Mercredi 6 avril 2011

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Financement des entreprises et livret A - Table ronde

La commission procède tout d'abord à l'audition conjointe de MM. Sébastien Boitreaud, sous-directeur des banques et du financement d'intérêt général à la direction générale du Trésor, Bernard Cohen-Hadad, vice-président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) de Paris, président de la commission « financement des entreprises », Benjamin Dubertret, directeur des fonds d'épargne à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Mme Christine Fabresse, directrice du développement, Caisse d'épargne (groupe BPCE), MM. Olivier Gavalda, directeur du pôle caisses régionales du groupe Crédit Agricole, et Henri Jullien, directeur général des activités fiduciaires et de place à la Banque de France, dans le cadre d'une table ronde sur le financement des entreprises et le livret A.

M. Jean Arthuis, président. - Le livret A participe-t-il au financement des entreprises, et dans quelle proportion ? Comment finance-t-on les entreprises ? Depuis le début de la crise, notre commission est attentive à leur situation financière et à la capacité du secteur bancaire à leur prêter. Nous avions créé, l'année dernière, un groupe de travail dédié à la problématique du financement des entreprises. Nous avions alors eu l'occasion d'entendre plusieurs de nos intervenants de ce matin. Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour avoir accepté notre invitation destinée, un an après et dans un contexte de sortie de crise, à « faire le point » sur l'ensemble des sujets évoqués l'année dernière.

Notre groupe de travail avait débouché sur le vote, dans la loi de régulation bancaire et financière, d'une disposition importante destinée à renforcer le fléchage de l'encours non centralisé du livret A et du livret de développement durable (LDD). Désormais, au moins 75 % de l'augmentation de la collecte sur ces livrets devront être consacrés à l'attribution de prêts nouveaux aux petites et moyennes entreprises (PME). Le chef de l'État s'est félicité de cette disposition et a estimé qu'elle devrait drainer environ 3 milliards d'euros vers les PME.

Sans refaire le débat sur le niveau adéquat de centralisation, nous cherchons à déterminer le montant des ressources des livrets d'épargne réglementée qui pourraient bénéficier aux entreprises, aujourd'hui et à moyen terme. Sur quelles estimations repose le chiffre de 3 milliards évoqué par le Président de la République ?

La commission souhaiterait des informations sur l'évolution des encours de crédit aux entreprises depuis un an. Les banques ont-elles satisfait à leurs engagements ? Les relations entre les banques et les entreprises vont-elles se normaliser ? Les PME rencontrent-elles encore des difficultés particulières ? Quelles perspectives pouvons-nous dresser à moyen terme ? Quid des éventuelles conséquences des normes prudentielles dites « Bâle III » ?

M. Benjamin Dubertret, directeur des fonds d'épargne à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). - À partir de la ressource que représentent le livret A, le LDD et le livret d'épargne populaire (LEP), hors collecte décentralisée, le fonds d'épargne contribue au financement des entreprises de trois façons. Premier axe : les prêts de refinancement à Oséo et à France Active pour le financement des entreprises, notamment PME et micro-entreprises. La CDC est le premier prêteur pour Oséo, avec des conditions favorables. L'encours total au 31 décembre 2010 était de 5,2 milliards d'euros. Pour son compte propre, la CDC est le deuxième actionnaire d'Oséo-SA. Les prêts au titre de la convention « Agir pour l'Emploi » s'élèvent à 130 millions pour 2009 et 2010, et ont permis de financer plus de 18 000 projets de micro-entreprises. Il s'agit de prêt à taux zéro, qui permettent de financer des prêts complémentaires.

Deuxième axe : l'allocation du portefeuille d'actifs financiers. Le fonds d'épargne détient 12 milliards d'euros investis dans des actions de grandes capitalisations européennes, françaises à 80 %. La politique de gestion s'inscrit dans une logique patrimoniale, à moyen-long terme, avec un taux de rotation d'environ sept ans. Nous apprécions la valeur fondamentale des sociétés. Parallèlement, le fonds d'épargne investit dans le capital de PME, françaises ou européennes : il détient plus de 400 millions dans le fonds CDC-PME croissance, spécialisé dans les PME cotées.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quel est le montant réellement investi en participation ?

M. Benjamin Dubertret. - Ce fonds a été créé en 2001 ; à ma connaissance, les 400 millions sont effectivement investis.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il nous en faudrait confirmation. Trop souvent, on ne prend en compte que la participation de rang 1 dans des fonds !

M. Benjamin Dubertret. - Je vous communiquerai les compléments nécessaires.

Depuis 2002, le fonds d'épargne a engagé plus de 607 millions d'euros dans des fonds de capital investissement pour accompagner des sociétés non cotées ; 410 millions ont été effectivement appelés. Par ailleurs, il détient des produits de taux dans des entreprises : 5 milliards en obligations de crédit d'entreprises non financières, et 8,5 milliards en obligations longues de banque. Une grande partie - 36 % - du portefeuille de taux s'inscrit dans une logique de long terme : les titres sont détenus jusqu'à leur échéance.

Enfin, troisième axe, le fonds d'épargne finance, via ses prêts, le logement social et la politique de la ville, ainsi que les infrastructures de transport. Il contribue ainsi à l'activité économique, notamment via le BTP. La construction de logements HLM représente 25 % de la construction de logements en 2010. De grands projets d'infrastructures, comme la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, ne verraient pas le jour sans la participation des fonds d'épargne.

