Mardi 30 mars 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) - Atelier de travail

La commission a organisé un atelier de travail sur l'évolution des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) suite à la réforme de la taxe professionnelle, avec MM. Thierry Carcenac, président du conseil général du Tarn, représentant l'Assemblée des départements de France (ADF), Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale et président du comité des finances locales, Yves Fréville, ancien sénateur, membre du conseil national de l'information statistique (CNIS), Eric Jalon, directeur général des collectivités locales (DGCL), Philippe Laurent, maire de Sceaux, président de la commission des finances de l'association des maires de France (AMF) et Daniel Nouaille, président de la communauté de communes du Val de Vienne, vice-président de l'Assemblée des communautés de France (AdCF).

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la suppression de la taxe professionnelle par la loi de finances pour 2010 pose la question de l'avenir des FDPTP. Ces fonds, d'un montant global de près de 920 millions d'euros en 2007, constituent un des principaux outils de péréquation horizontale et donnent aux conseils généraux un rôle important dans la gestion de cette péréquation.

Les FDPTP sont actuellement alimentés par deux types de ressources : d'une part, des écrêtements sur les établissements considérés comme exceptionnels au regard de leurs bases de taxe professionnelle par habitant et, d'autre part, des prélèvements sur les établissements publics de coopération intercommunale (ECPI) à taxe professionnelle unique.

Trois types de reversements sont opérés par les FDPTP :

- des reversements dits « prioritaires », essentiellement au profit des EPCI à taxe professionnelle unique contributeurs ;

- des reversements aux communes dites « concernées », c'est-à-dire celles dont on peut considérer qu'elles subissent des charges liées à la présence d'un établissement exceptionnel ;

- enfin, des reversements aux communes dites « défavorisées » au regard de la faiblesse de leur potentiel fiscal ou de l'importance de leurs charges.

A compter de l'année 2011, la loi de finances pour 2010 prévoit :

- d'une part, que le montant des reversements opérés par les FDPTP en 2009 au profit des communes dites « défavorisées » est garanti aux FDPTP, ce qui constitue une ressource financière sanctuarisée à compter de 2011, mais figée au niveau de l'année 2009 ;

- d'autre part, que les reversements prioritaires et les reversements aux communes dites « concernées » leur sont garantis indéfiniment. La pertinence de ce dispositif peut être mise en doute, notamment pour les communes concernées, qui bénéficieront de reversements de moins en moins en lien avec la réalité économique des territoires.

Par ailleurs, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que plusieurs questions doivent être traitées afin de mettre en place un nouveau dispositif de péréquation horizontale entre les communes et les EPCI :

- Quelles seront les collectivités concernées par le dispositif de péréquation ? L'ensemble des communes et des EPCI ou les seules communes isolées et les EPCI à fiscalité propre ?

- Quel périmètre géographique est le plus pertinent pour cette péréquation ? Le département ? La région ? La France ?

- Sur quelles ressources la péréquation doit-elle porter ? Faut-il se cantonner au champ des FDPTP, c'est-à-dire aux impôts acquittés par les entreprises, sachant qu'ils ont été réduits de plus de quatre milliards d'euros par la suppression de la taxe professionnelle ? Faut-il étendre le dispositif aux impôts acquittés par les ménages, voire inclure dans ce dispositif les dotations versées par l'Etat aux collectivités territoriales, à commencer par la dotation globale de fonctionnement (DGF) ?

- Quels critères choisir pour établir les prélèvements au profit des nouveaux fonds ?

- Enfin, quels critères choisir pour les reversements en provenance des fonds et quelle sera la marge de manoeuvre laissée aux exécutifs locaux pour effectuer cette répartition ?

En conclusion de son propos liminaire, M. Jean Arthuis, président, a invité M. Eric Jalon, directeur général des collectivités locales, à préciser le calendrier prévu par le Gouvernement pour traiter la question de l'avenir des FDPTP dans le cadre de la clause de rendez-vous.

M. Eric Jalon, directeur général des collectivités locales, a précisé que la loi de finances pour 2010 comporte une dissymétrie : l'alimentation des FDPTP est consolidée à partir de 2011 dans le dispositif du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), alors que les modalités de répartition du produit garanti aux FDPTP ne sont pas précisées. Le sujet doit donc être traité, au plus tard, en loi de finances pour l'année 2011. Par ailleurs, le Gouvernement attend la remise d'un rapport conjoint de l'Inspection générale de l'administration et de l'Inspection générale des finances pour élaborer le rapport d'étape prévu à l'article 76 de la loi de finances pour 2010 et qui doit être remis au Parlement avant le 1er juin 2010.

Sur le fond, M. Eric Jalon a identifié quatre difficultés :

- la notion d'établissement exceptionnel présente l'inconvénient de ne pas traiter de manière équitable une commune où se situent plusieurs petits établissements ne dépassant pas le seuil des établissements exceptionnels et une commune où se trouve un seul établissement qui, lui, est soumis à écrêtement en raison de son dépassement du seuil ;

- la péréquation opérée par les FDPTP apparaît très concentrée, onze départements bénéficiant de la moitié de l'enveloppe globale des fonds, ce qui nécessitera un mécanisme de transition entre l'ancien et le nouveau dispositif ;

- la question du rôle des départements dans les reversements des FDPTP devra être traitée ;

- enfin, il conviendra de conserver le caractère incitatif du dispositif pour l'installation des entreprises, notamment celles à l'origine de nuisances.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale et président du comité des finances locales, a rappelé que, initialement, le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement supprimait les FDPTP. Le Parlement ayant finalement attribué 26,5 % du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au bloc communal, de manière territorialisée, la mise en place d'un dispositif de péréquation horizontale au niveau de cet ensemble redevient une nécessité. La loi de finances pour 2010 a prévu des mesures conservatoires qui ne règlent pas la question de l'alimentation des fonds. Si le dispositif de garantie de ressources paraît pertinent, les montants redistribués seront privés, à compter de 2011, de tout dynamisme.

Concernant les modalités d'alimentation des nouveaux fonds, M. Gilles Carrez a remarqué que la réforme réduit le montant global des impôts acquittés par les entreprises et perçus par le bloc communal. Chercher à alimenter une péréquation horizontale à partir de la cotisation foncière des entreprises (CFE), qui ne représente plus que 18 % de la taxe professionnelle, paraît dans ces conditions « très hasardeux ».

L'alimentation à partir de la CVAE pose également des problèmes puisque cet impôt sera moins représentatif de la richesse des territoires que ne l'était la taxe professionnelle. En revanche, les impôts acquittés par les ménages seront à l'avenir un élément essentiel de cette richesse. Or, comme l'a montré l'exemple du Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France, la fiscalité sur les ménages est plus difficile à mobiliser au profit de la péréquation.

En conclusion, M. Gilles Carrez a estimé que la DGF sera potentiellement l'outil de péréquation le plus ambitieux mais qu'il agira au niveau national. Il convient de conserver parallèlement un dispositif de péréquation territorialisé. L'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), notamment celle acquittée par les centrales thermiques, pourrait, a minima, servir d'outil de péréquation.

M. Thierry Carcenac, président du conseil général du Tarn, représentant de l'Assemblée des départements de France, a estimé que le cadre dans lequel les FDPTP ont été élaborés a été totalement modifié par la suppression de la taxe professionnelle. Même si la situation varie beaucoup d'un département à l'autre, l'échelon départemental et la compétence du conseil général doivent être conservés car ils permettent de disposer d'une vision locale, précise, des collectivités défavorisées.

L'alimentation des nouveaux fonds ne pourra se limiter au produit de la CVAE, même en y ajoutant les IFER. Le reste de la fiscalité directe locale doit également être mobilisé au service du nouveau dispositif de péréquation. En ce qui concerne les reversements, il est souhaitable de maintenir les deux catégories actuelles de communes bénéficiaires, « défavorisées » et « concernées ».

Enfin, l'Assemblée des départements de France attend en priorité et avec impatience l'évaluation des conséquences effectives de la réforme.

En réponse à M. Philippe Laurent, maire de Sceaux, président de la commission des finances de l'association des maires de France, qui a souhaité savoir si le dispositif voté en loi de finances pour 2010 est applicable sans équivoque pour les années 2010 et 2011, M. Eric Jalon a indiqué que, à partir de 2011, si les ressources des FDPTP au profit des communes défavorisées sont garanties, leur mode de distribution n'est en revanche pas clairement défini.

