Mardi 6 janvier 2009

- Présidence de M. Robert del Picchia, vice-président -

Audiovisuel public - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 145 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et le projet de loi organique n° 144 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a rappelé en préambule que les deux projets de loi contiennent des dispositions visant à prolonger la réforme de l'audiovisuel extérieur, lancée à l'initiative du Président de la République.

Compte tenu de l'importance de l'audiovisuel extérieur pour la place et l'influence de la France et du français à l'échelle internationale, la commission a souhaité se saisir pour avis de ces deux textes, la commission des affaires culturelles étant saisie au fond.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a indiqué que son avis porterait sur les seules dispositions qui concernent directement l'audiovisuel extérieur. Ainsi, il a rappelé que l'aspect le plus emblématique de la réforme de l'audiovisuel public, la suppression progressive de la publicité sur les chaînes du service public, s'appliquait uniquement sur le territoire national et ne concernait donc pas l'audiovisuel extérieur.

Il n'a donc pas souhaité évoquer cet aspect dans son avis, tout en jugeant toutefois nécessaire d'aborder la question du financement de l'audiovisuel extérieur.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé les grands axes de la récente réforme de l'audiovisuel extérieur.

Il a indiqué qu'à la différence de nos partenaires européens, qui disposent souvent d'un opérateur unique, comme la BBC pour le Royaume-Uni ou la Deutsche Welle pour l'Allemagne, l'audiovisuel extérieur français était caractérisé par la dispersion de ses opérateurs, avec deux chaînes de télévision - TV5 Monde et France 24 - deux radios - Radio France Internationale (RFI) et RMC Moyen-Orient - et un organisme de coopération - Canal France International - qui offre des programmes en français à des radios ou à des télévisions des pays francophones.

De nombreux rapports ont mis en évidence par le passé la fragmentation, la mauvaise organisation et le manque d'efficacité de l'audiovisuel extérieur français, malgré un budget équivalent à celui qu'y consacrent nos partenaires.

A l'initiative du Président de la République, un comité de pilotage, composé de fonctionnaires issus de différents ministères, réunis sous la direction de M. Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, et de M. Georges-Marc Benhamou, ancien conseiller pour l'audiovisuel, a été chargé d'une réflexion sur la réforme de l'audiovisuel extérieur et a remis ses conclusions en décembre 2007.

Ce rapport fixe deux missions à l'audiovisuel extérieur : une mission d'influence, la France devant pouvoir rivaliser avec les grands médias internationaux, comme CNN ou Al Jazeera, et une mission culturelle, consistant à promouvoir nos valeurs : la francophonie, la démocratie, les droits de l'Homme, la laïcité.

Ce rapport n'est pas resté lettre morte, puisque sa principale recommandation, la création d'une société holding regroupant l'ensemble des participations de l'Etat dans les différents opérateurs, a été suivie d'effets. Cette société holding, dénommée « Audiovisuel Extérieur de la France » (AEF) a été créée en avril 2008, avec pour mission de définir les priorités stratégiques et d'encourager les synergies entre les différents opérateurs, dans le respect de l'identité de chacun.

TV5 Monde occupe une place particulière, en raison de la crainte des autres partenaires francophones de la chaîne (la Belgique, la Suisse, le Canada, le Québec) de se voir marginaliser dans ce nouvel ensemble. Ils ont ainsi obtenu que la holding AEF ne détienne que 49 % du capital de TV5 Monde, alors qu'elle devrait à terme détenir 100 % du capital de RFI et de France 24.

Estimant que tout jugement sur cette réforme serait prématuré à ce stade, M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a considéré qu'il fallait donner leur chance aux dirigeants de la holding pour réussir là où l'Etat n'avait manifestement pas réussi. Il a souhaité qu'un bilan soit établi l'année prochaine, par exemple à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2010.

La réforme de l'audiovisuel extérieur est pleinement en cohérence avec la réforme de l'audiovisuel public telle qu'elle figure dans les deux projets de loi.

