b) « L'internationalisation » des structures décisionnelles

« L'internationalisation » des structures décisionnelles apparaît souvent comme la conséquence de la « financiarisation » de l'économie , tant cette dernière est organisée par des capitaux étrangers. Il n'y a rien que de très logique à cela et, en soi, l'ouverture des organes de direction à des managers étrangers n'est pas néfaste : elle est même appréciable car les différences culturelles sont, votre rapporteur en est intimement convaincu, de nature à enrichir les relations de travail, les méthodes d'organisation et le management de la collectivité de travail, comme à ouvrir l'entreprise sur le monde.

Mais cette position de principe ne saurait empêcher de reconnaître que lorsqu'une entreprise va mal, ou qu'elle est soumise à des choix importants qui peuvent notamment concerner une éventuelle délocalisation, une telle situation est aussi susceptible de fragiliser . Nombre de décisions, en effet, sont conditionnées par un critère territorial ou national qu'il serait vain de nier : l'engagement personnel du chef d'entreprise, de ses actionnaires et de son équipe de direction, pour défendre coûte que coûte la pérennité de l'entreprise ou d'un site de production, est souvent d'autant plus fort qu'ils sont eux-mêmes affectivement liés à son territoire d'implantation . Sans aucune xénophobie, votre rapporteur est ainsi convaincu, par exemple, que les efforts récemment déployés par M. Marc Schiff, responsable de l'usine General Motors de Strasbourg, pour emporter de la direction mondiale du groupe la décision d'investir en France plutôt qu'en Hongrie pour créer une nouvelle ligne de production de boîtes automatiques et de convertisseurs (avec 765 emplois sauvegardés à la clef), n'auraient pas été les mêmes si le manager avait été étranger. Nul reproche dans ce constat qui ne fait que prendre en compte les ressorts intimes de la nature humaine.

Naturellement, il ne s'agit pas d'une loi systématique et bien des exemples pourraient sans doute venir contredire cette affirmation. Il n'empêche que plusieurs des industriels rencontrés ou entendus par votre groupe de travail en ont souligné l'évidence, insistant sur le fait que leurs décisions stratégiques pour sauvegarder le plus possible d'emplois nationaux devaient pour beaucoup à leur « amour du pays » et à leur sentiment de responsabilité sociale à l'égard de leurs salariés, du territoire et de sa population . C'est ainsi, par exemple, que M. Daniel Pasquier, président du Comité de liaison des industries de main d'oeuvre, a souligné les différences de gestion des PME selon qu'elles sont les filiales de grands groupes, notamment internationaux, ou qu'elles relèvent d'un capitalisme familial, les « patrons traditionnels » ayant, selon lui, une fibre sociale plus affirmée et un réel attachement au territoire.

Au-delà du constat, quelles conclusions tirer de cette « financiarisation » croissante de l'économie et de « l'internationalisation » de l'actionnariat ou du management qui en est souvent le corollaire ? S'il convient qu'il s'agit d'un mouvement qui ne saurait être interrompu, votre groupe de travail estime cependant nécessaire d'élaborer des outils propres à en orienter les flux . A cet égard, s'il faut continuer à encourager, comme le fait notamment l'AFII, les entreprises étrangères à investir sur le territoire national pour y créer des activités nouvelles, on doit s'interroger sur les raisons qui conduisent le capital de nombreuses PME importantes françaises à passer dans le giron d'investisseurs étrangers . Pour la majorité de votre groupe de travail, l'existence de l'impôt de solidarité sur la fortune comme l'inadaptation de la fiscalité pesant sur la transmission des entreprises sont évidemment largement responsables de cette situation. Elles sont notamment susceptibles d'expliquer pourquoi, en matière d'IDE entrants, la France se distingue si nettement de la plupart des autres pays industrialisés qui lui sont comparables, notamment le Japon, l'Italie ou encore la Grande-Bretagne : en 2002, ces pays ont respectivement accueilli, selon le rapports 2003 de la CNUCED, 9, 15 et 25 milliards de dollars, quand la France en recevait 52, soit davantage que les trois réunis.

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