M. Gilles Carrez a précisé qu'il lui semble que le rôle des conseils généraux dans la redistribution de ces sommes est préservé, même à compter de l'année 2011.

M. Philippe Laurent s'est interrogé sur l'objectif de la péréquation qui peut être soit de permettre d'offrir le même service sur l'ensemble du territoire, soit d'égaliser les ressources des collectivités. Dans ce second cas, elle entre en opposition avec le principe d'autonomie fiscale et le caractère fiscalement incitatif pour les collectivités de l'accueil d'entreprises sur leur territoire.

Il a indiqué être largement en accord avec les remarques formulées par M. Gilles Carrez. La fiscalité économique ne sera sans doute pas suffisante pour alimenter un nouveau dispositif de péréquation. Il faudra y intégrer les impôts acquittés par les ménages, d'autant plus que ces prélèvements représentent une part plus importante des ressources fiscales qu'auparavant. Dans cette optique, il est convenu avec M. Thierry Carcenac que les bases des impôts sur les ménages devront être révisées. Par ailleurs, il serait pertinent de prendre en compte l'ensemble des ressources, c'est-à-dire d'utiliser la notion de potentiel financier et d'abandonner le concept d'établissements exceptionnels pour définir les contributions aux FDPTP.

M. Philippe Laurent a souhaité que les effets de seuil soient gommés par le choix d'un système plus « doux », où l'ensemble des communes et intercommunalités seraient à la fois contributrices et bénéficiaires de la péréquation. La prise en compte des charges des collectivités ne peut se faire qu'à un niveau très local, essentiellement à celui de l'intercommunalité. Enfin, le seul critère de péréquation exempt de tout effet pervers est celui du revenu global des habitants, en y incluant les transferts sociaux.

M. Jean Arthuis, président, est convenu qu'il faudra créer un système probablement très différent du système actuel.

M. Yves Fréville, ancien sénateur, membre du conseil national de l'information statistique, a estimé que deux dispositifs de péréquation sont nécessaires : un dispositif national visant à l'égalisation des pouvoirs d'achat, qui sera mis en place par la réforme des potentiels fiscal et financier, et un dispositif local. Les objectifs du dispositif local doivent reprendre ceux des FDPTP : des reversements, d'une part, aux communes subissant un préjudice du fait de l'établissement exceptionnel et, d'autre part, au profit de celles comprises dans le bassin d'emploi de cet établissement.

La première difficulté est d'identifier la richesse. Or, la situation résultant de la réforme de la taxe professionnelle est très nouvelle, les communes riches de demain n'étant pas celles d'aujourd'hui. Par ailleurs, la CVAE par habitant dépend fortement du taux d'emploi dans la commune, ce qui rend très difficile un écrêtement de ce prélèvement au profit d'un fonds de péréquation. Retrouver le même niveau de ressources qu'aujourd'hui impliquerait de prélever les recettes fiscales en-dessous du seuil de 1,2 fois la moyenne nationale des bases par habitant, au lieu d'un seuil de 2 dans le régime antérieur.

Seconde difficulté, l'écrêtement de la CVAE pèserait surtout sur les communes isolées. Or, elles sont appelées à disparaître dans le cadre de l'achèvement de la carte intercommunale. Par ailleurs, en Ile-de-France, un dispositif régional paraît préférable.

En conclusion, M. Yves Fréville s'est réjoui qu'un dispositif de garantie ait été prévu par la loi de finances pour 2010 et a estimé que l'IFER peut, au contraire de la CFE, constituer une base pour alimenter la péréquation locale.

M. Daniel Nouaille, président de la communauté de communes du Val de Vienne, vice-président de l'Assemblée des communautés de France, a rappelé les positions de l'AdCF sur la question de l'avenir des FDPTP. Les écrêtements des établissements exceptionnels n'ont plus de sens avec la nouvelle assiette de la CVAE. Il convient donc de privilégier un mécanisme de péréquation nationale avec des critères fixes, déterminés par la loi, qui suppriment l'intervention des conseils généraux. L'intégralité de la richesse des collectivités, y compris les impôts acquittés par les ménages et les dotations, doit être prise en compte, les impôts économiques n'étant plus représentatifs de la richesse des territoires. Le fonds national pourrait être alimenté par la croissance des recettes fiscales des collectivités les plus riches.

Par ailleurs, le rôle péréquateur des intercommunalités doit être mieux étudié et une DGF territoriale devrait être mise en place.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que, en 2010, les FDPTP ont été gelés à leur montant de 2009 et que, à compter de 2011, ils demeureront dotés des sommes consacrées aux communes dites « défavorisées » tandis que les communes dites « concernées » bénéficieront d'une garantie au travers du Fonds national de garantie individuelle des ressources.

M. Philippe Adnot a souligné que la péréquation n'était pas jusqu'à présent le seul objectif des FDPTP. Ceux-ci poursuivaient aussi des buts d'intéressement et de dédommagement des collectivités territoriales. L'alimentation des fonds, quant à elle, posait déjà problème dans l'ancien système car plusieurs petits établissements n'étaient pas traités de manière identique à un grand établissement pourtant équivalent à la somme des petits. La redistribution doit continuer à se faire au niveau départemental, avec une certaine souplesse laissée aux conseils généraux. Enfin, la CVAE doit être agrégée au niveau départemental pour servir de ressource au dispositif de péréquation.

M. Yves Fréville a relevé que si l'addition de la CVAE à l'échelle d'un territoire permettait d'augmenter les ressources des fonds, la prise en compte des intercommunalités et non des communes aurait l'effet inverse, en diluant la base de référence utilisée pour le calcul de l'écrêtement.

M. Jean Arthuis, président, a estimé logique que les intercommunalités remplacent les communes dans le nouveau dispositif de péréquation.

M. Denis Badré a rappelé que des disparités de richesse très grandes existent dans les Hauts-de-Seine et que l'effet péréquateur des communautés d'agglomération n'est pas assez pris en compte. Les redistributions jusqu'à aujourd'hui opérées par les FDPTP au sein du périmètre de chaque intercommunalité devraient logiquement être intégrées au fonctionnement de l'EPCI et la péréquation des ressources ne devrait être organisée qu'entre les intercommunalités.

M. Albéric de Montgolfier a rappelé que les FDPTP faisaient traditionnellement l'objet de deux critiques :

- ils ne prenaient en compte que la taxe professionnelle. Or, beaucoup de disparités de richesse peuvent résulter d'autres ressources comme les recettes domaniales par exemple ;

- la redistribution au profit des communes concernées avait pour principal critère le nombre de salariés de l'établissement exceptionnel. Or, un établissement peut acquitter une importante taxe professionnelle avec peu de salariés.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que ce problème sera moins aigu avec la CVAE, car le produit de cet impôt sera moins important si le nombre de salariés d'une entreprise est faible.

M. Albéric de Montgolfier a souhaité que le dispositif puisse concerner également les IFER, notamment pour les installations photovoltaïques.

M. François Marc a regretté que seuls quelques départements puissent utiliser efficacement les FDPTP et que la réforme de la taxe professionnelle réduise le montant des impôts locaux pouvant servir à la péréquation horizontale. Il a préconisé, d'une part, une prise en compte plus importante du revenu, notamment dans la fiscalité locale, et, d'autre part, la mise en place d'une DGF rénovée permettant une péréquation à plus grande échelle.

Concernant l'avenir des FDPTP, il s'est déclaré en accord avec les positions de l'AdCF et de l'AMF sur la prise en compte des charges et du potentiel financier des collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Fourcade a affirmé sa préférence pour une péréquation à l'échelle régionale plutôt qu'à l'échelle départementale. Deux solutions se dégagent : soit le développement et l'affinement de la notion d'établissements exceptionnels, pour l'adapter à la disparition de la taxe professionnelle, soit la mise en place d'un nouveau système de prélèvements sur les intercommunalités, la notion d'établissement exceptionnel étant abandonnée. Cette seconde solution doit être privilégiée si l'on veut éviter de compliquer davantage un système déjà peu compréhensible.

M. Charles Guené a jugé que les fonds départementaux, mis en place il y a un demi-siècle, sont obsolètes et que les départements ont finalement peu de marges de manoeuvre. Le nouveau dispositif choisi devra être radicalement différent. Les sommes devront être prélevées à l'échelon régional ou national et redistribuées aux EPCI et non aux communes. Des simulations détaillées doivent par ailleurs être effectuées sur la base du produit des nouveaux impôts avant de créer un nouveau dispositif.

