Mardi 17 mai 2011

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, et de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes -

Avenir de la politique européenne de cohésion - Débat et présentation d'une proposition de résolution

La commission, conjointement avec la commission des affaires européennes, entend une communication de MM. Yann Gaillard et Simon Sutour sur leur proposition de résolution européenne en faveur d'une politique de cohésion ambitieuse.

M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous accueillons la commission des affaires européennes pour un débat sur la proposition de résolution européenne présentée par MM. Yann Gaillard et Simon Sutour. Celle-ci, déposée en application de l'article 73 quater du Règlement, plaide pour « une politique européenne de cohésion ambitieuse après 2013 ».

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - La proposition de résolution européenne de MM. Gaillard et Sutour, qui fait suite à leur rapport et à notre table ronde du 27 avril dernier, refuse, à juste titre, l'idée qu'il faudrait choisir entre politique agricole commune (PAC) et politique de cohésion. N'y voyez pas une position de Normand, mais la ferme conviction que demander un égal traitement des régions à niveau de richesse comparable, sans augmentation globale de l'enveloppe « cohésion », est parfaitement compatible avec la défense de la PAC.

Je note, d'ailleurs, que nos amis britanniques trouvent désormais certains mérites à la politique agricole. Dans le récent rapport de la Chambre des Communes, on peut lire que la question de la sécurité alimentaire a pris une place croissante dans l'agenda politique, ce qui doit conduire à renouveler l'approche de la politique agricole. L'objectif de sécurité alimentaire inclut un degré significatif d'autosuffisance pour l'Europe, affirment les parlementaires britanniques. Cette évolution est remarquable, dans la mesure où la Grande-Bretagne s'est longtemps radicalement opposée à la conception française de la PAC. Plus que jamais, il faut défendre une PAC active avec des moyens préservés.

Avec ce texte, nous disposerons d'une base solide, conforme à l'esprit de Lisbonne, pour dialoguer avec le Gouvernement, la Commission européenne - qui présentera ses propositions fin juin - et le Parlement européen, avant l'ouverture des négociations à l'automne.

M. Yann Gaillard. - La Commission européenne, après un cinquième rapport en novembre 2010, a ouvert une consultation sur la politique de cohésion jusqu'au 31 janvier 201l. Dans ce cadre, notre commission a confié à M. Sutour et moi même le soin de tracer les grandes orientations de cette politique durant la prochaine période de programmation, comme nous l'avions fait en 2004. Notre rapport, adopté le 26 janvier dernier, se concluait par un plaidoyer pour une politique ambitieuse de cohésion.

Avec un budget en stagnation, la tentation est grande d'amputer l'enveloppe de 347 milliards allouée à la cohésion pour financer de nouveaux objectifs. La valeur ajoutée de cette politique est pourtant reconnue : 1,4 million d'emplois créés, 38 000 projets de recherche soutenus, 4 000 kilomètres de rail et 2 000 de routes et 23 millions de personnes raccordées à des systèmes de traitement des eaux usées entre 2000 et 2006. Au-delà de ce bilan chiffré officiel, elle présente l'avantage, par rapport aux politiques sectorielles de l'Union, d'encourager des stratégies intégrées de développement régional et orientées vers des objectifs communs dans un cadre financier stable - sept ans - et complémentaire de l'investissement national. Elle assure 25 % de l'investissement public dans les régions françaises métropolitaines. Sa renationalisation serait une impasse.

Le réalisme financier commande toutefois de modifier ses règles. Conséquence des élargissements de 2004 et de 2007, le PIB moyen par habitant a baissé de plus de 10 % dans l'Union ; le centre de gravité de la politique de cohésion s'est déplacé vers l'Est. Seize régions, sur les 84 relevant actuellement de l'objectif « convergence », devraient en sortir, ce qui engendrera une économie évaluée à près de 50 milliards. Cependant, le PIB des nouveaux États membres ayant sensiblement progressé, le maintien à son niveau actuel du plafond décidé en 2006 pour adapter les transferts à la capacité d'absorption de ces États - règle du capping correspondant à un plafond de 3 à 4 % du PIB - occasionnerait un surcoût de 75 milliards. Bel exemple du caractère complexe, contradictoire, voire tortueux de la politique européenne... D'où la nécessité d'un rééquilibrage de la politique de cohésion au profit des États contributeurs nets.

Pour ce faire, il faut revoir à la baisse la règle du capping - le faible taux de consommation des fonds dans plusieurs nouveaux États membres plaide en ce sens - et augmenter l'intensité de l'aide en direction des régions ne relevant pas de l'objectif « convergence ». La France, deuxième contributeur net au budget européen, derrière l'Allemagne, a vu son solde net négatif multiplié par 13 en dix ans pour atteindre 5 milliards. L'impératif est de ne pas dégrader encore ce solde net. D'autant que la France cessera probablement d'être bénéficiaire nette au titre de la PAC du fait de l'application de celle-ci aux nouveaux États membres après 2013. Dans les négociations, la France ne peut donc s'en tenir à la seule PAC.

La Commission européenne propose de redéployer des crédits de l'objectif « convergence » vers l'objectif « compétitivité », seul volet de la politique de cohésion pour lequel notre pays est bénéficiaire net. Ce projet représente une chance pour toutes les régions françaises, en particulier celles qui deviendraient éligibles au surcroît d'aide envisagé pour les nouvelles régions intermédiaires. Saisissons-nous-en.

M. Simon Sutour. - Je suis très heureux de venir dans la salle de la commission de l'économie, décorée par un tableau représentant un magnifique paysage gardois, pour compléter l'exposé de M. Gaillard.

En quoi consiste le projet de la Commission européenne ? Actuellement, les régions dont le PIB par habitant est inférieur au seuil de 75 % de la moyenne communautaire relèvent de l'objectif « convergence » qui mobilise 82 % des crédits de la cohésion ; les autres, de l'objectif « compétitivité » auquel sont consacrés 16 % des crédits. Pour amortir le choc du passage d'une catégorie à l'autre, il existe des systèmes d'entrée et de sortie progressives : le phasing out pour les régions qui dépassent le seuil de 75 % par un effet statistique dû à l'élargissement -elles continuent de relever de l'objectif « convergence » mais selon des modalités spécifiques et dégressives- ; le phasing in pour les régions passées dans la catégorie « compétitivité » du fait de leur enrichissement -une aide particulière et dégressive est destinée à amortir le choc de la baisse brutale des versements européens. Pour un même niveau de richesse, coexistent trois intensités différentes d'aides européennes, si l'on ajoute aux régions qui bénéficient de ces deux systèmes transitoires celles qui relèvent de longue date de l'objectif « compétitivité ».

