b) Les pôles de compétitivité

Dans son rapport remis au Premier ministre, M. Christian Blanc met en évidence que certains pays ou régions, malgré un coût du travail supérieur à ce qu'il est en France , sont devenus plus compétitifs en investissant massivement dans la recherche , en soutenant leur enseignement supérieur et en s'organisant autour de pôles de compétitivité . Il ajoute que ces pôles, réunissant sur un territoire entreprises, organismes de recherche, universités et investisseurs autour de quelques filières ou technologies très variées, croissent plus vite que les entreprises isolées et résistent mieux aux crises et aux délocalisations grâce aux interactions créées entre acteurs du pôle.

Notre pays dispose des capacités et conditions pour s'adapter à ce modèle, dont votre groupe de travail est convaincu de l'importance pour renforcer la compétitivité de la France, favoriser son positionnement sur les secteurs d'avenir et accroître son potentiel de créations d'emplois et d'entreprises . Au reste, il a déjà commencé il y a longtemps à expérimenter cette organisation en réseau, qu'il doit simplement généraliser et diffuser .

En France, la fondation des technopoles remonte aux années 1970, avec la création de Sophia-Antipolis . Ce modèle s'est ensuite développé et déployé sur l'ensemble du territoire français. Le réseau France Technopoles Entreprises Innovation (FTEI), créé en janvier 2000, regroupe ainsi 47 technopoles réparties sur l'ensemble du territoire français. En 2003, 11.000 entreprises employant près de 223.000 personnes étaient implantées sur ces pôles, contre respectivement 9.320 entreprises et 172.500 personnes en 2001. On constate ainsi que les créations d'entreprises sont particulièrement dynamiques dans ces entités : 1.525 entreprises ont vu le jour en 2003 (+ 16 %), dont 181 grâce aux efforts de la recherche.

Les résultats de ces « grappes d'entreprises » sont en outre remarquables puisque le « taux de survie » des entreprises créées, qui permet de mesurer l'efficacité de la dynamique des technopoles, est inférieur à 45 % hors du réseau et se situe entre 85 % et 90 % dans le réseau FTEI . En effet, une des missions essentielles des technopoles est de détecter les projets innovants dans les laboratoires qui sont, après sélection, soumis à des capital-risqueurs. Ce processus de sélection permet ainsi de distinguer les projets les plus porteurs de ceux dont la réussite est moins assurée.

Plusieurs réussites illustrent l'efficacité de ces stratégies, telles le pôle électronique de Crolles, près de Grenoble, ou le centre de recherche d' Altis , co-entreprise IBM-Siemens , implantée dans l'Essonne. L'exemple de la technopole de Rennes Atalante est également particulièrement intéressant : cette dernière regroupe 230 entreprises pour 13.000 emplois au total et, en 2003, plus de 700 emplois ont été créés dans le pôle, même si le bilan de l'année 2004 devrait être légèrement terni par la fermeture du site de STMicroelectronics . D'autres entreprises y ont néanmoins une activité particulièrement dynamique comme la filiale « recherche et développement » de France Télécom , qui compte près de 2.000 salariés.

Le succès de ces regroupements est lié à l'effet de masse qui en résulte et des synergies entre entreprises . Il tient également à la diversité des acteurs . Ainsi, les technopoles appuient leurs actions sur des partenariats noués avec un grand nombre d'acteurs locaux, comme les universités, les centres de recherche, l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR), les entreprises, les collectivités locales et les chambres consulaires. Dans le cas de Rennes Atalante, les sites de la technopole sont installés sur un campus de 58.000 étudiants. Comme le souligne Mme Jacqueline Poussier, directrice de la technopole, les entreprises « trouvent sur place tout le personnel nécessaire : des ingénieurs, des chercheurs, etc. qui bénéficient d'une très bonne qualification » (138 ( * )).

La spécialisation des sites constitue à la fois une force et une faiblesse . L'efficacité passe en effet généralement par une spécialisation sur quelques secteurs pour rendre les échanges entre les partenariats les plus profitables possibles. Toutefois, une spécialisation trop poussée peut aussi présenter des dangers en cas de retournement conjoncturel : ainsi, la crise des TIC a particulièrement affecté la technopole de Rennes.

Enfin, le rôle des collectivités locales est un élément essentiel pour la réussite de cette organisation économique , tant au moment de leur constitution que pour leur pérennité. Ainsi, à Rennes Atalante, le budget de fonctionnement est assuré à 63 % par la communauté d'agglomération de Rennes et à 12 % par le Conseil général d'Ille-et-Vilaine.

Les stratégies innovantes au plan local démontrent que le regroupement d'activités complémentaires est indispensable pour favoriser le développement économique . Si une ébauche intéressante d'organisation existe en France, votre groupe de travail note que de tels modèles y sont encore insuffisamment nombreux , et pas toujours correctement exploités . A l'instar de M. Christian Blanc, il regrette par exemple que la formidable concentration de « matière grise » au sud de Paris soit si dispersée, sans recherche de synergies entre les différents instituts de recherche, les grandes écoles, les grandes groupes technologiques, les entreprises innovantes, etc. Aussi attache-t-il beaucoup d'importance à ce que les préconisations récemment formulées soient rapidement examinées par le Gouvernement et mises en oeuvre.

* (138) In La Tribune - 19 mai 2004.

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