M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'un dispositif de redistribution national destiné à plus de 36 000 entités serait « absurde » et qu'il faut privilégier l'échelon intercommunal.

M. Éric Doligé a critiqué les reversements aux communes « concernées » en raison des importants effets de seuil qu'ils entraînent. Ces effets pervers doivent donc être évités dans le cadre du nouveau dispositif.

M. Jean Arthuis, président, a souligné le problème des communes qui ne sont pas réellement défavorisées mais qui disposent de ressources modérées car elles souhaitent conserver des taux d'imposition locale très faibles.

M. Philippe Dallier est convenu que la nouvelle péréquation devrait se faire en fonction d'un « super potentiel financier », qui prendrait en compte l'ensemble des ressources, y compris la DGF. Les simulations fournies par Bercy restent encore sujettes à beaucoup d'interrogations. Avec de telles incertitudes, il sera difficile de mettre en place un nouveau dispositif de péréquation. Il serait préférable de faire de 2011 une nouvelle année intermédiaire et de reporter à 2012 la réforme de la péréquation locale.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que les difficultés résident notamment dans le cadre constitutionnel, qui consacre à la fois l'autonomie financière des collectivités territoriales et la péréquation.

Il apparaît plus simple de privilégier l'échelon intercommunal pour le dispositif de péréquation.

Une autre leçon des échanges précédents est que la situation doit encore se décanter ; les recettes fiscales de CVAE, de CFE et des IFER doivent être mieux connues avant de construire un nouveau dispositif, ce qui plaide pour ne pas traiter le sujet en urgence. L'année 2011 pourrait constituer une seconde année de transition et le nouveau système n'entrer en vigueur qu'en 2012.

Enfin, les débats ont révélé que les FDPTP dans leur état actuel ont vécu. L'échelon départemental semble, en particulier, ne plus correspondre aux objectifs d'une juste péréquation, de nombreux départements étant relativement homogènes dans la pauvreté ou dans la richesse.

Mme Nicole Bricq a souligné que la base fiscale des IFER est très étroite et pourra difficilement suffire à financer un dispositif de péréquation.

M. Gilles Carrez a estimé qu'un accord général se dégage pour le maintien de dispositifs de péréquation horizontale au niveau du bloc communal. La faiblesse des impôts économiques locaux impose d'étendre le périmètre de la péréquation à la région plutôt qu'au département et de recourir aux dotations de l'Etat pour l'alimenter.

M. Thierry Carcenac a jugé que le département reste le périmètre de péréquation le plus pertinent même si l'échelon régional permettra effectivement d'agréger davantage de ressources. Il convient d'élargir le socle de la péréquation locale sans toutefois la confondre avec la péréquation nationale.

M. Yves Fréville a estimé que la réforme de la péréquation nationale n'est envisageable qu'à l'horizon 2014. Si l'échelon intercommunal doit probablement être privilégié en ce qui concerne la péréquation locale, le périmètre de celle-ci pourrait varier selon les types de territoires : départemental dans certains cas et régional dans d'autres.

M. Eric Jalon a tiré des débats cinq enseignements :

- il existe un attachement partagé au dispositif de péréquation horizontale au niveau du bloc communal ;

- une convergence se dégage pour prendre en compte un critère de richesse plus large que les seuls impôts économiques, par exemple le potentiel financier ;

- le périmètre géographique des prélèvements pourrait être étendu au-delà des seuls départements ;

- en Ile-de-France, une solution spécifique est nécessaire et il paraît difficile d'y distinguer les FDPTP et le Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) ;

- enfin, la prudence impose de ne pas légiférer dans l'urgence et d'attendre de disposer des simulations nécessaires.

M. Philippe Laurent a déclaré partager largement les conclusions de M. Eric Jalon. La péréquation doit se faire entre intercommunalités et le périmètre des fonds peut être différent selon les territoires concernés.

Enfin, M. Daniel Nouaille s'est réjoui de la qualité des débats et a souhaité que l'AdCF continue à participer aux réflexions de la commission des finances.

Mercredi 31 mars 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Dette publique et comptabilités nationales - Audition de MM. Paul Champsaur, président de l'Autorité de la statistique publique, et Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à des auditions sur la prise en compte de la dette publique dans les comptabilités nationales.

Elle a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Paul Champsaur, président de l'Autorité de la statistique publique, et Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE.

M. Jean Arthuis, président, a exprimé ses interrogations sur la fiabilité des statistiques européennes en matière de finances publiques.

M. Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE, a indiqué qu'Eurostat, « clef de voûte » du système statistique européen, joue un double rôle d'impulsion et de régulation. Il est juge de l'exactitude des comptes des Etats membres. Il est actuellement très impliqué dans l'audit des finances publiques grecques.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'existence de règles communautaires harmonisées dans le domaine des finances publiques.

M. Jean-Philippe Cotis a indiqué que le règlement (CE) n° 2223/96 du conseil du 25 juin 1996 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté, dit « SEC 95 », permet aux Etats membres de disposer d'un référentiel commun. Les problèmes de la Grèce, dont les statistiques de finances publiques ont connu des révisions importantes en 2004 et en 2009, proviennent des insuffisances de sa comptabilité publique.

M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur la capacité d'Eurostat à porter un jugement pleinement informé sur la situation des finances publiques des Etats membres.

M. Jean-Philippe Cotis et M. Paul Champsaur, président de l'Autorité de la statistique publique, ont souligné que, si les experts d'Eurostat ont des conversations approfondies avec les comptables nationaux des Etats membres, ceux-ci s'appuient sur les données de la comptabilité publique, qu'Eurostat n'a pas de raison de remettre en cause si eux-mêmes n'expriment pas de doutes à leur sujet. Or, il est souvent difficile au comptable national de porter un jugement sur les données de la comptabilité publique sur lesquelles il se fonde.

M. Jean Arthuis, président, a jugé « stupéfiant » que les comptabilités publiques diffèrent d'un Etat membre à l'autre.

M. Paul Champsaur a indiqué que la qualité de la comptabilité publique dépend en particulier des pouvoirs du Parlement en matière de contrôle des comptes publics. Par ailleurs, si les comptes de l'Etat sont en général bien tenus, cela est souvent plus problématique dans le cas des autres administrations publiques, comme les administrations publiques locales : collectivités territoriales en France, Länder en Allemagne, régions en Espagne.

M. Jean-Philippe Cotis a souligné que les difficultés spécifiques de la Grèce proviennent du fait que, avant les réformes en cours, les services statistiques étaient de fait sous le contrôle du Trésor, lui-même subordonné au pouvoir politique, et n'étaient donc pas indépendants.

M. Jean Arthuis, président, a considéré que les critères d'admission dans la zone euro doivent comprendre l'existence d'un organe statistique fiable dans le pays candidat.

M. Yann Gaillard s'est demandé s'il est arrivé à Eurostat de valider des statistiques de finances publiques erronées émanant de la Grèce.

M. Jean-Philippe Cotis a indiqué que cela s'est effectivement produit en 2009.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la capacité d'un Etat membre à dissimuler réellement à ses partenaires l'état de ses finances publiques.

M. Paul Champsaur a indiqué que, lorsqu'il était directeur général de l'INSEE, les relations avec les services statistiques grecs étaient plus compliquées qu'avec ceux des autres Etats membres. Cependant, il n'était alors pas possible d'affirmer avec certitude que les statistiques grecques étaient faussées. Par ailleurs, on ne considérait pas alors la fiabilité des données transmises par cet Etat comme un sujet important.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné que la situation a changé, le manque de confiance dans les statistiques grecques pouvant avoir des conséquences pour l'ensemble de la zone euro.

M. François Rebsamen a estimé qu'Eurostat accorde une grande confiance aux Etats.

M. Jean-Philippe Cotis a souligné qu'il ne s'est posé de réel problème que dans le cas de la Grèce, et que celui-ci provient des dysfonctionnements du système grec de comptabilité publique.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé la soulte de France Télécom, qui a permis de réduire optiquement le déficit de 0,45 point de produit intérieur brut (PIB) en 1997, alors que la France voulait se « qualifier » pour l'euro, mettant ainsi en péril les relations franco-allemandes.

M. Paul Champsaur a estimé que, à cette époque, Eurostat s'est efforcé de faire en sorte que les différentes opérations soient traitées de façon identique dans les grands Etats et que, de ce point de vue, le système a bien fonctionné.