L'équité impose de soutenir la création d'une nouvelle catégorie de régions, proposée par le commissaire Hahn, au PIB compris entre 75 et 90 % de la moyenne communautaire. D'un même niveau de richesses, elles recevraient ainsi le même niveau d'aide, quelle que soit leur histoire. Un progrès fondamental pour la cohésion entre les territoires européens ! Cette enveloppe plus ciblée bénéficierait à une région ultramarine et dix régions métropolitaines - deux ou trois sont sur le fil du rasoir - sans rien enlever aux autres. De fait, la Martinique, la Corse, le Languedoc-Roussillon, la Picardie, le Limousin, le Nord-Pas de Calais, la Basse Normandie, la Lorraine, la Franche-Comté, le Poitou-Charentes et l'Auvergne recevraient un surcroît d'aides de près de 3 milliards d'euros. En outre, nous devons travailler à la reconnaissance des régions ultrapériphériques (RUP). Si leur spécificité est consacrée par le traité de Lisbonne, nos interlocuteurs européens y sont peu sensibles, la France, l'Espagne et le Portugal étant seuls concernés. Nos quatre départements d'outre-mer, les seuls territoires français éligibles à l'objectif « convergence », reçoivent une dotation complémentaire du Fonds européen de développement régional (FEDER). Cette allocation, qui représente 15 % des aides que leur verse l'Europe, doit être reconduite.

Cohésion et PAC sont deux politiques intimement liées : le deuxième pilier de la PAC finance la cohésion dans les régions à prédominance rurale, qui représentent pas moins de 50 % du territoire européen et 20 % de la population. Il faut maintenir le volet non agricole du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Par parenthèse, j'ai renoncé à préconiser de le sortir de la PAC pour l'intégrer dans une politique de cohésion plus globale puisque cela garantit, d'après les contacts que j'ai eus, sa pérennité.

Convaincus qu'une politique ambitieuse de cohésion est tout à fait conciliable avec la PAC, nous regrettons que le Gouvernement français, dans sa réponse à la Commission européenne, soit si prudent et juge prioritaire l'objectif d'une baisse de la part du budget européen dédiée à la politique de cohésion. D'autant que les régions françaises - par la voix de M. Jean-Claude Gayssot, vice-président de la région Languedoc-Roussillon, M. Alain Tourret, vice président de la région Basse-Normandie, et M. André Reichardt, vice président de la région Alsace - et les associations d'élus locaux - la fédération des maires des villes moyennes, l'association des maires de France, l'association des départements de France, l'association des maires de grandes villes et l'association des petites villes de France - appuient le projet d'une nouvelle catégorie de régions. Plusieurs États membres envisagent avec réticence la proposition du commissaire Hahn, dont l'Allemagne qui gagnerait plus au statu quo. Les avis sont partagés au sein de la commission du développement régional du Parlement européen : la présidente Hübner est pour, le rapporteur Pieper, un Allemand, est contre.

Avec cette proposition de résolution européenne, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, fera oeuvre utile en confirmant son attachement à la politique de cohésion, cruciale en temps de crise, avant que la Commission européenne ne soumette son projet en juillet prochain.

M. Bernard Frimat. - Je félicite sincèrement le duo Gaillard et Sutour, aussi célèbre pour la politique de cohésion que le Gault et Millau en son domaine ! J'approuve l'esprit de la résolution. En revanche, sa lettre pourrait être légèrement reprise. Le célèbre « I want my money back » de Mme Thatcher est contraire à l'esprit européen. Mettez-vous à la place des commissaires européens ; mettre en avant le solde négatif de la France, l'idée de contributeurs et de bénéficiaires nets, si persuasive pour les Français, ne les convaincra pas.

Sans modifier l'économie générale de la proposition, qui est tout à fait judicieuse, nous pourrions supprimer le paragraphe ainsi rédigé : « Juge utile de ne pas dégrader encore le solde net de la France à l'égard de l'Union européenne ». Le solde négatif est peut-être un élément essentiel, mais il est surtout essentiel de ne pas y faire allusion ! Il conviendrait également d'adoucir le ton du quatrième considérant en écrivant « Considérant que la politique de cohésion, pour continuer, doit recueillir l'assentiment de l'ensemble des pays ». Voilà mon souhait modeste, mais insistant.

Enfin, un mot des RUP : la bataille est vive à Bruxelles. Hélas, peu s'y intéressent, sinon nos collègues ultramarins. L'enjeu est pourtant considérable.

M. Simon Sutour. - Une résolution européenne s'adresse au Gouvernement, non à la Commission. A notre goût, celui-ci ne défend pas suffisamment la politique de cohésion. Nous avions la faiblesse d'espérer que notre rapport de janvier dernier aurait une influence... L'exécutif a préféré mettre le paquet sur la PAC, considérant que la France était seule à soutenir cette politique. Soit, mais la proposition de la Commission, consistant à créer des régions intermédiaires, correspondrait à 3 milliards supplémentaires pour les régions françaises. Il serait dommage que cette chance nous passe sous le nez. Quant aux RUP, j'ai moi-même souligné qu'il fallait accentuer la pression.

M. Michel Teston. - Nous devons effectivement faire preuve de solidarité envers les territoires, surtout les RUP. La petite faiblesse du projet réside peut-être dans le critère retenu : celui du PIB régional. Il existe, au sein de régions riches, des territoires pauvres : le sud de l'Ardèche et de la Drôme, par exemple, en Rhône-Alpes. Les programmes européens prenaient en compte cette particularité autrefois.

M. Jacques Blanc. - Rapporteur de la commission sur la politique européenne envers la montagne, je souscris à la volonté de donner une arme au Gouvernement pour défendre la politique de cohésion territoriale. Je suggère de rappeler que cette politique est devenue un objectif européen depuis le traité de Lisbonne et d'ajouter, après l'évocation des RUP, les régions visées à l'article 174 3, dont font partie les régions de montagne. Ce serait logique puisque l'Europe a décidé, pour la première fois, de mettre au coeur de sa politique le développement harmonieux des territoires, y compris ceux à handicap naturel ou démographique.

Mme Bernadette Bourzai. - A l'instar de M. Frimat, je regrette la tonalité franco-française de ce texte. Peut-être faut-il y voir le signe que nous n'avons pas, tous deux, tout à fait oublié le temps où nous étions parlementaires européens. La politique de cohésion a pour but de réduire les inégalités territoriales et, jusqu'à la dernière cuvée, les disparités infrarégionales - je peux en témoigner en tant qu'élue régionale du Limousin. Le fléchage des crédits en fonction de la stratégie de Lisbonne conduit à placer les territoires les plus compétitifs en matière d'innovation et de recherche en position de favoris dans la « course en sac » pour les aides européennes. Insistons sur le caractère solidaire de la politique de cohésion, non sur l'attente d'un retour sur investissement. Souvenez-vous, lors d'une récente réunion avec les députés européens et les députés, nous avons refusé un abandon de la PAC au prétexte que la France n'en serait plus un bénéficiaire net. Quant aux pays de l'Est, je me souviens que, lors de leur entrée dans l'Union européenne, 90 % des régions de ces dix pays étaient plus pauvres que la Guyane, la plus pauvre des régions des anciens États membres. Voilà le véritable tableau ! La sous consommation des crédits s'explique par leur manque de structures administratives, de méthodologie, de capacité à compléter le financement européen, non par leur absence de besoins. Aidons-les à progresser et ciblons les crédits sur les territoires qui en ont le plus besoin plutôt que de les mettre aux enchères aux plus offrants, c'est-à-dire aux plus dégourdis. Une meilleure articulation des fonds -FEDER, FEADER et Fonds social européen- est également souhaitable pour mieux servir les populations qui ont besoin d'équipements et d'infrastructures, entre autres, dans les zones rurales, en Espagne, dans les RUP ou encore les régions de montagne. Suggérer qu'il n'y aurait pas intérêt à rester dans le dispositif au vu du bilan financier est une mauvaise chose.

