Mercredi 2 novembre 2011

- Présidence de M. Yvon Collin, vice-président, puis de M. Philippe Marini, président -

Loi de finances pour 2012 - Examen des principaux éléments de l'équilibre

La commission procède tout d'abord à l'examen des principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2012.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - C'est dans un contexte de crise de la zone euro, avec pour épicentre la Grèce, le Portugal et l'Irlande, que nous entamons l'examen du projet de loi de finances pour 2012. L'objectif pour l'Europe, est, dans l'immédiat, d'empêcher la contagion à l'Italie et à l'Espagne. La proposition française de transformer le Fonds européen de stabilité financière en une banque adossée à la BCE n'a, hélas !, pas prévalu lors du sommet de la semaine dernière, alors que cette solution aurait contribué à calmer beaucoup plus durablement les investisseurs. On sait que la capacité effective de prêt du FESF, doté de 440 milliards, n'est plus, compte tenu de ce qui a déjà été tiré, que de l'ordre de 250 milliards, alors qu'au moins 2000 milliards seraient nécessaires, ainsi que beaucoup en conviennent, pour contenir les risques. En lieu et place, les chefs d'Etat et de gouvernement se sont accordés sur la notion d'un « effet de levier », subtile s'il en est puisqu'il s'agit en somme d'une façon de masquer le manque d'argent, notamment en faisant du Fonds un assureur. Quel paradoxe que de voir ainsi recycler, au profit du financement des Etats, ce système dit « monoline » de rehaussement de crédit, qui consiste à garantir des titres émis par des tiers afin de leur permettre d'emprunter à meilleur coût, sachant que c'est ce système même qui a contribué au déclenchement de la crise de 2008... Le rebond des marchés qui a suivi le sommet a été fugace, et l'on était déjà revenu en eaux basses dès avant l'annonce de M. Papandréou.

L'accord du 26 octobre prévoit aussi la création de véhicules ad hoc par lesquels s'achèteront les titres, sûrs et moins sûrs. Pour financer ces achats, des obligations adossées à des actifs, en partie risqués, devront être souscrites par exemple par le FMI, les fonds souverains, voire la Chine... Comme pour les subprimes, la question de l'évaluation des risques sera, on l'a bien compris, cruciale.

S'ajoutent à cela des mesures complémentaires. La conditionnalité, tout d'abord ; l'exception grecque, seul Etat dont le défaut est accepté - à quelle hauteur, cependant, on ne le sait plus trop aujourd'hui...  La recapitalisation des banques, ensuite, avec ses contraintes corollaires en matière de versement de dividendes et de bonus - dans l'esprit de celles que nous avons introduites dans la loi de finances rectificative -, contraintes sur lesquelles le Président de la République a insisté dans son intervention, moyennant quoi le président de la Fédération française des banques a assuré que les établissements se montreraient raisonnables - nous verrons. L'engagement des Etats, également, de se doter de règles d'équilibre d'une portée normative forte, latitude leur étant toutefois laissée de leur conférer ou non valeur constitutionnelle ; celui de construire les budgets nationaux sur des hypothèses de croissance indépendantes - ce qui rejoint la position constante de notre commission. L'examen préalable des budgets des Etats en situation de déficit excessif. Une remarque complémentaire : la Cour constitutionnelle allemande vient d'être saisie par des députés du SPD contestant la solution consistant à prévoir que le suivi du fonctionnement du FESF serait assuré, non par l'ensemble du Bundestag, mais par une commission du budget resserrée. Connaissant la rigueur de la Cour de Karlsruhe, on peut imaginer qu'elle suive les requérants. Les décisions du Fonds continueront, par ailleurs, d'être prises à l'unanimité, ce qui n'est peut être pas la meilleure solution...

S'agissant de notre hypothèse de croissance pour 2012, dont le Président de la République vient enfin de reconnaître, la semaine dernière, qu'elle était, à 1,75 %, dépassée, quatre scenarios peuvent être imaginés, dont les deux premiers, respectivement à 1,7 % et 1,4 %  de croissance en 2011, puis 1,4 % et 0,9 % en 2012, relativement neutres, pourraient aboutir au 1 % annoncé par le Président de la République, tandis que les deux autres, plus sombres, sont fondés sur des hypothèses de croissance de 1,4 % et 1,5 % respectivement, en 2011, puis une récession de 0,1 % dans le premier cas, ou une croissance zéro dans l'autre, et aboutissent à une hypothèse de croissance proche de zéro.

