'éducation " afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté " (alinéa 2 de l'article premier), " la répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des situations notamment en matière économique et sociale ".

La reconnaissance du principe de discrimination positive en matière d'éducation, qui rompt avec la conception traditionnelle d'une école fondée sur l'égal accès de tous au droit à l'instruction, n'est cependant pas une véritable innovation. Il est apparu, dès les années 1970, que la nation devait consentir un effort particulier en direction des enfants issus d'un milieu défavorisé pour éviter qu'ils n'accumulent un retard irréversible et pour maintenir l'égalité des chances.

Ainsi, la loi n° 75-620 du 11 juillet 1975 relative à l'éducation dispose que " dans les écoles et les collèges, des aménagements particuliers et des actions de soutien sont prévus au profit des élèves qui éprouvent des difficultés ". Mais des actions spécifiques nécessitent des moyens particuliers. Les zones d'éducation prioritaires (ZEP) sont alors créées par la circulaire du 1 er juillet 1981. La loi d'orientation du 10 juillet 1989 relative à l'éducation donne enfin une base légale à cette politique en affirmant le principe d'une discrimination positive pour l'accueil des enfants (art. 2), pour l'adaptation du contenu de l'enseignement (art. 4) et pour la répartition des emplois (art. 21).

Le présent article vise donc moins à donner une base légale à la politique des ZEP qu'à généraliser ce principe de discrimination positive qui devient dès lors le fondement de la " répartition des moyens du service public de l'éducation ".

Cet article constitue donc avant tout une déclaration de principe. Mais il s'accompagne également d'un programme d'action, qui n'est pas de nature législative, destiné à en assurer l'application. Ce programme d'action, présenté par le Gouvernement le 4 mars 1998, s'articule autour de plusieurs axes dont le principal est la relance des ZEP.

Or, ce plan de relance des ZEP apparaît très insuffisant face aux besoins. Il ne propose en effet que 6 millions de francs de crédits supplémentaires en 1999 et 30 millions de francs en 2000.

Une véritable relance des ZEP exigerait un effort nettement supérieur car elle exige une double évolution :

- L'extension des ZEP

La loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville prévoyait pourtant d'harmoniser les territoires couverts par les ZEP et les zones urbaines sensibles (ZUS). Or, il existait, à la fin 1997, 563 ZEP et 750 ZUS.

L'extension du champ des ZEP passerait alors par un effort budgétaire plus conséquent.

- L'approfondissement des ZEP

Les tentatives d'évaluation de la politique des ZEP menées par l'éducation nationale aboutissent à un bilan contrasté : l'effort entrepris aurait seulement permis de maintenir le niveau moyen des élèves scolarisés. L'inversion de cette dynamique exigerait alors un accroissement sensible des moyens matériels et humains, que ne permet pas le programme d'action présenté par le Gouvernement.

Cependant, dans la mesure où cet article ne fait que poser le principe d'une discrimination positive sans en fixer les conditions d'application, votre commission, tout en regrettant l'insuffisance des moyens affectés, n'y est pas défavorable.

L'Assemblée nationale, lors de l'examen du texte en première lecture, a sensiblement modifié le projet de loi présenté par le Gouvernement en adoptant quatre amendements présentés par M. Jean Le Garrec, rapporteur de la commission spéciale, et acceptés par le Gouvernement.

Le premier amendement précise que ce sont les " différences de situations objectives ", et non les " situations ", qui doivent être prises en compte pour la répartition des moyens du service public de l'éducation nationale.

Le second amendement modifie la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 précitée en précisant que l'école doit assurer " une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ".

Le troisième amendement modifie également la loi précitée en prévoyant que les activités périscolaires " visent notamment à favoriser, pendant le temps libre des élèves, leur égal accès aux pratiques culturelles et sportives et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication ".

Le dernier amendement adopté indique que le projet d'établissement des écoles, des collèges et des lycées définit " les moyens particuliers mis en oeuvre pour prendre en charge les élèves issus des familles les plus défavorisées ".

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 75 bis (nouveau)
(Art. 22 bis de la loi n° 89-486 d'orientation sur l'éducation)
Missions du comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté

Cet article additionnel est issu d'un amendement présenté par MM. Jacques Barrot et Denis Jacquat, sous-amendé par le Gouvernement.

MM. Jacques Barrot et Denis Jacquat proposaient de créer, dans chaque académie, un comité d'appui aux actions de la lutte contre l'exclusion. Ce comité aurait eu pour mission de renforcer les liens entre les établissements d'enseignement, les parents les plus en difficulté et les acteurs de la lutte contre l'exclusion et, notamment, de favoriser la diffusion des expériences innovantes.

Le Gouvernement a suggéré de substituer à la création d'une nouvelle structure au niveau académique une action au niveau de chaque établissement, au sein du comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté, présidé par le chef d'établissement.

Le présent article prévoit donc de transformer les comités d'environnement social, qui existent déjà dans les établissements, en comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté. Ces comités, qui rassemblent le monde éducatif (chef d'établissement, personnels d'encadrement et de santé, enseignants, élèves) en instituant un lien avec le monde extérieur (services sociaux, police, magistrats, associations...), jouent actuellement un rôle de prévention contre les fléaux sociaux (toxicomanie notamment).

Cet article prévoit d'élargir les missions de ce comité en inscrivant dans la loi qu'il a " pour mission d'apporter un appui aux actions de la lutte contre l'exclusion ".

Le dernier alinéa de cet article détaille les contours de cette mission : renforcement des liens entre établissements, parents en difficulté et acteurs de la lutte contre les exclusions, promotion des initiatives de lutte contre l'échec scolaire, formation des enseignants à la connaissance des familles issues de milieux défavorisés.

La rédaction de cet article appelle cependant certains commentaires.

Cet article est composé de trois alinéas. Le premier et le dernier proviennent de l'amendement de MM. Barrot et Jacquat. Le deuxième est issu du sous-amendement présenté par le Gouvernement. Or, la cohérence générale de cet article souffre de la juxtaposition de dispositions fondées sur deux logiques différentes : l'une situe l'intervention au niveau de l'académie, l'autre au niveau de l'établissement.

En outre, cet article insère les nouvelles dispositions relatives au comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté dans le titre V de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation . Or, ce titre V relatif aux " organismes consultatifs " ne traite que d'organismes nationaux ou académiques. Il semble donc préférable d'insérer ces nouvelles dispositions dans le titre IV relatif aux " établissements d'enseignement " dans la mesure où ces comités d'éducation sont internes à chaque établissement.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement rédactionnel visant à rétablir la cohérence interne de cet article.

Elle vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

Art. 76
(Art. 23 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille)
Suppression de l'aide à la scolarité

Le présent article vise à supprimer l'aide à la scolarité, instituée par l'article 23 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille en remplacement de l'ancien système de bourses nationales des collèges. L'article 77 du présent projet de loi rétablit en conséquence le système des bourses de collèges.

La mise en place de l'aide à la scolarité en 1994 cherchait à remédier aux insuffisances des bourses de collèges.

Comme le constataient MM. Claude Huriet et Charles de Courson dans un rapport publié en 1995 5( * ) , " le système des bourses de collèges était devenu obsolète " . Les lacunes de ce système étaient triples :

- Un montant moyen peu élevé

Le montant moyen de la bourse était de 647 francs en 1993-1994 pour les dépenses liées à la scolarité évaluées entre 3.400 et 3.800 francs par an. Dans les faits, 52 % des boursiers recevaient le minimum, soit 336 francs.

Cette lacune était encore aggravée par l'absence de revalorisation des barèmes et des montants depuis 1979.

De plus, le montant de la bourse n'était pas forcément en adéquation avec les ressources réelles de la famille, le montant de la bourse étant fonction des ressources de l'antépénultième année.

- Un coût de gestion disproportionné pour l'Etat

Le calcul du montant des bourses était extrêmement complexe. Un système de points de charge permettait de faire varier le montant de la bourse en fonction de pas moins de douze critères différents.

Il en résultait un coût de gestion très lourd pour l'éducation nationale : 250 francs par bourse alors que 52 % des boursiers ne touchaient que 336 francs.

- Des formalités très lourdes pour les familles

Pour l'obtention des bourses, les familles devaient établir des dossiers complets de demande, accompagnés de multiples pièces justificatives.

L'instauration de l'aide à la scolarité en 1994 visait à corriger ces lacunes. L'aide à la scolarité peut être attribuée, pour chaque enfant à charge de 11 à 16 ans, aux familles bénéficiaires d'une prestation familiale, de l'aide personnalisée au logement, de l'allocation aux adultes handicapés ou du revenu minimum d'insertion, dont les ressources ne dépassent pas un plafond de référence. Elle est versée par les caisses d'allocations familiales en une seule fois en même temps que l'allocation de rentrée scolaire.

Comme le relève le rapport précité, " le système de l'aide à la scolarité a résolu une partie des problèmes " soulevés par le bourse des collèges.

L'aide à la scolarité a d'abord permis de distribuer une enveloppe budgétaire plus élevée à un nombre plus important de familles. On estime entre 258.000 et 308.000 le nombre de familles qui ont bénéficié de l'aide à la scolarité alors qu'elles ne percevaient pas la bourse des collèges. D'autre part, le nouveau mode de revalorisation des montants de l'aide et des barèmes des conditions de ressources se traduit par une augmentation de l'enveloppe globale.

TABLEAU COMPARATIF ENTRE BOURSES DES COLLÈGES
ET AIDE A LA SCOLARITÉ (1)

 

Bourse des collèges

Aide à la scolarité

 

1992-1993

1993-1994

1994-1995

1995-1996

1996-1997

1997-1998

Nombre de bénéficiaires

1.038.956

1.059.559

1.188.000

ND

ND

1.240.000 (estimation)

Montant de l'enveloppe

682 MF

697 MF

772 MF

ND

ND

828 MF

Montant moyen de la bourse

540 F

647 F

650 F

ND

ND

667 F

(1) Source : - rapport Huriet-de Courson précité jusqu'en 1995

- ministère de l'Education nationale pour 1997-1998


L'aide à la scolarité a également permis une réduction importante des coûts de gestion. Le traitement des dossiers est en effet plus simple, l'aide à la scolarité ne prenant en compte que deux critères (revenus des familles et nombre d'enfants) contre douze dans l'ancien système. De plus, la réforme s'est traduite par une économie de 300 postes budgétaires dans les inspections académiques, équivalente à 38 millions de francs. Désormais, la Caisse nationale des allocations familiales chiffre à 100 francs le coût moyen de gestion de chaque aide alors qu'il était de 250 francs pour les bourses des collèges.

L'aide à la scolarité a enfin permis de simplifier les démarches des familles.
Les familles n'ont plus à remplir de dossier spécifique de demande, ni à fournir de pièces justificatives. Les CAF disposent en effet déjà de l'ensemble des informations nécessaires à l'ouverture du droit à l'aide à la scolarité.