Cela dit, la question de M. Frimat est pertinente. A qui ce texte s'adresse-t-il ?

M. Robert del Picchia. - Au Gouvernement ! Nous lui donnons une arme pour négocier ; il pourra dire à la Commission : mon Parlement me demande de tenir cette position !

M. Bernard Frimat. - Si le Parlement pouvait contraindre le Gouvernement, cela se saurait !

M. Jean Bizet. - L'objectif est d'aider le Gouvernement à définir des priorités dans les futures négociations.

M. Daniel Raoul. - A la suite de M. Frimat, je propose de supprimer les mots suivants « au profit des États contributeurs nets de cette politique » dans le quatrième considérant et toute mention du solde de la France. La renationalisation des politiques européennes étant dans l'air, peut-être pourrions-nous également évoquer la PAC à ce sujet dans le texte car elle n'y apparaît pas.

Notre langue possède des termes pour « capping » et « phasing out » : nous pourrions remplacer ceux-ci par « plafonnement » et « processus d'entrée et de sortie ».

Il me semble qu'une proposition de résolution pour les politiques à mener entre 2014 et 2020 se doit de prendre en compte une tension géopolitique émergente. Elle concerne l'alimentation de la planète. La Chine en achetant sans cesse plus de terrains en Afrique, la Libye en investissant au Mali, nous prouvent que certains pays réfléchissent déjà à ce problème, qui deviendra plus important que celui de l'énergie.

M. Gérard Bailly. - Hier soir je participais à une réunion d'agriculteurs dans une zone très dynamique de mon département. Pour faire écho au problème évoqué par M. Daniel Raoul et aux quantités produites par l'agriculture, je souligne que dans un département où 25 % du territoire est classé Natura 2000, composé pour 27 % de forêts qui s'étendent, on ne dispose guère de marges de progression - d'autant moins que les contraintes et les interdictions imposées aux producteurs sont innombrables.

M. Rémy Pointereau. - La proposition de résolution s'inscrit dans le prolongement de l'excellent rapport d'information de nos collègues Gaillard et Sutour, relatif à l'avenir de la politique de cohésion. Le texte peut en l'état recueillir une large approbation au sein des deux commissions et du Sénat. Il est équilibré.

Le sujet est crucial. Depuis la création du Fonds européen de développement régional en 1975, la politique de cohésion a pris une importance croissante, y compris dans le budget communautaire. Avec la PAC, elles représentent l'essentiel des moyens d'action de l'Union européenne - et des politiques qui comptent véritablement aux yeux des citoyens.

La France est contributeur net : ne choquons pas la Commission européenne, mais n'ayons pas peur de le rappeler. D'autres ne se gêneront pas pour le faire. Je songe à l'Allemagne qui fournit la plus grosse contribution, 19 % du total. Nous nous situons derrière avec 16 %, et 5 milliards d'euros de solde net négatif.

La politique de cohésion est un succès, énonce l'un des considérants. Il est justifié de reconduire cette politique. Mais durant la période 2014-2020, la contrainte budgétaire sera aiguë. La solution est sans doute de demander une révision à la baisse du plafond de crédits en fonction du PIB. Soit dit en passant, je partage l'avis de M. Raoul, francisons les mots. Un plafonnement plus strict ouvrira une marge de manoeuvre en faveur de la nouvelle catégorie des régions intermédiaires préconisée par la Commission européenne. La table ronde organisée le 27 avril par nos deux commissions a bien montré l'assentiment de tous les acteurs locaux concernés par cette politique de cohésion. Onze régions sont mentionnées mais d'autres ne le sont pas. Or il existe des territoires, des départements entiers parfois, qui sont des zones fragiles. Peut-être faudrait-il calquer les zones intermédiaires sur le zonage agricole, avec des territoires bien identifiés. Le sud de la région Centre, par exemple, est défavorisé ; des départements comme le Cher et l'Indre sont fragiles.

L'avantage d'une nouvelle catégorie est de corriger les effets de seuil, lorsqu'une région sort des critères d'application des aides européennes au développement. Aujourd'hui, des régions de même niveau de richesse sont traitées différemment. L'instauration des zones intermédiaires, celles où le PIB est compris entre 75 et 90 % du PIB moyen communautaire, aurait aussi pour vertu d'améliorer, pour la France, le taux de retour de la politique de cohésion.

La proposition de résolution est complète, elle mentionne les fortes contraintes géographiques des régions ultrapériphériques, aspect sur lequel la France est souvent isolée...

L'adoption de la résolution en l'état serait tout-à-fait satisfaisante. La commission de l'économie pourrait cependant l'améliorer sur deux points. Il serait bon de prendre position sur la proposition formulée par la Commission européenne, la « réserve de performance » destinée à récompenser les régions les plus efficaces dans la gestion des fonds européens. Et nous pourrions aussi plaider pour une simplification, notamment en assouplissant la règle du dégagement d'office - les fonds non utilisés dans le délai de deux ans doivent être restitués.

M. Jean-Paul Emorine, président. - L'Europe a été conçue comme un espace de solidarité. La PAC s'adresse aux régions en voie de désertification - il serait temps du reste de remettre en cause les références historiques. Pour le développement, c'est la même approche qui a été retenue. Je partage l'avis de M. Frimat, le considérant relatif à la politique de cohésion jugée insoutenable « sans un rééquilibrage au profit des États contributeurs nets » devrait être supprimé, au nom de la solidarité européenne. Énoncer qu'il ne faut pas « dégrader encore le solde net de la France à l'égard de l'Union européenne » suffit pour alerter le gouvernement, s'il veut bien comprendre. M. Alain Lamassoure propose de réformer les actuels circuits de financement de la PAC fondés sur le revenu national brut car ils sont contraires à l'esprit de la construction européenne. C'est en appliquant des principes de solidarité que l'Europe progressera.

M. Alain Houpert. - La création des régions intermédiaires serait un moyen de rééquilibrer les aides en faveur de ceux qui souffrent le plus. Les anciens plans européens comprenaient un zonage, je songe au Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA). Et les crédits étaient consommés ! Les zonages ne sont plus de mise mais le résultat, c'est qu'on n'y comprend plus rien. Il y a des chemins « FEOGA » à La Réunion. Les nouveaux programmes, eux, ne restent pas dans les mémoires.

M. Jean Bizet. - La résolution va être soumise au vote des seuls membres de la commission des affaires européennes puis sera examinée la semaine prochaine par les membres de la commission de l'économie, avant qu'elle devienne résolution du Sénat.

M. Simon Sutour. - Nous arriverons à une synthèse, je n'en doute pas.

La réserve de performance existe déjà : elle a été créée par M. Barnier. Mais il faut demander qu'elle perdure, car elle fonctionne bien. Quant au dégagement d'office, je partage le point de vue de M. Pointereau. La Commission européenne veut aller en ce sens. Il est donc opportun d'insister sur ce point !

M. Teston a raison : dans l'idéal, il faudrait déterminer des périmètres très précis, au canton près ; mais l'Europe, elle, raisonne par grandes régions. Je précise que notre proposition, dans son esprit, vise surtout à faire pression sur le Gouvernement.

Je propose de supprimer, dans le considérant relatif à un rééquilibrage, les mots « au profit des États contributeurs nets de cette politique » ; ainsi que l'alinéa dans lequel il est jugé « essentiel de ne pas dégrader encore le solde net de la France à l'égard de l'Union européenne ».

