C. EXAMEN EN COMMISSION - 20 OCTOBRE 2010

Réunies le mercredi 20 octobre 2010, sous la présidence de Mme Muguette Dini et de M. Jean Arthuis, présidents, la commission des finances et la commission des affaires sociales ont entendu conjointement la communication de MM. Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux, et Mme Colette Giudicelli, rapporteur, sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA).

M. Auguste Cazalet , rapporteur spécial . - La commission des affaires sociales et la commission des finances sont à nouveau réunies ce matin pour la présentation des conclusions du contrôle budgétaire sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA), que nous avons mené avec Colette Giudicelli et Albéric de Montgolfier.

Le RSA a succédé au RMI. Mais il a aussi considérablement innové par rapport à celui-ci. Tout d'abord, il a permis l'harmonisation de deux minimas sociaux en fusionnant le RMI et l'allocation de parent isolé, l'API. Pour ce motif, il est calculé en fonction des charges de famille.

Plus encore, la réforme a introduit un cadre conceptuel nouveau. En effet, le RSA a été conçu pour que la reprise d'activité entraîne, à coup sûr, une hausse de revenus pour ses bénéficiaires. Auparavant, pour un Rmiste, la reprise d'emploi pouvait se traduire par une perte de ressources. En effet, ce statut lui permettait aussi de bénéficier des droits connexes attachés à l'allocation, comme la couverture maladie universelle (CMU), l'exonération de taxe d'habitation ou de redevance audiovisuelle, sans compter les nombreux droits connexes complémentaires tels que la gratuité des transports ou de certains services publics. Aussi la reprise d'activité entraînait-elle, outre la perte du RMI, la disparition des avantages liés au statut d'allocataire que ne compensaient pas les revenus tirés du travail.

Pour corriger cet effet de « trappe à inactivité », le RSA permet à celui qui reprend un emploi d'améliorer sa situation financière. La loi du 1 er décembre 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d'insertion a refondé notre politique d'aide sociale pour répondre non plus à une logique de statut mais à une logique de ressources, permettant ainsi d'englober les « travailleurs pauvres ». Ainsi, contrairement au RMI, une personne qui travaille mais qui retire des revenus trop faibles de son activité sera éligible au RSA.

Deux cas doivent être distingués : pour les personnes privées d'emploi et sans ressources, la solidarité nationale garantit un revenu minimum, que nous appelons le RSA-socle ; celles qui travaillent, ou qui viennent de reprendre un emploi, mais dont les ressources sont inférieures à un seuil, perçoivent un complément de revenus, que nous appelons RSA-activité ou RSA-chapeau. Le dispositif est conçu pour que celui qui passe de la première à la seconde catégorie voie le niveau global de ses ressources augmenter.

Prenons quelques exemples : un célibataire, sans enfant et sans ressources, est assuré de percevoir environ 460 euros. Un couple avec deux enfant dans lequel aucun des deux époux ne travaille recevra un peu moins de 1 000 euros. Si, dans le même couple, l'un des conjoints trouve un emploi et gagne 600 euros par mois, le foyer percevra un complément de RSA-activité d'environ 738 euros, ce qui portera ses ressources totales à plus de 1 300 euros. Il y a donc un réel gain à la reprise d'un emploi, même à temps partiel.

Bien évidemment, le dispositif est dégressif : plus le salaire augmente et plus le complément de RSA diminue jusqu'à un point de sortie. Pour un célibataire sans enfant, le point de sortie est légèrement supérieur au Smic net à temps plein.

Comme nous le disait hier, en audition, le ministre de la jeunesse et des solidarités actives, les dernières données disponibles montrent que 1,1 million de ménages sont bénéficiaires du RSA-socle pour un montant moyen d'environ 427 euros par mois et 650 000 bénéficiaires perçoivent le RSA-activité pour un montant moyen d'environ 170 euros par mois.