La Cour des Comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale de 1997, souligne ces effets positifs de l'aide à la scolarité : " les familles ont bénéficié d'un allégement important des procédures et de l'assurance d'une progression de l'aide pour l'avenir au même rythme que les autres prestations familiales ".

Dès lors, il semble peu raisonnable de supprimer l'aide à la scolarité pour revenir à un système de bourses de collèges même aménagé. Le Gouvernement avance toutefois deux types d'arguments en faveur de son projet de suppression de l'aide à la scolarité. Or, ces arguments apparaissent bien fragiles.

Le Gouvernement estime, en premier lieu, que l'aide à la scolarité a précipité la chute de fréquentation des cantines scolaires.

L'aide à la scolarité aurait, en ce domaine, deux effets pervers. D'une part, le versement de l'aide se fait en une seule fois alors que la bourse des collèges était versée trimestriellement, le paiement des frais de demi-pension se faisant aussi généralement trimestriellement. L'aide à la scolarité donnerait alors lieu à une dépense immédiate et ne serait pas affectée par les familles au paiement des cantines. D'autre part, la procédure de saisie-attribution de l'aide à la scolarité en cas de non-paiement des cantines serait bien moins efficace que l'ancienne possibilité de préemption qu'avaient les chefs d'établissement sur les bourses des collèges.

Ce diagnostic semble néanmoins fragile pour trois raisons :

- l'impact défavorable de l'instauration de l'aide à la scolarité sur la fréquentation des cantines n'a pas été démontré. La Cour des comptes a ainsi noté que " la réforme a été le révélateur d'un problème qui existait bien avant son instauration ". MM. Huriet et de Courson, dans leur rapport précité, constataient que l'instauration de l'aide à la scolarité " n'a pas conduit à une hausse des exclusions des demi-pensions, qui sont antérieures à la réforme et ont plutôt eu tendance à baisser " ;

- la question n'est pas tant celle des modalités de versement des bourses que celle de leur montant. Le montant moyen de l'aide à la scolarité est de 650 francs alors que les frais de demi-pension s'élèvent à 2.500 francs par an. Dès lors, quelles que soient les modalités de versement, les familles les plus défavorisées éprouvent des difficultés à régler les frais de cantine ;

- il existe actuellement des fonds sociaux destinés à favoriser l'accès des enfants issus des familles les plus en difficulté à la cantine. En 1995 a été créé le fonds social collégien . Il est actuellement doté de 180 millions de francs de crédits qui sont affectés majoritairement au paiement des cantines. En 1997, le Gouvernement a mis en place le fonds social des cantines , doté de 290 millions de francs 6( * ) . Il existe donc des fonds sociaux disposant de 470 millions de francs spécialement affectés au paiement des cantines scolaires. Dès lors, il semble préférable d'utiliser ces crédits spécialement affectés plutôt que de réformer l'aide à la scolarité, qui a une vocation dépassant le simple règlement des frais de demi-pension, dans la perspective d'une amélioration de la fréquentation des cantines. Le fonds social pour les cantines semble d'ailleurs en mesure de résoudre ce problème : on constate en effet que 50.000 élèves supplémentaires vont à la cantine depuis sa mise en place à la rentrée 1997.

La seconde critique formulée par le Gouvernement porte sur le champ des bénéficiaires de l'aide à la scolarité. Trois types d'élèves ne bénéficient pas de l'aide à la scolarité alors qu'ils auraient pu bénéficier de la bourse des collèges : les enfants de moins de 11 ans inscrits au collège, les enfants de plus de 16 ans inscrits au collège, les enfants issus de familles ne touchant aucune des prestations versées par la caisse d'allocations familiales. On évalue à 90.000 le nombre d'enfants ainsi exclus du bénéfice de l'aide à la scolarité.

Ces lacunes du système d'aide à la scolarité ne semblent pourtant pas justifier sa suppression.

Il est en effet possible de corriger les " effets de champ " de l'aide à la scolarité sans remettre en cause le mécanisme. Ainsi, votre commission proposera un amendement ( Cf. commentaire ci-dessous article additionnel après l'article 77) étendant aux plus de 16 ans inscrits au collège le bénéfice de l'aide à la scolarité. Cela permettra alors à environ 60.000 des 90.000 élèves exclus de toucher l'aide à la scolarité. De plus, l'hypothèse d'un versement des allocations familiales dès le premier enfant permettrait de réintégrer dans le champ de l'aide à la scolarité les familles ne percevant actuellement aucune prestation versée par les caisses d'allocations familiales.

Les critiques formulées à l'encontre de l'aide à la scolarité reposent donc sur des fondements fragiles et ne remettent pas en cause l'efficacité du système actuel. Il semble d'autant plus illogique de supprimer ce système souple qu'il existe des dispositifs également souples et décentralisés comme le fonds social collégien ou le fonds social des cantines qui peuvent corriger à la marge les rares lacunes de l'aide à la scolarité.

Cet avis est d'ailleurs partagé par l'Inspection générale de l'administration et de l'éducation nationale, qui souligne les risques de suppression de l'aide à la scolarité. Elle note ainsi, dans son rapport 1997, " qu'il n'est pas certain que la réforme du système des bourses de collèges, en dépit des difficultés qu'elle a fait naître, doive être remise en cause. Alors que la législation vient tout juste d'être modifiée et que les nouvelles modalités sont encore mal intégrées dans l'esprit et la pratique des familles, un retour à la situation antérieure ne ferait sans doute qu'accroître l'instabilité du système et son opacité ".

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 77
(Art. 10-1 nouveau de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989
d'orientation sur l'éducation)
Rétablissement des bourses nationales de collèges

Le présent article rétablit un système de bourse nationale pour les élèves de collèges, en remplacement de l'aide à la scolarité dont l'article 76 du présent projet de loi propose la suppression.

Il insère dans la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation un nouvel article 10-1, dans le chapitre III " Droits et obligations " du titre premier " La vie scolaire et universitaire ".

La nouvelle bourse des collèges proposée par cet article se distingue principalement de l'aide à la scolarité par quatre caractéristiques :

- transfert de la gestion des caisses d'allocations familiales vers le ministère de l'Education nationale ;

- définition de la population visée non plus en fonction de l'âge de l'élève mais en fonction du type d'enseignement suivi, ce qui permettra alors aux collégiens de moins de 11 ans et de plus de 16 ans, qui étaient jusqu'à présent exclus de l'aide à la scolarité, de bénéficier d'une bourse ;

- versement différencié de la bourse : en une seule fois pour le montant le plus faible, en trois fois pour le montant le plus élevé et le nouveau montant majoré prévu par voie réglementaire par le Gouvernement ;

- rétablissement de la possibilité de préemption des intendants sur les bourses des collèges en cas de non-paiement des frais de cantine.

En revanche, la bourse des collèges conserverait deux des caractéristiques de l'aide à la scolarité :

- une définition dynamique de la revalorisation tant du montant des bourses (indexé sur la base mensuelle des allocations familiales) que du barème de ressources (indexé sur le SMIC) ;

- le maintien des critères d'attribution existants : nombre d'enfants à charge et revenus de la famille.

Ces deux caractéristiques permettent alors de distinguer la nouvelle bourse des collèges de l'ancienne, remplacée en 1994.

Pourtant, il est à craindre que la nouvelle bourse des collèges se heurte aux mêmes limites que l'ancienne. Ces limites sont de trois ordres.

D'une part, si les modalités de gestion sont simplifiées (choix de seulement deux critères d'attribution, traitement décentralisé des dossiers), elles restent lourdes pour des établissements qui ont perdu l'expérience de cette gestion. Mais elles sont surtout largement déconnectées de la réalité sociale. Ainsi, les ressources prises en compte pour le calcul de la bourse sont celles de l'année N-2. Or, l'analyse des phénomènes d'exclusion montre que celle-ci est de plus en plus subite, liée à un " accident de la vie " (chômage, accident, séparation...). Une chute des revenus peut donc être très brusque. La nouvelle bourse des collèges ne permet alors pas de cerner au plus près ces difficultés.

D'autre part, le coût de gestion des bourses de collèges risque d'être supérieur à celui de l'aide à la scolarité . On rappellera que le coût de gestion de l'aide à la scolarité est actuellement proche de 100 francs par élève alors que celui de l'ancienne bourse des collèges était de 250 francs. De plus, la suppression des bourses s'était traduite en 1994 par une économie de 300 postes dans les services académiques. Or la nouvelle bourse des collèges se traduira par un surcroît de travail dans ces services pour la gestion des bourses de l'enseignement privé. Le ministère de l'Education nationale affirme que des redéploiements d'effectifs suffiront à couvrir le travail supplémentaire. Une création nette d'emplois dans les services académiques n'est cependant pas à exclure.

Enfin, la nouvelle bourse des collèges risque de se traduire par une stigmatisation supplémentaire pour les familles en difficulté.
L'aide à la scolarité était un droit : les familles n'avaient aucune démarche à accomplir pour en bénéficier. A l'inverse, la bourse des collèges nécessite une démarche volontaire assortie de formalités administratives pour que les familles puissent en bénéficier. La réforme proposée remplace donc un droit par une forme d'assistance.

Mais, au-delà des risques qu'elle induit, la nouvelle bourse des collèges risque également de ne pas apporter de réponse satisfaisante aux difficultés qu'elle a pourtant pour objectif de résoudre.

La nouvelle bourse des collèges a d'abord pour vocation de remédier à la baisse de fréquentation des cantines. Un versement trimestriel et une possibilité de préemption de la bourse par les chefs d'établissement en cas de non-paiement des frais de cantines seraient, dans cette perspective, les facilités apportées par la nouvelle bourse.

Il semble toutefois que ces réponses soient peu adéquates. D'une part, le fonds social pour les cantines a déjà permis une amélioration sensible de la fréquentation des cantines. D'autre part, la possibilité de préemption est très largement insuffisante, le montant moyen de la bourse (650 francs) étant bien inférieur au coût des cantines pour les familles (2.500 francs environ).

La nouvelle bourse des collèges cherche également à corriger certains " effets de champ " de la réforme de 1994. Elle permet ainsi, par le changement du critère d'attribution fondé non plus sur l'âge mais sur le type d'enseignement, de réintégrer au bénéfice de la bourse les trois publics qui sont exclus du bénéfice de l'aide à la scolarité : les élèves de moins de 11 ans inscrits au collège, les élèves de plus de 16 ans inscrits au collège et les enfants des familles ne touchant aucune prestation versée par les CAF. Au total, quelques 90.000 élèves supplémentaires bénéficieraient de la bourse des collèges.

Cette mesure, en apparence positive, est en réalité inadaptée :

- il est possible d'étendre l'aide à la scolarité aux enfants de plus de 16 ans, sans difficultés majeures. Cette mesure fera d'ailleurs l'objet d'un amendement de votre commission ( Cf. ci-dessous commentaire de l'article additionnel après l'article 77 ).