M. Jean Arthuis, président, a évoqué le recours de certains Etats, comme l'Italie, à la titrisation, pour alléger optiquement le poids de leur déficit.

M. Paul Champsaur a indiqué que les Etats utilisent deux grands procédés pour améliorer la présentation de leurs comptes : changer le périmètre considéré, et modifier la répartition temporelle des recettes ou des dépenses.

M. Jean Arthuis, président, a envisagé d'accroître le rôle des banques centrales indépendantes dans le domaine des statistiques relatives aux finances publiques.

M. Jean-Philippe Cotis a exprimé un certain scepticisme à cet égard, soulignant que, en revanche, les banques centrales jouent un rôle important dans le domaine des statistiques monétaires et financières.

M. Paul Champsaur a souligné que le rôle des banques centrales des Etats membres dans le domaine statistique est variable, celui de la banque centrale belge étant nettement plus important que celui de la Banque de France. 

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les mesures à prendre afin que les problèmes de la Grèce ne se reproduisent pas.

MM. Jean-Philippe Cotis et Paul Champsaur ont, une nouvelle fois, souligné la nécessité de disposer d'une comptabilité publique fiable. Cela implique en particulier que les organismes chargés d'élaborer les statistiques soient indépendants du pouvoir politique. M. Paul Champsaur a rappelé que, lorsqu'il était directeur général de l'INSEE, il a consacré d'importants efforts à l'amélioration des comptes de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la qualité des organismes statistiques de certains Etats susceptibles de rejoindre la zone euro.

M. Paul Champsaur a estimé que le Parlement doit être le garant de la transparence de tous les comptes publics, et du bon fonctionnement des instituts statistiques. Lors de la récession de 1993, alors que la publication de certains chiffres pouvait être politiquement délicate, l'INSEE a fait l'objet de pressions, auxquelles il n'a pas cédé.

M. François Rebsamen s'est demandé dans quelle mesure il est possible de faire pression sur un institut statistique, par exemple en réduisant ses effectifs. 

M. Paul Champsaur a jugé que cela est théoriquement possible bien que, à sa connaissance, cela ne se soit pas produit. Par ailleurs, des gains de productivité considérables ont été réalisés dans le domaine statistique, grâce à l'informatique.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la possibilité pour les instituts statistiques de calculer des provisions, en particulier en ce qui concerne les futures retraites des fonctionnaires.

M. Paul Champsaur a rappelé qu'il n'existe pas d'obligation de constituer ce type de dotation et considéré que le calcul de provisions, qui exige d'émettre certaines hypothèses, relève plus du domaine des études que de celui de la statistique.

M. Jean-Philippe Cotis a souligné que, si le rapport de la commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, remis en 2008 au Président de la République par MM. Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi, recommande d'améliorer les mesures chiffrées relatives aux conditions environnementales, il juge excessivement difficile d'attribuer à l'environnement naturel une valeur monétaire.

M. Jean Arthuis, président, a fait part de l'intention de la commission de réfléchir à la manière d'améliorer les statistiques du commerce international. Elle appréciera le concours de l'INSEE en ce domaine.

Dette publique et comptabilités nationales - Audition de M. Benoît Coeuré, économiste en chef, directeur général adjoint de la direction générale du Trésor

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Benoît Coeuré, économiste en chef, directeur général adjoint de la direction générale du Trésor.

M. Jean Arthuis, président, a demandé des précisions sur les conséquences de la crise grecque sur l'évolution du rôle d'Eurostat et la mise en oeuvre du principe d'indépendance des autorités statistiques nationales.

M. Benoît Coeuré, économiste en chef, directeur général adjoint de la direction générale du Trésor, a souligné le caractère encore récent de l'Union économique et monétaire (UEM). Parmi les leçons à tirer de la situation des finances publiques grecques, il convient de retenir la mise en pratique imparfaite des règles communautaires. Dès 2004, Eurostat avait déjà demandé à la Grèce une révision de ses comptes et une réforme de l'autorité statistique. Le renforcement du pouvoir d'inspection et la demande de rapports annuels par Eurostat depuis 2009 sont la conséquence d'un durcissement de la jurisprudence européenne, notamment en matière de titrisation et de partenariat public-privé. En effet, la titrisation de créances de sécurité sociale n'est plus possible aujourd'hui. Pour autant, le procédé qui consiste pour un Etat à céder à une banque des droits sur des recettes futures peut présenter un intérêt économique, dans la mesure où il permet de disposer de ressources immédiates. Certains pays ont procédé de la sorte pour rendre liquides des recettes futures de loterie et d'impôts sur le revenu. Dans ce dernier cas, il s'agissait aussi pour l'administration fiscale belge d'améliorer le taux de collecte de l'impôt.

M. Jean Arthuis, président, a mis en lumière le danger que de telles pratiques conduisent à réduire artificiellement le montant de la dette publique, estimant que le recours à la titrisation devrait suggérer que l'on entre dans une « période suspecte », annonciatrice d'une crise de la dette souveraine.

M. Benoît Coeuré a considéré que les nouvelles règles statistiques, mises en place par Eurostat, limitent ce risque, citant l'INSEE qui a réintégré dans le montant de la dette publique les partenariats public-privé conclus en France pour la construction d'établissements pénitentiaires. La direction générale du Trésor estime que, dans certains cas, ces opérations financières peuvent présenter un intérêt économique, à condition qu'elles soient neutres sur le plan comptable et ne contribuent pas à diminuer optiquement la dette.

Il a souligné que la crise grecque révèle davantage un problème de gouvernance que de réglementation car, dès avant la crise, Eurostat avait procédé à plusieurs reprises à des « visites méthodologiques » auprès de l'institut de statistiques et du Trésor grecs. Estimant qu'il n'est pas du ressort de l'Europe de procéder à la certification de l'ensemble des comptes des pays ressortissants de l'Eurogroupe, il a appelé de ses voeux l'adoption rapide de la proposition de révision du règlement européen du 1er avril 2009 relatif à la statistique afin d'élargir le champ de compétences d'Eurostat aux comptes des administrations locales.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui s'est interrogé sur l'utilité d'élargir le contrôle de l'institut européen de statistiques aux prévisions de croissance présentées par les Etats membres, M. Benoît Coeuré a fait valoir que le travail de prévision relève du domaine des études économiques et non de la certification de comptes constatés. C'est ainsi que la notification des comptes certifiés de l'année précédente est de la responsabilité de l'INSEE alors que la présentation des comptes de l'année en cours est produite par la direction générale du Trésor.

Mme Nicole Bricq a fait remarquer que l'INSEE émet également des prévisions sur des hypothèses de croissance.

M. Benoît Coeuré a reconnu qu'un dialogue s'instaure entre ses services et ceux de l'INSEE mais que leurs prévisions respectives sont établies de manière indépendante. Il convient de distinguer les comptes certifiés par l'INSEE, qui sont audités par Eurostat, des prévisions présentées par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui sont examinées par la Commission européenne.

Revenant sur la situation de la France, jugée très favorable par les marchés financiers en raison de la qualité de sa signature, il a précisé que la direction générale du Trésor déconseille toute mise en oeuvre d'outils de titrisation. Il a admis que la soulte de France Telecom a pu être considérée, à l'époque, à juste titre, comme un « artifice comptable » et précisé qu'une telle opération ne pourrait plus se reproduire aujourd'hui.

M. Jean Arthuis, président, a estimé nécessaire de garantir l'indépendance de la statistique vis-à-vis du pouvoir politique et a souhaité savoir si un travail de normalisation des comptes publics de l'Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales est actuellement en cours.

M. Benoît Coeuré a souligné que l'article 144 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, portant création de l'Autorité de la statistique publique, a constitué de ce point de vue un progrès notable. Le rattachement organique de l'INSEE au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi n'est pas un obstacle à la sincérité, à l'indépendance et à la souveraineté de ses décisions.

En réponse à Mme Nicole Bricq qui s'est interrogée sur les conséquences des mesures prises par l'INSEE pour réintroduire certaines dépenses dans la dette publique, il a indiqué que la direction générale du Trésor prend acte des décisions souveraines de l'institut et les applique.

MM. Jean Arthuis, président, et Edmond Hervé ont fait observer que les partenariats publics-privés conclus pour la construction de gendarmeries ou d'hôpitaux devraient être comptabilisés dans la dette publique dès lors que l'INSEE a décidé d'y introduire les opérations sur les établissements pénitentiaires.