En fait, nous distinguons les deux types de RSA car le socle est financé par les conseils généraux tandis que le RSA-activité est financé par l'Etat ou, plus précisément, par le fonds national des solidarités actives (FNSA). En réalité, pour les bénéficiaires, il s'agit d'un dispositif unique : leur dossier est instruit dans les mêmes conditions. Le président du conseil général octroie l'allocation et elle est servie, suivant les cas, par la Caf ou la MSA. Ensuite, les Caf ou les MSA se retournent soit vers les conseils généraux, soit vers l'Etat, pour obtenir le remboursement des sommes versées.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Le RSA a d'abord été un dispositif expérimental prévu par la loi Tepa de juillet 2007. Au vu des premiers retours d'expérience très positifs, il a été décidé de le généraliser, ce qui a été fait par la loi du 1 er décembre 2008. Le RSA généralisé est entré en vigueur le 1 er juin 2009 en métropole et sera étendu le 1 er janvier prochain dans les Dom.

Voilà donc un peu plus d'un an que le dispositif fonctionne et l'on imagine aisément qu'une réforme d'une telle ampleur puisse créer des complications, des tensions, voire des incompréhensions. C'est dans ce contexte que nous nous sommes rendus, à plusieurs reprises, sur le terrain pour apprécier les difficultés persistantes, ce dont Colette Giudicelli rendra compte dans quelques instants.

Le RSA, c'est également un enjeu financier considérable. En 2007, lors d'une audition devant la commission des finances, Martin Hirsch avait estimé que, en régime de croisière, il pourrait coûter jusqu'à 9 milliards d'euros. Dans un contexte de crise, cette prédiction s'est, hélas, réalisée. Ainsi, en 2009, les départements ont versé près de 7 milliards au titre du RSA-socle. Ce montant pourrait atteindre plus de 8,4 milliards en 2010, soit une augmentation de 23 %. Le FNSA, au titre du RSA-activité, aura décaissé, à fin 2010, 1,3 milliard. Au total, ce sont donc 9,7 milliards qui seront redistribués, cette année, par la solidarité nationale.

Dans le cadre de ce contrôle budgétaire, nous n'avons pas abordé la question de la compensation par l'Etat des transferts aux départements du RMI puis de l'API.

M. Bernard Cazeau . - C'est dommage...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - En effet, malgré l'actualité que nous connaissons tous, il est apparu que la compensation du RMI est un sujet ancien qui n'est en rien affecté par la mise en place du RSA. Avec la crise, nous aurions connu un effet-ciseaux identique si le RMI était resté en l'état.

Le RSA a néanmoins entraîné un transfert de compétence : celui de l'API. Cette ancienne prestation d'Etat représentait un budget d'environ 1 milliard. La compensation définitive de l'API sera arrêtée en loi de finances pour 2012 après deux ajustements, l'un en 2010, l'autre en 2011 prévu à l'article 25 du PLF. Nous n'avons donc pas inclus cette question dans notre contrôle mais il va de soi que nous resterons très vigilants, l'année prochaine, au respect d'une juste compensation.

En revanche, le FNSA a retenu toute notre attention. Ce fonds, qui gère les crédits destinés à financer le RSA-activité, est alimenté par la contribution de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et des placements que nous avions spécifiquement votée pour neutraliser le coût de la mise en place du RSA. Si la ressource fiscale n'est pas suffisante pour couvrir les dépenses du fonds, une dotation d'équilibre de l'Etat lui est également versée.

En 2009, pour sa première année d'activité - et plus précisément demi-année - le FNSA a décaissé environ 100 millions par mois. En 2010, ce montant s'élève à peine à 110 millions. La montée en charge du RSA-activité est donc très lente alors que le FNSA a été largement doté en vue d'affronter l'afflux massif de demandes en 2010.

Ainsi, à l'heure où les départements sont de plus en plus asphyxiés par les dépenses sociales, le FNSA accumule des excédents de trésorerie qui, à mon sens, ne sont pas prêts de se résorber. A la fin de l'année 2010, le FNSA disposera d'un fonds de roulement d'environ 1,2 milliard. Fin 2011, d'après les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances, il s'élèverait encore à près de 950 millions. Cela suppose, de surcroît, une montée en charge du RSA-activité deux à trois fois plus rapide que le rythme actuel, ce qui paraît peu crédible. Certes, 2011 devrait être une année de reprise économique mais le ministère ne nous a toujours pas transmis des chiffrages détaillés justifiant cette hypothèse, que nous pouvons qualifier d'optimiste.