- le changement du critère d'attribution a surtout pour effet d'exclure du champ de la bourse les enfants de plus de 11 ans inscrits en primaire. On estime ainsi entre 80.000 et 100.000 le nombre d'enfants dont les familles touchaient l'aide à la scolarité et qui ne toucheront pas la nouvelle bourse. Or, il est à craindre que ces enfants, très souvent en situation d'échec scolaire, soient parmi les plus exposés au risque d'exclusion.

La nouvelle bourse des collèges semble donc poser plus de problèmes qu'elle n'en résout.

Votre commission vous propose donc, par coordination avec l'amendement précédent, d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Article additionnel après l'article 77
(Art. 23 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille)
Extension du bénéfice de l'aide à la scolarité aux élèves de plus de 16 ans inscrits au collège

Les enfants de plus de 16 ans inscrits au collège ne peuvent actuellement bénéficier de l'aide à la scolarité, même si leur famille répondent aux conditions de ressources.

L'article 23 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille limite en effet explicitement le bénéfice de l'aide " jusqu'à la fin de l'obligation scolaire ".

Le rapport de MM. Huriet et de Courson précité évalue ainsi à près de 60.000 le nombre d'enfants exclus du bénéfice de l'aide à la scolarité.

Le présent article additionnel vise à permettre aux caisses d'allocations familiales le versement de l'aide à la scolarité à ces enfants tant qu'ils restent scolarisés en collège.

Il répond donc à la préoccupation du Gouvernement de prendre en compte cette population sans pour autant nécessiter une refonte totale du système existant.

Cette extension de l'aide à la scolarité présente un triple avantage par rapport au projet de Gouvernement, présenté à l'article 77 du projet de loi.

D'une part, le présent article additionnel ne se traduit pas par une substitution du critère d'une inscription en collège au critère d'âge pour bénéficier de l'aide à la scolarité. Il n'implique donc pas que les élèves de plus de 11 ans scolarisés en primaire perdent le bénéfice de l'aide, ce qui aurait été la conséquence de l'adoption du projet du Gouvernement.

D'autre part, cette disposition ne nécessite aucune formalité nouvelle pour les familles.

Enfin, elle n'entraîne pas de difficulté de gestion supplémentaire pour les caisses d'allocations familiales. Celles-ci possèdent en effet déjà, pour ces élèves, l'ensemble des pièces justificatives nécessaires à l'instruction du dossier : elles connaissent le revenu des familles, elles disposent du certificat de scolarité qui est exigé pour le versement de l'allocation de rentrée scolaire à partir de 16 ans. Seule une nouvelle rédaction du certificat de scolarité sera nécessaire pour indiquer le cycle d'enseignement suivi.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Article additionnel après l'article 77
(Art. 23 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille)
Nouvelles modalités de versement de l'aide à la scolarité

Le présent article additionnel vise à permettre un versement trimestriel de l'aide à la scolarité. Seule l'aide de montant minimal restera versée en une seule fois.

L'aide à la scolarité est actuellement versée par les caisses d'allocations familiales, en une seule fois, au même moment que l'allocation de rentrée scolaire.

Cette modalité de versement a été critiquée et présentée comme une des causes de la baisse de fréquentation des cantines scolaires : les familles consommeraient l'aide trop rapidement si bien qu'elle ne pourrait plus servir au règlement des frais de cantine, acquitté trimestriellement le plus souvent.

Cette critique est cependant loin d'être fondée. Deux enquêtes menées en 1996 par les caisses d'allocations familiales de Grenoble et de Mâcon ont montré que les sommes versées au titre de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) et de l'aide à la scolarité étaient à 86 % affectées par les familles à des dépenses directement liées à la scolarisation des enfants, dont les frais de cantine.

Pour autant, un alignement des dates de versement de l'aide à la scolarité et de paiement des cantines devrait faciliter le règlement des frais de restauration scolaire pour les familles les plus défavorisées. Cet article additionnel propose donc un versement trimestriel de l'aide à la scolarité. Seule l'aide du plus faible montant resterait versée en une seule fois, son montant (346 francs en 1998) étant insuffisant pour justifier un paiement échelonné.

Une telle réforme ne pose, par ailleurs, pas de réelle difficulté de gestion pour les caisses d'allocations familiales, chargées du versement de l'aide à la scolarité.

Votre commission vous propose donc d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Article additionnel après l'article 77
Rapport du Gouvernement au Parlement sur la fréquentation des cantines scolaires

Cet article additionnel, présenté par votre Commission, prévoit que " le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 1 er mars 1999, un rapport sur la fréquentation des cantines ".

Il fixe plus précisément les lignes directrices de ce rapport :

- l'étude quantitative de la baisse de fréquentation,

- l'analyse des causes de ce phénomène,

- l'évaluation de l'impact éventuel de la mise en place de l'aide à la scolarité,

- le bilan du fonctionnement du fonds social pour les cantines.

Ce rapport apparaît nécessaire dans le cadre d'une loi relative à la lutte contre les exclusions. De plus en plus de familles en grande difficulté n'ont plus les moyens de payer les frais de demi-pension de leurs enfants. Ceux-ci n'ont, dès lors, plus accès aux cantines scolaires. Exclusion et baisse de fréquentation des cantines seraient donc liées, l'une et l'autre s'auto-alimentant.

Or, ce phénomène de baisse de fréquentation des cantines reste mal connu.

Il n'existe en effet, à l'heure actuelle, aucune étude publique exhaustive permettant de chiffrer la baisse de fréquentation des cantines et d'en analyser les causes.

Certes, certains travaux ont déjà analysé la fréquentation des cantines scolaires.

Une enquête de l'Inspection générale de l'éducation nationale de 1994 7( * ) avait déjà mis en évidence les difficultés d'accès aux cantines scolaires dans les zones d'éducation prioritaire (ZEP) et dans les établissements sensibles : la proportion de demi-pensionnaires n'est que de 22 % dans les collèges sensibles et de 36 % dans les ZEP contre 60 % dans l'ensemble des collèges publics.

Les résultats de cette enquête ont été confirmés par une étude ultérieure, parue en 1996, de l'Inspection générale de l'éducation nationale sur la fréquentation des cantines scolaires 8( * ) .

Une autre enquête, menée par les rectorats en 1995, a montré que, dans 25 académies, environ 4.000 élèves avaient été exclus chaque année de la demi-pension par le chef d'établissement entre 1992 et 1995.

Ces études sont toutefois insuffisantes pour deux raisons.

D'une part, elles sont en grande partie obsolètes car elles ne prennent pas en compte l'impact de la création du fonds social collégien en 1995 et de celle du fonds social pour les cantines en 1997.

Or, ces deux fonds ont profondément modifié la politique sociale d'accès aux cantines. Les fonds sociaux lycéen (140 millions de francs en 1998) et collégien (180 millions de francs) sont déjà majoritairement employés (de 50 à 80 % selon l'éducation nationale) pour aider financièrement les familles à payer les frais d'inscription à la demi-pension. De même, le fonds social pour les cantines est doté de 290 millions de francs en 1998. Mais le bilan de ces dispositifs en matière d'accès à la restauration scolaire n'a pas encore été publié.

D'autre part, il n'existe aucune étude ayant établi une corrélation entre la mise en place de l'aide à la scolarité et la baisse de fréquentation des cantines. Le Gouvernement semble toutefois estimer que les caractéristiques de l'aide à la scolarité -versement en une seule fois et lourdeur de la procédure de saisie-attribution- seraient de nature à expliquer une partie de la baisse de fréquentation des cantines scolaires.

Or, les études actuellement disponibles n'ont pas mis en évidence un impact négatif de la mise en place de l'aide à la scolarité sur la fréquentation des cantines. L'enquête de l'Inspection générale de l'éducation nationale de 1994 précitée constate que " la réforme n'a pas conduit à une hausse des exclusions des demi-pensions, qui sont antérieures à la réforme ". De même, la Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale de 1997, estime que " les difficultés de fonctionnement des restaurants scolaires étaient déjà connues avant la réforme qui n'en a été que le révélateur ".

Dans ces conditions, si la suppression de l'aide à la scolarité proposée à l'article 76 du présent projet de loi répond à un souci d'améliorer le fonctionnement des cantines, cette justification apparaît fragile.

C'est pourquoi votre commission propose la présentation d'un rapport sur la fréquentation des cantines scolaires, le diagnostic devant, en bonne logique, précéder le remède.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. 78
Modulation des tarifs des services publics

Le présent article autorise la modulation des tarifs des services publics administratifs à caractère facultatif en fonction du revenu des usagers et du nombre de personnes vivant au foyer. Il instaure parallèlement une condition à cette modulation tarifaire : les tarifs les plus élevés ne peuvent être supérieurs au coût de revient par usager.

A cet égard, on peut rappeler que les services publics administratifs à caractère administratif sont composés de services sociaux (cantines scolaires, crèches municipales, centre de loisirs...) et de services culturels (écoles de musique, musées, conservatoires d'arts plastiques...).

Cet article ne fait en réalité que codifier une évolution récente de la jurisprudence administrative.

Traditionnellement, le juge administratif encadrait strictement les possibilités de discrimination tarifaire, au nom du principe d'égalité qui régit le fonctionnement des services publics. La jurisprudence 9( * ) limitait les possibilités de discrimination tarifaires à deux cas :

•  l'existence d'une différence de situation objective, appréciable et en rapport avec l'objet du service entre les usagers ;

•  le motif d'intérêt général.

Le juge administratif appliquait de manière relativement restrictive cette jurisprudence aux cas d'espèces. Si le juge a progressivement reconnu la possibilité d'une modulation tarifaire fondée sur la situation financière des familles pour les services publics sociaux (cantines scolaires 10( * ) , crèches 11( * ) , centres de loisirs 12( * ) ), il s'est longtemps refusé à les accepter pour les services publics culturels, et notamment des écoles de musique ou les conservatoires d'arts plastiques.

Il estimait en effet qu'une discrimination tarifaire fondée sur les différences de revenus entre les familles ne répondait à aucune des deux dérogations de principes 13( * ) :

- il ne s'agissait pas d'une discrimination fondée sur une différence de situation objective car elle résulte d'une décision discrétionnaire de la collectivité fixant les seuils d'application au barème.

- il ne s'agissait pas non plus d'un motif d'intérêt général directement en rapport avec l'objet en service.

Cette jurisprudence, critiquée par de nombreux élus locaux, a été récemment abandonnée par le Conseil d'Etat. La section du contentieux a en effet estimé, dans deux arrêts du 29 décembre 1997, Commune de Gennevilliers et Commune de Nanterre, " qu'eu égard à l'intérêt général qui s'attache à ce qu'(un) conservatoire de musique puisse être fréquenté par les élèves qui le souhaitent, sans distinction selon leurs possibilités financières, (un ) conseil municipal (peut), sans méconnaître le principe d'égalité entre les usagers du service public, fixer des droits d'inscription différents selon les ressources des familles, dès lors notamment que les droits les plus élevés restent inférieurs au coût par élève du fonctionnement de l'école ".

Le présent article ne fait donc que reprendre les termes de cette nouvelle jurisprudence.