Autant de cas de figure qui ne portent pas à l'optimisme, en particulier quant au respect de la trajectoire 2012-2017 du solde public français, qui se donne pour objectif un déficit ramené, en 2013, à 3 % du PIB, avec un pallier à 4,5 % en 2012. En incluant les 6 à 8 milliards d'efforts supplémentaires annoncés pour tenir l'objectif 2012, les variantes que l'on peut introduire, en combinant les différentes hypothèses de croissance que j'ai tout à l'heure mentionnées, 1,5 % en 2011, 0 % ou 1 % en 2012 et 2 % ensuite - lesquelles déterminent une moindre élasticité des recettes - à une évolution des dépenses publiques de 1 % en volume à partir de 2012 au lieu des 0,6 % retenus par le Gouvernement, nous font toutes dévier de la trajectoire. C'est ainsi qu'une croissance de 1 % au lieu de 1,75 % en 2012 réduirait mécaniquement les recettes de 7,5 milliards mais aurait, si l'on tient compte en particulier de la moindre élasticité des recettes, un impact de 15 milliards. Et si l'on considère que le scénario 2011 lui-même est déjà trop optimiste, l'impact serait de 17,5 milliards. C'est dire combien l'effort à fournir pourrait être sous-estimé.

Pour autant, mener de front, dans tous les pays de la zone euro, des politiques identiques de réduction du déficit, sans mesures de relance, ferait courir un risque aigu à la croissance. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estimait, en octobre 2011, que les politiques restrictives réduiront en France la croissance pour 2012 de 1 point d'effet direct et 0,7 point d'effet indirect, ramenant la croissance à 0,8 % au lieu de 2,4 %. Si on retient une hypothèse de multiplicateur budgétaire de 1,5 au niveau de l'ensemble de la zone euro - autrement dit, pour un euro de réduction du déficit, la réduction du PIB serait de 1,5 euro - des politiques restrictives conjointes pourraient rendre impossible une réduction rapide du déficit.

Quelle trajectoire, dans ce contexte, pour la prochaine législature ? L'objectif de ramener le déficit public à 3 points du PIB en 2013 est partagé, on le sait, par les deux principaux candidats à la présidence de la République. Si l'on traduit, afin de le rendre plus parlant, ce pourcentage en milliards d'euros, on constate qu'il faudrait, pour passer à l'équilibre en 2017, un effort de 100 milliards d'euros, soit 20 milliards chaque année. Si l'on part, par convention, de l'hypothèse d'une croissance à son potentiel de 2 % et d'une croissance en volume des dépenses, non pas de 0,6 % - bien improbable - mais de 1 % par an, la contribution des dépenses à la réduction du déficit serait alors d'un demi point de PIB par an, soit 50 milliards sur la période : la contribution des recettes devrait donc être de 50 milliards. Si de tels ajustements budgétaires étaient menés dans l'ensemble des pays de la zone, la croissance en serait considérablement affectée. On voit par là l'importance de la coordination des politiques économiques, sans laquelle le malade n'en viendrait qu'à mourir guéri...

Le plus gros de l'effort devra être réalisé entre 2012, année électorale, et 2013. Le cap est dangereux. La Commission européenne, dans ses prévisions quant au solde public des Etats, place la France en bien mauvaise position, juste après la Grèce, l'Irlande et l'Espagne. Notre trajectoire supposerait de réduire en une année le déficit de 1,5 points de PIB, effort dont on ne trouve pas de précédent depuis au moins 1960...

J'en viens aux grands équilibres du projet de loi de finances pour 2012, dont chacun aura compris qu'ils sont d'ores et déjà caducs. Le texte n'améliore que marginalement les recettes, de 500 millions, le projet de loi de finances rectificative de septembre et certaines dispositions antérieures ayant déjà prévu l'essentiel des mesures procurant du rendement en 2012.

En matière de dépenses, le poids de la dette est marquant. La norme de dépense, régie par le double cliquet de la stabilisation en valeur hors charge de la dette et des pensions et de la stabilisation en volume de l'ensemble, est respectée. On assiste même à une baisse en volume des dépenses normées. On sait que le Gouvernement a voulu, à l'Assemblée nationale, une réduction supplémentaire des dépenses de 1 milliard, tandis que les mesures complémentaires annoncées par le Président de la République seront votées d'ici la fin de l'année.