Concrètement, je crains que le fonds ne soit encore largement excédentaire l'année prochaine et les suivantes. Le Gouvernement argue d'un lissage sur une période de trois ans pendant laquelle la trésorerie du FNSA serait réduite peu à peu. Il ne s'agit que d'une justification a posteriori de l'excédent constaté. En tout état de cause, sans une montée en charge plus rapide, le fonds restera structurellement excédentaire.

Nous proposons par conséquent de réaffecter une partie de sa trésorerie aux départements afin de desserrer la contrainte de financement qu'ils connaissent actuellement. Nous déposerons des amendements en ce sens lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011.

Nous nous interrogeons également sur l'existence même du FNSA. Initialement, il avait été mis en place afin de flécher l'utilisation de la nouvelle contribution de 1,1 % vers le seul RSA-activité. Il s'agissait donc d'un outil de transparence. Force est de constater qu'aujourd'hui, il est devenu un instrument d'opacité budgétaire que le Gouvernement utilise notamment pour contourner la norme d'augmentation des dépenses. Il faudra peut-être envisager la suppression de ce fonds dont l'existence est contraire aux principes d'unité, d'universalité et de sincérité budgétaires et dont les avantages sont, à l'usage, peu évidents.

Mme Colette Giudicelli , rapporteur . - Nous avons effectivement parlé hier au ministre, Marc-Philippe Daubresse, de la possibilité de réaffecter une partie des fonds du FNSA aux départements. Il a d'abord été catégorique : c'est impossible ! A la fin de la réunion, il s'est montré moins affirmatif...

Après l'exposé des enjeux budgétaires, je souhaite vous présenter les conditions dans lesquelles le RSA s'est mis en place et les questions qui se posent aujourd'hui. L'ampleur du sujet nous a conduits à nous en tenir aux points essentiels.

Il faut tout d'abord souligner que la multiplicité des acteurs, voulue dès l'origine, est source de difficultés persistantes : juridiquement, le RSA est attribué par le président du conseil général, lequel finance en grande partie l'allocation, supervise l'ensemble du dispositif et, en raison de ses compétences traditionnelles, s'occupe du volet insertion sociale ; parce qu'elles instruisent le dossier et versent l'allocation, les Caf, et dans une moindre mesure la mutualité sociale agricole (MSA) ont le rôle de guichet d'accueil ; Pôle emploi est chargé d'assurer un accompagnement professionnel adapté. Pour autant, d'autres acteurs peuvent être amenés à intervenir selon les spécificités locales de l'action publique, soit au niveau du dépôt des dossiers, soit dans les volets d'insertion professionnelle ou sociale : les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, les associations du type mission locale ou Plie (plan local pour l'insertion et l'emploi), les organismes de placement professionnel, etc.

Cette multiplication des acteurs est une constante du monde social et le législateur a souhaité utiliser cette richesse tout en incitant à un travail collectif. Ainsi, diverses conventions doivent être signées, principalement entre le conseil général, les Caf et Pôle emploi.

On peut déjà relever, comme première difficulté, que les ressorts territoriaux de ces différents acteurs ne coïncident pas toujours : toutes les Caf ne sont pas encore départementales ; Pôle emploi a maintenant une structure fortement régionalisée ; les conseils généraux s'organisent parfois en divisions territoriales disposant d'une grande latitude et n'étant pas nécessairement liées hiérarchiquement au service central qui est en contact direct avec la Caf.

Au-delà de cette observation, on peut citer trois conséquences potentiellement négatives de cette complexité. D'abord, l'éventuel cloisonnement entre les approches sociale et professionnelle. Au moment de l'attribution, le conseil général oriente le bénéficiaire soit vers Pôle emploi ou un autre organisme de placement en vue d'une insertion professionnelle - c'est la voie « prioritaire » -, soit vers un organisme compétent en matière d'insertion sociale. Certains conseils généraux estiment que cette première orientation peut segmenter l'accompagnement des bénéficiaires et ne s'effectue pas dans une complémentarité suffisante. Entre six mois et un an après la première orientation, une équipe pluridisciplinaire, constituée à l'initiative du conseil général, peut être amenée à examiner le dossier des personnes qui restent durablement sur la voie d'une insertion sociale. L'intervention de cette équipe est peut-être trop tardive. Ce sentiment est conforté par ce qui nous a été dit lors de nos déplacements, à Bordeaux ou à Grenoble : il apparaît que les bénéficiaires du RSA orientés vers Pôle emploi relèvent du droit commun des demandeurs d'emploi et ne sont pas suivis par des conseillers spécifiques ou des procédures adaptées.