Il ne s'agit pourtant pas d'une simple inscription de la jurisprudence dans la loi. Cet article marque en effet une double rupture par rapport à la situation précédente.

D'une part, le projet de loi généralise le principe de modulation tarifaire à l'ensemble des services publics administratifs à caractère facultatif. La modulation tarifaire pourra donc s'appliquer à l'ensemble de ces services publics à vocation culturelle (école de danse, conservatoire d'art dramatique, conservatoire d'arts plastiques...) alors que la jurisprudence actuelle du Conseil d'Etat ne concerne théoriquement que les écoles de musique.

D'autre part, cet article supprime certaines limites fixées par la jurisprudence à une modulation des tarifs publics.

Certes, la condition d'une modulation reste subordonnée à des critères sociaux (revenus et nombre d'enfants de la famille). De même, l'ampleur de la modulation reste encadrée par l'obligation de fixer le tarif le plus élevé à un niveau inférieur au coût de fonctionnement par usager du service. Mais la condition de but -à savoir l'intérêt général- posée par la jurisprudence disparaît.

Il ne semble cependant pas que cette formulation de l'article soit de nature à entraîner une pratique exorbitante de la modulation tarifaire. Si le texte du projet de loi ne fixe explicitement aucun objet à la modulation tarifaire, l'objet même de la loi -la lutte contre les exclusions- permet en effet de mieux définir la finalité de la discrimination tarifaire : elle vise à la réalisation de l'objectif d'intérêt général qui est la lutte contre les exclusions. De plus, les modulations tarifaires resteront soumises au contrôle du juge, qui vérifiera l'absence d'erreur manifeste d'appréciation. Or, dans le cadre de ce contrôle, le juge vérifiera à la fois le respect des critères de la modulation tarifaire (et notamment les grilles tarifaires) et celui de l'objet de la modulation tarifaire (la lutte contre les exclusions).

Cette disposition permettra donc une tarification plus souple des tarifs des services publics locaux, tout en permettant une meilleure prise en compte des usagers les plus défavorisés.

L'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de M. Jean Le Garrec, rapporteur de la commission spéciale, et avec l'accord du Gouvernement, un amendement cosigné par M. Denis Jacquat.

Cet amendement, qui précise que " les taux ainsi fixés ne font pas obstacle à l'égal accès de tous les usagers au service ", ne fait que réaffirmer le principe constitutionnel d'égalité d'accès au service public. Il fixe donc une seconde limite législative, au-delà de la simple limite tarifaire énoncée au deuxième alinéa du présent article, à la possibilité de modulation tarifaire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel avant l'article 78 bis
(Art. 54 de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur)
Accès aux fonctions de chargé d'enseignement
pour les personnes privées d'emploi

Le présent article additionnel ouvre l'accès aux fonctions de chargé d'enseignement aux personnes momentanément privées d'emploi.

L'article 54 de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur conditionne la nomination à la fonction de chargé d'enseignement à l'obligation d'exercer une activité professionnelle principale en dehors de l'enseignement.

Cette disposition interdit ainsi toute activité d'enseignement supérieur, à titre accessoire, à des professionnels dont les qualités pédagogiques sont reconnues, dès lors qu'ils sont privés d'emploi.

Or il semble que les dispositifs existants ou proposés visant à intégrer au sein de l'enseignement supérieur des personnes privées d'emploi ne permettent pas d'accueillir, à titre strictement transitoire, des personnes momentanément au chômage qui souhaitent poursuivre une carrière professionnelle.

Ainsi, l'engagement du ministère de l'Education nationale de favoriser le recrutement en contrats emploi-consolidé (CEC) de chômeurs de plus de 60 ans ne s'adressent qu'aux personnes en fin de carrière, qui ne reviendront pas sur le marché du travail.

De même, le statut de professeur ou de maître de conférence associé est soumis à de strictes conditions de diplôme et s'inscrit dans la perspective d'une collaboration de longue durée.

Le présent article additionnel ne constitue pas pour autant un risque de dérive vers le développement d'agents vacataires permanents dans l'enseignement supérieur. Les dispositions de l'article 54 précité permettent en effet d'encadrer le recours aux chargés d'enseignement en précisant qu'ils " sont nommés pour une durée limitée par le président de l'université, sur proposition de l'unité intéressée, ou le directeur de l'établissement ".

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. 78 bis (nouveau)
Elévation de la lutte contre l'illettrisme au rang de priorité nationale

Le présent article additionnel du Gouvernement, issu d'un amendement de MM. Jacques Barrot et Denis Jacquat assorti d'un avis favorable, érige la lutte contre l'illettrisme en priorité nationale. Il charge le service public de l'éducation et les organismes publics et privés assurant une mission de formation sur l'action sociale de prendre en charge cette priorité. Il pose le principe d'une intervention coordonnée de l'ensemble des services publics pour lutter contre l'illettrisme.

Cet article est le complément de l'article 12 du projet de loi. Alors que l'article 12 ne s'applique qu'à la formation professionnelle, le présent article étend la lutte contre l'illettrisme à l'ensemble de la vie sociale, en insistant notamment sur le rôle préventif de l'éducation nationale.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE III
-
DES INSTITUTIONS SOCIALES

Ce titre comporte diverses dispositions relatives aux institutions du secteur social et médico-social : il améliore le cadre législatif régissant le dispositif de formation des professions sociales ( art. 79 ), il prévoit la création d'un Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale ( art. 80 ). Le statut des centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) dans le cadre de la loi du 30 juin 1975 est conforté et étendu à tout le secteur de l'urgence sociale et de l'insertion ( art. 81 ). Un rapport d'évaluation de l'application de la loi est demandé au Gouvernement ( art. 82 ).

L'Assemblée nationale a ajouté quatre articles additionnels à ce titre visant respectivement à assurer la représentation des associations qui oeuvrent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre les exclusions ( art. 79 A ) et à créer trois dispositifs destinés à garantir une meilleure coordination entre les intervenants publics dans le secteur de l'action sociale. Sont ainsi institués une commission départementale de l'action sociale d'urgence ( art. 80 bis ), un comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions ( art. 80 ter ) et des conventions locales de coordination des interventions de tous les acteurs engagés dans la lutte contre les exclusions ( art. 80 quater ).

Art. 79 A
(Art. 138 du code de la famille et de l'aide sociale)
Représentation des associations de lutte contre les exclusions au conseil d'administration des centres communaux d'action sociale

Cet article additionnel, issu d'un amendement présenté par la commission spéciale, institue la présence d'un représentant des associations de lutte contre l'exclusion au conseil d'administration des CCAS.

Le conseil d'administration comprend des membres élus et des membres nommés par le maire parmi les personnes participant à des actions de " prévention, d'animation ou de développement social menées dans la commune ou les communes considérées ".

Il est précisé à l'avant dernier alinéa de l'article 138 du code de la famille et de l'aide sociale qu'au nombre des membres nommés doivent figurer " un représentant des associations familiales, désigné sur proposition de l'UDAF, un représentant des associations de retraités et de personnes âgées du département et un représentant des associations de personnes handicapées du département ".

Le présent article ajoute donc à cette liste un représentant des associations oeuvrant dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre les exclusions.

L'amendement initial prévoyait la présence de deux représentants des associations mais Mme Martine Aubry a remarqué qu'il convenait de respecter l'équilibre entre membres élus et représentants des associations et que, si le nombre de membres des conseils d'administration était trop élevé, il serait difficile de trouver suffisamment d'élus notamment dans les petites communes.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel avant l'article 79
Elargissement des possibilités d'utilisation des crédits obligatoires d'insertion des départements

Cet article additionnel reprend le contenu du dispositif voté par le Sénat en séance publique le 5 mars dernier qui prévoit que, pendant une période de cinq ans à compter de l'exercice 1998, les dépenses consacrées à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion visées par le plan départemental d'insertion peuvent être financées sur les crédits départementaux d'insertion que les départements sont tenus d'inscrire annuellement à leur budget.

Il s'agit de poursuivre la discussion sur la proposition de loi présentée par M. Jean Delaneau et ses collègues du groupe des républicains indépendants à laquelle votre rapporteur a consacré un rapport 14( * ) au mois de février dernier.

Cette disposition exceptionnelle, à caractère temporaire, permettrait sur cinq ans aux départements d'affecter à l'ensemble de la lutte contre l'exclusion 10 % au plus du montant des crédits dont l'inscription est obligatoire.

Sachant que les départements consomment aujourd'hui à 97 % en moyenne les crédits départementaux d'insertion, trois cas de figure sont possibles :

- soit les départements consomment l'ensemble de leurs crédits d'insertion et ne disposent pas de crédits reportés : ces départements ne sont pas a priori concernés par le dispositif temporaire et continueront à financer l'insertion comme ils le faisaient auparavant ;

- soit les départements consomment leurs crédits d'insertion annuels et font apparaître un montant cumulé de reports importants sur les exercices précédents : grâce au dispositif proposé, ces départements pourront, dans la limite de 10 % des crédits annuels d'insertion, résorber en cinq ans leurs reports sans porter atteinte aux moyens qu'ils consacrent à l'insertion ;

- soit enfin, indépendamment de l'existence ou non de crédits reportés, les départements pourront éventuellement affecter temporairement à la lutte contre l'exclusion une fraction des crédits non consommés au titre de l'insertion tout en veillant sur une période de cinq an à assurer une consommation complète de ces crédits au profit des bénéficiaires du RMI.

Au total, le dispositif ne remet donc pas en cause le niveau des crédits destinés aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion.

Il ne crée pas de dépenses supplémentaires : il permet seulement, dans l'esprit du texte de M. Jean Delaneau, de " dépenser mieux " des crédits qui sont aujourd'hui inutilisés et qui pourraient utilement être mis au service de la lutte contre l'exclusion au cours des cinq prochaines années.

Votre commission vous demande d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. 79
(Art. 29, 29-1 et 29-2 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975)
Formation des professions sociales

Cet article introduit trois articles nouveaux dans la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales afin de clarifier et de moderniser les relations juridiques, financières et administratives entre l'Etat et les établissements publics ou privés qui assurent la formation des différentes catégories de travailleurs sociaux.

Bien qu'il présente des différences avec les dispositions du projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale, le dispositif proposé par Mme Martine Aubry en matière de formation des professions sociales ne s'inscrit pas en rupture avec celui qui était envisagé par M. Jacques Barrot.

