Mardi 6 juillet 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Audition de MM. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance, et Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'audition de MM. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance, et Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

M. Jean Arthuis, président. - Je remercie MM. Bouvard et de Romanet d'être parmi nous pour nous rendre compte, comme chaque année, de la gestion de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

L'année 2008 fut pour la Caisse une année qualifiée de traumatisante, puisqu'elle a connu pour la première fois un résultat net négatif de près de 1,5 milliard d'euros, la crise financière ayant pesé pour 3 milliards sur les résultats. L'année 2009 est marquée par un net redressement, avec un résultat net de près de 2 milliards pour la section générale - CNP Assurances étant le premier contributeur avec 385 millions d'euros - et un prélèvement de l'État de plus de 1,8 milliard.

La CDC a mis en place fin 2008 un plan stratégique baptisé « Élan 2020 », axé sur quatre priorités : logement, PME, universités et développement durable. La Caisse se présente ainsi comme le principal financeur en fonds propres des entreprises, via CDC Entreprises et le FSI, le Fonds stratégique d'investissement, qui a investi 1,4 milliard en 2009. Elle se veut donc plus que jamais au coeur de l'économie française, entre missions d'intérêt général et activités concurrentielles.

Des réformes et opérations importantes sont prévues cette année, parmi lesquelles la révision des relations financières avec l'État, la mise en oeuvre du rapprochement entre Transdev et Veolia Transport pour créer le premier opérateur mondial de « mobilité durable », ou la participation à l'ouverture du capital de la Poste.

Nous vous invitons donc à nous présenter de quelle manière le groupe a déployé sa nouvelle stratégie en 2009 et les défis auxquels il est actuellement confronté.

Après une séquence filmée de présentation des réalisations de la CDC pour l'année 2009, M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance, prend la parole.

M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. - Nous sommes très attachés à ce rendez-vous annuel devant la commission des finances, qui, au-delà de l'obligation qui nous en est faite par la loi, est surtout l'occasion d'un échange constructif.

L'année 2009 a confirmé l'originalité et la force du modèle économique du groupe au service du pays, grâce à une gouvernance renforcée, mobilisée sur quatre priorités, dont la première a porté sur la stratégie du groupe. La commission de surveillance, conformément à la loi de modernisation de l'économie, a été saisie pour avis des orientations stratégiques de l'établissement et de ses filiales et de la mise en oeuvre des missions d'intérêt général, via notamment le comité d'investissement. Elle s'est réunie à vingt-trois reprises, et je salue l'implication et l'assiduité de Mme Bricq, ainsi que de l'ensemble de l'équipe.

Deuxième priorité, la protection de ses fonds propres. La commission de surveillance a été saisie par le directeur général, le 15 avril 2009, sur le montant des versements au bénéfice de l'État au titre de l'exercice 2008, année singulière puisque malgré un résultat opérationnel élevé, un résultat comptable négatif a été constaté, pour tenir compte des dépréciations du portefeuille de titres. Il a été décidé qu'aucun prélèvement ne pourrait être opéré après le paiement de la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés. Ce fut l'occasion d'une remise à plat des relations financières avec l'État puisque rien de clair ni de pérenne n'était prévu pour les résultats exceptionnels.

Mme Lagarde, ministre de l'économie, a confié une mission de conseil - et j'insiste bien sur cette dénomination - à l'inspection générale des finances, portant sur les missions d'intérêt général et sur le dispositif de prélèvement. Conduite dans d'excellentes conditions, elle devrait aboutir cet été à la mise en place d'un dispositif fondé sur les intérêts communs du groupe et de l'État. D'ores et déjà, cette mission a permis de conforter la légitimité des missions d'intérêt général.

Troisième priorité, la stabilité financière du groupe avec l'intervention de l'Autorité de contrôle prudentiel, dont le décret, adopté le 2 décembre 2009, confirme qu'elle n'interviendra pas à la Caisse comme dans les autres établissements de crédit puisque celle-ci n'est ni une banque, ni un conglomérat financier, mais bien un établissement sui generis.

La commission de surveillance voit son rôle conforté puisque c'est elle qui détermine, à partir du rapport du directeur général et de la commission bancaire, le modèle prudentiel de la Caisse et fixe, au regard de celui-ci, de la situation financière et des risques spécifiques à l'établissement, le niveau de fonds propres approprié. Elle dispose ainsi, en cohérence avec sa saisine sur le prélèvement, des moyens d'accompagner, dans la durée, le modèle économique et financier du Groupe.

Je salue l'apport indispensable de la Cour des Comptes, qui a produit deux rapports importants sur l'exercice. Le premier, sur les fonds d'épargne, a joué un grand rôle dans la détermination de leur nouveau cadre de gestion, grâce à l'implication du directeur général et d'André-Laurent Michelson. Le second, sur les sociétés d'économie mixte (SEM), a apporté un utile éclairage sur la question de leur pilotage.

Dès lors que l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ouvre aux commissions des finances des assemblées la faculté de saisir la Cour de demandes de missions d'enquêtes destinées à nourrir leur réflexion, il sera bon de se concerter ensemble - commissions des finances, commission de surveillance et Cour des Comptes - pour cibler les sujets utiles.

Dernière priorité de l'année 2009, enfin, la pérennité du modèle économique de la Caisse, dont la force tient à son caractère durable et au fait qu'elle dispose de liquidités, dont la crise a mis en évidence qu'il s'agissait d'un bien d'intérêt général, d'un bien d'intérêt public précieux, pour reprendre l'expression, tout à fait adéquate, de son directeur général.

La loi a dévolu à la commission de surveillance la responsabilité d'autoriser les emprunts émis par la CDC. Elle détermine, chaque année, son programme d'émission de titres de créances et en fixe l'encours annuel maximal, en tenant compte du nécessaire encadrement des besoins de financement de l'ACOSS : dans le contexte d'endettement du pays qui est le nôtre, la CDC doit rester un îlot de stabilité, disposant d'un vrai fonds de sécurité.

Les résultats de 2009 sont bons. Le Fonds d'épargne affiche un résultat positif de 1 164 millions d'euros découlant notamment des effets de la généralisation de la distribution du Livret A, avec une marge d'intérêt améliorée. Après reconstitution des fonds propres, le résultat disponible s'élève à 742 millions, montant du prélèvement destiné à rémunérer la garantie de l'État, auquel la commission de surveillance a donné un avis favorable.

Le résultat de la section générale s'élève à 1 980 millions, contre un résultat négatif de 1 468 millions en 2008, du fait du retour à des conditions de marché plus favorables et d'une bonne performance des filiales, qui y contribuent à hauteur de 61 % et ont ainsi montré leur capacité de régulation contracyclique, justifiant notre défense du périmètre du groupe.

La contribution de la CDC au budget de l'État au titre de l'exercice 2009 s'élèvera à 1,8 milliard, se décomposant, outre les 742 millions des fonds d'épargne, en 413 millions pour la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés et 660 millions pour le prélèvement opéré selon le mode actuel, soit un tiers du résultat net consolidé, au titre du dividende.

L'année 2010 sera marquée par l'ouverture du capital de La Poste, la fusion Véolia Transport-Transdev, la mise en oeuvre de l'emprunt national, dont la CDC est le principal opérateur, la poursuite des quatre priorités d'Elan 2020 et la mise en oeuvre des travaux d'auto-contrôle prudentiel. Trois principes clés nous guideront : la sélectivité, la performance et la transversalité.

Nous avons connu des années exceptionnelles, du fait de nos engagements et de la crise, mais avec celle-ci, en même temps qu'avec la création du FSI, nos structures financières ont évolué : nos moyens sont plus limités, alors que les sollicitations sont plus nombreuses. Nous devons donc être vigilants quant à la protection des intérêts patrimoniaux de la Caisse. Il faudra être sélectif dans nos investissements pour relever les défis de l'avenir et accompagner le développement de nos filiales.

Tels sont, monsieur le président, les travaux qu'a menés cette année la commission de surveillance, en bonne intelligence avec le directeur général de la Caisse.

M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. - Les résultats de 2009, qui sont bons, me donnent l'occasion de replacer en perspective l'évolution de la Caisse depuis 2005. Si nous restons gestionnaires des « actifs de confiance », nous ne sommes plus aujourd'hui un simple gestionnaire d'actifs : la création du FSI nous a investis des missions d'un fonds d'investissement.

Le résultat récurrent du groupe s'établit à 1 600 millions d'euros, en progression de 7 %, soit un des plus élevés de notre histoire, auquel toutes les filiales ont positivement contribué. Les fonds d'épargne, avec un résultat fortement bénéficiaire, ont permis de conduire une activité de prêts très dynamique.

Nous avons, en dépit de la crise, continué à mettre en oeuvre nos engagements : 10 milliards d'apports au FSI à mi-juillet ; 2 milliards de prêts à Oséo Financement ; 8 milliards de prêts aux grands projets d'infrastructures ; 1,7 milliard de prêts aux collectivités locales, achevant la consommation de l'enveloppe ; achat, enfin, de 9 400 ventes en l'état futur d'achèvement (VEFA), soit un quasi-accomplissement de l'objectif de 10 000 achats.

Nous sommes présents sur toute la gamme des produits, Oséo se chargeant des prêts, tandis que la CDC s'occupe des fonds propres. Nous fournissons des prêts Nacre et des prêts d'honneur ; nous garantissons, à travers Oséo, les prêts bancaires, en partie via les versements aux fonds d'épargne ; nous assurons des investissements directs en quasi-fonds propres, via le dispositif des obligations convertibles, mais aussi en fonds propres via quelque 180 fonds spécialisés sur tout le territoire ; nous assurons des investissements indirects, au travers du FSI mais aussi d'un certain nombre de fonds créés par la Caisse, notamment le Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE), dédié aux entreprises fragilisées par la crise.

Nous avons demandé à chaque directeur régional de se faire, par souci de simplification, l'interlocuteur unique des chefs d'entreprise, au travers d'une plate-forme d'appui aux PME dans les chefs-lieux de région.

Entre 1994, date à laquelle notre premier programme d'investissement voyait le jour, et aujourd'hui, à la faveur de la demande faite en 2006 par le président Chirac d'engager 2 milliards sur cinq ans d'investissements en fonds propres dans les PME, nous avons créé, après France investissement, un programme FSI-PME et plusieurs fonds spécialisés. Notre objectif, pour 2010, est d'accroître le nombre des prêts et de financer 375 nouvelles PME, soit plus d'une par jour sur l'année.

Notre deuxième priorité va au plan Elan 2020, pour le financement du logement. Le groupe fait, en ce domaine, « flèche de tout bois ». Les fonds d'épargne, avec 10,7 milliards de prêts, ont permis de financer 106 000 nouveaux logements, dont 14 000 à destination des personnes âgées et handicapées. S'y ajoutent les 9 600 nouveaux logements financés via la SNI et Icade et le rachat des VEFA qui a atténué, pour les promoteurs, le « trou d'air » provoqué par la crise. Nous avons, enfin, été particulièrement actifs dans la réhabilitation de logements.

Dans le cadre de notre mission de soutien à la modernisation des universités, nous avons accompagné toutes celles qui le souhaitaient et passé une convention avec 78 % d'entre elles pour assurer la préparation à la prise en charge des trois autonomies que leur confère désormais la loi : en matière budgétaire, patrimoniale et de ressources humaines. Un montant de 15 millions d'euros a été engagé pour des études. Il est vrai que nous n'avons pas vu surgir autant de grues que nous l'aurions souhaité, mais nous nous sommes heurtés à certaines difficultés juridiques. Nous avons innové, en inventant un dispositif inédit de partenariat public-public, qui s'est mis en place pour Bordeaux et Strasbourg. A la différence du partenariat public-privé, qui soulève des remous dans la communauté enseignante et chez les étudiants, le partenariat public-public permet d'apporter aux universités les moyens d'investir en fonds propres, avec une contrepartie adossée sur les loyers ou les ressources propres, quand les équipements ainsi financés permettent d'en dégager. Le succès de cette opération dépend désormais d'un vote du Parlement, qui doit donner aux universités des droits réels sur leur patrimoine.

J'en viens au volet développement durable, pour lequel l'objectif est de parvenir, en 2020, à un taux de 10 % d'investissement dans les énergies renouvelables, en particulier celles qui ont le plus de mal à se développer, comme la biomasse ou le photovoltaïque, - car l'éolien représente déjà 50 % de notre stock d'investissements - sachant que nous portons une attention toute particulière aux régions bio dépendantes, comme la région PACA et les territoires d'outre-mer. Nous avons créé CDC Biodiversité, première société vouée à la prise en charge de la compensation de la destruction de la nature, et CDC Climat, pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Au total, le résultat récurrent de la Caisse est en progression. Quatre éléments devraient encore l'accroître : les plus-values sur les titres TDF, le retraitement des réserves latentes sur Dexia, les plus values sur notre portefeuille d'actions et la revalorisation du titre CNR, qui n'était pas, jusqu'à 2009, inclus dans notre portefeuille dès lors que la convention passée avec Suez pouvait laisser penser que les titres ne nous appartenaient pas nominativement. Cependant, ces derniers ont pris énormément de valeur depuis huit ans et nous avons estimé qu'il convenait d'en tenir compte.

Le résultat récurrent est légèrement supérieur à celui de 2008, car la crise avait alors justifié des dépréciations de titres. Sa progression est due aux filiales et notamment au FSI ; sa répartition entre l'établissement public et ses filiales se déforme, le premier n'apportant plus que 39 % du résultat. Enfin, le rendement des portefeuilles d'actions et d'obligations est affecté par le niveau très bas des taux d'intérêt. Nous n'avons pas eu d'actifs toxiques ni de défauts de paiement. Notre niveau de plus-values reste raisonnable et les provisions sont supérieures aux moins-values latentes.

Avec 19,2 milliards de fonds propres, nous retrouvons presque le niveau record de 2007, supérieur de 56 % à celui de 2000. Leur rendement atteint 8,7 % et la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés est stable à un peu plus de 400 millions d'euros.

Le résultat du fonds d'épargne s'élève à 1,164 milliard d'euros. La marge d'intérêt se monte à 613 millions, la baisse du taux du livret A ayant permis une économie tandis que les plus-values s'établissaient à 460 millions et les reprises sur provisions à 1 178 millions. Les charges étant stables, à 86 millions, la reconstitution des fonds propres a été intégrale.

L'encours des livrets privilégiés augmente, mais les encours globaux sont stables parce que la Caisse ne bénéficie plus que de la moitié de la croissance annuelle des intérêts générés par les fonds d'épargne au-delà de 160 milliards d'euros pour le livret A. Les prêts progressent, car cette enveloppe est dynamique et ils pourraient atteindre 150 milliards d'ici 2013, soit une augmentation de moitié en cinq ans. L'équilibre général de la section d'épargne sera revu en 2011 et sera soumis au Parlement avant de donner lieu à un décret fin 2011.

Le total du bilan est très légèrement supérieur, l'accroissement du résultat tenant à la baisse des charges.

Le groupe existe parce qu'il gère des mandats en valorisant la confiance qui constitue sa marque de fabrique depuis 1816. Nous allons engager des investissements informatiques. Par ailleurs, le modèle prudentiel que je soumettrai à la commission de surveillance assurera la pérennité de la Caisse des dépôts et de sa notation AAA - la question est en effet posée : cette notation vaut-elle quoi qu'il arrive ou ne tient-elle pas à ce qu'elle est liée à celle de l'Etat ?

Nous voulons améliorer notre performance sur les quatre volets du plan stratégique. L'investissement dans La Poste nous mobilise car, malgré la proximité de culture, la juste contrepartie de ce placement est très importante. J'attache beaucoup d'importance au comité d'investissement dont la création, prévue par la loi de modernisation de l'économie (LME), a permis de renforcer la collaboration de la direction générale avec la commission de surveillance. Chaque filiale a une feuille de route bien précise et des projets - je pourrai y revenir ainsi que sur les partenariats avec les investisseurs à long terme. La création du club a déjà conduit à des réalisations concrètes : Inframed, doté de 385 millions d'euros, et Marguerite, 1,5 milliard, dont le closing vient d'avoir lieu et qui réunit des Etats européens et la Commission. Nous en avions eu l'initiative avec notre homologue italienne et son siège, comme celui d'Inframed, est à Paris. Avec CDC Infrastructures, nous avons créé trois fonds significatifs en 2009 et espérons former un cluster en France. Nous essaierons d'accroître encore notre efficacité, de développer l'économie de la connaissance et d'élargir l'offre de logements tout en projetant le savoir-faire français dans le monde.

M. Jean Arthuis, président. - Je vous remercie de cette présentation de la galaxie Caisse des dépôts et consignations. Nous avons senti un nouveau souffle. Le modèle prudentiel de l'établissement est original, puisque la commission de surveillance se substitue à l'autorité de régulation pour définir le niveau de fonds propres. Cette spécificité fait peser une énorme responsabilité sur les membres du conseil de surveillance - je salue Nicole Bricq et Alain Lambert qui y représentent le Sénat. De quelles marges de manoeuvre disposez-vous par rapport aux exigences de Bâle II et bientôt III ?