On observe, en revanche, un fort dynamisme de la charge de la dette et des pensions : 7,4 % et 5,17 %, respectivement, en valeur ; 5,7 % et 3,47 % en volume. Dans la logique actuelle, il faudra peut-être un jour réduire encore les dépenses pour contenir la progression de ces deux postes incompressibles, si l'on veut continuer à assurer le respect de la norme en volume.

Car la charge de la dette ne saurait faire l'objet d'économies. La France a une signature. Pour la conserver, elle doit l'honorer. C'est dire combien il est important d'enrayer l'augmentation du taux de l'endettement public. Plus la charge de la dette s'alourdit, plus se réduisent les marges de manoeuvre : on utilise le produit des impôts pour payer la dette plutôt que pour financer des dépenses actives. La dette est l'ennemi du pauvre.

En matière de dépenses de fonctionnement, le Gouvernement ne tient pas ses engagements. Il maîtrise mieux les interventions de guichet que celles discrétionnaires. Il prévoit de réduire son intervention dans le domaine de l'emploi : 130 millions en moins sur les contrats aidés. Compte tenu de l'augmentation du chômage, on peut douter que cet objectif soit tenu. Voilà qui donne la mesure de la fantaisie de ces prévisions et en dit long sur la sensibilité sociale de ce gouvernement...

Les dispositions relatives à la fonction publique traduisent le bilan de la révision générale des politiques publiques (RGPP) : 9 % d'ETPT supprimés dans la fonction publique d'Etat depuis 2003. Mme Pécresse a couru les plateaux pour vanter une baisse de la masse salariale inédite depuis 1945. Mais quelle est la réalité ? Les économies résultent bien davantage du gel du point d'indice que du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partants en retraite. Des 969 millions d'euros d'économies liées aux suppressions d'emplois, il convient de déduire 526 millions de mesures catégorielles en retour : le solde n'est donc que de 443 millions d'euros. La baisse de la masse salariale n'aurait, autrement dit, pas été possible sans gel du point d'indice, sachant qu'une réévaluation de 1 % représente 880 millions, soit un impact comparable à celui des suppressions d'emploi. Voilà qui relativise les effets de la RGPP, qui, avec sa règle du un sur deux, a entraîné, en revanche, une déstructuration sans précédent des services publics, pour des économies budgétaires, comme on le voit, limitées.

M. Philippe Marini, président. - Est-ce à dire qu'il faudrait en faire davantage ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - La patience des peuples a ses limites, et point ne sera besoin, pour la mesurer, d'un référendum : rendez-vous est pris l'an prochain.

Le taux moyen de non remplacement s'élève, au reste, à 55 %. Les rapports spéciaux en livreront un commentaire par ministère.

En matière de déficit budgétaire, le projet déborde la programmation pluriannuelle 2011-2014, à 80 milliards au lieu des 72,9 milliards prévus. Un quart des dépenses du budget général ne sera pas couvert par les recettes, et devra donc l'être par l'emprunt. Nous ne sommes donc pas revenus au taux de couverture qui était le nôtre avant la crise. C'est ainsi que 179 milliards d'euros devront être empruntés en 2012. La crise des finances publiques rejoint ici les enjeux de la crise financière. Nous avons tout intérêt à adopter des mesures efficientes, mais le diable est dans les détails... que j'ai tout à l'heure évoqués : choix du véhicule, appel au soutien du FMI ou même de la Chine... Or, si les titres de dette souveraine ne sont plus considérés comme des actifs sûrs dans le bilan des banques et des compagnies d'assurance, nous ne pourrons plus les placer au moindre coût. Mme Merkel est entrée en négociation la semaine dernière renforcée par un spread favorable à l'Allemagne. Car si nos deux pays bénéficient de la fuite vers la qualité des investisseurs, on en revient cependant à des écarts de financement que l'on n'avait pas connus depuis le milieu des années 1990.

M. Philippe Marini, président. - Je remercie notre rapporteure générale de cette communication qui doit susciter entre nous un débat franc. L'annonce, ce week-end, par M. Papandréou de l'organisation d'un référendum en Grèce sur le plan de sauvetage du pays m'est plutôt apparue comme une bonne nouvelle : prétendre à une gouvernance qui jamais n'en réfère au peuple m'a toujours paru choquant. Je suis heureux de cette clarification. Si le principe d'un défaut de la Grèce avait été accepté il y a deux ans, quel eût été le coût de la restructuration ? La réponse serait à mettre en regard de la séquence qui a vu un refus de principe suivi d'une acceptation pour 21 % en juillet, puis 50 % en octobre, pour en venir finalement à accepter l'idée de la sortie de la zone euro d'un pays qui n'aurait jamais dû y entrer...