Ensuite, des problèmes persistants d'échanges informatiques. Un dispositif comportant autant d'acteurs ne peut correctement fonctionner que s'ils sont tous suffisamment informés des dossiers des bénéficiaires, ce qui impose des contraintes techniques : le système informatique des Caf, unique pour l'ensemble des prestations qu'elles gèrent, est l'un des plus volumineux de France alors que les conseils généraux utilisent différents logiciels, par nature plus modestes.

Selon les conseils généraux, qui remboursent les Caf, les factures émises par elles ne sont pas toujours individualisées, ce qui peut alimenter des doutes sur la fiabilité des données et, dans le contexte financier actuel, susciter une fébrilité inutile. Qui plus est, la loi a mis l'accent, par exemple en créant un référent unique par allocataire, sur l'individualisation du traitement des dossiers, si bien que le partage des informations doit bien être le plus large possible.

Des groupes de travail ont été constitués pour améliorer la situation mais on peut déjà s'interroger sur les modifications structurelles que la Cnaf engage mensuellement sur sa base de données et qui semblent à chaque fois obliger les conseils généraux à actualiser leurs systèmes informatiques. La caisse nationale ne pourrait-elle pas y procéder moins fréquemment ? Ces bases de données nécessitent-elles toujours des modifications telles qu'elles empêchent la récupération des informations par les collectivités ?

Enfin, on le voit plutôt avec Pôle emploi, certaines difficultés sont apparues dans le traitement des données personnelles. Elles semblent en voie de résorption mais le législateur ne pourrait-il autoriser l'automatisation des flux de transmission ? Il en résulterait une meilleure gestion de l'allocation grâce à un traitement plus précis des dossiers.

Troisième conséquence : le RSA reste complexe pour les bénéficiaires, dès le stade de la demande, puis lors des différentes démarches exigées. Si d'importants progrès ont été réalisés, notamment informatiques, il n'y a pas encore de guichet unique personnel, qui supposerait une évolution majeure du système de prise en charge et son décloisonnement. Cela peut partiellement expliquer une montée en charge du RSA-activité, plus lente que les estimations qui en avaient été faites.

Cependant, la complexité administrative ou la difficulté de diffuser des informations simples à des publics cibles ne sont pas suffisantes pour comprendre ce phénomène ; on peut également estimer que des bénéficiaires potentiels choisissent de ne pas solliciter l'allocation, par exemple parce que le montant estimé serait faible au regard des démarches à effectuer ou parce que le RSA reste assimilé au RMI, ce qui peut amener un sentiment de stigmatisation ou de disqualification sociale pour des gens qui travaillent, même s'ils n'en retirent que des ressources faibles. Il faudra approfondir l'analyse de ces comportements individuels dans le cadre d'une évaluation à moyen terme du RSA.

Finalement, ce contrôle budgétaire met en exergue le délicat équilibre entre efficacité des politiques publiques, justice sociale et juste niveau des dépenses. Par exemple, l'obligation pour les allocataires de fournir une déclaration trimestrielle des revenus part d'une idée positive : adapter l'allocation au plus près de la situation personnelle, au bénéfice de l'allocataire quand sa situation se dégrade, au bénéfice des finances publiques quand sa situation s'améliore. Pour autant, à quel moment la mesure entraîne-elle un coût disproportionné, tant pour les individus que pour les gestionnaires ? Le Gouvernement l'a bien compris, puisque cette déclaration qui tenait sur deux pages et contenait seize catégories de ressources est depuis peu limitée à une page et cinq catégories. Coûteuse en termes de gestion, cette obligation est également lourde pour les allocataires et elle a des conséquences immédiates : remboursements demandés aux allocataires ou réductions d'allocation pour indu.