Revenant sur l'harmonisation des méthodes de travail des instituts statistiques nationaux, M. Benoît Coeuré a indiqué que l'INSEE respecte le système européen de comptes qui, lui-même, est la déclinaison du manuel de comptabilité nationale de l'Organisation des Nations-Unies. En revanche, il a mis en lumière l'absence de comptabilité patrimoniale au niveau européen, la France étant le seul pays à disposer d'un instrument de mesure de la dette financière de l'Etat ainsi que des éléments d'actif et de passif.

Mme Nicole Bricq a souhaité savoir si le mauvais exemple grec a incité Eurostat à approfondir ses investigations sur d'autres pays à risque.

M. Benoît Coeuré a insisté sur la distinction qui doit être opérée entre l'optimisation comptable, qui n'est pas forcément litigieuse, et les pratiques qui remettent en cause la sincérité des comptes, telles les modifications apportées aux comptes, l'absence d'indépendance des statisticiens et les problèmes de gouvernance constatés en Grèce. Il a jugé positive l'entrée d'un représentant d'Eurostat au conseil de surveillance de l'Institut grec de la statistique.

M. Jean Arthuis, président, a jugé nécessaire de s'assurer de la qualité et de l'indépendance des statistiques produites par les pays candidats avant d'accueillir de nouveaux membres dans l'Eurogroupe.

M. Benoît Coeuré a fait état d'un durcissement de la jurisprudence d'Eurostat, notamment dans l'utilisation des produits dérivés par les Etats tels que les échanges de devises. Il s'agit de parer à certaines pratiques « originales » mais répréhensibles, comme celle qui a consisté pour la Grèce à procéder à une conversion en euros de ses contrats militaires libellés en dollars à un taux différent du cours du marché, ce qui a eu pour effet de produire une recette immédiate de trésorerie, sous forme de soulte, aggravant économiquement la dette publique.

En réponse à M. Philippe Adnot qui s'est interrogé sur la nature des crédits non consomptibles du « grand emprunt », M. Benoît Coeuré a indiqué qu'il s'agit de fonds attribués aux opérateurs, mais conservés dans le compte unique du Trésor. Ces sommes ne seront décaissées que dans le cadre des décisions mises en oeuvre par le commissaire général à l'investissement. Il s'agit d'opérations financières qui n'impactent pas le déficit « maastrichtien ».

En réponse à Mme Nicole Bricq qui s'est interrogée sur la répartition et le fléchage des fonds destinés à la construction des grandes infrastructures, M. Benoît Coeuré a précisé que l'affectation budgétaire des crédits est différente de l'affectation financière. En ce qui concerne cette dernière, le financement du grand emprunt est assuré, pour 13 milliards d'euros, par le remboursement par les banques des fonds qui leur ont été prêtés, et pour les 22 milliards d'euros restants, par 9 milliards d'euros d'excédents du compte du Trésor au 31 décembre 2009 et 13 milliards d'euros émis sur les marchés financiers au moyen d'obligations assimilables du Trésor.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a indiqué que l'indépendance d'Eurostat par rapport à la Commission européenne n'est pas mise en cause par la tutelle administrative exercée par celle-ci, mais dépend avant tout des garanties apportées à la souveraineté de ses décisions. A cet égard, il a estimé transposable au niveau européen le dispositif français qui repose sur la présence conjointe d'une autorité de la statistique, qui a la qualité d'autorité administrative indépendante, et de l'INSEE, qui est une direction relevant du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

S'agissant de l'intervention de la banque centrale dans l'examen de la sincérité des comptes publics des Etats membres, M. Benoît Coeuré n'a pas jugé pertinente l'implication d'une institution monétaire dans le processus budgétaire qui relève des autorités politiques.

Dette publique et comptabilité nationale - Audition de M. Gallo Gueye, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat

Puis la commission a entendu M. Gallo Gueye, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître l'analyse d'Eurostat sur la crise grecque, notamment sur le constat selon lequel cet Etat membre a délibérément transmis à la Commission des données erronées sur sa situation budgétaire.

M. Gallo Gueye, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat, a rappelé qu'Eurostat intervient, dans le cadre de la procédure de déficit excessif, en application du règlement 479 du Conseil. La Commission européenne utilise des données transmises par les Etats membres, qu'elle assortit, le cas échéant, de réserves ou de corrections. En pratique, les Etats membres doivent transmettre deux fois par an à Eurostat leurs prévisions de déficit et de dette pour l'année en cours, ainsi que les chiffres du déficit et de la dette constatés l'année précédente et pour les trois années antérieures. Eurostat se consacre à ces données ex post, et procède à des vérifications sur pièces. L'office produit ensuite des communiqués de presse qui peuvent comporter des réserves, et peut redresser certains chiffres transmis par les Etats. Les Etats membres ont également l'obligation de transmettre un inventaire de leurs sources et méthodes statistiques. Eurostat mène des missions de dialogue pour mieux comprendre ces données et, si des difficultés surgissent, l'office procède à des visites méthodologiques. Ces visites ne consistent pas à contrôler l'exactitude des documents de comptabilité publique, ce dont Eurostat n'a pas le pouvoir, mais uniquement à vérifier la qualité du traitement statistique qui est fait de ces documents pour produire les données de comptabilité nationale.

A la demande de M. Jean Arthuis, président, M. Gallo Gueye a précisé qu'il existe une Cour des comptes en Grèce, mais que son organisation ne repose pas sur un maillage territorial aussi étoffé que celui des chambres régionales des comptes en France. Par ailleurs, l'application du principe de subsidiarité emporte pour conséquence que chaque Etat membre est responsable de la certification de ses propres comptes.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la connaissance qu'avait Eurostat des pratiques grecques.

M. Gallo Gueye a rappelé que le rapport de la Commission a identifié un problème d'intégrité et d'indépendance des instituts statistiques grecques. Cela recouvre des problèmes méthodologiques, un manque de coopération entre les institutions chargées de produire ces statistiques et une identification insuffisante des responsabilités respectives desdites institutions. Ces éléments favorisent la manipulation des données. Eurostat connaissait ces manquements depuis 2004 et une procédure d'infraction avait été lancée contre la Grèce, en raison de certaines pratiques de sous-estimation des dettes. Ces pratiques, intéressant notamment les hôpitaux, consistaient à transférer de la dette vers des opérateurs non compris dans le champ des administrations publiques au sens du traité de Maastricht. Elles ont porté sur environ 710 millions d'euros. Un suivi a donc été opéré et, en 2007, la Commission a considéré que la Grèce avait apporté des garanties suffisantes pour que la procédure d'infraction soit close.

Cela ne signifie pas que les comptes grecs étaient exempts de toute défaillance. En 2010, une nouvelle procédure a été lancée contre cet Etat, portant à la fois sur la méthodologie, l'intégrité et l'indépendance des statistiques. Dans le prolongement de cette procédure, la Grèce a adopté le 4 mars 2010 une loi créant un nouvel institut statistique désormais indépendant du ministère des finances et rendant compte au Parlement.

Les révisions des statistiques grecques intervenues en 2004 et 2009 résultent, par exemple, du fait que les subventions européennes ont été enregistrées comme des recettes de l'Etat grec, mais que leurs versements aux bénéficiaires finals ont été comptabilisés en prêts et non en dépenses.

M. Gallo Gueye a souligné que le travail d'Eurostat repose sur une collaboration avec les opérateurs statistiques européens. Il est inévitable que des pratiques de contournement ou d'amélioration de la présentation des comptes se développent. Il existe néanmoins un comité des statistiques monétaires, financières et de la balance des paiements (CMFB) qui regroupe les statisticiens des instituts nationaux et des banques centrales. Il est consulté sur les cas les plus complexes.

M. Jean Arthuis, président, a dénoncé le caractère manifestement frauduleux de ces pratiques.

M. Pierre Bernard-Reymond s'est interrogé sur le rôle de la Cour des comptes européenne en la matière.

M. Gallo Gueye a rappelé que la Cour n'a pas vocation à intervenir directement dans le cadre de la procédure de déficit excessif et M. Jean Arthuis, président, a précisé que son rôle consiste à contrôler le bon emploi des fonds communautaires.

Mme Nicole Bricq s'est demandé de quels pouvoirs supplémentaires Eurostat devrait disposer pour mieux remplir ses missions et si d'autres Etats membres sont susceptibles de connaître les mêmes difficultés que la Grèce.

M. Gallo Gueye a estimé que le cas grec est très spécifique, en raison de l'ampleur et de la fréquence des révisions opérées sur les statistiques de ce pays. Eurostat n'a pas connaissance de cas similaires ailleurs en Europe. Il est impossible d'empêcher un pays de réviser ses comptes de façon substantielle, mais on peut prévenir ces révisions et minimiser leur impact en édictant des principes généraux et en demandant aux Etats membres de communiquer très précocément au Conseil Ecofin les révisions envisagées.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité obtenir quelques exemples de la « créativité comptable » telle qu'elle est pratiquée par certains Etats membres et s'est interrogé sur l'état de mise en oeuvre des comptabilités patrimoniales au sein de l'Union européenne.

M. Gallo Gueye a cité des exemples de titrisations de recettes fiscales futures, toutefois circonscrites depuis qu'Eurostat a décidé de les comptabiliser en opérations financières. De même, les échanges de devises (swaps) permettent de diminuer la dette. On peut également comptabiliser les recettes fiscales en droits constatés plutôt qu'en comptabilité de caisse, ce qui permet de jouer sur les montants. L'ensemble de ces questions ont été traitées dans le cadre du CMFB (Comité des statistiques monétaires, financières et de la balance des paiements), mais il existera toujours des montages.

Eurostat aimerait pouvoir mieux contrôler les comptabilités publiques dans le cadre de ses visites méthodologiques. Il serait opportun de contraindre les Etats membres à mettre à disposition d'Eurostat des comptables nationaux dans le cadre de ces visites. De même, les Etats membres ne devraient pas pouvoir s'opposer à ce que leurs comptes soient vérifiés par Eurostat avec le concours de comptables d'autres Etats membres.

M. Pierre Bernard-Reymond s'est interrogé sur la façon dont sont traitées les différences de doctrines comptables entre Etats membres.

M. Gallo Gueye a indiqué que les Etats membres peuvent saisir Eurostat en amont d'une opération qu'ils souhaitent réaliser, afin de savoir quel sera son traitement statistique. Sur les questions les plus complexes, telles que le recours aux swaps ou le classement de certaines activités en activités marchandes ou non marchandes, une procédure de consultation du CMFB est prévue par la réglementation européenne. Sur la base des conseils prodigués par le comité, Eurostat prend ensuite une décision qui a valeur de règle. Le système européen de comptes (SEC 95) est en cours de révision et l'intégralité des règles et jurisprudences existantes y seront consolidées.

En réponse aux remarques de M. Jean Arthuis, président, qui s'étonnait du caractère policé et en définitive peu opérant des remontrances adressées à la Grèce par la Commission, M. Edmond Hervé a fait observer qu'il s'agit là d'une constante du langage diplomatique.

M. Gallo Gueye a toutefois fait valoir que la Grèce a reçu des instructions fortes et que le Conseil européen des 25 et 26 mars 2010 a affirmé la nécessité d'accroître les pouvoirs de la Commission dans le suivi des comptes des Etats membres.

Mme Nicole Bricq a objecté que tous les Etats membres ne souscriront pas nécessairement à l'élargissement des prérogatives de la Commission.

M. Jean Arthuis, président, a cité l'exemple de la sous-estimation des dépenses d'équipement militaire grecques, prétendument motivée par des impératifs de confidentialité, avant de s'interroger sur l'existence de telles pratiques en France.

M. Gallo Gueye a salué l'excellence des relations d'Eurostat avec l'INSEE, dont l'expertise est reconnue au niveau international. La coopération et l'amélioration des statistiques est d'intérêt général pour l'Union. Un plan d'action est prévu pour aider la Grèce à fiabiliser ses données.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui a souhaité savoir si Eurostat est consulté dans le processus d'adhésion de la Croatie, M. Gallo Gueye a confirmé que les chapitres de négociation incluent une adaptation des procédures et données statistiques sur laquelle Eurostat donne son avis.

A la demande de M. Jean Arthuis, président, M. Gallo Gueye a ensuite précisé que le statut de la Société de financement de l'économie française (SFEF) a été examiné par Eurostat et une consultation du CMFB a été menée. Eurostat a ensuite décidé que la SFEF devait être exclue du champ des administrations publiques, compte tenu des caractéristiques de son activité et des modalités de son contrôle. S'agissant plus généralement des pratiques en matière d'engagements hors-bilan, un durcissement des règles européennes est aujourd'hui envisagé.

Il a ensuite décrit l'organisation administrative d'Eurostat, qui emploie entre 800 et 1 000 agents, dont 15 sont affectés à l'unité de contrôle de la procédure de déficit excessif et 10 supervisent la qualité des statistiques gouvernementales. L'agence ne dispose plus de correspondants nationaux et collabore directement avec ses homologues dans chaque Etat membre.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que le nombre d'agents chargés de suivre les comptes nationaux est très faible et que les moyens d'Eurostat ne sont pas à la hauteur des ambitions du pacte de stabilité et de croissance.

M. Gallo Gueye a souscrit à la nécessité de disposer d'effectifs supplémentaires en faveur de ces missions et a précisé qu'une équipe de cinquante personnes serait mieux dimensionnée. Les redéploiements sont toutefois malaisés à opérer, car le suivi des comptes nationaux requiert des compétences techniques de très haut niveau.

A la demande de M. Pierre Bernard-Reymond, M. Gallo Gueye a précisé que les dettes des systèmes de pension sans constitution de réserve sont exclues des comptes nationaux et aussi de la dette « maastrichtienne ». Une information complémentaire est toutefois délivrée sur ces engagements hors bilan.

Enfin, la commission a autorisé la publication, sous la forme d'un rapport d'information, des travaux de M. Jean Arthuis, président, sur la prise en compte de la dette publique dans les comptabilités nationales.

Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF) - Atelier de travail

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a organisé un atelier de travail sur l'évolution du fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF), à la suite de la réforme de la taxe professionnelle, auquel ont participé MM. Jean-Pierre Chauvel, chargé d'étude à l'institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France (IAURIF), Jean-Christophe Moraud, directeur adjoint au directeur général des collectivités locales (DGCL), Philippe Laurent, maire de Sceaux, président de la commission des finances de l'association des maires de France (AMF) et président de la commission des finances locales de l'association des maires de l'Ile-de-France (AMIF), et Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris en charge de Paris Métropole et des relations avec les collectivités territoriales d'Ile-de-France.

Alors que la commission a traité précédemment des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), M. Jean Arthuis, président, a précisé que l'objet de cette nouvelle réunion porte sur l'avenir du second instrument de péréquation horizontale existant, impacté très fortement par la réforme de la taxe professionnelle, le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF).

Il a rappelé à titre liminaire quelques données concernant cet outil de péréquation qui est le seul exemple de système de péréquation horizontale de niveau régional.

Le FSRIF, créé en 1991, représentait, en 2009, 185 millions d'euros. Son alimentation repose sur deux prélèvements. Le premier s'applique à toute commune dont le potentiel financier par habitant est supérieur d'au moins 25 % au potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes de la région d'Ile-de-France; le second, créé en 1999, s'applique aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle de zone (EPCI à TPZ) et, depuis 2009, aux EPCI à taxe professionnelle unique (TPU) dont les bases de taxe professionnelle par habitant sont supérieures respectivement à 3 fois, 3,5 fois et 2,5 fois la moyenne des bases de TP par habitant constatée au niveau national.

M. Jean Arthuis, président, a présenté les règles de calcul des prélèvements ainsi que les dérogations et systèmes de plafonnements applicables. Les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou au FSRIF sont déclarées non contributrices et il existe un plafonnement de la contribution calculé en pourcentage des dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice (soit 5 % des dépenses pour le premier prélèvement, et 10 % pour le second).

Les communes bénéficiaires sont déterminées en application d'un mécanisme d'indice synthétique de ressources et de charges qui fait intervenir quatre critères : le potentiel financier, le nombre de logements sociaux, les effectifs de bénéficiaires d'aides au logement et le revenu par habitant.

Il a rappelé que la réforme de la taxe professionnelle n'impacte pas directement le fonctionnement du FSRIF en 2010 et que la commission des finances a introduit dans la dernière loi de finances le principe selon lequel, en 2011, les ressources et les versements du FSRIF seront d'un montant au moins égal aux montants redistribués en 2010.

