Mercredi 18 mai 2011

- Présidence de M. Jean-Pierre Plancade, vice-président -

Audition de M. Christophe Girard, conseiller de Paris, adjoint au maire en charge de la culture, du patrimoine et des partenaires étrangers

M. Jean-Pierre Plancade, président. - Dans le cadre du rapport d'information sur le marché de l'art contemporain que je conduis, nous avons décidé d'auditionner M. Christophe Girard, adjoint au maire en charge de la culture, du patrimoine et des partenaires étrangers pour contribuer au débat et apporter une réflexion supplémentaire. Vous êtes un homme de création. Vous avez travaillé pendant vingt ans chez Yves Saint-Laurent. Vous êtes aujourd'hui directeur de la stratégie de la mode chez LVMH. A Paris, vous êtes à l'origine de nombreuses initiatives comme les « Nuits blanches » ou la transformation de la Gaîté lyrique en un lieu contemporain consacré au numérique. Je n'oublie pas non plus « Le 104 ». Nous avons de nombreuses questions à vous poser. Que pensez-vous de l'art contemporain dans cette ville ? Comment faire pour que Paris redevienne une place importante du marché de l'art contemporain ?

M. Christophe Girard, conseiller de Paris, adjoint au maire en charge de la culture, du patrimoine et des partenaires étrangers. - Je voudrais saluer chaleureusement les sénatrices et sénateurs présents. Ce lieu est toujours plus accueillant que l'Assemblée nationale. Vous y êtes accompagné, les gens y sont sympathiques. Je suis plutôt un défenseur du Sénat. Je pense que le Sénat n'est pas une anomalie de la République mais plutôt un contrepouvoir utile.

Je voudrais vous livrer quelques éléments me concernant. Je pense que lorsqu'on aborde le sujet de la culture on touche aussi à l'histoire, à l'éducation, au patrimoine et au savoir. Le piège est d'être dans une description politicienne de ce sujet.

Je suis un citoyen des régions. Je suis né angevin. Je suis très attaché à ces racines car elles expliquent le parcours que l'on peut avoir dans sa vie qu'il soit politique, professionnel ou personnel. Lorsque vous êtes né dans une ville comme Saumur qui décrit à la fois Eugénie Grandet comme l'a fait Balzac mais qui est aussi une ville d'églises, de châteaux, vous n'avez pas tout à fait la formation d'un citoyen né d'un lieu totalement urbain.

Je suis très attaché à la culture et à l'art. J'ai eu la chance d'être élève volontaire les jeudis et samedis à l'école des Beaux-arts d'Angers. Ma première rencontre importante dans ma vie est celle avec François Morellet. Il m'a fait découvrir l'émotion et l'évidence de l'art contemporain. Il fait partie des immenses artistes français, qui néanmoins me permettent de relever une anomalie. François Morellet, comme Berlioz en son temps, n'est pas suffisamment reconnu et aimé en France. Les artistes contemporains français souffrent souvent d'un désamour, d'une méconnaissance ou d'une sorte de méfiance dans leur pays. François Morellet, très longtemps, a été beaucoup plus aimé aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Belgique qu'il ne le fut en France. Le Centre Pompidou lui rend aujourd'hui hommage. Je pense que c'est un hommage juste.

Face aux critiques virulentes sur l'art contemporain, je vous encourage à la plus grande prudence. Ce qui est contemporain aujourd'hui deviendra sans doute classique demain. C'est l'histoire qui le dira, ce sont les citoyens qui en décideront.

J'ai eu un petit désaccord avec le président Poncelet. Lorsqu'il était président du Sénat, je me suis permis de lui écrire car je trouvais dommage que dans un lieu aussi beau que le Palais du Luxembourg la profondeur des jardins soit en permanence occultée par des expositions de photographies sur les grilles. Il m'a répondu que je faisais une erreur car les jardins relevaient de la puissance et de l'autorité du Palais du Luxembourg et non de la Ville de Paris ou des services de l'État.

Certes, l'art contemporain le plus accessible et le plus populaire a sa place dans la ville. Mais je conteste le choix systématique d'utiliser les lieux publics, les places, les grilles. Je me suis opposé, par exemple, comme élu du 4e arrondissement au fait qu'on appose quoi que ce soit sur les grilles de la place des Vosges. Il est beau également de laisser le vide, le silence et la profondeur de ce que les architectes et les paysagistes ont pu créer.