Nous avons, Madame la rapporteure générale, un point d'accord, qui tient à la nécessité d'une cohérence budgétaire fondée sur des hypothèses de croissance indépendantes. Idée qu'avec M. Arthuis, nous avons défendue avec persévérance, préconisant même qu'Eurostat soit érigé en autorité publique indépendante. Ç'eût été là une bonne réponse tant à l'imagination comptable du Sud qu'à l'hypocrisie du Nord.

J'ai peine, en revanche, en ce qui concerne l'estimation de l'effort à fournir, à comprendre votre ligne. L'effort annoncé de 6 à 8 milliards d'euros est par vous jugé insuffisant. Allez-vous donc le soutenir ? Vous rappelez à juste titre, rejoignant par là nombre de macroéconomistes, qu'au-delà d'un certain volume de ponction budgétaire, la croissance souffre à l'excès. En nous incitant à aller au-delà des 6 à 8 milliards, ne tombez-vous pas sous le coup de cette critique ?

Devons-nous vous suivre lorsque vous écrivez que les Etats dont le déficit est moindre doivent du moins accepter de laisser jouer les stabilisateurs automatiques ? Votre ambition est-elle donc, après avoir pourtant rappelé le rigorisme de la Cour de Karlsruhe, de faire accepter par l'Allemagne une politique qui n'aurait pas été décidée par le Bundestag ?

Vous indiquez, à juste titre, que ce projet de loi de finances est très particulier, sa substance ayant été largement absorbée par le projet de loi de finances rectificative de septembre et alors qu'un nouveau collectif est à venir, dont on ignore encore et le calendrier et le modus operandi.

S'agissant de la charge de la dette, vous affirmez que, « dans la logique actuelle »,  il faudra compenser son augmentation en rognant sur les dépenses. Est-ce à dire que vous imaginez une autre logique ? Si oui, laquelle ?

Vous évoquez les économies sur la masse salariale, les dépenses de fonctionnement et d'intervention avec un regard très critique, tout en laissant entendre qu'il faudra bien davantage d'économies. Si celles-là ne trouvent pas grâce à vos yeux, comment entendez-vous aller plus loin ? Êtes-vous favorable à une réévaluation du point d'indice, à un renoncement au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux ? Quid, en tout état de cause, du traitement différencié de l'Éducation nationale ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Le président a montré l'exemple : que l'on ne m'accuse donc pas de faire de la politique...

Nous avons souvent dénoncé ici le coût, très élevé, de l'attentisme de 2009. Le sommet de la semaine dernière embrouille, hélas, la vision de la réalité, et cela ne s'arrangera pas si l'on continue ainsi. Je ne rejoins pas vos conclusions, qui laissent entendre que la Grèce n'aurait jamais dû entrer dans la zone euro. Elles ne font pas avancer les choses. La Grèce est dans la zone euro. Si nous avions réagi en 2009, alors que nous savions pertinemment que la Grèce ne pourrait pas rembourser, qu'elle avait cruellement besoin d'assistance technique, ne serait-ce que pour mettre en place son cadastre, nous n'en serions pas là. Ce qui compte aujourd'hui, c'est de lui envoyer un message de solidarité, une solidarité dont tout pays pourrait avoir un jour besoin...

Eurostat ? J'ai souvenir d'une audition qui nous avait conduits à constater qu'il n'avait pas les moyens de faire son travail...

Vous me demandez si je soutiens le Gouvernement dans sa demande d'une économie supplémentaire de 6 à 8 milliards d'euros. Mais comment le prendre au sérieux quand loi de finances et collectifs poursuivent dans le bricolage, comme nous le verrons dès la semaine prochaine avec les recettes attendues d'une taxe sur les boissons sucrées. Je ne vais pas, au motif que des économies sont nécessaires, adhérer à la pratique du bricolage.

J'en reviens aux hypothèses. Avec un taux de croissance positif au troisième trimestre, nous pourrions éviter le pire. Mais la croissance ne se décrète pas. Il faut donner confiance aux acteurs - aux ménages qui préfèrent aujourd'hui épargner comme aux entreprises qui renoncent à investir -, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.

