c) Au Japon, la faible production par travailleur provient d'une diminution de 10 % de la durée du travail depuis 1990

La faible production par travailleur observée au Japon provient très largement de la flexibilité de la durée du travail. En effet, lorsque l'activité économique ralentit, les entreprises japonaises et coréennes réduisent le nombre d'heures de travail au lieu de licencier, comme l'indique le graphique ci-après.

Durée mensuelle du travail

(1993=100)

Source : OCDE

Ainsi, dans le cas du Japon, avant le ralentissement économique des années 1990, la durée du travail était supérieure d'environ 10 % à ce qu'elle est aujourd'hui. Concrètement, elle est passée de 2.000 heures à 1.800 heures.

Cette flexibilité à la baisse de la durée du travail constitue l'élément essentiel de la flexibilité du travail japonais, le licenciement, exceptionnel, ayant correspondu à un vide juridique jusqu'en juin 2003, comme l'indique l'encadré ci-après.

Une flexibilité du travail qui ne passe traditionnellement pas par le licenciement

« Compte tenu des pratiques de gestion nippones très hostiles au licenciement, jusqu'au début des années 2000 aucune règle de licenciement n'était précisée par la loi. Plutôt que de licencier durant les périodes de crise, les entreprises utilisaient la flexibilité de la rémunération non contractuelle (baisse des heures supplémentaires, compression des bonus), la solution du détachement d'effectifs dans les filiales, voire même la baisse des salaires. Si bien que les licenciements, les demandes de démission volontaire, et même les retraites anticipées étaient exceptionnelles. Mais ce type de mesures a progressé à la fin de la décennie quatre-vingt-dix. Le vide législatif a été comblé en juin 2003 grâce à l'article 18-2 qui stipule qu'« une entreprise ne peut licencier un salarié sans objectif précis et motif circonstancié » et que « si ce motif est reconnu comme inacceptable selon les normes sociales et les pratiques en vigueur, l'entreprise sera considérée comme ayant abusé du droit de licenciement et le licenciement sera invalidé ».

Source : Evelyne Dourille-Feer, « Chômage et réformes du marché du travail au Japon », CEPII, décembre 2005

Ce phénomène est cependant moins marqué dans le cas de la Corée, dont la durée du travail a diminué de seulement 3 % en 1998.

d) Au Japon, les salaires réels ont diminué de 6 % de 1997 à 2003

Dans la même logique tendant à éviter les licenciements, après avoir réduit la durée du travail de 1990 à 1994, les entreprises japonaises ont significativement réduit les salaires réels à partir de 1997.

Ainsi, selon l'OCDE, la rémunération totale aurait commencé à diminuer à partir de 1997, pour atteindre en 2003 un niveau inférieur de 6 %, en termes réels 55 ( * ) . Cette évolution vient du fait que si les salaires « réguliers » réels ont stagné, les primes et allocations spéciales, qui représentent environ 25 % de la rémunération totale, ont en revanche fortement diminué.

La stagnation des salaires « réguliers » réels à partir de 1996 provient en particulier des négociations salariales annuelles «  shunto » 56 ( * ) de 1996. A l'occasion de ces négociations, les dirigeants de l'industrie lourde et de la construction navale sont parvenus à imposer des accords par entreprise, liés aux structures particulières des profits. Depuis, la tendance à la décentralisation des négociations s'est accentuée, ce qui est un facteur de modération salariale.

* 55 OCDE, « Japon », études économiques de l'OCDE, mars 2005.

* 56 Les négociations « shunto » ont été instaurées en 1955. Se déroulant au printemps, elles sont menées conjointement au niveau national et au niveau local.

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