M. Loïc Bouvard. - Nous sommes en début d'exercice : cette démarche totalement nouvelle provient de la LME. Nous disposerons bientôt du rapport de l'Autorité de contrôle prudentiel. Il est prématuré de dire quelle marge de manoeuvre nous prendrons. L'idéal pour un investisseur à long terme serait que Bâle III catégorise les choses. Je salue à cet égard le travail du Club des investisseurs de long terme sur les caractéristiques prudentielles à mettre en oeuvre, et dont il faudrait ensuite convaincre les autorités. Nous revenons de Bruxelles où nous aurons bientôt une représentation permanente conjointe avec les Italiens et les Allemands. Il faudra justifier les aménagements dont nous pourrons bénéficier, mais nous ne saurions nous éloigner par trop de Bâle II et III car derrière, il y a la notation de la Caisse. Nous avons la capacité de déterminer le niveau de nos fonds propres, lequel doit être la barrière du prélèvement de l'Etat. Nous avons pris l'attache de l'Autorité de contrôle prudentiel mais aurons besoin de présenter les bons arguments. Le niveau de couverture pour dépréciation de titres ne peut aujourd'hui être modifié - il faudrait pour cela revendre les titres. Nous sommes donc surprovisionnés.

M. Jean Arthuis, président. - La prudence tient à la réaction des agences de notation qui dissuadent de faire un peu ce qu'on veut.

Mme Nicole Bricq. - Je vous prie d'excuser l'absence de mon groupe qui est actuellement en séminaire salle Clémenceau. M. de Romanet a insisté sur le passé ; siégeant à la commission de surveillance depuis fin 2008, je peux témoigner d'une profonde évolution du modèle économique de la Caisse avec la création du FSI. Même si des collègues se sont interrogés sur le « S » de FSI, le fait que la Caisse des dépôts soit devenue un acteur essentiel du financement des entreprises est sans doute un effet positif de sa création. Le tableau est désormais complet, et il est intéressant pour l'économie française.

S'agissant de l'avenir proche, il convient de dire qu'à la commission de surveillance, nous sommes tous sensibles au choc que va constituer l'absorption de la participation de la Caisse des dépôts dans le capital de La Poste. Le Parlement doit être attentif au débat sur la valorisation et la cession des actifs. Ce dossier, qui a été confié à la commission de l'économie, concerne également celle des finances. La décentralisation de la collecte du livret A est une autre conséquence de nos choix législatifs. J'espère, pour l'équilibre économique de la Caisse des dépôts, que la « clause de revoyure » jouera. Il nous faudra, et assez vite, nous interroger sur le taux de centralisation de ces encours.

M. Jean Arthuis, président. - Je vous remercie, Madame Bricq, d'exercer votre vigilance au nom de la commission des finances. L'on mesure à ce propos qu'il peut être délicat de demander à la Cour des comptes de contrôler un établissement où siègent des parlementaires. D'une façon plus générale, on peut s'interroger d'ailleurs sur la possibilité d'exercer le contrôle parlementaire dès lors que l'un des nôtres siège au sein de la structure contrôlée.

Mme Nicole Bricq. - La Caisse des dépôts est placée sous le contrôle du Parlement à travers la présence de parlementaires au sein de la commission de surveillance !

M. Jean Arthuis, président. - En ce qui concerne l'enquête engagée par la Cour des comptes, sur le fondement de l'article 58-2° de la LOLF, sur les participations de la Caisse des dépôts dans les SEM locales, il s'agit d'une demande de la commission des finances du Sénat qui venait prendre appui sur un travail déjà lancé par la Cour...

M. Loïc Bouvard. - Nous sommes en phase. Mme Bricq a rappelé une position consensuelle. Le rendez-vous sur La Poste sera très important. Il nous faut en effet respecter nos fonds patrimoniaux et assurer la protection de ce milliard et demi. Pour agir en investisseur avisé, nous devons atteindre un rendement dans la moyenne de nos autres placements. Au demeurant, Bruxelles veillera à ce que notre investissement ne soit pas une aide d'Etat.

Nous devons disposer de droits de gouvernance puisque nous sommes un actionnaire significatif. Nous avons besoin d'un engagement dans la durée de l'Etat et de La Poste sur le devenir de la CNP, ce qui implique une vision partagée par les actionnaires principaux - cela n'est pas exclusif des autres actionnaires. Cela passe par un travail de valorisation, d'étude et sur la gouvernance ; des scenarii dégradés ont été établis. L'investissement aura dans la durée une incidence en termes de fonds propres.

En ce qui concerne le taux de centralisation, le taux-plancher de 125 % de couverture des encours de prêts a été fixé par la loi. Le moment est proche où il faudra remonter le taux de centralisation. Là encore, cela n'ira pas de soi pour les établissements bancaires, alors même qu'ils ne peuvent pas toujours justifier d'emplois conformes à l'esprit de la loi. Ils invoquent un niveau de prêts aux PME supérieur au nôtre comme s'ils n'en avaient pas déjà eu avant qu'une partie de la ressource du livret A ne leur soit confiée !

M. Jean-Jacques Jégou. - Je félicite les représentants de la Caisse des dépôts car 2008 avait été une annus horribilis. Très attentif aux PME, je sais que le FSI témoigne presque quotidiennement de l'investissement de l'établissement au profit des petites entreprises.

La Poste peut constituer un sujet d'inquiétude. Bâle III entraine-t-il un télescopage et faudra-t-il développer les fonds propres ?

Enfin, on ne saurait imaginer que le bras armé de l'Etat reste à l'écart du redressement des finances publiques : certaines de ses actions sont-elles concernées ?

M. Loïc Bouvard. - La règle, construite au fils des ans, de partager à peu près équitablement les résultats entre les fonds propres, les missions d'intérêt général et l'Etat n'a jamais été complètement respectée, car ce dernier a eu la tentation de capter une part confiscatoire des résultats exceptionnels et certains ministres ont pu être tentés de faire appel aux ressources de la Caisse pour compenser des arbitrages budgétaires défavorables, comme on l'a vu récemment avec l'ANRU. S'il faut remettre les choses à plat, j'imagine mal qu'on puisse faire comme si l'on était complètement étranger à ce qui se passe dans le pays. Il n'est pas absurde que la Caisse puisse contribuer au budget si les missions d'intérêt général n'en souffrent pas. L'irrigation du territoire que nous assurons suppose des ressources et elle ne saurait s'opérer au détriment des fonds propres : ceux-ci restent en effet la clef de voûte du système - nous gérons l'épargne de nos concitoyens !

L'on ne doit pas aller à reculons vers l'investissement dans La Poste ; il se fonde sur de bonnes raisons que vient de rappeler Augustin de Romanet, de culture, de savoir-faire et de synergies. Toutes les garanties doivent néanmoins être apportées. La Banque postale est au coeur de cette problématique qui suppose des engagements clairs.

M. Jean Arthuis, président. - Peut-elle devenir une filiale de la Caisse ?

M. Augustin de Romanet. - La Banque postale concentrant l'essentiel de la richesse de La Poste, ce sera une quasi-filiale. En juillet 2007, j'ai pensé que nous pouvions ainsi compenser ce que nous avions perdu avec Ixis. La culture financière est notre richesse.

M. Jean Arthuis, président. - La Banque postale remplacerait les caisses d'épargne ?

M. Augustin de Romanet. - CDC Entreprises est très active sur les PME. Les banques et les compagnies d'assurances n'investissent plus guère en fonds propres, notre part compense une défaillance du marché.

L'Etat a une problématique de fonctionnement ; la nôtre est d'investissement : nous devons être riches et prospères, et cela crée un décalage avec l'Etat qui est pauvre et en difficulté. Résoudre des problèmes de fonctionnement au détriment de notre investissement mettrait notre modèle en péril. Nous pouvons accompagner les politiques publiques dans le respect des conditions fixées par le législateur. Nous pouvons acquérir des domaines en déshérence de l'Etat, rénover des villages de vacances ou investir dans la cité du cinéma d'Aubervilliers, mais à des conditions de marché car pour obtenir un rendement de 8 %, nous devons combiner ces choix et d'autres plus rémunérateurs.

Enfin, la direction des retraites, qui regroupe deux mille agents de l'établissement, fait face à effectifs constants à une augmentation de son activité de 15 % l'an.

M. Loïc Bouvard. - Il faut éviter de devenir un outil de débudgétisation. Toutes les conventions doivent être soumises à la commission de surveillance, ce qui évite que l'Etat lui demande de subventionner une activité déficitaire.

M. François Fortassin. - Pour l'investissement, les universitaires sont des « barreurs de petit temps », qui naviguent entre pénurie et gaspillage. Comment alors rénover le patrimoine universitaire ?

L'éolien, que vous avez évoqué, est à la mode mais cette figure de proue des énergies alternatives ne marche pas quand il fait très froid ou que le vent souffle très fort. Ne faudra-t-il pas revoir cette stratégie ?

M. Augustin de Romanet. - Lorsque je travaillais avec M. Chirac, il ne voulait pas entendre parler de l'éolien. Mes collaborateurs m'assurent que les éoliennes sont indispensables pour atteindre les objectifs mais nous privilégions la méthanisation, avec l'objectif d'arriver à une situation comme celle de l'Allemagne qui compte 4 000 unités de méthanisation : nous avons des champs d'action considérables.

Je suis convaincu de ce que vous dites sur les universités et c'est pourquoi j'ai demandé qu'on crée une bourse de l'emploi afin de faire pour les universités ce que nous avions fait pour les collectivités, et mettre des compétences à leur disposition pour cette rénovation. Nous pourrons ainsi donner aux présidents d'université leur brevet de « capitaines au long cours ».

M. Jean Arthuis, président. -Je vous félicite des excellents résultats enregistrés en 2009 comme du souffle nouveau d'Elan 2020, avec le repositionnement dans l'économie productive. Je souhaite également que votre club d'investisseurs de long terme vous permette d'être la plateforme des fonds souverains.

M. Augustin de Romanet. - Le fait que le FSI existe rend politiquement beaucoup plus gérable la présence du fonds souverain du Qatar dans l'opération en cours concernant la CMA-CGM. L'Etat français est à la table des négociations.

M. Jean Arthuis, président. - Nous formons des voeux très chaleureux pour que la Caisse reste « prospère et riche » !

- Présidence de MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, et de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes -

Audition de M. Jacques Attali, président de la Commission pour la libération de la croissance française

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission des finances, conjointement avec la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et la commission des affaires européennes, entend M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous entendons le président, accompagné de plusieurs membres de la commission pour la libération de la croissance française à la veille d'un débat d'orientation des finances publiques, qui sera l'occasion d'échanger avec le Gouvernement sur la trajectoire à suivre pour atteindre l'équilibre des finances publiques.

M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française. - Notre commission n'ayant pas encore achevé ses travaux, c'est à une réflexion à haute voix que je vais me livrer. La commission pour la libération de la croissance française, composée de quarante-trois personnes nommées par le Président de la République et le Premier Ministre, a déjà émis des propositions, dont la moitié ont été mises en oeuvre. Nous travaillons avec l'appui d'une quarantaine de rapporteurs, et la pleine coopération de l'administration, comme des commissions parlementaires. Un rapport d'étape tire le bilan des réformes mises en oeuvre. Nous achevons un deuxième rapport, qui sera rendu public par le Président de la République fin août ou début septembre.

Nous avons travaillé avec les parlementaires, dont certains ont assisté à nos groupes de travail, entendu nombre d'experts, rencontré les partenaires sociaux. Nous avons fait travailler ensemble des think tanks de convictions différentes, auditionné ministres et personnalités diverses. Nombre des réformes que nous préconisions ont déjà été mises en oeuvre : pôles de compétitivité, pôles universitaires, rupture à l'amiable du contrat de travail, auto-entrepreneur, loi de modernisation de l'économie, grand emprunt, mesures visant à renforcer la compétitivité...

Mais il reste beaucoup à faire pour réformer l'État et les collectivités territoriales - vous connaissez notre opinion sur le sujet -, et pour améliorer l'efficacité des dépenses publiques. En matière d'emploi, il faut progresser sur la gestion du travail, la formation professionnelle, l'accompagnement des chômeurs, la réforme de certaines professions réglementées... Nous ne renions aucune de nos propositions. Nous savions à l'époque que la crise se profilait : nos propositions restent valables aujourd'hui.

La crise mondiale que nous traversons entraîne pour la France de graves dérives à court et moyen termes. À politique constante, il est impensable de faire revenir le taux de chômage en deçà des 9 % d'ici 2020, et l'endettement public dépassera 100 % du PIB, si ce n'est 120 %, à cette date. Il devrait déjà atteindre 90 % en 2012-2013...

La crise est loin d'être terminée. Malgré les perspectives de reprise, les nuages s'accumulent à l'horizon : le système chinois craque, les États-Unis sont instables, la Grande-Bretagne va très mal... Le processus cumulatif de réduction des déficits va peser sur la fragile croissance, qui s'est stabilisée à un niveau médiocre. Dans cet environnement morose, la France est largement discréditée. La confiance dans la classe politique, les médias ou les dirigeants est au plus bas ; nous sommes d'autant plus mal perçus à l'étranger que nous ne tenons pas nos engagements : cela fait cinq fois que nous violons le pacte de stabilité ! Nous ne pouvons continuer à faire des promesses que nous ne tenons pas.

La réduction des déficits passe par la croissance ; la croissance, par la réduction des déficits. L'objectif de réduction du chômage et de la dette publique exige une mobilisation générale, et ne supporte pas la moindre pause, fût-ce pour les élections. Cela suppose d'admettre que nos concitoyens sont adultes et récompenseront ceux qui prendront ou proposeront des positions courageuses. Cet effort nécessaire est possible - les exemples de l'Allemagne, du Canada, de la Suède le prouvent - à condition de reposer sur la justice. Les pays qui ont mené des réformes courageuses maîtrisent aujourd'hui leur destin. Nous devons inverser la courbe de l'endettement, non par des mesures de fin de mois mais par une action entêtée pendant sept à huit ans. Il nous faut restaurer la confiance, en nous appuyant sur la crédibilité des gouvernants, la justice sociale et la relance des investissements de croissance.

La maîtrise des finances publiques est le socle de la croissance. Les marchés, c'est-à-dire les prêteurs, nous menacent d'augmenter les taux d'intérêt. Si nous n'agissons pas, nous serons contraints de le faire : Invitus invitam dimisit ! Pour maîtriser la croissance de la dette, il faut faire des économies et/ou augmenter les prélèvements. Avec une hypothèse de croissance de 2,5 % en 2011, il nous faudrait, pour ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013, trouver environ 90 milliards d'euros, dont 40 sous forme de recettes venant de la croissance - à supposer que l'inflation soit d'environ 2 %. Il faudrait réduire la progression naturelle des dépenses de 50 milliards sur la période 2011-2013, via des économies et la réduction de niches fiscales - ce qui revient à augmenter les impôts. Avec une croissance de 1,5 %, voire moindre, il faudrait un effort non pas de 17 milliards par an mais de 30 ! Pour ramener la dette à 65 % du PIB, il faut poursuivre l'effort jusqu'en 2017-2018. Sans une mobilisation générale et durable contre la dérive des dettes, les taux augmenteront, et le FMI risque de nous rendre une visite polie : ce qui est arrivé à la Grèce peut très bien nous arriver !

Il n'y a pas consensus sur le taux de croissance à retenir, ni sur le rythme de maîtrise souhaitable. Peut-on revenir dans les clous du pacte de stabilité en trois ans, ou faut-il prendre plus de temps - quitte à fâcher les marchés et nos partenaires ? Il faudra trouver 30 milliards supplémentaires chaque année...

Nous avons un problème de gouvernance de la dépense publique. Il faut modifier le cadre institutionnel de fixation des règles budgétaires, revoir la répartition des compétences entre État et collectivités territoriales, assurer la crédibilité des engagements. Il faut renforcer l'efficacité de nos services publics, en réviser la carte ; il faut en finir avec la distinction entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale ; prévoir, par exemple, de transformer des subventions de l'État en investissements, l'État conservant ainsi la valeur patrimoniale de son placement. Nous proposons également que les prestations sociales et allocations diverses soient systématiquement versées sous conditions de ressources.

Il faut transformer profondément notre fiscalité archaïque en fiscalité de croissance. À prélèvements obligatoires constants, la fiscalité sur le foncier et la fiscalité environnementale pourraient être largement augmentées, la progressivité de l'impôt renforcée. Il faut s'interroger sur les niches fiscales, le bouclier fiscal, l'articulation entre ISF et impôt sur les successions... Une hausse de la TVA, en revanche, aurait un impact négatif sur la croissance. Cela dit, notre commission n'a pas encore arrêté sa position...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Heureusement !

M. Jacques Attali. - Il faut des mesures sévères pour maîtriser les dépenses publiques, y compris celles des collectivités locales, qui sont à l'origine de la croissance des dépenses : cela passe soit par un pacte entre l'État et les collectivités, soit par une réappropriation par l'État du contrôle des dépenses des collectivités, ce qui serait revenir sur la décentralisation.

En matière d'emploi, nous réfléchissons au contrat unique, à un bonus-malus pour renforcer la durabilité des contrats, à une flexi-sécurité à la française, à un contrat d'évolution, à un transfert des charges sociales qui pèsent sur la compétitivité des entreprises vers la TVA ou la taxe carbone... Pour les PME, un small business act, une réduction des charges administratives, une ouverture des marchés. Pour l'emploi des jeunes, une formation d'alternance, une meilleure orientation.

Notre grande faiblesse est celle de notre système éducatif. Il faut enrayer la dérive tragique de l'école primaire : nous sommes tombés à la dix-septième place dans le classement de l'OCDE, en dépensant autant que la Finlande, qui se classe en tête ! Il faut agir dès la maternelle, en finir avec la méthode globale, lutter contre l'échec scolaire, améliorer la gestion des ressources humaines dans l'Éducation nationale, évaluer en permanence. Il faut encore renforcer l'autonomie des universités et réformer leur gouvernance. Nous sommes loin de nos partenaires, qui se réforment bien plus rapidement !