Au nombre de 434.840 environ au 1er janvier 1994 selon le SESI 15( * ) , les travailleurs sociaux constituent un ensemble varié de professions qui concourent à la lutte contre l'exclusion. On distingue généralement quatre familles au sein des travailleurs sociaux :

- les travailleurs sociaux de conseil et d'assistance qui interviennent en particulier près des familles. Les conseillères en économie familiale et sociale jouent ainsi un rôle essentiel pour faciliter l'insertion des familles à l'instar des autres professions existantes (assistant de service social, conseiller conjugal et familial, délégué à la tutelle) ;

- les travailleurs sociaux de l'éducation exercent des fonctions éducatives au profit d'enfants handicapés ou inadaptés (éducateur spécialisé, éducateur technique spécialisé, éducateur de jeunes enfants, moniteur éducateur, moniteur d'atelier, aide médico-psychologique) ;

- les travailleurs sociaux de l'animation anime des équipes à vocation d'insertion sociale ou éducative (animateur social, directeur d'établissement social ou médico-social) ;

- les travailleurs sociaux de soutien à domicile interviennent soit au domicile de l'usager, soit à leur domicile pour apporter un soutien, soit à des personnes non autonomes, soit à des familles impliquées dans une activité professionnelle (travailleuse familiale, assistante maternelle, aide ménagère, auxiliaire de vie).

Les employeurs les plus importants des travailleurs sociaux sont :

- les collectivités territoriales avec 202.789 emplois, dont 58.214 pour les conseils généraux et leurs services conventionnés ; 13 % des emplois étant à temps partiel dans les conseils généraux ;

- les établissements et services pour adultes et enfants handicapés ou inadaptés (établissements sociaux) avec 100.218 emplois, dont 18 % à temps partiel ;

- les services d'aides à domicile et d'aides ménagères pour 87.534 emplois ;

- l'Etat avec 9.278 emplois dont 939 pour les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et leurs services conventionnés qui ont un taux de temps partiel de 36 % ;

- les hôpitaux publics et privés avec 11.125 emplois dont 23 % à temps partiel ;

- les centres sociaux avec 9.171 emplois ;

- les établissements d'hébergement pour personnes âgées avec 3.119 emplois dont 48 % à temps partiel.

Pour exercer leur profession, les travailleurs sociaux sont titulaires de diplômes d'Etat délivrés par l'appareil de formation régi actuellement par l'article 29 de la loi du 30 juin 1975 relatif aux institutions sociales et médico-sociales.

Cet article dispose tout d'abord que la formation des travailleurs sociaux est dispensée dans des établissements ou services publics ou des établissements privés agréés à cet effet par les ministres compétents. Ce dispositif reflète la structure particulière du dispositif de formation qui fait largement appel à des centres de formation, dont la plupart sont de statut privé généralement constitués sous la forme d'une association de la loi de 1901, agréés par le ministère de l'emploi et de la solidarité, en fonction de la nature du projet pédagogique et de l'insertion du centre dans le milieu local.

127 des 159 centres de formation ont ainsi un statut associatif et forment 90 % des étudiants.

Les 32 centres sous statut de droit public sont constitués sous la forme d'établissements publics, conformément aux deuxième et troisième alinéas de l'article 29 de la loi du 30 juin 1975 précitée, qui ont rendu ce statut obligatoire pour tous les services ou centres relevant d'une personne morale de droit public, à l'exception des écoles de l'Etat assurant la formation des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, de l'éducation surveillée et de l'administration pénitentiaire.

Ces établissements publics recouvrent des lycées publics, des instituts universitaires de technologie (IUT), des universités, des hôpitaux et des services ou établissements publics rattachés à des conseils généraux ou à l'Etat.

Pour mémoire, le dernier alinéa de l'article 29 précité dispose que " les dépenses de fonctionnement des établissements publics ou privés conventionnés destinées à la formation de certaines catégories de travailleurs sociaux définies par décret sont prises en charge par l'Etat ".

Près de 10.000 diplômes de travailleurs sociaux sont délivrés chaque année, suivant la répartition ci-après, mais compte tenu de la durée de chaque cycle de formation, les effectifs d'étudiants avoisinent le nombre de 27.000 chaque année (24.000 hors préparation du CAFAD).

Nombre de diplômes délivrés en 1995

Assistant de service social

1.995

Conseiller en économie sociale familiale

592

Educateur spécialisé

2.180

Educateur de jeunes enfants

927

Educateur technique spécialisé

255

Moniteur éducateur

1.566

Aide médico-psychologique

2.448

TOTAL

9.647

Travailleuse familiale

220

Certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile


2.366

Source : SESI

Art. 29 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
Définition et agrément des formations sociales

Le paragraphe I de cet article remanie en profondeur l'actuel article 29 de la loi du 30 juin 1975 et pose les principes généraux applicables aux établissements publics ou privés de formation des travailleurs sociaux.

Le premier alinéa définit tout d'abord l'objet des établissements de formation au travail social : qu'il s'agisse de la formation initiale, de la formation permanente et de la formation supérieure, ceux-ci doivent contribuer à la qualification professionnelle et à la promotion des personnels et professionnels des professions sociales.

Cet article s'efforce de recenser exhaustivement l'ensemble des activités exercées par les travailleurs sociaux en visant trois domaines :

- soit la lutte contre l'exclusion ;

- soit la prévention ou la réparation des handicaps ou inadaptations ;

- soit la promotion du développement social.

Le deuxième alinéa indique que les établissements publics ou privés de formation sont agréés par les représentants des ministres concernés dans les régions. La procédure d'agrément existe déjà aujourd'hui mais l'article prévoit deux conditions nécessaires à l'agrément :

- tout d'abord, les personnes directeurs et formateurs doivent être inscrits sur une liste d'aptitude nationale : ce dispositif vise à garantir la qualité de l'encadrement et de l'enseignement dans les organismes de formation ;

- ensuite, les missions de l'établissement doivent être exercées conformément aux orientations du schéma national des formations sociales. Ce schéma est arrêté par le ministre chargé des affaires sociales après avis du conseil supérieur du travail social.

Présidé par le ministre de l'emploi et de la solidarité, ce conseil comprend 69 membres représentant les pouvoirs publics, les syndicats de salariés, les organismes formateurs, les usagers et les organismes faisant appel au concours de travailleurs sociaux. Aux termes du décret n° 84-630 du 17 juillet 1994, le CSTS est chargé de donner son avis sur les questions qui lui sont soumises par le ministre, en ce qui concerne les problèmes touchant la formation, l'exercice professionnel, à l'exclusion des points relatifs à la négociation ou à l'application des conventions collectives dans le secteur social. Il donne également son avis sur les relations internationales dans le domaine du travail social.

Selon le Gouvernement, le schéma national des formations sociales, élaboré en concertation avec les principaux acteurs concernés, devra être un outil de programmation pluriannuel permettant de mieux ajuster l'offre de formation aux besoins recensés en personnels qualifiés. Il doit constituer " un document de référence, au niveau national et décliné par régions, pour la gestion prévisionnelle des emplois de travailleurs sociaux, l'évolution de la structure de l'appareil de formation et l'adaptation du contenu des programmes aux réalités des situations et des politiques sociales. "

Il convient de souligner que le respect des objectifs prévus par le schéma ne constituera pas une condition de l'agrément : la seule obligation qui pèse sur l'établissement est de " s'engager " à respecter ce schéma qui n'aura pas par lui-même de caractère opposable aux établissements.

Pour mémoire, le projet de loi de MM. Barrot et Emmanuelli prévoyait que l'établissement s'engageait " à se conformer " au schéma national pour les filières de formation au titre desquelles il était agréé.

Par ailleurs, s'agissant des conditions à respecter, le texte antérieur prévoyait l'engagement de respecter les programmes nationaux et, dans le cadre du projet pédagogique, de préparer les étudiants aux certificats et diplômes d'Etat en travail social.

Le troisième alinéa précise que la formation initiale est sanctionnée par des diplômes et des certificats d'Etat définis par voie réglementaire.

Il existe déjà quatre diplômes d'Etat (assistant de service social, éducateur spécialisé, éducateur de jeunes enfants, conseiller en économie sociale et familiale).

Enfin, le quatrième alinéa dispose que l'Etat garantit le financement des dépenses de fonctionnement afférentes aux formations délivrées par les établissements de formation au travail social.

Compte tenu de la rédaction de cet article, ne sont visées que les formations visées au troisième alinéa ci-dessus reconnues par un diplôme ou un certificat d'Etat et délivrées dans le cadre de la formation initiale à l'exclusion de la formation continue ou supérieure.

L'Assemblée nationale a apporté deux modifications à cet article à l'initiative de sa commission spéciale.

Tout d'abord, elle a précisé que les établissements de formation des travailleurs sociaux participaient au service public de la formation.

Votre rapporteur se félicite de cette ajout qui permet de rétablir une disposition qui avait été prévue dans le projet de loi de MM. Jacques Barrot et Xavier Emmanuelli.

Ensuite, l'Assemblée nationale a précisé quelle devrait être l'orientation des formations sociales définies par le schéma national en insistant sur la nécessité d'une connaissance concrète des situations d'exclusion et la pratique du partenariat avec les personnes et les familles visées par l'action sociale.

Cette modification va dans le bon sens car elle permet de rapprocher les travailleurs sociaux des populations qu'ils ont vocation à aider.

Mme Martine Aubry s'en est remise à la sagesse de l'Assemblée nationale sur cet amendement en considérant qu'il apportait des précisions que le Gouvernement comptait prendre par voie de décret et d'arrêté.

Art. 29-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
Financement des établissements de formation des travailleurs sociaux

Cet article prévoit dans un paragraphe I que les EFTS bénéficient d'une aide financière de l'Etat dont les modalités sont fixées par voie de contrat.

La contractualisation nécessitera l'élaboration d'un contrat type auquel sera annexé une convention financière annuelle.

Le paragraphe II prévoit que l'aide financière de l'Etat est attribuée sous la forme d'une subvention couvrant deux types de dépenses :

- la rémunération des personnels nécessaires à la mise en oeuvre des formations définies par le contrat, sans qu'aucune procédure explicite d'indexation ne soit mentionnée ;

- les dépenses d'ordre pédagogique et administratif nécessitées par le fonctionnement de l'établissement, calculées sur la base d'un forfait national par étudiant.

Le dernier alinéa définit les différentes ressources financières que peuvent percevoir les établissements sous contrat pour leur budget propre :

- des droits d'inscription, dont le montant maximum sera fixé chaque année par l'Etat ;

- des frais de scolarité, dont le montant maximum sera aussi fixé chaque année par l'Etat ;

- des rémunérations de services, par exemple pour des audits ou à l'occasion de l'organisation de séminaires ou de stages de formation continue ;

- la participation des employeurs, au titre notamment de la prise en charge des coûts des formations permanentes suivies par leurs personnels ;

- des subventions de collectivités publiques.

Votre commission vous propose d'adopter trois amendements à cet article de la loi du 30 juin 1975.

Un amendement demande que les organismes responsables des établissements de formation sous contrat bénéficient d'une aide financière de l'Etat adaptée aux objectifs de formation définis par le contrat. Le but est de permettre que la subvention de l'Etat soit proportionnée au nombre d'étudiants à former prévus par le contrat.

Un amendement précise que la subvention budgétaire aux établissements doit tenir compte du coût de la mise en oeuvre " quantitative et qualitative " des formations qui sont définies par le contrat. Cet amendement de précision vise lui aussi à améliorer les conditions dans lesquelles est calculée la subvention versée aux établissements.