Il y a là matière à réflexion ; je pense qu'il faudrait garder un peu de souplesse et éviter, autant que possible, la rétroactivité des décisions.

Rapidement, trois autres points. D'abord, les retards dans la mise en place de l'allocation personnalisée de retour à l'emploi (Apre). Cette allocation a été créée pour compléter les aides existantes et répondre à des besoins spécifiques du retour à l'emploi, en matière de transport, d'habillement, de logement, d'accueil des jeunes enfants, d'obtention d'un diplôme ou d'une certification. Elle peut être distribuée par le référent unique, prévu par la loi pour accompagner les allocataires, c'est-à-dire le plus souvent par Pôle emploi. Des crédits de 75 millions étaient prévus en 2009 mais très peu ont été consommés cette année-là : l'aide a été volontairement laissée à la discrétion des acteurs locaux, pour lui donner toute son efficacité, mais cela a pu entraîner une certaine inertie ou une peur de la dépense de la part de gestionnaires peu habitués à ce type de liberté... En outre, les différents arrêtés permettant de « faire descendre » les fonds au niveau local ont beaucoup tardé : par exemple, en Isère, l'arrêté du préfet pour répartir les fonds a été signé le 27 novembre 2009 pour les crédits 2009. Il s'agissait certes de la première année mais, dans ce même département, l'arrêté 2010 n'était pas encore signé lors de notre déplacement début juillet. Les crédits de l'Apre s'élèvent à 150 millions en 2010. Le projet de loi de finances pour 2011 propose un montant de 84 millions, qui nous semble suffisant vu la montée en charge, plus lente que prévue, de cette allocation : en Isère toujours, les crédits 2009 n'ont été consommés qu'à hauteur de 20 % à la date du 30 juin 2010. Au final, nous croyons que l'Apre peut apporter un coup de pouce réel aux bénéficiaires du RSA, mais elle doit être simplifiée et sa gestion plus réactive. Alors que le code du travail ne le prévoit pas explicitement, elle est de fait divisée en deux enveloppes : une nationale, gérée par Pôle emploi qui la redistribue dans ses antennes locales ; une départementale, attribuée par le préfet aux différents organismes compétents. Il semblerait plus opérationnel de confier directement l'ensemble de l'Apre à Pôle emploi.

Deuxième sujet : la récente mise en place du RSA jeunes. Le RSA a été étendu aux moins de vingt-cinq ans depuis le 1 er septembre, à la condition qu'ils aient travaillé suffisamment dans les trois ans qui précèdent la demande. Il est encore trop tôt pour évaluer la mise en place de cette mesure, mais le législateur y sera naturellement attentif.

Enfin, l'extension aux départements d'outre-mer, qui aura lieu le 1 er janvier prochain. Il s'agit d'une mesure de justice et d'équité. Il faudra veiller à ce que les moyens humains et techniques des caisses soient ajustés pour gérer l'afflux certain de dossiers. Le passage du RMI au RSA est à peu près automatique mais la partie activité de l'allocation risque d'entraîner de très nombreuses demandes sur ces territoires où l'activité économique est particulièrement tendue. Par ailleurs, nous avons pris acte du choix du Gouvernement de conserver parallèlement le revenu supplémentaire temporaire d'activité, pour ceux qui en sont aujourd'hui bénéficiaires et qui ne souhaitent pas passer au RSA. Ce RSTA a été créé il y a un an et demi, au moment de la crise sociale dans les Antilles. Ses caractéristiques sont différentes de celles du RSA, puisqu'il tend à apporter un complément forfaitaire de rémunération à ceux qui travaillent mais dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil. Bien sûr, on ne pourra pas cumuler les deux allocations. L'idée du Gouvernement est que les bénéficiaires choisissent l'allocation la plus adaptée à leur situation individuelle ; il n'est pas certain que la population soit à même de faire ce calcul. Qui plus est, cela fait coexister deux dispositifs proches et assez complexes.