Il reste également beaucoup à faire pour les secteurs d'avenir. Nous proposons notamment de sécuriser l'accès aux matières premières, enjeu stratégique. Nous devons lancer une croissance verte par l'agriculture. La mer représente également un grand potentiel de croissance. Il faut investir dans les grandes infrastructures, notamment les ports. Il faut prendre des mesures en matière de concurrence, de brevets, de culture, de tourisme.

La France doit oeuvrer à ce que l'Europe soit le relais de la croissance. L'Union européenne n'est pas endettée : elle pourrait émettre des bons du Trésor pour financer des investissements, afin d'équilibrer l'impact des mesures de maîtrise des dépenses. Il faudrait également revenir sur des contraintes que nous avons acceptées trop rapidement, comme Bâle III ou Solvabilité II, qui pénalisent nos grandes entreprises.

La rénovation du dialogue social est en marche ; il faut aller plus loin, notamment pour les PME et les TPE. C'est la clé du pacte social, la condition de la réforme. Le pays doit se mobiliser s'il veut éviter le déclin qui le guette !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le diagnostic fait consensus. Je vous trouve même optimiste d'envisager une dette à 90 % en 2013 ! Nous entamerons les travaux pratiques dans 48 heures avec un débat sur l'orientation des finances publiques pour 2011.

La fiscalité écologique, si elle fonctionne, n'est-elle pas appelée à disparaître au fur et à mesure que changent les comportements ? Pourquoi refuser d'augmenter la TVA ? Il est temps de remettre en cause le postulat, certes politiquement correct, selon lequel certains impôts sont payés par les entreprises, d'autres par les ménages : dans une économie ouverte, tous les impôts de production ne sont-ils pas in fine payés par le consommateur ? Le poids des charges sociales est un accélérateur de délocalisations d'activité et d'emploi. Il est donc temps d'apprendre à aimer l'impôt de consommation ! Est-il juste que celui qui ne consomme que des biens importés ne participe pas au financement de sa protection sociale ?

L'idée de bons du Trésor européens est formidable, mais qui va rembourser ? Il faudrait d'abord une gouvernance européenne ! En l'état, ne serait-ce pas une fuite en avant, condamnée à l'échec ?

M. Jacques Attali. - L'impôt écologique est certes appelé à disparaître, mais de l'eau coulera sous les ponts d'ici là ! La France est l'un des pays de l'OCDE dont la fiscalité écologique est la plus faible : nous devons rattraper notre retard.

La commission n'a pas encore arrêté sa position sur la TVA. À titre personnel, j'étais plutôt favorable à une augmentation, d'autant que l'inflation est faible et qu'il faut bien trouver des recettes ! Toutefois, tous les modèles montrent qu'un point de TVA en plus, c'est un point de croissance en moins...

M. Jean Arthuis, président. - Je ne propose pas d'augmenter la TVA pour financer les retraites, mais pour compenser l'exonération de charges sociales. Si la concurrence joue, les prix sur le marché seront réduits, hors TVA, du montant des charges sociales.

M. Jacques Attali. - La question de l'impact inflationniste ne se pose pas ; le risque est celui d'une ponction sur la consommation, qui serait facteur de récession. Une hausse de TVA entamerait la croissance - et je ne parle pas de l'injustice sociale ! Hausse des recettes, baisse des prestations : de toute façon, la pilule sera amère.

Oui à une gouvernance européenne. L'Union doit pouvoir emprunter, comme elle l'a fait pour la Hongrie, la Roumanie et la Lettonie. Il y aurait fuite en avant si l'on ajoutait une dette aux dettes, mais quand une entreprise est en difficulté, elle commence par se donner de l'air ; ensuite, elle se réforme !

En 1790, les États-Unis n'avaient ni capitale, ni gouvernement stable ; les États fédérés étaient gravement endettés, au point de faire redouter une explosion... Le 26 juillet 1790, Jefferson, Madison et Hamilton décidèrent et de la capitale et de l'émission de bons du Trésor : les États-Unis étaient nés. La dette des États fut récupérée, le système rapidement assaini. Pourquoi ne serions-nous pas capables de récupérer une partie de la dette des États pour créer une puissance commune ? Il n'y aucune dette au niveau confédéral : c'est une chance !

M. Christian de Boissieu, président du Conseil d'analyse économique, membre de la commission pour la libération de la croissance française. - Nous avons déjà évoqué dans cette enceinte la « TVA sociale ». Il faut peser les avantages à long terme mais aussi les problèmes de transition. La conjoncture difficile, le brouillard ambiant poussent le taux d'épargne des ménages à la hausse. Il faut veiller à ne pas trop peser à court terme sur la croissance, alors que l'investissement productif des entreprises est toujours au point mort.

A l'instar de Jacques Attali, je considère que nous ne devons pas prendre, dans les deux ou trois ans à venir, de mesures qui risqueraient de peser sur la consommation. Quant à la structure optimale en régime permanent, la question de l'opportunité de substituer de la TVA à une part des cotisations sociales reste entière.

J'en viens maintenant à l'emprunt européen. Un consensus peut se former autour de l'idée que nous devons marcher sur deux jambes : la réduction du déficit public et une stratégie volontariste de croissance. Sans cela, nos pays iront droit dans le mur. Pour financer une telle stratégie sans création monétaire excessive, c'est-à-dire sans peser sur des concours de la BCE, nous devons utiliser l'atout de l'Europe : l'épargne. Celle-ci ne pose pas un problème de quantité, mais de qualité. En fait la question est : comment financer hors budget, si j'ose dire, une partie importante de ces dépenses afin de relever le sentier de croissance et, donc, de mordre sur le chômage ? Un emprunt européen pourrait certes avoir un impact à court terme sur le budget - cela reste à vérifier - mais le problème central est celui de la « tuyauterie » : comment canaliser l'épargne vers les dépenses d'avenir ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous avons déjà eu ce débat à l'occasion du Grand emprunt. Je suis frappé par le fait que les Français souscrivent seulement un tiers de la dette publique, les deux autres tiers étant respectivement portés par des investisseurs européens non français et des fonds souverains et fonds de pension extra-européens... Je n'insiste pas sur la TVA, nous en reparlerons. Pour autant, - je vous renvoie au débat sur la taxe carbone -, la fiscalité sur les entreprises n'est-elle pas toujours répercutée sur les prix aux consommateurs ?

M. Jacques Attali. - Nous pourrions discuter de ce sujet à l'infini... L'important est de trouver dès aujourd'hui entre 20 à 30 milliards d'économies ou d'impôts nouveaux par an pendant sept ou huit années.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - D'après nos calculs, il s'agit plutôt de 40 milliards par an !

M. Jacques Attali. - La fourchette que j'indique représente déjà une somme considérable. Les mesures à prendre, que je viens de détailler, représentent un gigantesque défi. Je ne sais pas si la représentation nationale, à l'aube des vacances, a conscience que, indépendamment des circonstances électorales, la mobilisation doit être générale. Sinon, nous courons à la catastrophe. Notre rôle est de répéter qu'une telle politique est possible, chiffres à l'appui, à condition d'avoir pour souci constant la justice sociale.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Monsieur Attali, au regard des efforts très importants des grands pays pour la recherche et développement, les moyens consacrés à cet effet dans le Grand emprunt vous semblent-ils suffisants pour libérer la croissance ?

M. Jacques Attali. - Nous travaillons étroitement avec la commission de René Ricol chargée de la mise en oeuvre du Grand emprunt. Cet instrument aura un impact intelligent sur la recherche et développement. Autres instruments efficaces, Oséo et les universités. Quant à la question de l'effort financier, la recherche privée n'est pas à la hauteur. L'État, quant à lui, joue son rôle en matière de recherche publique, malgré les difficultés, et nous nous félicitons qu'il ait suivi certaines de nos recommandations concernant le CNRS dans notre précédent rapport.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - La prise de conscience est générale : chacun sait que nous ne pouvons pas continuer ainsi. En revanche, la réponse nationale à la crise ne sera pas suffisante, elle le sera moins encore demain. Ne pensez-vous pas que l'idée d'un semestre européen permettant de synchroniser l'évaluation des politiques budgétaires et structurelles des Etats membres est de bon augure pour la convergence et l'harmonie de nos gouvernances économiques ? Si nous sommes loin du fédéralisme budgétaire, une architecture a été esquissée... En outre, vous avez cité l'exemple des politiques particulièrement vertueuses menées par le Canada et la Suède, mais leurs pays voisins ne se trouvaient pas dans la même situation difficile. La France doit aujourd'hui agir dans un contexte différent.

M. Jacques Attali. - D'où l'importance d'agir avant la crise, et non sous la contrainte des événements. Par exemple, il est plus simple de réaliser des économies en période de croissance qu'en temps de crise. Quel dommage d'avoir abandonné cette très bonne idée de la cagnotte budgétaire et de l'avoir dilapidée ! Je suis très inquiet du financement de la sécurité sociale, de la manière dont les différentes caisses se financent avec des moyens dont l'orthodoxie reste à prouver.

Tant que nous n'établirons pas nos budgets nationaux en échangeant les données avec les États membres de l'Union et que nous n'aurons pas de stratégie commune avec l'Allemagne concernant le rôle de la Commission, il est difficile d'envisager une relance européenne, même si l'Europe sera l'accélérateur quand nous devrons mettre un frein au niveau national et au niveau des collectivités territoriales, principales sources de la croissance des dépenses en France.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Pour sécuriser l'approvisionnement en matières premières, n'y a-t-il pas urgence à adopter une politique européenne de l'énergie ?

Enfin, nous savons votre opposition au principe de précaution. Ne pourriez-vous pas défendre l'idée qu'il faut également inscrire le principe d'innovation dans la Constitution pour faire entrer la France dans le XXIe siècle ?

M. Jacques Attali. - L'article 5 de la Charte de l'environnement, en raison de sa rédaction trop obscure, est dramatiquement dangereux : il laisse entendre que le principe de précaution est d'application générale, collectivités territoriales comprises. Cet article ôte à l'adoption de tout principe d'innovation toute crédibilité. Je vous demande instamment de circonscrire le principe de précaution au domaine pour lequel il a été créé : l'environnement.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Nous avons observé des dérives. En réalité, l'article 5 de la Charte de l'environnement doit être lu conjointement avec ses articles 8 et 9.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le premier principe de précaution, c'est l'équilibre des finances publiques !

M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Si la plupart de vos recommandations ont été suivies, avez-vous expliqué, les évolutions sont plus lentes concernant notre système éducatif si bien que nous serions aujourd'hui l'un des derniers pays européens. Pourquoi une telle inertie avec des moyens budgétaires qui ont doublé en vingt ans pour atteindre 60 milliards cette année ? S'explique-t-elle par l'organisation du système, la gestion des ressources humaines ? Ne faut-il pas accorder davantage d'autonomie aux établissements.

M. Jacques Attali. - Oui, il faut davantage d'autonomie. Les expérimentations, notamment celle menée dans la région de Grenoble, donnent des résultats formidables. Le problème majeur dont souffre notre système éducatif est de ne plus avoir l'obsession de l'égalité. Le système explose car il reproduit aujourd'hui de façon implacable les hiérarchies sociales. D'après une récente étude, les étudiants des grandes écoles viennent de quelque deux cents maternelles, les fils d'ouvriers et les autres n'y ont plus leur place. L'autonomie doit être l'instrument pour apporter aux élèves en difficulté une assistance personnalisée.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Parmi les mesures proposées, j'aurais aimé vous entendre sur deux points importants que vous n'avez pas abordés. Premièrement, comment rendre utilisable l'épargne des ménages français - 16 à 17 % du PIB - importante, mais trop liquide et de court terme, pour financer l'investissement dans les secteurs économiques stratégiques ? Deuxièmement, comment remédier au tragique déficit de notre balance commerciale au regard des bonnes performances allemandes ?

M. Jean-Jacques Jégou. - N'y a-t-il pas contradiction entre la libération de la croissance et l'acharnement depuis de nombreuses années à maintenir la consommation via un système économique par trop redistributeur ?

M. Pierre Bernard-Reymond. - Ne devons-nous pas faire nos preuves avant d'espérer convaincre nos partenaires européens, et surtout l'Allemagne, de la nécessité d'un emprunt européen ? Durant la période de restrictions budgétaires, ne devons-nous pas craindre une hausse du niveau de chômage ? Que pensez-vous de l'abandon par le Gouvernement, à cause de l'opposition des Verts, du projet d'autoroute entre Gap et Grenoble ? Une grande entreprise de BTP française était prête à investir 2 milliards sans la moindre aide budgétaire de l'État dans ce projet créateur de richesses et d'emplois. N'était-ce pas justement la logique à promouvoir ? Enfin, mes collègues seront peut-être surpris de cette question politique, mais l'ampleur de la crise ne justifie-t-elle pas la formation d'un gouvernement de coalition ?

M. François Marc. - Après Christian de Boissieu et Jean-Pierre Fourcade, permettez-moi d'insister aussi sur la nécessité de mieux orienter l'épargne des ménages vers l'investissement productif. Ensuite, s'il faut réaliser, dites-vous, 30 milliards d'économies, prenons garde à sélectionner les dépenses à réduire en fonction du paramètre de l'emploi. Les Britanniques viennent d'annoncer que leur plan d'austérité conduira à une perte de 1,3 million d'emplois... Enfin, au nom de la justice sociale, condition nécessaire à la réussite de ce dispositif selon votre commission, vous considérez que la TVA n'est pas le meilleur levier de croissance et qu'il faut, en matière fiscale, placer l'accent sur les stocks - la rente, le foncier, l'épargne improductive -, et non sur les flux. Que préconisez-vous en matière de fiscalité sur le capital ?

M. Daniel Raoul. - Je veux, quant à moi, parler de la compétitivité de notre industrie. Le Grand emprunt ne risque-t-il pas, comme le crédit impôt recherche que les grandes entreprises ont utilisé pour faire de la recherche et développement de routine, d'être un véritable gâchis ? La recherche privée est effectivement insuffisante : elle n'atteint pas l'objectif de 1 % du PIB sur les 3 % pour la recherche que nous nous étions fixés. Pourquoi ne pas l'orienter directement vers les PME innovantes ? Autre question, la comparaison avec l'Allemagne fait apparaître un problème de structures de nos PME. Ne faudrait-il pas favoriser les regroupements pour atteindre la taille critique nécessaire à l'innovation ? Enfin, notre système éducatif. L'ascenseur social est en panne. Aujourd'hui, ni François Marc ni moi-même ne pourrions faire des études supérieures. Ce gâchis de potentiels humains pèse sur le climat social !

M. Martial Bourquin. - Les parlementaires ne sont pas en vacances... Dans mon territoire, le taux de chômage est de 13 %. Je suis assailli de problèmes sociaux. Le pire serait une croissance molle. Attention à privilégier, dans les montages, l'industrie, la recherche et développement et l'innovation trop souvent négligées depuis une décennie dans nos politiques publiques. L'épargne des ménages doit être, certes, orientée vers l'investissement. Mais quoi de plus naturel que l'épargne quand le chômage et la précarité s'accroissent ? Le mot n'a pas été prononcé mais il est sur toutes les lèvres : la confiance. L'enjeu essentiel est de la rétablir la confiance pour inciter les ménages à investir dans le secteur productif. La relance de la croissance passe aussi par l'emploi des jeunes. Les emplois-jeunes ont correspondu à un bond de croissance : une jeune au SMIC, parce qu'il doit s'équiper, consomme. L'emploi des jeunes doit donc être, pour nous, une obsession. Il y va de la justice, de l'avenir de notre pays et de la croissance. Enfin, concernant la fiscalité, une taxe carbone européenne ne permettrait-elle pas d'éviter les délocalisations ? Que pensez-vous de la fiscalité sur les mouvements de capitaux, autrement dit de la taxe Tobin ?

M. Jacques Attali. - Monsieur Fourcade, notre commission fera des propositions sur l'épargne. Je signale que la mise en oeuvre de la directive « Solvabilité II » limite la capacité des compagnies d'assurance à financer les entreprises.

Monsieur Jégou, y a-t-il trop de consommation ? Pour répondre par une boutade, tout dépend de ce que vous gagnez. Ce sujet nous renvoie à la question générale de la justice sociale.

Monsieur Bernard-Reymond, l'accent doit être mis sur les contrats d'évolution qui réduisent la durée du chômage. La flexisécurité ou la sécurité sociale professionnelle est un instrument efficace pour combattre le chômage. Concernant le dossier de l'autoroute entre Gap et Grenoble, voilà un bel exemple de ce qui manque toujours le plus en politique : le courage.

Monsieur Marc, s'agissant de l'impact des économies sur l'emploi, il faut d'abord réduire les dépenses avant de s'intéresser aux recettes. En matière d'impôts nouveaux, si notre doctrine n'est pas faite, nous pensons a priori à la taxe écologique, à la TVA appliquée au domaine social, à l'impôt sur les successions et aux impôts fonciers. Si nous en revenions à la fiscalité de 1999, nous gagnerions 5 à 6 points de PIB en recettes...

Monsieur Raoul, Mme Weissmann défend, comme vous, l'idée d'orienter les aides à la recherche et développement vers les PME innovantes.

Monsieur Bourquin, passer d'une croissance potentielle de 1,5 % à 3 % est possible. Cela est nécessaire pour l'emploi des jeunes. La confiance est la clé de la réussite. Et il n'y aura pas de confiance sans justice sociale !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Merci de votre présence. Nous aurons le plaisir de vous auditionner une nouvelle fois lorsque votre commission rendra son rapport définitif.