Vous avez évoqué un sujet politique et diplomatique. Sommes-nous en capacité de convaincre les Allemands de faire la relance ? Ils sont dans un schéma très terre-à-terre : « faites des efforts d'abord, puis l'on verra si nous pouvons relancer un peu la demande intérieure ! ». Je pense qu'à terme leur modèle est condamné, en raison de l'imbrication des échanges commerciaux au sein de la zone euro. Ils seront peut-être un jour en difficulté, notamment vis-à-vis de la Chine. Les Allemands sont cependant aujourd'hui beaucoup mieux placés que nous. Je me garderai de donner des leçons au gouvernement allemand !

Je pense que, depuis le début du quinquennat, en raison du positionnement du Président de la République vis-à-vis de l'Allemagne, des fautes ont été commises qui ont laissé des traces : l'Allemagne nous considère comme arrogants, enclins à faire seuls des déclarations, ce qui s'est passé en 2009 a marqué les relations franco-allemandes. La chancelière observe à juste titre qu'il y a dix ans son pays a été condamné à l'austérité et qu'elle n'a pas de leçon à recevoir, d'autant que cela a été négocié patiemment avec tous les partis politiques, les majorités successives, les organisations syndicales. C'est un travail qu'il ne m'appartient pas de mener.

Sur la charge de la dette, vous faites allusion aux dépenses en évoquant la « logique actuelle ». Oui, une programmation budgétaire pluriannuelle doit être sous-tendue par une stratégie fiscale et économique. Je n'ai jamais vu une telle stratégie du Gouvernement et du Président de la République depuis 2007. On a dit au Parlement que l'effet des niches était marginal, mais depuis 2007, le coût de la loi « TEPA » s'élève encore à 9,3 milliards d'euros par an, comme nous l'avons vu la semaine dernière. La réforme de la taxe professionnelle, ce sont 5 milliards d'euros de déficit, soi-disant pour améliorer la compétitivité et la croissance, mais on n'en a pas la preuve ! Les mesures du collectif taxent maintenant les grandes sociétés, il faudrait savoir ! Où est la cohérence ? Au début du quinquennat, il fallait les épargner, au détriment des collectivités locales !

M. Philippe Marini, président. - Vous devriez être pour aujourd'hui !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Comment voulez-vous que les agents économiques s'y retrouvent ? Fallait-il ainsi réformer la taxe professionnelle ? Il n'y a pas de raison, à la fin du quinquennat, de soutenir un gouvernement qui continue à bricoler ! L'enjeu est évidemment très politique ! On nous parle de fédéralisme budgétaire ! Parfait. Mais on n'a aucune coordination économique !

Le problème numéro 1 de la zone euro est de savoir si elle sera capable de soutenir une croissance suffisamment positive, qui lui permettra de créer des emplois et d'être compétitive dans la concurrence mondiale. Pour l'instant, je n'ai pas vu l'amorce d'un plan macroéconomique concerté au niveau de la zone euro et de l'Union européenne. C'est grave.

M. Éric Doligé. - Pouvez-vous préciser votre analyse sur le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, dont vous avez dit qu'il ne permet que de très faibles économies...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Oui !

M. Éric Doligé. - Si nous avions conservé ces emplois, quel en serait le coût ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je sais qu'on avance le chiffre de 255 milliards !

M. Éric Doligé. - Il faut bien prendre en compte le coût de ces emplois, s'ils n'avaient pas été supprimés !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - La lecture du Figaro magazine de ce week-end vous inspire...

M. Jean Arthuis. - Je salue, madame, votre présentation du cadrage macroéconomique, qui s'inscrit dans une certaine continuité, dans l'objectivité de l'analyse. Vous avez souligné que la dette est l'ennemi du pauvre. J'ajouterais que le déficit qui alimente la dette est l'ennemi du pauvre et que cela vaut pour la protection sociale, comme pour les finances de l'Etat. La prévision d'endettement montre qu'il manque au moins une vingtaine de milliards d'euros pour couvrir les besoins.