Enfin, nous pourrions compléter l'avant-dernier paragraphe, en ajoutant « et les régions visées par l'article 174 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

M. Jacques Blanc. - Très bien !

M. Daniel Raoul. - Au lieu de mentionner « toute tentative de renationalisation de la politique de cohésion », nous pourrions évoquer, plus largement, la « renationalisation des politiques communes ».

M. Simon Sutour. - La proposition de résolution porte sur la politique de cohésion...

M. Daniel Raoul. - Mais le solde net des contributeurs ne vise pas seulement les crédits de la politique du développement ! Déminons toutes les « tentatives » !

M. Jean Bizet. - Nous pourrions écrire : « renationalisation de la politique de cohésion, comme des autres politiques communes ».

M. Daniel Raoul. - Oui !

M. Jean Bizet. - Cette résolution invite le Gouvernement à prendre en compte la position du Parlement, en l'occurrence du Sénat. Au Gouvernement ensuite de prendre ses responsabilités, mais s'il décidait de passer outre, il se trouverait entre 2014 et 2020 dans une position délicate !

Je reviens à ce que j'ai dit en introduction - j'ai vu du reste que Mme Bourzai, spécialiste des questions agricoles, en était ébranlée. Le gouvernement est hésitant, car il ne veut pas fragiliser la PAC, même s'il est conscient de l'importance de la politique de cohésion. Mais la Chambre des communes britannique trouve désormais certaines vertus à la PAC. C'est un élément important : la discussion est plus ouverte ! Et les pays de l'Europe du nord, plutôt hostiles à la PAC après 2013, devraient être dès lors plus modérés. Le Gouvernement doit pousser ses feux !

Le 8 juin, je vous le rappelle, nous recevrons M. Bruno Le Maire pour débattre de la PAC et de la politique européenne de cohésion. Nous n'en avons pas fini avec ce sujet !

Mercredi 18 mai 2011

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -

Audition de M. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français

M. Jean-Paul Emorine, président. - Je tiens tout d'abord à remercier M. Guillaume Pepy, président de la SNCF, d'intervenir devant notre commission. Je voudrais témoigner devant lui du plaisir que j'ai eu à représenter pendant deux ans le Sénat au conseil d'administration de la SNCF, au titre de mes mandats locaux, avec M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Cette expérience m'a permis de mesurer l'ampleur des missions de cette entreprise et les défis qu'elle doit aujourd'hui relever.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que la venue de M. Guillaume Pepy s'inscrit dans un cycle d'auditions thématiques qui a pour but d'examiner le meilleur fonctionnement possible pour le réseau ferroviaire actuel, dans le respect des objectifs du Grenelle de l'environnement. Nous avons entendu, fin mars, M. Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), ainsi que, début avril, M. Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France (RFF).

M. Guillaume Pepy pourrait nous apporter, dans son propos liminaire, des précisions sur quatre thèmes. Sur la question de la gouvernance premièrement, avec notamment la direction de la circulation ferroviaire (DCF), qui appartient à la SNCF mais travaille pour le compte de RFF et a été créée par la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF) : quelles sont les pistes d'amélioration possible ? Deuxième point, M. Guillaume Pepy pourrait nous donner une vision d'ensemble de la réforme en cours de l'activité fret. Troisièmement, la question de l'impact de la refonte en cours du premier paquet ferroviaire sur la SNCF intéresse tout particulièrement notre commission, notamment à travers l'exemple des gares. Notre collègue Francis Grignon présentera à ce sujet un rapport le 25 mai prochain. Enfin, nous aimerions avoir des précisions sur les projets de lignes à grande vitesse (LGV) prévus par la loi Grenelle I et l'évolution des péages ferroviaires.

M. Guillaume Pepy, président de la SNCF. - Je vous remercie, M. le Président, pour votre invitation. C'est un plaisir pour moi de venir devant vous car la discussion au Sénat est toujours directe, franche et productive.

Je vais donc vous apporter quelques éléments d'éclairage sur les quatre sujets que vous venez d'évoquer.

Un mot, tout d'abord, sur la Direction de la circulation ferroviaire (DCF), qui au-delà de sa technicité, est un sujet particulièrement important. Je rappelle que cette direction regroupe à la fois les aiguilleurs et les horairistes. Or, le Parlement a voté il y a deux ans la loi ORTF qui a notamment prescrit que les aiguilleurs et les horairistes soient dans une « case à part » à la SNCF, sous l'autorité de RFF, tout en restant cheminots. Cette loi est effectivement en oeuvre depuis janvier 2010 et pas un jour ne se passe sans que les discussions évoquent la prochaine loi pour réformer la DCF. Je pense pour ma part qu'il faut laisser le temps à ce service de prendre ses marques et montrer à tous son indépendance vis-à-vis de la SNCF.

Sur la question du fret, je vous annonce deux bonnes nouvelles. D'une part, depuis le début de l'année, la SNCF a transporté autant de wagons isolés qu'avant la réforme, alors que leur nombre avait baissé pendant la crise. Par ailleurs, pour le fret ferroviaire, le déficit cumulé sur les trois dernières années s'élève à 1,1 milliard d'euros et l'endettement de Fret SNCF arrêté en 2010 se monte à 2,5 milliards d'euros - ce qui constitue une gigantesque voie d'eau pesant sur l'avenir de l'entreprise - mais nous nous sommes engagés, et je le dis devant vous, à parvenir à un équilibre financier d'ici fin 2013 ou 2014. Ce plan de redressement se fait en outre sans dégât social (ni licenciement ni départ imposé) et nous accompagnons le reclassement des personnels. Nous les formons, y compris les personnes de plus de cinquante ans, voire de plus de cinquante-cinq ans, en collaboration notamment avec l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et le GRETA. Ce plan s'exécute donc dans de bonnes conditions, qui ont d'ailleurs été discutées avec les partenaires sociaux.

Sur la question des gares, là encore, la loi ORTF les a maintenues dans le périmètre de la SNCF. Nous avons d'ailleurs créé à cet effet la branche Gare et Connexions, qui travaille pour tous les transporteurs, actuellement avec Eurostar, Trenitalia, Veolia, et demain la Deutsche Bahn. Une nouvelle impulsion a été donnée à la modernisation des gares, même s'il y avait beaucoup de retard à rattraper.

Enfin, sur la question de la concurrence, le rapport de M. Francis Grignon qui sera rendu cet après-midi sur l'expérimentation de l'ouverture à la concurrence des TER (Transport Express Régional), apportera un certain nombre d'éléments qu'il conviendra d'examiner. Je voudrais cependant insister sur deux points, qui me semblent particulièrement importants. Je rappelle tout d'abord que la concurrence est une question éminemment politique : c'est au Parlement de s'exprimer sur cette question. Mais si ce rapport débouchait sur un projet de loi, il faudrait impérativement veiller à ce que la concurrence soit équitable et loyale et qu'elle ne se traduise pas dans les faits par un dumping social. Il est ainsi indispensable que les cotisations sociales des opérateurs soient les mêmes et que le cadre social soit identique pour toutes les entreprises. Enfin, l'expérience a prouvé, grâce au Sénat notamment, avec les travaux menés par M. Hubert Haenel lors de la régionalisation, qu'il est indispensable de passer d'abord par l'expérimentation avant d'envisager une éventuelle extension. Nous nous sommes préparés à la concurrence mais le diable est dans les détails.

