b) La Corée : une crise bancaire déclenchée par une brusque défiance des investisseurs étrangers, et plus rapidement surmontée

Dans le cas de la Corée - comme des autres pays touchés par la crise financière asiatique de 1997-1998 -, la crise bancaire a été déclenchée par une brusque défiance des investisseurs étrangers.

De nombreuses monnaies de la zone 12 ( * ) s'étaient fortement appréciées fin 1997, comme l'indique le graphique ci-après.

Taux de change de diverses monnaies d'Asie orientale par rapport au dollar

(janvier 1997 = 100 ; fin de mois)

Sources nationales

Cette appréciation n'était pas soutenable. C'est notamment pour cela que l'effondrement du baht thaïlandais en juillet 1997, après une politique irréaliste du gouvernement, consistant à essayer de maintenir le taux de change jusqu'à épuisement des réserves, a déclenché une crise de changes pour la plupart des monnaies de la région, qui ont perdu environ 50 % de leur valeur.

Dans le cas de la Corée, le won, d'une valeur de 100 en janvier 1997, s'est brutalement apprécié jusqu'à 190 en février 1998, avant de se déprécier jusqu'à 140 fin 1998. Comme dans le cas de la Thaïlande, le gouvernement avait tenté de maintenir le taux de change à ce niveau élevé, malgré des réserves insuffisantes.

Cependant, il serait erroné de voir dans la crise financière asiatique une simple crise de change. Le problème essentiel est que les investisseurs étrangers ont subitement réalisé que leurs débiteurs étaient souvent peu solvables, et ont donc décidé de retirer leurs capitaux. La crise de change découle largement d'une crise de liquidité bancaire.

Le caractère tardif de cette prise de conscience des investisseurs peut sembler étonnant. Ainsi, dans son rapport 13 ( * ) pour le Conseil d'analyse économique relatif à la crise financière asiatique, M. Olivier Davanne écrit : « En dépit de leur confiance dans la poursuite du « miracle asiatique » et de l'importance des liquidités dont ils disposaient, on continue cependant d'être étonné par la facilité avec laquelle les banquiers internationaux acceptaient de prêter dans cette région du monde, surtout si l'on compare leur comportement là-bas avec la grande prudence dont ils faisaient preuve en matière de prêts domestiques en dépit, là aussi, de taux d'intérêt bas. Compte tenu des sommes colossales en jeu, il reste surprenant qu'ils n'aient généralement pas pris la peine de dépasser le stade de l'analyse un peu superficielle des « fondamentaux économiques », pour examiner de façon véritablement approfondie la solvabilité de leurs débiteurs ». Selon M. Olivier Davanne, « les raisons de cette défaillance sont multiples : excès d'optimisme sur les perspectives économiques après de nombreuses années de croissance exceptionnelle, relations trop étroites entre banquiers, hommes politiques et entrepreneurs (problème de « gouvernement d'entreprise »), confiance assez générale quant à l'existence de garanties publiques au plan national et international (problème des « aléas de moralité ») ».

Dans le cas de la Corée, la situation d'endettement des grands groupes, les chaebols, était largement publique. On savait que les ratios dette sur fonds propres était supérieure à 500 % à la fin de 1996.

Les pays victimes de ce retrait des capitaux étrangers ont connu une croissance négative en 1998 : - 0,6 % pour les Philippines, - 6,9 % pour la Corée, - 7,4 % pour la Malaisie, - 10,5 % pour la Thaïlande, - 13,1 % pour l'Indonésie.

La croissance du PIB de diverses économies d'Asie orientale

(en %)

Source : OCDE

Cette crise financière s'est alors transformée en crise bancaire dans les pays concernés. Tel a en particulier été le cas en Corée.

* 12 La Chine, Hong Kong, Taïwan, Singapour, le Vietnam ont échappé à ce mouvement d'appréciation, et à la dépréciation qui a suivi, grâce à une politique d'ancrage du taux de change sur celui du dollar. Cette politique a été menée avec une rigueur particulière par Hong Kong et par la Chine, dont le taux de change par rapport au dollar n'a quasiment pas changé depuis respectivement 1984 et 1994.

* 13 Olivier Davanne, « Instabilité du système financier international », Conseil d'analyse économique, 1998.

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