Un amendement prévoit que les dépenses liées à l'emploi sont prises en charge en tenant compte du nombre et de la qualification des formateurs nécessaires ainsi que du coût moyen estimé de leur rémunération.

L'ensemble de ces trois amendements a pour objet d'apporter des garanties accrues en matière de financement des établissements de formation des travailleurs sociaux.

Art. 29-2 nouveau de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
Aides financières aux étudiants en travail social

Cet article prévoit la possibilité pour les étudiants des établissements de formation des travailleurs sociaux de percevoir des bourses d'études versées par l'Etat, dont les conditions d'attribution et notamment les taux sont fixés par décret.

L'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission spéciale, a adopté un amendement visant à garantir la liberté d'information et d'expression des étudiants au travail social. Cette disposition ne constitue pas une nouveauté puisque le projet de loi de renforcement de la cohésion sociale avait prévu une disposition en ce sens qui n'était pas reprise dans le texte de Mme Martine Aubry.

Le Gouvernement a émis un avis favorable à cet amendement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article modifié par les amendements présentés ci-dessus.

Art. 80
Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale

Cet article, issu de l'article 32 du projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale, crée un observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale destiné à effectuer des travaux d'études, de recherche et d'évaluation concernant la précarité, la pauvreté et l'exclusion sociale.

Le premier alinéa de cet article précise la mission de l'Observatoire qui est de collecter des informations sur les situations " de précarité, de pauvreté et d'exclusion sociale " ainsi que sur les politiques menées dans ce domaine.

La mission de l'Observatoire a été entendue dans un sens large : si les notions d'exclusion et de pauvreté ont donné lieu à des analyses assez poussées, la notion de " précarité " demeure relativement floue puisqu'elle peut recouvrir en définitive toute personne menacée ou qui s'estime menacée de basculer dans l'exclusion.

La nouvelle instance ne devrait pas avoir seulement pour mission de collecter et d'analyser des informations déjà disponibles, comme le confirme le second alinéa qui mentionne les travaux d'études, de recherche et d'évaluation que " fera réaliser " l'Observatoire.

Il est précisé, dans l'étude d'impact, que l'Observatoire pourra passer des conventions avec les organismes statistiques extérieurs donnant lieu à la production de rapports spécifiques par ces derniers. Il est indiqué que l'Observatoire s'appuiera sur le dispositif statistique existant coordonné dans le cadre du Conseil National de l'Information statistique .

Le CNIS, créé par un décret du 17 juillet 1984 16( * ) , est une assemblée d'environ 170 membres qui se réunit au moins une fois par an en assemblée plénière afin d'établir la liste des enquêtes statistiques publiques pour l'année suivante. Dans le cadre d'un groupe de travail présidée par M. Pierre Calame, président de la Fondation pour le Progrès de l'Homme, le CNIS a présenté en avril 1995, puis en mars 1996, diverses propositions pour une meilleure connaissance des sans-abri et des personnes exclues du logement.

Le second alinéa précise que l'Observatoire devra réaliser ses travaux " en lien étroit " avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE). Le dispositif retenu consiste donc à ne pas faire de l'Observatoire une " commission spécialisée " du Conseil national, mais bien une instance autonome au même titre que le CNLE qui est rattaché au Premier ministre.

Le CNLE, présidé par M. Robert Galley et créé par la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992, est chargé :

- d'animer les réflexions sur la coordination des politiques d'insertion au plan national et local,

- de proposer ou de réaliser toutes études sur les phénomènes de pauvreté et de précarité,

- de faire des propositions sur les problèmes posés par la pauvreté.

Par rapport au dispositif prévu par MM. Barrot et Emmanuelli, ce texte présente trois différences :

- l'Observatoire devient un " observatoire national " ;

- l'Observatoire n'est plus rattaché au Premier ministre mais au ministre des Affaires sociales ;

- il est précisé dans un troisième alinéa que l'Observatoire contribue à la connaissance dans les domaines mal couverts en liaison avec les observatoires locaux et internationaux.

L'étude d'impact indique que l'Observatoire sera un service doté du statut de service statistique ministériel (SSM) doté d'un conseil d'orientation comportant des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et du monde associatif, ainsi que des personnalités qualifiées notamment dans les domaines de la statistique, de la sociologie et de l'analyse économique. Les membres du conseil et son président doivent être désignés par le Premier ministre dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Il est indiqué également que l'Observatoire devrait s'appuyer sur un réseau de correspondants locaux.

Concrètement, il est proposé qu'une équipe légère soit identifiée au sein de chaque région et rattachée au SGAR, le Secrétariat Général pour les Affaires Régionales (SGAR). Cette structure associerait les partenaires locaux du domaine et s'appuierait sur les services déconcentrés compétents de l'Etat, notamment la Direction Générale de l'INSEE, la Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales et la Direction Régionale du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle.

Les partenaires définiraient un programme de travail régional commun sur le thème " pauvreté-précarité-exclusion ". Le Conseil économique et social régional serait associé à son élaboration et à son suivi. L'Observatoire national veillerait à la cohérence d'ensemble et animerait le réseau.

Ces structures légères bénéficieraient de personnels mis à disposition et de crédits d'études. Elles seraient mises en place progressivement. A échéance du programme d'action triennal, la moitié des régions pourraient en être dotées.

L'étude d'impact précise que les régions pourraient cofinancer le dispositif.

Concernant le fonctionnement, il est précisé que les demandes d'enquête pourront être décidées à l'initiative du conseil d'orientation, du Premier ministre, du Conseil économique et social et du CNLE.

La création de l'Observatoire répond à un véritable besoin : les processus d'exclusion font intervenir de nombreux facteurs. Les politiques de lutte contre l'exclusion sont diverses mais leurs cibles ne sont pas identiques même si elles se recoupent parfois. La France souffre d'un " déficit de connaissance " dans ce domaine pour reprendre l'expression de l'UNIOPSS. Un indicateur sur l'évolution de l'exclusion pourrait être un instrument très précieux pour guider l'action des pouvoirs publics.

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications à cet article.

A la demande, d'une part, de la commission spéciale et, d'autre part, de MM. Jacques Barrot et Denis Jacquat, elle a rattaché l'Observatoire national, non plus au ministre chargé des affaires sociales, mais au Premier ministre. Il apparaît en effet que le champ d'observation de l'Observatoire excédera largement les attributions du ministère des affaires sociales dans la mesure où il pourra porter, par exemple, sur le domaine du logement.

A l'initiative de M. Jean-Michel Marchand, et les membres du groupe radical, citoyen et vert, l'Assemblée nationale a précisé que les administrations de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics nationaux ou locaux étaient tenues de communiquer à l'Observatoire les éléments qui lui étaient nécessaire pour la poursuite de ses buts.

A l'initiative de la commission spéciale, il a été précisé que l'Observatoire travaillerait en réseau avec les organismes régionaux, nationaux et internationaux. Le projet de loi initial ne visait que les " observatoires locaux ". Il a été précisé, à l'appui de l'amendement, que l'Observatoire devait pouvoir s'appuyer sur les conseils économiques et sociaux régionaux.

Enfin, l'Assemblée nationale a prévu l'élaboration par l'Observatoire, d'un rapport synthétisant les travaux d'étude, de recherche et d'évaluation réalisés aux niveaux national et régionaux.

Par coordination, à l'initiative de la commission spéciale, la loi du 1er décembre 1988 a été modifiée afin que le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale soit habilité à réaliser ou à faire réaliser, en particulier par l'Observatoire, des études sur les situations et phénomènes de précarité et d'exclusion sociale.

Il est à noter que le Gouvernement a été favorable à l'ensemble de ces amendements.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Art. 80 bis
Commission départementale de l'action sociale d'urgence

Cet article additionnel a été introduit par l'Assemblée nationale sur un amendement du Gouvernement. Il indique que le préfet du département et le président du conseil général mettront en place, par voie de convention, une commission de l'action sociale d'urgence qui sera chargée d'assurer la coordination des dispositifs susceptibles d'allouer des aides, notamment financières, aux personnes et aux familles rencontrant de graves difficultés.

La composition de la commission est indiquée de manière sommaire dans la loi : celle-ci doit comprendre notamment des représentants de l'Etat, du département, des communes et des caisses d'allocations familiales ainsi que de tout autre organisme intervenant au titre des dispositifs d'aide aux familles en difficulté. En séance, Mme Martine Aubry a indiqué que les ASSEDIC pouvaient être incluses dans cette dernière catégorie.

Il s'agit, selon le Gouvernement, de tirer toutes les conséquences de l'expérimentation effectuée lors de la mise en place du fonds d'urgence social. L'objectif est de permettre qu'une personne en difficulté, quelle que soit la porte à laquelle elle frappe, soit reçue, écoutée, et puisse remplir un dossier-type. Lorsque la structure qui reçoit la personne n'est pas compétente pour lui apporter la réponse d'urgence qu'elle souhaite, elle devra transmettre le dossier à la commission de coordination qui pourra le faire parvenir, dans les meilleurs délais, à un organisme mieux à même de répondre au problème posé.

Il est important de souligner que la commission créée par le présent article n'a pas vocation à gérer les crédits des fonds d'urgence sociale, mis en place au cours de cet hiver, et qui ont vocation à interrompre leur activité.

Votre commission vous propose d'adopter deux amendements à cet article.

Un amendement vise à préciser certains aspects de l'activité de la commission sociale d'urgence : il indique que celle-ci travaille notamment en vue d'harmoniser les procédures de recueil d'informations et d'améliorer l'orientation des personnes rencontrées.

Par ailleurs, un amendement prévoit que, pour assurer la coordination prévue au niveau départemental, des conventions peuvent être passées entre les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale et les organismes ou associations intervenant au titre de l'aide de l'action sociale et de la lutte contre les exclusions.

Cet amendement reprend en fait le contenu de l'article 80 quater ci-après. Il propose que la coordination soit assurée de la manière la plus souple possible à mesure que les collectivités locales prendront des initiatives pour en faciliter la réussite.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 80 ter
Comité départemental de coordination des politiques de prévention
et de lutte contre les exclusions

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale sur un amendement du Gouvernement, crée un comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions, présidé par le préfet et qui réunirait, au moins deux fois par an, divers organismes ou instances compétents en ce domaine.

Le comité devrait établir un diagnostic des besoins et examiner l'adéquation à ceux-ci des différents programmes d'action en matière de prévention et de lutte contre les exclusions. En outre, le comité pourrait formuler toute proposition utile pour renforcer la cohérence et assurer une meilleure coordination des programmes et actions.

