Mercredi 13 avril 2011

- Présidence de M. Jacques Legendre, président, et de M. Ambroise Dupont, vice-président -

Nomination d'un rapporteur

La commission nomme Mme Monique Papon rapporteur sur la proposition de loi n° 398 (2010-2011) visant à garantir un droit à la scolarisation des enfants dans les écoles maternelles dès l'âge de deux ans.

Organisme extra-parlementaire - Désignation d'un candidat

La commission désigne M. Jacques Legendre, membre titulaire sortant, pour siéger à la Commission du Fonds national pour l'archéologie préventive.

Organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016 - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission procède à l'examen du rapport et à l'élaboration du texte proposé par la commission pour la proposition de loi n° 363 (2010-2011), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016.

M. Alain Dufaut, rapporteur. - Par sept voix contre six à la Turquie, la France a obtenu le 28 mai 2010 l'organisation du championnat d'Europe de football de 2016. Cette compétition, organisée tous les quatre ans depuis 1960, est le troisième évènement sportif mondial en termes d'impact médiatique. C'est une chance, une joie et un honneur de l'accueillir en France.

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale n'est en rien un dispositif d'exception, dérogeant fondamentalement au droit commun pour répondre à un engagement ponctuel de la France. Elle répond au contraire à un besoin majeur du sport français, l'organisation d'une coupe d'Europe offrant l'opportunité d'expérimenter de nouveaux modes de partenariat public/privé (P.P.P.) au service d'équipements sportifs à rénover ou à moderniser.

Nos stades sont à la fois de faible capacité et archaïques. Alors que le taux de remplissage est plutôt bon - plus de 75 % en 2008 contre moins de 60 % en Italie -, la capacité moyenne d'accueil du public s'établit à moins de 30 000 places dans le championnat de France de football contre plus de 45 000 en Allemagne. L'âge moyen des stades était en 2008 de 7 ans en Allemagne, de 11 en Angleterre, et de 17 en France. La qualité de l'accueil est donc insuffisante en termes de confort et d'espaces réceptifs, avec notamment seulement 4 % de la surface totale des stades consacrés aux sièges à prestations, contre 8 à 12 % pour les standards européens. La multifonctionnalité, élément crucial de rentabilité des stades est très insuffisante. La plupart de nos grands stades ne sont occupés que deux jours par mois pendant neuf mois, soit une vingtaine de jours par an avec les coupes. C'est contraire à une bonne utilisation de l'argent public. Enfin, comme l'avait noté notre collègue Pierre Martin dans son rapport sur les supporters, les normes de sécurité ne sont pas toujours respectées.

En conséquence le championnat de France qui profite peu de la billetterie - autour de 15 % du chiffre d'affaires - est « télé-dépendant » : avec 57 % de leurs ressources provenant des droits télévisuels, les clubs sont donc à la merci d'un retournement du marché. En un mot, il n'y pas de modèle économique du sport professionnel en France. On peut se féliciter du contrôle de gestion rigoureux exercé sur les clubs, mais il faut s'inquiéter du manque de compétitivité des clubs professionnels Car, en dépit des salaires parfois indécents versés aux sportifs professionnels, notamment aux footballeurs, ce ne sont pas des groupes « ultracapitalistisques » aux taux de rentabilité vertigineux et beaucoup de clubs de football terminent la saison en déficit.

Le sport professionnel est devenu un spectacle, dont l'objet est la rentabilité. Mais il continue à jouer un rôle essentiel pour les collectivités territoriales. Je vous renvoie à cet égard au rapport présenté devant notre commission par notre ancien collègue Bernard Murat sur les clubs sportifs et les collectivités territoriales : les clubs assurent une notoriété très importante aux communes où ils sont implantés, ils créent un ciment d'identification locale et du lien social, du fait de la mixité sociale dans les stades et de l'atmosphère qui y règne la plupart du temps - il suffit de voir ce qui se passe dans les virages lors d'un match de l'OM pour s'en convaincre. Le sport professionnel renforce aussi la pratique sportive de la population. Le stade lui-même est, comme le note le rapport de la commission « Grands stades », « un outil de développement de l'attractivité des villes et des territoires, un facteur de contribution à la croissance économique, voire une opportunité de donner un nouvel essor à des quartiers urbains situés alentour du stade », comme l'illustre le Stade de France à Saint-Denis. D'où l'intérêt des projets de rénovation et de construction de stades pour 2016, qui rencontrent des obstacles depuis de longues années.