M. Louis Nègre, rapporteur. - Je voudrais vous poser une série de questions mais avant tout, je souhaiterais rappeler que la SNCF traverse aujourd'hui une période délicate et qu'il serait peut-être souhaitable d'organiser une table ronde ou un Grenelle du ferroviaire afin de dégager un consensus sur un certain nombre de points qui posent aujourd'hui problème.

Ma première question concerne les finances. Le fret est en déficit et vous vous êtes engagés à atteindre l'équilibre d'ici 2013 ou 2014. On sait que le secteur de la grande vitesse faisait d'importants bénéfices. Quelles ont été les capacités d'investissement entre 2005 et 2010 et quelles sont les prévisions en la matière pour 2011-2012 ?

Quelles sont par ailleurs les perspectives d'évolution de la dette de la SNCF ? Comment voyez-vous l'avenir sur cette question ?

Je voudrais également avoir votre sentiment sur la question des investissements du futur et des engagements du Grenelle I sur les lignes à grande vitesse (LGV). Quels projets vous semblent les plus pertinents ?

Concernant le fret, si sur le plan comptable l'équilibre sera rétabli, on constate que dans beaucoup de pays étrangers, le fret progresse. Je reviens en effet du port de Hambourg et je suis catastrophé: le port n'arrive pas à faire face à la demande de conteneurs, alors que nos ports français périclitent ! Pour les distances de moins de 150 kilomètres, le train représente 30 % des acheminements du port hanséatique. Au-delà, il devient même majoritaire, car le train est alors considéré comme plus fiable et moins cher que le camion. J'aimerais que l'on puisse en dire autant en France... Quels sont les objectifs de Fret-SNCF pour regagner des parts de marché ?

Concernant le SNIT, quels sont les projets les plus pertinents ?

Enfin, quelle est la signification concrète de votre proposition de fusionner les réseaux ferroviaires français et allemand ? Que peut-on faire pour avancer dans ce domaine ?

M. Guillaume Pepy, président. - Toutes les questions de M. Louis Nègre mériteraient d'être longuement débattues. Mais je vais essayer, comme lui, d'être direct.

Sur sa première question, je rejoins tout à fait son sentiment : il est aujourd'hui nécessaire de remettre à plat un certain nombre d'éléments du système ferroviaire au risque d'aboutir à une impasse financière. Comment financer par exemple aujourd'hui les 80 milliards d'euros de lignes nouvelles prévues par le Grenelle ? La même question se pose pour le financement de l'entretien du réseau. Nous devons également réfléchir aux conséquences de l'ouverture à la concurrence dans le secteur ferroviaire et à l'harmonisation sociale.

Concernant notre capacité d'investissement, nous sommes aujourd'hui dans un pic qui atteint cette année 2,7 milliards d'euros dont 60 % pour le matériel ferroviaire, notamment grâce aux régions, qui ont commandé des rames Régiolis et Regio 2R. Le niveau des commandes va diminuer l'an prochain avant de remonter en 2013-2014. Sur la grande vitesse, les commandes passées par la SNCF assurent le carnet de commande des ateliers Alstom jusqu'à la fin 2015. Nous avons également lancé une réflexion sur le modèle économique de TGV afin de pouvoir continuer à dégager des capacités d'investissements.

La situation française concernant le fret est particulière. Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement organise le 30 mai une table ronde avec les onze opérateurs ferroviaires. Je rappelle que les dix autres opérateurs connaissent des problèmes de développement indépendant de la question du statut des cheminots, notamment en termes de gestion des sillons et d'accès aux plateformes, tant la compétitivité du camion est forte. En réalité, les pays qui ont réellement effectué un transfert modal sont ceux qui ont fait le choix de brider la compétitivité du camion.

M. Michel Teston. - Chacun de mes collègues pourra s'exprimer librement, mais je tenais, au nom du groupe socialiste, à vous interroger sur trois points : la refonte du « premier paquet ferroviaire », l'organisation du système ferroviaire en France, et la réforme de Fret-SNCF.

Premièrement, la refonte du « premier paquet ferroviaire ». Plusieurs propositions de résolution européenne ont été déposées sur ce texte au Sénat. La proposition du groupe socialiste déposée par notre collègue Roland Ries tourne le dos à une approche libérale sur ce dossier. Je rappelle que notre collègue Francis Grignon rend aujourd'hui au Gouvernement son rapport sur l'expérimentation de l'ouverture à la concurrence des TER. Il me semble qu'il faut respecter certaines règles et revenir aux principes fondamentaux. Voilà pourquoi je demande un bilan de l'ouverture des marchés à la concurrence, une harmonisation par le haut des conditions sociales, et une avancée prudente quant à l'ouverture à la concurrence du réseau TER.

Deuxièmement, l'organisation du système ferroviaire national. La séparation nette entre exploitation et infrastructures connaît plusieurs limites : la dette de RFF est colossale, l'évolution des péages est problématique, tandis que l'organisation des travaux sur les voies est perfectible. C'est pourquoi nous plaidons pour la mise en place d'une holding en France, sur le modèle allemand. Le maintien des fonctions de gestionnaire du réseau et d'opérateur ferroviaire historique dans une même structure juridique, sous forme de holding, est une solution intéressante. Cependant, je crois nécessaire d'assortir cette proposition de l'obligation d'affecter les éventuels excédents de la branche gestionnaire d'infrastructures aux seuls investissements sur le réseau afin d'éviter tout financement croisé.

Troisièmement, le fret. Je plaide de longue date en faveur de l'instauration de règles du jeu équitables. A mes yeux, plusieurs opportunités s'offrent à nous : instaurer une Euro-vignette afin de rétablir l'équilibre entre la route et le rail, harmoniser par le haut les conditions sociales, demander à la SNCF de réintégrer l'alliance européenne X-Rail pour développer l'activité des wagons isolés, développer les trains longs, et promouvoir les messageries à grande vitesse. Enfin, il faut encourager le développement des opérateurs ferroviaires de proximité (OFP), qui n'ont malheureusement pas reçu de définition juridique lors de l'examen de la loi ORTF de 2009, si bien que certains OFP se comportent actuellement comme de véritables opérateurs portuaires...

Mme Mireille Schurch. - Tout d'abord, vous critiquez le système ferroviaire national, qui va selon vous dans le mur, mais dans le même temps vous souhaitez que l'Allemagne sépare plus nettement l'activité de gestionnaire du réseau et l'activité de l'opérateur ferroviaire historique. Pouvez-vous clarifier votre position ?

Concernant la sécurité ferroviaire, vous évoquez la présence de « zones floues » dans notre organisation. Ma question est la suivante : la hausse des incidents ou accidents ferroviaire est-elle imputable à une dilution des responsabilités ?

Troisièmement, nous considérons que c'est l'architecture du système ferroviaire qui cause les difficultés en termes de trafic, de sécurité et de régularité. Dans notre proposition de résolution européenne sur la refonte du premier paquet ferroviaire, nous nous exprimons en faveur du retrait de cette proposition de directive, d'un bilan et d'un moratoire des trois paquets ferroviaires et du rétablissement d'une entreprise ferroviaire intégrée.