Pour conclure, nous souhaitons saluer l'impressionnant travail des personnels des Caf qui ont fait face à un pic d'activité très important pendant environ un an : 14 % de visites supplémentaires et 40 % d'appels téléphoniques en plus. Les caisses se sont adaptées : des recrutements ont eu lieu mais, en raison des délais de formation, les personnels sont parfois arrivés « après la bataille » ; de nombreuses heures supplémentaires ont été réalisées ; des caisses ont fermé leurs bureaux certains jours pour traiter le stock de dossiers en attente ; une régulation nationale a été organisée.

Ces graves difficultés, qui appartiennent - espérons-le - au passé, doivent nous amener à réfléchir sur les délais d'expérimentation de la mise en place d'une allocation telle que le RSA. Le temps de la décision politique et celui de la capacité à mettre les choses en place sur le terrain sont nettement différents et notre pays oublie trop souvent cet impératif.

Cela étant, nos observations ne doivent pas réduire l'importante avancée que constitue le RSA ; c'est un peu la particularité d'un contrôle budgétaire que de mettre en avant les difficultés pour mieux les résorber et il ne faudrait pas que vous retiriez de celui-ci une image négative de ce RSA.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Grâce à vous, nous n'en retirerons pas une image négative.

Sur le plan statistique, s'il est vrai que 1,1 million de ménages bénéficient du RSA-socle et 650 000 du RSA-activité, il y en a, parmi ces derniers, 200 000 qui perçoivent un peu de RSA-socle car le niveau de leurs revenus d'activité reste inférieur à l'ancien RMI.

Par ailleurs, on dit que serait peut-être allouée une prime de Noël dont les 350 millions seraient prélevés sur le FNSA, ce qui allègerait un peu son excédent de trésorerie.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - C'est ce qui s'est passé pour la prime de 2009, mais il restera quand même un excédent, sauf augmentation considérable du nombre des bénéficiaires du RSA-activité. On a voulu créer un dispositif de financement transparent et il est logique que le FNSA finance le RSA, qu'il soit socle ou activité, afin de soulager un peu les départements.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Le parlementaire souhaite surtout soulager le budget de l'Etat.

M. Jacky Le Menn . - Albéric de Montgolfier nous a dit que, devant les premiers résultats positifs du RSA, on a souhaité le généraliser. Alors qu'initialement l'expérimentation devait durer trois ans, elle n'a été que de six à sept mois en Ille-et-Vilaine. Avant même cette expérience, nous connaissions le public concerné et nous avions vu ce qui allait se passer. Mais on ne nous a pas laissé le temps de donner l'alerte. Nous anticipions déjà les difficultés informatiques et de convergence entre les départements et les Caf. Nous ne sommes donc pas du tout étonnés de voir surgir ces problèmes qu'on aurait pu désamorcer en amont. Si on nous avait laissé poursuivre l'expérimentation pendant deux ans, on aurait pu lancer la généralisation sur de bons rails. Nous étions volontaires pour le faire. Qui veut voyager loin, ménage sa monture...

Mme Gisèle Printz . - Je rencontre des personnes qui ignorent qu'elles peuvent bénéficier du RSA. Je les envoie à Pôle emploi mais je ne sais pas si c'est la bonne démarche.

M. Jean Desessard . - Je remercie Mme Giudicelli d'avoir noté dans son rapport les problèmes informatiques et l'insuffisant délai d'expérimentation. Tout cela, je l'avais dénoncé en séance publique. J'avais aussi soulevé la question des déclarations trimestrielles qui ne conviennent pas du tout à ce genre de public. Si l'opposition avait été écoutée, on aurait évité ces difficultés.

Albéric de Montgolfier dit « craindre » que le FNSA soit largement excédentaire. Quel mot aurait-il employé s'il était déficitaire ? Et pourquoi ce fonds serait-il devenu un « instrument d'opacité budgétaire » ? Au contraire, je trouve intéressant qu'on ait permis un fléchage du financement du RSA.

M. Jean-Louis Lorrain . - Toute nouvelle politique nécessite de nouveaux outils et de nouvelles formations. Un « guichet unique » aura des conséquences sur l'utilisation des crédits. Entre les Caf et les départements, la pratique du conventionnement s'est-elle répandue ? L'interférence avec l'API, c'est encore une complexification pour les départements.

