PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 2, aux amendements identiques n°s 17 et 356. La commission et le Gouvernement ont donné leur avis.

La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. Ces deux amendements de nos collègues Michel Mercier et Jacques Pelletier répondent, dans les faits, à quelques-unes des préoccupations posées par le paysage électoral issu des précédentes élections.

La question qui nous est posée par ces deux amendements est celle de la quotité de sièges attribués d'office à la liste parvenue en tête de l'élection législative. Dans les faits, une partie importante des sièges des élus serait ainsi attribuée.

Si l'on prend le cas de la région d'Ile-de-France, soixante-dix sièges seraient alors attribués à la liste parvenue en tête, ce qui assurerait une majorité relativement claire à cette liste, quand bien même n'obtiendrait-elle qu'une majorité relative des suffrages exprimés.

Ainsi, dans un contexte où cette liste obtiendrait 40 % des suffrages, elle décrocherait, au total, un minimum de cent vingt-six sièges du conseil de la région capitale.

Dans le cas où deux listes seraient en présence et où l'une de ces listes obtiendrait juste 51 % des voix, elle aurait le droit de voir élus cent quarante et un de ses colistiers, soit les deux tiers de l'assemblée régionale.

Evidemment, cela donne une majorité de gestion relativement claire pour chacun des conseils régionaux, mais cela conduit immanquablement à l'affaiblissement de la représentation de chacune des listes minoritaires dans des proportions qui nous semblent peu compatibles avec un respect intégral des règles du jeu démocratique.

La prime majoritaire est d'ores et déjà fixée au quart des sièges et semble largement suffisante pour assurer à la liste gagnant les élections une assise réelle.

C'est pour cela que nous estimons peu souhaitable d'adopter les amendements déposés par nos collègues Michel Mercier et Jacques Pelletier, quand bien même ils participent d'une conception de la réforme du mode de scrutin régional plus respectueuse de la démocratie que celle qui anime le projet de loi.

Il s'agit d'une position centriste, si l'on peut dire, du collègue Michel Mercier.

Ce sont donc là, rapidement exposées, les raisons qui nous amènent à voter contre ces amendements identiques n°s 17 et 356.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Les amendements de MM. Mercier et Pelletier sont intéressants parce qu'ils représentent, en quelque sorte, les signes avant-coureurs du débat que nous aurons sur l'article 4 relatif aux seuils. En effet, on ne peut les comprendre que si on les lie complètement aux seuils-guillotines que vous avez inventés.

M. Mercier veut assurer des majorités stables et claires. Nous sommes d'accord avec lui. Ces points figurent déjà dans la loi de 1999.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. En plus, nous les voulons loyales !

M. Bernard Frimat. Je crois entendre M. Blanc !

Les deux éléments sont liés ! En effet, à partir du moment où Michel Mercier a la volonté de substituer, comme seuil d'élimination, une référence aux suffrages exprimés à une référence aux inscrits, le seuil de qualification devenant un vrai seuil de qualification, il faut se prémunir contre une prime qui ne donnerait pas une majorité stable. Si je vous ai bien compris, pour pouvoir assurer une majorité stable, on passe du quart au tiers du nombre de sièges à pourvoir.

Cette approche est quelque peu contradictoire, car une telle mesure peut avoir un effet dissuasif sur les petites listes. Certes, son effet est moins fort que le projet de loi que défend M. Devedjian, puisque, les petites listes, il les « exécute » au premier tour, mais elle représente quand même un inconvénient : avec la prime, la majorité devient beaucoup plus importante et les effectifs à répartir sur les listes restantes sont alors modestes.

Dans un cas comme dans l'autre, quelles que soient les intentions qui vous animent, on risque d'aboutir à une diminution du pluralisme. Par conséquent, le groupe socialiste s'abstiendra, de façon à saluer l'effort de prise en compte du pluralisme et d'atténuation d'un mécanisme trop sévère. Mais cela ne nous donne pas complètement satisfaction.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais convaincre mes amis du groupe socialiste et mes amis du groupe CRC de modifier leur point de vue.

Depuis le début de ce débat, nous disons qu'il ne faut pas toucher aux seuils et que, si vous pensez que la prime n'est pas suffisante pour assurer dans tous les cas une majorité qui puisse gouverner, au pire, augmentez la prime : c'est ce qui nous est proposé par ces deux amendements.

La conséquence logique sera de ne pas toucher aux seuils, mais chaque chose en son temps. Je pense que nous devrions voter ces amendements pour, ensuite, mener le combat sur les seuils . Il est clair que l'adoption de ces amendements ouvrirait la porte à une commission mixte paritaire : nous pourrions alors nous expliquer et obtenir une prime plus forte à la majorité, mais, en contrepartie, les seuils seraient maintenus.

Peut-être faudrait-il une suspension de séance pour que nous puissions en discuter ensemble, mais j'insiste : à mon sens, il serait bon que nous adoptions ces amendements.

MM. René Garrec, président de la commission des lois, et Patrice Gélard, rapporteur. La suspension de séance a déjà eu lieu !

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Seuls deux systèmes permettent de trouver une majorité cohérente de gestion pour les régions : soit on réduit au maximum le nombre de candidats grâce au seuil de 10 % des inscrits et, dans ce cas, il n'est pas nécessaire de prévoir une prime majoritaire très élevée...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il a raison !

M. Michel Mercier. ... soit on prévoit une prime majoritaire plus élevée, et on accepte qu'il y ait beaucoup plus de candidats. Une fois la majorité acquise pour que la région soit gérée, le pluralisme peut largement s'exprimer. Il n'existe pas d'autres solutions que ces deux-là.

Pour notre part, nous faisons le choix du pluralisme, en souhaitant que le plus de listes possible puissent être candidates, dès lors qu'une majorité de gestion peut se constituer.

Nous proposons donc d'augmenter la prime majoritaire au tiers, ce qui est inférieur à ce qui se fait pour les élections municipales puisque la prime majoritaire y est de la moitié. Ce système est très bien accepté par les Français.

Bien entendu, en contrepartie, nous suggérons que le seuil soit fixé non pas à 10 % des inscrits, mais à 10 % des suffrages exprimés. Ce serait le même seuil qu'aux élections municipales. Il y a une cohérence dans tout cela ! Il faut choisir un système ou un autre ! Nous refusons celui que nous propose le Gouvernement, car nous considérons qu'il exclut des conseils régionaux trop de sensibilités politiques.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons, bien sûr, l'amendement de M. Pelletier et celui que j'ai déposé au nom du groupe de l'Union centriste.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 17 et 356.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission et du groupe de l'Union centriste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

11222920610443163 M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
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Art. 3

Article additionnel avant l'article 3

M. le président. L'amendement n° 241, présenté par MM. Frimat, Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article L. 338 du code électoral, les mots : "qui a obtenu le plus de voix" sont remplacés par les mots : "de l'Union pour un mouvement populaire". »

La parole est M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà un amendement qui est destiné à atteindre la transparence, la vérité et la clarté. (M. Hilaire Flandre rit.) Il tend, je vous le rappelle, à insérer un article additionnel ainsi rédigé : « Dans la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article L. 338 du code électoral, les mots : "qui a obtenu le plus de voix"... » - c'est-à-dire la liste qui aura la prime et la majorité assurée - « sont remplacés par les mots : "de l'Union pour un mouvement populaire". »

M. Hilaire Flandre. Vous savez qu'on est capable de l'adopter ! (M. Jean-Pierre Schosteck confirme.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'entends des approbations ! Comme tout à l'heure, je dois rendre à César ce qui lui appartient : ce sont nos collègues députés de l'UDF qui ont déposé cet amendement à l'Assemblée nationale.

Nous avons trouvé qu'il avait le mérite de la clarté, et c'est pourquoi nous l'avons repris. Je le précise pour que nos collègues de l'Union centriste n'aient pas la tentation d'oublier de le voter, car je suis convaincu qu'il représente leur opinion, comme il représente la nôtre et, finalement, celle du Sénat tout entier.

Nous avons recueilli de nombreuses approbations, nous l'avons remarqué. J'espère que M. le rapporteur et M. le ministre seront du même avis. Mais, après tout, leur avis importe peu si vous-mêmes, chers collègues de l'UMP, êtes d'accord avec nous.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je ne ferai pas injure à M. Dreyfus-Schmidt en lui disant que son amendement est anticonstitutionnel et qu'il n'est donc pas possible de l'accepter.

Mme Nicole Borvo. Non ? Nous ne pouvons pas le croire !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je pourrais soulever l'exception d'inconstitutionnalité.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Expliquez-moi pourquoi !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, il n'est pas possible constitutionnellement de conférer à une formation politique le monopole de la représentation ou, alors, nous serions sous une constitution du type de celle qui existait en 1936 en Union soviétique !

M. Jean Chérioux. Et c'est un spécialiste qui parle. Il est professeur d'université !

M. Robert Bret. C'est un cryptocommuniste ! (Rires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est la raison pour laquelle, maintenant que vous nous avez bien amusés, je vous demande de retirer cet amendement. A défaut, je serais obligé d'émettre un avis défavorable.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais ce n'est pas le monopole : c'est la majorité !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Il s'agit, à l'évidence, d'un amendement de dérision.

M. Marcel-Pierre Cleach. C'est du Coluche !

M. Claude Estier. Il a été déposé par l'UDF à l'Assemblée nationale !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On a toujours le droit de rire, naturellement. Mais moi, je prends le Sénat au sérieux. Je lui fais l'honneur de considérer qu'il ne s'amuse pas.

M. Robert Bret. C'est pour cela que le Gouvernement empêche l'UMP de parler !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Donc, je souhaite que M. Dreyfus-Schmidt, qui, par ailleurs, est un homme sérieux, cesse de s'amuser et retire son amendement.

Mme Nicole Borvo. Au fait, pourquoi pas la constitution chinoise plutôt que celle de l'Union soviétique ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Parce qu'elle n'existe plus !

M. Robert Bret. M. le rapporteur serait-il nostalgique ?

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement n° 241 est-il maintenu ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez-moi de répondre à M. le rapporteur et à M. le ministre.

D'abord, ce n'est pas un amendement qui m'est personnel, il est présenté par l'ensemble du groupe socialiste et apparenté et, de surcroît, repris, nous l'avons dit, de nos collègues de l'UDF de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Hyest. Des noms !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Un amendement de dérision, dites-vous ? C'est beaucoup plus grave que cela. Et quand on vient d'en rire, on devrait en pleurer ! (M. Jean Chérioux s'exclame.) Car ce que cet amendement énonce, c'est très exactement ce que vous recherchez, tout le monde le sait, et vous les premiers.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons le choix : maintenir l'amendement, le retirer, demander un scrutin public. Si nous ne vexons pas nos amis de l'UDF en le retirant...

M. Marcel-Pierre Cléach. Il y a une nouvelle majorité !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... nous sommes prêts à le retirer.

Mais peut-être le groupe de l'Union centriste souhaite-t-il le reprendre ?

M. Michel Mercier. S'il s'était agi du Mouvement républicain populaire, nous aurions certainement repris l'amendement ! (Rires.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est vrai que, dans « Union pour un mouvement populaire », il y a en effet les mots « mouvement populaire », ce qui est un hommage au « Mouvement républicain populaire.

M. Hilaire Flandre. C'est de la nostalgie !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si, tel qu'il est, et alors qu'il est de vous, cet amendement ne vous plaît pas, chers collègues de l'Union centriste, nous allons faire plaisir à M. le rapporteur et à M. le ministre et le retirer.

M. le président. L'amendement n° 241 est retiré.

Art. additionnel avant l'art. 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
Art. additionnel après l'art. 3

Article 3

M. le président. « Art. 3. - Il est inséré, après l'article L. 338 du code électoral, un article L. 338-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 338-1. - Les sièges attribués à chaque liste en application de l'article L. 338 sont répartis entre les sections départementales qui la composent au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département. Cette attribution opérée, les sièges restant à attribuer sont répartis entre les sections départementales selon la règle de la plus forte moyenne. Si plusieurs sections départementales ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la section départementale qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.

« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur chaque section départementale.

« Lorsque la région est composée d'un seul département, les sièges sont attribués dans le ressort de la circonscription régionale selon les mêmes règles. »

La parole est à M. Robert Bret sur l'article.

M. Robert Bret. Avec l'article 3 du présent projet de loi, il s'agit de mettre en application le principe de l'élection des conseillers régionaux sous forme de sections départementales, système prévoyant assez clairement que la répartition finale des sièges obtenus par telle ou telle liste de candidatures ne saurait correspondre tout à fait à la place de chaque département dans la région concernée.

Deux problèmes essentiels ne nous ont pas échappé. Premièrement, le mode de scrutin, avec le principe de la prime au parti arrivé en tête et la mise en oeuvre d'une élection à deux tours, va fortement raviner le pluralisme de l'opinion tel qu'il s'exprime de manière régulière depuis plusieurs années.

Prenons en exemple l'élection déterminante de toute la vie politique française, à savoir l'élection présidentielle.

En 1981, les deux candidats présents au second tour obtenaient quelque 55 % des voix des électeurs au premier tour. En 1988, ce pourcentage se situait autour de 54 %. En 1995, il est tombé sous les 45 % et, en 2002, ce sont environ 36 % des électeurs qui ont voté pour les deux principaux candidats.

On peut regretter ce phénomène, s'en inquiéter ou avoir à cet égard toute autre analyse, mais force est de constater que le pluralisme des idées est à la base de l'expression politique des habitants de ce pays aujourd'hui.

Or, avec ce scrutin régional à deux tours en sections départementales, tel qu'il est défini par les articles 2, 3 et 4 du présent texte, on se situe dans le cas d'un système irrespectueux de cette pluralité.

Ce mode de scrutin en sections départementales est donc d'abord une atteinte au pluralisme, conduisant à niveler les spécificités de notre vie politique et poussant, en fait, à une bipolarisation que les électeurs ont pourtant largement tendance à rejeter.

Deuxièmement, autre défaut, on risque de ne pas voir les territoires justement représentés, compte tenu de certains décalages existant entre les départements d'une même région, comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner dans le cadre de la discussion de l'article 2, notamment.

Qu'on le veuille ou non, ce décalage va contribuer non pas à asseoir des majorités stables dans chacune des régions de métropole ou d'outre-mer, mais surtout à permettre aux états-majors de tel ou tel parti politique - a priori l'un des deux appelés à dominer le paysage - de répartir entre eux l'essentiel de la représentation, au détriment, encore une fois, du pluralisme des idées et des courants d'opinion.

Enfin, une fois de plus, la parité va sans doute souffrir des nouvelles règles du jeu que l'on souhaite imposer avec ce texte, ce qui, par conséquent, ne sera pas une avancée significative.

Nous ne pouvons donc accepter les principes qui guident, une fois de plus, la conception générale du projet de loi.

Nous sommes en effet loin d'un dispositif assurant une juste représentation des courants d'opinion, des territoires et donc des populations.

On ne peut pas oublier, par exemple, que l'application d'une répartition au niveau régional peut conduire, dans certaines régions où les rapports des forces politiques sont relativement différenciés, à voir élire dans certains départements des candidats qui n'auraient pas été élus dans le cadre d'un scrutin proportionnel assis sur le département.

En fait, l'évolution qui nous est proposée est quelque peu inutile.

On pouvait en effet fort bien garder le principe de la circonscription départementale, d'autant qu'une bonne part des départements métropolitains comptent un nombre suffisamment important de conseillers régionaux pour que la représentation proportionnelle, même corrigée d'une prime majoritaire, puisse jouer pleinement son rôle.

En effet, seulement vingt et un départements métropolitains ont moins de dix élus à désigner - même s'il est à craindre que le sectionnement départemental ne leur fasse subir une correction à la baisse de leur représentation dans chaque conseil régional - et un système assis sur le département a donc toute sa raison d'être.

On sait, d'ailleurs, que, lors des élections de 1986, les premières du genre, l'existence d'un scrutin départementalisé n'avait pas posé de problèmes majeurs quant à la constitution de majorités de gestion dans la plupart des régions.

Et l'on ne peut décemment faire une bonne loi électorale qui ne serait inspirée que par les orientations qui habitent ce projet de loi, c'est-à-dire favoriser la bipolarisation - avec tous ses excès en faveur d'un pôle ou d'un autre - gommer, sinon écraser, les alternatives à cette bipolarisation et permettre une sorte de partage tacite du pouvoir ne laissant que peu de place aux revendications des citoyens et à leurs aspirations.

Ce sont là quelques points qu'il nous paraissait utile de rappeler alors que nous entamons l'examen de l'article 3.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. L'article 3 présente un certain intérêt. Avant de détailler, je tiens à dire que j'ai beaucoup de peine à persuader M. le rapporteur d'accepter quelques-uns de nos amendements.

Mme Nicole Borvo. Ah !

M. Michel Mercier. Je dois dire, à sa décharge, qu'il nous avait prévenus dès le départ, dans son rapport, donc avant même de nous avoir écoutés, comme s'il avait craint, sinon, éventuellement de se laisser fléchir. M. le rapporteur s'était en quelque sorte « calé » sur cette position. Ainsi donc aucun de nos amendements ne trouverait grâce à ses yeux et il demanderait un vote conforme. En le disant d'emblée, il se confortait probablement lui-même !

Rassurez-vous, je ne déposerai pas d'amendement sur cet article, mais je souhaite faire quelques observations.

Cet article est extrêmement intéressant parce que, comme l'a écrit M. Gélard dans son rapport, il décrit la façon dont les sièges seront répartis. Il est inscrit en toutes lettres dans cet article que les sièges de conseiller régional seront d'abord répartis entre les listes en fonction des résultats qu'elles auront obtenus sur l'ensemble de la circonscription régionale. C'est la définition même du scrutin proportionnel : les sièges sont répartis en fonction des voix que l'on a obtenues. Le rapport ne dit rien sur le fait que le scrutin régional serait non pas un scrutin proportionnel mais un scrutin majoritaire, comme on l'a entendu depuis deux jours. L'article 3 affirme bien le caractère proportionnel du scrutin.

Je voudrais simplement attirer l'attention du ministre et du rapporteur sur la nécessité que la loi soit claire, accessible et intelligible pour l'électeur. C'est d'ailleurs aussi un objectif de valeur constitutionnelle. Or, candidat ne veut pas dire siège, j'insiste sur ce point. Après avoir discuté avec un certain nombre de mes collègues, j'ai constaté qu'ils étaient nombreux à croire qu'il s'agissait de sièges garantis aux départements. Or, c'est une présentation départementale d'une liste régionale, il faut le dire clairement.

Nous pensons qu'il faut garantir à des territoires peu peuplés, souvent ruraux, une représentation effective. Nous déposerons des amendements sur l'article 5 pour assurer cette représentation.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. L'article 3 tend à insérer un nouvel article après l'article L. 338 du code électoral, afin de préciser les modalités de répartition des sièges de conseiller régional entre les sections départementales pour chaque liste de candidats.

La complexité est de mise dans cet article : si la région est découpée en sections départementales, les sièges de conseiller régional seront d'abord répartis entre les listes en fonction des résultats qu'elles auront obtenus sur l'ensemble de la circonscription régionale. M. le rapporteur nous a expliqué ce mécanisme en commission, le 26 février dernier.

Vous allez comprendre à quel point ce projet de loi paraîtra clair à nos concitoyens. Je cite M. Gélard : « L'institution de sections départementales au sein des listes régionales de candidats impliquerait une première répartition des sièges entre les listes en fonction de leurs résultats au niveau régional, puis une répartition des sièges obtenus par chaque liste entre ses sections départementales, en fonction de la part de ces dernières dans le total des voix de la liste. »

Voilà qui simplifie vraiment le mode de scrutin régional !

Nous sommes désormais contraints d'attendre la décision du Conseil constitutionnel, qui aura à statuer sur cette loi et sur ces dispositions manifestement inintelligibles, nous en avons bien la preuve avec ces sections départementales.

Pourtant, la loi de 1999 permettait clairement de stabiliser les exécutifs régionaux, en mettant tout simplement en place un système de prime majoritaire qui accorde à la liste arrivée en tête un quart des sièges à pourvoir.

Le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par les députés et les sénateurs de droite, reconnaissait d'ailleurs, dans sa décision du 14 janvier 1999, que les dispositions relatives aux seuils, alors critiquées par ces mêmes élus, avaient fixé sans ambiguïté les règles relatives au nouveau mode de scrutin régional.

Ce caractère ne sera certainement pas évoqué à la suite de la lecture de votre projet de loi, monsieur le ministre ! Le présent article en est la parfaite illustration. Vous échafaudez un système complexe, incompréhensible, et qui s'inscrit dans la droite ligne de votre projet antidémocratique.

Ainsi, le projet de loi porte atteinte au principe traditionnel de pluralité politique et conduit à une bipolarisatin de la vie politique française, voire au bipartisme.

Cela traduit la volonté hégémonique de l'UMP, qui, non contente de disposer de la quasi-totalité des pouvoirs, souhaite, de surcroît, conquérir l'ensemble des régions et la majorité des sièges de député européen.

De même, nous ne pouvons qu'adopter une attitude très critique face au caractère particulièrement complexe dans ses mécanismes et incertain dans ses résultats du dispositif proposé pour les élections régionales, qui associerait à la fois des listes régionales, des sections départementales et des règles de parité.

Un tel dispositif ne peut, à terme, qu'éloigner le citoyen de l'élection et des élus, ce qui est à l'opposé des prétendues intentions de la majorité.

La complexité des modes de scrutin ne peut jouer qu'au détriment des élus. Si les électeurs ne savent plus pour qui voter dans leur section départementale et, surtout, ne savent plus si ceux qu'ils ont choisis les représenteront finalement à l'échelon régional, comment voulez-vous les faire revenir vers les urnes ?

C'est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements, l'un de suppression de cet article, les autres de repli, pour en améliorer quelques-unes des dispositions.

En tout état de cause, nous ne pourrons être favorables au contenu de cet article et aux conséquences graves qui en résulteraient en matière électorale et pour la démocratie.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Avec cet article 3, nous abordons la deuxième partie de ce que M. Gélard appelait la « double proportionnelle ». La finalité de l'article 3 est de permettre l'attribution des sièges obtenus par chacune des listes régionales et de ventiler en quelque sorte ces sièges entre les différentes sections départementales.

A ce stade de la discussion, nous répétons que cette répartition, en raison de l'incertitude qu'elle fait peser, nous semble mauvaise.

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale varie peu par rapport au projet de loi initial, et simplement sur la question du plus âgé. Ce qui est caractéristique, et c'est une innovation, c'est qu'il nous laisse dans l'ignorance sur le nombre de sièges qu'obtiendra finalement chaque département. C'est à ce point une innovation que, au cours de débats relativement récents, quand j'ai avancé cette idée que le nombre de sièges n'était pas défini, j'ai vu une certaine stupéfaction se peindre sur le visage de l'un de mes interlocuteurs, qui m'a assuré que, du coup, il déposerait un amendement pour que ce nombre soit fixé.

Il est bien évident que tout auteur d'un amendement est condamné au retrait, puisque nous sommes dans l'hypothèse d'un vote conforme. Par conséquent, je ne lui en veux pas de ne pas avoir déposé cet amendement. Mais le problème subsiste !

Les deux facteurs déterminants de la répartition interne des sièges seront l'abstention et le poids démographique. Nous sommes dans une mécanique de répartition à la plus forte moyenne. Donc, plus le département sera peuplé, plus il sera avantagé. Nous le savons, ce mode de scrutin avantage les grosses listes par rapport aux petites et, en l'espèce, les départements les plus peuplés par rapport aux départements les moins peuplés.

Quant au second facteur, l'abstention, qui doit jouer comme un correctif, nous ne savons pas, au départ, s'il va aggraver ou non la situation.

Par conséquent, selon son taux d'abstention et son poids démographique, un département sera plus ou moins représenté à l'assemblée régionale. Cela nous semble être en contradiction avec le principe d'égalité des citoyens devant le suffrage universel, et ce pour une raison simple : le déterminant essentiel n'est plus le nombre de suffrages exprimés, mais le nombre de suffrages non exprimés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Sur l'article 3, je suis saisi de douze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 51 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 242 est présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme Michèle André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, Charles Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer l'article 3. »

La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 31.

M. Robert Bret. Cet article 3 du projet de loi pose les conditions de répartition des sièges en fonction du système de sections départementales de la circonscription régionale.

On comprend l'une des préoccupations des auteurs du projet de loi.

Il s'agit de concilier clairement le rôle institutionnel nouveau, et passablement renforcé, que l'on compte faire jouer aux régions avec le minimum d'attache des élus au conseil régional avec les territoires couvrant cette région.

Si l'on y regarde en effet précisément, le risque existe de voir s'effacer l'identité départementale, d'ailleurs en elle-même issue, pour une grande part, de la tradition historique française, au profit d'une identité régionale, qui n'est d'ailleurs pas sans poser d'autres problèmes de cohérence, d'autant que ce que l'on nous « concocte » pour le scrutin européen est, en soi, une remise en cause du fait régional.

On ne peut en fait analyser valablement l'article 3 sans garder à l'esprit ce qui guide profondément la démarche du projet de loi dans sa globalité.

Cette démarche peut se résumer rapidement : il s'agit de confisquer la représentation du corps électoral de chaque région au profit d'une ou de deux grandes forces politiques, pour mieux poursuivre ensuite les politiques confiées à l'exécutif régional dans le périmètre élargi des transferts de compétences inscrits dans les lois de décentralisation à venir, une fois adoptée la loi sur l'organisation décentralisée de la République.

Dans les faits, la mise en place de sections départementales, favorisant une forme de rapprochement des élus régionaux avec le terrain, est en réalité un phénomène presque secondaire.

Il serait même quasi inutile d'en débattre s'il ne devait être appréhendé en parfaite adéquation systémique avec les autres attendus politiques du projet de loi que je viens de rappeler.

A quoi va conduire l'article 3 ?

On peut prédire que seront présentes dans chaque second tour d'élection régionale les listes présentées par l'UMP et les listes présentées par la principale formation de gauche, le parti socialiste.

Dans certains cas, une troisième liste, issue par exemple de l'extrême droite, pourrait parvenir à se maintenir au second tour, par exemple dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

On notera cependant que, dans nombre de régions, la répartition des sièges se fera entre ces quelques listes, ayant ou non fusionné entre les deux tours avec d'autres forces politiques.

Nous avons déjà souligné que cette perspective risquait fortement de restreindre la qualité de la représentation des courants d'opinion au sein des assemblées régionales.

Sur le fond d'ailleurs, l'adoption d'un article comme l'article 3 signifie concrètement que l'on a choisi de se compliquer l'existence et de rendre moins lisible pour l'électorat la réalité des effets du choix qu'il aura exprimé.

En effet, certaines forces politiques seront purement et simplement exclues du champ de la répartition des sièges entre les sections départementales, et il y a fort à penser que nous nous trouverons souvent confrontés au problème de la surreprésentation de tel ou tel département au détriment des autres.

La section départementale apparaît donc comme une fiction juridique, d'autant que ce n'est pas le score obtenu par telle ou telle liste dans le département qui comptera, mais la moyenne régionale.

On se retrouvera dans des situations où certaines listes qui auraient pu continuer à obtenir une représentation parce qu'elles atteignaient, dans tel ou tel département, le nombre de voix suffisant pour se maintenir ou fusionner avant le second tour en seront finalement privées du fait de la prise en compte du score régional et non du score départemental.

Cela signifie, par exemple, qu'une liste ayant obtenu 20 % des votes exprimés dans un département pourra se retrouver hors champ parce que le résultat régional la situe au-dessous du seuil des 10 % d'électeurs inscrits requis par la loi.

Tels seraient, mes chers collègues, les résultats de l'application concrète de l'article 3. C'est pourquoi nous vous recommandons sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour défendre l'amendement n° 242.

M. Serge Lagauche. Nous nous sommes largement exprimés les uns et les autres au cours de la discussion générale sur les inconvénients de la « redépartementalisation » des élections régionales.

L'article 3 traite de la répartition des sièges de conseiller régional entre les sections déparmentales pour chaque liste de candidats.

Si le nombre de conseillers régionaux est fixé par le tableau n° 7, le nombre de conseillers régionaux par département est aléatoire : il varie en fonction de la démographie et du taux de participation.

Ainsi, un département plus peuplé que ses voisins ou qui a un taux de participation supérieur aura plus de conseillers régionaux que les autres départements.

Je me demande d'ailleurs si, dans une région composée de départements entre lesquels il y a de très grandes disparités démographiques, le moins peuplé de ces départements ne risque pas de se retrouver avec un nombre de sièges inférieur au nombre actuel !

M. Bernard Frimat. Certes !

M. Serge Lagauche. Le taux d'abstention devient un facteur déterminant du nombre de sièges pourvus dans le département.

M. Hilaire Flandre. Et sinon, cela aurait été comment ?

M. Serge Lagauche. Je ne vous ai pas bien entendu, monsieur Flandre.

Mme Hélène Luc. Allez-y, prenez la parole, monsieur Flandre !

M. le président. M. Flandre n'ayant pas demandé l'autorisation de vous interrompre, je vous demande de bien vouloir poursuivre, monsieur Lagauche !

M. Bernard Frimat. La gauche s'exprime !

M. Serge Lagauche. La loi de 1999, avec la liste régionale, ne présente pas ces inconvénients. En effet les partis politiques sont suffisamment responsables - nous n'en doutons pas - pour constituer des listes comprenant des candidats harmonieusement répartis entre tous les départements, d'autant qu'ils sont organisés en fédération départementale.

Vous semblez sceptique, monsieur le ministre. N'auriez-vous pas tout à fait confiance dans votre organisation politique ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je me méfie du régime des partis, car je suis un vieux gaulliste !

Mme Nicole Borvo. Oh !

M. Serge Lagauche. Je vois...

Avec le système hybride qui nous est proposé, il est plus difficile d'avoir une projection claire et concrète de son vote, puisque l'électeur ne sait pas à l'avance combien de sièges sont à pourvoir dans son département.

En outre, la complexité et l'absence de transparence des règles sont un encouragement à l'abstention, qui sera encore accrue par le relèvement du seuil de qualification au second tour dont nous reparlerons à l'article 4.

Ces règles manquent de sincérité, ce qui est grave puisqu'il s'agit du moyen par lequel s'expriment les suffrages.

Pour toutes ces raisons - et sans même parler des conséquences sur le collège électoral sénatorial -...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et comment !

M. Serge Lagauche. ... nous demandons la suppression de l'article 3.

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 338-1 du code électoral. »

La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Vous l'aurez compris, mes collègues du groupe CRC et moi-même rejetons catégoriquement la notion de sections départementales et son application.

En effet, les sections départementales constituent, ni plus ni moins, un danger pour la démocratie, au détriment de la représentation de certains départements.

Alors que le Premier ministre fait de l'aménagement du territoire son cheval de bataille - aménagement considéré comme un atout et une chance pour les petits départements peu ou moyennement peuplés -, ce projet de loi aura pour conséquence la sous-représentation de ces petits départements au profit de départements hégémoniques.

Nous ne pouvons accepter cela. Les citoyens doivent être également représentés sur tout le territoire français : ils ne doivent pas être défavorisés et sous-représentés parce qu'ils vivent dans un département plutôt que dans un autre.

A cela s'ajoute la complexité de la répartition des sièges au sein des conseils régionaux en fonction des résultats de chaque section départementale. Je ne donnerai qu'un exemple : vous modifiez le tableau n° 7 annexé au code électoral mais - car il y a un mais - vous remplacez le nombre de conseillers régionaux à désigner pour faire partie du collège électoral sénatorial par le nombre de candidats par section départementale.

Autrement dit, les électeurs vont se présenter aux urnes en connaissant le nombre de candidats entre lesquels ils auront à choisir, mais sans connaître le nombre de sièges à pourvoir au sein de leur conseil régional.

M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est déjà le cas !

Mme Hélène Luc. Croyez-vous vraiment susciter chez nos concitoyens l'envie de se rendre aux urnes avec un système électoral aussi alambiqué ? Cela n'aura, nous le pensons très sincèrement, aucun effet sur l'abstention - bien au contraire - et peut-être aucun effet sur le score du Front national.

Combien de régions détiendra l'UMP l'année prochaine ?

Ce qui est désolant, c'est que cette réforme des modes de scrutin n'apporte certainement pas de réponse aux inquiétudes des Français face à la multiplication des plans sociaux, au chômage qui ne cesse d'augmenter, aux accidents industriels et à l'éventualité d'un conflit en Irak. Les citoyens sont préoccupés par leurs difficultés quotidiennes ; vous leur répondez, par des bricolages électoraux. Le présent projet de loi en est l'illustration. Il ne reste donc plus à l'Etat qu'à mettre en oeuvre ces bricolages !

C'est ce que vous vous préparez à faire avec cette réforme des modes de scrutin. Les sections départementales sont présentées comme le moyen d'assurer une représentation équitable de chaque département, mais aussi de rapprocher l'élu de l'électeur. Mais comment parler d'une représentation équitable de chaque département quand la sous-répartition que vous organisez n'est même pas liée dans la loi aux évolutions démographiques constatées dans le dernier recensement ?

L'esprit de la loi de 1999 est pourtant clair : les conseillers régionaux sont les représentants des habitants de la région et non pas des départements.

M. Hilaire Flandre. Ah !

Mme Hélène Luc. Pour conclure, nous considérons que toute loi électorale doit avoir au moins deux qualités, la première étant d'envoyer la représentation la plus fidèle possible de la volonté du peuple français dans toutes les assemblées - et la proportionnelle est évidemment à cet égard le meilleur instrument -, et la seconde étant d'être compréhensible par tous les citoyens, pour qu'ils puissent, en toute connaissance de cause, faire leur choix politique.

C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter cet amendement, qui vise à supprimer les sections départementales du mode de scrutin régional.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 53 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 244 rectifié est présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme Michèle André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, Charles Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans la troisième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 338-1 du code électoral, remplacer le mot : "plus" par le mot : "moins". »

La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 53.

Mme Hélène Luc. Cet amendement a pour objet de revenir au dispositif instauré par la loi du 19 janvier 1999, afin que la règle du bénéfice de l'âge joue enfin au profit des candidats les moins âgés en cas d'égalité des suffrages.

Le projet de loi tel qu'il a été « adopté » par l'Assemblée nationale tend à faire marche arrière - alors que le projet de loi initial maintenait la règle instituée par la loi de 1999 - et restaure le bénéfice de l'âge au profit des candidats les plus âgés.

Nous vous proposons de faire le contraire, à seule fin de refléter la diversité de la population française et, donc, les différents courants d'opinion qui traduisent cette diversité, notamment pour représenter les plus jeunes, par exemple ceux qui ont défilé dans les rues de Paris et de la France entière le 28 avril dernier.

La politique n'est plus une question d'âge ; la maturité ne dépend plus seulement de l'ancienneté.

Comme l'a très bien dit notre collègue Bernard Frimat lors de l'examen du texte en commission des lois, le Gouvernement, en rétablissant au travers de ce projet de loi le principe de l'attribution des sièges à la liste dont la moyenne d'âge est la plus élevée et au candidat le plus âgé, fait le choix de la tradition contre la modernité.

D'ailleurs, la modernité se traduit par des chiffres et je vais être obligée de faire référence au recensement de 1999. Nous apprenons que plus de la moitié de la population française a moins de quarante ans, autrement dit 30 849 180 personnes, contre 27 671 508 personnes qui ont plus de quarante ans, sur un total de 58 520 688 Français.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Madame Luc, me permettez-vous de vous interrompre ?

Mme Hélène Luc. Je vous en prie, monsieur le ministre délégué.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans votre partage en deux moitiés de la population, vous comptez les enfants en bas âge, vous comptez tous ceux qui ne sont pas électeurs et qui ne prennent donc pas une part importante à la vie politique.

Mme Hélène Luc. Je n'ai pas parlé d'électeurs !

Mme Nicole Borvo. Inutile de nous interrompre pour dire cela, monsieur le ministre !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous retenez toute la population des moins de quarante ans. Or, une part importante de cette population n'a même pas le droit de vote. Il y a des enfants en bas âge...

Mme Nicole Borvo. On avait compris la première fois, monsieur le ministre !

M. le président. Veuillez poursuivre, madame Luc.

Mme Hélène Luc. Que vous le vouliez ou non, monsieur le ministre, cela donne quand même une idée du nombre de personnes qui n'ont pas quarante ans et qui ne sont pas assez représentées dans nos assemblées.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il faut représenter les bébés de deux ans ! Vivement le scrutin familial !

Mme Hélène Luc. Il faut absolument saisir la moindre chance d'améliorer la représentation des plus jeunes.

M. Jean Chérioux. Vous êtes pour le scrutin familial ?

Mme Hélène Luc. Point n'est besoin d'en rajouter pour vous convaincre. Je sais que je n'y parviendrai pas.

M. René Garrec, président de la commission des lois. En effet !

Mme Hélène Luc. Ce que vous venez de dire le prouve, le monde politique est à l'opposé de la tendance démographique. Inutile donc de tenter de vous convaincre de continuer le processus de rajeunissement de la vie politique, engagé avec la loi du 19 janvier 1999, qui modifiait la règle du bénéfice de l'âge.

Pendant combien de temps encore allez-vous écarter non seulement les femmes, mais aussi les jeunes...

M. René Garrec, président de la commission des lois. Et les bébés !

Mme Hélène Luc. ... de la vie politique de notre République, alors que, vous l'avez vu le 28 avril, les jeunes sont si désireux de participer aux décisions ?

Permettrez-vous encore longtemps qu'ils ne soient pas présents et représentés dans nos institutions ? C'est d'ailleurs pour cette raison que le groupe communiste républicain et citoyen propose l'abaissement de l'âge d'éligibilité des sénateurs et de le porter de trente-cinq ans...

Un sénateur de l'UMP. A six mois !

Mme Hélène Luc. ... à vingt-trois ans. La majorité sénatoriale s'y refuse, comme elle se refuse à diminuer la longueur de son mandat.

Voilà pourquoi nous proposons cet amendement qui tend à rajeunir notre vie politique - il n'y suffira pas, c'est évident - et que nous vous demandons d'adopter.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je voudrais que l'on relativise ces amendements successifs qui visent à donner le siège au plus jeune, en cas d'égalité de suffrages, plutôt qu'au plus ancien.

Madame Luc, savez-vous dans combien de cas la règle du plus ancien a joué depuis 1958 ? Dans zéro cas !

Mme Hélène Luc. C'est pour le principe !

Mme Nicole Borvo. Un symbole !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Vous nous dites que cela va rajeunir la vie politique et les conseils régionaux, mais, soyons sérieux, ce que vous nous proposez relève purement et simplement du gadget ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo. Vous nous avez bien proposé la constitution chinoise !

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 244 rectifié.

M. Bernard Frimat. Après l'exposé fort complet, agrémenté de citations judicieuses, de Mme Luc, j'allais vous proposer de passer à la suite, mais l'intervention de M. le rapporteur m'incite à développer un court instant, car il vient de nous fournir le meilleur argument.

M. Hilaire Flandre. Cela ne coûte rien ! Allez-y !

M. Bernard Frimat. Je peux continuer, monsieur Flandre ?...

M. Gélard a en effet demandé à Mme Luc si elle savait combien de fois la règle du plus âgé avait servi. Et, sans simulation - nous n'en possédons toujours pas -, il répond : dans zéro cas. Très bien ! C'était donc tellement grave qu'il fallait modifier la loi ! C'était donc tellement important que le Gouvernement - je vous ai dit que nous pouvions parfois le rejoindre -, dans sa grande sagesse, avait conservé dans le projet initial les dispositions de la loi de 1999 sur ce point.

Comme cela ne servait à rien, nous pouvions faire dans le symbole...

M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est un gadget !

M. Bernard Frimat. On avait le choix entre un jeune gadget et un vieux gadget, on a pris un jeune gadget ! (Sourires.) On avait fait dans le symbole. Puis, et je ne sais pas si c'est l'émotion causée par les quelques amendements déposés à l'Assemblée nationale qui a provoqué ce retrait, on est revenu en arrière.

Or, vous aviez déjà saisi le Conseil constitutionnel de la loi de 1999 sur ce point. S'agissant des conséquences tirées de l'âge des candidats, le Conseil constitutionnel avait clairement répondu, tant pour le scrutin des élections régionales que pour l'élection de l'Assemblée de Corse auxquels la loi avait appliqué cette règle. En effet, le Conseil constitutionnel, avec beaucoup de sagesse, avait alors précisé : « Considérant que, en tout état de cause, la règle invoquée ne revêt pas une importance telle qu'elle puisse être regardée comme figurant au nombre des "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République" mentionnés par le premier alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ; que, par suite, le grief doit être rejeté ; ». Je vous accorde bien volontiers que, à partir de ce considérant, on peut plus ou moins défendre mon amendement s'agissant du plus âgé ou du moins âgé. Mais pourquoi était-il nécessaire de changer, alors que, pour une fois, en restant dans votre élément, vous pouviez adopter une position conservatrice qui serait allée dans le bon sens ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais ce n'est pas conservateur !

M. le président. L'amendement n° 243, présenté par Mmes Michèle André, Blandin, Pourtaud et Printz, MM. Frimat, Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet, Sueur, Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, Charles Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 338-1 du code électoral : "En cas d'égalité des suffrages, le siège est attribué au candidat de sexe féminin". »

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je présente cet amendement à la place de ma collègue Mme Michèle André qui est retenue par un stage en juridiction. Il s'agit, en cas d'égalité des suffrages, d'attribuer le siège au candidat du sexe féminin.

Il est bon de rappeler qu'il a fallu attendre l'ordonnance du 24 mars 1944 pour que les femmes soient enfin considérées comme citoyennes ou, pour le moins, électrices.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Grâce au général de Gaulle !

M. Jean Chérioux. Et oui !

M. Jean-Pierre Godefroy. Nul ne le conteste, monsieur le ministre.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'était dans le programme du Conseil national de la résistance.

M. Jean-Pierre Godefroy. Absolument !

Cet amendement respecterait parfaitement l'état actuel de la démographie en France : depuis de nombreuses années, la population féminine est majoritaire dans notre pays.

M. Hilaire Flandre. Et s'il n'y pas de femmes candidates ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Adopter cet amendement nous semblerait équitable et permettrait de respecter cette réalité.

Cet amendement permettrait de réparer le préjudice subi par les femmes lors des dernières élections nationales et locales. Elles sont sous-représentées, malgré les obligations imposées par la loi sur la parité. A l'issue de ces scrutins, combien de femmes ont été élues maire d'une ville de plus de 50 000 habitants ? Combien de femmes sont parlementaires ?

Vous me permettrez d'ajouter à l'argumentaire de ma collègue Mme Michèle André que, concernant les élections sénatoriales, on a pu voir, dans certains départements, à la suite de l'obligation de parité, surgir des listes concurrentielles émanant de la même famille politique pour que les femmes élues ne le soient plus.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils le savent bien !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous ne sommes pas meilleurs que vous !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On en a fait élire !

M. Jean-Pierre Godefroy. J'ai l'impression que votre dialogue vous passionne plus que mon intervention,...

M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est sûr !

Mme Nicole Borvo. Ils se lamentent sur la parité !

M. Jean-Pierre Godefroy. ... mais, peu importe, je continue.

Combien de femmes président une structure intercommunale ? Combien président une communauté urbaine ?

Cet amendement conforterait la loi sur la parité et le projet de loi que vous nous proposez, monsieur le ministre, s'agissant de l'un de ses rares aspects positifs.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 245, présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après les mots : "En cas d'égalité de suffrages," rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer l'article L. 338-1 dans le code électoral : "le siège est attribué, parmi les candidats susceptibles d'être proclamés élus, à celui qui a été tiré au sort". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, nous aimerions connaître enfin les simulations que vous nous dissimulez. Nous aimerions savoir aussi comment est déterminé le ministre qui assiste aux débats du Sénat. Y a-t-il un tirage au sort ? (Sourires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, c'est le plus jeune !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il nous intéresserait de le savoir car c'est une méthode fréquemment employée. Pour ma part, j'avais presque envie de tirer à pile ou face pour savoir si j'exposais cet amendement, si je le retirais ou si je vous demandais de le tenir pour défendu.

Quand il y a plus de deux hypothèses, cela complique bien sûr le tirage au sort. Mais on peut arriver à ses fins en effectuant plusieurs tirages au sort.

M. Jean Chérioux. Il faut tirer à la courte paille.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Finalement, ici, je n'ai pas fait de tirage au sort. A plusieurs reprises, j'ai expliqué que, au lieu de débattre pour déterminer s'il convient d'attribuer le siège au plus âgé ou au plus jeune, il serait plus intelligent de tirer au sort entre eux. Tous les candidats seraient ainsi à égalité. Je ne crois pas que siègent ce soir parmi nous des collègues qui n'étaient pas présents cet après-midi.

M. Jean Chérioux. Il faut faire attention à la tricherie !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai exposé cette disposition un nombre de fois suffisant...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Oh oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... pour renoncer, à mon grand regret, à vous convaincre. Je m'en tiendrai donc là.

M. le président. J'ai cru un instant que vous alliez retirer cet amendement, monsieur Dreyfus-Schmidt, mais j'ai dû mal interpréter vos propos.

L'amendement n° 54, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 338-1 du code électoral, après les mots : "est attribué", insérer les mots : "à la candidate, et à défaut". »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Les champs de réflexion et d'action de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes sont multiples.

La parité en politique est, de par les débats qu'elle a suscités dans le contexte de révision constitutionnelle puis de modification de la loi électorale, certainement le plus emblématique des changements que l'Observatoire veut impulser. Mais il importe également, au yeux de cette instance, que l'égalité entre les femmes et les hommes ne reste pas un voeu pieux dans les champs économique, professionnel et social, voire privé.

Aussi, le texte qui nous est soumis doit-il traduire la diversité et l'étendue des enjeux de la parité. En 1999, la révision des articles 3 et 4 de la Constitution tendait « à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » et à prévoir que « les partis ou groupements politiques contribuent à la mise en oeuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi ». Il y a en la loi du 6 juin 2000, relative à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. De même, une recommandation du Conseil de l'Union européenne, en date du 2 décembre 1996, dispose : « une participation équilibrée des femmes et des hommes aux processus de décision est susceptible d'engendrer des idées, des valeurs et des comportements différents, allant dans le sens d'un monde plus juste et plus équilibré, tant pour les femmes que pour les hommes ».

Féminisation et rajeunissement de notre univers politique pour plus de justice, d'équilibre et de diversité, tel devrait être notre mot d'ordre.

C'est pourquoi nous proposons le présent amendement. En féminisant les candidatures, il encourage activement et dans les faits une parité réelle. Nous espérons qu'il ne sera plus question de ce principe évident d'égalité dans un avenir aussi proche que possible.

Pour chaque formation politique, quel est le poids de la participation des femmes parmi l'ensemble de ses élus ? Regardons notre hémicycle pour avoir déjà une opinion.

En exerçant des mandats et en entrant en politique, les femmes pensent peut-être plus à la moralisation des pratiques politiques et à l'assainissement du champ de leur exercice qu'à une prise de pouvoir à travers un parti politique. Elles sont aussi plus vigilantes pour ce qui concerne la jeunesse et l'avenir.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne faut tout de même pas idéaliser ! Il ne faut pas exagérer !

M. Robert Bret. La féminisation volontaire des titres que nous proposons par cet amendement vise précisément à respecter la loi sur la parité. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de le voter, mes chers collègues. Il s'agit peut-être, là encore, d'une mesure symbolique, monsieur le rapporteur, mais il me paraît important de féminiser aussi les titres.

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 338-1 du code électoral, après le mot : "candidats", insérer les mots : "ou candidates". »

La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Cet amendement pourrait être voté par l'ensemble de notre assemblée. Comme il est très court, vous allez être contents. De plus, cela va faire avancer les travaux.

De nos jours, le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives reconnu par la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, sur laquelle j'ai eu l'honneur d'intervenir à Versailles, et mis en oeuvre par la loi du 6 juin 2000 a incontestablement permis des avancées significatives de la parité lors des dernières élections municipales et dans deux groupes sénatoriaux, puisqu'il y en a un pour lequel on a refusé que les femmes siègent.

Madame Olin, vous qui présidiez la commission relative à l'Observatoire de la parité, pour lequel nous avons travaillé ensemble,...

Mme Nelly Olin. Je crois savoir que les interpellations de collègue à collègue ne sont pas possibles.

Mme Hélène Luc. ... vous devriez, comme les membres de notre groupe, voter cet amendement. Il a simplement pour objet, après le mot « candidats », d'ajouter les mots « ou candidates ».

Mme Nelly Olin. Faudrait-il encore dire « la gardienne des sceaux », au lieu de « la garde des sceaux » ?

Mme Nicole Borvo. Mme Olin souhaite s'exprimer !

Mme Hélène Luc. Il s'agit d'un amendement très simple et très clair. Je pense qu'il sera adopté.

M. le président. L'amendement n° 56, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 338-1 du code électoral. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Il s'agit d'un simple amendement de repli par rapport à l'amendement n° 51 visant à supprimer l'article 3. Je me suis déjà exprimé sur ce point.

M. le président. L'amendement n° 57, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 338-1 du code électoral, après le mot : "candidats", insérer les mots : "ou candidates". »

La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Comme le dit si bien Françoise Héritier : « Nous ne vivons pas la guerre des sexes, mais le fait que les deux sexes... » (Mme Luc est prise d'un fou rire.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous n'y croyez pas vous-même !

M. Jean Chérioux. Ce n'est plus la lutte des classes, c'est la lutte des sexes !

M. Hilaire Flandre. Il y a aussi le troisième sexe !

Mme Nicole Borvo. Après la parité, le sexe ! Allez-y !

M. le président. Madame Luc, veuillez poursuivre. (Mme Luc ne peut reprendre son intervention.)

M. Robert Bret. Mme Luc va se ressaisir !

M. Roger Karoutchi. L'amendement est défendu !

M. le président. Madame Luc, nous vous attendons !

Mme Hélène Luc. Maintenant, cela va aller. « Nous ne vivons pas la guerre des sexes, mais le fait que... » (Mme Luc est de nouveau prise d'un fou rire.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Peut-être conviendrait-il de suspendre la séance pendant quelques instants ?

M. le président. Madame Luc, dites-moi ce que je dois faire.

Mme Hélène Luc. Excusez-moi ... mais le fait que les deux sexes sont victimes d'un système de représentations de plusieurs millénaires... (Le fou rire de Mme Luc reprend.)

M. René Garrec, président de la commission des lois. Cet amendement est défendu !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui, il est défendu !

Mme Hélène Luc. Non ! C'est un point essentiel !

« Il est donc important que les deux sexes travaillent ensemble (Rires) à changer ce système. Il nous faut expliquer, faire comprendre, convaincre, enseigner, mettre en pratique pour obtenir une révolution copernicienne du système. » (Applaudissements.)

M. Roger Karoutchi. Bravo !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous avez fait fort !

M. Hilaire Flandre. Madame Luc, votre assistante a bien travaillé !

Mme Hélène Luc. N'oubliez pas que je cite Françoise Héritier !

La volonté d'une représentation paritaire en matière électorale doit s'accompagner d'une volonté équivalente dans la formulation de nos textes, à plus forte raison quand il s'agit du code électoral, qui instaure la parité dans les assemblées élues.

Nous constatons que les textes du code électoral sont toujours fortement masculinisés. Bien sûr, me direz-vous, l'Académie française considère le masculin, grammaticalement, non pas comme un genre sexué, mais comme un genre non marqué. Claude Lévi-Strauss évoque très bien cette question.

Mais si nous vous proposons, saisissant l'occasion que nous donne la réforme de la loi électorale, d'introduire des éléments de féminisation dans nos textes, c'est bien parce que nous voulons que la volonté d'une pratique paritaire soit soulignée : il s'agit de montrer, par un signal fort, la voie à suivre, l'exemple à donner.

La féminisation de la langue du code électoral serait le complément logique d'une véritable volonté de faire avancer l'idée de la parité dans la conscience collective. Elle serait un signal fort adressé à tous ceux qui parlent de la parité sans jamais la mettre en pratique, ou du moins pas assez.

Mme Nicole Borvo. Et ils sont nombreux !

Mme Hélène Luc. Ils sont nombreux, en effet.

La symbolique que comporterait le code électoral offrirait une formidable référence pour toutes les femmes qui voudraient s'en saisir et continuer à oeuvrer pour la faire progresser. (Rires. - Mme Nicole Borvo s'exclame.)

Bien sûr, il ne s'agit pas de féminiser n'importe comment.

M. Roger Karoutchi. Ah non !

Mme Hélène Luc. Comme l'Académie nous le suggère, le mode féminin exige une certaine rigueur grammaticale : le mot masculin « sénateur » devient au féminin « sénatrice », et la connaissance de notre belle langue française pourrait nous permettre de nommer au féminin certains oiseaux, par exemple.

Il faut faire passer la parité dans les faits et nous devons avant tout suivre la rigueur qu'impose le sens que nous voulons donner à cette féminisation ostensible : la rigueur des droits de la femme comme de l'homme, de l'être humain, enfin.

Car la belle langue peut rendre justice aux femmes en intervenant dans la routine d'un langage abandonné aux préjugés et à l'ignorance, comme dans la plupart des comportements qu'il recouvre.

Pour toutes ces raisons, nous proposons un amendement qui tend à ajouter les mots : « ou candidates » après le mot : « candidats » chaque fois que c'est possible. (Bravo ! et applaudissements.)

M. le président. L'amendement n° 58, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 338-1 du code électoral. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Roger Karoutchi. C'est le même, à l'envers !

M. Robert Bret. Cet amendement porte sur la mise en oeuvre de la répartition des sièges selon les règles définies par le découpage des circonscriptions régionales en sections départementales. Un tel découpage pose évidemment problème quand il doit s'appliquer dans des régions constituées d'un seul département. Le dernier alinéa du texte de l'article 3 porte sur la situation des régions monodépartementales, c'est-à-dire les quatre régions d'outre-mer. On peut presque s'interroger sur l'utilité de cet alinéa puisque rien ne changera fondamentalement : la pondération des voix entre les différentes listes se fera sur la base des résultats observés. Tout au plus peut-on constater que cette pondération aura, entre les deux tours, effacé du paysage politique quelques-unes des listes en présence au premier tour. Ainsi, la règle définie à l'article 4 et selon laquelle les deux listes parvenues en tête du nombre des suffrages exprimés peuvent être présentes au second tour trouvera assez largement à s'appliquer.

Dans les faits, de manière sensiblement différente de la représentation actuelle, les quatre régions d'outre-mer risquent fort de se retrouver face à une bipolarisation forcée de leur représentation politique éminemment respectueuse de la diversité des courants d'opinion qui s'y rencontrent. Si on se retrouve, par exemple, dans le cas de figure des élections législatives du printemps 2002 - je rappelle que le taux d'abstention a par endroit dépassé 70 % - on ose imaginer les effets de cette disposition sur la détermination de la composition des assemblées régionales.

Par conséquent, le texte de ce dernier alinéa de l'article 3 nous paraît porteur de dangers à venir pour la légitime représentation des populations dans les régions d'outre-mer. Il peut également contribuer, quoi qu'en disent certains, d'une part, à priver ces assemblées d'une véritable vie démocratique, fût-elle compliquée par la diversité des sensibilités, d'autre part, à mettre en question la réalité de l'application des principes de parité désormais en vigueur pour notre vie politique.

Aussi, contrairement à ce qu'affirme le rapport, le dernier alinéa de l'article 3 ne permet pas de valider la spécificité de la situation des régions d'outre-mer, il ne fait que leur imposer un mode de scrutin globalement aussi peu démocratique que celui que l'on cherche à imposer en métropole, puisqu'il est fondé sur une restriction sensible de l'accès de chaque courant d'opinion à la représentation publique au sein des assemblées élues. Il contraint, ici comme ailleurs, les forces politiques en présence à passer, parfois avant même que les électeurs aient exprimé leur choix, des accords politiques afin de pouvoir accéder à la répartition des sièges de chaque conseil régional.

C'est pourquoi, conformément aux motifs qui nous animent, s'agissant de l'ensemble de ce projet de loi, nous vous invitons à supprimer le dernier alinéa de l'article 3.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Les amendements identiques n°s 51 et 242, qui proposent la suppression de l'article 3, ne sont naturellement pas conformes aux voeux de la commission, qui émet un avis défavorable à leur égard. Il en va de même pour l'amendement n° 52, qui vise à supprimer le premier alinéa de l'article.

Vous dites, mes chers collègues, que le mode de scrutin est complexe en apparence. En fait, comme je l'ai démontré dans mon rapport, il est aisément compréhensible. C'est la raison pour laquelle je demande que ces trois amendements soient repoussés.

En ce qui concerne les amendements identiques n°s 53 et 244 rectifié, qui tendent à maintenir la règle suivant laquelle, en cas d'égalité des suffrages, le siège doit être attribué au moins âgé des candidats, je me suis déjà suffisamment exprimé. Je dirai simplement que la commission émet un avis défavorable.

Quant aux amendements n°s 243 et 54, ils tendent à instituer une discrimination - positive, certes - au profit des femmes en cas d'égalité de suffrages. Or la discrimination est contraire au principe d'égalité. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.

M. Jean Chérioux. La parité, c'est dans les deux sens !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et le tirage au sort !

M. Patrice Gélard, rapporteur. L'amendement n° 245 tend à prévoir qu'en cas d'égalité de suffrage on attribue le siège au candidat tiré au sort. J'ai déjà donné le point de vue de la commission sur cet amendement : elle y est défavorable.

J'en viens à l'amendement n° 55.

Mme Hélène Luc. Celui-là nous pouvons le voter à l'unanimité !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il s'agit de la précision sémantique souhaitée par Mme Luc, qui propose « candidats ou candidates ». Je ne vois pas ce que cela apporterait de plus. La formule « candidats » est un mot pluriel qui englobe tout à la fois les hommes et les femmes. Par conséquent, j'émets également un avis défavorable.

Mme Nicole Borvo. Je m'en doutais.

Mme Hélène Luc. Pourtant, c'est important !

M. Patrice Gélard, rapporteur. L'amendement n° 56 est un amendement de conséquence de l'amendement n° 52. La commission y est donc défavorable.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 57, amendement de conséquence de l'amendement n° 55. La précision apportée par cet amendement est inutile.

Enfin, sur l'amendement n° 58, qui tend à supprimer le dernier alinéa de l'article 3, alinéa tout à fait pertinent pour elle, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je ferai deux séries d'observations.

La première concerne le reproche formulé à l'encontre de la section départementale.

Si j'ai bien compris l'argumentaire qui a été développé, la section départementale risquerait de créer une inégalité de représentation au sein de la région entre les petits départements et les grands départements, en raison du facteur déterminant que serait l'abstention plus ou moins importante.

Cet argument me paraît difficilement recevable dans la mesure où, s'il n'y a pas de section, il n'y a aucune garantie que les petits départements soient représentés. Par conséquent, quelles que soient les craintes que l'on peut avoir sur une éventuelle inégalité, les sections départementales offriront une garantie qui n'existera pas sans elles. M. Lagauche objecte que l'on peut compter sur les partis politiques.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On peut les obliger !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est faire preuve d'un certain angélisme. En effet, toutes les formations politiques, y compris la mienne, auraient eu intérêt à présenter plus de femmes comme... candidates, madame Luc.

Mme Nicole Borvo. Voilà !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pourtant, elles ne l'ont pas fait, entraînées par de mauvaises habitudes. Même si c'était leur intérêt, leur nature les a conduites à faire autrement. Donc de ce point de vue, on n'aura aucune garantie.

Mme Nicole Borvo. C'est sûr !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'irai même plus loin : les partis politiques auront tendance à privilégier les candidatures dans les départements où ils seront fortement implantés, au détriment des autres départements. Si une région reflète une disparité, je ne pense pas que l'on puisse compter sur les partis politiques pour rétablir l'équilibre dans la présentation des candidatures, à moins que la loi ne les y contraigne.

Sur la question tout à fait symbolique du choix du plus jeune ou du plus âgé, l'argument que vous avez employé, monsieur Frimat, était tout à fait juste : cela n'a aucune importance, dès lors, pourquoi fallait-il changer ? Je vous répondrai : maintenant que la modification est opérée, pourquoi revenir sur ce point ?

Si l'on considère simplement la valeur symbolique, je dirai, peut-être à tort, m'adressant à une assemblée dans laquelle la moyenne d'âge est de 62 ans, que toutes les civilisations ont considéré l'âge comme une garantie de sagesse par rapport à la jeunesse.

J'ajouterai, monsieur Frimat, que, malgré les statistiques un peu manipulées de Mme Luc... (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Je retire le mot : « manipulées », madame Luc ; je dirai « non représentatives », puisque vous comptez les enfants en bas âge et peut-être même les étrangers - il faut bien admettre que ce sont les plus âgés qui sont les plus nombreux dans le corps électoral. Compte tenu de l'évolution de la société, grâce aux progrès de la médecine, les personnes vivent aujourd'hui plus longtemps et en meilleur état mental.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Alzheimer ne touche pas les jeunes !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans ce cas, monsieur Dreyfus-Schmidt, l'incapacité peut-être prononcée par le juge et l'incapable ne vote pas.

Par conséquent, la représentation de la part la plus importante de la population, est certainement mieux assurée - nous restons toujours dans le domaine symbolique - par la reconnaissance du bénéfice de l'âge.

M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements n°s 51 et 242.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte de l'article 3 est tellement transparent que, sa lecture, je n'ai pu en déduire que l'on ne connaissait pas le nombre des élus par département ! Il faut lire les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat pour le comprendre.

Il n'est pas inutile, me semble-t-il, de relire cet article. (Non ! sur les travées de l'UMP.)

« Les sièges attribués à chaque liste en application de l'article L. 338 sont répartis entre les sections départementales qui la composent au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département. Cette attribution opérée, les sièges restant à attribuer sont répartis entre les sections départementales selon la règle de la plus forte moyenne. Si plusieurs sections départementales ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la section départementale qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.

« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur chaque section départementale.

« Lorsque la région est composée d'un seul département, les sièges sont attribués dans le ressort de la circonscription régionale selon les mêmes règles. »

M. Hilaire Flandre. C'est clair !

M. Roger Karoutchi. Très clair !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, mais c'est bien plus clair quand vous lisez le rapport. Vous verrez : je vais vous en lire une partie. (Ah, non ! sur les travées de l'UMP.)

« Le premier alinéa du texte proposé dispose que les sièges (...) sont répartis entre les sections départementales qui la composent au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département. (...)

Je poursuis : « A la différence du dispositif retenu par le projet de loi initial pour les élections européennes, le nombre de conseillers régionaux par département n'est pas limité : si toutes les listes obtiennent leur meilleur résultat dans un département, en raison de son poids démographique ou d'un taux de participation bien supérieur, les conseillers régionaux de ce département seront plus nombreux que le nombre de candidats devant figurer sur la section départementale. »

Franchement, on ne s'en rend pas compte, en lisant l'article 3 !

Si, moi, je n'y comprends rien en lisant l'article, je pense qu'un certain nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens ne comprendront pas plus.

Mme Nicole Borvo. Bien sûr !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous demande d'avoir la gentillesse de vous interroger vous-mêmes : comprenez-vous quand vous lisez cet article 3 que cela signifie qu'il y a une prime aux abstentionnistes ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non, à la participation !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est l'inverse !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Est-ce que vous comprenez que le résultat va être différent par département suivant le nombre d'abstentionnistes ? (Protestations sur les travées de l'UMP.) Pardon ! C'est exactement ce qui nous est dit.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vous en ai pas encore assez lu !

M. Hilaire Flandre. Allons !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Le nombre de candidats » - c'est toujours dans le rapport de notre collègue Gélard - « par section départementale figurant au tableau n° 7 annexé au code électoral et repris à l'article 5 du projet de loi n'est, comme son nom l'indique, qu'un nombre de candidats ; ».

M. Patrice Gélard, rapporteur. Eh oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je poursuis la lecture : « il ne peut être interprété comme la traduction du nombre de conseillers régionaux par département ».

M. Patrice Gélard, rapporteur. Bien sûr !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Celui-ci sera obligatoirement » - obligatoirement ! - « amené à varier en fonction de la démographie et du taux de participation. »

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il ne s'agit pas de l'abstention !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela veut bien dire que, moins il y aura de votants...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Plus il y en aura !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si vous voulez, cela revient au même, ne chicanons pas !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. S'il n'y a pas de votants du tout, il n'y a pas d'élus !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bref, une fois qu'on a compris cela, il semble tout à fait inconstitutionnel (Exclamations sur les travées de l'UMP) que le nombre d'abstentionnistes puisse sanctionner la représentation d'un département.

M. Hilaire Flandre. Allons ! Allons !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce n'est pas un scrutin départemental, c'est un scrutin régional !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce sont ceux qui votent qui devraient compter, et non ceux qui ne votent pas. Qui plus est, lorsque l'on sait que cette disposition peut avoir des répercussions sur le collège sénatorial,...

M. Jean Chérioux. Epsilon !

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, veuillez conclure s'il vous plaît !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je termine.

Comme je le disais, cette disposition peut entraîner une variation dans le collège sénatorial...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... dans la mesure où des électeurs n'auront pas voté lors d'élections régionales, précédentes. C'est à mon avis anticonstitutionnel !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En tout cas, si l'on s'en tient à l'article 3, il est totalement illisible, mais nous remercions M. le rapporteur de l'avoir expliqué, sinon nous risquions de le laisser passer sans même faire d'observation.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Je reviendrai simplement sur ce dernier point et j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous répondiez.

Dans le seul exemple mathématique - je ne parle pas de simulations puisqu'elles ne nous sont toujours pas parvenues ! - qui figure à l'annexe 2 des rapports de M. Bignon et de M. Gélard, on note très clairement une variation - et je n'en conteste pas du tout l'exactitude mathématique - du nombre d'électeurs du collège sénatorial, même si elle est marginale par rapport au nombre actuel. Cela signifie que c'est la combinaison du taux d'abstention ou de participation - ce doit être à peu près la même chose dans un sens ou l'autre - avec celui de la démographie qui va jouer sur ce déterminant ultime.

Si nous avions la certitude que le Sénat va vers une accentuation de la représentation proportionnelle, il est bien évident que cela aurait une incidence encore plus bénigne, mais il se pourrait que le désir « proportionnaliste » abandonne un peu nos collègues de l'UMP.

Comment pouvez-vous concilier le fait qu'un collège sénatorial doive être complètement défini par la loi et que, dans le cas précis, un élément même infime échappe à la loi ?

Qu'il faille représenter les départements, notamment les moins peuplés, je n'en disconviens pas.

J'ai retrouvé à ce propos le texte d'une proposition de loi, dont je me permets de vous lire un très court passage.

« L'idée régionale ne peut pas, sous peine de se dénaturer, risquer de conduire à l'exclusion de territoires peu peuplés dont les habitants subiraient la loi du nombre au mépris de la solidarité régionale. C'est pourquoi les candidats mentionneront sur la liste leur appartenance à tel ou tel département. Il sera donc difficile à une liste de candidats de ne représenter qu'une partie des citoyens régionaux, en excluant tel ou tel département. Chaque liste devra manifester ses préoccupations et des projets véritablement régionaux.

« Cette mention facilitera ainsi la désignation des électeurs sénatoriaux. Les conseillers généraux appelés à élire les sénateurs d'un département seront ceux qui auront mentionné leur rattachement à ce département lors de leur candidature au conseil régional. »

Ce texte est issu d'une proposition de loi qui a été déposée sur le bureau du président de l'Assemblée nationale le 11 janvier 1996. Elle était signée par des parlementaires honorables, parmi lesquels l'actuel président de la commission des lois du Sénat, M. René Garrec.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. Cette explication de vote vaudra pour l'ensemble de l'article 3.

Les démonstrations appuyées sur la base de quelques éléments concrets valent toujours mieux que la pure spéculation intellectuelle. Aussi, je prendrai l'exemple de la région que je connais le mieux, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

La configuration politique en cours dans cette région en 1998 est relativement connue : trois courants politiques sont en situation de pouvoir participer à la distribution des 123 sièges au conseil régional.

Il importe de souligner que la région comporte trois départements relativement importants et urbanisés, singulièrement dans les zones côtières : les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes, ce qui n'empêche pas ces trois départements d'avoir une grande partie de leur territoire relativement dépeuplée et rurale.

Le département de Vaucluse ayant des caractéristiques légèrement différentes, on doit aussi observer que la région compte deux départements de montagne, d'ailleurs éligibles à la dotation de fonctionnement minimale en termes de dotation globale de fonctionnement, relativement sous-peuplés et dont les agglomérations les plus importantes ne comptent qu'environ 30 000 habitants.

En 1998, parmi les 2 939 819 électeurs de la région 1 630 911 avaient exprimé un choix en faveur de l'une des listes en présence.

Trois grandes forces politiques s'étaient dégagées du scrutin.

La gauche plurielle avait rassemblé sur ses listes les votes de 497 517 électeurs, soit environ 31 % des suffrages.

Les listes du Front national avaient recueilli 432 514 suffrages, soit environ 27 % des votes.

Enfin, les listes de la droite parlementaire avaient obtenu 423 621 voix, soit environ 26 % des suffrages.

Dans l'absolu et sans tenir compte de l'éventuelle porosité entre les électorats au second tour ni des transferts susceptibles de se produire, ces résultats auraient conduit, sous les auspices du texte que nous examinons, à une répartition des mandats ainsi effectuée.

La gauche plurielle aurait obtenu soixante-cinq sièges au conseil régional, tandis que chacune des deux autres forces aurait décroché vingt-neuf sièges.

Regardons maintenant, compte tenu des résultats constatés dans chacun des départements de la région, ce que cela aurait donné en termes de répartition des sièges par force politique.

Pour ce qui concerne la gauche plurielle, elle obtiendrait trois sièges et deux sièges dans chacun des deux départements alpins, treize dans les Alpes-Maritimes, vingt-cinq dans les Bouches-du-Rhône, treize dans le Var et neuf dans le Vaucluse.

Pour ce qui concerne la droite parlementaire, elle aurait obtenu un siège dans chacun des deux départements alpins, huit dans les Alpes-Maritimes, dix dans les Bouches-du-Rhône, six dans le Var et trois dans le Vaucluse.

Pour le Front national, sept sièges seraient obtenus dans les Alpes-Maritimes, douze dans les Bouches-du-Rhône, sept dans le Var et trois dans le Vaucluse.

Sur les six départements, il n'y en a qu'un seul qui se retrouve avec un nombre d'élus équivalent au nombre des élus sortants : les Alpes-Maritimes.

Trois départements, ceux des Alpes de Haute-Provence des Hautes-Alpes et des Bouches-du-Rhône perdraient une partie de leur représentation. Un siège de moins que les sortants pour les deux premiers et deux sièges de moins pour le troisième.

Enfin, par surprise, les électeurs varois se retrouveraient avec vingt-six élus au lieu de vingt-trois et ceux du Vaucluse avec quinze élus au lieu de quatorze.

Voilà démontré ce que donnerait le système de répartition des sièges par sections départementales que nous propose cet article 3. La représentation même des départements serait faussée.

Dans ces conditions, vous comprendrez aisément, mes chers collègues, que nous nous invitions à rejeter cet article.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 51 et 242.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

113315297149107190 Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 53 et 244 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 243.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 245.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous le retirons, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 245 est retiré.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 54.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous voterons l'amendemnet n° 54 mais je voudrais d'ores et déjà suggérer à nos amis du groupe CRC de rectifier leur amendement n° 55.

Bien sûr, il est tout fait normal de faire état des candidates, car il est trop facile de dire que le mot « candidats » n'a pas de genre.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais c'est la langue française !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas de raison, justement, qu'il y ait encore dans la langue française des noms masculins qui, prétendument, n'ont pas de genre.

Pour autant, favoriser la parité n'implique pas qu'il ne faille pas rester courtois. Dès lors, il me semble préférable d'écrire « candidates ou candidats ». (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Pourquoi, en effet, faire passer les femmes après ? La parité, encore une fois, n'empêche pas la courtoisie de la part du sexe masculin.

M. Roger Karoutchi. Cette courtoisie est d'ailleurs parfaitement illustrée par l'amendement n° 54.

M. le président. Monsieur Bret, acceptez-vous la suggestion de M. Dreyfus-Schmidt ?

M. Robert Bret. Oui, monsieur le président : nous modifions l'amendement n° 55 dans le sens qu'il a indiqué.

M. le président. Il s'agira donc de l'amendement n° 55 rectifié.

Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 55 rectifié n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 57 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)