Outre la suppression progressive de la publicité, qui ne s'applique pas à l'audiovisuel extérieur, ces textes contiennent en effet des dispositions visant à consolider la réforme de l'audiovisuel extérieur.

La société holding deviendrait ainsi une société nationale de programme, à l'image de France Télévisions et de Radio France, qui définirait ou contribuerait à définir les orientations stratégiques des différentes sociétés et elle pourrait également concevoir et programmer elle-même des services de communication audiovisuelle (article 2). Son capital serait entièrement détenu par l'Etat (article 4) à l'instar des autres sociétés nationales de programme.

Un cahier des charges définirait notamment les obligations de service public auxquelles elle est soumise (article 15), ce cahier des charges devant être complété par un contrat d'objectifs et de moyens conclu entre l'Etat et la holding (article 18).

La composition du conseil d'administration de la holding (article 7) serait très largement inspirée de celui de France Télévisions et de Radio France et son président serait nommé et révoqué dans les mêmes conditions que les présidents de ces deux sociétés (articles 8 et 9 du projet de loi et article unique du projet de loi organique).

Les règles relatives à la holding seraient donc très proches de celles de France Télévisions et de Radio France.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a d'ailleurs estimé qu'à terme un rapprochement entre l'audiovisuel national et l'audiovisuel extérieur mériterait d'être étudié, la frontière entre les deux s'effaçant progressivement sous l'effet des nouvelles technologies, comme la télévision par Internet ou sur téléphone mobile.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a ensuite rappelé que les financements consacrés à l'audiovisuel extérieur s'élèvent en 2009 à 233 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 65,3 millions d'euros au titre de la redevance audiovisuelle, ce qui représente au total 298,3 millions d'euros.

A titre de comparaison, le financement de l'audiovisuel public national représente près de 3 milliards d'euros dont 2 milliards d'euros au titre de la redevance audiovisuelle et la dotation d'Arte, chaîne franco-allemande, s'élève, à elle seule, à 300 millions d'euros, soit l'équivalent de l'ensemble des crédits des opérateurs de l'audiovisuel extérieur, pour une couverture mondiale.

Or, les besoins estimés par les opérateurs s'élèvent à 322 millions d'euros, dont 117 millions d'euros pour France 24 conformément à sa convention de partenariat avec l'Etat, 72 millions d'euros pour TV5 Monde et 133 millions d'euros pour RFI.

En outre, selon le document de programmation budgétaire triennale, la subvention destinée à la holding devrait même diminuer sur les trois prochaines années, puisqu'elle redescendrait de 233 millions d'euros, en 2009, à 218 millions d'euros en 2010, puis à 203 millions d'euros en 2011.

Certes, le développement des mutualisations entre les opérateurs devrait favoriser les économies d'échelle, mais il semble que, dans un contexte très concurrentiel, marqué par le développement de nouvelles technologies, la réforme de l'audiovisuel extérieur risquerait d'être compromise si ses moyens venaient à diminuer fortement dans les prochaines années, a estimé M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.

Certes, encore une fois, les deux projets de loi ne remettent pas en cause le financement de l'audiovisuel extérieur étant donné que celui-ci n'est pas concerné par la suppression de la publicité.

Toutefois, afin de trouver des ressources supplémentaires pour compenser la perte des recettes publicitaires, dont le coût à été évalué à 450 millions d'euros par an pour la première étape et à 650 millions d'euros au-delà, la tentation existe de transférer la part de la redevance audiovisuelle versée actuellement à l'audiovisuel extérieur, soit 65 millions d'euros, pour les affecter à France Télévisions.

Or, cette mesure serait de nature à fragiliser le financement de l'audiovisuel extérieur puisque, d'une part, rien ne garantit que cette réduction serait compensée par une augmentation équivalente de la subvention versée à l'audiovisuel extérieur et que, d'autre part, à la différence des subventions publiques, la redevance audiovisuelle est une recette dynamique, qui n'est pas soumise à l'aléa budgétaire.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a donc déclaré qu'il évoquerait la question du financement pérenne de l'audiovisuel extérieur à l'occasion du débat en séance publique sur les deux projets de loi.

