6. Les parents : des partenaires prioritaires largement oubliés

Trop longtemps l'importance des parents et, plus largement, de la famille a été ignorée dans la démarche de soins envers les jeunes toxicomanes ou même les « simples » usagers. M. Pierre Cardo, député-maire de Chanteloup-les-Vignes, a très longuement insisté sur la démission des structures publiques locales à leur égard. « Nous n'allons plus dans les familles. La présence sociale dans les familles des quartiers difficiles est un voeu pieux et cela fait des années qu'on n'y met plus les pieds » a t-il regretté devant la commission, ajoutant que « vu la distance qui est mise par rapport aux familles, celles-ci n'auront de l'aide que lorsqu'elles connaîtront un gros problème ».

Ce constat n'est pas valable uniquement pour les familles des quartiers difficiles. Interrogée par la commission sur le degré de connaissance général des parents d'élèves en matière de drogues, Mme Lucile Rabiller, membre conseiller de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public, a reconnu qu'il était « très faible, d'autant plus que les opinions sont très variables et que ce qu'on entend à droite et à gauche est très contradictoire ». Elle a expliqué que les parents d'enfants utilisant des drogues n'osent pas le plus souvent aborder le sujet avec eux et ne savent pas vers quelles structures se tourner.

Le docteur Edwige Antier, pédiatre, a porté un regard similaire sur l'attitude des parents, indiquant qu'il y avait de leur part « un déni pendant des mois et des mois, voire pendant des années ». Elle a expliqué que le jeune adolescent commence souvent par fumer des cigarettes, « auquel cas les parents considèrent qu'ils n'y peuvent rien (...) et ils passent des compromis », avant d'expérimenter le cannabis dont il camoufle la fumée en mettant des baguettes d'encens dans sa chambre, les parents faisant semblant de ne pas s'en apercevoir de peur de ne savoir quoi faire ou bien banalisant l'acte.

Mme Nadine Poinsot, présidente de l'association Marilou, a renchéri en ce sens en regrettant devant la commission « la démission de certains parents qui ne savent plus quelle position éducative il faut avoir ». Mme Poinsot l'a expliqué par des facteurs socio-historiques, indiquant qu'« il est possible que ce soient des parents de 1968 qui, eux, ont été éduqués « à la dure », qui n'osent plus reproduire ce schéma certes un peu rigide et qui sont devenus, pour le coup, un peu trop laxistes ».

Le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, a reconnu lors de son intervention devant la commission que les parents, « malgré l'importance de leur mission éducative, ont été les grands oubliés des politiques passées », précisant que « le premier acteur de la prévention n'est pas un fonctionnaire, mais un père ou une mère de famille informé, responsable, concerné et qui doit être soutenu par la collectivité si besoin est ».

Il est d'autant plus regrettable que les parents aient été si insuffisamment sensibilisés aux problèmes des drogues que les relations qu'ils entretiennent avec leurs enfants sont souvent, malgré eux, à l'origine des problèmes de dépendance  : en effet, si l'on cherche à connaître les raisons de conduites à risques des usagers, dans la plupart des cas, « on tombe sur un problème éducationnel, directement lié à l'ambiance familiale qu'ils ont connue et donc aux parents », a expliqué le docteur Francis Curtet devant la commission, avant d'ajouter qu'« il faut centrer toute la prévention sur les parents, chose que l'on a oublié de faire depuis des années ».

M. Serge Lebigot, président de l'association France sans drogue, a confirmé l'origine souvent familiale des problèmes d'addiction chez les adolescents. Il a ainsi indiqué à la commission avoir constaté « en leur posant la question, que de nombreux jeunes sont souvent sous l'emprise du cannabis du fait de problèmes relationnels. Soit la famille est déstructurée, soit ils n'ont plus aucun contact avec elle, soit l'enfant ne parle plus à son père ou la fille à sa mère ».

Insuffisamment informés, parfois responsables malgré eux des conduites « déviantes » de leurs enfants, les parents sont pourtant les premiers concernés et les plus sensibles aux problèmes de dépendance. « Les parents sont très préoccupés par ces questions », a ainsi déclaré Mme Rabiller à la commission, ajoutant qu'un sondage effectué en août 2001 par l'Observatoire des parents, instrument de mesure de l'opinion mis en place par sa fédération de parents d'élèves, indiquait que sept parents sur dix plaçaient l'usage de la drogue par leur enfant en tête de leurs soucis.

« Pour les parents », a abondé en ce sens M. Farid Hamana, secrétaire général de la FCPE, « la consommation d'alcool, de tabac, de médicaments psychotropes, de cannabis ou d'autres drogues est toujours une source d'inquiétude, car ces produits ont des effets sur la santé à court terme et à long terme de leurs enfants, leur capacité d'attention scolaire, donc de réussite et surtout l'expression d'un malaise qu'il est parfois très difficile des cerner ».

Les parents et, plus largement, la famille constituent donc un terrain de prévention particulièrement réceptif qu'il serait enfin temps de réinvestir.

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