Dès 2001, j'ai proposé la création d'un comité d'art dans la ville qui comprend des élus de tous bords, un certain nombre d'experts du monde entier, des personnalités.

Une personnalité importante dans ma vie politique est M. Martin Béthenot, qui a très longtemps travaillé auprès de M. Jean-Jacques Aillagon, qui a été commissaire général de la FIAC et encore récemment directeur de la fondation Pinault. Il m'a conseillé. Lorsque j'ai eu cette idée de « Nuits blanches » consacrée au patrimoine, aux artistes, à l'art contemporain et à sa démesure dans la ville, il m'a soutenu et encouragé pour aller jusqu'au bout de ce choix.

Je voudrais éviter un catalogue de mesures. Il serait injuste de dire que Paris fait tout très bien. Paris doit faire des progrès dans certains domaines. La France a pour les arts plastiques un rapport plus ancien, plus profond que pour la musique par exemple. Paris a le défaut de ses qualités. C'est une des plus belles villes au monde, elle a un des plus beaux patrimoines. C'est très intimidant pour les artistes. Nous recensons à Paris et en région parisienne 65 % des artistes résidant en France. Ils ont moins de timidité dans leur rapport à l'urbain dans des villes comme Londres ou Berlin.

« Nuits blanches » n'est qu'un supplément de ce que nous faisons pour les artistes et l'art contemporain à Paris. Il s'agit de permettre à nos concitoyens de redécouvrir le patrimoine insolite de leur ville, dans des musées, dans des églises. Plus de quarante églises et temples à Paris ainsi que la grande mosquée de Paris y participent. Tous ces lieux contribuent à la mise en valeur de leur propre patrimoine.

Cela permet aux citoyens de découvrir que l'art contemporain lorsqu'il est montré et accompagné peut provoquer à la fois goût et dégoût, en tout cas une opinion et un intérêt. Il est très impressionnant de voir pendant cette nuit blanche des familles de toutes origines souvent accompagnées d'enfants plus informés et organisés que leurs parents. Je voudrais souligner le rôle positif d'Internet qui permet une connaissance des lieux et des artistes plus grande.

Aujourd'hui, vingt-cinq villes participent aux « Nuits blanches ». La dernière en date est Vincennes. C'est donc une manifestation partagée. Dans les régions, des villes comme Metz, Charleville, Brison Saint-Innocent en Savoie ou Mayenne participent à cette manifestation. Aujourd'hui, après Tel Aviv, Buenos Aires, Singapour, Paris rejoint le club des 30 villes capitales qui s'y associent dans le monde.

Il n'y a pas de politique intelligente pour l'art contemporain si la place des artistes n'est pas la première question que l'on se pose. Depuis 2001, nous avons augmenté le nombre d'ateliers d'artistes de 40 %. C'est néanmoins insuffisant. Aujourd'hui nous disposons d'environ mille ateliers dont deux tiers sont des ateliers logements. L'artiste a besoin d'un lieu de travail où il puisse également vivre. Il est important qu'il y ait des rotations. Il importe ainsi de s'assurer que les ateliers sont bien occupés par des artistes. Par ailleurs, ils n'ont pas très envie de bouger.

La dimension internationale de Paris est aussi de savoir attirer les artistes étrangers du monde entier. Nous veillons, en bonne intelligence avec les services de l'État, que des artistes que nous jugeons souhaitables sur le territoire pour le rayonnement de Paris soient accueillis dans des conditions dignes.

Si j'ai été critique sur le systématisme de l'accrochage d'un art dit populaire, j'ai proposé à la commission d'art dans la ville le retrait d'oeuvres installées au fil du temps à Paris. Il y a parfois des oeuvres de qualité médiocre mais qui pour des raisons historiques, sentimentales, politiques ont été installées ou parfois en raison de l'existence d'accords entre les villes ou les états. La commission a pour qualité de dire librement ce qu'elle pense de ces oeuvres. Il faut que nous ayons le courage politique.

Cela m'amène d'ailleurs à parler du Mur de la Paix pour lequel Mme Rachida Dati a eu une attitude courageuse. En effet, il s'agit d'une oeuvre de qualité mais qui devait être provisoire et avait donc été installée pour trois mois. Il est important de rappeler qu'une oeuvre n'a pas nécessairement vocation à rester au même endroit, qu'elle peut tout à fait être déplacée, et que l'on peut trouver des compromis comme je l'ai déjà fait à Paris.