Mme Catherine Tasca a rendu hommage à la qualité du travail effectué par le rapporteur pour avis tout en indiquant que le groupe socialiste s'opposerait à l'adoption des deux projets de loi pour deux raisons. La première raison tient à la conception d'ensemble de la réforme de l'audiovisuel public illustrée par le fait que la nouvelle procédure de nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, vise en réalité à confier au seul Président de la République le soin de désigner les présidents des différentes sociétés de l'audiovisuel public. La deuxième raison tient plus particulièrement aux aspects relatifs à l'audiovisuel extérieur.

Mme Catherine Tasca a indiqué qu'elle n'était pas opposée à l'idée d'un regroupement de l'audiovisuel extérieur mais elle s'est déclarée très inquiète des conditions dans lesquelles s'effectuait ce regroupement en confiant à un seul homme la responsabilité de piloter l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel extérieur, sans tenir compte des spécificités de chacune de ces sociétés.

Pour ces deux raisons, elle a indiqué que le groupe socialiste voterait contre l'adoption de ces deux projets de loi.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a regretté que Canal France International n'ait pas été intégré au sein du nouvel ensemble de l'audiovisuel extérieur de la France, puisque, même si cet organisme n'est pas un média, il joue un rôle important en matière de coopération audiovisuelle.

M. Jean-Pierre Chevènement a fait part de ses inquiétudes au sujet du financement de l'audiovisuel extérieur.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur pour avis.

A l'article 2 (régime juridique de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France), la commission a d'abord adopté, à l'initiative de M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, un amendement visant à remplacer, dans la définition des missions assignées à la société holding, l'expression « fourniture d'informations », par les mots la « programmation et la diffusion d'émissions de télévision et de radio ou de services de communication en ligne », la première pouvant paraître réductrice. Elle a également adopté un amendement tendant à mettre au pluriel l'expression « en langue étrangère » afin d'éviter toute ambiguïté.

Enfin, afin de tenir compte du statut particulier de TV5 Monde, la commission a adopté un amendement visant à insérer les termes « définit ou contribue à définir », non seulement dans la définition des missions assignées à la holding, mais aussi dans les obligations de service public.

A l'article 4 (détention du capital des sociétés nationales de programme), M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a rappelé que le texte initial du projet de loi établissait une distinction entre les sociétés de l'audiovisuel public national, dont le capital était entièrement détenu par l'État, et l'audiovisuel extérieur dont il était prévu que l'Etat ne détienne que la majorité du capital.

L'Assemblée nationale a toutefois adopté un amendement visant à aligner les règles sur celles de France Télévisions et de Radio France.

En conséquence, il est désormais prévu que l'État détienne la totalité du capital de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

Compte tenu de l'expérience malheureuse de la reprise par l'Etat de la participation de TF1 dans le capital de France 24, M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a estimé qu'il paraît plus raisonnable d'éviter à l'avenir la participation de sociétés privées, même minoritaires, dans le capital.

A l'article 7 (composition du conseil d'administration de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France), M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il était personnellement plutôt réservé, au début, sur la présence de parlementaires au sein du conseil d'administration de sociétés publiques, ce système comportant à ses yeux le risque de faire de ces représentants des juges et parties, mais que finalement, il s'était rallié à la présence de parlementaires sous réserve qu'elle soit limitée.

Estimant surprenant que, contrairement au conseil d'administration de France Télévisions ou de Radio France, qui comprennent respectivement quinze et treize membres, y compris le président, le nombre total de membres du conseil d'administration de la holding, soit un nombre pair (quatorze), ce qui pourrait créer des difficultés en cas de partage des voix, il a proposé un amendement visant à augmenter le nombre de membres du conseil d'administration de la holding, qui passerait de quatorze à quinze, soit le même nombre que celui de France Télévisions, ce qui a été accepté par la commission, le Groupe socialiste s'abstenant.