Les causes en sont d'abord historiques. De nombreux rapports sont parus dans la dernière décennie sur la question des équipements sportifs : celui de Maître Guillot pour le ministère des sports, celui d'Éric Besson sur la compétitivité du football français, celui de la commission « Grands stades » présidée par Philippe Seguin, le rapport « Arena » de Daniel Constantini et enfin celui de David Douillet. Tous font le même constat de la spécificité française de la gestion publique des stades qui sont historiquement la propriété de la collectivité territoriale d'implantation - dans 90 % des cas, contre 59 % dans l'Europe élargie. La coexistence entre obsolescence des stades et propriété publique n'est pas une coïncidence. Le rapport Seguin explique que le stade est, dans notre pays, davantage perçu comme un enjeu politique que comme un centre de ressources et de profits. A partir du moment où le club résident est un simple locataire sans droits réels ni marges de manoeuvre de gestion du stade, il a peu d'intérêt à exploiter économiquement l'équipement, à y attirer des supporters et à moderniser l'infrastructure. Et même si les clubs le souhaitent, ils sont souvent confrontés à l'incapacité financière de la collectivité à rénover, voire simplement à entretenir l'installation sportive. Je suis bien placé pour le savoir avec l'accession à la première division de l'équipe d'Arles-Avignon qui a coûté 8 millions pour porter le stade à 17 000 places.

Ensuite, il y a des causes juridiques. Il n'existe pas de cadre juridique unique adapté à l'ensemble des projets, le choix dépendant de chaque situation : rénovation ou construction, maîtrise d'ouvrage publique ou privée, mode de financement.

La maitrise d'ouvrage publique est un outil simple mais de moins en moins utilisé en raison de la lourdeur de la gestion des projets, de la charge financière pour les collectivités, qui payent l'intégralité des travaux, et du rôle secondaire laissé aux clubs. Parmi les stades concernés par l'organisation de l'Euro, le Stadium de Toulouse et Geoffroy-Guichard de Saint-Etienne seront rénovés sous cette formule, avec un investissement très important de la collectivité.

Les concessions et les contrats de partenariat permettent de confier à un prestataire la gestion du projet dans son ensemble et d'étaler les investissements publics dans le temps, mais les clubs n'ont toujours pas la maîtrise du projet ni de droits sur l'infrastructure.

Les deux régimes juridiques les plus à la mode sont donc les partenariats public-privé (PPP) et les baux emphytéotiques administratifs (BEA). Le PPP permet d'associer la collectivité, l'opérateur et le club à la vie quotidienne du stade, aux conditions de son exploitation, et de partager coûts et recettes. Il semble que cette formule soit notamment adaptée en cas de construction d'un nouveau stade. Quatre des stades concernés par l'Euro sont ou seront rénovés ou construits dans ce cadre : le grand stade de Lille, le nouveau stade bordelais, celui de Nice et le stade Vélodrome de Marseille.

Le bail emphytéotique administratif séduit par sa souplesse et par la possibilité qu'il offre au club de mener une exploitation ambitieuse du stade. La collectivité reste propriétaire et peut imposer le respect d'un certain nombre de règles. Le rapport Seguin notait cependant les incertitudes juridiques entourant ce bail et c'est la raison pour laquelle le BEA spécifique « équipements sportifs » a depuis été introduit par la loi de février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés. La présente proposition de loi a pour objet principal d'assouplir encore le régime du BEA, conformément aux propositions du rapport Seguin, notamment en raison des spécificités entourant son mode de financement. Les travaux de rénovation du Parc des Princes, du stade Bollaert de Lens et du stade Marcel-Picot de Nancy devraient être exécutés sous cette formule.

Bien que la construction entièrement privée - comme pour le stade de Lyon - ne pose pas de problème particulier, il est extrêmement difficile de monter ce type de projets. Ceux de Strasbourg et de Nice ont été abandonnés et celui de l'Olympique Lyonnais se heurte à des obstacles importants : vous avez tous lu dans la presse les échanges entre Jean-Michel Aulas et la ministre des sports. Il faudra nous interroger sur l'éventuelle existence de causes culturelles au faible nombre de projets privés d'intérêt général, dans le domaine du sport ou même de la culture - comme l'illustre l'échec du projet de la fondation Pinault sur l'île Seguin.

Bref, il y a encore des difficultés à construire des stades en dépit de leur rôle en matière de compétitivité du sport professionnel et d'aménagement du territoire. Par conséquent, l'organisation de l'Euro 2016 est une occasion historique pour rénover et moderniser nos stades. Le député Bernard Depierre, auteur de la proposition de loi, a choisi de mettre en place une forme « d'expérimentation significative d'un nouveau mode de financement des grandes infrastructures nationales », dont j'approuve pleinement la forme et le fond.

Le cahier des charges de l'UEFA est exigeant mais il répond à des besoins réels. Neuf stades doivent être proposés dont deux d'au moins 50 000 places - ils existent déjà ; ce sont le Stade de France et le Stade Vélodrome à Marseille - trois de 40 000 places - Lens, Paris, Lille, Bordeaux ou Lyon - et quatre de 30 000 places - Nice, Saint-Etienne, Toulouse, Nancy.

Trois types d'exigences sont ensuite définies : spatiales, techniques et fonctionnelles. Les points noirs des équipements français sont les espaces dits « hospitalité » et le bloc « tribunes de presse et installations médias », à cause de l'ancienneté de nos stades. Les travaux de rénovation se concentreront donc sur ces objectifs, qui sont en outre des éléments majeurs de la rentabilité des stades. Le confort des stades n'est pas non plus adapté au cahier des charges de l'Euro. Son amélioration ne pourra qu'être facteur d'attraction des familles dans les enceintes sportives et, donc, d'amélioration de leur performance économique. Il faut aussi y améliorer la sécurité.