Je voudrais rappeler que le Sénat a eu l'audace de participer à l'opération « Nuits blanches » en 2009. A cette occasion un artiste québécois avait installé une boule brillante au-dessus du bassin du Jardin du Luxembourg. Ce fut l'un des lieux les plus fréquentés lors de cette édition 2009 et les commissaires de cette édition ont montré que les talents viennent de toutes les régions, qu'ils ne sont pas uniquement parisiens.

Je voudrais évoquer un sujet très important lié à l'urbanisme. Lorsque l'on construit un tramway, il faut envisager un investissement artistique qui va au-delà du 1 % culturel. Nous avons ainsi eu une grande ambition pour les travaux du tronçon allant du 13e arrondissement au nord-est de Paris et avons fait pour cela appel à M. Bernard, directeur du Musée d'art moderne de Genève, pour un projet consistant à installer les oeuvres d'artistes venant du monde entier, en évitant toutefois l'erreur de plaquer systématiquement les oeuvres sur des lieux symboliques. L'art contemporain n'a de sens que s'il respecte les lieux, s'il interroge les habitants. Je voudrais d'ailleurs en profiter pour vous faire part d'une réflexion personnelle. Je crois en effet que nous devons lancer un grand chantier de requalification des entrées de ville, intégrant une dimension artistique mais également une dynamique environnementale et économique. Des petites villes, telles que Faucon dans le Vaucluse, réussissent un travail remarquable, limitant, sans l'interdire, la présence publicitaire et valorisant la beauté des lieux. Cela transcende la logique droite-gauche et l'on a le devoir de travailler sur cette problématique en France où l'on pourrait faire appel aux plus grands artistes, urbanistes et architectes. Je formule le voeu qu'un plan décennal soit envisagé dès 2012 ou 2014 pour ce grand chantier.

J'aimerais dire un mot des lieux nouveaux qui permettent un rééquilibrage du tissu urbain et évoquer le cas du « 104 », dont le démarrage fut compliqué mais que les élus plébiscitent aujourd'hui. L'équipe de direction choisie initialement n'a pas donné satisfaction. J'assume cette erreur en tant que président du conseil d'administration et j'ai souhaité changer d'équipe. A l'issue de 120 auditions nous avons finalement retenu José Manuel Gonçalves pour faire du « 104 » un lieu très ouvert sur les quartiers environnants qui accueille des artistes contemporains comme Pierrick Sorin, Michelangelo Pistoletto, Anish Kapoor ou le cabaret burlesque de Matthieu Amalric. Ce lieu a ainsi trouvé sa vocation en un an. Il faut s'inscrire dans la durée et résister au temps médiatique pour construire tout en prenant en compte l'extension de la ville et l'évolution vers des métropoles. Paris est douze à treize fois plus petite que Berlin et Londres et il sera normal d'aller au-delà de Montreuil.

M. Jean-Pierre Plancade, président. - Je vous remercie pour cet exposé brillant qui montre bien que le temps de l'art n'est pas le temps médiatique. C'est le temps qui donne une valeur aux choses et personnellement je préfère parler d'art d'aujourd'hui plutôt que d'art contemporain, car je pense que cette notion s'inscrit davantage dans la réalité. J'aimerais aussi que nous revenions sur le sujet de la place de Paris par rapport aux autres capitales. Notre commission partage votre point de vue sur les entrées de ville et c'est notre collègue Ambroise Dupont qui est à l'origine des dernières dispositions législatives tendant à protéger les paysages face à la prolifération des enseignes publicitaires.

M. Jean-Jacques Pignard. - J'aurais aimé que nous abordions le sujet du spectacle vivant et je voudrais savoir quel est, pour la Ville de Paris, la part du budget dédiée à la culture et comment elle est répartie entre arts plastiques, spectacle vivant et patrimoine.

M. Christophe Girard. - Je me suis limité à la thématique choisie de l'art contemporain mais je reviendrai volontiers pour reparler des arts plastiques et du spectacle vivant.