Nous sommes tous d'accord : la gouvernance de la zone euro a été calamiteuse. Fallait-il que la Grèce y entre ? En France, il y avait un certain enthousiasme à ce qu'elle la rejoigne d'emblée, sans doute en souvenir de la contribution de ce pays à la démocratie, et l'on a voulu croire à la convergence... Mais le suivi, au nom du respect de la souveraineté, a été catastrophique ! Souvenons-nous de l'audition du responsable de cet organisme : Eurostat n'avait pas de moyens de contrôler les données ! C'était une atteinte à la souveraineté que d'émettre un doute sur les comptes des Etats membres ! Or la Grèce trichait, avec l'aide de Goldman Sachs, ce qui a sans doute facilité l'acquisition de F 16 !

Que veulent les Grecs ? Si le référendum a lieu, la seule question posée est celle du retrait de la zone euro. S'ils restent, ils doivent en accepter les contraintes.

Quant aux Allemands, il est en effet difficile de leur donner des leçons...

M. Philippe Marini, président. - Oui !

M. Jean Arthuis. - ... en matière d'orthodoxie budgétaire ! Ils ont réussi la réunification. La question que se posaient les maires allemands était : « faut-il supprimer la médiathèque ou la piscine ? ». Ils ont décidé, dans la plupart des communes, de fermer l'un de ces deux équipements.

Les Allemands ne sont pas près d'abandonner l'euro. Si chaque pays retrouvait sa monnaie nationale, avec les dévaluations qui s'ensuivraient, la monnaie allemande s'apprécierait tellement qu'une part importante de ses excédents commerciaux ne manquerait pas de fondre instantanément.

Il faut à la zone euro une gouvernance toute autre que celle qui consiste à réunir les chefs d'Etat et de gouvernement tous les six mois. Il est vrai que l'initiative de M. Papandréou va leur donner l'occasion de se réunir beaucoup plus fréquemment pour vérifier la stabilité de la Grèce...

Sur les projections macroéconomiques, oui, il faudra accroître les recettes ou baisser les dépenses...

M. Aymeri de Montesquiou. - Les deux !

M. Jean Arthuis. - Il nous tarde de connaître les arbitrages ou les propositions. La compétitivité de l'économie française est un sujet important. Nous sommes sur une trajectoire de 75 milliards d'euros de déficit commercial cette année. Face à la montée inexorable du chômage, il faudra, dans les programmes pour 2013 et 2014, de véritables réformes structurelles pour retrouver de la compétitivité, recréer des emplois et prévenir les délocalisations.

J'entends dire que la Chine va venir en aide à l'Europe : c'est du crédit à la consommation ! Un pays producteur qui consomme moins qu'il ne produit prête à un pays qui maintient un haut niveau de consommation mais qui a perdu sa substance productive. On ne survit pas grâce au crédit à la consommation ! Il y a là des propositions majeures à articuler et c'est en cela que les prochains débats au Sénat seront intéressants.

M. Philippe Marini, président. - Nous savons, depuis l'examen d'un texte récent, qu'il y a un bon crédit à la consommation, qui est un crédit d'équipement, et un crédit de trésorerie qui est moins bon !

M. Jean Arthuis. - En effet !

M. François Marc. - Un livre sur le courage a marqué l'actualité littéraire, il y a un peu plus d'un an. Le rapport de Mme Bricq a au moins un aspect positif, c'est qu'il est réaliste et, même si elle a regretté de devoir utiliser une certaine tonalité pessimiste, son rapport a le courage de regarder la réalité en face. Le pire n'est jamais sûr : lorsque M. Juppé, alors Premier ministre, a voulu faire appel au peuple, parce qu'il fallait assumer des décisions impopulaires et a dissous l'Assemblée nationale, le peuple a répondu qu'il fallait changer de majorité, prendre une autre orientation et nous avons trouvé de nouvelles mesures !

M. Philippe Dallier. - Nous avons trouvé 48 milliards d'euros de déficit en 2002 !

M. François Marc. - Ne désespérons pas ! Soyons optimistes ! Le courage n'empêche pas l'optimisme !

Cela dit, les chiffres sont inquiétants : lire qu'on doit faire appel à l'emprunt à hauteur de 179 milliards d'euros en 2012 donne quelques sueurs froides !

Mme Bricq a mis l'accent sur un point essentiel, qui répond à M. Arthuis sur les recettes et les dépenses : au cours des années écoulées depuis 2002, on a diminué les recettes pour stimuler la croissance. Tel a été le discours de tous les ministres de l'économie, y compris de M. Sarkozy lorsqu'il était à Bercy. Jamais nous n'avons pu atteindre les objectifs proclamés.