La commission a en conséquence adopté un amendement, le Groupe socialiste s'abstenant, proposé par le rapporteur pour avis, tendant à augmenter le nombre de personnalités indépendantes, désignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, en raison de leur compétence, qui passerait de quatre à cinq en précisant que l'une au moins de ces personnalités devrait disposer d'une expérience reconnue dans le domaine de la francophonie, afin de garantir la prise en compte de la francophonie dans les objectifs stratégiques de l'audiovisuel extérieur.

Enfin, toujours à l'initiative du rapporteur pour avis, la commission a adopté un amendement de coordination avec l'article 4, tendant à prévoir que les administrateurs nommés par l'assemblée générale des actionnaires soient tous des représentants de l'Etat, puisque la totalité du capital de la holding est détenue désormais par l'Etat.

M. Robert Badinter a souligné l'incongruité qui résulte selon lui du dernier alinéa de l'article 7 du projet de loi qui fait du président de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France à la fois le président, le président-directeur général, le directeur général ou le président du directoire de chacune des filiales de cette société, ce qui semble être un cas unique au sein des sociétés holding.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a indiqué que cette mesure était conforme à la logique de la réforme de l'audiovisuel extérieur qui vise à renforcer la cohérence et les synergies entre les différentes sociétés, Radio France Internationale, TV5 Monde et France 24, dans le respect de l'identité de chacune.

A l'article 8 du projet de loi ordinaire et à l'article unique du projet de loi organique (procédure de nomination des présidents de France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur), M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a indiqué que la procédure prévue pour la désignation des présidents des sociétés nationales de programme, dont la société en charge de l'audiovisuel extérieur, offrait des garanties d'impartialités et d'indépendances justifiées par la spécificité de l'audiovisuel public. A l'avenir, ces présidents seront nommés pour cinq ans par décret du Président de la République, après avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel et avis des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui disposeront d'un véritable droit de veto puisque le Président de la République ne pourra procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représentera au moins trois cinquième des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Mme Catherine Tasca a indiqué que le groupe socialiste était fortement opposé à la procédure prévue pour la nomination des présidents de France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur, qui revenait à confier au seul Président de la République le choix de désigner les présidents des sociétés concernées, compte tenu de la composition du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la difficulté à recueillir une majorité des trois cinquièmes au sein des commissions des assemblées.

A l'article 9 (procédure de révocation des présidents des sociétés nationales de programme), M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a indiqué que, par parallélisme des formes, il était prévu que le mandat des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, pouvait leur être retiré par décret motivé, après avis conforme, également motivé, du Conseil supérieur de l'audiovisuel et avis des commissions parlementaires compétentes.

M. Robert Badinter, ayant fait observer que le projet de loi organique ne faisait référence qu'au seul pouvoir de nomination, s'est interrogé sur la manière dont les commissions parlementaires seraient appelées à se prononcer sur la révocation du mandat des présidents des sociétés audiovisuelles.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi prévoyait que l'avis des commissions parlementaires se ferait dans les mêmes conditions que celles prévues par la loi organique pour la nomination, c'est-à-dire qu'une révocation ne pourrait avoir lieu si les votes négatifs représentent les trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

A l'article 15 (cahier des charges des sociétés nationales de programme), la commission a adopté à l'unanimité, sur proposition de son rapporteur pour avis, deux amendements tendant à prévoir la transmission de tout nouveau cahier des charges de la société chargée de l'audiovisuel de la France également aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat, de même que la transmission du rapport annuel sur l'exécution de ce cahier des charges.

A l'article 18 (contrat d'objectifs et de moyens), la commission a adopté, à l'initiative de M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis, également à l'unanimité, trois amendements visant à associer les commissions des affaires étrangères des deux assemblées au contrôle parlementaire sur la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

Puis la commission a émis un avis favorable, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche votant contre, à l'adoption des deux projets de loi.

Jeudi 8 janvier 2009

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -

Loi de programmation militaire pour les années 2009-2014 - Audition de M. Hervé Morin, ministre de la défense

La commission a procédé à l'audition de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que la teneur du projet de loi de programmation militaire déposé devant l'Assemblée nationale le 29 octobre dernier était déjà largement connue, dans la mesure où ce texte vise à mettre en oeuvre les conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ainsi que les mesures de réorganisation du ministère de la défense qui avaient été évoquées à plusieurs reprises devant le Parlement au cours de ces derniers mois.

Il a relevé certaines particularités du projet de loi de programmation : celui-ci comporte un important volet législatif ; il couvre une période de six ans mais prévoit un point d'étape d'ensemble en 2010 ainsi qu'une révision de la loi au bout de quatre ans, avec l'adoption d'une nouvelle loi de programmation couvrant la période 2013-2018 ; enfin, l'intervention dès le début de cette année d'un collectif budgétaire aura un impact sur la programmation militaire.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que le plan de relance en cours d'examen au Parlement prévoyait des financements conséquents pour le secteur de la défense, le principe retenu étant toutefois de privilégier l'anticipation d'investissements initialement programmés pour plus tard.

Il a souhaité que le ministre précise si le Gouvernement rectifierait ou amenderait le projet de loi de programmation pour tenir compte de l'incidence du plan de relance sur le profil financier des prochaines annuités. Il s'est également demandé si les différents programmes retenus étaient suffisamment avancés pour permettre la consommation intégrale des crédits prévus par le plan de relance, le projet de loi de finances rectificative précisant que les crédits non consommés fin 2010 seraient annulés.

M. Josselin de Rohan, président, a souligné que le projet de loi de programmation traduisait les orientations du Livre blanc, en prévoyant une augmentation très sensible des crédits d'équipement qui devra permettre le financement d'une nouvelle génération de matériels attendus depuis longtemps dans les trois armées. Il a estimé que la réussite de cette loi reposerait sur la capacité à mobiliser ce surcroît de financement indispensable à la modernisation de l'équipement militaire, en réalisant la réduction du format et les réorganisations permettant de dégager de nouvelles marges de manoeuvre, et en obtenant les ressources exceptionnelles attendues de cessions immobilières ou de ventes de fréquence.

M. Hervé Morin, ministre de la défense, a tout d'abord indiqué que les propositions qu'il avait formulées en vue de contribuer au plan de relance avaient reçu un écho très positif auprès du Président de la République, si bien que près de la moitié des dépenses de l'Etat prévues dans le cadre de ce plan concerneraient le secteur de la défense. Ces propositions visaient notamment à accélérer des commandes d'équipements passées auprès d'entreprises ayant une activité duale, afin de compenser la baisse de leur plan de charge dans le domaine civil. Par ailleurs, les contrats concernant la défense présentent l'avantage d'induire une charge de travail intégralement située sur le territoire français. Enfin, les projets retenus ont trait à des contrats déjà passés ou en attente de passation, ce qui permettra l'engagement et la consommation rapide des crédits, conformément aux objectifs du plan de relance.

M. Hervé Morin, ministre de la défense, a précisé que le Gouvernement préparait les amendements nécessaires à la correction du projet de loi de programmation militaire pour prendre en compte le plan de relance. Le Parlement sera informé dans les meilleurs délais de ces amendements.

Il a ensuite effectué une présentation du projet de loi, en rappelant qu'il constituait la traduction législative de l'ensemble des travaux engagés depuis le printemps 2007, à savoir l'état des lieux financier, la revue des programmes d'armement, la réorganisation du ministère, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et les restructurations.

Le projet de loi prévoit l'affectation à la mission « défense » d'une enveloppe de 185 milliards d'euros sur la période 2009-2014 - enveloppe qui pourrait être portée à 186 milliards d'euros, une partie des moyens prévus par le plan de relance constituant des financements nouveaux, l'autre partie ne représentant que l'anticipation de dépenses déjà prévues sur la durée de la loi de programmation. Au sein de cette enveloppe, les financements consacrés à l'équipement des forces représentent 101 milliards d'euros, pouvant être portés à 102 milliards d'euros avec le plan de relance. Le montant annuel des dépenses d'équipement passerait ainsi de 15,5 milliards d'euros en 2008 à 18 milliards d'euros en 2014. Cette progression notable traduit les arbitrages favorables qui ont été rendus en faveur du ministère de la défense. D'une part, et à la différence des autres ministères, le ministère conservera le bénéfice de l'intégralité des économies réalisées sur les dépenses de structure. D'autre part, il a obtenu des ressources exceptionnelles provenant de cessions d'actifs pour financer le surcroît de besoins financiers liés aux programmes d'équipement sur le début de la période.

Le ministre de la défense a souligné que la première caractéristique du projet de loi était sa cohérence. Il traduit les nouveaux formats, les nouveaux contrats opérationnels ainsi que les priorités définies par le Livre blanc.

Le projet de loi de programmation se distingue aussi par sa sincérité. Il définit une trajectoire financière crédible, avec un maintien en volume des crédits, hors ressources exceptionnelles, sur les trois premières années, puis une progression en volume de 1 % par an. Le périmètre de la programmation exclut tout « bourrage » et les opérations extérieures bénéficieront d'un mode de financement nouveau, puisque la provision en loi de finances initiale sera majorée et que le complément éventuel sera couvert par la réserve interministérielle de précaution.

Le ministre de la défense a insisté sur la nécessité d'un effort partagé, au sein du ministère, en termes de réduction des coûts. Il a estimé que des gains substantiels étaient possibles grâce à une mutualisation beaucoup plus poussée des soutiens, et qu'à cet égard, la création des bases de défense constituerait une avancée majeure. Il a également rappelé que les réductions d'effectifs prévues auraient pour contrepartie des ressources supplémentaires pour l'équipement et aussi un effort sans précédent de revalorisation de la condition des personnels dans la lignée des recommandations du haut comité pour la condition militaire.

Enfin, le ministre a souligné qu'un effort significatif serait effectué en faveur de la recherche de défense. Il a précisé qu'il avait revu certaines propositions des armées afin de garantir la pérennité des compétences dans des domaines tels que l'aviation de combat ou les missiles.

M. Hervé Morin a ensuite évoqué les dispositions de nature législative contenues dans le projet de loi. Elles concernent notamment la réorganisation des pouvoirs publics, au travers d'une modification de l'ordonnance de 1959 sur la défense nationale, avec notamment l'instauration d'un Conseil de défense et de sécurité nationale dont le Conseil national du renseignement constituera une formation spécialisée. Il a également exposé les dispositions relatives à la SNPE, qui sera inscrite sur la liste des entreprises privatisables, et à DCNS. La loi permettra aux ouvriers d'Etat de DCNS d'être employés, tout en conservant leur statut, dans des filiales dont l'entreprise ne détient qu'une part minoritaire, ce qui n'était pas possible avec la législation actuelle et constituait un handicap dans la perspective de futures alliances industrielles. Le carnet de commande de DCNS pour les quinze années à venir place en effet l'entreprise dans une situation favorable pour nouer de telles alliances.

M. Hervé Morin a par ailleurs donné des précisions sur les mesures prévues par le plan de relance dans le domaine de la défense. Celles-ci représentent près de 1,5 milliard d'euros pour 2009 et 770 millions d'euros pour 2010. Les crédits d'équipement augmenteront ainsi de 20 % en 2009, par rapport à 2008.

M. Hervé Morin a confirmé qu'un amendement gouvernemental intègrerait ces éléments nouveaux dans le projet de loi de programmation militaire. Il a estimé que, sur le total des moyens supplémentaires prévus, environ 1,3 milliard d'euros correspondait à une accélération de dépenses déjà prévues dans le projet de loi de programmation et environ 1 milliard d'euros à des dépenses supplémentaires. La réalisation d'un troisième bâtiment de projection et de commandement représente à elle seule 400 millions d'euros supplémentaires sur la période de la programmation. Parmi les moyens inscrits au plan de relance figurent également 220 millions d'euros pour des travaux d'infrastructures sur des opérations programmées en attente de notifications et 110 M€ pour les études en amont.

Un débat a suivi l'exposé du ministre.

M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que la commission examinerait avec soin le projet de loi de programmation militaire pour lequel elle avait déjà programmé un mois et demi d'auditions. Un débat en séance publique sur les opérations extérieures est prévu au Sénat le 28 janvier 2009. Il est évident que ces opérations auront un impact fort sur l'exécution de la loi de programmation. A la suite des déplacements sur les différents théâtres d'opérations, la commission conclut à la possibilité de réduire le volume des effectifs sur certains de ces théâtres.

Il a ensuite évoqué la situation des équipements dont la programmation doit faire l'objet d'arbitrages ultérieurs. C'est ainsi que l'avion de transport A400M, qui rencontre des difficultés industrielles et fait d'ailleurs l'objet d'une mission d'information parlementaire des rapporteurs Jean-Pierre Masseret et Jacques Gautier, le Rafale, les avions ravitailleurs, mais aussi les drones et les satellites de communication, ne sont pas encore totalement programmés. Il a souhaité connaître le moment retenu pour intégrer ces décisions d'arbitrages à la loi de programmation.

M. Xavier Pintat, évoquant les ressources exceptionnelles, a fait état des informations d'un quotidien économique selon lequel il serait impossible de réaliser en 2009 les ventes de fréquences militaires pour lesquelles 600 millions d'euros avaient été inscrits au budget. Il a souhaité savoir comment se présentait pour 2009 l'obtention des ressources exceptionnelles, tant pour les ventes de fréquences que pour les cessions immobilières, rappelant qu'au total 1,6 milliard d'euros, soit environ 10 % du budget d'équipement, est inscrit à ce titre dans la loi de programmation pour l'année 2009.

Evoquant ensuite la SNPE que l'article 11 du projet de loi prévoit d'inscrire sur la liste des entreprises privatisables, il a souhaité connaître l'analyse que l'État faisait de la situation de ce groupe et les conclusions qu'il en tirait pour ses perspectives d'évolutions. Rappelant que la SNPE intervenait dans le secteur stratégique de la propulsion solide, il s'est interrogé sur les garanties prévues pour conserver la maîtrise nationale de cette capacité technologique.

M. André Dulait a souhaité des informations sur la manière dont évoluerait le format des forces prépositionnées. Il s'est interrogé sur les crédits consacrés au nucléaire, et en particulier au laser mégajoule, au cours de la période de programmation.

M. Didier Boulaud a tout d'abord observé que les personnels de DCNS ne semblaient pas adhérer complètement au schéma proposé par l'État pour l'évolution de l'entreprise. Il a déclaré partager les interrogations de M. Xavier Pintat sur la SNPE. Il a souhaité connaître l'évolution des crédits de maintien en condition opérationnelle, qui sont une difficulté récurrente, et sont absorbés, à 60 %, par sept régiments. Le coût de l'entretien du Tigre serait en outre beaucoup plus important que celui des hélicoptères actuellement en service. Il s'est interrogé, alors que la décision du Président de la République semble prise, sur le coût de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'OTAN. Evoquant le coût de 232 millions d'euros consacrés au second porte-avions, il a souhaité savoir si ce chiffre était confirmé.

M. Jacques Gautier a rappelé que la fixation des cadences pour les avions A400M et les avions ravitailleurs avait été reportée à 2010. Estimant que l'avion A400M, compte tenu des difficultés rencontrées, ne pèserait que marginalement sur la loi de programmation militaire, il a souhaité savoir si le programme d'avions ravitailleurs pourrait être accéléré.

M. François Trucy, rapporteur pour avis de la commission des finances, a souhaité des précisions sur les économies attendues de la mutualisation des soutiens et de l'externalisation. Il s'est interrogé sur les limites de cette démarche dans les opérations extérieures. Il a par ailleurs souligné qu'au vu des différents chiffrages figurant dans le projet de loi, l'évolution des effectifs était particulièrement difficile à apprécier.

M. Robert del Picchia a souhaité des précisions sur les commandes d'acquisition de l'hélicoptère NH90.

M. Hervé Morin a apporté les éléments de réponse suivants :

- les cadences de production n'ont pas été définies pour certains programmes pour lesquels le Gouvernement attend de disposer de données industrielles et financières plus précises ; pour l'A400M, il s'agit d'attendre le résultat des évaluations en cours sur les conditions de poursuite du programme ; le cadencement du programme Rafale pourrait être redéfini au vu des perspectives à l'exportation ; en ce qui concerne les drones, le choix entre le lancement d'un programme européen et des solutions d'achat sur étagères sera effectué après l'étude de levée de risques sur le programme Advanced UAV dont les résultats sont attendus pour la fin du printemps prochain ;

- le processus de mise en vente des fréquences par le ministère de l'économie progresse lentement mais les 600 millions d'euros de ressources exceptionnelles ont été confirmés par le Président de la République ; les cessions immobilières ne suscitent en revanche aucune inquiétude puisqu'elles sont confiées à une société de portage ;

- pour ce qui concerne la SNPE, il faut rappeler que des entreprises privées ou européennes concourent déjà largement à la dissuasion française, ce qui démontre que le caractère stratégique des activités de l'entreprise n'implique pas obligatoirement le maintien de son statut public ; l'Etat souhaite bien entendu pérenniser l'activité « propulsion » de la SNPE ; en cas de privatisation, des procédures de type golden share seraient prévues pour permettre à l'Etat de faire prévaloir les intérêts stratégiques nationaux ;

- les discussions sont en cours avec les gouvernements concernés sur l'évolution du format des forces prépositionnées ; Djibouti, un seul point d'appui sur la façade atlantique ainsi que le Tchad devraient être préservés ; la base d'Abu Dhabi, conséquence d'un accord de défense, s'ajoutant à ce dispositif ;

- le coût global du programme de simulation, dont le laser mégajoule, représente 6,5 milliards d'euros. Au-delà de sa fonction de défense, le laser mégajoule constitue un pôle de recherche très attractif pour la recherche civile. Au cours de la prochaine période de programmation militaire, la modernisation des SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d'engins) sera poursuivie et le missile balistique M51 entrera en service ;

- l'équilibre de la programmation dépend très largement de l'évolution des ressources humaines et des diminutions d'effectifs de 26 000 postes pour l'armée de terre, 16 000 pour l'armée de l'air et 6 000 pour la marine ;

- la mutualisation des soutiens n'a aucune conséquence sur le soutien en opération extérieure. Il faut noter que les drones britanniques sont soutenus par des entreprises privées en Afghanistan. Pour ce qui concerne l'externalisation, il faut qu'elle soit la garantie de véritables économies sans atteinte à la capacité opérationnelle des armées. Des évolutions sont envisageables sur l'habillement et l'alimentation au terme d'un bilan coûts/avantages ;

- le maintien en condition opérationnelle du Tigre est effectivement plus coûteux, s'agissant de matériels récemment entrés en service. Le coût d'une heure de vol de l'hélicoptère Tigre est ainsi dix fois supérieur à celui de la Gazelle. Avec l'augmentation des volumes, ce coût devrait évoluer à la baisse. Dans le budget 2009, les crédits du maintien en condition opérationnelle augmentent de 8 %, même s'il faut rappeler que les résultats ne dépendent pas seulement des crédits mais surtout de l'organisation comme en attestent les résultats remarquables obtenus par le service de soutien de la flotte ;

- il n'est pas certain que le second porte-avions, auquel ont effectivement été consacrés 232 millions d'euros, essentiellement pour des études, ne se fasse pas. La question de la propulsion fait l'objet d'un nouvel examen ;

- pour ce qui concerne l'OTAN, le ministère n'en est pas encore au stade du chiffrage d'un renforcement de la participation française à la structure de commandement alors que l'organisation est elle-même en pleine transformation ;

- le ministère vient de notifier à Eurocopter la commande de 22 hélicoptères de transport NH 90, s'ajoutant à la commande de 12 hélicoptères déjà intervenue en 2007 ; l'échéance des premières livraisons reste fixée à 2011.