M. Jean Arthuis, président. - Quel est le montant des fonds centralisés, et leur allocation ?

M. Benjamin Dubertret. - Le montant global s'élève à 210 milliards, dont 40 pour le LEP, centralisé à 70 %, et 170 pour le livret A et le LDD. Le régime transitoire plafonne à 160 milliards la centralisation du livret A et du LDD, accrue de la demi-capitalisation des intérêts, soit un total de 161,5 milliards. Le complément résulte de la surcentralisation volontaire, principalement de la Banque Postale.

Fin 2010, l'encours de prêts au logement social et à la politique de la ville s'élevait à 122,5 milliards ; il a vocation à croître rapidement, entre des nouveaux prêts pour environ 15 milliards et un amortissement naturel de 6 milliards par an. Le LEP ne constitue pas une ressource susceptible d'être prêtée ; plus cher que le livret A et le LDD, il sert à alimenter le portefeuille d'actifs financiers du fonds d'épargne.

Mme Christine Fabresse, directrice du développement, Caisse d'Epargne (groupe BPCE). - En 2010, BPCE a prolongé tacitement l'engagement pris avec l'État, en contrepartie des financements garantis, de faire croître nos encours de financement de l'économie de 3,5 %. BPCE s'était également engagé à consentir 10 milliards d'euros de crédits de moyen-long terme aux TPE et PME, et 14,7 milliards de concours de court terme, sur un engagement de place de 58 milliards. S'y ajoutaient les obligations légales de réemploi de la part décentralisée du livret A et du LDD. Le groupe a tenu ces objectifs : les encours de financement de l'économie en 2010 ont été supérieurs à 441 milliards d'euros, en hausse de 8 % par rapport à 2009. La production de crédit de moyen-long terme aux TPE et PME a été de 11,7 milliards, soit 117 % de l'objectif. Les engagements de court terme s'élèvent à 15,3 milliards, soit 1 milliard de plus qu'en 2009. Enfin, l'obligation légale de réemploi représentait, en 2010, 79,8 milliards, en hausse de 1 milliard par rapport à 2009 ; la part décentralisée, 23,27 milliards. L'encours des prêts aux PME s'élevait à 53,8 milliards, soit 237 % de l'objectif.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Aux termes de l'article 66 de la loi de régulation bancaire et financière, l'établissement de crédit collecteur doit consacrer chaque année au moins 75 % de l'augmentation des sommes non centralisées à de nouveaux prêts aux PME, sous peine de centralisation forcée et non rémunérée. Comment le groupe BPCE répondra-t-il à cette prescription ?

M. Jean Arthuis, président. - Quel est le pourcentage de la centralisation dans le groupe ?

Mme Christine Fabresse. - Les encours de prêts aux PME ont crû de 6,67 milliards en 2010, alors que la part décentralisée n'a cru que de 2,67 milliards ; nous sommes bien au-delà de l'obligation de réemploi de 75 % de croissance de la part décentralisée.

Fin 2010, l'encours était de 79,8 milliards, et le taux de centralisation de 75,7 % pour BPCE dans son ensemble ; pour les Caisses d'épargne, l'encours du livret A et du LDD est de 75,3 milliards, et la part centralisée de 82 %.

M. Olivier Gavalda, directeur du pôle caisses régionales du groupe Crédit Agricole. - Le Crédit agricole représente 25 % en stock des 200 milliards de financement aux entreprises résidant en France. L'évolution des encours en 2010 a été de 4,3 %, la moyenne française, de 3,7 %, étant la plus importante de la zone euro. Les banques ont largement dépassé les engagements pris en 2010. Le Crédit agricole a réalisé près de 30 milliards de nouveaux crédits à court et moyen terme, dépassant l'objectif de 10 %. Il a le sentiment du devoir accompli. Nous avons respecté nos engagements ; le recours à la médiation a baissé ; les enquêtes d'Oséo et de la CGPME montrent que le financement bancaire n'est plus la priorité des chefs d'entreprise.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La médiation est-elle encore utile ?

M. Olivier Gavalda. - Nous avons encore quatre à cinq cents dossiers par mois, même si le total a été divisé par trois depuis 2008. La médiation sera encore utile en 2011, sans doute moins après.

Le paysage est plus serein, nous faisons beaucoup de crédit aux professionnels de proximité. Reste la menace de Bâle III, qui va imposer une réforme des ratios de liquidités. Le besoin de liquidités des banques mondiales est évalué à 4 600 milliards, dont 400 à 500 milliards pour les banques françaises. La France a pourtant bien résisté à la crise, mais le financement de l'économie y repose largement sur l'intermédiation des banques, tandis que l'intermédiation de la collecte des dépôts est faible. Le Crédit agricole n'était pas un acteur historique du livret A, mais la centralisation du LDD va ponctionner nos ressources.

M. Jean Arthuis, président. - Que représente la collecte du livret A ?

M. Olivier Gavalda. - Environ 19 milliards, dont 9 % centralisés. Ce taux sera toutefois de 65-70 % en 2022. Le LDD représente 22 milliards, consacrés exclusivement au financement des entreprises. La perte de cette ressource va entraîner un gap de liquidités supplémentaire, dans un contexte déjà déficitaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vos crédits ont augmenté, mais il y a un gap de liquidités ?

M. Olivier Gavalda. - Oui. Nous nous refinançons sur le marché pour plusieurs dizaines de milliards, et auprès de la BCE, mais le marché n'est pas extensible... Or la liquidité est le sang des banques !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La loi de 2008, qui a banalisé la distribution du livret A, n'a-t-elle pas favorisé les dépôts stables dans vos livres ?

M. Olivier Gavalda. - Il y a d'un côté le livret A, mais de l'autre la centralisation du LDD : ce sont quelques dizaines de milliards qui vont nous échapper. L'extension de la collecte du livret A a bénéficié à tous les acteurs.

M. Jean Arthuis, président. - La baisse de la ressource du fait de la centralisation a-t-elle entraîné un glissement d'un type de placement vers le livret A ?

M. Olivier Gavalda. - C'est un produit attractif. On observe également une concurrence entre les acteurs historiques et les nouveaux distributeurs.

M. Jean Arthuis, président. - Quelle est votre opinion sur le décret de centralisation ?

M. Olivier Gavalda. - Il aura un impact dans le temps, mais nous sommes avant tout sensibles aux effets de Bâle III.

M. Jean Arthuis, président. - Nous y reviendrons.

M. Bernard Cohen-Hadad, vice-président de la CGPME de Paris, président de la commission « financement des entreprises ». - Selon le baromètre CGPME-KPMG, 85 % des patrons de PME se disaient inquiets face à la crise en juin 2010 ; ils n'étaient plus que 69 % en septembre, mais à nouveau 77 % en janvier 2011. Ce n'est pas qu'une vue de l'esprit. Alors que les crédits destinés à l'investissement progressent, ceux finançant la trésorerie ne cessent de diminuer : moins 23 % sur un mois, moins 1,7 % sur un an. Des obstacles demeurent dans la politique d'offre de crédit. Les chefs d'entreprise sont 64 % à rencontrer au moins une restriction dans leur démarche ; 22 % n'obtiennent pas de réponse à leur demande de prêt dans les quinze jours, même s'il y a une amélioration.

Les difficultés de trésorerie touchent principalement les PME et les TPE, pour lesquelles l'encours est souvent inférieur à 25 000 euros. Une plus grande transparence en la matière est bienvenue.

La progression des fonds propres des PME est artificielle, car elle ne résulte pas d'un apport de capitaux extérieurs, mais d'une volonté des PME d'intervenir pour se renforcer dans la relance.

M. Jean Arthuis, président. - Est-ce en laissant en réserve les résultats, en distribuant moins de dividendes, ou via des apports spécifiques des dirigeants ?

M. Bernard Cohen-Hadad. - Face à l'autocensure devant le crédit bancaire, les patrons de PME investissent.

M. Jean Arthuis, président. - Ils arbitrent dans leur propre patrimoine ? Empruntent à titre personnel ?

M. Bernard Cohen-Hadad. - On observe une réduction des salaires des dirigeants, une réduction des bénéfices, un réinvestissement des bénéfices en fonds propres, des demandes de crédits personnels aux banques, réinvestis dans les PME. Compte tenu de sa solvabilité, les banques prêtent au dirigeant, avec obligation de réinvestissement en fonds propre dans la PME.

M. Jean Arthuis, président. - La loi relative à l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) apporte-t-elle quelque chose ?

M. Bernard Cohen-Hadad. - Disons que ce n'était pas une demande des patrons de PME.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Peut-on concevoir que l'offre de crédit soit indifférente aux garanties susceptibles d'être apportées ? Bien entendu, nous devons faire semblant de trouver des solutions, quitte à voter certains textes sans grand enthousiasme... Etienne Dailly estimait que la baisse des exigences de capitalisation des sociétés ne servait à rien, et que si une entreprise manquait de capitaux, on irait chercher la garantie des dirigeants !

M. Bernard Cohen-Hadad. - Je garde un bon souvenir du président Dailly, qui a toujours défendu les PME.

Les banques ne sont pas là pour soutenir les canards boiteux, entend-on ; facile à dire, quand on n'a pas été patron de PME ! Une entreprise qui, faute de crédits, doit réduire ses investissements, restreindre l'emploi, qui n'a pas de visibilité à l'export, n'est pas en bonne santé. L'ambition d'un patron de PME est de développer son entreprise !

M. Henri Jullien, directeur général des activités fiduciaires et de place à la Banque de France. - La statistique du crédit est une matière compliquée. Nous venons d'élaborer un premier recueil de statistiques sur les PME et TPE, pour les montants excédant 25 000 euros, seuil de la centralisation des risques. Afin de ne pas occulter les TPE, Mme Lagarde a confié à M. Rameix une mission sur les crédits inférieurs à ce seuil. Des données macroéconomiques seront collectées auprès des banques pour mettre fin à la polémique entre PME et TPE. S'agissant des entrepreneurs individuels, on note que si l'encours de crédit progresse beaucoup, il est majoritairement affecté à l'habitat...

M. Jean Arthuis, président. - Ne pouvez-vous différencier le financement du patrimoine privatif du financement de l'entreprise ?

M. Henri Jullien. - C'est difficile, mais nous devrions pouvoir le faire.

M. Olivier Gavalda. - Cette répartition est difficile à voir de façon consolidée.

M. Jean Arthuis, président. - Prenez-vous la garantie sur l'immeuble ou sur les actions de l'entreprise ?

M. Olivier Gavalda. - Cela dépend des dossiers.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les banquiers prennent tout ce qu'ils peuvent trouver ! Une perception juste de la fonction de crédit à l'économie, une meilleure connaissance de la conjoncture permettraient de relativiser les enquêtes d'opinion auprès des chefs d'entreprise.

M. Jean Arthuis, président. - Nous venons de vous ouvrir une voie pour que vous puissiez rendre compte des prêts à l'économie et faire apparaître des chiffres plus gratifiants. C'est très important.

M. Bernard Cohen-Hadad. - Cela fait dix-huit mois que je le réclame ; à chaque fois, on m'oppose le coût pour les banques et pour la Banque de France !

Mme Nicole Bricq. - À nous aussi !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela serait pourtant une bonne campagne de publicité !

M. Jean Arthuis, président. - Tout ceci ne promeut pas l'EIRL...

M. Henri Jullien. - Avec l'EIRL, on séparera le patrimoine personnel du patrimoine professionnel.

M. Jean Arthuis, président. - Nous ne nous faisons pas d'illusions...

M. Henri Jullien. - Les crédits à l'économie ont progressé en 2010 de 1,2 %. L'endettement de marché a progressé de 7,2 % ; l'endettement des sociétés non financières, de 3,1 %. Pour les grandes entreprises, on observe un transfert vers l'endettement sur le marché obligataire. Les PME-TPE ont toujours vu leur encours de crédit augmenter, en ce qui concerne les prêts de plus de 25 000 euros. Il y a un doute statistique concernant les prêts inférieurs à 25 000 euros, qui concernent les artisans, les entrepreneurs individuels, les TPE ; 80 % des dossiers de médiation du crédit portent sur la mise en cause de lignes de découvert, non garanties. C'est le résultat du crédit facile avant 2007...

Frédéric Lefebvre nous a demandé de lancer une opération dans les départements pour combler le déficit de culture économique des TPE. Il faut redynamiser la relation entre banquier et TPE. Nous assurerons l'information avec les chambres de métiers, la Siagi et avec un banquier-témoin dans chaque département.

M. Jean Arthuis, président. - C'est la limite de l'auto-entreprise...

M. Henri Jullien. - Il faut un minimum d'argent et de compétences.

M. Jean Arthuis, président. - La loi LME a-t-elle raccourci les délais de paiement ?

M. Henri Jullien. - Un rapport sera présenté très prochainement. Il est indéniable que les délais ont été raccourcis de quelques jours. Les besoins en fonds de roulement (BFR) des PME ont reculé car l'activité, et encore plus les stocks, ont reculé.

M. Sébastien Boitreaud, sous-directeur des banques et du financement d'intérêt général à la direction générale du Trésor. - Par rapport à celle de ses voisins, la performance de la France est satisfaisante : début 2011, le crédit aux sociétés non financières a cru de 1,7 % sur un an et de 4 % pour les PME-TPE indépendantes, contre 0,6 % dans la zone euro.

La médiation du crédit, qui sera prolongée pour deux ans, a permis de débloquer 3,4 milliards d'euros de crédits et de conforter 13 500 sociétés, employant 235 000 salariés. Le nombre de saisines suite à un refus de crédit a diminué de moitié par rapport à 2009.

Pour le financement en fonds propres, divers outils ont été mis en place fin 2009 dans le cadre du Fonds stratégique d'investissement (FSI), pour 1 milliard d'euros. Il s'agissait notamment d'un dispositif d'obligations convertibles, donc de quasi-fonds propres.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela a-t-il marché ? Quelles sont les sommes engagées ?

M. Sébastien Boitreaud. - Sur une enveloppe de 300 millions d'euros, 100 millions ont déjà été investis.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Est-ce un bon produit ?

M. Sébastien Boitreaud. - Il permet d'augmenter les fonds propres sans ouvrir le capital. Pour le Gouvernement, c'est un dispositif qui fonctionne et a vocation à perdurer.

Il y a également des investissements directs du FSI dans les PME.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Combien ont été mis en oeuvre ?

M. Sébastien Boitreaud. - Je n'ai pas les chiffres précis.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les annonces sont excellentes ; le suivi, encore meilleur, surtout quand on va jusqu'aux participations effectives !

M. Sébastien Boitreaud. - Je vous ferai communiquer les éléments. Évaluer les perspectives d'investissement est un exercice complexe...

S'ajoutent des investissements dans le cadre de fonds partenaires du programme FSI France Investissement. Avec 1,5 milliard d'euros depuis 2006, c'est un acteur incontournable du capital risque et du capital développement.

Le Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE) est abondé à hauteur de 100 millions d'euros par le FSI et de 200 millions par le secteur privé. Je vous communiquerai son taux d'utilisation. D'ores et déjà, plusieurs projets ont été menés à bien.

Le Président de la République a annoncé le versement de 1,5 milliard d'euros par le fonds d'épargne au FSI pour renforcer son intervention dans le financement des entreprises. Les modalités n'ont pas encore été arrêtées.

Enfin, le contrat de développement participatif a été mis en place fin 2009, pour 1 milliard d'euros. Il s'agit de prêts de relativement longue durée destinés aux PME et ETI en phase de relance, qui jouent sur l'effet de levier des moyens publics, Oséo intervenant comme cofinanceur. Au 31 janvier, plus de 800 millions avaient été déjà été accordés. Le Président de la République a annoncé la reconduction du dispositif pour la même somme.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Dès lors qu'ils sont participatifs, ces financements n'ont-il pas vocation à être consolidés en capital ?

M. Sébastien Boitreaud. - C'est un prêt de longue durée, qui a vocation à être remboursé à échéance. Pour Oséo, il s'agit de quasi-fonds propres et non d'un produit ayant vocation à être consolidé.

Le décret du 16 mars sur la centralisation du livret A prévoit une période de convergence assez longue. Cette période de convergence a pour but d'éviter toute discontinuité dans la capacité des banques à financer les PME. Le décret diminue la rémunération des réseaux bancaires de dix points de base avec effet quasi immédiat, soit 165 millions de résultats par an en moins. Le taux de centralisation y est fixé à 65 %, soit le niveau constaté en début d'année. Il évoluera en fonction de l'utilisation et des besoins de construction de logements sociaux. Le souhait du Gouvernement était de créer un mécanisme suffisamment souple pour assurer à tout moment les besoins de financement de la politique de la ville et du logement social tout en laissant aux banques, pour le financement des PME, les sommes qui ne sont pas nécessaires aux fonds d'épargne. Autre point du décret, évoqué par M. Dubertret, la « surcentralisation » : les établissements de crédit qui ne prêtaient pas aux PME mais qui pourraient le faire à l'avenir, telle la Banque postale, étaient jusqu'à présent dans un régime binaire. Soit ils laissaient l'intégralité de la ressource collectée aux fonds d'épargne, soit la seule fraction qui était réglementairement exigée de leur part. Pour une activité progressive de lancement des prêts aux PME, cette règle binaire est peu adaptée. Dorénavant, les établissements de crédit pourront « surcentraliser » une partie de l'encours censé leur revenir. Néanmoins, afin de donner aux fonds d'épargne la visibilité nécessaire, les banques devront alors s'engager pour une durée minimale d'au moins un an et, au terme de ce délai, pourront décentraliser seulement 20 % de l'apport « surcentralisé ». Une bonne mesure pour l'accompagnement des PME !

Quelques observations sur l'incidence des règles de Bâle sur les établissements de crédit. Bruxelles travaille actuellement à la mise en oeuvre des règles de « Bâle III », qui ont fait l'objet d'un communiqué détaillé à la fin de l'an dernier. Le texte devrait être présenté en juin ou juillet au Conseil et au Parlement pour une adoption selon la procédure de codécision. Son volet « solvabilité », qui vise à renforcer les exigences de fonds propres pour les activités de marché de titrisation à la suite des règles de « Bâle II et demi » de juillet 2009, a donné lieu à des discussions vives l'an dernier. Il paraît néanmoins équilibré : la période de convergence s'étendant jusqu'en 2019, les établissements de crédit auront le temps d'anticiper l'augmentation globale de leurs fonds propres ; il n'aura pas d'impact spécifique sur le financement des entreprises. Ce n'est potentiellement pas le cas du deuxième volet, le ratio de levier, dont la stricte application est prévue pour 2019.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Autrement dit, plus le contexte économique sera atone, plus les banques devront être capitalisées ? Pour donner dans la caricature, si ces dispositions s'appliquaient aujourd'hui aux banques irlandaises, il leur faudrait une capitalisation infinie.

M. Sébastien Boitreaud. - En fait, ce ratio pénalise les banques qui prêtent à des acteurs publics et parapublics, celles qui ont des actifs peu risqués.

M. Olivier Gavalda. - Ce qui est pour le moins paradoxal !

M. Sébastien Boitreaud. - Aujourd'hui, quand vous prêtez à un État noté AAA, le ratio exigé en fonds propres pour le risque de crédit est nul. Le ratio de levier conduit à réintégrer ces actifs dans l'évaluation du profil de risque de la banque. Il semble moins pertinent en France, voire dangereux s'il devenait contraignant.

M. Jean Arthuis, président. - La logique nous échapperait ? On ne peut pas en rester à cette impression d'arbitraire ! Il y a forcément une motivation.

M. Olivier Gavalda. - Pour répondre au rapporteur général, les nouvelles règles, en cas de crise, obligeront les banques à restreindre le financement de l'économie. De fait, la notation, en fonction de laquelle le risque est pondéré, se dégradant, les banques se montreront plus exigeantes en capital. Or, dans notre système français, ce sont elles qui financent majoritairement les besoins des entreprises.

Mme Christine Fabresse. - En France, nous l'avons dit, le financement des entreprises passe plutôt par le bilan. D'où une meilleure résistance des banques française à la crise. Cette réglementation va peut-être pousser les banques à suivre le modèle anglo-saxon - à l'origine de la crise -, c'est-à-dire à « titriser » et à sortir de leur bilan certains crédits. Une autre spécificité française peu prise en compte concerne, cette fois-ci, la collecte : nous pratiquons beaucoup les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), l'épargne réglementée et l'assurance-vie qui sortent de notre bilan.

M. Sébastien Boitreaud. - J'en reviens au troisième volet de « Bâle III », les ratios de liquidité. Ceux-ci poussent les banques, contrairement au ratio de levier, à se tourner vers les actifs très peu risqués, notamment les titres d'État qui sont très liquides. Grâce aux efforts des négociateurs français, le Comité de Bâle a précisé que ces ratios n'étaient pas gravés dans le marbre : à l'issue de la période d'observation, le ratio à un mois, sera arrêté en 2015 ; le ratio à un an, en 2018-2019. A court terme, nous devons donc faire preuve de vigilance sur la fixation du premier. Ces ratios pénalisent fortement les banques françaises, notre système étant marqué par une intermédiation très forte du crédit à l'économie et une intermédiation plus faible de la collecte de l'épargne pour des raisons à la fois historiques, réglementaires et fiscales. Dans le bilan du système bancaire, l'épargne collectée est nettement inférieure aux crédits alloués aux ménages et aux entreprises si bien que les banques doivent recourir au financement par le marché. Or la transformation sur le marché obligataire ou sur le marché interbancaire s'est révélée difficile en temps de crise. La fixation d'un ratio réglementaire limitera la capacité des banques à se refinancer sur les marchés et, partant, leur capacité à prêter. L'enjeu est important pour le financement de l'économie : les pouvoirs publics et la Banque de France doivent s'impliquer dans la négociation de ces ratios. Si nos efforts sont couronnés de succès - ce qui n'est pas acquis -, nous n'en devrons pas moins procéder à des adaptations afin de trouver un meilleur équilibre entre épargne et crédits à l'économie dans les bilans bancaires. L'épargne bancaire des ménages n'a pas globalement augmenté du fait de la banalisation du livret A ; la hausse de l'encours du livret A s'est traduite par la réduction d'autres formes d'épargne.

M. Jean Arthuis, président. - Monsieur Fournier, pourriez-vous nous fournir des informations statistiques supplémentaires ? Par exemple, disposez-vous d'indications secteur d'activité par secteur d'activité ? Par exemple, comment se financent l'automobile, l'aéronautique ?

M. Jacques Fournier, directeur général des statistiques à la Banque de France. - Tout d'abord, le gouverneur de la Banque de France tenait à ouvrir rapidement une concertation avec les banques afin de recueillir des données statistiques sur les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros. La discussion a commencé il y a quelques semaines et se poursuit activement. Concernant les PME, la tendance sur les trois derniers mois - cela reste à confirmer - montre une hausse des crédits de trésorerie. La situation semble nettement plus favorable en France début 2011 que dans les autres pays de la zone euro.

M. Jean Arthuis, président. - Faut-il y voir le signe d'une croissance plus forte que prévu ?

M. Jacques Fournier. - D'après nos calculs, la croissance pourrait atteindre 0,8 % au premier trimestre 2011. Le rebond de la production en janvier, constaté par l'INSEE, confirme cette estimation. Enfin, je ne dispose pas de données secteur économique par secteur économique ; je vous les fournirai par écrit.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je suis peu convaincu par la reconduction du Médiateur du crédit, dispositif exceptionnel créé en temps de crise. Nous avons une fâcheuse tendance, dans ce pays, à ajouter des couches au mille-feuille... Qu'en pensez-vous ?

Concernant « Bâle III », Gérard Rameix, médiateur du crédit, affirme, dans son récent avant-projet de rapport sur le financement des entreprises, que les besoins de capitaux supplémentaires des banques françaises, du fait de « Bâle III » devraient seulement entraîner une modeste hausse des taux à la clientèle de détail et, en tout état de cause, qu'ils ne devraient pas remettre en cause le modèle de financement des PME françaises. Une phrase anxiogène ! A défaut d'une information précise appuyée sur un calcul, ne vaut-il pas mieux ne rien dire plutôt que de faire connaître cette opinion mi-chèvre, mi-chou ? La direction générale du Trésor peut-elle en dire plus à ce sujet ?

Nous n'avons pas parlé de l'accès des PME aux marchés financiers. Les marchés simplifiés, tel Alternext, ont-ils quelque réalité dans l'Europe des marchés financiers ou sont-ils de douces chimères ?

Enfin, en application de l'article 75 de la loi sur la régulation bancaire et financière, le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport sur le refinancement des crédits apportés aux PME. Nous sera-t-il remis dans les délais prévus, soit avant le 22 avril ? Lors des débats sur ce projet de loi, nous avions évoqué un nouvel outil de refinancement via Oséo sur le modèle des obligations foncières.

M. Jean Arthuis, président. - Le Médiateur du crédit ne coûte pas cher...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Encore un « machin » !

M. Henri Jullien. - Les banques n'ont pas demandé la poursuite de la médiation. Pour autant, les présidents des grandes banques reconnaissent son utilité pour les TPE.

M. Bernard Cohen-Hadad. - L'intérêt des grandes banques pour la médiation me rassure. C'est le scoop de cette matinée ! Ce dispositif, peu cher, rapporte beaucoup aux territoires. Il permet parfois de maintenir des emplois. Après les phases de combat et de gestion, nous en sommes maintenant parvenus à l'étape de l'accompagnement. Maintenir un lien entre les banques et les TPE est indispensable. Une loi ne paraît pas nécessaire, mais peut-être faut-il songer à regrouper le médiateur de la sous-traitance et celui du crédit ou encore à intégrer le médiateur du crédit au sein du Défenseur des droits.

M. Jean Arthuis, président. - Bref, le besoin se fait sentir de plus de dialogue, d'échange, de compréhension mutuelle...

M. Sébastien Boitreaud. - Concernant les déclarations de M. Rameix, il est difficile d'être affirmatif lorsque le match n'est pas encore joué... Les ratios de solvabilité ne pénalisent pas spécifiquement les PME et les entreprises de manière plus générale. Mais, dès lors qu'il y a de plus fortes exigences de solvabilité, il s'agit bien d'un coût supplémentaire pour les banques, mais qui est étalé sur une période très longue, jusqu'en 2019. En revanche, il faudra se battre sur les autres ratios afin d'obtenir des indicateurs moins pénalisants pour le financement de l'économie. Enfin, le rapport sur le refinancement des prêts aux PME vous sera remis dans les délais prévus.

M. Jean Arthuis, président. - Parvenez-vous à faire pression sur les banques pour qu'elles confortent leurs fonds propres plutôt que de distribuer encore des dividendes ?

M. Sébastien Boitreaud. - Pour respecter les nouveaux ratios de solvabilité, les grands groupes bancaires ont récemment déclaré qu'ils puiseront sur une partie des résultats, lesquels ne seront pas distribués sous forme de dividendes ou de dividendes en actions.

M. Olivier Gavalda. - Le Crédit agricole et les caisses régionales conservent 85 % à 87 % des résultats dans leur bilan au bénéfice des territoires, une particularité des organismes mutualistes.

M. Bernard Cohen-Hadad. - Je plaide pour le recours au marché afin que les PME disposent d'une plus grande liberté d'investissement. Actuellement, les banques sont à 75 % l'interlocuteur des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2,5 millions. En France, les conditions sont-elles favorables à l'accès des PME à la cote ? Non, on observe une stagnation : 130 entreprises en moyenne constitue un maigre résultat. Il faut penser différemment l'accès des PME au marché, leur visibilité au sein du marché et les conditions de leur sortie. Ainsi, la semaine dernière, je lisais dans la presse que dès qu'une PME réussit en France, elle est rachetée par un grand groupe. Nous, nous voudrions qu'elles se développent ! Nous essayons d'avancer via l'Observatoire du financement des entreprises par le marché. En tout état de cause, dans les conditions actuelles, se développer présente plus d'inconvénients que d'avantages.

Mme Nicole Bricq. - Nous n'avançons pas... Durant les auditions du groupe de travail de l'an dernier, on nous disait déjà : il y a beaucoup d'argent disponible pour le financement des PME. A croire que le problème est culturel si l'on se réfère à d'autres modèles dans la zone euro : le poids de l'histoire, l'aversion pour le risque. Quoique ! Le Crédit agricole a subi les conséquences du comportement d'une de ses filiales. Nous ne sommes pas exempts de tout reproche. La solution viendrait du marché, nous dit Bernard Cohen-Hadad. Bref, nous en revenons à la question de l'oeuf et de la poule. Je reconnais toutefois une avancée : le gouverneur de la Banque de France s'est engagé à nous fournir des informations statistiques que nous demandons depuis longtemps.

« Bâle III » aurait des conséquences sur le financement de l'économie réelle, dites-vous. La menace est chose courante dans une négociation, mais ne pourriez-vous pas fournir des données chiffrées ? Du reste, il serait peut-être plus simple de s'appuyer sur la hausse des taux annoncée pour procéder à un calcul. Comment les banques abordent-elles la période des tests de résistance européens ? La Banque postale ne va-t-elle pas financer les entreprises dont personne ne veut, comme elle le fait déjà pour les ménages ? Je m'en tiens à ces questions ponctuelles, la question du financement de l'économie réelle ne trouvant visiblement pas de réponse...

M. Jean Arthuis, président. - Ce n'est pas seulement un problème de financement... Peut-être notre législation n'encourage-t-elle pas assez la compétitivité des entreprises, la conception de projets et le passage à l'acte, autant de sujets qui pourraient inspirer d'autres réformes !

Mme Nicole Bricq. - Certes ! Nous aurions pu parler de la fiscalité. Prenons l'impôt sur les sociétés : actuellement, plus l'entreprise est grosse, moins elle paie.

M. Jean Arthuis, président. - Plus elle est grosse, plus elle réalise des bénéfices... hors de France !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le « small is beautiful » a ses limites...

Mme Nicole Bricq. - Tout n'est pas dans tout et réciproquement ! Les entreprises ont besoin d'être accompagnées dans la durée. La Caisse des dépôts, Oséo et le FSI ont certainement un rôle à jouer.

M. Jean Arthuis, président. - Les banques doivent « mettre les mains dans le cambouis », sans se contenter de prêter de l'argent.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Avoir connaissance des prêts consentis à titre personnel aux chefs d'entreprise est d'autant plus important que ces prêts ont des taux nettement supérieurs à ceux consentis aux entreprises, une situation dont les banques s'accommodent fort bien... A en croire les témoignages que je reçois dans ma permanence, le financement de la trésorerie des TPE diminue. Pour la Banque de France, la somme de 25 000 euros est le seuil de référencement du risque bancaire. Pour ces chefs d'entreprise, c'est considérable. Enfin, je regrette que les ratios de liquidité bancaires soient globaux : ils devraient être différenciés pour tenir compte du financement de l'économie réelle.

M. Yann Gaillard. - Une question très générale : pourquoi ne parvient-on pas à développer nos PME à l'instar des Allemands alors que nous promouvons tous ce modèle ?

M. Jean-Pierre Fourcade. - Lorsque j'étais banquier, on utilisait beaucoup les bons de caisse pour le financement à court terme des entreprises. Qu'en est-il de cette pratique aujourd'hui ?

Demain, le Président de la République et le directeur général du FSI visiteront une PME de 4 000 personnes dans laquelle le FSI a pris des participations. Comment analysez-vous les opérations mixtes menées par le FSI et Oséo, l'un intervenant par une prise de participation dans le capital de 7 % à 8 %, l'autre par des crédits de trésorerie voire des obligations convertibles ?

M. Jean Arthuis, président. - Plutôt que d'annoncer un milliard pour ceci, puis un milliard pour cela, ne faudrait-il pas faire confiance aux opérateurs ? Comment éviter que la communication ne pollue la pratique du financement ?

Mme Christine Fabresse. - Le groupe de travail, créé sous l'égide de la Banque de France, complétera vos informations sur les TPE dans les prochains mois. L'exercice est complexe, notamment en raison de la définition de la PME européenne qui fait intervenir plusieurs critères : le chiffre d'affaires, les effectifs, mais aussi les liens capitalistiques. Des informations difficiles à croiser !

Madame Bricq, les banques contribuent au financement des entreprises à court terme. Dans mon groupe, ces crédits ont augmenté de 10 % par rapport à l'an passé. Elles investissent également dans les fonds propres : la Caisse d'Epargne a réalisé 1,2 milliard d'investissement en 2010.

M. Olivier Gavalda. - Les chiffres du Crédit agricole sont comparables à ceux de la Caisse d'Epargne. Madame Bricq, les banques abordent sereinement les tests de résistance européens. Les PME allemandes sont, en moyenne, deux fois plus grosses que les nôtres. Par culture, peut-être sont-elles davantage tournées vers l'exportation.

M. Jean Arthuis, président. - En France, les sociétés anonymes se sont multipliées qui se sont substituées aux sociétés de personne, souvent pour des raisons fiscales et sociales...

M. Olivier Gavalda. - Monsieur Fourcade, les bons de caisse ne sont plus une pratique courante. En dix ans, on a observé une forte poussée des crédits. Désormais, l'épargne est déficitaire dans le bilan des banques.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'était un autre modèle : on était plus prudents mais également moins capitalisés.

M. Bernard Cohen-Hadad. - A propos de « Bâle III », la seule question qui vaille est : ces nouvelles règles vont-elles permettre de relancer la croissance, de renforcer les PME ? Je crains que les « coussins » de capital, dont on parle parfois, ne se transforment en « airbags » qui éclateront à la figure des PME !

Vous évoquez un problème culturel... Nos PME sont mal connues ; il m'arrive de participer à des formations dans les banques. Nous avons besoin d'échange et de dialogue. Surtout, les banques ne doivent pas mélanger la gestion des PME et celles des « pros », c'est-à-dire les artisans et les commerçants. Il s'agit de profils différents.

Bienvenue au nouvel opérateur qu'est la Banque postale ! Nous verrons bien comment nous serons mangés...

Enfin, je confirme que les bons de caisse ne sont plus utilisés.

M. Sébastien Boitreaud. - Le comité de Bâle a évalué que l'impact des nouvelles normes pourrait se mesurer en point de PIB. Dans le même temps, la croissance étant ralentie, la probabilité de crise est réduite. Le régulateur a estimé que la croissance serait donc supérieure ou équivalente à très long terme.

Mme Nicole Bricq. - Nous serons déjà morts !

M. Jean Arthuis, président. - En quelque sorte, il faut s'affranchir de la tyrannie du court terme !

M. Sébastien Boitreaud. - La Banque postale doit être une banque de plein exercice, et non prêter à telle ou telle catégorie de PME. Elle doit mettre en place cette activité dans la durée pour acquérir une expertise et devenir un nouvel acteur afin de renforcer la concurrence sur le marché.

Il faut trouver un bon équilibre entre Oséo et le FSI, qui ont chacun leur expertise, et parvenir à un dispositif simple et lisible pour les entreprises. Le réseau « appui PME » en est une bonne illustration.

M. Henri Jullien. - Certes, Oséo et le FSI sont cousins germains. Cela étant, Oséo intervient pour des dizaines de milliers d'entreprises tandis que le FSI s'adresse seulement à quelques dizaines d'entreprises. Il faut d'autres relais pour les TPE. Oséo commence à mener ce travail avec la Caisse des dépôts et consignations en province de même que certaines banques, plus orientées vers les TPE et les PME. Pour elles, le bon outil est, non pas le financement par le marché, mais les contrats de développement participatif et les obligations convertibles. Il existe aussi, dans chaque conseil régional, un dispositif sponsorisé par Oséo. Toute la difficulté est que nos PME, dès qu'elles grossissent, sont absorbées par les grands groupes pour des raisons culturelles ou fiscales, contrairement aux allemandes. Résultat, en 2010, les Allemands avaient une balance commerciale excédentaire de 130 milliards quand la nôtre accusait un déficit de 50 milliards. Il existe une véritable différence culturelle sur la croissance et la structure des entreprises, et la structure des filières. En ce domaine, Jean Claude Volot a un rôle à jouer en matière de médiation du crédit interindustriel. Vous nous avez demandé comment se finançait la filière aéronautique. C'est une question difficile concernant les filières car nous en connaissons mal les périmètres.

M. Jean Arthuis, président. - Certains se plaignent alors qu'ils ont la bouche pleine...

M. Henri Jullien. - Un mal bien français !

M. Jacques Fournier. - Le recours au marché est intéressant. Le Conseil des gouverneurs de la BCE incite d'ailleurs au développement d'un mécanisme de titrisation, sur des bases saines, afin de financer ménages et entreprises.

Enfin, un dernier mot pour rassurer mes partenaires, la collecte d'informations sur les TPE portera uniquement sur le critère du chiffre d'affaires, qu'utilisent les banques, afin d'aboutir au plus vite.

M. Benjamin Dubertret. - Une dernière précision en ce qui concerne la ressource CDC-PME : 97 % des 400 millions sont aujourd'hui effectivement investis dans les entreprises.

M. Jean Arthuis, président. - Les sénateurs qui siègent à la commission de surveillance de la Caisse s'assureront qu'il ne s'agit pas d'un effet d'optique. Pour conclure, il ressort de cette audition que tout...

Mme Nicole Bricq. - ... est sous contrôle !

M. Jean Arthuis, président. - Hélas, certains chefs d'entreprises nous confient parfois leur incompréhension devant les réactions brutales de leurs banquiers. Peut-être ces derniers connaissent-ils mal la situation des entreprises, les échanges ne sont-ils pas assez réguliers. Il y a sans doute des progrès à faire en ce domaine. Prêter de l'argent, souscrire du capital ne suffit pas. Dans certaines PME, il ne faut pas hésiter à susciter l'arrivée d'un administrateur pour aider les entreprises à devenir plus stratèges.

En définitive, les entreprises peinent-elles à trouver des financements ou les conditions optimales de leur rentabilité ? Lorsque les projets sont rentables, ils sont financés. Il faut donc poursuivre la réflexion sur le cadre réglementaire, législatif, fiscal et social qui enserre l'entreprise.

Loi de finances - Nomination d'un rapporteur spécial

Puis, la commission nomme M. Hubert Falco rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire », en remplacement de M. Gérard Longuet.