Débat d'orientation des finances publiques pour 2011 - Examen du rapport d'information

La commission procède ensuite à l'examen du rapport d'information de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le débat d'orientation des finances publiques pour 2011 (DOFP).

M. Jean Arthuis, président. - Nous venons d'entendre Jacques Attali qui nous a livré la quintessence des orientations du groupe qu'il préside pour libérer la croissance française. Nous l'avons rassuré, nous sommes conscients de la réalité et entendons les quelques propositions esquissées par son groupe.

M. Philippe Marini, rapporteur général (procédant par vidéo-projection). - Notre rapport est très substantiel cette année. Il faut dire que le débat d'orientation des finances publiques prend un tour nouveau : pour la première fois il se conclura par un vote - qui portera cependant sur une déclaration du Gouvernement, non sur un texte discuté et amendé. Nous aurons à nous prononcer sur la trajectoire du programme de stabilité et de croissance. Je vous présenterai donc notre propre chiffrage de convergence, qui va au-delà de celui du Gouvernement. Nous méritons votre indulgence car nous avons dû reconstituer des données que le Gouvernement ne nous a pas transmises en temps utile.

La programmation 2010-2013 présentée par le Gouvernement est quasiment inchangée par rapport au programme de stabilité 2010-2013 transmis à Bruxelles en février dernier. Celui-ci comprend des objectifs et des prévisions de soldes pour l'Etat, la Sécurité sociale et les administrations locales. La base dont nous partons aujourd'hui est légèrement meilleure qu'en février. Le déficit 2009 était alors estimé à 7,9 %, il s'établit finalement à 7,5 %. Pour 2008, la prévision est de 8 % et non plus de 8,2 %. Le programme demeure d'actualité, les hypothèses n'ont pas été modifiées. L'Etat dit vouloir s'appliquer une nouvelle norme de dépense, le zéro pour cent en valeur hors pensions et charge de la dette remplaçant le zéro pour cent en volume élargi. Les résultats de cette nouvelle norme sont toutefois voisins de ceux de l'ancienne. L'ONDAM table toujours sur une croissance annuelle de l'ordre de 1,25 % en volume et de 3 % en valeur. Les dotations de l'Etat aux collectivités locales sont gelées en euros courants. Le Gouvernement entend ainsi faire porter l'effort sur les dépenses et, pour une faible part, sur les niches fiscales et sociales.

Il se fixe un objectif d'amélioration du solde, en fin de période, d'une centaine de milliards d'euros. Il y a, d'une part, la simple prise en compte des effets de la croissance sur les recettes publiques, 2,5 % par an ; le coefficient d'élasticité reste inchangé par rapport à février, l'amélioration automatique du solde est de 40 milliards d'euros, en prenant en compte la part conjoncturelle de la diminution du ratio dépenses/PIB. Le plan de relance et l'effet de trésorerie de la réforme de la taxe professionnelle arrivent à leur fin, ce qui économisera encore 15 milliards d'euros, soit un total de 55 milliards. Il y a, d'autre part, l'action volontariste du Gouvernement, pour 60 milliards d'euros : réduction de niches fiscales pour 8,5 milliards et plus de 50 milliards d'économies de dépenses - plus exactement, d'inflexion du taux de croissance des dépenses par rapport à la tendance observée les années passées, et non de diminution arithmétique. Il faut faire cette distinction, qui n'est pas sans analogie avec celle que l'on faisait entre les « services votés » et les « mesures nouvelles » sous l'empire de l'ordonnance de 1959.

Lors de la deuxième conférence sur les finances publiques, il a été annoncé que les concours de l'Etat aux collectivités locales, hors fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), seraient gelés en valeur dans le budget triennal 2011-2013. Faut-il comprendre qu'il y aura stabilisation en valeur de toutes les dotations sous enveloppe, hormis le FCTVA ? Ou stabilisation en valeur de l'enveloppe et de ses composantes, les évolutions du FCTVA étant compensées par les variables d'ajustement ? Malgré la réponse que nous a faite François Baroin la semaine dernière, l'ambiguïté demeure.

L'enjeu essentiel concerne les dotations résultant de la réforme de la taxe professionnelle. Nous avons tous entendu Christine Lagarde dire que la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) comme les attributions au titre du Fonds national de la garantie individuelle de ressources (FNGIR) ne serviraient pas de variables d'ajustement à l'enveloppe des concours aux collectivités. C'est une déclaration de bon sens, mais il faudra être vigilant.

Les efforts annoncés par le Gouvernement en matière de réduction de la dépense fiscale et sociale sont en progrès : 6 milliards d'euros en février dernier, 8,5 milliards le 25 juin, à la conférence de presse du Premier Ministre, puis « au moins 8,5 milliards » dans le rapport transmis par le Gouvernement. Sur les 3 milliards d'euros de mesures dans le cadre de la réforme des retraites, l'annualisation du calcul de l'allègement de charges sur bas salaires en représente 2. A quoi s'ajoute un cocktail de mesures non détaillées, à hauteur de 3,2 milliards, pour stabiliser la situation de la Cades. Il restera 2,3 milliards de mesures d'économies sur la dépense fiscale à définir : le « rabot », réduction proportionnelle, en ferait partie, mais sur quelle assiette jouera-t-il ?

Le Gouvernement prévoit de ramener la croissance annuelle en volume de la dépense publique de 2,4 % depuis le début des années 2000 à 0,6 % en moyenne par an, de 2011 à 2013. Nous retrouvons les 55 milliards d'euros d'économies. Mais certaines indications nous inquiètent car elles sont liées à des conditions improbables. Le ralentissement de la croissance des dépenses des « autres administrations de sécurité sociale », en particulier l'assurance-chômage, doit dégager 7,5 milliards d'euros. Mais ce calcul repose sur l'hypothèse d'une forte diminution du chômage et sur celle d'une croissance de 2,5 % par an... Je suis sceptique. Je le suis encore plus concernant le ralentissement des dépenses des collectivités locales, avec 12,5 milliards d'euros d'économies attendues, ce qui supposerait que l'évolution des dépenses en volume chute de 3 % à 0,9 % par an. Cela semble improbable et le Gouvernement, n'a du reste, aucun moyen de l'imposer.

La France, parmi les Etats de la zone euro, se situe en place honorable quant aux prévisions d'ajustements structurels : dans le plan allemand, l'ajustement est de 0,7 point de PIB par an, mais notre voisin prévoit un déficit 2010 de seulement 5,5 % du PIB. Le plan du Royaume-Uni est de loin le plus important : près de 2 points de PIB par an, soit deux fois notre effort affiché.

J'en viens à la nouvelle norme de dépense de l'Etat : est-ce une avancée ou un simple changement de vocabulaire ? De la courbe en volume ou de la courbe en valeur, laquelle est la plus favorable ? Tout dépend des hypothèses. Aucune ne semble avoir un avantage décisif sur l'autre. Par conséquent, je m'étonne du changement de terminologie, sans contester cependant la nouvelle règle.

Le plan du Gouvernement comporte une diminution de 10 % des dépenses de fonctionnement. L'annonce en a été faite après les conférences sur les déficits des finances publiques et le ministre du budget, le 30 juin dernier, a indiqué une réduction de 10 % au total sur la période 2011-2013 des crédits d'intervention et de fonctionnement. Autrement dit, les dépenses d'intervention en 2013 devraient passer de 66 à 59,4 milliards d'euros et les dépenses de fonctionnement de 43 à 38,7 milliards. En réalité, le discours du Gouvernement ne correspond pas à ses intentions : il entend là encore réduire la progression des dépenses de fonctionnement et d'intervention par rapport à l'évolution spontanée. Si l'on prend comme référence une indexation sur l'inflation, une réduction de 10 % correspond d'ici 2013 à une diminution par rapport à 2010 de 2,8 milliards pour les dépenses de fonctionnement et de 4,3 milliards pour celles d'intervention.

Les dépenses de fonctionnement représentent 43 milliards d'euros. Mais n'oublions pas que l'Etat s'est « agencisé » au fil du temps et qu'il verse aux opérateurs 24,2 milliards d'euros - contre 18,4 milliards de dépenses de fonctionnement directes. Certaines enveloppes sont plus aisément ajustables, par une mutualisation et une rationalisation des structures. Il apparaît que 94 % des transferts sont concentrés sur sept missions et 70 % sur la seule mission « recherche et enseignement supérieur ». Citons également, au titre de l'écologie et du développement durable, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, Voies navigables de France, Météo France, les Parcs nationaux, l'IGN, l'Ademe, etc.

Plus de 28 milliards d'euros, soit plus de 40 % des dépenses d'intervention, correspondent à des dépenses de guichet - aide au logement, anciens combattants, bourses...- dont le paiement intervient automatiquement lorsque les bénéficiaires potentiels remplissent les critères inscrits dans les lois ou règlements. A quoi s'ajoutent 10 milliards de dotations, telles que les subventions d'équilibre aux régimes de retraite par exemple, ou les transferts aux collectivités locales. Restent 42 % de dépenses d'intervention à caractère plus discrétionnaire et c'est sur cette masse que les vraies économies peuvent porter. Certaines dépenses sont très concentrées, d'autres relèvent du saupoudrage, avec 1 milliard d'euros versés en 2008 à diverses associations, par exemple.

Pour le fonctionnement, il suffit d'appliquer une « toise » comme le Budget a l'habitude de le faire, et d'adapter les dépenses en conséquence. Mais pourquoi ne pas moduler l'effort en fonction des performances de gestion ? La LOLF a introduit des indicateurs de performance mais ils semblent oubliés ! Il a fallu beaucoup de réflexion pour les définir, mais qui s'en sert ? Les économies futures doivent tenir compte des résultats. Et tous les opérateurs doivent y contribuer, car leur part relative s'accroît continûment.

Tous les dispositifs d'intervention doivent être réexaminés ; il faut concentrer les aides publiques sur les plus vulnérables, responsabiliser les bénéficiaires par le recours à des mécanismes de ticket modérateur, lutter contre la fraude aux prestations. Il faut également éviter les phénomènes d'« abonnement » c'est-à-dire la dépendance à l'égard des aides et conditionner ces dernières à des contreparties. C'est un art d'exécution difficile...

Une évolution est aisément mesurable : celle des effectifs, dont la diminution se poursuit. Il en résulte une économie sensible, 800 millions d'euros en 2009, hélas compensée par 550 millions d'euros de mesures catégorielles, 630 millions d'augmentation des rémunérations, 120 millions de glissement vieillesse-technicité et 370 millions d'euros de mesures d'ajustement. La masse salariale progresse de 1 %, à effectifs décroissants. Faire des économies par le seul jeu des effectifs est donc illusoire, il faut agir sur le point d'indice. Par rapport à une augmentation de 0,5 %, un gel pendant trois ans représenterait 2,25 milliards d'euros d'économies. Et sur les pensions de retraite, l'économie potentielle par rapport à l'indexation actuelle sur l'inflation est de 700 millions d'euros. Soit au total environ 3 milliards d'euros sur trois ans.

Comment ramener le déficit à 3 % en 2013 ? La programmation présentée par le Gouvernement m'inspire des doutes. Jamais dans le passé un processus de stabilisation des dépenses n'a été respecté. Toujours on a entendu un double langage. Les prévisions de croissance des dépenses publiques n'ont jamais été tenues. Or le présent programme est l'un des plus ambitieux jamais présentés. Il repose sur une hypothèse de croissance des dépenses, en volume, de 0,6 % par an : voilà qui est très optimiste ! Quant aux dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM progressera vraisemblablement non pas selon le taux prévu mais jusqu'au seuil de déclenchement de la procédure d'alerte, ce qui ramènera l'impact annuel sur le taux de croissance des dépenses publiques à 0,2 point au lieu de 0,3 point. La progression des dépenses des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie et retraite ralentirait : cela repose sur une hypothèse de forte baisse du taux de chômage, résultant d'une hypothèse de 2,5 % de croissance annuelle. La croissance des dépenses des collectivités territoriales passerait de 3 % à moins de 0,9 % en volume. Cela n'est pas crédible. Nul ne connaît la croissance du PIB des années à venir. Une bonne surprise n'est pas à exclure, par exemple si la dépréciation de l'euro se concrétise, mais la croissance potentielle française a été estimée à 2 % - et la France est le pays de la zone euro qui retient l'hypothèse la plus au-dessus de sa croissance potentielle. J'ai des doutes... Je préfèrerais une hypothèse neutre, de 2 % par an. Or, en retenant ce taux de croissance, toutes les hypothèses d'ajustement du Gouvernement deviennent caduques. Et il est difficile de penser que le déficit en 2013 pourra dans ce cadre être inférieur à 5 points de PIB.

M. Jean Arthuis, président. - Selon M. Attali, il manque 40 milliards d'euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Selon moi, il manque 50 milliards ou plus : 30 milliards d'euros au titre des recettes et 25 milliards d'euros environ au titre des dépenses. Comment les trouver ? Il est temps d'adapter la gouvernance, sinon une forte défiance va s'exercer à l'encontre de la France.

C'est la première fois que le Parlement s'associe au Gouvernement dans un tel exercice. Mais au-delà du vote, que faire ? La notion de trajectoire est essentielle. Pour être crédible, celle-ci doit reposer sur deux règles simples : la sincérité, ou pour le dire autrement, des hypothèses prudentes et identiques dans la loi de finances et dans les documents relatifs à la trajectoire ; et la responsabilité, avec une procédure pour corriger rapidement les écarts. Nous souhaitons donc une révision constitutionnelle - je vous renvoie au rapport Camdessus.

La trajectoire doit être détaillée par la loi cadre pluriannuelle, laquelle s'imposerait aux lois annuelles ; le Conseil constitutionnel serait le « gendarme » s'assurant de cette conformité. Enfin, les lois de finances et de financement de la sécurité sociale devraient avoir le monopole des décisions financières significatives.

Si l'on annonce pareille trajectoire et si elle n'est pas respectée, il en résultera un discrédit. Comment se paiera-t-il au niveau de la cotation de nos dettes ?

Des mesures concrètes sont nécessaires, qui figurent, avec leur ordre de grandeur, dans le tableau qui vous est soumis. Il s'agit d'une « boîte à outils » pour voir comment il serait possible d'opérer les ajustements supplémentaires, tant en dépenses qu'en recettes : non-indexation de certaines rubriques, mise en oeuvre d'une RGPP des administrations de sécurité sociale ; dette sociale ; réduction des niches fiscales qui peuvent aller plus loin. Si l'on veut un ajustement véritable et rapide des recettes, il n'y a pas de meilleure solution que la TVA : l'on dégagerait 7 milliards en portant le taux réduit de 5,5 % à 8 %.

Mme Nicole Bricq. - Même les Anglais n'ont pas voulu le faire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - On peut réduire les exemptions d'assiette de sécurité sociale voire, en fin de période, comme l'ont fait l'Allemagne et l'Espagne, augmenter d'un point le taux normal. J'avais déjà évoqué l'an dernier l'idée non maastrichtienne d'un emprunt obligatoire pour les contribuables les plus imposés, ce qui représenterait 5 milliards d'euros avec 10 % de plus pour les 10 % de contribuables les plus imposés. C'est symbolique ? Mais ne réclame-t-on pas des efforts équitablement répartis ?

Nous pouvons réduire de 10 milliards de plus les dépenses fiscales. Commençons par les plus coûteuses. Si l'on additionne les propositions de Christian Gaudin et de plusieurs collègues de l'Assemblée nationale, on peut plafonner à 100 millions d'euros les dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche (CIR), soit une économie de 200 millions d'euros, prendre en compte pour le plafond l'ensemble du groupe et non chaque filiale, soit un gain de 400 millions d'euros, ramener de 75 % à 33 % la part des dépenses de personnel prise en compte pour déterminer les frais de fonctionnement des entreprises, ce qui rapporterait encore 900 millions. Voilà au total 1,5 milliard sur 4 milliards.

M. Jean Arthuis, président. - Et 6 milliards assez rapidement...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ramener la prime pour l'emploi de 1,4 à 1,2 SMIC dégagerait 1,1 milliard et réduire son taux de 10 %, 300 millions. Une sortie en sifflet du crédit d'impôt durable économiserait 1,5 milliard, et 600 millions pour la suppression de l'avantage en faveur du photovoltaïque.

Sur la fiscalité immobilière, on peut éviter la coexistence du taux zéro et de la déductibilité des intérêts d'emprunt. Nous avons lancé une étude sur le « Scellier » et le « Demessine » ; l'enjeu cumulé est de l'ordre du milliard d'euros.

Il n'est pas impossible de taxer plus lourdement les sorties anticipées de l'assurance-vie. Doit-on en effet utiliser celle-ci comme un instrument de trésorerie ? Je ne le crois pas et l'on peut dégager quelques centaines de millions d'euros sans déstabiliser ce régime important.

Certaines mesures d'assiette peuvent être remises en cause. Nous avons une foule d'exonérations, d'abattements et de déductions, qui concernent l'impôt sur le revenu, mais aussi l'ISF et l'impôt sur les sociétés : à mon sens il faut passer le « rabot » sur tous les impôts et sur une surface intégrant les mesures d'assiette, ce que ne fait pas le Gouvernement.

Même si toutes ces mesures peuvent représenter une dizaine de milliards supplémentaires, il ne saurait y avoir d'ajustement significatif si l'on ne touche pas à la TVA. Augmenter le taux réduit d'un point aurait rapporté 2,6 milliards en 2008. A terme, il faudra aller plus loin avec le basculement des charges sociales vers la TVA ; un point supplémentaire de taux normal de TVA constituerait une mesure de rendement.

