b) Coûts et productivité de la main d'oeuvre

Dans les industries de main d'oeuvre, le coût du travail, qu'il s'exprime de manière directe (salaires et charges sociales) ou indirecte (productivité des salariés), est évidemment un élément déterminant du choix d'implantation des unités de production. Mais autant le coût direct joue systématiquement à l'encontre des pays industriels , autant le coût indirect est l'objet d'appréciations plus contrastées .

(1) Coût de la main d'oeuvre

On ne s'attardera pas sur les différences de salaires entre les pays développés et les autres, tant ils sont connus et systématiquement rappelés. Le tableau de la page suivante permet simplement de relever que, s'agissant de la France, le rapport d'écart est de un à quarante avec la Chine ou l'Inde et de un à quatre ou cinq avec les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) ou le Brésil : bien évidemment, de telles proportions ne sauraient être sensiblement diminuées avant longtemps.

COÛT HORAIRE DE LA MAIN-D'OEUVRE DANS L'INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE

1990

1995

2000

2001

Etats-Unis

14,9

17,2

19,7

20,3

Europe à 15

17,2

21,8

18,5

18,4

France

15,5

19,4

15,7

15,9

Allemagne

-

30,3

23,0

22,9

Royaume-Uni

12,7

13,8

16,4

16,1

Italie

17,5

16,2

14,0

13,8

Espagne

11,4

12,8

10,8

10,9

Pologne

-

2,8

4,1

-

Hongrie

-

2,6

3,4

-

République tchèque

-

2,2

3,0

-

Japon

12,8

23,8

22,0

19,6

Corée

3,7

7,3

8,5

8,1

Hong Kong

3,2

4,9

5,6

6,0

Taiwan

3,9

5,9

5,9

5,7

Chine

-

-

0,5

0,4

Inde

-

-

0,3

0,3

Brésil

-

-

3,6

3,0

Mexique

1,6

1,7

2,1

2,3

En $ par heure Source : US Department of Labour, BLS, Septembre 2002

Ces différences salariales s'entendent charges sociales incluses : que l'on retienne les régimes d'avantages sociaux obligatoires ou ceux facultatifs, la protection sociale des pays occidentaux est extrêmement développée même si la répartition entre les deux types de régime peut être fort différente (par exemple, les régimes obligatoires et facultatifs représentent respectivement 8 % et 44 % de la masse salariale en Grande-Bretagne, et 23 % et 26 % en Allemagne). Globalement, cette protection sociale représente ainsi entre 30 et 60 % de la masse salariale dans les pays industriels tandis qu'elle est quasi inexistante dans les pays émergents du Sud. Les PECO se placent dans une situation intermédiaire puisque si les prélèvements sociaux y représentent une proportion de la masse salariale comparable à celle des pays occidentaux, la charge brute en valeur demeure cependant faible puisque le niveau des salaires, qui constituent l'assiette de ces charges, est bien moins élevé.

(2) Productivité de la main d'oeuvre

En ce qui concerne la productivité , la situation est plus complexe. Pour des raisons qui tiennent à la formation, à la tradition culturelle, au capital et à la technologie affectés à la production, à l'organisation du processus productif, aux méthodes de management de la main d'oeuvre, voire à la productivité physique inhérente des travailleurs, la productivité des salariés occidentaux est en général plus forte, et parfois très nettement, que celle de leurs homologues des pays émergents. La prise en compte de la productivité peut donc venir amoindrir l'intérêt d'une délocalisation, même lorsque les différentiels de coûts de la main d'oeuvre sont très importants .

PRODUCTIVITÉ DE LA MAIN-D'OEUVRE PAR PERSONNE OCCUPÉE

1995

1998

2000

2003

Europe à 15

100,0

100,0

100,0

100,0

France

114,4

115,7

114,7

115,0

Allemagne

98,9

97,4

95,9

95,3

Royaume-Uni

89,3

91,0

92,3

97,0

Italie

114,0

113,8

112,2

104,9

Espagne

95,9

93,4

93,8

95,6

Irlande

105,6

111,1

114,5

119,1

Belgique

120,4

116,9

118,2

119,8

Grèce

78,2

78,1

81,8

91,1

Autriche

97,3

97,7

100,3

98,1

Pologne

42,4

42,5

47,6

50,3

Hongrie

53,7

56,2

57,6

62,7

République tchèque

-

-

52,8

61,1

Slovaquie

42,9

47,4

51,7

56,3

Estonie

31,2

37,6

42,2

48,0

Bulgarie

-

26,8

29,8

31,7

Turquie

33,4

37,0

37,6

38,1

Source : Eurostat

Cependant, si un certain nombre d'investissements matériels et immatériels sont consentis par l'entreprise pour permettre aux facteurs de production locaux d'atteindre rapidement les standards occidentaux, les niveaux de productivité peuvent rapidement s'élever : dans cette hypothèse, loin d'être un frein à la délocalisation, la productivité vient au contraire s'ajouter aux faibles coûts salariaux pour en renforcer l'intérêt . En outre, elle peut être fortement augmentée, toutes choses égales par ailleurs, par la flexibilité de la main d'oeuvre : la faiblesse, quand ce n'est pas l'absence, de législation sociale protectrice offre ainsi, dans les pays d'accueil, un cadre d'emploi déréglementé des salariés qui favorise l'utilisation optimale du capital, et accroît de ce fait la productivité globale des facteurs.

Enfin, la différence de standards en matière sociale permet aussi de compenser une faible productivité relative par une durée du travail très supérieure à celle connue dans les pays développés. Sans même évoquer les infractions beaucoup trop nombreuses aux droits fondamentaux des travailleurs définis par l'Organisation internationale du travail (OIT), qu'a rappelées lors de son audition, pour les dénoncer, M. Jean-Daniel Leroy, directeur du bureau de correspondance en France du Bureau international du travail, le simple respect de ces droits minimaux permet encore une différence moyenne de durée du travail pouvant dépasser le rapport de 1 à 2 . Car tout rentre en compte, en effet, dans ce calcul : durée quotidienne du travail, nombre hebdomadaire de jours travaillés, nombre annuel de jours chômés (fêtes légales, conflits du travail) et périodes de congé. Le cumul, puisqu'en général tous les facteurs se conjuguent, rend ainsi l'emploi d'un travailleur du Nord beaucoup moins rentable que celui de son homologue du Sud.

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