La sous-utilisation des crédits ne signifie pas qu'une politique est mauvaise, mais seulement que des ajustements sont nécessaires.

M. Marc Laménie . - Comment aider les départements à faire face à l'explosion des dépenses liées au RSA ? Par quels moyens lutter contre les fraudes, qui coûtent des sommes non négligeables ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Comment la question des droits connexes a-t-elle évolué avec la mise en place du RSA ?

Comme Jean Desessard, je m'interroge sur l'expression d'« opacité budgétaire » employée par le rapporteur. Il me paraît aussi plutôt judicieux d'avoir attribué des ressources spécifiques au financement de l'allocation.

Le rapport indique que la solidarité nationale contribue au financement de l'allocation pour un montant de 9,7 milliards d'euros. Ne devrait-on pas plutôt parler de solidarité départementale ?

Mme Colette Giudicelli , rapporteur . - L'Etat en finance une part importante.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Mais le RSA-socle, responsable de la plus grosse partie des dépenses, est financé par les conseils généraux.

Mme Colette Giudicelli , rapporteur . - Jacky Le Menn a raison : la mise en place trop rapide du RSA a occasionné des dysfonctionnements, notamment dans les Caf, mais ils ont été réglés.

M. Jacky Le Menn . - Au prix de quels efforts !

Mme Colette Giudicelli , rapporteur . - La montée en puissance du dispositif a été plus lente que prévu, mais le même phénomène avait été observé pour le RMI.

Marc Laménie, nul ne dit que les dépenses liées au RSA sont excessives, mais qu'elles mettent les départements en difficulté : dans les Alpes-Maritimes, elles s'élèvent à 120 millions d'euros par an, qui s'ajoutent au coût des autres allocations versées par les conseils généraux, alors que les droits de mutation ont baissé.

S'agissant de la communication, une campagne a été lancée en 2009. Mais je suis d'accord pour dire qu'il faut maintenant privilégier une communication ciblée, par exemple par le biais de courriers plutôt que de spots télévisés. En outre, les services sociaux savent bien qui sont les bénéficiaires potentiels du RSA.

Mme Muguette Dini , présidente . - Le ministre Daubresse nous a assurés hier que des courriers étaient adressés à ces personnes en même temps que ceux de la Caf, mais on pourrait envisager d'autres modes de communication ciblée, moins coûteux et plus efficaces.

Mme Colette Giudicelli , rapporteur . - Jean Desessard évoquait une déclaration mensuelle, ce qui présenterait des avantages et des inconvénients. Les Caf, les conseils généraux et Pôle emploi ne disposent pas des moyens adéquats pour partager leurs informations, et un tiers des dossiers fait l'objet, chaque mois, d'une actualisation de son contenu.

M. Jean Desessard . - Nous l'avions bien prévu au moment du vote de la loi.

Mme Colette Giudicelli , rapporteur . - Les fraudes doivent être distinguées des indus involontaires, rapidement détectés et recouvrés à 88 % selon la Cnaf. Pour lutter contre la fraude proprement dite, nous disposons désormais d'outils juridiques et techniques, les organismes gestionnaires ayant par exemple accès aux données du fichier national des comptes bancaires ; en outre, depuis fin 2008, les Caf reçoivent systématiquement les déclarations fiscales de leurs allocataires. Il faut mieux mobiliser les acteurs et diversifier les moyens de prévention et de répression. Un rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale préconise de simplifier les dispositions relatives à l'échange d'informations entre administrations et organismes sociaux.

Quant aux droits connexes, ils ont fait l'objet d'un excellent rapport de Sylvie Desmarescaux en mai 2009.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Sont-ils pris en compte dans le calcul des ressources des allocataires ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Naguère le statut de RMIste donnait droit à certaines exonérations, par exemple de la taxe d'habitation. Aujourd'hui on ne prend en compte que le niveau de ressources.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Mais peut-être certaines collectivités territoriales continuent-elles à attribuer des droits en fonction du statut.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Que Jean Desessard ne se méprenne pas : je serais très heureux, en ces temps de disette financière, qu'un poste budgétaire fût excédentaire ! Mais il n'est pas satisfaisant de voir coexister un RSA- socle, structurellement déficitaire, à la charge des conseils généraux, et un RSA-activité, structurellement excédentaire, à la charge du FNSA. Martin Hirsch avait promis l'an dernier que le dispositif monterait bientôt en puissance, mais on attend toujours.