Votre commission s'est interrogée sur l'utilité de ce dispositif qui ne lui a pas semblé nécessaire dans le paysage administratif actuel. Il lui est apparu que le comité de coordination serait extrêmement lourd à mettre en place et à animer. Celui-ci comprend :

- le conseil départemental d'insertion compétent en matière de préparation des programmes d'aide aux titulaires du RMI ;

- la commission départementale de l'action sociale d'urgence créée à l'article précédent pour harmoniser les procédures d'accueil des personnes démunies ;

- le comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi qui, aux termes de l'article L. 910-1 du code du travail, est consulté sur les programmes et les moyens mise en oeuvre dans chaque région par l'ANPE et par l'AFPA ;

- le conseil départemental de l'insertion par l'activité économique qui est créé par l'article 9 du présent projet de loi et qui est spécialement chargé de donner un avis sur les conventions passées avec les entreprises d'insertion et les associations intermédiaires du département ;

- le conseil départemental de l'habitat , qui, aux termes des articles L. 364-1 et R. 362-1 du code de la construction et de l'habitation, procède à toutes les concertations propres à permettre de répondre aux besoins en matière d'habitat et a assurer la meilleure efficacité aux aides publiques dans le département. Celui-ci, en outre, émet un avis sur la situation et les perspectives de l'habitat dans le département en ce qui concerne notamment la satisfaction en logement des différentes catégories de la population, l'état du patrimoine, l'activité du secteur du bâtiment et la qualité de l'habitat ;

- le conseil départemental de prévention de la délinquance ;

- le conseil départemental d'hygiène ;

- la commission de surendettement .

La simple lecture de cette liste suffit à démontrer le caractère excessivement lourd du nouveau dispositif qu'il est proposé de créer sans qu'il soit réellement prévu de réaliser une véritable dynamique en termes de concertation et de coordination.

Le nouveau comité départemental risque donc rapidement de s'avérer comme étant une nouvelle structure inutile qui compliquera l'activité des intervenants locaux au lieu de la faciliter.

Votre commission vous propose de supprimer cet article par voie d'amendement.

Art. 80 quater
Conventions locales de coordination des interventions
dans la lutte contre les exclusions

Cet article additionnel, introduit par l'Assemblée nationale sur un amendement de la commission spéciale, dispose que la coordination des interventions de tous les acteurs engagés dans la lutte contre les exclusions est assurée par la conclusion de conventions entre les collectivités et organismes dont ils relèvent.

Ces conventions doivent avoir pour objet de préciser les objectifs poursuivis et les moyens mis en oeuvre, de porter sur la recherche de cohérence de l'accompagnement personnalisé et la mise en réseau de différents intervenants tout en facilitant la complémentarité des modes d'intervention collective et des initiatives de développement social local.

Votre commission souligne l'intérêt de ce dispositif qui est relativement souple et qui n'encadre pas de manière excessive les initiatives locales. Elle vous propose d'adopter, à l'article 80 bis, un amendement qui reprenait le contenu de cet article 80 quater, en souhaitant que les centres communaux et intercommunaux d'action sociale puissent avoir un rôle pilote dans la signature des conventions dont il est question. Dans ces conditions, les conventions pourront être conclues et s'inscrire en harmonie avec l'effort d'harmonisation des procédures d'accueil des personnes démunies qu'il est envisagé de développer au niveau départemental.

En conséquence, votre commission vous demande d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 81
(Art. 1er et 3 de la loi du 30 juin 1975, art. 185 et 185-2
du code de la famille et de l'aide sociale)
Institutions sociales et médico-sociales

Cet article, qui reprend des dispositions prévues dans le projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale de février 1997, propose d'étendre le champ d'application du secteur social et médico-social à l'ensemble du secteur de l'urgence sociale et de l'insertion.

Il institutionnalise le dispositif de veille sociale chargée d'informer et d'orienter les personnes en difficulté sur les structures d'accueil d'urgence.

Le paragraphe I de cet article élargit la notion d'insertion sociale au sens de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 .

•  Le a) du projet de loi initial procède à une actualisation du deuxième alinéa 1° de l'article premier de la loi précitée ; l'Assemblée nationale a supprimé, en première lecture, cette disposition qu'elle n'a pas estimé nécessaire.

•  Le b) du I porte sur l'article premier du projet de loi qui définit d'une manière générale quel est le rôle des institutions sociales et médico-sociales.

A côté des institutions d'accueil des mineurs, d'aide aux jeunes travailleurs et d'hébergement des personnes âgées, l'article premier de la loi du 30 juin 1975 précitée reconnaît comme institution sociale ou médico-sociale tous les organismes qui, " à titre principal et d'une manière permanente, assurent en internat, en externat, dans leur cadre ordinaire de vie, l'éducation spéciale, l'adaptation ou la réadaptation professionnelle ou l'aide par le travail aux personnes mineures ou adultes, handicapées ou inadaptées ".

Cette définition est modifiée dans une conception plus large :

- les notions d'internat et d'externat sont remplacées par la notion d'hébergement qui correspond mieux à la réalité actuelle ;

- le terme " d'éducation spéciale " est maintenu mais la notion " d'adaptation ou de réinsertion sociale et professionnelle " est substituée à celle plus restreinte " d'adaptation ou de réadaptation professionnelle " 17( * ) ;

- la notion " d'insertion par l'activité économique " est ajoutée à celle " d'aide par le travail " qui est maintenue ;

- les bénéficiaires ne sont plus seulement les personnes " handicapées ou inadaptées " , mais également, d'une manière générale, " toutes les personnes ou familles en détresse ".

Cette nouvelle définition doit permettre de recouvrir diverses structures d'interventions sociales innovantes qui se sont mises en place en dehors de tout cadre législatif et réglementaire pour faire face en urgence aux situations de détresse sociale.

Ces structures sont parfois anciennes comme le CHAPSA de Nanterre ou plus récentes comme les centres d'adaptation à la vie active (CAVA), créés par une circulaire de 1979 et rattachés aux CHRS, ou le centre d'hébergement de la Maison de Nanterre, les SAMU sociaux dans les grandes agglomérations et les boutiques de solidarité.

Les établissements correspondant seront assujettis aux procédures de la loi du 30 juin 1975 mais bénéficieront des garanties de financement assurées par la loi du 30 juin 1975 alors qu'ils relèvent aujourd'hui d'un régime de subvention annuelle dans le cadre de l'action sociale de l'Etat (chapitre 47-21 du budget du ministère des affaires sociales).

•  Le c) du I de cet article relatif aux catégories d'établissements autorisés à fonctionner dans le cadre de la loi du 30 juin 1975 donne une définition plus souple des actuels centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) qui deviennent les " centres d'hébergement et de réinsertion sociale ".

Cet article modifie l'article 3 de la loi du 30 juin 1975 précitée qui porte sur les modalités de création ou d'extension de certains établissements sociaux et médico-sociaux afin de donner une définition plus large des établissements destinés à prendre en charge des personnes en difficulté.

Actuellement, ces établissements relèvent de la catégorie définie au 8° de l'article 3 précité, c'est-à-dire " les structures d'hébergement en vue de la réadaptation sociale ".

La nouvelle définition de la catégorie présente les caractéristiques suivantes :

- Sont visés non seulement les structures mais également " les services " : cette rédaction permet notamment d'inclure certains aspects de l'activité des SAMU sociaux qui présentent la particularité d'aller directement au contact des plus démunis dans la rue ou dans les hébergements de fortune qui les abritent.

- Le nouveau texte couvre des organismes, qu'ils comportent ou non un hébergement, en cohérence avec la modification déjà examinée à l'article premier.

- Les structures ou services concernés doivent garantir le concours de travailleurs sociaux et d'équipes pluridisciplinaires.

Quatre missions sont assumées par ces organismes vis-à-vis des personnes et des familles en détresse :

- l'accueil, notamment en situation d'urgence,

- le soutien ou l'accompagnement social,

- l'adaptation à la vie active,

- et l'insertion sociale et professionnelle.

Par rapport aux actuels CHRS, la nouvelle définition est plus extensive puisqu'elle introduit les notions d'accueil, notamment en situation d'urgence, ainsi que le soutien ou l'accompagnement social.

Ces structures seront dorénavant financées au titre de l'aide sociale obligatoire (chapitre 46-23) et non plus par des subventions au titre du programme d'action sociale de l'Etat (chapitre 47-23).

Le paragraphe II de cet article modifie l'article 185 du code de la famille et de l'aide sociale qui précise les conditions dans lesquelles les personnes accueillies en CHRS peuvent bénéficier de l'aide sociale.

Il convient de rappeler que l'article 185 en question prévoit que, bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être accueillies dans des centres d'hébergement et de réadaptation sociale publics ou privés " les personnes et les familles dont les ressources sont insuffisantes, qui éprouvent des difficultés pour reprendre ou mener une vie normale notamment en raison du manque ou de conditions défectueuses de logement et qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique et, le cas échéant, d'une action éducative temporaire ".

Par ailleurs, l'article 185 renvoie à un décret pour définir les catégories de personnes et de familles pouvant bénéficier de l'aide sociale et la durée maximale d'attribution de cette aide.

Actuellement, aux termes de l'article 46 du décret n° 54-883 du 2 septembre 1954 , sont ainsi admis à l'aide sociale lorsqu'ils ne disposent pas de ressources suffisantes :

- les personnes sans logement sortant d'établissements hospitaliers, d'établissements de cure ou de rééducation ou d'établissements sociaux ou médico-sociaux assurant l'hébergement de handicapés ;

- les personnes et les familles qui se trouvent privées de logement par suite de circonstances indépendantes de leur volonté et qui ont besoin d'être momentanément hébergées ;

- les personnes et les familles sans logement, de nationalité française, rapatriées de l'étranger ;

- les personnes et les familles sans logement en instance d'attribution du statut de réfugiés ;

- les personnes et les familles qui se trouvent hors d'état d'assumer leurs responsabilités sociales ou familiales ;

- les vagabonds ayant accepté les mesures qui leur auront été proposées en vue de leur reclassement ;

- les inculpés placés sous contrôle judiciaire et les condamnés soumis au sursis avec mise à l'épreuve ;

- les personnes libérées de prison ;

- les personnes en danger de prostitution ou celles qui se livraient à la prostitution.

Par rapport à la rédaction actuelle de l'article 185, le texte proposé apporte plusieurs nouveautés :

- il tire les conséquences de la nouvelle dénomination des CHRS ;

- il vise non seulement les problèmes financiers de logement ou psychologiques mais également les problèmes de santé, d'insertion ou liés à la vie familiale ;

- il précise que les CHRS ont vocation à aider ces personnes à retrouver une autonomie personnelle et familiale ; cette rédaction permet de couvrir les services ou activités que peuvent développer les CHRS pour favoriser le retour à la vie professionnelle.

Par ailleurs, cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat, et non plus à un décret simple, pour déterminer les conditions de fonctionnement et de financement des CHRS.

Enfin, le principe est posé d'une participation à proportion de leurs ressources, aux frais d'hébergement et d'entretien des personnes accueillies dans les CHRS ainsi que d'une rémunération en contrepartie des activités d'insertion professionnelle.

Il est précisé que ces dispositions sont applicables dans les DOM.

Il est utile de rappeler que l'article 202 du code de la famille et de l'aide sociale prévoit un règlement d'administration publique pour déterminer les conditions particulières d'application et d'adaptation des titres III et IV dudit code (relatifs à l'aide sociale) pour les départements d'outre-mer.