Toutefois, la réforme de la taxe professionnelle a eu pour conséquence de modifier fondamentalement la notion de potentiel financier comme elle a aussi supprimé de facto les bases de calcul des versements au titre du second prélèvement alimentant le FSRIF.

Il convient, en conséquence :

- de redéfinir la notion de « potentiel financier » qui sert de critère, d'une part, pour le calcul de la contribution des communes et EPCI et, d'autre part, pour le calcul des versements ;

- et de remplacer les références aux bases de taxe professionnelle en assurant un produit au moins égal au produit actuel.

M. Jean Arthuis, président, s'est enfin interrogé sur l'opportunité d'aller au-delà d'un ajustement des bases de référence, et d'envisager l'unification des règles applicables aux communes et aux EPCI et la suppression de la dualité du prélèvement.

M. Jean-Pierre Chauvel, chargé d'étude à l'institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France (IAURIF), a présenté des indications chiffrées sur les inégalités entre les territoires de l'Ile-de-France.

Le potentiel financier par habitant varie de 1 à 70 soit un écart considérable. Les plus riches des collectivités se situent dans les environs de l'aéroport de Roissy.

Mme Nicole Bricq a précisé qu'il s'agit de petites communes à très fort produit fiscal et réticentes à partager leur richesse, qui ne sont pas représentatives de la généralité des communes du département dont elles font partie.

Poursuivant sa présentation, M. Jean-Pierre Chauvel a indiqué :

- que le potentiel financier par habitant s'établit entre 20 500 euros et 297 euros, la dispersion des écarts étant présente surtout dans la catégorie des communes les plus riches ;

- que la taxe professionnelle explique 75 % de ces disparités et le cumul taxe professionnelle et taxe sur le foncier bâti lié à l'activité économique, 90 % des disparités ;

- qu'en région Ile-de-France, le potentiel financier représente 15 milliards d'euros, la dotation forfaitaire 3,8 milliards d'euros et l'ensemble des dotations de péréquation seulement 4 % du potentiel financier, ce qui illustre l'importance très modérée des dotations de l'Etat par rapport à la richesse fiscale.

Comparant ensuite les dix communes les plus pauvres aux dix communes les plus riches, il a observé la réalité du fonctionnement des mécanismes de péréquation. Ainsi, le FSRIF donne 55 euros par habitant dans les communes les plus pauvres et prend 100 euros par habitant dans les plus riches. De même, dans de moindres proportions, la dotation forfaitaire s'élève à 159 euros par habitant dans les communes « riches » et à 219 euros par habitant dans les communes « pauvres ». Ces résultats sont toutefois écrasés par l'écart de richesse fiscale qui atteint 1 491 euros par habitant et qui doit, de surcroît, être compensé dans les communes « pauvres » par une augmentation de la fiscalité et un moindre service rendu aux habitants.

Ainsi, pour un revenu allant du simple au double, la pression fiscale est supérieure de 60 % dans les communes les plus pauvres alors que les dépenses courantes par habitant sont supérieures de 70 % dans les communes « riches ».

Puis M. Jean-Pierre Chauvel a évoqué les spécificités de la région Ile-de-France qui a depuis longtemps bénéficié de mécanismes de péréquation particuliers. Cette situation est rendue possible par un nombre suffisant de communes qui se situent au dessus de la moyenne régionale.

Il a enfin souligné qu'un plafonnement des prélèvements sur les communes contributrices avait été mis en place dès l'origine et qu'il représentait en 2009 des sommes très importantes, soit 37 millions d'euros pour le premier prélèvement et 49,6 millions d'euros pour le second, qui échappent ainsi au circuit de la péréquation.

M. Philippe Laurent, maire de Sceaux et président de la commission des finances locales de l'Association des Maires de l'Ile-de-France (AMIF), a jugé que, en dépit des critiques sur son faible impact, le mécanisme du FSRIF est un bon système parce qu'il prend en compte le potentiel financier. Il s'est déclaré favorable à un élargissement maximal de cette notion qui doit désormais intégrer l'ensemble de la fiscalité, la dotation forfaitaire et les dotations du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Les limites du FSRIF tiennent aux effets de seuil qui conduisent certaines collectivités à entrer et sortir du dispositif d'une année sur l'autre. La solution à ces difficultés réside dans la suppression des critères d'éligibilité. Le nouveau FSRIF doit être un fonds de péréquation auquel toutes les communes contribuent et dont toutes les communes sont bénéficiaires. Cette ouverture doit permettre également d'augmenter les ressources du fonds.

M. Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris en charge de Paris Métropole et des relations avec les collectivités territoriales d'Ile-de-France, a rappelé que la réflexion sur la péréquation doit prendre en compte le débat sur l'avenir de la région Ile-de-France et le fait métropolitain. Paris est déjà le principal contributeur au FSRIF avec 100 millions d'euros sur un total de 180 millions d'euros mais reste néanmoins ouvert à une évolution vers une nouvelle solidarité financière. Il convient toutefois de mesurer également les autres contributions, comme celle consentie pour le syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) qui représente une charge de 370 millions d'euros pour Paris et dont les bases de calcul n'ont pas évolué depuis 1977.

M. Jean-Christophe Moraud, directeur adjoint au directeur général des collectivités locales, a reconnu le caractère historique des clés de contribution au STIF alors que la répartition de la richesse a connu de fortes évolutions.

M M. Philippe Dallier et Jean-Jacques Jégou ont estimé que la contribution au STIF relève d'une logique différente de celle d'un fonds de péréquation.

M. Jean-Christophe Moraud a énuméré les trois mécanismes de péréquation en Ile-de-France, dont ne fait pas partie le STIF malgré son rôle redistributif : le FSRIF, les FDPTP, au nombre de cinq pour huit départements, et les fonds des nuisances aéroportuaires d'Orly et de Roissy.

M. Jean Arthuis, président, s'est étonné de l'existence de FDPTP dans la région Ile-de-France.

M. Jean-Christophe Moraud a précisé que les FDPTP en région Ile-de-France fonctionnent dans les conditions de droit commun mais ne concernent qu'une quarantaine d'établissements. Il a noté qu'il n'existe aucun établissement exceptionnel, selon l'acception utilisée pour ces fonds, dans le quartier de la Défense.

M. Philippe Laurent a expliqué que le caractère « exceptionnel » ne pourrait s'appliquer qu'à un établissement très important située dans une petite commune. Il a également souligné l'importance en Ile-de-France de la DSU, dont le financement est assuré par l'ensemble du territoire national. Il a regretté qu'actuellement les communes percevant la DSU soient exonérées, par principe, de contribution au FSRIF même si elles répondent aux critères des communes contributrices.

M. Philippe Dallier a observé que certaines communes pouvaient percevoir la DSU et ne pas bénéficier du FSRIF.

M. Jean-Christophe Moraud a précisé qu'initialement les critères d'attribution de la DSU et du FSRIF étaient identiques. Il est revenu sur les singularités de la région Ile-de-France en termes de concentration de la richesse et de contrastes entre richesse et pauvreté. A un tel degré, cette particularité n'a pas d'équivalent en Europe. Il en résulte l'obligation de définir des seuils spécifiques à l'Ile-de-France, opération plus difficile que de définir la nouvelle notion de potentiel financier.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la cartographie de l'intercommunalité en Ile-de-France.

M. Philippe Laurent a indiqué qu'il existe 1 300 communes franciliennes. Les EPCI regroupent environ 50 % des communes mais essentiellement en grande couronne. Le phénomène d'intercommunalité est plus récent qu'en province. Il se caractérise par l'absence de villes centres et par le fait qu'il ne gomme pas les écarts de richesse du fait du manque de pertinence des périmètres.

M. Philippe Dallier a évoqué la coupure entre le nord-est et le sud-ouest de la région. Compte tenu des déséquilibres existants, l'intercommunalité n'est pas, dans cette région, un élément de péréquation. Jugeant que le FSRIF est un très bon dispositif qu'il faut abonder en conséquence, il a soulevé la question des écarts entre les charges supportées par les collectivités territoriales.

M. Jean-Jacques Jégou a regretté les effets pervers de la loi de 1999 sur l'intercommunalité en Ile-de-France. Les communes « riches » de la région ont souvent profité des augmentations de dotation obtenues en s'associant à une commune « pauvre ». Le mécanisme de l'intercommunalité, courant en province, où la ville centre fait bénéficier de ses équipements l'ensemble des communes de l'EPCI, n'existe pas en Ile-de-France.