Concernant le règlement OSP, quelle est la position de la SNCF ? Ne risque-t-il pas de remettre en cause les missions de la SNCF, comme ce sera bientôt le cas pour les services régionaux de voyageurs ?

Pour finir, comment brider la compétitivité du camion par rapport au train, pour ériger le rail en véritable alternative à la route ?

M. Gérard Cornu. - Certaines lignes connaissent des difficultés inacceptables, comme la ligne Paris-Chartres que je connais bien. Les usagers mécontents se tournent vers la SNCF et les élus que nous sommes. Et il faut avouer que nous avons bien du mal à comprendre l'origine des dysfonctionnements, compte tenu des responsabilités partagées entre RFF, la SNCF et les régions pour le matériel roulant. Je doute même parfois du sérieux des excuses qu'on nous présente : certains trains récents consommeraient plus d'énergie que leurs prédécesseurs, d'où des pannes et des retards récurrents...

M. Roland Courteau. - Le ministère de l'Ecologie, du développement durable, des transports et du logement et la SNCF ont signé fin 2010 la convention pour les « Trains d'Equilibre du Territoire ». Cette convention prévoit de pérenniser les liaisons Corail, Intercités, Téoz et Lunéa. A ce titre, l'Etat s'engage à verser une compensation annuelle de plus de 200 millions d'euros pendant trois ans en faveur de ces lignes. Quelles sont les lignes concernées ? Quelles sont les obligations que l'Etat a fixées à la SNCF ?

S'agissant ensuite du transport combiné rail-route, l'aide actuelle vous paraît-elle suffisante ? Allons-nous voir ce mode de transport progresser ?

Par ailleurs, les cheminots qui ont commencé leur carrière à la SNCF comme apprentis se voient refuser la prise en compte de l'intégralité de leurs trimestres de cotisation dans le calcul de leur droit à retraite. Que comptez-vous faire pour régler cette situation ?

Quant aux contrôleurs, beaucoup se plaignent d'une augmentation des agressions et des outrages et d'un « manque de reconnaissance de la part de leur hiérarchie », pour reprendre leurs propres termes. Ils déplorent également la précarisation de leur métier, due à la multiplication du recours aux contrats de travail temporaires et à durée déterminée.

Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre les retards des trains ?

M. Rémy Pointereau. - Je suis convaincu qu'une relance du fret implique de dégager plus de sillons, ce qui passe par la construction de nouvelles lignes à grande vitesse. Or, dans le magazine « La vie du Rail » en date du 6 avril dernier, vous affirmez que le programme LGV est menacé. Comment peut-on financer les 2000 kilomètres de voies nouvelles d'ici 2020 ? Les partenariats public-privé ne sont-ils pas une solution au problème de financement par des personnes publiques ? Certes, l'entretien du réseau ferroviaire doit être une priorité. Mais nous ne devons pas oublier que la création de lignes nouvelles à grande vitesse, comme la ligne Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, permettrait d'alléger le trafic sur certaines lignes et d'aménager notre territoire !

M. Hervé Maurey. - Je salue les actions que vous menez pour lutter contre les retards sur certaines lignes défaillantes. Fréquentant régulièrement la ligne Paris-Caen, je constate des retards très importants qui entraînent des conséquences très lourdes pour les salariés telles des pertes de salaire voire des licenciements. Certes, des indemnisations sont accordées par la SNCF mais elles ne concernent pas le tronçon Caen-Rouen.

Ma deuxième remarque a trait au « mur tarifaire », sujet que connaissent bien les habitants des départements limitrophes de la région Île-de-France. Il n'est pas normal que ces usagers payent 3 à 4 fois plus cher leurs billets de train que les franciliens. Certes, certaines régions comme la Bourgogne ont mis en place des mécanismes pour lutter contre cette inégalité. Mais nous devons avancer ensemble sur ce sujet.

M. Guillaume Pepy, président. - Sur la question des relations entre le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur ferroviaire historique, nous sommes face à la nécessité d'avoir certainement à repenser une partie de notre système ferroviaire, sans toutefois revenir à la situation d'avant 1997 ni maintenir le statu quo. Il existe incontestablement aujourd'hui une instabilité contractuelle et un manque de visibilité dans l'organisation des horaires, qui génèrent des frottements permanents entre acteurs. De plus, les priorités et les contraintes de chacun n'étant pas spontanément alignés, une nécessaire coordination est d'autant plus souhaitable. Enfin, le bouclage financier du système ferroviaire français n'est par ailleurs pas assuré. En collaboration avec M. Hubert du Mesnil, président de RFF, nous explorons trois pistes pour améliorer le système français. Première piste : accentuer la séparation entre le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur ferroviaire historique, comme c'est le cas dans d'autres pays. Deuxième piste : mettre en place une holding comme l'Allemagne, l'Italie ou la Belgique l'ont fait. Ce serait une forme d'intégration par le haut, chapeautée par une « super SNCF-RFF ». L'Europe n'a toujours pas condamné cette structure juridique alors que tous s'y attendaient depuis de nombreuses années. Je pose donc simplement cette question : est-ce que cette structure juridique est pérenne ou non ? Dernière piste : réformer le système actuel en conservant sa philosophie.

Nous sommes actuellement avec RFF dans une phase de réflexion pour établir un diagnostic et proposer des pistes de réforme. Il appartiendra ensuite au Parlement d'en débattre et de retenir des solutions qu'il juge appropriées.

S'agissant de la sécurité ferroviaire, n'oublions pas que les performances françaises sont parmi les meilleures d'Europe. C'est une fierté pour notre pays. Mais la nouvelle organisation du système ferroviaire ne mérite-t-elle pas un architecte pour faire respecter la sécurité ferroviaire en France et organiser les responsabilités des uns et des autres ? Le secrétaire d'Etat des transports m'a récemment rassuré, comme vous avez pu le lire dans le journal « Les Echos ». Je considère, quant à moi, qu'il revient à l'Etat d'être l'architecte du système ferroviaire français dans le domaine de la sécurité afin d'éviter tout point de faiblesse dans les procédures à suivre.

J'en viens à l'interprétation du règlement communautaire obligation de service public (OSP) de 2007. L'analyse du Gouvernement français est très claire sur ce sujet. D'ici 2019 au plus tard, la France devra avoir adapté sa législation pour que les autorités organisatrices de transport (AOT) aient la faculté soit d'accorder de gré à gré un contrat de transport, soit de procéder à des appels d'offres pour mettre en concurrence des candidats. Concrètement, cela signifie que la loi d'organisation des transports intérieurs (LOTI) devra être modifiée pour donner aux AOT le choix entre ces deux procédures. En aucun cas, ce règlement communautaire n'impose l'appel d'offres pour les AOT. Il s'agit, à mon sens, d'une législation très équilibrée qui donne le dernier mot aux élus.

M. Hervé Maurey m'a interrogé sur les points d'action que nous avons établis pour les douze lignes en difficulté. Pour neuf de ces douze lignes, les premiers résultats sont très encourageants et vont même au-delà de nos objectifs initiaux. Toutefois, nous n'avons que quatre mois de recul et rien n'est acquis en la matière. Je vous propose donc de communiquer à votre commission, à la fin du premier semestre, un premier bilan sur les plans d'action concernant ces douze lignes. J'observe avec satisfaction que l'Etat et les élus locaux nous ont aidés pour traiter ces situations perturbées. Nous poursuivrons ces plans d'action sur 18 voire 24 mois supplémentaires afin d'atteindre un taux de régularité sur ces lignes entre 90 et 91 % et rejoindre ainsi la moyenne nationale.