S'agissant des recettes de la sécurité sociale, nous avions déjà proposé de revaloriser la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) de 1,8 milliard. La porter à 0,65 % en 2011 peut s'ajouter aux mesures proposées par le Gouvernement.

M. Jean-Jacques Jégou. - Ça, c'est facile...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je ne peux qu'abonder dans le sens de ceux qui proposent d'abaisser le point de sortie des allègements généraux de charges sociales à 1,5 smic en 2012, ce qui dégagerait 2,5 milliards.

Les exemptions d'assiette de sécurité sociale constituent aussi des niches. Le total de cette rubrique atteint 40 milliards. Ne touchons pas aux 20 milliards d'allègements du coût du travail ni aux 10 milliards concernant les prestations sociales. Restent 10 milliards, portant notamment sur les stock-options, les indemnités de départ et les plus-values immobilières. Ne vaudrait-il pas mieux que les stock-options soient assujetties aux cotisations sociales plutôt qu'à une contribution spécifique ? Dans le cas de l'exemption dont bénéficient les plus-values immobilières, faudrait-il toucher à celles concernant la résidence principale ? Je n'en suis pas certain. Les livrets règlementés représentent 600 millions. Sans reprendre les estimations de la Cour des comptes, il y a dans tout cela un potentiel supérieur à 5 milliards. Nous verrons si le Gouvernement y pense.

Cet ajustement ne pourra pas s'effectuer si l'on ne fait pas une partie du chemin avec la dépense, qu'il s'agisse de non-indexations temporaires, d'un meilleur contrôle de l'évolution de la masse salariale, de la révision de régimes de différents guichets d'intervention ou encore de celle des lois de programme déjà votées. Du côté de la sécurité sociale, est-il absurde de se fixer l'objectif de demander aux régimes d'économiser 1 % de leur dépense totale, soit 5 milliards ? Nous ne pouvons ici articuler que des ordres de grandeur. Il faut néanmoins éviter tout ce qui compliquerait la réforme des retraites : tout ce qui jetterait le doute sur celle-ci est à proscrire. Enfin, on ne peut pas avoir un programme crédible en termes de dépenses sociales si l'on se contente d'affirmer un taux normatif d'évolution sans avoir les moyens de contrôler celles-ci.

Si des mesures volontaires sont adoptées sur les dépenses de l'Etat, les collectivités locales pourront prendre leur part, à condition que les règles soient claires et après la réforme de la réforme de la taxe professionnelle.

Je n'ai pas le beau rôle en présentant ce tableau qui a le mérite d'exister. Il y a quelques semaines, nous étions dans l'épisode grec, puis ceux qui ont suivi ont conditionné toutes les conversations. Or, aujourd'hui, on a presque l'impression qu'avec le fonds de stabilité financière, l'obstacle est franchi. Le croire serait une grave erreur et notre devoir est d'aider le Gouvernement à faire percevoir les enjeux actuels.

M. Jean Arthuis, président. - Vous avez résolument pris le parti de ne pas rester dans un rôle beau mais convenu. Il y a maintenant consensus sur le diagnostic. Chacun a-t-il pris la mesure de ce qu'il implique ? On ne peut plus attendre les décisions sans porter atteinte à l'indépendance nationale. Or l'approche du Gouvernement reste optimiste. Quelle position prendrons-nous lorsque celui-ci nous demandera d'exprimer un vote sur sa déclaration ? Il doit tenir compte de nos remarques et propositions. Je ne suis pas sûr qu'il y ait sur celles-ci un large consensus, mais elles illustrent ce qu'il convient de faire et nous permettent de prendre la mesure de cette quasi-révolution.

M. Serge Dassault. - Sur un plan général, le taux de croissance retenu par le Gouvernement appelle les critiques les plus évidentes. Il n'est pas raisonnable de proposer une hypothèse trop optimiste afin d'avoir les résultats demandés. Mieux aurait valu travailler à partir d'un scénario pessimiste, quitte à engranger des améliorations.

La croissance résulte d'une augmentation de la production en France, qui ne peut intervenir si l'on reste éternellement à la traîne pour le travail mais en tête pour les charges sociales parce qu'alors, faute d'être compétitif, on délocalise. La croissance, ce n'est pas ça ! Il faut réunir les éléments qui la créent : travailler plus, ne plus avoir les 35 heures, ne pas avoir ces charges sociales. Il faut donc aller plus loin sur les charges de sécurité sociale. Que préconisez-vous sur les aides fiscales et sociales, ces 50 milliards qui constituent mon budget de l'emploi, et qui sont attribuées sans limitation de durée ? Le Gouvernement ne semble pas près de les supprimer alors qu'il faut poser une limite à cela.

Il faudrait réagir par un vote si l'Etat conservait cette hypothèse de croissance car calculer ainsi la croissance, c'est, à terme, du surendettement. Que donnerait une hypothèse de croissance de 1,5 % ?

M. Jean Arthuis, président. - A 1,5 % de croissance, il faut trouver 20 milliards de plus.

M. Serge Dassault. - On n'a pas parlé des allègements de charges. On ne peut pas faire en même temps la relance et la rigueur, par laquelle il faudrait commencer.

Mme Nicole Bricq. - On peut partager certains éléments de l'analyse, mais pas forcément le diagnostic, non plus que la trajectoire et son rythme. Mme Lagarde explique qu'il faut pratiquer le double débrayage et réduire le déficit tout en soutenant la croissance - au travers, donc, de la puissance publique puisque la solution ne viendra pas de l'investissement privé. Le rapporteur général a-t-il pris en compte le coût pour l'emploi de la contraction de la consommation, qui est le seul moteur de la croissance qui marche encore chez nous ?

Je n'ai pas eu le rapport Camdessus, mais j'avais lu le rapport d'étape. Le groupe était divisé sur des normes constitutionnelles, très contraignantes - comment le Conseil constitutionnel pourrait-il apprécier leur application ? -, alors qu'il faut de la flexibilité pour affronter les crises. Si l'on ne veut pas sortir de la crise au prix d'une autre crise, y a-t-il des éléments de flexibilité dans le rapport final de M. Camdessus ? Quand il y a crise, toutes les digues sautent, et heureusement !

Mme Marie-France Beaufils. - Le diagnostic mériterait qu'on s'y attarde plus. Quand j'entends M. Dassault, je me dis qu'il ne faut pas continuer à reproduire un système fondé sur l'exportation et qui n'est pas la réponse la plus efficace.

Vous avez évoqué le « rabot fiscal » comme si la LOLF nous donnait les outils les plus pertinents pour mesurer l'efficacité des mesures budgétaires. Vos propos sur le crédit d'impôt-recherche confirment ce que nous disions de son efficacité. Il y a d'autres niches fiscales à investiguer. Vos propositions ne concernent guère ceux qui sont les plus susceptibles de contribuer au budget général. Si nous ne pouvons que partager vos interrogations sur le taux optimiste de croissance retenu par le Gouvernement, la non-revalorisation des prestations légales de retraite serait contreproductive. Nous avons bien deux visions différentes des interventions possibles.

Mme Fabienne Keller. - Je remercie chaleureusement le rapporteur général de cette présentation claire, quoiqu'un peu déprimante. Le diagnostic est sévère. Si l'on doit relever le taux réduit de TVA, par exemple dans la restauration, ne vaudrait-il pas mieux s'en tenir à un taux intermédiaire, comme le préconise Jean Arthuis ? La TVA sociale offre-t-elle une piste ? Enfin, est-ce qu'une taxation en fonction de l'utilisation des ressources, je n'ose évoquer ici la taxe carbone, ne pourrait pas constituer une meilleure solution que l'augmentation des charges sociales ou celle de l'imposition des produits de première nécessité ?

M. François Fortassin. - J'ai noté avec satisfaction la clarté de l'exposé. Les difficultés que nous connaissons risquent d'être durables. N'y a-t-il pas une position presque philosophique à prendre quand l'éventail des revenus et des patrimoines s'est autant accru ? Dans cette période difficile, est-il illusoire de considérer que l'enrichissement sans cause devrait être lourdement ponctionné ? Qu'a fait le propriétaire dont le terrain vaut soixante ou cent fois plus cher parce qu'il est devenu constructible ? Quel est son mérite ? A mes yeux, il n'a aucun titre à une telle plus-value. Ne serait-il pas judicieux de lui en prendre la plus grande partie ?

De même, l'on attaque souvent des personnes, artistes, footballeurs ou professionnels de la grande distribution, qui s'enrichissent sur le sol national mais s'exilent dans un pays voisin. Leur prendre une partie de leur patrimoine ne me choquerait pas. C'est affaire de patriotisme. Ces mesures peuvent être difficiles à mettre en place, mais je voulais les verser au dossier.

M. Jean Arthuis, président. - Il y aura une économie facile en 2011, il s'agit des 15 milliards du plan de relance de 2010 et de l'effet de trésorerie de la réforme de la taxe professionnelle qui ne se retrouveront pas l'année suivante : il convient de raisonner après correction des dépenses 2010, et cela vaut pour la « queue » du plan de relance comme pour le régime de croisière de la réforme de la taxe professionnelle.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce sont les 15 milliards résultant du droit actuel.

M. Jean Arthuis, président. - Pour trois ans.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le Gouvernement a eu tort de présenter cela comme un effort.

M. Jean Arthuis, président. - En effet, cela ne doit pas apparaître dans le tableau de l'effort à accomplir.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - On peut discuter des hypothèses, mais il y a 15 milliards d'euros de constatation. Quant aux 40 milliards liés à la conjoncture, le risque est que la croissance ne soit pas au rendez-vous.

M. Jean Arthuis, président. - Sur la TVA, l'alternative est celle qu'a exposée Fabienne Keller, avec un taux intermédiaire pour l'économie de proximité (restauration, rénovation immobilière), qui pourrait rapporter 3 à 4 milliards.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'essaierai de convaincre M. Fortassin que ses formules sont irréelles. On impose d'ailleurs déjà les plus-values sur les terrains devenus constructibles.

M. Jean Arthuis, président. - Un régime uniforme est préférable.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Brûler les châteaux n'est pas la solution ...

M. Jean Arthuis, président. - ... Ils sont souvent une charge !

M. Yann Gaillard. - Le débat d'orientation budgétaire va prendre une dimension tout à fait différente cette année. Sera-t-il public et est-on sûr que l'analyse des grandes lignes de la programmation du Gouvernement est bien complète ? Celui-ci a peut-être d'autres réponses à fournir.

M. Jean Arthuis, président. - Il y aura jeudi, devant le Sénat, une déclaration du Gouvernement ; notre commission n'a pas à prendre position et chaque sénateur se prononcera par un vote en son âme et conscience.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les années précédentes, la commission avait éclairé le débat, mais il n'y avait pas eu de vote. Pour ma part, cette année je voterai la confiance, ce qui ne m'empêche pas de dire ici les doutes que m'inspire le scénario du Gouvernement. Le plus simple serait de courber la tête en considérant que c'est l'affaire de celui-ci, mais telle n'est pas ma conception. L'hypothèse sur la trajectoire du déficit, c'est 6% du PIB en 2011.

M. Serge Dassault. - Combien de milliards ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous aurez tout dans le rapport. On ne pouvait faire plus vite avec un minimum d'informations. Nous sommes de « bons garçons » en acceptant de travailler dans des conditions aussi acrobatiques.

M. Jean Arthuis, président. - C'est une question de gouvernance.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tout le monde a conscience du risque de contraction de la consommation, mais si le scénario de la convergence n'est pas crédible, la dette nous coûtera sensiblement plus cher et il faudra ajuster.

Mme Nicole Bricq. - Nous sommes déjà dans la main des prêteurs.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Parce que nous finançons le budget général avec de la dette.

Mme Nicole Bricq. - Vous n'avez pas évoqué la sanctuarisation des recettes.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est une question de terminologie : j'ai proposé des mesures de rendement fiscal sur les revenus élevés.

M. Jean Arthuis, président. - On est toujours dans la main des prêteurs quand on veut emprunter.

Mme Nicole Bricq. - Vous vous y êtes bien mis...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Et ceux qui veulent chasser les riches s'y mettent davantage. Le rapport Camdessus est en ligne sur le site de Matignon : vous pouvez le consulter.

Mme Nicole Bricq. - Je vous ai parlé de la flexibilité des règles.

M. Jean Arthuis, président. - Il n'y en a pas.

Mme Nicole Bricq. - Et leur constitutionnalisation ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le rapport propose que la loi-cadre s'impose aux lois annuelles qui devront y être conformes. La loi de programmation que nous avons votée est irréelle.

M. Jean Arthuis, président. - La loi pluriannuelle dont nous débattrons sera actualisée chaque année et l'on aura un plancher de recettes et un plafond de dépenses. La révision constitutionnelle ne portera que sur le positionnement juridique de la loi cadre, pour permettre le contrôle des lois annuelles, et sur le monopole de la loi fiscale. Cela ne préjuge en rien des choix de fond. Même si des mesures peuvent impacter la croissance, il faut s'interroger sur les moyens d'atteindre les 3 % en 2013.

M. Serge Dassault. - Avec quelles hypothèses ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Veut-on respecter ou non cette contrainte ?

Mme Nicole Bricq. - Est-ce la bonne ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est celle de la zone euro et de la convergence. Si l'on n'y reste pas, on l'assumera en payant notre dette plus cher. J'étais en Espagne où vos amis sont au pouvoir tandis que les autres critiquent. Quel que soit le parti au pouvoir, il ne peut être très populaire dans ces conditions - vous ne le seriez pas non plus. Je n'ai pas entendu proposer de sortir de l'euro.

M. Jean Arthuis, président. - Il y a convergence sur les 3 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'ai bien noté les remarques de Fabienne Keller, mais la taxe carbone n'a-t-elle pas un impact sur la compétitivité de nos entreprises ?

A l'issue de ce débat, la commission donne acte à M. Philippe Marini, rapporteur général, de sa communication, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

- Présidence de M. Yann Gaillard, vice-président -

Nouvelle organisation du marché de l'électricité - Examen du rapport pour avis

La commission procède enfin à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 556 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOMÉ).

Examen du rapport pour avis

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. - Je simplifierai mon exposé. Nous nous sommes saisis pour avis de l'article 12 du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, qui réforme la taxe locale d'électricité, un sujet sur lequel nous avons tenu une table-ronde il y a quelques semaines. Les tarifs réglementés, bleus, jaunes et verts, que nous connaissons tous, se heurtent en effet aux directives européennes 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003. Nous avons mis en place un dispositif temporaire pour certaines catégories d'entreprises, le « tarif de retour » ou tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché (TaRTAM), mais cette digue assez faible ne tient plus et deux procédures ont été engagées contre la France, l'une portant sur l'aide d'Etat que constitueraient les tarifs règlementés accordés aux industriels qui en bénéficient, et l'autre sur le défaut de transposition de la directive. Selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), au 31 mars dernier, les marchés règlementés représentaient encore 94 % des sites et 83 % de la consommation.

Le Gouvernement a recherché un nouveau compromis en chargeant une commission, présidée par M. Paul Champsaur, de trouver une solution. Il en est résulté ce projet de loi qui substitue, sauf pour les petits consommateurs, à une régulation en aval une régulation en amont. Electricité de France (EDF) aura l'obligation de céder aux autres fournisseurs jusqu'à 100 TWh de la production d'électricité nucléaire historique. Cet accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) s'établira à un prix fixé au départ « en cohérence » avec le TaRTAM, puis évoluera en fonction de paramètres économiques.

Il est difficile d'être plus clair car il s'agit d'un compromis avec le droit européen : le TaRTAM était une ambiguïté ; nous passons à une autre solution ambiguë avec ce texte dont l'équilibre et la validité reposent sur un échange de lettres entre le Premier ministre et les deux commissaires européens compétents, qui, malgré cet « imprimatur » timide, ne s'engagent pas pour la Cour de justice des communautés européennes.

Cette loi sera difficile à appliquer, d'où l'importance du régulateur, qui donne son avis notamment avant chaque arrêté de détermination du prix de l'électricité cédée selon le mécanisme de l'Arenh. Entre EDF, GdF-Suez, groupe désormais privé, et les nouveaux entrants, la matière est très conflictuelle, et c'est une raison de plus pour conforter le statut du régulateur - c'est même la condition du succès. Le prix doit être incontestable. Nous proposons donc de donner la personnalité morale à la CRE et de lui assurer une ressource, sur le modèle de l'Autorité des marchés financiers. Sa crédibilité dépendra en effet de son indépendance.

Introduit par amendement à l'Assemblée nationale, l'article 12 me paraît dans l'ensemble satisfaisant. Il respecte l'obligation de transposition de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 qui impose une taxation minimale assise sur les quantités et non sur les prix. La taxe ne peut être optionnelle, ce qui n'est pas compatible avec le régime actuel des taxes locales (TLE). La Commission vient de signifier à la France un avis motivé, le 18 mars 2010. La réforme transforme donc les TLE en accises dont les tarifs sont à définir suivant des coefficients multiplicateurs au niveau des départements, des communes et des syndicats intercommunaux : l'autonomie fiscale des collectivités locales est ainsi respectée. Une taxe intérieure sur les consommations finales d'électricité vient en complément des taxes locales afin de taxer les consommations des clients dont la puissance souscrite dépasse 250 kVA ; cette taxe d'Etat rapporterait 75 millions l'an.

La réforme est neutre pour les collectivités bénéficiaires des TLE, qui garderont la maîtrise de la recette et un pouvoir de modulation. Au total, le texte est plus satisfaisant que la première reforme que nous avions refusée en loi de finances rectificative, à la fin de 2008.