M. Philippe Laurent a observé que les préfets n'ont pas joué leur rôle de gardien de la cohérence dans la définition des périmètres de l'intercommunalité, par défaut d'autorité face à des maires très puissants.

M. Edmond Hervé s'est interrogé sur le périmètre pertinent pour la péréquation en région Ile-de-France.

M. Philippe Dallier a écarté l'intercommunalité et, compte tenu des trop grands écarts de richesse et de l'absence de moyens de certains, le département. A l'évidence, la région est le meilleur périmètre pour la péréquation.

M. Pierre Mansat s'est déclaré du même avis. Il a plaidé pour l'introduction d'un critère global de richesse des habitants dans la nouvelle définition du potentiel financier.

M. Edmond Hervé évoquant la situation de la région Bretagne où 95 % des communes sont en intercommunalité, a souhaité connaître la raison du blocage de la coopération intercommunale en Ile-de-France.

M. Jean-Jacques Jégou a cité l'absence de ville centre et aussi de centre ville. Il a qualifié certaines intercommunalités d'associations constituées dans le seul but de capter la richesse disponible.

M. Edmond Hervé a estimé que, au-delà de la péréquation, la solidarité s'exprime aussi par la mise en oeuvre de politiques communes, notamment pour le logement et les transports. Il a cité les aides attribuées par certaines communautés d'agglomération pour l'acquisition de logements.

M. Philippe Laurent a distingué la péréquation de la mutualisation des ressources. Si la péréquation doit permettre à tous de survivre, la mutualisation relève d'une politique d'aménagement du territoire. Or celle-ci nécessite une autorité politique qui n'existe pas au niveau de l'agglomération parisienne.

M. Pierre Mansat a estimé que le STIF est un exemple de mutualisation réussie, malgré quelques problèmes dans la fixation des priorités. Cette réussite est d'autant plus méritoire que l'Etat n'a restitué le contrôle de cette structure aux collectivités territoriales qu'en 2006, après quarante années de sous-investissement dans les infrastructures. Il a de nouveau souhaité une révision des critères de contribution, prenant acte que désormais, le tiers de la population parisienne travaille en dehors des limites de Paris. Il a considéré que, en matière de logement, la mutualisation était nulle en Ile-de-France.

M. Philippe Dallier a jugé de la même façon l'absence de politique du logement dans la région. Il en a attribué la responsabilité à l'Etat qui profite de cette situation et aux collectivités territoriales qui n'ont pas voulu s'organiser. Il a souligné que l'octroi d'aides à l'accession à la propriété est hors de portée des collectivités « pauvres » d'Ile-de-France.

M. Charles Guené a reconnu que l'intercommunalité n'est pas le périmètre pertinent en Ile-de-France. Il a considéré qu'il serait souhaitable de doubler ou tripler les ressources du FSRIF. Il s'est interrogé sur l'opportunité d'une suppression des FDPTP en Ile-de-France. Il a estimé très intéressant le principe de taux progressifs pour le calcul des contributions.

M. Bernard Angels a retenu la région comme le niveau pertinent de la péréquation en Ile-de-France. Estimant impossible de procéder aux bouleversements souhaitables des mécanismes actuels dans des délais brefs, il a jugé préférable de trouver une solution d'attente pour 2011. Il s'est déclaré favorable aussi à une révision des critères de répartition.

M. Philippe Dallier s'est dit préoccupé par les effets de la réforme de la taxe professionnelle qui a déplacé les bases d'imposition et transfèrera encore plus de richesse vers l'ouest de la région.

M. Jean-Jacques Jégou a évoqué les conséquences de la réduction de l'assiette par les contributeurs qui ont utilisé les effets de la création des intercommunalités.

M. Jean Arthuis, président, a noté qu'un consensus semble se dessiner en faveur de l'application à toutes les communes et intercommunalités d'un prélèvement sur la base du potentiel financier élargi.

M. Jean-Christophe Moraud a estimé que l'unification du prélèvement sur la base de la capacité contributrice et l'élargissement des contributeurs constituent une piste intéressante. Il a attiré l'attention sur la nécessité de maintenir des règles de plafonnement compte tenu de la jurisprudence établie par le Conseil constitutionnel en 1991.

M. Bernard Angels a évoqué les conséquences de l'achèvement de la carte de l'intercommunalité prévue dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales.

M. Philippe Dallier a suggéré que le prélèvement s'effectue sur la commune dans le cas de communes isolées ou sur l'intercommunalité.

M. Jean-Christophe Moraud a estimé indispensable de prévoir un critère particulier permettant de prendre en compte les contrastes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), en sus des écarts de potentiel financier. La valeur ajoutée se caractérise par une concentration géographique plus forte que la taxe professionnelle et une évolutivité supérieure.

M. Philippe Laurent a estimé que la prise en compte des impôts sur les ménages dans le potentiel financier est équitable. Il a souligné également les écarts très importants liés aux valeurs locatives.

M. Philippe Dallier a souhaité que la nouvelle définition du potentiel financier intègre les droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la possibilité de prélever directement au profit du FSRIF, une part des 26,5 % de CVAE perçus par le bloc communal dans la région Ile-de-France. Il a interrogé les participants sur l'opportunité d'une modification des critères de redistribution du FSRIF.

M. Jean-Christophe Moraud a considéré que les critères actuels ne sont pas contestés.

M. Philippe Dallier a jugé au contraire particulièrement sensible la question des critères de redistribution, rappelant l'échec de la réforme de la DSU qui visait à donner un poids plus important au critère du revenu par habitant.

M. Jean-Christophe Moraud est convenu que si la typologie des critères ne donne pas lieu à contestation, leur pondération est discutée.

M. Jean Arthuis, président, a noté un accord de principe pour l'unification des deux prélèvements applicables aux communes isolées ou aux intercommunalités et pour un calcul des contributions sur la base, d'une part, du potentiel financier élargi, intégrant les DMTO, la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER) et les dotations y compris les versements des FDPTP, et, d'autre part, d'un critère propre à la CVAE.

Mme Nicole Bricq a souligné que les questions des FDPTP et du FSRIF sont liées.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les délais dans lesquels devront être adoptées les dispositions législatives réformant le FSRIF.

M. Jean-Pierre Chauvel a indiqué que si des délais supplémentaires peuvent se justifier, il est indispensable de maintenir une certaine tension pour préserver l'avenir des instruments de péréquation.

M. Jean-Jacques Jégou a regretté que les problèmes de l'Ile-de-France soient méconnus du Parlement. Il a mis en garde contre les tentations de certains contributeurs de profiter des retards dans la mise en oeuvre de la réforme du FSRIF.

M. Jean-Christophe Moraud a estimé que 2011 sera une année de transition, alors que la plate forme de simulation ne sera opérationnelle qu'à compter de septembre 2010. Pour 2012, le schéma-cible d'un FSRIF et de FDPTP fusionnés à hauteur de 330 millions d'euros au total est envisageable. Ce montant serait porté progressivement à 500 millions d'euros en quatre ans, grâce à l'accroissement de la CVAE. Le mécanisme à mettre en place reposerait sur un prélèvement unique applicable aux communes et EPCI sur la base d'un potentiel financier actualisé. L'élargissement des contributeurs rendrait le FSRIF moins vulnérable, alors qu'aujourd'hui Paris et les six communes premières contributrices représentent 150 millions d'euros sur un total de 180 millions d'euros. Pour la redistribution, une révision des pondérations des critères est possible.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur la justification d'une suppression de l'exonération de prélèvement au titre du FSRIF à raison de la perception de la DSU.

M. Jean-Christophe Moraud a rappelé que cette hypothèse permettrait de limiter les entrées-sorties parfois incohérentes des dispositifs. Il a cité l'exemple d'une commune devenue bénéficiaire de la DSU en 2010 et exonérée de ce fait de contribution au FSRIF alors qu'elle ne fait pas partie des communes considérées comme défavorisées en région Ile-de-France.

M. Philippe Laurent a observé que la DSU et le FSRIF répondent à des philosophies différentes. La DSU répare des erreurs et doit rester concentrée. Le FSRIF doit rester le plus large possible car il établit un autre mode de relation entre les communes d'Ile-de-France.

M. Pierre Mansat, revenant sur la spécificité de l'Ile-de-France a considéré que le FSRIF n'est pas encore un outil suffisamment intégrateur, y compris dans son mode de gestion où les élus ne sont pas assez actifs, mais qu'il pourra évoluer si on élargit ses contributeurs.