En dépit des immenses efforts de RFF pour régénérer le réseau ferroviaire français, ce n'est qu'en 2015 que sa dégradation sera stoppée et que la phase de rajeunissement sera enclenchée. Nous devons aujourd'hui réparer les conséquences du manque d'entretien du réseau durant les années 80 et 90.

Vous m'interrogez sur la convention d'équilibre du territoire. Elle permettra le renouvellement du matériel roulant, notamment sur les axes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, d'une part et Paris-Clermont, d'autre part. Nous participerons d'ailleurs demain à un colloque à l'Assemblée nationale qui abordera cette question.

Nous connaissons actuellement une véritable crise des sillons qui a pour conséquence que certains trains aujourd'hui ne sont pas toujours dans le système de réservation et les entreprises ferroviaires n'arrivent pas toujours à disposer de sillons supplémentaires pour leurs trains de fret. Ceci affecte particulièrement le transport combiné. Disons le franchement, ces difficultés dans la gestion des sillons pourraient durer encore une ou deux années. Je rappelle que RFF a la responsabilité de gérer les sillons, mais la SNCF est solidaire de RFF face à ces difficultés.

Je voudrais dire à M. Roland Courteau que les problèmes soulevés par les cheminots, qui ont commencé leur carrière comme apprentis, ont été récemment débloqués par le ministre du travail, M. Xavier Bertrand, à la satisfaction des syndicats concernés. J'indique par ailleurs que la profession des contrôleurs est la seule à être en croissance constante à la SNCF. Il y a un besoin d'augmenter les effectifs pour cette profession. Quant au contrat temporaire ou contrat à durée déterminée et autres vacations, nous avons toujours eu recours à ces types de contrat, dans des proportions raisonnables, pour donner de la souplesse à l'organisation du travail des contrôleurs, notamment en période de congés, et pour permettre aux étudiants de travailler dans notre entreprise.

Vous avez été nombreux à m'interroger sur l'avenir des TGV. La SNCF sait tout ce qu'elle doit au TGV, sans qui elle n'occuperait pas la place qui est la sienne dans le monde. Nous avons gagné les appels d'offres en Corée et au Maroc et nous soumissionnons pour les contrats de ligne à grande vitesse en Argentine, en Russie et en Arabie Saoudite. La SNCF est aujourd'hui leader de la grande vitesse. Mais les efforts que nous avons déployés pour le TGV, nous devons également les mettre au service de nos concitoyens pour leurs déplacements quotidiens. La SNCF ne doit pas être une entreprise à deux vitesses.

J'ai la conviction que la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL) sera réalisée. Mais deux questions restent en suspens : à quelle échéance et avec quel financement ? Il faut une réflexion collective sur ces questions. In fine, quelle que soit la forme de financement retenue, ce sont soit les voyageurs, soit les contribuables qui paient les travaux. N'attendons pas de miracle des partenariats public-privé car même dans ce cas, ce seront les voyageurs futurs qui paieront la facture. La ligne POCL, structurante au niveau européen, est également indispensable pour doubler la ligne Paris-Lyon arrivant à saturation et elle répond ainsi à des impératifs d'aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Emorine, président. - Je rappelle à mes collègues qu'un kilomètre de ligne à grande vitesse coûte entre 20 à 25 millions d'euros tandis qu'un kilomètre de voie classique régénérée ou électrifiée coûte seulement un million d'euros. Dès lors, il n'est pas surprenant que le projet POCL soit estimé entre 12 et 14 milliards d'euros.

M. Robert Navarro. - Nous sommes victimes d'une stupidité collective. Comment imaginer faire circuler des trains partout en Europe alors que les réseaux ferroviaires sont à des niveaux d'entretien fort différents d'un Etat à l'autre ? Nous serons tôt ou tard confrontés à des problèmes de sécurité. Par ailleurs, les TER sont un succès en France mais nous n'avons plus les moyens de financer de nouvelles lignes. Le chaînon manquant de ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan est ultra prioritaire à mes yeux mais nous peinons à le financer car RFF n'a pas les ressources suffisantes. Or, il existe de grands groupes privés qui sont intéressés par ce projet. Pourquoi ne pas faire appel à eux compte tenu des difficultés des personnes publiques pour financer les nouveaux projets ferroviaires ?

M. Pierre Hérisson. - Je considère que la réforme du wagon isolé est indispensable mais force est de constater qu'elle suscite beaucoup d'incompréhension aujourd'hui. En effet, en tant qu'ancien président de l'Union des carrières et des matériaux, j'ai appris que certaines entreprises ont grande peine pour constituer des trains complets et n'ont plus accès aux plateformes de marchandises dans mon département, alors que certains de ces équipements ont été récemment réalisés pour plusieurs millions d'euros.

Dans le cadre de mes fonctions de président de la commission nationale des gens du voyage, je me suis également penché sur la question du vol des câbles, dont les principales victimes sont France Telecom et la SNCF. J'ai acquis la conviction que nous devons agir auprès des ferrailleurs en leur interdisant le recel des câbles volés. Aujourd'hui, on observe de nombreuses ventes plusieurs fois par jours pour moins de 1000 euros, ce qui permet le recel des câbles volés et l'impunité pour les voleurs. Cette situation doit changer, d'autant que le prix des matières premières ne cesse de grimper.

Enfin, quel est l'intérêt d'annoncer systématiquement les projets de construction de route ou de ligne ferroviaire grâce à des panneaux sur les terrains concernés ? C'est le meilleur moyen d'engendrer des réactions hostiles aux projets envisagés de la part des populations concernées!

M. Jean-Jacques Mirassou. - Vous avez évoqué, Monsieur le Président, l'axe structurant Nord-Sud. Permettez-moi d'évoquer l'axe à grande vitesse Paris-Bordeaux-Tours-Toulouse, qui sera peut-être un jour prolongé jusqu'à Narbonne...Toulouse est une métropole, perdue dans un désert ferroviaire, entre la façade atlantique et celle méditerranéenne. Quel est l'avenir de ce projet ? Les financements sont difficiles à réunir. Certains disent aux collectivités territoriales que, si elles refusent de payer, le Sud-est de la France restera enclavé jusqu'à la fin des temps... Je rappelle que le conseil général de Haute-Garonne a déjà payé 450 millions d'euros pour ce projet. Et on voudrait encore faire participer les départements, pour compenser le manque à gagner des collectivités qui refusent de contribuer au projet ! Quel est votre point de vue sur ce dossier ?

M. Martial Bourquin. - Quels sont les moyens de brider la concurrence du camion selon vous, afin d'encourager le ferroutage ? N'oublions pas qu'une hausse du trafic ferroviaire viendrait buter sur des problèmes techniques. De fait, sur l'axe Mulhouse-Dijon, les conteneurs ne peuvent pas passer car les tunnels sont trop étroits et la mise au gabarit des tunnels est un processus très long, qui dure près de dix ans. Par ailleurs, je suis très inquiet sur la qualité des services de la SNCF : les guichets automatiques sont omniprésents, et lorsqu'ils sont en panne, les usagers qui souhaitent acheter un billet de train se retrouvent désemparés. Fort heureusement, les contrôleurs sont compréhensifs. Mais cette politique en faveur de l'automatisation n'a-t-elle pas atteint ses limites ? Je partage en tout cas sur ce point les inquiétudes des organisations syndicales de la SNCF, toutes tendances confondues.