Outre que ces rénovations auront un impact positif sur la compétitivité du sport professionnel français, l'Euro 2016 aura des conséquences économiques positives, chiffrables à plusieurs centaines de millions d'euros.

La présente proposition de loi devrait permettre de débloquer certains dossiers. Comme je l'ai indiqué, la voie la plus prometteuse en matière de rénovation des stades, pour des raisons historiques et culturelles, est le financement mixte entre le public et le privé. L'article premier permet ainsi aux baux emphytéotiques administratifs, conclus dans le cadre de projets de construction ou de rénovation de stades destinés à accueillir l'Euro 2016, de devenir éligibles aux mêmes aides versées par les collectivités territoriales que les projets réalisés sous le régime de la loi sur la maîtrise d'ouvrage publique ou dans le cadre des contrats de partenariat. Les stades de Nancy et Lens dont la rénovation est actuellement bloquée en raison de l'incapacité des collectivités à intervenir financièrement dans le cadre des BEA pourraient ainsi être modernisés. La rénovation du Parc des Princes pourrait aussi être concernée. Cet article permettra qu'une partie des 150 millions du CNDS dégagés par la dernière loi de finances pour les stades serve aux trois stades mentionnés et à leurs équipements annexes. Il est en outre prévu que le versement des subventions, redevances et autres participations financières puisse être échelonné en fonction de la durée du bail.

L'article 2 prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements puissent, de façon dérogatoire, apporter des aides aux projets de construction ou de rénovation des onze stades mentionnés dans la candidature française. Il déroge d'une part, à l'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales qui confie au conseil régional la définition du régime ainsi que la décision d'octroyer des aides aux entreprises ; dans le cas des stades, projets importants et structurants pour les communes, il peut être opportun d'élargir le régime d'aides et de permettre leur autonomisation ; pour l'organisation de l'Euro, il est impératif de croiser les financements. D'autre part, cet article 2 prévoit une dérogation aux articles L. 113-1 à L. 113-3 et L. 122-11 du code du sport qui instituent des plafonds d'aide et interdisent les garanties des collectivités territoriales aux associations et sociétés sportives. Tous les projets faisant intervenir un opérateur privé - c'est-à-dire tous sauf Toulouse - sont potentiellement concernés par cet article.

L'article 3 permet enfin aux contrats en lien avec les stades destinés à accueillir l'Euro, avec leurs équipements connexes et avec l'organisation et le déroulement de l'Euro, passés par des personnes morales de droit public, de prévoir le recours à l'arbitrage avec application de la loi française. Cet article, qui peut potentiellement s'appliquer à tous les stades, est une dérogation au principe de droit public d'interdiction de clauses compromissoires dans les contrats de droit public. Outre qu'on peut s'interroger sur la pertinence d'une telle règle, il ne pourra y avoir arbitrage que sur des contrats et non sur des actes unilatéraux, comme les permis de construire. L'objectif est d'éviter les retards dans la construction des nouveaux stades, qui doivent être livrés impérativement à la fin de l'année 2014.

Je suis convaincu que ces dispositifs dérogatoires, notamment ceux prévus aux articles 1er et 3 ont un réel avenir, et que leur utilisation dans le cadre de l'Euro 2016, justifiée par l'urgence de la situation, sera un test grandeur nature parfait pour savoir s'ils devront ultérieurement être étendus à l'ensemble des stades et enceintes sportives. Notre réflexion sur les stades, et plus largement sur les équipements sportifs, est loin d'être terminée. D'autres facilitations de procédure et améliorations du cadre juridique devront être examinées à l'avenir. J'ai auditionné le 30 mars dernier, le Président de l'Association nationale des ligues de sport professionnelles, qui m'a fait part, en accord avec les 5 fédérations de sports collectifs qu'il représente, de son souhait de voir cette loi adaptée à l'ensemble des enceintes sportives, stades et gymnases,

Dans un premier temps, je vous propose donc d'adopter cette proposition de loi sans la modifier. Elle est nécessaire pour la réussite de l'Euro 2016 en France. Elle est surtout un impératif pour enfin moderniser nos équipements sportifs et en faire plus que des lieux de sport : des lieux de spectacle, de vie, de rassemblement, de mixité.

M. Daniel Percheron - Je félicite le rapporteur pour la clarté et la conviction de son exposé. En tant que lensois je connais bien ce dont je vais parler - chose assez rare dans la vie politique... Le stade Bollaert a été le stade d'une immense entreprise publique, les Houillères. Il a failli disparaître au tournant des années 70 avec la débâcle de l'entreprise. Mais il a été maintenu par une ville parmi les plus pauvres de France ; l'arrondissement de Lens est celui dont la base productive est la plus faible dans notre pays : 1 000 euros par habitant et par an contre 5 600 en moyenne pour l'Île-de-France. Bollaert est donc davantage qu'un stade, c'est un lieu historique et magique de cohésion sociale, notamment avec ses 10 000 places à 7 euros. Nous avons été candidats à l'Euro 1984, sur fonds municipaux : réussite complète ! Nous avons été candidats à la Coupe du monde 1998, sur financement des collectivités locales et de l'État : réussite complète ! Et aujourd'hui nous sommes candidats à l'Euro 2016 : avec la formule BEA, ce texte permettra aux collectivités locales d'être à la hauteur de l'évènement. Je soutiens cette loi passionnante. Nous nous sommes engagés à hauteur de 50 millions sur les 100 millions que coûtera la rénovation du stade, nécessaire pour présenter notre candidature. La grève des footballeurs français s'efface devant l'obtention de l'Euro 2016 par la fédération de Jean-Pierre Escalettes. C'est un formidable évènement pour notre bassin minier comme pour toute la France.

M. Jean-Jacques Lozach - Tout le monde se réjouit que la France organise l'euro 2016, notamment parce qu'elle nous donne l'occasion de rattraper notre retard en équipements sportifs. Cela dit, ce texte ne suscite pas en nous un enthousiasme délirant. C'est un texte de circonstance et dérogatoire au regard des codes du sport et des collectivités territoriales. Un seul exemple : il remet en question un axe fort de la décentralisation, le rôle de chef de filat de la région en matière d'activité économique. Si ce texte est adopté, tout le monde pourra intervenir comme il le souhaite. Un des piliers de la décentralisation est ainsi insidieusement remis en cause. L'objectif est en réalité de solliciter encore davantage les collectivités locales. Car que pèsent les 150 millions de l'État au regard du 1,8 milliard total ? D'autant que ces 150 millions sont ponctionnés sur le CNDS dont la vocation première n'est pas de financer le sport professionnel. Un récent rapport de la Cour des comptes invite les collectivités à la plus grande prudence dans l'exploitation future de ces équipements, donnant l'exemple de Nancy qui, pour ses 12 000 spectateurs disposera d'un stade de 30 000 places. On invoque certains rapports - notamment celui de Philippe Seguin - qui sont des appels à entreprendre une véritable politique nationale alors que, avec ce texte, on en reste au coup par coup et au cas par cas. Les exigences de l'UEFA sont si draconiennes que, dorénavant, à part quelques nations très puissantes, les autres pays sont obligés de s'associer pour organiser l'Euro. Pour toutes ces raisons, nous sommes très réservés vis-à-vis de ce texte.

M. Jean Louis Masson - Cette proposition de loi ne me convient pas. D'abord comment est-elle compatible avec l'article 40 de la Constitution ? Si elle est acceptable au regard de cet article, alors qu'on nous permette de déposer des amendements sans leur opposer cet article ! Pourrons-nous le faire ? Cette application à deux vitesses de l'article 40 est scandaleuse.

Ensuite, les clubs de football sont des entreprises commerciales soumises à la concurrence. Compte tenu des règles européennes en la matière, je m'étonne qu'on accepte que certains clubs bénéficient de telles distorsions de concurrence par rapport aux autres clubs. En définitive, il y a quatre catégories de clubs : ceux qui n'ont pas postulé, les 15 ou 16 qui, ayant postulé, n'ont pas été parmi les 12 retenus, ceux qui, parmi ces douze, n'auront pas été retenus par l'UEFA, enfin les neuf heureux élus. Pourquoi douze et non pas 9, ou tous ceux qui ont postulé?

J'approuve le rapport Seguin mais il n'y a pas de raison de faire une loi d'exception pour 9 clubs. Si on légifère, il faut le faire pour tout le monde, pour tous les clubs et pour tous les sports, d'autant que le football n'est pas un sport exemplaire quand on pense au salaire exorbitant des joueurs et à certains de leurs comportements. Et qu'on n'invoque pas l'urgence : il serait très facile de faire une loi générale en supprimant dans cette proposition de loi toutes les références aux clubs retenus par l'UEFA.

M. Jacques Legendre, président. - Il ne vous a pas échappé que ce texte nous vient de l'Assemblée nationale : l'article 40 n'a pas été invoqué parce que le gouvernement y a levé le gage.

M. Claude Bérit-Débat - Je me réjouis moi aussi que cette manifestation soit organisée par la France. Mais, en dérogeant aux codes des collectivités territoriales et du sport ainsi qu'aux règles des BEA, on nous propose une loi de circonstance. Monsieur le rapporteur, vous balayez bien rapidement le problème du chef de filat. Toutes les collectivités vont pouvoir intervenir ! A l'occasion de la réforme des collectivités, nous avons longuement débattu de leurs compétences. Les collectivités ici sollicitées, y compris les EPCI, auront-elles encore la compétence sportive en 2015 ? Et on les sollicite ! Les financements croisés posent problème : nous sommes en pleine réforme de la taxe professionnelle et l'autonomie fiscale des collectivités se réduit de plus en plus. Quant à l'État, il ponctionne le CNDS pour construire des stades de football alors que, lorsqu'un EPCI lui demande de l'aider à construire une piscine, ce CNDS refuse au motif qu'il doit financer l'Euro 2016. Je demeure dubitatif devant un texte qui sollicite encore les collectivités et qui est foncièrement dérogatoire : trois articles, trois dérogations ! Je suis enthousiaste à l'idée d'accueillir l'Euro, mais je le suis beaucoup moins pour voter cette proposition de loi.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin - Cet évènement populaire est maintenant considéré comme l'occasion d'organiser un vrai régime d'exception pour la construction des enceintes sportives. Désormais, un opérateur privé pourra obtenir des subventions - même s'il n'agit pas dans l'intérêt général et même s'il ne connaît pas de difficultés économiques. Les deux partenaires du contrat pourront aussi contourner le juge administratif pour gagner du temps en cas de litige. Tout cela s'inscrit dans le mouvement général de casse des règles présidant aux modalités d'utilisation des deniers publics. La création des PPP en a été une étape importante, surtout après la parution de l'ordonnance de 2007 permettant aux cocontractants privés d'obtenir des subventions et de recourir à l'arbitrage. Nous n'approuvons pas le présent texte qui aligne le régime des BEA sur celui des PPP en matière de subvention comme d'arbitrage.

M. Alain Dufaut, rapporteur. - Je suis tout à fait en phase avec vous, monsieur Percheron : le stade Bollaert ne sera pas rénové si cette proposition de loi n'est pas votée. Certes, monsieur Lozach, c'est un texte de circonstance et de dérogation mais il permettra une expérience qui, de la construction des grands stades de football, pourra être étendue à tous les stades et gymnases. Il est vrai que la compétence du développement économique appartient à la région ; la compétence des équipements culturels et sportifs a été maintenue au département et à la région. Madame Gonthier-Maurin, la construction ou la rénovation de ces grands stades est tout à fait d'intérêt général. Les 150 millions fournis par l'État sont ponctionnés sur les fonds du CNDS ? Ce n'est qu'en partie vrai car il est prévu une contribution supplémentaire de 0,3 % sur les paris sportifs. Cette proposition de loi permettra une véritable expérimentation grâce à laquelle on pourra aller plus loin. Car il faudra continuer à légiférer en ce domaine, sauf à maintenir l'actuel retard de nos équipements sportifs. Enfin, sur l'article 40, monsieur Masson, le président Legendre a répondu.

M. Serge Lagauche - Notre groupe n'a pas pris position. Nous nous abstiendrons donc sur l'ensemble des amendements de Gérard Collomb et sur le texte du rapporteur.

Examen des articles

M. Alain Dufaut, rapporteur. - Les amendements de Gérard Collomb ciblent particulièrement la construction du grand stade de Lyon. Ce projet, entièrement privé, bute sur des problèmes administratifs et financiers et ces amendements visent à lever ces obstacles.

Article additionnel avant l'article premier

M. Alain Dufaut, rapporteur. - L'amendement n° 2 de M. Collomb prévoit que les stades destinés à accueillir l'Euro2016 seront présumés comme étant d'intérêt général. En jurisprudence, il ne fait aucun doute qu'un stade est d'intérêt général. Amendement inutile ; donc avis défavorable.

L'amendement n° 2 est rejeté.

Les articles 1er et 2 sont adoptés sans modification.

Articles additionnels après l'article 2

M. Alain Dufaut, rapporteur. - L'amendement n° 3 anticipe l'entrée en vigueur des dispositions de la loi Grenelle 2 sur le droit des enquêtes publiques. Avis défavorable à cet amendement de portée extrêmement réduite, compte tenu de mon souhait de voir cette loi adoptée sans modification.

L'amendement n° 4, fixant notamment un délai de jugement au Conseil d'État paraît totalement exorbitant du droit commun, alors que de nombreux actes administratifs sont aussi importants que la construction des stades. Par ailleurs, cet amendement, ainsi que les deux suivants, relèvent du domaine règlementaire. Avis défavorable.

L'amendement de repli n° 5 appelle les mêmes objections que le précédent.

L'amendement n° 6 permettrait d'encadrer les délais de jugement en ne donnant pas d'effet suspensif aux recours formés contre les actes administratifs en lien avec la construction des enceintes sportives destinées à accueillir l'Euro 2016. Ce serait totalement dérogatoire au droit commun que de rendre le Conseil d'État compétent en premier et dernier ressort pour l'ensemble des actes administratifs. Avis défavorable.

Les amendements n° 3, 4, 5 et 6 sont rejetés.

L'article 3 est adopté sans modification.

Articles additionnels après l'article 3

M. Alain Dufaut, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 7 : un rapport d'application rendu dans six ans serait trop tardif et un simple engagement de la ministre en séance sera suffisant. Avis également défavorable au n° 8 qui n'a pas de valeur normative.

Les amendements n° 7 et 8 sont rejetés.

L'article 4 demeure supprimé.

Mme Françoise Laborde - Sur l'ensemble de la proposition de loi le groupe du RDSE s'abstiendra.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin - Nous voterons contre cette proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

Audition de M. Christophe Vital, président de l'Association générale des conservateurs des collections publiques de France

M. Christophe Vital. - L'association générale des conservateurs des collections publiques de France (AGCCPF) a été créée en 1922 et reconnue d'utilité publique en 1932. Elle réunit depuis sa création essentiellement des conservateurs mais a été élargie à d'autres collaborateurs tels que les attachés de conservation Elle est composée d'une majorité de conservateurs exerçant dans les musées. L'AGCCPF réalise divers travaux tels qu'une revue diffusée dans le monde entier, des congrès ou des journées d'étude.

J'ai proposé, il y a deux ans et demi, de mener une grande réflexion sur les musées de France. Dans un contexte en évolution, il devenait nécessaire d'engager une réflexion approfondie comprenant un état des lieux et des préconisations. Le Livre blanc, présenté le 4 février dernier, est le fruit d'une réflexion élargie à d'autres associations, notamment à la société française des amis de musées, évitant ainsi l'écueil d'un travail corporatiste.

Le contexte historique est important puisque, depuis la libération et plus encore depuis les années 1970, les musées de France ont connu une évolution spectaculaire, à la fois qualitative et quantitative : leur nombre, de 1 418 aujourd'hui, a en effet presque doublé en 50 ans. Cette évolution a été marquée par de grands chantiers parisiens mais aussi par une dynamique portée par les collectivités territoriales. L'évolution est aussi celle de la présence de l'État qui joua un rôle d'incitation, d'accompagnement, à travers une administration centrale forte à l'époque et des financements très significatifs - ce qui a d'ailleurs pu avoir des effets pervers, la réflexion sur le coût de fonctionnement des musées n'ayant pas alors été encouragée. Aujourd'hui, même si l'on ne peut pas parler de désengagement de l'État, on peut évoquer un accompagnement moins fort et un affaiblissement de la direction des musées de France dû à l'émergence d'établissements publics autonomes et de la réunion des musées nationaux (RMN), ainsi qu'à la révision générale des politiques publiques (RGPP) ayant reformaté la direction devenue un service intégré à la direction générale du patrimoine du ministère de la culture.

Le Livre blanc insiste sur plusieurs points :

- l'importance du cofinancement sur lequel ont été fondés tous les projets muséaux et dont la remise en cause nous inquiète tout particulièrement. Les financements de l'État dédiés aux musées territoriaux sont devenus très insuffisants. La problématique des ressources propres met en évidence deux contraintes : l'objectif d'accessibilité des musées qui pose des limites à l'outil tarifaire, et le mécénat culturel en chute, notamment pour les établissements de taille modeste. Ces difficultés, soulignées par la Cour des Comptes dans un récent rapport, nous font penser qu'il existe un risque de fracture dans le monde des musées où l'on trouve des situations très contrastées. En effet, la moitié de la fréquentation, soit 25 à 26 millions de visiteurs, est concentrée sur les grands musées parisiens. La fracture se creuse alors que les aides de l'État diminuent et que de nombreuses questions émergent avec les réformes territoriale et fiscale. L'avenir des conservations départementales est d'ailleurs un sujet particulièrement préoccupant puisqu'il concerne environ un quart des musées de France ;

- la prise en compte très insuffisante des musées scientifiques. En effet, la réflexion relative aux musées se fait trop souvent sous l'angle des beaux arts, ce qui a pour conséquence d'édicter des normes inappropriées aux enjeux des collections scientifiques. De nombreux musées dépendant d'autres ministères de tutelle comme celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, il manque une vision interministérielle ;

- la question des professionnels puisque les conservateurs ont le sentiment d'être oubliés dans les textes et rapports. La Cour des Comptes, dans son rapport, insiste sur le travail positif réalisé en matière d'inventaires et de récolements, alors que les conservateurs ne sont jamais cités. Il conviendrait à la fois de revoir les textes, la formation de l'Institut national du patrimoine (INP), et de se préoccuper des conséquences de la pyramide des âges de la profession. En effet, environ 500 conservateurs seront partis en retraite dans les 5 à 10 prochaines années, or il faudrait plus de 30 promotions de l'INP pour assurer la relève. Nous tirons la sonnette d'alarme pour l'avenir des musées de France car il faut trouver des solutions pour cette profession qui fait la force de la France et l'admiration des conservateurs étrangers ;

- la gestion des collections qui a fait l'objet de réflexions de la profession bien en amont, comme ce fut le cas pour la loi sur les têtes maories, contrairement à ce qui a pu être dit. Nous sommes d'ailleurs très inquiets pour la situation des réserves de collections qui n'a globalement pas beaucoup évolué depuis le rapport de Philippe Richert publié en 2003 ;

- la lourdeur des procédures, notamment d'acquisition et de restauration ;

- l'inaliénabilité et le maintien des prêts gratuits des collections auxquels nous rappelons notre attachement ;

- l'accès des musées au plus grand nombre puisque les études sur les pratiques culturelles des Français montrent que 30 % d'entre eux sont des visiteurs habitués tandis que 70 % ne fréquentent que très rarement, voire jamais, les musées.

Mme Catherine Morin-Desailly. - J'ai plusieurs questions à la suite de cette présentation très riche. Je souhaiterais tout d'abord formuler une remarque sur le statut des musées. Combien sont en régie municipale ? Combien en établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ? S'agissant des collections des musées vous avez souligné une réflexion constante de votre profession et votre attachement à leur inaliénabilité. Mais les musées scientifiques diffèrent de ceux des beaux-arts. Comment avancez-vous sur cette question des collections scientifiques ? Quelle est votre réflexion sur l'évolution de la question de la restitution des restes humains ? Enfin, en ce qui concerne l'accès aux collections, je m'interroge sur les moyens et les enjeux de la numérisation.

Mme Françoise Férat. - Vous avez parlé des « conservateurs oubliés » et c'est un constat que je partage. Pourquoi, d'après vous, ce beau métier séduit-il moins ?

Mme Françoise Laborde. - Vous mettez le doigt sur un point important qu'est le cofinancement. En revanche, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous sur la question du mécénat. Il peut être en baisse à Paris mais a encore de belles années devant lui en province. En outre, la formation des conservateurs est-elle mise en cause ? Peuvent-ils trouver un travail lorsqu'ils sortent des écoles ?

M. Christophe Vital. - Je souhaiterais apporter les éléments de réponse suivants :

- il est difficile de répondre de façon précise à la question sur les statuts des musées de France, car le travail d'observation est trop faible. Aujourd'hui, personne n'est capable de donner le nombre précis d'établissements publics ou celui des musées organisés en intercommunalité. On peut simplement dire qu'il existe encore, dans les collectivités territoriales, une dominante de la régie directe, même s'il existe des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) ou des sociétés d'économie mixte comme à Nantes. Le mouvement est un peu différent au niveau national où se côtoient les établissements publics et les services à compétence nationale (SCN) ;

- en ce qui concerne les collections scientifiques, nous avons déjà mené une réflexion et notre dernière revue est d'ailleurs consacrée au thème des restes humains ;

- nous sommes en attente d'une instruction claire ou d'une circulaire sur les collections d'étude car si certains conservateurs ont su innover en la matière, ils l'ont fait sans fondement légal ;

- la question du déclassement des collections relève du fantasme puisqu'il n'existe aucune demande. En revanche, la question des restes humains reste entière et mérite d'être posée. Notre profession n'est d'ailleurs pas unanime sur ce sujet. Le débat sur les restitutions est grave et essentiel, et si nous avons réagi à propos des manuscrits coréens, c'est parce que nous pensions qu'il aurait fallu définir des critères en amont. La prudence s'impose en la matière. Ce sujet est lié à la question des prêts gratuits car nous considérons que les collections ne sont pas des marchandises. Elles appartiennent à l'humanité et on n'a pas le droit de les monnayer. Il faut une réflexion approfondie de la commission scientifique nationale des collections qui, je le rappelle, ne s'est toujours pas réunie ;

- nous avions beaucoup d'espoirs fondés sur le grand emprunt pour les projets de numérisation. Mais nous n'avons pour l'instant pas de retour et restons dans le flou. L'informatisation des collections a quant à elle été réalisée dans un désordre total. Le système « Joconde » est une réussite mais il est difficile de définir des standards de gestion informatisée de nos collections ;

- le métier de conservateur séduit mais le problème est l'absence de gestion des emplois et qui peut expliquer que certains jeunes se retrouvent sans emploi. Il faut une gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) qui paraît réaliste puisque nous sommes un millier. Il faudrait à ce titre déclarer les vacances de poste et que les collectivités aient l'obligation de puiser dans les lauréats de l'INP ;

- au regard de la dernière étude de l'ADMICAL parue en octobre dernier, le mécénat semble réellement en crise. Il faut toutefois revenir à l'essentiel et rappeler que le musée est un service public qui coûte de l'argent. On ne résoudra pas le problème du financement des musées avec le mécénat ;

- il convient de maintenir les spécialisations des conservateurs et de mettre l'accent sur les besoins de formation dans les domaines scientifiques.

M. Ivan Renar. - Il est désormais plus difficile que jamais d'être conservateur d'un musée, compte tenu de toutes les contraintes de conservation, de gestion ou de financement qui pèsent sur la profession. En outre, comme pour tous les secteurs du service public, on constate une diminution des moyens. Je souhaite évoquer les difficultés rencontrées dans les musées en régie directe car les employés municipaux ont des devoirs de réserve. Je voudrais aussi rappeler qu'il n'y a jamais eu autant d'efforts réalisés en direction des publics, notamment des scolaires et des personnes handicapées. Cependant, on souffre aussi de la fracture sociale. On peut s'inquiéter de la disparition progressive de l'État et de celle de la direction des musées de France qui assurait une mission de conseil. Enfin, je rappelle que les rigidités de la régie nous avaient amenés à proposer le statut de l'EPCC, lequel offre la souplesse indispensable.

M. Yves Dauge. - La question de la gestion des emplois est considérable car l'on doit absolument former, renouveler, ouvrir ce métier de conservateur. Pourquoi le service des musées de France n'a-t-il pas vocation à faire ce travail ? Une vraie étude doit être réalisée en ce sens et nous ne pouvons en rester à ce constat. Je regrette l'évolution de l'administration centrale et il faut dire que l'on a régressé. Concernant la question des prêts gratuits, elle avait été soulevée lorsqu'avait été présenté le projet du Louvre à Abu Dhabi et, à l'époque, les conservateurs avaient signé des pétitions. Ce n'est pas à la France de déroger à la règle fondamentale des prêts gratuits.

M. René-Pierre Signé. - Je voudrais d'abord remercier le président de l'Association générale des conservateurs pour son exposé. Permettez-moi d'attirer l'attention sur la pauvreté et les difficultés des musées locaux. On en a ouvert beaucoup, peut-être trop. Le nombre de visiteurs tend à diminuer progressivement. La question des ressources propres de ces musées se pose. Elles sont insuffisantes compte tenu du coût du personnel d'entretien et de surveillance, de l'aménagement des réserves, en particulier s'agissant de la conservation des textiles. Certains de ces musées, qui sont à la charge d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), vont probablement fermer, d'autant que les financements croisés sont remis en question. Cette situation a un impact sur la culture mais aussi sur le tourisme, les sorties scolaires et même l'économie.

Ce sont essentiellement des musées d'art et de traditions populaires. Ils portent témoignages de coutumes, de traditions, de métiers. C'est un patrimoine historique qui appartient à l'humanité qui est exposé dans de très beaux musées, trop discrets, trop peu fréquentés et que nous avons des difficultés à entretenir. L'État devrait s'intéresser à ce patrimoine pour faire en sorte qu'il ne disparaisse pas.

M. Christophe Vital. - Je partage nombre de vos points de vue, monsieur Renar. Le métier de conservateur requiert beaucoup de polyvalence, surtout lorsqu'il est exercé dans la fonction publique territoriale, mais aussi dans les grands musées. Le conservateur doit garder cette polyvalence car il a une vision globale des choses. Nous utilisons souvent l'expression de chef d'orchestre.

Sur la vision sociale, vous avez cité le terme de quartier. Il faut relever que des actions ont été menées dans le domaine de la politique de la ville. Nous travaillons avec des réseaux comme « Culture du coeur » ou « ATD-Quart monde ». Nous aimerions aussi qu'à la télévision ce travail soit présenté. Le musée est trop souvent envisagé sous un regard intellectuel ou élitiste.

Les relations dans le couple que forment le conservateur et l'élu sont largement abordées dans notre rapport, car elles ne sont pas faciles. Il faut que les jeunes qui sortent de l'Institut national du patrimoine soient préparés à ce dialogue avec l'élu. Or ils ne le sont pas toujours. Une de nos préconisations est ainsi de mettre en place du tutorat et du parrainage de façon à accompagner un jeune conservateur dans sa vie active pour lui éviter certaines erreurs. Ensuite, c'est toujours la règle du jeu du fonctionnaire avec l'élu. Nous avons de grandes difficultés aujourd'hui, avec des litiges qui finissent devant les tribunaux. Ils sont nombreux et cela nous inquiète. Nous avons ainsi constitué au sein de notre association une commission d'examen et d'arbitrage formée de conservateurs honoraires pour aider et conseiller des collègues en difficulté.

La direction des musées de France a fondu en un petit service. C'est dommage car il existait une administration centrale dont les musées ont besoin, notamment pour la bonne application des textes. Il manque aujourd'hui une vraie politique nationale des musées.

Sur la question des emplois, si le Sénat peut nous aider sur ce point, nous en serions ravis, sinon les musées auront à souffrir de ne plus avoir à leur tête des personnels formés et qualifiés. D'ailleurs, je note que la commission de recollement l'a constaté. Là où il y avait des conservateurs, on a retrouvé plus d'oeuvres que lorsque ce n'était pas le cas. Cela prouve que le conservateur est bien là pour gérer les collections.

Nous sommes attachés au principe de prêt gratuit non pour des raisons déontologiques mais pour des raisons pragmatiques. C'est l'idée même de l'arroseur arrosé. Le problème est celui de la réciprocité des autres pays. Aujourd'hui les coûts d'exposition sont de plus en plus élevés, s'il faut y ajouter ceux de la location des oeuvres, le problème se posera vis-à-vis des petits musées. C'est un non-sens total du point de vue économique.

Nos réticences à l'égard du projet du Louvre à Abou Dhabi tenaient à la question de la marque, ce qui nous a choqués. Le Louvre n'est pas une marque, c'est un patrimoine. Maintenant, c'est fait. Il reste cependant des tensions très fortes sur les collections du Louvre.

On observe aujourd'hui de nombreuses fermetures de musées locaux qui ne disposent plus de moyens. La solution est d'unir les moyens, l'intercommunalité en est une qu'il faut encourager.

Nous jouons un rôle dans le développement touristique de nos territoires.