II. LA PANNE DU 2 JUIN 2021 : UNE ERREUR LORS D'UNE OPÉRATION DE MAINTENANCE AYANT DES CONSÉQUENCES LOURDES

A. UNE PANNE CONSÉCUTIVE À UNE OPÉRATION DE MAINTENANCE

Les conditions de survenance de la panne ont été rappelées aux rapporteurs par Stéphane Richard, président-directeur général d'Orange : « La panne est survenue à la suite d'une opération de modernisation et d'extension d'un équipement critique. Elle n'a donc pas pour cause un mauvais entretien de certaines parties du réseau fibre ou l'obsolescence, bien au contraire. Ayant constaté une augmentation des trafics "voix" et "data" lors des confinements successifs en 2020, Orange a décidé d'accroître la capacité de l'équipement critique assurant l'interconnexion entre les appels dits "voix sur IP" (VoIP) c'est-à-dire ceux qui proviennent des "box", et le réseau téléphonique commuté (RTC), dont dépendent les numéros d'urgence » 7 ( * ) .

Cette version a, par ailleurs, été confirmée par le rapport du 19 juillet 2021 qui a pu établir une chronologie très précise des évènements 8 ( * ) « débutant [le 2 juin à 16 heures] par une opération de maintenance sur les équipements de VoIP (équipements constituant le noeud d'interconnexion voix en full IP pour les offres fixe, mobile, grand public, entreprise d'Orange) à Lille » 9 ( * ) à laquelle a fait suite une modification de configuration de l'ensemble des call servers d'Orange permettant l'interconnexion entre les réseaux IP et le RTC (cf. supra) .

Selon ce même rapport, cette modification de configuration a très rapidement entrainé « une hausse des échecs de communications vers les numéros des services d'urgence » sur le réseau Bouygues Télécom, une « chute soudaine » des appels entrant auprès du SAMU du Nord ainsi que des difficultés rencontrées par le SAMU de Paris et par la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). Seize minutes après les modifications de configuration ayant engendré la panne, les services techniques d'Orange ont identifié le problème et mobilisé des experts en interne. Toutefois, le rapport souligne une « insuffisante réactivité lors de la crise du 2 juin » 10 ( * ) indiquant que, à partir de l'identification du problème intervenue à 17 heures, il aura fallu à Orange :

- 45 minutes pour constater un nombre élevé de plaintes sur les services concernant, notamment, les numéros courts d'urgence ;

- 1 h 06 pour effectuer un signalement interne faisant état du fait que les services d'urgence d'Ile-de-France, du Grand Est et du département du Nord étaient injoignables ;

- 1 h 41 pour signaler cet incident majeur au Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) ;

- 2 h 40 pour organiser la première réunion de la cellule de crise interne à Orange ;

- 3 h 40 pour établir un « premier contact avec un des opérateurs tiers pour signaler un dysfonctionnement sur les numéros interconnectés, sans préciser l'impact particulier sur les numéros d'urgence » 11 ( * ) ;

- 17 h 30 pour organiser la première réunion avec les opérateurs tiers.

De leur côté, les services d'urgence concernés ont, selon le rapport, « réagi rapidement à une crise à laquelle ils n'étaient pas préparés, en faisant fonctionner rapidement le dispositif d'escalade. Cela a conduit à l'activation et à la mise en place du CIC [Centre interministériel de crise] moins de deux heures après le début du dysfonctionnement. Par ailleurs, les services d'urgence ont mis en place de nombreuses solutions de contournement et ce malgré l'absence de conseil du côté de l'opérateur » 12 ( * ) . La plupart des services d'urgence concernés ont spontanément diffusé des numéros à dix chiffres par différents canaux pour permettre aux populations de les joindre, sans nécessairement passer par les numéros courts habituels .

Particulièrement touchés par la panne, plusieurs SAMU ont fait preuve d'efficacité et d'initiative , comme le souligne le rapport du 19 juillet 2021. Alors que les SAMU du Nord et d'Île-de-France ont été parmi les premiers services d'urgence concernés ( cf. supra ), ces derniers ont rapidement relayé l'information à l'association nationale des SAMU, Urgence de France, afin de mettre en place une cellule de crise informelle qui a permis « d'identifier rapidement qu'il s'agi[ssai]t d'une panne nationale » 13 ( * ) . Cette association a joué un rôle clé dans la remontée d'information alertant, dans un premier temps, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), puis, dans un second temps, les cabinets du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de la santé 14 ( * ) .

Enfin, le SAMU du Nord a très rapidement contribué à diffuser un numéro à 10 chiffres, y consacrant jusqu'à dix postes dans le cadre de sa cellule de crise 15 ( * ) qui sera, par la suite, mise à profit pour réceptionner les appels à destination du SDIS du Nord et à destination du 17. Les numéros à 10 chiffres des SAMU de chaque département seront finalement diffusés à la population par le ministère de la santé via son site Internet et les Agences régionales de santé (ARS).


* 7 Extrait du compte rendu de l'audition de Stéphane Richard.

* 8 Rapport de l'Anssi /IGA/CGE/CCED/IGAS du 19 juillet 2021, pages 11 et suivantes.

* 9 Ibidem .

* 10 Rapport de l'Anssi /IGA/CGE/CCED/IGAS du 19 juillet 2021, page 26.

* 11 Ibidem , page 27.

* 12 Ibidem , page 20.

* 13 Ibidem , page 12.

* 14 Ibidem .

* 15 Ibidem .

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