M. Daniel Percheron. - C'est un plaisir d'entendre M. Girard. Dans le domaine de la culture on échoue ou on accède à la légende. Dans le cas de notre capitale, 80 % de la population plébiscite le bilan culturel de MM. Delanoë et Girard. C'est un succès remarquable qui permet de prolonger les années Malraux et Lang. En ce qui concerne l'art contemporain, nous avons besoin de la Ville de Paris qui a un rôle incontournable, irremplaçable, déclencheur car c'est la seule grande ville capable d'apprivoiser l'art contemporain comme vous le faites. Je souhaiterais que tous les cinq ou six ans, les villes de France, qui représentent 50 % des dépenses culturelles, aient la possibilité d'échanger avec vous. Votre présence est un heureux événement car le leadership de Paris est parfois lointain et rien ne remplace le dialogue comme c'est aujourd'hui le cas.

M. Christophe Girard. - Le grand secret de la culture est l'existence de moyens. C'est une grande difficulté pour les responsables culturels qui doivent gérer la justesse des aides accordées et faire des choix. Lorsque j'ai décidé de fermer un petit théâtre à Paris, j'ai dû faire face à une levée de boucliers. Il faut accepter que des lieux disparaissent et que d'autres naissent, en faisant preuve de courage politique. Si l'on se contente d'additionner, d'accumuler, on n'a aucune marge et la logique devient uniquement patrimoniale. Je dois signaler que nous partageons certains lieux avec l'État ; c'est le cas du Théâtre du Rond-Point, de la Maison d'art et d'histoire du judaïsme ou de certains orchestres. Ce lien avec l'État est naturel puisque la ville où siègent les assemblées parlementaires, le gouvernement et le chef de l'État. Mais la joie pour Paris est lorsque d'autres villes, telles Metz ou Amiens, souhaitent participer à des projets comme celui des Nuits blanches. Elles s'approprient entièrement les projets et inventent leur propre formule. Il faut à tout prix éviter d'être dans un rapport condescendant. L'exemple du projet de villa Médicis à Clichy peut illustrer cette approche puisqu'il me semble important d'éviter qu'un tel projet serve la bonne conscience des Parisiens qui viendraient apporter le symbole de la création dans un lieu ingrat. Il faut que les artistes viennent y créer et il me semblerait préférable à cet égard de créer une « tour Médicis » et d'assumer une certaine laideur. Il faut retrouver le chemin du sens, et bien écouter les citoyens.

M. Jean-Pierre Plancade, président. - J'ai une question sur le tissage du réseau. Nous avons des fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) qui ont accumulé des oeuvres mais on ne sait pas où elles sont. De mon point de vue, c'est inacceptable. Tout cela doit pouvoir fonctionner en réseau. C'est une question capitale pour notre positionnement international.

Mme Catherine Dumas. - Hier, j'ai rencontré de nombreux acteurs de Drouot. Ils m'ont exprimé leurs préoccupations par rapport au marché de l'art à Paris. Qu'en pensez-vous ? Comment, nous parlementaires, pouvons-nous avoir une réflexion qui permette d'orienter différemment ces maisons et de les moderniser ? Avez-vous des suggestions ?

J'ai d'autres questions très locales, le devenir de la salle Élysée Montmartre qui a subi un sinistre important et le Grand Paris de la culture. C'est un sujet auquel je me suis intéressée notamment dans le cadre de la commission spéciale Grand Paris. J'ai aujourd'hui la sensation qu'on en parle moins. Comment la ville peut-elle nous aider à faire en sorte que cette culture intramuros puisse bénéficier à la construction du Grand Paris ?

M. Christophe Girard. - La question locale est révélatrice de sujets plus graves et plus importants.

S'agissant des maisons de ventes, nous sommes dans un pays où la puissance publique investit beaucoup pour la culture et l'éducation à la culture, notamment en comparaison à d'autres pays. Par exemple, il n'y a pas de ministère de la culture aux États-Unis. Cette exception est à assumer totalement.

Toute dépense culturelle a des conséquences économiques sur la ville. Les artistes, la culture sont bien un moteur économique assumé, et pour lequel nous n'avons pas de complexe à avoir.

Le marché de l'art souffre d'une fiscalité française moins avantageuse. La Chine est en train de prendre la première place. La France se situe au quatrième rang derrière la Chine, les États-Unis et la Grande-Bretagne, mais nous avons progressé. Lors de la dernière FIAC, on s'est aperçu que le volume d'affaires de l'art contemporain en France est passé à 18 millions d'euros. On est loin cependant des 200 millions d'euros des marchés chinois ou américains.