M. Yann Gaillard, président. - Serons-nous suivis par la commission de l'économie ?

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. - Cela devrait être en partie le cas pour la réforme des TLE. Je n'en suis pas certain pour la personnalité morale de la CRE.

M. Philippe Dallier. - Quand on taxait à la facture, il était facile de localiser la recette. Qu'en sera-t-il quand on taxera la fourniture ?

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. - C'est notamment pour cette raison qu'il y a un dispositif de contrôle renforcé.

M. Philippe Dallier. - Cela dépend-il de la consommation sur le territoire ?

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. - On pourra localiser les consommations sur lesquelles les taxes sont assises. Les accises ne peuvent porter que sur les consommations. Le Gouvernement avait d'abord proposé un dispositif forfaitaire qui aurait fait beaucoup de perdants. Si l'on applique les coefficients maximums, il ne devrait pas y avoir de perte de recettes.

M. Philippe Dallier.- Y a-t-il eu des simulations ?

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. - Cela peut être une incitation supplémentaire à développer le chauffage électrique : les communes les plus équipées percevront plus de TLE...

M. Philippe Dallier. - Je ne serai rassuré qu'après avoir vérifié le rendement.

Examen des amendements

Article additionnel après l'article 8

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 1 est un amendement de principe sur le statut de la CRE qui se verrait reconnaître la personnalité morale et l'autonomie financière. Je ne suis pas certain que la commission de l'économie y soit favorable.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article 12

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 2 réduit les frais que prélèveront les redevables, de 2 % à 1,5 % du montant versé. En outre, si la taxe est uniforme sur le territoire d'un syndicat intercommunal, il n'y a pas lieu que le redevable prélève des frais.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 3 indexe le tarif de la taxe communale et départementale sur l'inflation.

M. Philippe Dallier. - Si l'on s'en tient à la seule assiette « quantité » d'électricité consommée, la recette a effectivement vocation à diminuer...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce n'est pas sûr. Par exemple, si vous créez un nouveau quartier, elle augmentera.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 4 prévoit que le décret d'application de l'article 12 précise la notion de puissance souscrite.

L'amendement n° 4 est adopté.

Article additionnel après l'article 14

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 5 traite d'une question dont j'ai été saisi : GdF-Suez n'ayant pas un capital majoritairement public, l'Unedic a résilié la convention existante, qui l'assimile à une entreprise publique et lui permet donc de bénéficier d'un régime particulier « d'auto-assurance-chômage ». Cela pose un problème pour les salariés ; d'où cette proposition de maintien du régime actuel.

L'amendement n° 5 est adopté.

La commission des finances émet un avis favorable au projet de loi ainsi modifié et donne mandat au rapporteur pour avis de défendre en séance publique, le cas échéant en les adaptant, les amendements et parties d'amendements de la commission qui ne seraient pas intégrés dans le texte issu des travaux de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Mercredi 7 juillet 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales - Communication

La commission entend une communication de M. Charles Guené sur les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales.

M. Charles Guené. - Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la mission animée par Bruno Durieux. S'agissant des entreprises, la réforme a atteint ses objectifs : la suppression de la taxe professionnelle a représenté un allègement de 8,7 milliards d'euros avant impôt sur les sociétés. C'était nécessaire pour soulager les entreprises exposées à la concurrence, notamment les petites et moyennes entreprises (PME).

Quant aux collectivités locales, le calendrier leur est favorable, puisque les ressources anciennement issues de la taxe professionnelle sont garanties au niveau antérieur à la crise, alors que celle-ci a affecté la valeur ajoutée. Le gain pour les collectivités par rapport à la situation qui aurait prévalu si la taxe professionnelle avait été maintenue et le coût équivalent pour l'Etat sont estimés à 1 milliard d'euros : nous en aurons la confirmation à la fin du mois. Toutes les collectivités voient leurs ressources garanties.

En revanche, la réforme n'a que très partiellement corrigé les inégalités de ressources : il faut donc améliorer la péréquation. Le potentiel fiscal par habitant varie du simple au double entre les régions, du simple au quadruple entre les départements, et de un à mille entre les communes ! Les corrections mises en place par la loi de finances pour 2010 pour les régions et les départements ne réduiraient que faiblement les inégalités de potentiel fiscal par habitant d'ici 2015. Mais une réforme de la péréquation ne suffira pas à résoudre les difficultés financières des départements : il faudra réfléchir au financement des dépenses sociales et du cinquième risque.

Nous avons voulu faire des propositions pratiques plutôt que d'en rester aux incantations. Il fallait définir un niveau optimal de péréquation, car l'écrêtement des ressources supplémentaires créées dans certains territoires ne doit pas décourager les collectivités les plus dynamiques. Nous étions tous attachés au principe de territorialisation, qui incite les collectivités à mener une politique économique active ; il ne nous a donc pas paru opportun de faire porter la péréquation sur plus de la moitié du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Les critères que nous avons définis visent à récompenser les collectivités les plus vertueuses dans leur gestion : ils concernent notamment le niveau des charges de centralité et l'équité dans l'accès aux services publics.

M. Jean Arthuis, président. - Il en va de la vertu gestionnaire comme de la pénibilité du travail : tout le monde s'accorde à dire qu'il faut la prendre en compte, mais il est bien malaisé de la définir.

M. Charles Guené. - C'est pourquoi nous recommandons la mise en place d'un groupe de réflexion.

En redéfinissant le potentiel fiscal, il faudra prendre garde à ne pas inciter les collectivités bien dotées à augmenter leurs impôts. Il convient également d'éviter les effets contre-péréquateurs.

Nous avons retenu un mécanisme de péréquation unique. Comme le souligne le rapport Durieux, la péréquation portant sur 25 % du produit de la CVAE est inefficace. Il faudrait porter ce taux à 75 %, mais la mission Durieux a préféré ne pas aller au-delà de 50 %, pour préserver le lien entre les entreprises et les territoires. Pour notre part, nous proposons un prélèvement de 50 % de la croissance cumulée des ressources des régions et des départements dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à la moyenne ; l'argent sera redistribué aux collectivités dont le potentiel fiscal est inférieur à la moyenne, en tenant compte de certains critères. La péréquation sur le stock serait supprimée. Il faudrait redéfinir le potentiel fiscal en l'élargissant à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et au fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) : on prendrait ainsi en compte la richesse globale, mais seul le produit de la CVAE serait partagé.

Les critères fondés sur la population ne permettent pas d'assurer une péréquation adéquate ; il faut les rapporter à la densité, par exemple en prenant en compte la longueur des routes par habitant. La garantie des ressources serait maintenue, puisque nous n'agirions pas sur le stock.

Ce système produirait des résultats appréciables : les inégalités entre régions seraient réduites de 20 % d'ici 2015, contre 2 % si les dispositions de la loi de finances étaient maintenues ; entre les départements, elles seraient réduites de 13 % au lieu de 6 %.

Lorsque nous avons présenté hier notre rapport au Comité des finances locales (CFL), on nous a reproché les hypothèses sur lesquelles nous nous sommes fondés, mais nous n'avons fait que reprendre celles du Gouvernement et de la mission Durieux. Si la croissance s'avère plus basse que prévu, il faudra revoir nos calculs.

Nous avons aussi cherché à repenser la péréquation entre les communes. Il fallait déterminer la nature et le niveau du prélèvement - sur le stock, le flux ou le flux cumulé -, son périmètre - national, territorial... -, les ressources à prélever et les critères de redistribution. La péréquation doit s'opérer au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) : la carte de l'intercommunalité sera achevée en 2014, ce qui facilitera les choses.

M. Jean-Jacques Jégou. - Qu'est-ce qui obligera les communautés de communes à redistribuer leurs ressources ?

M. Jean Arthuis, président. - Leur budget commun. Faut-il aller au-delà et ne verser les dotations de l'Etat qu'aux EPCI ?

Mme Nicole Bricq. - Ce serait conforme à votre logique !

M. Charles Guené. - Nous ne nous sommes penchés que sur la péréquation « horizontale » et non « verticale ». Il faut convenir qu'il est très difficile d'assurer une péréquation fine entre 36 000 communes !

M. Jean Arthuis, président. - C'est tout bonnement impossible.

M. Charles Guené. - Pour les communes, et contrairement aux départements et aux régions, la péréquation doit porter sur l'ensemble des ressources fiscales et non seulement sur les impôts acquittés par les entreprises. Nous préconisons la mise en place d'un fonds national et d'un fonds régional chargés de la répartition : il faut conserver en région parisienne la maille du fonds de solidarité de la région Île-de-France (FSRIF). A terme, nous n'excluons pas une fusion. Les communes dont le potentiel fiscal nouvellement défini excéderait 50 % de la moyenne au niveau national et 25 % au niveau régional reverseraient 50 % de la hausse de leurs ressources. Grâce à ce système à l'allemande, aucune ne devrait avoir un potentiel fiscal inférieur à 75 % de la moyenne. Les critères de redistribution comprendraient la qualité de la gestion et les charges de centralité, appréciables par strates ; j'ai proposé d'y ajouter l'équité dans l'accès au service public, comme nous l'ont suggéré les représentants de l'institut Thomas More, mais mes collègues ne m'ont pas suivi. La péréquation nationale pourrait être gérée par le CFL ; quant à la péréquation régionale, certains suggèrent d'en confier le soin aux départements, mais je préférerais que les élus du bloc communal, seuls concernés, s'en chargent eux-mêmes.

La mission recommande de préserver en 2011 les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) : le nouveau mécanisme ne s'appliquerait qu'à partir de 2012. Mais il faudra aménager la transition au-delà de 2012, car des entreprises pourraient disparaître.

S'agissant de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et plus particulièrement de la part assise sur la production d'électricité éolienne, nous avons convaincu la mission Durieux que la totalité de son produit devrait être versé au bloc communal, car les maires sont en première ligne. Il faudrait alors porter le prix du kWh à 6 euros, pour maintenir la rentabilité escomptée lors de l'achat des équipements. Sans doute conviendrait-il d'accorder une compensation ou une nouvelle ressource aux départements.

S'agissant des répartiteurs, il est nécessaire de diversifier l'assiette pour assurer les ressources des régions, sans pénaliser les petits opérateurs.

A l'avenir, il faudra resserrer le lien entre les entreprises et les territoires, en prenant en compte les grandes installations industrielles, notamment celles qui sont classées Seveso. Certaines régions industrielles sont désavantagées par le nouveau système.

M. Jean Arthuis, président. - La tâche confiée à cette mission n'était pas facile, car les intérêts en jeu sont conflictuels.

M. Charles Guené. - J'en ai eu la confirmation hier devant le CFL...

M. Jean Arthuis, président. - Certaines communes résidentielles, notamment sur le littoral, tirent d'immenses ressources de la taxe d'habitation : La Baule en est le meilleur exemple. Leur potentiel d'enrichissement est bien supérieur à celui des communes industrielles ! Les allègements prévus pourraient créer des distorsions.

M. Charles Guené. - C'est pourquoi nous avons réclamé que la dotation de compensation soit indexée, même si le rythme actuel d'indexation limite les effets d'une telle mesure.

Le développement industriel devrait se poursuivre dans les zones où sont actuellement implantés de nombreux sites de production. Par conséquent, même si les ressources qu'elles touchent sous forme de compensation augmenteront peu, elles bénéficieront d'une hausse rapide du produit de la CVAE.

Il est vrai que les communes résidentielles sont avantagées. Mais la prise en compte du potentiel fiscal par habitant devrait réduire les écarts.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Si j'ai bien compris, la mission propose de redéfinir le potentiel fiscal. Pour le bloc communal, la base de péréquation comprendrait l'ensemble des ressources, même exceptionnelles et y compris les impôts pesant sur les ménages ; si elles excédaient un certain seuil on prélèverait la moitié du flux. Pour les départements et les régions, la base serait constituée de la seule CVAE. Ce mécanisme serait plus aisé à mettre en place au niveau des EPCI. Les élus seraient rassurés, puisque le calcul serait fondé sur une base garantie. Mais faut-il prendre en compte pour le bloc communal les impôts des ménages, alors que les valeurs locatives n'ont pas été redéfinies depuis longtemps et sont devenues très disparates ?

M. Charles Guené. - C'est le produit des impôts que nous avons retenu, rapporté au nombre d'habitants. La garantie demeurerait, puisque la péréquation porterait sur le flux, à ceci près que les FDPTP devront un jour être réformés.

M. Jean Arthuis, président. - La mission envisage-t-elle de modifier la péréquation des dotations de l'Etat ?

M. Charles Guené. - Elle s'en est tenue à la péréquation horizontale, sans rien exclure à long terme.

Mme Nicole Bricq. - La mission confiée à Charles Guéné et ses collègues était ardue. Il a lui-même reconnu que les communes industrielles étaient pénalisées par le nouveau système. C'est paradoxal : le Président de la République et le Gouvernement n'affichent-ils pas leur volonté de voir la France redevenir une nation industrielle ?

La loi de finances prévoyait une péréquation du produit de la CVAE, dans la limite de 25 %. La mission recommande de supprimer la péréquation sur le stock et de ne prendre en compte que le flux. Cela ne revient-il pas à geler les inégalités de richesse ?

M. Charles Guené. - Le taux de 25 % est sans doute inadéquat, mais les élus locaux ne souffriraient pas que nous touchions à la garantie de leurs ressources. C'est pour les implantations futures qu'il faut corriger le mode de calcul.

Dans le système que nous préconisons, la péréquation ne porterait que sur le flux, mais elle prendrait en compte le stock pour le mode de calcul des collectivités contributrices. Au bout de quelques années, ce serait plus redistributeur que la péréquation sur le stock votée en loi de finances. Peut-être notre hypothèse de croissance, qui est celle du Gouvernement, est-elle un peu élevée...

M. Jean Arthuis, président. - Elle est irréaliste !

Mme Nicole Bricq. - Tout le monde en convient, c'est pourquoi je n'y ai pas insisté.

M. Claude Belot. - Je m'associe aux remarques du président Arthuis : dans mon département, le taux de la taxe d'habitation varie du simple au décuple entre les communes touristiques et les autres. Le système actuel renforce cette inégalité.

Qu'adviendra-t-il des entreprises qui étaient soumises à un écrêtement de taxe professionnelle au profit d'un FDPTP ?

Quant à l'IFER, je n'y comprends rien. Quels sont les réseaux concernés ? Les réseaux téléphoniques  sans doute, puisqu'il est question des répartiteurs, et ceux de l'industrie éolienne, mais quels sont les autres ? Même Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale, est incapable de répondre !

Enfin, j'ai fait confiance pendant toute ma carrière à l'administration fiscale pour établir l'assiette de la taxe professionnelle, mais j'ai découvert que l'on m'avait « roulé dans la farine » ! Beaucoup de grandes entreprises déclarent leurs activités non là où elles le devraient, mais là où leur siège est implanté ! La domiciliation devrait être mieux contrôlée, car des sommes considérables sont en jeu.

M. Charles Guené. - Si les communes résidentielles voient augmenter les ressources qu'elles tirent de la taxe d'habitation, elles en subiront l'écrêtement au bénéfice des autres. Certes, leurs ressources augmenteront plus rapidement, mais c'était le cas auparavant pour les communes industrielles.

M. Claude Belot. - Mais comment l'argent sera-t-il redistribué ?

M. Charles Guené. - Il sera versé aux communes dont les ressources sont moindres, par exemple aux communes industrielles désavantagées par la perte de la taxe professionnelle. Il est vrai que les ressources des communes augmenteront d'autant moins vite qu'elles sont constituées en grande partie par une compensation, car celle-ci restera figée alors que les autres ressources seront dynamiques. C'est pourquoi nous avons demandé l'indexation de la DCRTP, à l'instar des autres dotations de l'Etat : la règle du « zéro valeur » ne prévaudra pas toujours...

La péréquation des ressources tirées de la présence d'industries a été préservée dans une certaine mesure, grâce au maintien des FDPTP. Mais ces fonds sont figés, alors que des entreprises peuvent disparaître. Certains préféreraient verser l'argent au pot commun de la péréquation.

Certaines communes bénéficient depuis fort longtemps, parce qu'elles sont situées par exemple près d'une implantation nucléaire, d'un effet d'aubaine. Elles veulent conserver cet avantage ! Donnons-nous une année de réflexion pour régler cela. Quant à l'IFER sur l'éolien, je crois qu'il faut remettre en place un système qui minimise les distorsions entre les collectivités qui avaient déjà des éoliennes sur leur territoire et celles qui avaient engagé une procédure pour en installer, tout en veillant à ne pas porter préjudice au développement de la filière.

M. Claude Belot. - Personne ne sait ce qu'un champ électro-solaire rapportera dans l'avenir.

M. Charles Guené. - On le sait pour l'éolien, dans le système actuel comme dans le futur système. On peut tout aussi bien le calculer pour le solaire.

Enfin, s'agissant de la domiciliation des sièges sociaux, ce ne sera plus « là où on veut », mais là où sont les salariés - d'autres critères sont également pris en considération. Les contrôles ne sont pas si aisés, mais les critères sont clairs.

M. Jean Arthuis, président. - Il reste le problème des agences d'intérim, qui n'est pas réglé.

M. François Fortassin. - L'essentiel des ressources départementales est pré-affecté. Tous les départements ont la même nature de dépenses - sociales en particulier. Ne pourrait-on pas commencer par dire : les écarts de ressources des départements doivent être de 1 à 2 au lieu de 1 à 4 ? Ce n'est pas une décision technique mais politique.

M. Charles Guené. - C'est un peu l'équivalent de ce que nous avons proposé pour les communes. Il s'agit de revenir progressivement à une situation convenable. Pour les départements, nous avons éliminé des critères les dépenses au titre de l'APA. La péréquation peut passer par bien des mécanismes, parmi lesquels une mutualisation au niveau national. Mais est-ce dans notre culture ? Nous n'avons pas voulu imaginer un système révolutionnaire impossible à mettre en place.

M. François Fortassin. - L'Espagne l'a fait, cela n'a rien de révolutionnaire !

M. Charles Guené. - La péréquation horizontale est-elle trop timorée ? En tout cas, celle que vous proposez n'est pas culturellement envisageable dans notre pays.

M. Edmond Hervé. - Il faut avoir une philosophie de la péréquation. Si nous sommes trop audacieux, si nous adoptons une démarche académique, nous en resterons au statu quo. En la matière, une attitude modeste s'impose, ainsi que la conception d'un temps long, géologique. Mettons-nous d'accord sur des choses très simples. Je ne comprends pas ce réflexe de nous référer à des experts de l'administration centrale : je les respecte, mais nous possédons une somme d'expériences que nous n'exploitons pas ! Cernons d'abord les notions de richesse, de charges, d'effort fiscal ; et tâchons d'éviter les décisions qui confortent les inégalités. Exemple historique d'égoïsme : le bénéfice des implantations de centrales nucléaires. Il est temps de rompre avec une telle manière de faire.

Nous ne sommes pas en crise et j'ai été surpris d'entendre l'orateur prononcer ce terme ; nous sommes dans une formidable mutation géographique qui aboutit à des inégalités exceptionnelles. La première partie du rapport Guené ne dit rien des conséquences de la réforme pour les collectivités. Certes, Christine Lagarde n'a pas caché que cette réforme était faite pour les entreprises, non pour les collectivités. Mais ces dernières sont des agents économiques de grand poids, nous avons besoin d'elles pour la relance. La base locale, intercommunale de la péréquation est fondamentale ! A Rennes, les ressources issues de la taxe professionnelle oscillaient selon les communes de 1 à 60 à l'origine : en quelques années nous avons réduit l'écart à 1 pour 4 et ce, de façon consensuelle.

Je vous renvoie au rapport Carrez : si l'on veut faire de la péréquation, on ne peut garantir un maintien de leurs ressources à toutes les communes. Les deux ne sont pas compatibles. Il faut avoir le courage, pour certaines communes riches, de figer la dotation de compensation.

Le mode de financement des missions sociales est complètement dépassé. Selon que l'on est au gouvernement ou à la tête d'un conseil général, on est contre ou pour le financement des départements par la CSG... Quoi qu'il en soit, il faut nous attacher à mettre progressivement et modestement en place une péréquation.

M. Charles Guené. - Nous voulons effectivement prendre le temps nécessaire. La réforme n'a pas été pensée pour les collectivités, néanmoins Marie-Christine Lepetit, qui a tenu avec une grande compétence la plume dans la première version du projet, avait développé une assez audacieuse philosophie sur le sujet qui nous occupe. Trop audacieuse, puisque sa rédaction n'a pas été conservée.

Sur la maille intercommunale, ou sur l'importance de la péréquation au niveau de l'intercommunalité, le président Arthuis comme moi partageons votre point de vue. Et je conviens qu'il y a un réel problème sur les départements, au moins pour l'APA et le cinquième risque.

M. Adrien Gouteyron. - L'attente de l'opinion publique est forte, or les propos de M. Guené me « laissent sur ma faim » car il semble bien qu'après cinq ans, l'effet péréquateur sera de 13 % au niveau départemental et de 20 % au niveau régional. C'est peu, au regard des difficultés dramatiques observées dans certaines zones... Je vois dans ce dispositif un élément de solution mais certainement pas toute la solution.

C'est une péréquation par les flux qui a été votée après la CMP ; des éléments de stock seront pris en compte, mais pas suffisamment. Comme le dit Jean-Pierre Fourcade, il ne faut pas casser ce qui marche bien ! Le président Arthuis a évoqué des conséquences extrêmes de la réforme. Je prendrai pour ma part un exemple modeste, banal. Un des effets est de favoriser les communes de résidence sur les communes qui ont consenti des efforts pour s'industrialiser et créer de la richesse. Il est dommage de casser de telles dynamiques.

Il est impossible d'organiser la péréquation au niveau de 36.000 communes. Le bon niveau est celui de l'intercommunalité. Mais pas uniquement à l'intérieur de leur périmètre ! La péréquation peut parfaitement s'organiser entre les 4.000 intercommunalités : cela ne me semble pas irréalisable...

M. Jean Arthuis, président. - La communication de Charles Guené n'engage pas le Sénat. Notre collègue a travaillé dans le cadre d'une mission confiée par le Premier Ministre : le Gouvernement va s'approprier son rapport et si ce dernier débouche sur un projet de loi, nous verrons alors quel sort nous voulons réserver à cette initiative.

M. Charles Guené. - Péréquation ou garantie : il y a un choix à faire mais nos collègues ne semblent pas vouloir se prononcer. Tous les élus ont tendance à préférer la garantie car ils savent ce qu'ils ont. Nous avons donc été amenés à travailler plutôt sur les flux.

Pourquoi stigmatiser les communes de résidence ? Entre 80 % et 90 % des communes sont écrêtées, ce qui signifie que la progression de leurs ressources est assurée. Elles sont libérées pour une ou deux décennies de tout souci quant à l'évolution de leurs moyens. Et si des communes se jugent mal payées de leurs efforts d'industrialisation, si elles estiment qu'il n'est plus intéressant d'accueillir des entreprises, ma commune est candidate pour prendre la relève !

Certaines intercommunalités sont petites mais on passera bientôt de la maille intercommunale au bassin de vie et ce sera un progrès pour la péréquation. Celle-ci est pratiquée d'inégale façon au sein des intercommunalités. Peut-être serait-il bon de fixer des obligations ? Pour ma part, je crois préférable de laisser les choses s'organiser localement.

M. Jean Arthuis, président. - Le meilleur levier, c'est la crise financière, qui placera chacun devant la nécessité des réformes. Nous avons vécu comme des riches mais ce n'est plus possible.

M. François Marc. - Au sein du CFL, tout le monde ne partageait pas la conviction qu'il faut aller plus loin dans la péréquation. Et j'ai le sentiment que l'on a renoncé à la péréquation verticale, tandis que la péréquation horizontale prévue n'a rien de violent... Quelles sont dès lors les perspectives de rapprochement entre les niveaux de ressources des diverses collectivités ? Combien de temps prendra la convergence ? Je ne crois pas qu'il faille « prendre son temps » quand les inégalités sont de 1 à 3, autrement dit quand chaque année une commune a trois fois moins de moyens que sa voisine. Il y a urgence au contraire. Quant à introduire des critères de gestion pour apprécier la capacité à mener à bien des politiques, sur quelle base le faire ? C'est aux électeurs d'apprécier.

M. Jean Arthuis, président. - Le bon gestionnaire est celui qui est réélu.

M. Jean-Jacques Jégou. - Il arrive aux électeurs de se tromper.

M. Jean Arthuis, président. - Gerhard Schröder était-il un bon gestionnaire ? Il a mené des réformes, il n'a pas été réélu...

M. Charles Guené. - Nous créons la péréquation horizontale, car les fonds départementaux n'avaient pas un grand effet péréquateur et fonctionnaient plutôt comme des distributeurs de subventions. Dans certains pays il existe une vraie péréquation verticale, mais la période actuelle n'est pas la meilleure, à mon sens, pour la réformer. La question est dans les tuyaux, nous verrons cela dans trois ou quatre ans.

Les aspects pratiques du mécanisme horizontal ont été mentionnés dans le rapport ; mais puisque nous avons choisi un système de flux, sa rapidité à produire des effets significatifs dépendra notamment du rythme de croissance. Enfin, je ne suis pas adepte d'un critère de bonne gestion ; je ne suis pas un poète mais un fiscaliste.

M. Jean Arthuis, président. - Par flux, il faut entendre différentiel, je le précise.

M. Charles Guené. - Oui.

M. Jean-Paul Alduy. - L'intercommunalité sera achevée en 2014, on peut espérer avoir à cette date des territoires économiquement pertinents. En outre, 90 % des collectivités seront écrêtées et elles auront retrouvé une liberté fiscale. Ne devrait-on pas songer à globaliser la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur les intercommunalités, afin de les laisser pratiquer la péréquation en leur sein ? C'est à mon avis le sens de l'Histoire. La commission ne devrait-elle pas se saisir dés maintenant de cette question, pour en étudier les avantages et les inconvénients ? Nous prendrions trois ou quatre ans d'avance !

M. Jean Arthuis, président. - Répartir la DGF sur 36 000 communes exige 1 000 critères. C'est une idée à creuser.

M. Charles Guené. - Des options existent en ce sens dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, mais elles exigent l'unanimité des communes concernées.

M. Jean Arthuis, président. - Il y a tant de choses dans cette loi ! Mais cette idée est une clé de lecture, le fil rouge du financement des collectivités locales.

Projets de conventions dans le cadre de la mise en oeuvre de l'emprunt national - Communication

La commission entend, ensuite, une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur les projets de conventions élaborées dans le cadre de la mise en oeuvre de l'emprunt national.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Conformément à l'article 8 de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, le Premier Ministre nous a transmis une série - la deuxième - de conventions relatives aux actions financées par l'emprunt national. Ces neuf projets mobilisent 8 milliards d'euros, soit près de 23 % des fonds de l'emprunt national ; 59 % des sommes sont non consomptibles.

Je remarque d'abord que les observations antérieures de la commission des finances ont été partiellement prises en compte. Par lettre en date du 17 juin dernier, M. François Fillon a, en effet, répondu sur tous les points soulevés, sauf sur notre inquiétude quant à l'effet de levier exigé dans certains cas. S'agissant de la désignation des lauréats, le Premier ministre confirme que les décisions contraires aux conclusions des jurys d'experts seront motivées par écrit, les commissions des finances des assemblées pouvant alors exercer leurs pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place. Notre commission avait exprimé son souci de garantir un processus compétitif afin de financer les projets aux plus fortes valeurs ajoutées. S'agissant du retour au budget de l'Etat des dotations non consomptibles, nos préoccupations ont été prises en compte mais non totalement satisfaites. Le retour au budget de l'Etat est la règle générale. Toutefois, deux exceptions sont prévues : certaines dotations pourront être allouées aux bénéficiaires pour une durée supérieure à dix ans compte tenu de la nature des projets financés : je songe à l'opération de rénovation immobilière Campus. Dans les Initiatives d'excellence, les sommes pourraient en revanche être transférées de manière définitive aux lauréats, à l'issue d'une période probatoire de trois ans, et n'auraient donc pas vocation à revenir au budget de l'Etat. Cela est plus contestable.

La nouvelle présentation n'opère plus, comme antérieurement, une distinction claire entre des projets périodiquement renouvelés et remis en concurrence, et des projets uniques. En ne remettant en cause le retour à l'Etat que pour les initiatives d'excellence, le Premier ministre restreint le champ de l'exception. Toutefois, cette situation reste insatisfaisante car la règle du jeu doit être claire et constante pour l'ensemble des dotations non consomptibles.

La rémunération des fonds non consomptibles - 45,4 % des fonds de l'emprunt - a été fixée à 3,143 %, par un arrêté du 15 juin dernier, soit le taux des OAT à dix ans constaté le jour de la publication de la loi de finances rectificative. Ce niveau est inférieur aux hypothèses de travail lors du débat sur la loi de finances rectificative, autour de 4 %. La part de l'opération Campus financée par l'emprunt national bénéficie d'un taux de rémunération supérieur, 4,032 %, moyenne des taux - pondérée par les montants - de la rémunération de la dotation issue de la vente des titres EDF et de la rémunération de la fraction de l'emprunt affectée à l'opération Campus. Selon le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le taux de 4,032 % s'applique également aux fonds EDF, ce qui semble contestable. En effet, l'arrêté du 15 juin ne concerne que les fonds de l'emprunt national et il semble discutable de verser sur le compte ouvert au Trésor au titre du programme d'investissement d'avenir, des fonds qui ne sont pas issus de l'emprunt. Or l'intention du ministère est de réunir les cinq milliards d'euros dédiés à l'opération Campus.

Les projets de conventions transmis sont mieux rédigés que ceux du premier volet ; ils restent toutefois imparfaits. Sans émettre un avis défavorable, j'exprime ici une forte réserve à l'encontre du projet Campus : les conditions de rémunération des porteurs de projet ne sont pas suffisamment clarifiées.

Il apparaît que le produit de la vente d'une partie des titres EDF, actuellement placé sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat », sera transféré à l'Agence nationale de recherche (ANR) hors cadre de l'emprunt national.

Le cabinet de Valérie Pécresse nous a indiqué que les produits des intérêts des deux dotations Campus feront l'objet d'une gestion mutualisée jusqu'au versement des dotations aux bénéficiaires finaux. L'utilisation des produits financiers des intérêts sera ainsi décidée par le Premier ministre sur proposition du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur en fonction de l'état d'avancement des projets. Saclay et Condorcet, les deux projets financés dans le cadre de l'emprunt national, pourraient ainsi bénéficier d'un montant de produits financiers non corrélé à la rémunération de leur dotation. Est-ce équitable ?

A compter de l'attribution des dotations non consomptibles aux bénéficiaires finaux, le montant des produits financiers alloué aux porteurs de projet sera défini au prorata de leur dotation. Le projet de convention relative à l'opération Campus n'est pas satisfaisant. Le texte concernant les seuls fonds issus de l'emprunt national, il donne peu d'indications sur la gestion d'ensemble de l'opération. Il n'est pas précisé que le compte ouvert au Trésor pour recevoir les 1,3 milliard d'euros au titre de l'emprunt national serait également destinataire du produit de la vente des titres d'EDF. On peut s'interroger sur la régularité de ce versement sur un compte réservé aux fonds de l'emprunt. En outre, le projet de convention reste flou quant aux conditions d'utilisation des produits financiers des intérêts, qui ne sauraient être identiques dans la période de gestion des fonds par l'ANR et après la conclusion des partenariats public-privé (PPP). Il faut clarifier cela. Afin de garantir la régularité du paiement des loyers des PPP, il est indispensable que les conditions de rémunération des dotations soient précisées : or cet aspect, pour Campus, n'est pas expressément mentionné dans les « Modalités de versement aux bénéficiaires finaux » du projet de convention. Enfin, ce projet de convention ne fait pas état des difficultés liées aux structures juridiques bénéficiaires des dotations non consomptibles, des fondations de coopération scientifique dépourvues de toute compétence immobilière. Le pouvoir adjudicateur des PPP devrait être l'Etat. Le paiement des loyers des PPP, assuré à partir de la rémunération du dépôt au Trésor des dotations non consomptibles, devrait être effectué par l'Etat ; or ce sont les fondations de coopération scientifique qui seront bénéficiaires des produits des intérêts. L'Etat pourrait donner mandat aux fondations - qui assureraient le financement des loyers du PPP pour le compte du pouvoir adjudicateur. Ce schéma reste à confirmer.

La procédure de sélection des bénéficiaires de l'emprunt a été améliorée, du moins celle qui fait intervenir un jury d'experts - dans trois cas sur neuf. Des aménagements sont souhaitables dans les procédures n'incluant pas de jury. Désormais il est prévu que le jury motive une liste des projets non recommandés ainsi qu'une liste des projets « finançables ». Le comité de pilotage ne pourra proposer au commissaire général à l'investissement que des projets « finançables » ; le président du jury sera invité à présenter les conclusions des travaux d'évaluation du jury devant le comité de pilotage ; et les recommandations des experts seront rendues publiques. Nous l'avions expressément demandé ! Ces trois éléments, associés à l'engagement écrit du Premier ministre de motiver par écrit les décisions qui s'écarteraient des conclusions des jurys, constituent un progrès. Mais trois projets de conventions reposent sur des dispositifs spécifiques de sélection, dirigés par le comité de pilotage ou d'évaluation.

Or les projets de convention ne font allusion ni à la publicité des décisions ni à la motivation des décisions. Si la publicité peut être délicate à mettre en place, la motivation est vraiment souhaitable, notamment dans le cadre de la procédure dérogatoire prévue pour l'action « économie circulaire », autrement dit le recyclage des déchets.

L'engagement du Premier ministre devrait ainsi être étendu à l'ensemble des conventions, et le principe de motivation des décisions davantage affirmé au sein des conventions. Je suggère que la commission émette un avis en ce sens.

Le projet de convention relatif à l'augmentation des fonds propres d'Oséo suscite chez moi une appréciation mitigée. Le projet de convention vient après trois conventions examinées le 25 mai dernier au titre des actions suivantes : « Financement des entreprises innovantes », pour 500 millions d'euros, « Aide à la réindustrialisation » pour 200 millions d'euros, et « Prêts aux petites et moyennes entreprises » pour un milliard d'euros. Sa particularité réside dans un financement mixte : une dotation budgétaire de 140 millions d'euros et une ressource fiscale affectée de 360 millions d'euros - ce montant n'étant pas complètement garanti. L'intérêt économique de l'opération est délicat à mesurer puisque les « éléments qualitatifs et quantitatifs » permettant d'apprécier le rôle d'Oséo comportent une large part de subjectivité. Mme Bricq, dans les observations qu'elle a bien voulu me transmettre, souligne qu'aucun des onze indicateurs de performance ne porte sur l'effet mobilisateur des cofinancements bancaires. Ces cofinancements sont d'ailleurs présentés, dans l'exposé des motifs, comme un objectif secondaire alors que leur faiblesse constitue un frein au développement des entreprises en France. Ce volet devrait être davantage développé dans la convention. L'augmentation des fonds propres d'Oséo demeurera en tout état de cause insuffisante pour assurer le maintien des ratios de solvabilité bancaire.

Mme Nicole Bricq. - Merci au rapporteur général d'avoir mentionné mes réflexions sur Oséo. Je partage les remarques de M. Marini sur les universités, notamment sur la capacité des fondations de s'occuper de négociation immobilière. Cependant elles ne pourraient agir que sur mandat de l'Etat.

A présent que je sais ce que recouvre la notion d'économie circulaire, je doute de l'intérêt du jury d'experts : l'industrie du déchet en France est cartellisée, aucun opérateur étranger n'a jamais pu s'y faire une place. Pas besoin de jury, on connaît déjà les résultats !

M. Jean Arthuis, président. - Ce sont des groupes qui se portent bien. D'autres secteurs connaissent cette situation...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le marché est certainement cartellisé entre quelques grands groupes opérateurs et gestionnaires des déchets, secteur dans lequel le contenu technologique peut être important. Cependant, il y a quelques surprises. Dans ma commune, ou encore à Beauvais, c'est un groupe danois, ISS, qui a été choisi ; sa prestation est 30 % moins chère et le service est meilleur. Ce n'est pas une habitude pour moi de le dire, mais l'Union européenne a aussi de bons côtés...

M. Jean Arthuis, président. - Les initiatives peuvent venir d'autres acteurs, par exemple telle coopérative d'agriculteurs qui se sert de méthane pour déshydrater la luzerne, ou encore pour la méthanisation : tout ne relève pas des grands groupes.

M. Christian Gaudin. - Je parlerai des six dossiers que j'ai examinés. Les instituts de recherche technologiques, d'abord, orientés vers l'entreprise, constituent la forme la plus avancée du pôle de compétitivité à vocation internationale : ce label peut se positionner dans l'espace européen de la recherche et de l'innovation, il faut le soutenir. Les instituts Carnot méritent également notre soutien car ils coopèrent directement avec des entreprises. Les instituts hospitalo-universitaires sont eux aussi très intéressants : cinq pôles seraient reconnus internationalement dans le domaine de la santé, nous pourrions les aider à se consolider. L'espace, quant à lui, fait l'objet d'un partenariat européen important, dont l'accord franco-allemand de février dernier pour le lanceur d'Ariane 6 est un nouvel exemple : c'est un secteur à soutenir. Enfin, la recherche aéronautique, avec ses quelque deux cent mille emplois, mérite notre attention, d'autant qu'elle concentre des métiers de haut niveau technologique.

M. Jean Arthuis, président. - En tenant compte des observations du rapporteur général, je vous propose d'adresser donc notre lettre au Premier ministre, pour faire état de nos satisfactions et de nos réserves, et en particulier de notre volonté de ne pas transiger sur le retour au budget de l'Etat, des fonds non consomptibles.

La commission adopte les observations de M. le rapporteur général qui seront adressées, sous forme de lettre signée par M. le Président, à M. le Premier ministre.

Conventions fiscales - Examen de rapports

La commission procède à l'examen du rapport conjoint de M. Adrien Gouteyron sur les projets de loi :

- n° 540 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Jersey relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale et à l'imposition des pensions ;

- n° 541 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 542 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Turques et Caïques relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 543 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Bermudes relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 544 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Caïmans relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 545 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Gibraltar relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 546 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Saint-Marin relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 547 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Liechtenstein relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 548 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 549 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Guernesey relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 550 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Île de Man relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 551 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Vierges britanniques relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur. - A titre liminaire, je souhaiterais souligner toute l'attention que la commission des finances porte à la politique conventionnelle bilatérale française en matière de lutte contre les paradis fiscaux, politique qui traduit les efforts du Gouvernement pour mettre fin à l'évasion fiscale. Je salue à ce titre le remarquable travail d'expertise de nos collaborateurs sur ce sujet complexe.

La France a proposé aux Etats et territoires qui figuraient sur les listes grise et noire de l'OCDE, et avec lesquels elle n'était pas encore liée conventionnellement, de signer un accord permettant l'échange de renseignements.

Cette démarche systématique a été couronnée de succès. L'an passé, la France a ainsi signé vingt-cinq accords en moins de neuf mois ; les douze projets que nous examinons en font partie. Tout en possédant l'un des plus vastes réseaux de conventions fiscales au monde, et en participant pleinement à la démarche multilatérale de l'OCDE, la France a souhaité aller plus loin. Elle a ainsi établi sa propre liste de « paradis fiscaux » dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009, ce qui constitue une véritable novation. Ainsi, dix-huit Etats ou territoires coopératifs étaient encore, au 12 février 2010, considérés comme « non coopératifs » : Anguilla, Belize, Brunei, le Costa Rica, la Dominique, Grenade, le Guatemala, les Îles Cook, les Îles Marshall, le Liberia, Montserrat, Nauru, Niue, Panama, les Philippines, Saint Kitts et Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et Grenadines.

En conséquence, le Gouvernement a souhaité ouvrir de nouveaux cycles de négociation avec la plupart de ces Etats ainsi qu'avec d'autres Etats ne figurant pas sur sa liste. A titre d'illustration, il a conclu cette année des accords sur la base du modèle OCDE avec : Antigua et Barbuda, le 26 mars; Grenade, le 31 mars; Saint Kitts et Nevis, le 1er avril; Saint-Vincent et Grenadines, le 13 avril.

Des négociations sont également en cours avec notamment le Libéria, Niue, le Costa Rica et Brunei.

Enfin, le collectif budgétaire pour 2009 a prévu de durcir le régime fiscal applicable aux transactions réalisées avec les Etats non coopératifs. Cet outil de sanction permet notamment de refuser certaines exonérations, de plus-values de cession par exemple, ou d'imposer des retenues à la source en faveur de la France, en matière de dividendes, notamment. Il a également pour objet d'accroître la transparence des transactions au sein des groupes internationaux.

La commission des finances a suivi tout cela de près puisque les douze projets de loi soumis à votre approbation étaient attendus au Parlement. C'est pourquoi nous avons procédé à l'audition, le 23 mars dernier, du chef de la division chargée de la coopération internationale à l'OCDE ainsi que de représentants du ministère du budget et du ministère des affaires étrangères et européennes. Ils nous ont présenté l'action bilatérale française et les initiatives multilatérales conduites dans l'enceinte de l'OCDE.

Nous avons ainsi appris qu'en 2000, l'Organisation a constitué en son sein un « Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements en matière fiscale », cadre multilatéral de réflexions et de négociations. Un « accord cadre sur l'échange de renseignements en matière fiscale » a été rendu public en avril 2002. En 2008, une réunion à Paris a fixé comme priorité l'échange de renseignements. Enfin, le 2 avril 2009, le G20 a établi trois listes d'Etats, « noire », « grise » et « blanche », selon le degré de coopération.

L'accord de 2002 constitue une référence en termes d'échange effectif d'informations réduisant les risques d'évasion fiscale. Ses dispositions formalisent les standards internationaux qu'un Etat doit respecter pour échapper à la qualification de « juridiction non coopérative » en matière de renseignements fiscaux.

En effet, l'OCDE qualifie de « paradis fiscal » un Etat qui répond à quatre critères : les impôts directs y sont insignifiants ou inexistants ; le régime fiscal n'y est pas transparent ; les activités économiques substantielles y sont rares ; enfin, les administrations fiscales ne transmettent pas les renseignements aux autres pays. Un tel Etat figure alors dans la liste noire de l'OCDE. Il en est, cependant, retiré s'il signe douze accords. Ceux-ci ont pour objet d'imposer l'échange de renseignements « vraisemblablement pertinents » afin de permettre l'application de la législation fiscale interne. La nature des renseignements peut être bancaire ou fiduciaire et concerner la propriété de sociétés. Il convient de souligner que les restrictions à l'échange motivées par le secret bancaire sont prohibées.

La liste noire est désormais vide. Figurent, en revanche, sur la liste grise, les Etats qui, tout en ayant pris l'engagement de respecter la norme fiscale, n'ont pas signé le minimum de douze accords requis.

Afin de s'assurer que le dispositif est effectif, l'OCDE a instauré l'an dernier un mécanisme d'évaluation par le forum mondial, qui analyse la réglementation des Etats et la pertinence des accords d'échange d'informations fiscales. Le président du groupe d'évaluation des juridictions non coopératives est François d'Aubert.

Sur les 500 accords signés dans le monde depuis avril 2009, 50 l'ont été entre paradis fiscaux ; l'exemple de Monaco est souvent cité. J'anticipe votre réprobation, Monsieur le Président. Sachez que ces politiques conventionnelles accommodantes ne seront pas jugées pertinentes lors de leur examen par le forum mondial, lequel réfléchit par ailleurs à une évolution du critère des douze accords fiscaux, afin d'éviter toute « collusion » entre Etats « non vertueux ».

M. Jean Arthuis, président. - Les accords entre paradis fiscaux sont-ils comptabilisés ?

M. Adrien Gouteyron, rapporteur. - Bien que comptabilisés aujourd'hui, ils ne devraient pas être jugés comme pertinents par le groupe d'évaluation du forum mondial car ils ne favorisent pas la transparence.

S'agissant des douze accords que nous examinons aujourd'hui, leur négociation s'est déroulée dans une courte période. Ils ont été signés entre mars et décembre 2009, preuve du dynamisme de la politique conventionnelle française.

La France est parvenue à conclure les négociations qui étaient en cours, d'une part, avec Jersey, Guernesey et l'Île de Man dès la fin du mois de mars 2009, et d'autre part, avec les Îles Vierges britanniques en juin 2009.

S'agissant des Îles Caïmans, de la principauté d'Andorre, de Gibraltar, de Saint-Marin, du Liechtenstein, des Îles Turques et Caïques, des Bermudes, et des Bahamas, les négociations se sont déroulées entre avril et décembre 2009.

Ces accords se répartissent en deux groupes. Il y a ceux conclus dans le cadre du tout premier cycle de négociations, au début de l'année 2009, qui sont étroitement inspirés du modèle de l'OCDE : c'est le cas pour Jersey, Guernesey, l'Île de Man et les Îles Vierges britanniques. Les accords ultérieurs contiennent des améliorations techniques, en particulier dans la définition des impôts, qui ont été apportées à l'initiative de la France ; c'est le cas pour la Principauté d'Andorre, la République de Saint-Marin, le Liechtenstein, les Îles Caïmans, les Bermudes, Gibraltar, les Îles Turques et Caïques et les Bahamas.

L'échange de renseignements, qui est au coeur de ces accords, concerne la matière fiscale pénale et non pénale. La partie requise doit prendre toutes les mesures adéquates de collecte de renseignements nécessaires, que ces derniers soient détenus par des banques, des institutions financières ou dans le cadre de sociétés, de fiducies ou de fondations.

Les accords ne permettent cependant pas d'aller à « la pêche aux renseignements ». Les informations demandées doivent être « vraisemblablement pertinentes », c'est-à-dire que leur détention doit permettre de résoudre une question relative à la détermination, à l'établissement, au contrôle, à la perception, au recouvrement des impôts ou, d'une manière plus générale, doit faciliter le déroulement des enquêtes ou poursuites en matière fiscale.

La partie requise ne peut rejeter une telle demande que si la divulgation des renseignements est contraire à l'ordre public, discriminatoire ou si les renseignements sont couverts par le secret commercial ou professionnel, ce qui n'est pas négligeable. Enfin, cet échange doit respecter le droit des contribuables. Il s'agit de garantir un juste équilibre entre la protection de la vie privée et la nécessité pour les Etats de faire respecter leur législation fiscale.

Dans la perspective de la présidence française du Sommet du G 20, au second semestre 2011, il apparaît crucial d'autoriser la ratification de ces accords. La France est aux avant-postes de la lutte contre les paradis fiscaux, elle se doit de présenter un bilan positif en 2011.

En conclusion, je vous propose de demander au Sénat d'adopter les projets de loi à l'issue d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.

Je souhaite, Monsieur le Président, que nous puissions faire un nouveau point, à l'automne, sur l'état d'avancement de la politique de lutte contre les paradis fiscaux, en organisant une autre séance de notre commission consacrée aux conventions fiscales, en présence, cette fois, de Christine Lagarde et de François Baroin, les deux principaux ministres responsables en ce domaine.

M. Jean Arthuis, président. - Nous nous réjouissons de l'accélération du rythme des signatures et des ratifications d'accords, mais sans céder à l'angélisme, car il n'est pas si difficile pour les paradis fiscaux de s'engager à communiquer des informations. Ce qui compte, c'est que la coopération soit effective, c'est pourquoi il faut évaluer l'ensemble du dispositif.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur. - Je suggère qu'en septembre, nous auditionnions également François d'Aubert.

M. Jean Arthuis, président. - Je suis d'accord.

Mme Nicole Bricq. - Ce débat est très important, car il est l'occasion de faire le point sur l'efficacité des listes établies par le G20 à Londres et à Pittsburgh. Je note par ailleurs que cette année, à Toronto, la question n'était pas à l'ordre du jour. Ces listes ne font pas l'unanimité puisque des pays comme le Brésil ou la France, ont établi leur propre liste. Nous devons également évaluer l'efficacité des dispositions que nous avons prises en France même, en particulier lors du collectif budgétaire de fin 2009. Le ministre du budget de l'époque était alors exposé médiatiquement, en raison de l'affaire franco-suisse, et en relisant nos débats, j'ai constaté que nous demandions alors avec insistance que le contrôle soit effectif et pratiqué à l'échelle européenne. Les sanctions prévues sont-elles applicables ? J'en doute, car elles sont assorties de conditions suspensives. Sont-elles appliquées ? Nous n'en savons rien, faute de bilan. C'est bien pourquoi nous avons besoin d'une évaluation régulière du dispositif.

Plus généralement, la question posée est celle du contrôle fiscal. De 2003 à 2008, le volume d'assistance administrative internationale est passé de 10,3 % à 8,8 % de l'ensemble des interventions fiscales, ce qui traduit un véritable laisser-aller de nos services fiscaux. Ont-ils aujourd'hui les moyens de contrôler les mouvements à l'international ? Ils ne disposent même pas d'une liste des trusts, alors que ces organisations, et c'est leur raison d'être, sont connues pour leur opacité.

Quelle est, même, l'efficacité des conventions d'échange de renseignements en matière fiscale ? Quand des voix autorisées conviennent, en privé, qu'il est plus efficace d'acheter des fichiers volés, on peut douter des conventions...

On comprend qu'au moment de prendre la tête du G20, le président de la République souhaite une France exemplaire, mais cela ne nous dit pas si nos outils sont efficaces. Quand examinerons-nous la convention franco-suisse ? J'ai apporté mon soutien au ministre du budget dans la lutte contre l'évasion fiscale, je suis donc en droit de savoir quelle est l'efficacité des mesures que nous avons prises. Le ministère des finances préparerait un document d'orientation stratégique sur la fraude fiscale : qu'en est-il ? Quel est le bilan de la cellule de régularisation, qui a fermé le 31 décembre dernier ? Les transactions fiscales ne sont-elles pas devenues le mode normal de gestion, au lieu des sanctions ?

Nous manquons d'informations sur tous ces points, c'est bien pourquoi je déplore le recours à la procédure simplifiée, qui est bien trop expéditive. Nous avons besoin d'un débat, dans une enceinte sage : notre propos n'est pas de dénoncer tel ou tel, mais de parvenir à lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales. Notre ordre du jour est certes chargé, mais des milliards sont ici en jeu !

M. Jean Arthuis, président. - Nous avons organisé, le 23 mars, une réunion pour comprendre et débattre de ces enjeux en commission, plutôt qu'en séance publique. Il nous semble préférable de poursuivre nos auditions en septembre, avec un questionnaire préalable adressé aux ministres compétents. La procédure simplifiée n'est pas un moyen d'expédier le débat. Nous sommes d'accord avec vous sur le fond, et c'est bien pourquoi nous travaillons avec assiduité et intensité sur ce sujet depuis un an. Quant à l'accord franco-suisse, il faut d'abord que l'Assemblée nationale l'examine.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur. - Nous avons le même objectif, Madame Bricq, je crois aussi que nous devons aller bien plus loin, c'est l'objectif des auditions prévues dès septembre.

La commission adopte les douze projets de loi d'approbation d'accords d'échange de renseignements en matière fiscale.

Nomination d'un rapporteur

La commission désigne M. Adrien Gouteyron comme rapporteur des projets de loi suivants, sous réserve de leur examen par l'Assemblée nationale et de leur transmission :

- n° 2322 (AN - XIIIème législature) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;

- n° 2323 (AN - XIIIème législature) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Malaisie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

- n° 2332 (AN - XIIIème législature) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus ;

- n° 2335 (AN - XIIIème législature) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn en vue d'éviter les doubles impositions ;

- n° 2336 (AN - XIIIème législature) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Réforme des retraites - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis

La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi portant réforme des retraites, sous réserve de son adoption en conseil des ministres et de son dépôt, et nomme M. Jean-Jacques Jégou rapporteur pour avis de ce texte.

Gestion de la dette sociale - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis

La commission demande, enfin, à se saisir pour avis du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, sous réserve de son adoption en conseil des ministres et de son dépôt, et nomme M. Jean-Jacques Jégou rapporteur pour avis de ce texte.