Je reviens sur la notion d' « opacité budgétaire ». Je me réjouis que le FNSA jouisse de ressources affectées mais celles-ci devraient être exclusivement dédiées au financement du RSA, et non pas à la prime de Noël ou à des prélèvements budgétaires, comme ce fut le cas lors de la loi de finances rectificative relative au « grand emprunt ».

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - La dotation budgétaire est manifestement supérieure aux besoins.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Pourquoi ne pas diminuer le taux du prélèvement sur les revenus du patrimoine qui financent le FNSA ?

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - D'un autre côté, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) est structurellement sous-financée : le manque est de l'ordre de 100 millions d'euros par an, alors que ces crédits appartiennent à la même mission « Solidarité ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - C'est l'Etat qui finance la plus grande partie du RSA. La question renvoie au débat sur le RMI. Même si une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) est affectée aux départements, l'Etat occupe une part majoritaire dans leurs ressources. La montée en puissance du RSA suit avec un décalage d'un an la courbe du chômage. La progression de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) a été de 8 % ; le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI) n'a pas bougé : 500 millions.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Le conseil général étant en l'occurrence l'opérateur de l'Etat, ne peut-on imaginer que ces trois prestations (Apa, AAH et RSA) fassent l'objet d'un budget annexe des départements ? On déduirait ces 4,7 milliards des 12,5 que l'Etat leur verse et ils évolueraient sur la base de la dépense réelle.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - On s'intéresse alors au delta. Qui le finance ?

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Ces dotations évolueraient en fonction de la dépense réelle, le reste en fonction du contexte budgétaire et de la volonté du Parlement.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Curieux raisonnement que celui qui considère que les transferts expriment la solidarité nationale. Avec la réforme de la taxe professionnelle, les régions vont être les opérateurs de l'Etat pour toutes leurs compétences puisqu'elles n'ont pratiquement plus de ressources propres. Il faut y être attentif !

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Les régions perçoivent 25 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; les 75 % correspondent aux impôts qu'elles levaient auparavant.

Mme Michèle André . - Vous observez que l'API a été transférée en deux temps et que vous resterez vigilant sur la compensation. Avez-vous des inquiétudes ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - On verra précisément ce que sera la compensation à l'issue de la loi de finances pour 2012 et l'on fera le compte.

Mme Patricia Schillinger . - Si l'on veut éviter des effets pervers, il faut travailler en réseau. Je suis élue d'une région frontalière et l'on sait bien que certains allocataires du RSA vont travailler au noir de l'autre côté de la frontière. Leurs ressources sont en réalité bien supérieures à celles des personnes éligibles au RSA et qui en ont vraiment besoin. Il faudrait sans doute pouvoir contrôler la situation réelle des personnes, ce que feraient les assistantes sociales si elles étaient plus nombreuses.

Mme Muguette Dini , présidente . - M. Daubresse a écrit aux maires des villes de plus de cinq mille habitants pour les sensibiliser et les informer des procédures du RSA.

Mme Colette Giudicelli , rapporteur . - Il faut en effet s'appuyer davantage sur les structures qui oeuvrent au contact des publics, comme les centres communaux d'action sociale (CCAS).

Mme Patricia Schillinger . - Les agents chargés des opérations de recensement ont parfois découvert des situations stupéfiantes, des enfants cachés non déclarés par les parents, des couples se déclarant parent isolé... Cela fait mal quand on pense à ceux qui auraient vraiment besoin d'être aidés.

Mme Muguette Dini , présidente . - Je vous propose, mes chers collègues, d'autoriser la publication de ce rapport.

A l'issue de ce débat, les commissions des affaires sociales et des finances donnent acte de leur communication aux rapporteurs et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Mme Colette Giudicelli , rapporteur . - C'est le premier rapport que je suis amenée à établir et je veux dire ma joie et ma satisfaction de siéger à la commission des affaires sociales.

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