Notre position française s'explique par le fait que nous ne disposons pas structurellement et fiscalement d'un système particulièrement avantageux. Dans une tribune parue en 2002, j'avais fait la suggestion d'un mécénat populaire. Je proposais d'encourager nos concitoyens à l'achat d'une sérigraphie, d'une lithographie, d'un objet d'art dans des lieux d'art comme les galeries par des mesures d'incitation fiscale. Je pense qu'on aurait de grandes surprises et qu'on encouragerait un mouvement citoyen d'intérêt pour la collection et l'art de collectionner. Pour beaucoup, collectionner signifie acheter des oeuvres extrêmement chères, alors que la sérigraphie ou la gravure relèvent de métiers merveilleux. Nous avons un devoir de sauver ces métiers pour conserver un savoir-faire, une forme d'intelligence. La France n'aura sa place dans le monde face à la Chine que si ces métiers sont protégés, encouragés et développés. Encore faut-il qu'il y ait commerce ! Ces métiers magnifiques bénéficient de transfert de technologies. Assumons même la plus grande modestie de nos métiers d'art. Je pense qu'économiquement, on sera gagnant.

Les restrictions budgétaires culturelles doivent être pensées intelligemment. Je considère que des organismes, des lieux méritent des restructurations, à condition de proposer des redéploiements et des transferts vers de nouvelles initiatives.

Sur le système des ventes aux enchères, la Ville de Paris a très peu de poids. C'est la voie législative qu'il faut faire entendre, tout en repensant la place internationale de Paris. Le marché londonien a su s'approprier Internet comme un moyen et non comme un danger. Employons-nous à en faire un outil.

Je vais publier une tribune où je plaiderai pour la création d'un ministère de la culture, de la communication et du numérique. Le numérique ne doit pas relever de l'industrie mais de ce ministère.

Lors de l'incendie de l'Élysée Montmartre, j'ai réagi comme adjoint à la culture avec un peu d'affect. J'ai reçu son directeur qui n'est pas le propriétaire. J'ai convoqué tous les directeurs des grands établissements parisiens pour permettre rapidement de reprogrammer les spectacles prévus dans cette salle. Ainsi, « Le 104 » a pu accueillir trois concerts. Nous avons un devoir patrimonial à l'égard de cette salle. Il existe de réels problèmes entre le gérant et le propriétaire. J'invite la collectivité à la prudence.

Dans le cadre du Grand Paris, j'ai été auditionné pendant cinq heures, au lieu de l'heure et demie initialement prévue, par Daniel Janicot Il s'agit d'initier des pistes ou des propositions dans le pot commun sur le Grand Paris. La Ville de Paris a signé un contrat avec le conservatoire de Boulogne pour créer un pôle supérieur d'éducation artistique. L'action politique est engagée.

M. Jean-Pierre Plancade, président. - M. Daniel Janicot a déjà rencontré le président de la commission, Jacques Legendre, au titre de cette mission sur l'aspect culturel du Grand Paris.

Mme Maryvonne Blondin. - Je me joins aux demandes présentes pour que vous reveniez devant le groupe de travail sur le spectacle vivant.

Vous semblez dire que l'occupation des ateliers logements se faisait sur une durée longue alors que, dans mon département, elle est encadrée par des contrats à durée limitée.

La place de l'oeuvre dans l'espace public peut poser des problèmes importants dans les villes. C'est le cas dans mon département. Un artiste contemporain qui réalise des pièces de sculpture monumentale expose devant son atelier et occupe un terrain public. Il est ainsi en conflit avec les riverains et l'affaire a été portée au tribunal.

Le rapport au temps nous est différent.

En Bretagne a été créé un pôle de quatre villes pour l'enseignement de l'art supérieur.

M. Christophe Girard. - Vous venez d'un département qui a un patrimoine très singulier et une conscience d'un rapport à l'art très ouvert, comme le sont les départements marins.

A Paris, il existe aussi des résidences. Nous menons une politique de résidences à durée déterminée. Elles diffèrent des ateliers logements, qui sont basés sur la signature d'un bail reconductible. Les locataires n'ont alors aucune raison d'être expulsés. Compte tenu de l'attractivité de Paris, leur nombre est insuffisant au regard du nombre de demandes en souffrance.