M. Serge Godard. - Je soutiens l'analyse de mon collègue Michel Teston. En outre, il est nécessaire d'améliorer la liaison entre Paris et l'Auvergne, eu égard au poids démographique du bassin de vie entre Vichy et Clermont - Ferrand, qui compte près d'un demi-million d'habitants. Le projet POCL est attendu avec impatience, mais même en retenant un scénario optimiste, cette ligne à grande vitesse ne se fera pas avant 15 années. En attendant, que fait-on ? La ligne TEOZ actuelle, qui dessert Paris - Moulins - Vichy -Clermont, malgré quelques aménagements, n'a pas fondamentalement amélioré les conditions de voyage de ses utilisateurs, compte tenu de l'obsolescence du matériel. Or cette ligne est l'une des rares à connaitre un équilibre commercial, ce qui devrait attirer la bienveillante attention de la SNCF... Quels sont les actions que compte mener la SNCF pour moderniser cette ligne, améliorer la qualité de service et renforcer la régularité, et selon quel calendrier ? Pour mémoire, nous avions demandé de pouvoir bénéficié de vieilles rames TGV avec lesquelles on espérait circuler entre 160 et 220 kilomètres heures, mais aucune suite n'a été donnée à notre requête...

Le directeur régional de la SNCF m'a récemment averti par courrier que les trajets pour Clermont-Ferrand ne partiront plus de la gare de Lyon mais de la gare de Bercy. Or les usagers de cette gare sont mécontents car elle est mal reliée aux transports collectifs et ne dispose pas de boutiques et de restaurants. Il s'agit donc plus d'une halte que d'une véritable gare. C'est pourquoi j'estime qu'il faudra l'aménager avant de l'utiliser pour les départs vers l'Auvergne.

M. Alain Houpert. - J'ai récemment rencontré le président de la société de conditionnement des déchets, qui a attiré mon attention sur le problème de recel des câbles volés. Je souhaite que la SNCF porte plainte systématiquement et soit en pointe dans ce combat. Il est tout de même aisé de retrouver les câbles de la SNCF dans les entrepôts des ferrailleurs ! En outre, je souhaite que la ville de Montbard conserve sa gare TGV sur la ligne Paris-Dijon. En effet, la zone industrielle, surnommée Metal'Valley, y est particulièrement importante, regroupant de grandes entreprises métallurgiques et un fleuron de l'industrie nucléaire française.

M. Jean Boyer. - Il faut cinq heures pour faire le trajet entre Paris et le Puy-en-Velay, en alternant TGV et TER, ce qui est trop long. Comment concilier l'impératif de service public pour les TER, qui les oblige à de nombreux arrêts pour desservir de petites villes, et le souhait des voyageurs d'effectuer rapidement leurs trajets ? Où en est-on sur la question du ferroutage ? Qu'en est-il de la généralisation de la politique des « billets U », mise en place par certaines régions pour que les étudiants paient à moitié prix leurs billets de train ? Enfin, alors que l'on parle beaucoup d'insécurité routière, l'action de communication de la SNCF est-elle suffisante pour mettre en avant les avantages du train par rapport à la voiture ?

M. Guillaume Pepy, président. - Je voudrais dire à M. Robert Navarro que dans les pays les plus audacieux, on n'hésite pas à traiter conjointement, pour un même territoire, la question du financement des projets autoroutiers et des projets ferroviaires, les excédents dégagés par les premiers alimentant les seconds. C'est une voie à approfondir pour renforcer la multimodalité en France.

MM. Pierre Hérisson et Alain Houpert m'ont interrogé sur les vols de câble. A la demande du Gouvernement, les préfets se sont emparés de ce dossier sensible, sur lequel nous devons éviter tout amalgame ou malentendu. Un décret a récemment interdit qu'un ferrailleur achète en liquide des câbles pour plus de 500 euros. Mais ce décret n'a pas interdit qu'un même individu revende en lots multiples des câbles volés auprès d'un même ferrailleur.

M. Pierre Hérisson a évoqué une plate-forme qui n'est plus utilisée dans son département : nous allons lui apporter ultérieurement des éléments d'informations sur ce sujet.

S'agissant du projet de LGV Sud-Europe-Atlantique (SEA), évoquée par M. Jean-Jacques Mirassou, il revient à RFF, à l'Etat et aux élus de se mettre d'accord sur son financement. Toutefois, si vous souhaitez connaître mon avis, je vous dirais que je partage la position de MM. Alain Juppé, Martin Malvy et Alain Rousset : il y a urgence à boucler ce dossier en dépit des réticences de certaines collectivités territoriales à participer à son financement. Je sais d'expérience qu'un projet dont le bouclage financier n'est pas assuré est durablement écarté et ne revient pas de si tôt sur le devant de la scène. Prenez l'exemple du TGV Côte d'azur, entre Aix-en-Provence et Saint-Raphaël, abandonné en 1991 : il ne redevient d'actualité que depuis peu. A l'inverse, le projet de TGV est-européen a pu être mené à son terme grâce à un soutien sans faille de ses promoteurs.

Sur la qualité de service de la SNCF, nous avons incontestablement traversé une phase difficile, avec un hiver rigoureux et neigeux, et des mouvements sociaux importants à l'automne. Mais ne soyons pas trop sévères : beaucoup d'entreprises ferroviaires en Europe ont également connu de grosses difficultés en fin d'année. J'observe que les voyageurs de la SNCF ne se comportent plus comme des usagers passifs d'un service public, mais comme des consommateurs exigeants. Naturellement, ce changement d'attitude entraîne quelques récriminations... Nous sommes tous conscients à la SNCF des efforts à réaliser et nous oeuvrons au quotidien pour rendre le meilleur service possible à nos clients.

Quant à l'installation des guichets automatiques en gare, nous devons réfléchir à l'expérience suisse, qui a généralisé leur installation pour redéployer le personnel ferroviaire dans les gares, au service des voyageurs. La présence humaine dans les trains est fondamentale, et nous devons trouver un point d'équilibre entre l'automatisation de certains services et le maintien de la présence physique d'agents.

A M. Serge Godard, je voudrais dire que la liaison TGV entre Paris et Lyon ne connaîtra un nouveau souffle que lorsque la ligne à grande vitesse POCL sera mise en service. L'Etat est désormais l'autorité organisatrice de transport pour la ligne TEOZ entre Paris et Clermont. C'est donc à lui d'établir ses objectifs. Quant à l'aménagement de la gare de Bercy, il est en bonne voie.

J'ajoute qu'un point d'équilibre a été trouvé pour valoriser la desserte de la gare TGV de Montbard, à la fois vers Alesia compte tenu de la vocation touristique du site, mais aussi vers Metal'Valley, eu égard à l'importance industrielle de cette zone.

Enfin, j'aborderai le sujet des opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) qui me tient à coeur. L'OFP d'Auvergne vient d'être lancé à ma plus grande satisfaction, en dépit de lourdeurs administratives que je regrette.

Quant au billet U évoqué par M. Jean Boyer, je n'ai pas les éléments nécessaires aujourd'hui pour vous répondre mais je m'engage à le faire par écrit très prochainement.