Or, seules ont été prises en compte par décret du 7 février 1974 et donc étendues aux DOM les dispositions relatives à l'accueil des personnes libérées de prison. Cette mesure était intervenue à la demande du garde des sceaux pour permettre en Martinique et à la Réunion la réadaptation sociale des personnes sortant de prison.

L'étude d'impact précise que les besoins d'accueil, de suivi des personnes très défavorisées sont importants dans les DOM en raison de facteurs divers et cumulés et que des associations se mobilisent depuis des années pour apporter des réponses dans ce domaine aux personnes en grande précarité et en situation d'urgence.

" Il est indiqué que le ministère des affaires sociales intervient financièrement dans le fonctionnement de structures qui se sont créées au fil des ans mais pas à la hauteur des besoins qui s'expriment localement et en tout état de cause en l'absence de texte de référence ".

Il est donc proposé de réaffirmer la volonté du Gouvernement d'étendre totalement aux départements d'outre-mer les dispositions de l'article L. 185 dans sa nouvelle rédaction.

Par ailleurs, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer souhaite l'extension de la définition et des missions des institutions sociales et médico-sociales aux nouvelles formes d'action utilisées dans la lutte contre les exclusions, tels les SAMU sociaux et les boutiques de solidarité dans ces départements.

Le paragraphe III reprend, sous une forme différente, le principe d'un service d'information et d'orientation des personnes en difficulté qui était prévu à l'article 7 du projet de loi de MM. Jacques Barrot et Xavier Emmanuelli.

Ainsi, il est créé dans chaque département un dispositif de veille sociale à l'initiative du préfet.

Dans son rapport sur l'errance et l'urgence sociale 18( * ) , réalisé à la demande de M. Xavier Emmanuelli, alors Secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence, dans le cadre d'une mission de médiation auprès des municipalités qui avaient pris, à partir de juillet 1995, des arrêtés municipaux interdisant la pratique de la mendicité sur leur territoire, M. Bernard Quaretta avait proposé de renforcer sensiblement le réseau d'accueil et d'orientation et d'insertion des personnes errantes sans domicile fixe.

Comme le rappelle M. Bernard Quaretta, les personnes errantes sont des personnes marginalisées, à multiples handicaps, pour lesquelles aucune réponse satisfaisante n'a été donnée par les services sociaux : " C'est contraints et forcés qu'ils quittent le lieu de référence : le hasard des bons de transport les invite au déplacement et la présence des lieux de secours oriente leurs pas. Regroupés en certains centres urbains, ils deviennent ingérables " .

M. Bernard Quaretta fait remarquer que toute structure d'accueil est donc contrainte, pour conserver une possibilité d'accueil, d'exclure une partie des personnes de passage les confortant ainsi dans leur errance.

Il préconise des réponses coordonnées et multiples:

- par la création d'un lieu d'accueil et d'orientation dans chaque département avec plusieurs antennes dans les villes ayant à leur disposition un nombre de lits suffisants, sur des sites différents, pour une durée d'observation de cinq jours par exemple, permettant une fonction d'accueil, de diagnostic, d'orientation, d'évaluation et de suivi ;

- la généralisation d'un réseau d'accueil et d'insertion au niveau national dans le cadre d'un schéma directeur prévisionnel.

Par ailleurs, s'agissant des principes de prise en charge, le rapport de M. Thierry 19( * ) souligne la persistance de comportements " d'écrémage ", c'est-à-dire de sélectivité à l'entrée des structures d'hébergement, ce qui peut renforcer certains processus d'exclusion de fait en particulier à l'égard des alcooliques, des toxicomanes, des personnes présentant de sérieux troubles de comportement et des étrangers en situation irrégulière.

Il propose d'instituer l'obligation d'accueil et d'élaborer une charte de l'urgence sociale prévoyant que l'accueil d'urgence s'effectue sans condition, à la condition que cette ouverture à l'entrée soit assortie d'une grande rigueur dans la sanction des incidents troublant la vie collective.

Ce paragraphe se décompose en deux parties.

Tout d'abord, il pose le principe de l'organisation dans chaque département, sous la responsabilité du préfet, d'un dispositif permanent d'information et d'orientation des personnes en difficulté.

Ce dispositif devra :

- évaluer la situation de la personne

- proposer une réponse immédiate et organiser la mise en oeuvre de cette réponse

- tenir à jour les disponibilités d'accueil dans le département.

Ensuite, il met en place un mécanisme de gestion des places disponibles dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale 20( * ) (CHRS). Les CHRS seront tenus de déclarer périodiquement leurs places vacantes ;

Par ailleurs, l'étude d'impact du projet de loi de MM. Barrot et Emmanuelli évaluait à 15 millions de francs le coût de la mise en place des services d'information et d'orientation.

Le paragraphe IV de cet article procède à l'abrogation de deux dispositions devenues inutiles.

L'article L. 185-2 du code de la famille et de l'aide sociale prévoit que les personnes bénéficiant de l'aide sociale dans un CHRS peuvent également recevoir de cette aide lorsqu'elles sont admises dans un centre d'aide par le travail (CAT) destiné aux travailleurs handicapés.

Par ailleurs, la section IV ( handicapés sociaux ) du chapitre III ( dispositions régissant certaines catégories de travailleurs ) du titre II ( Emploi ) du livre III ( Placement et emploi ) du code du travail comprend un article unique L. 323-35 bis qui dispose que les mesures relatives au travail des travailleurs handicapés dans un atelier protégé ou dans un centre de distribution de travail à domicile sont applicables aux personnes reçues dans un CHRS ou qui en sortent.

Ces dispositions visaient à permettre aux CHRS de développer une action auprès de travailleurs handicapés dénués de ressources bien que le statut de CHRS ne prévoyait pas expressément de mission de retour à la vie active ou à la vie professionnelle. La nouvelle rédaction examinée au I et au II ci-dessus des dispositions de la loi du 30 juin 1975 relative au CHRS étend désormais très largement le rôle d'insertion professionnelle des CHRS et rend superflues les dispositions précitées.

Outre l'amendement rédactionnel au 1° du I examiné ci-dessus, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements à cet article :

- le premier amendement proposé par la commission spéciale mais également par plusieurs députés de l'opposition à l'Assemblée nationale, et notamment par M. Jacques Barrot, précise que le dispositif de veille sociale départementale s'adresse également aux " familles " en difficulté ;

- le deuxième amendement précise que dans le cadre du dispositif de veille sociale, l'organisme qui ne dispose pas de place vacante peut adresser la personne en difficulté en direction du dispositif d'urgence.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 82
Rapport d'évaluation au Parlement

Cet article prévoit, ce qui devient usuel s'agissant de textes importants, que le Gouvernement présentera tous les deux ans un rapport au Parlement évaluant l'application de cette loi.

L'Assemblée nationale, sur proposition de M. Le Garrec, rapporteur, a prévu que ce rapport devrait s'appuyer sur les travaux de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale revenant ainsi à un principe qui avait été mentionné dans le projet de loi de MM. Barrot et Emmanuelli.

Votre rapporteur souligne qu'en matière de lutte contre l'exclusion, les pouvoirs publics doivent toujours être vigilants. L'exclusion prend toujours un visage nouveau qui lui permet d'échapper aux politiques mises en oeuvre pour la contrecarrer. C'est pourquoi il a souhaité qu'une réflexion soit engagée de manière dynamique et constante sur la question de l'exclusion au cours des prochaines années.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement afin de préciser que le rapport du Gouvernement présenterait des propositions de suppression, de modification ou d'adaptation du dispositif législatif et réglementaire qui seraient établies sur proposition de l'Observatoire national de pauvreté et de l'exclusion sociale après concertation au sein du conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

*

* *

Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle vous suggère de retenir, votre commission vous demande d'adopter le présent projet de loi.


1 Cette mesure d'étalement atténue la brutalité de la saisie.

2 Il est précisé dans l'étude d'impact que la référence à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l'année civile à venir " permet de prévenir toute difficulté d'interprétation de la portée de cette disposition ".

3 Le texte de MM. Barrot et Emmanuelli préconisait un projet propre à " assurer " la réunion de la famille ; M. Barrot a présenté en première lecture un amendement rétablissant ce texte mais l'a retiré à la suite des assurances présentées par Mme Martine Aubry
.

4 Le dispositif ne mentionne plus l'éventualité de l'ouverture d'un compte à la Banque de France et dans les instituts d'émission d'outre-mer car la loi du 31 décembre 1993 a écarté la possibilité d'ouvrir des comptes de dépôt à la clientèle dans ces institutions ; il ne mentionne plus également la Caisse des dépôts en raison de l'absence de services de proximité assuré par cet établissement.

5 " Rapport relatif à l'analyse de la réforme des bourses de collèges et à la mise en place de l'aide à la scolarité et aux propositions d'amélioration " rédigé par MM. Claude Huriet et Charles de Courson, parlementaires en mission - avril 1995

6 On observera que les crédits du fonds social des cantines constituent plus de la moitié de l'enveloppe Education nationale figurant dans le chiffrage des moyens financiers affectés au programme d'action adopté par le Conseil des ministres du 4 mars
.

7 Rapport de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale de juillet 1994 relatif au fonctionnement des " établissements sensibles ".

8 Source : Rapport général de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale, " Les difficultés de la restauration scolaire ", 1997.

9 Arrêt de section " Denoyez et Chorques ", Conseil d'Etat, 10 mai 1974.

10 Arrêt " Commune de La Rochelle ", Conseil d'Etat, 10 février 1993.

11 Arrêt " CCAS de La Rochelle ", Conseil d'Etat, 10 janvier 1989.

12 Arrêt " Mme Dejonckeere ", Conseil d'Etat, 18 mars 1994.

13 Arrêt de section " Ville de Tarbes ", Conseil d'Etat, 26 avril 1985.

14 Rapport n° 303 (Sénat) 1997-1998.

15 Service des statistiques, des études et des systèmes d'information (SESI) du ministère du travail et des affaires sociales. Il convient d'ajouter à ce chiffre 209.300 assistantes maternelles à la journée ainsi que 32.000 assistantes maternelles des crèches collectives.

16 Décret n° 84-628 du 17 juillet 1984 fixant les attributions, la composition et le fonctionnement du Conseil National de l'Information Statistique et portant application de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 modifiée.

17 Le projet de loi Barrot-Emmanuelli mentionnait " la réadaptation sociale et professionnelle " et non la réinsertion ; la nouvelle formule ne semble pas critiquable.

18 Face à l'errance et à l'urgence sociale, rapport au Gouvernement de M. Bernard Quaretta, 29 novembre 1995.

19 Rapport sur la mise en oeuvre du dispositif hivernal d'accueil et d'hébergement d'urgence - avril 1996.

20 Les CHRS seront dénommés centres d'hébergement et de réadaptation sociale aux termes de l'article 47 infra du projet de loi.

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