Nous devrions nous inspirer un peu plus des pratiques des autres pays. Le comité d'art dans la ville avec l'ensemble des élus permet de disposer de suffisamment d'avis divers pour établir un point de vue. Lorsqu'une oeuvre est installée, on ne peut pas l'imposer. Il faut la faire aimer dès son arrivée. Cela nécessite suffisamment de préparation, de médiation. Il s'agit de s'assurer qu'une concertation a été menée au mieux. L'élu doit assumer.

M. Jean-Pierre Plancade, président. - Je suis d'accord avec cette problématique de l'art d'aujourd'hui et d'ailleurs dans le cas du métro de Toulouse, qui avait permis l'installation d'oeuvres d'art contemporain, nous avions organisé des réunions de quartier avec les artistes pour expliquer chaque oeuvre. Ce dialogue a permis une bonne acceptation de ces oeuvres. Cela pose aussi la grande responsabilité que l'on doit assumer dans la commande publique.

M. Jean-Pierre Leleux. - Votre mission, qui suscite l'admiration, est exaltante et lourde de responsabilités. Au festival de Cannes vous avez pu découvrir le dernier film de Woody Allen « Midnight in Paris » et ainsi en apprécier l'effet de levier pour la promotion de la culture parisienne. Comment comptez-vous l'utiliser ? Par ailleurs comment imaginez-vous la remise en chantier de l'articulation entre Paris et province pour favoriser une meilleure synergie entre la capitale et les territoires ? Enfin il me semblerait très intéressant de vous inviter à nouveau pour vous entendre au sujet du spectacle vivant.

M. Christophe Girard. - J'aimerais partager avec vous, Monsieur Leleux, une idée de projet lié au parfum, qui fait partie de la culture. J'ai l'idée qu'un jour on puisse inventer un parcours olfactif de la France à travers une nuit ou une semaine du parfum. En ce qui concerne le film de Woody Allen, nous avons édité 20 000 plaquettes distribuées dans les mairies et donnant une information complète sur les lieux de tournage. Cette voie de promotion est importante, et nous avons d'ailleurs créé une charte des tournages, une mission cinéma, des festivals pour les enfants. Nous avons également lancé une action en faveur des salles d'art et d'essai à travers un projet de numérisation financé par la Ville de Paris avec un budget de deux millions d'euros. Nous estimons avoir une responsabilité en la matière pour Paris qui est la première ville cinéphile au monde avec 376 écrans.

Mme Marie-Christine Blandin. - Je voudrais tout d'abord évoquer la volonté d'embellir l'espace public et la complexité de toute intervention sur cette interface. Je souhaiterais revenir sur vos propos concernant les expositions de photographies sur les grilles du Jardin du Luxembourg. Je comprends votre plaidoyer pour ne pas réduire le champ visuel du passant mais ces expositions sont importantes et je pense qu'il faudrait en revanche revoir la question de la sélectivité pour mieux utiliser les espaces. J'aimerais aussi lancer un appel à la précaution au sujet de la rénovation du Grand Palais et d'Universciences qui prévoit de rendre perméables ces deux espaces. Il faudrait éviter que les espaces marchands du Grand Palais ne se développent au détriment de l'espace public de la culture scientifique. Enfin, je voudrais savoir s'il existe pour les photographes des structures d'accueil, similaires aux ateliers transitoires de résidence prévus pour les artistes?

M. Christophe Girard. - Je ne peux pas ne pas être ému devant les photographies mais je me méfie de la systématisation. La notion de démocratie culturelle implique de ne pas opposer le populaire au savant pour que l'art permette de s'élever. Le Grand Palais relève de l'État et je me garderai bien de faire un commentaire même si ce genre de risque est toujours réel. Enfin, les photographes peuvent être accueillis au même titre que les autres artistes mais je vais interroger les directeurs de la Maison européenne de la photographie et du Forum des images pour voir comment le statut de photographe est pris en compte et je vous apporterai des réponses.

Nomination d'un rapporteur

La commission nomme Mme Monique Papon rapporteur sur la proposition de loi n° 495 (2010-2011) visant à garantir un droit à la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans et à rendre l'école obligatoire à partir de l'âge de trois ans.

Organisme extra-parlementaire - Désignation de candidats

La commission propose MM. Serge Lagauche et Jean-Pierre Leleux à la nomination du Sénat pour siéger comme membres du comité de suivi chargé d'évaluer l'application de la loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques.