Mercredi 4 octobre 2006

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Entreprises - Sports - Développement de la participation et de l'actionnariat salarié - Audition de M. Jean-Michel Aulas, président de l'Olympique lyonnais

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Michel Aulas, président de l'Olympique lyonnais sur le projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et la lettre rectificative à ce projet de loi.

M. Jacques Valade, président, a salué le succès professionnel enregistré par l'intervenant, qui est à la fois président de l'Olympique lyonnais et chef d'entreprise.

M. Jean-Michel Aulas a indiqué que cette double casquette lui conférait une expérience utile, dans la mesure où les besoins actuels des clubs sportifs sont d'ordre essentiellement économique.

Il a rappelé que la France étant le seul pays européen à interdire aux sociétés anonymes à objet sportif (SAOS) la possibilité d'accéder aux marchés financiers, la Commission européenne lui avait demandé d'autoriser désormais l'introduction en Bourse de telles sociétés.

Citant l'exemple de l'Olympique lyonnais, il a estimé que compte tenu des importants besoins d'investissement des grands clubs de football, ces derniers pouvaient être considérés comme des entreprises. Il a précisé que ces investissements concernaient tant les infrastructures (stades notamment) que les circuits de distribution (produits de la marque développée par le club) et des centres de formation. Il a relevé que la possibilité de faire appel à des investisseurs privés permettrait aux clubs concernés d'être moins dépendants des subventions publiques, mais aussi d'optimiser l'investissement des collectivités territoriales.

Par ailleurs, M. Jean-Michel Aulas a estimé que la protection de l'actionnaire répondant à un appel public à l'épargne d'une telle société serait assurée, l'Autorité des marchés financiers (AMF) étant garante des dossiers présentés et jouant un rôle de contrôle. Il a relevé qu'outre d'éventuels épargnants individuels, les investisseurs institutionnels se montraient très intéressés par l'accès aux marchés financiers de ce secteur, dont l'ensemble des activités serait ainsi pérennisé. Il a souligné aussi que les sociétés concernées étaient désormais dirigées par des entrepreneurs soucieux de leur stabilité économique. Estimant qu'une dizaine de clubs de football pourraient être concernés, il a jugé cette évolution nécessaire pour qu'ils restent compétitifs.

Un large débat a suivi l'intervention de l'orateur.

Evoquant la comparaison effectuée par ce dernier entre un club et une entreprise « classique », M. Jacques Valade, président, a fait toutefois valoir le caractère non pérenne du « fonds de commerce » d'une SAOS, constitué de l'équipe de joueurs. Il a estimé que l'inévitable volatilité de la valorisation de cette dernière pouvait être préoccupante en cas d'ouverture du capital aux marchés financiers. Par ailleurs, il a demandé si l'introduction en Bourse d'un club ne risquerait pas de modifier sa politique sportive. Il a relevé, enfin, le caractère relativement précaire du statut de salarié du sportif professionnel.

Après avoir rappelé que le projet de loi concernait l'ensemble des sociétés anonymes à objet sportif et non exclusivement les clubs de football, M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis, s'est déclaré préoccupé quant aux garanties à apporter aux actionnaires, surtout aux petits, d'autant plus que le projet de loi n'impose pas aux sociétés d'être propriétaires de leur stade.

Il a demandé, ensuite, si l'introduction en Bourse d'un certain nombre de clubs de football ne risquait pas de créer, à terme, un championnat « à deux vitesses ». Après avoir souhaité des précisions sur le projet de développement de l'Olympique lyonnais, le rapporteur a fait état d'échecs auxquels ont conduit un certain nombre d'expériences à l'étranger et il s'est demandé comment se prémunir contre ce type de dérives.

M. Jean-François Voguet s'est interrogé sur le projet sportif de l'Olympique lyonnais. Il a souhaité également des précisions sur le caractère fermé, ou non, des championnats à l'issue d'une telle évolution. Après avoir rappelé que le sport professionnel et le sport amateur se nourrissaient mutuellement, il s'est demandé si la recherche de rentabilité liée à l'introduction d'un club en bourse ne freinerait pas le développement du sport amateur, dont les difficultés tiennent à des raisons structurelles d'organisation, et non de gestion.

M. Jean-Paul Emin s'est interrogé sur la répartition des actions d'un club entre personnes physiques et investisseurs institutionnels et sur le projet de l'Olympique lyonnais.

Estimant que la construction d'un stade constituait le risque le plus important et le plus visible (sa pérennité n'étant pas nécessairement acquise dans la durée et sa reconversion s'avérant difficile), M. Jean-Claude Carle s'est interrogé sur les moyens de réduire ce risque.

M. Jean-Marc Todeschini a relevé que l'argument du besoin de compétitivité des clubs constituait un « leitmotiv » depuis quelques années. Il a demandé la position de l'intervenant sur les droits de diffusion télévisuelle des matches, ainsi que sur la mise à disposition des joueurs en faveur de l'équipe nationale.

Rappelant qu'un club sportif engage la notoriété et l'image d'une ville, dont il porte d'ailleurs généralement le nom, M. Michel Thiollière s'est interrogé sur les éventuelles conséquences de la stratégie ou des difficultés d'une société cotée sur la municipalité concernée, alors que cette dernière serait exclue tant du financement de l'investissement que de sa gestion.

M. Jean-François Humbert s'est demandé si les clubs membres du « G14 » ne manifesteraient pas la volonté d'organiser un championnat réservé aux meilleurs clubs européens.

M. Pierre Martin a évoqué la situation spécifique d'un joueur international, qui fait temporairement partie d'une équipe nationale, tout en restant attaché à son club et à ses sponsors.

M. Jean-Michel Aulas, président de l'Olympique lyonnais, a apporté les éléments de réponse suivants :

- s'agissant des actionnaires, les risques évoqués se trouvent limités par la mise en oeuvre d'un plan comptable prenant en compte les spécificités du secteur et de « normes quasi internationales » d'évaluation et d'amortissement -voire de dépréciation- des actifs, ceci sous le contrôle des commissaires aux comptes ;

- les opérations d'introduction en bourse devraient s'effectuer non par cession des titres, mais par augmentation de capital, de façon à procéder aux investissements nécessaires ;

- certains des clubs étrangers ayant connu des difficultés (Chelsea par exemple) ne sont pas cotés en Bourse ; parmi ceux qui le sont, on compte à la fois des réussites et des échecs. Il faut souligner que la cotation implique le respect de normes contraignantes. En outre, la faculté d'introduire une société sportive en Bourse dans notre pays n'est-elle pas préférable à une cotation dans un pays étranger ?

- le soutien d'un particulier à un club peut certes passer par l'achat d'actions, mais aussi par un abonnement aux rencontres ;

- on ne peut pas parler de bons ou de mauvais secteurs d'activités, mais plutôt des qualités relatives des gestionnaires, des modèles économiques et des projets ;

- l'introduction en Bourse peut donner à une société sportive une chance de devenir compétitive, sous réserve de disposer des compétences adéquates et d'un vrai projet ; il convient par conséquent de la considérer comme un levier d'action, plutôt que comme un facteur de discrimination entre clubs ;

- les clubs membres du « G14 » sont opposés à l'organisation d'un championnat fermé, dans la mesure notamment où les imbrications entre sport professionnel et amateur sont très fortes en Europe. Celles-ci se traduisent d'une part, par l'importance de la formation des sportifs (grâce au financement de centres de formation), et d'autre part, par la contribution financière de clubs (tel que l'Olympique lyonnais) au développement du sport amateur ;

- la participation de joueurs sélectionnés pour l'équipe de France se traduit par leur mise à disposition gratuite, sans contrepartie, par les clubs dont ils sont salariés, ceci jusqu'à cent jours par an. Outre le fait qu'ils sont personnellement valorisés, ces sportifs internationaux bénéficient de primes contractuelles négociées directement par les fédérations. On pourrait proposer que la Fédération internationale de football association (FIFA) prévoie une indemnisation forfaitaire pour les clubs mettant à disposition les joueurs. On pourrait imaginer également un prélèvement de 1 ou 2 % sur le budget de la Coupe du monde (1 milliard d'euros) pour indemniser les joueurs concernés ;

- le projet de l'Olympique lyonnais est d'accroître la capacité du stade de 50.000 à 60.000 places, cet espace multifonctions pouvant à la fois accueillir tout type de sport et servir de salle de spectacles ; il constituera un lieu de vie permanent et s'intégrera dans un vaste ensemble comprenant également un centre commercial, un musée, un hôtel... Ceci réduira les risques liés aux seules activités sportives. Ce projet nécessitera un investissement de 250 millions d'euros ; faisant appel au financement privé, il s'effectuera néanmoins en pleine harmonie avec les collectivités territoriales ;

- par ailleurs, l'Olympique lyonnais a créé une fondation destinée à financer l'intégration des jeunes dans la ville, des oeuvres caritatives ainsi que le soutien d'enfants malades. Il s'agit ainsi d'utiliser à des fins altruistes la médiatisation du sport professionnel ;

- s'agissant de l'utilisation du nom de la ville par un club, une réflexion pourrait être menée concernant une éventuelle convention entre les clubs et les collectivités territoriales concernées, afin notamment d'autoriser l'utilisation du nom, en contrepartie de la contribution du club à la vie économique et sociale de la collectivité.

Entreprises - Sport - Développement de la participation et actionnariat salarié - Audition de M. Olivier Douvreleur, directeur des affaires juridiques de l'Autorité des marchés financiers (AMF)

La commission a procédé, ensuite, à l'audition de M. Olivier Douvreleur, directeur des affaires juridiques de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Dans son propos introductif, M. Olivier Douvreleur a souhaité définir certains termes boursiers et financiers afin de préciser les mécanismes des marchés financiers.

Il a indiqué, tout d'abord, que l'appel public à l'épargne était une notion ancienne, qui avait été introduite en droit français en 1967, lors de la création de la Commission des opérations de bourse (COB). Il est constitué dès lors qu'il y a admission d'un instrument financier sur un marché réglementé ou émission ou cession dans le public d'instruments financiers grâce à la publicité, au démarchage ou par un intermédiaire financier. Il a signalé, également, que la présomption d'appel public à l'épargne pouvait être engagée dès lors que le nombre des détenteurs de titres était supérieur à 100. En revanche, lorsque les titres sont introduits sur les marchés non réglementés, cela n'entraîne pas automatiquement un appel public à l'épargne, même si tel est le cas pour la plupart des opérations.

Il a précisé que les marchés réglementés étaient régulés par l'AMF, qui avait succédé, en 2003, à la COB et au Conseil des marchés financiers.

Il a souligné que la procédure d'appel public à l'épargne était encadrée par des dispositions législatives et que cette capacité n'était ouverte qu'aux sociétés par actions, à l'exception des sociétés anonymes à objet sportif et des sociétés par actions simplifiées. Les sociétés faisant appel public à l'épargne sont tenues de rédiger et d'établir un document d'information destiné au public, en conformité avec l'article L. 412-1 du code monétaire et financier. Ce « prospectus » regroupe l'ensemble des informations relatives à la société et à l'opération et doit être visé par l'AMF.

Il a précisé que le visa délivré par l'AMF était obligatoire et préalable au lancement d'une opération boursière. Il atteste ainsi de la qualité de l'information fournie au public, sous ses aspects financiers, économiques, comptables et juridiques, qui se doit d'être complète, compréhensible et cohérente. Il a fait remarquer que l'AMF n'avait pas pour rôle de garantir le succès d'une opération et qu'il revenait aux émetteurs de prendre leurs responsabilités et aux investisseurs d'assumer une prise de risque. Le visa délivré par l'AMF certifie que le prospectus rédigé à l'intention des actionnaires est conforme aux dispositions de la loi.

S'agissant des sociétés anonymes à objet sportif, M. Olivier Douvreleur a tenu à indiquer que l'AMF devra être particulièrement attentive aux éléments d'information relatifs au projet de développement d'activités sportives et d'acquisition d'actifs, prévus par le projet de loi, qui figureront dans le prospectus d'introduction en bourse.

Après avoir remercié l'intervenant d'avoir rappelé les règles de fonctionnement de l'AMF, M. Jacques Valade, président, s'est interrogé sur les contrôles susceptibles d'être exercés par l'autorité de régulation.

A cet égard, il a estimé que l'AMF devrait veiller à ce que tout projet de construction d'un stade d'une capacité d'accueil supérieure, associé à des activités complémentaires dans le domaine du sport et des spectacles, tienne compte des infrastructures de même nature déjà existantes sur le territoire national.

M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis, a souhaité connaître l'appréciation de l'AMF sur le dispositif d'informations encadrant l'introduction en Bourse des sociétés sportives. Après avoir indiqué que la propriété du stade ne constituerait pas, aux termes du projet de loi, une condition exigible à l'entrée en Bourse, il s'est interrogé sur les garanties apportées aux investisseurs en l'absence de détention de droits réels sur les équipements sportifs utilisés par un club voulant procéder à un appel public à l'épargne, et sur les difficultés rencontrées par les pays européens ayant adopté un dispositif similaire.

M. Pierre Martin a soulevé les difficultés qui pourraient se poser en cas de rétrogradation d'un club coté en bourse.

Il a abordé également la question des équipements sportifs et des normes édictées par les fédérations.

M. Ambroise Dupont a fait remarquer que le fait d'avoir exclu les actifs immobiliers des conditions requises pour procéder à un appel public à l'épargne constituait un facteur spéculatif.

Il s'est interrogé, en outre, sur le mode de fonctionnement du marché si une seule société sportive est introduite en Bourse.

M. Jean-Paul Emin a souligné que la question des actifs constituait une préoccupation majeure. Tout en relevant le caractère relativement éphémère des activités des sociétés anonymes à objet sportif, constituées d'actifs immatériels, il s'est interrogé sur les moyens d'apprécier la valorisation apportée à l'actif des bilans de société.

M. Serge Lagauche a souhaité que la commission puisse prendre connaissance de la situation comptable et financière du Palais omnisports de Paris-Bercy et du consortium Stade de France.

En réponse aux différents intervenants, M. Olivier Douvreleur a apporté les éléments de réponse suivants :

- l'AMF en tant qu'autorité administrative indépendante ne peut porter d'appréciation sur un projet de loi ;

- les modalités d'application de l'article 44 du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié par l'AMF ne sont pas encore déterminées, mais elles seront identiques aux pratiques déjà en vigueur ;

- une attention particulière sera portée à la propriété d'actifs corporels et incorporels, comme la marque ou l'enseigne, par la société émettrice. L'appréciation générale se fera au cas par cas, compte tenu notamment du montant et de la structure du chiffre d'affaires, dans le respect des dispositions législatives ; il ne s'agit pas d'une situation totalement nouvelle pour l'AMF, qui a déjà traité des dossiers similaires pour des sociétés dont les actifs immatériels étaient constitués de brevets d'invention ou de marques ;

- la propriété d'actifs immobiliers n'est pas exclue dans le dispositif du projet de loi, qui considère qu'elle peut être avérée ou projetée. Ce point sera scrupuleusement étudié par l'AMF ;

- les refus de visa, qui se révèlent peu nombreux, sont susceptibles de recours. La procédure d'obtention du visa s'effectue dans le cadre d'un dialogue entre l'autorité de régulation et l'émetteur ;

- l'AMF n'a pas la responsabilité du maintien du cours des actions. Son rôle est de s'assurer que la société cotée délivre au marché une information utile et n'en dissimule aucune ;

- un secteur d'activité au sein du marché réglementé peut ne comporter qu'un seul émetteur ;

- l'AMF devra disposer de projections économiques de qualité suffisante pour s'assurer de la viabilité financière des opérations de Bourse engagées par les sociétés anonymes à objet sportif.

Entreprises - Sports - Développement de la participation et de l'actionnariat salarié - Demande de renvoi pour avis et nomination de rapporteur pour avis

Au cours de la même réunion, la commission a demandé à être saisie pour avis du projet de loi n° 3175 (AN) et de la lettre rectificative n° 3337 (AN) au projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et a désigné M. Alain Dufaut comme rapporteur pour avis sur ce texte, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission.

Nomination d'un rapporteur

Elle a également désigné M. Alain Dufaut rapporteur pour avis sur la proposition de loi n° 417 (2003-2004) de M. Michel Mercier, modifiant l'article 11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. Cette proposition de loi, ayant le même objet que les dispositions du projet de loi précité, sera jointe à l'examen du projet de loi et de la lettre rectificative.

Organisme extraparlementaire - Haut Conseil des musées de France - Désignation d'un candidat

Enfin, la commission a décidé de proposer à la nomination du Sénat M. Philippe Nachbar pour siéger, comme membre suppléant, au sein du conseil d'administration du Haut Conseil des musées de France.