Le dernier collectif confirme ce constat : il avait vocation à dégager des recettes supplémentaires et voilà qu'il enregistre une dégradation du solde budgétaire de 11 à 12 milliards d'euros ! Il manque un minimum de courage sur l'affichage clair et transparent des résultats ! Il faut être intransigeant sur la nécessité de dire clairement les choses aux Français. Sur les recettes, il y a donc des marges de progression et nous ferons des propositions pour corriger ces déséquilibres.

Une programmation pluriannuelle sur cinq à huit ans n'a plus grand sens aujourd'hui. Nous devons mettre au placard les méthodes de planification et revenir à une gestion pragmatique du très court terme. Ce qui importe, ce n'est pas où nous en serons en 2018, mais comment améliorer notre solde en 2012 et en 2013 !...

M. Aymeri de Montesquiou. - Il faut réduire le déficit !

M. François Marc. - Nous devrons remédier aux insuffisances de l'impôt progressif. Nous devrons présenter des amendements à ce sujet. Il est nécessaire de faire preuve de courage, d'ambition et d'esprit républicain pour solliciter des ressources nouvelles, en ce moment historique.

M. Aymeri de Montesquiou. - Ma question complète celles de MM. Doligé et Arthuis. Il m'a semblé que vous n'êtes pas, madame, vraiment enthousiasmée par la RGPP. En revanche, vous louez, à juste titre, les efforts de l'Allemagne, où l'on compte un fonctionnaire pour six actifs dans le privé, contre un pour quatre en France. Préconisez-vous que nous nous rapprochions de la politique allemande en matière de fonction publique ?

M. Albéric de Montgolfier. - Pourquoi ramener la croissance à 1 % fait-il baisser les recettes de 6 à 8 milliards selon le Gouvernement et pourrait-il les réduire de 15 milliards d'euros selon vos estimations ? Pourquoi une telle différence, du simple au double, des estimations de pertes de recettes ?

M. Joël Bourdin. - Madame la rapporteure générale, vous évoquez une hypothèse de multiplicateur budgétaire de 1,5. Je pense qu'il n'y a pas lieu de fonder des prévisions sur l'usage d'un tel multiplicateur, car c'est un facteur qui est instable d'une année, voire d'un mois à l'autre. Il faudrait, pour bien faire, pouvoir calculer mathématiquement une dérivée. Ce n'est pas possible ! Je serais beaucoup plus prudent que vous, avant d'avancer un multiplicateur de 1,5, voire 2, que rien ne justifie !

Sur la crise du jour, le référendum aura lieu bien avant janvier. Je veux parler, non de celui que propose le Premier ministre grec, mais du référendum de ceux qui acceptent ou pas de financer la Grèce. Croyez-vous que beaucoup de banques vont accorder des crédits à des entreprises grecques avec cette incertitude ? Il sera intéressant d'observer les mouvements de masse monétaire dans les jours et les semaines qui viennent. Nous sommes face à une situation qui se dénouera bien avant le mois de janvier, dans le pays qui a inventé la tragédie, nous saurons bientôt s'il va en sortir...

M. Philippe Marini, président. - La Grèce est infiniment féconde, elle a aussi inventé les stoïciens et les épicuriens, elle a le choix entre plusieurs règles de vie...

M. Aymeri de Montesquiou. - Et les cyniques !

M. Philippe Marini, président. - La Grèce a tout inventé !

M. Thierry Foucaud. - Je suis d'accord avec Madame la rapporteure générale sur le constat. Mais je m'étonne qu'à propos de démocratie on n'ait pas tenu compte du résultat du référendum que nous avons eu en France ; aussi balayons devant notre porte !

La dette est alimentée par le déficit, d'accord, mais aussi par les erreurs de M. Sarkozy et de son Gouvernement. Dois-je rappeler que depuis 1973, pas un budget, dans notre pays, n'a connu de solde positif ?

La question fondamentale est celle de l'utilisation de l'argent. Celui-ci doit alimenter les besoins collectifs. Les moyens existent, mais ne vont nullement à la relance économique, à la création d'emplois, aux priorités, comme l'éducation. Notre système social a évité la faillite, il a fait la preuve de son bien fondé.

Je crains que, dans la zone euro, au lieu d'encourager la croissance, on ne brandisse la rigueur, l'austérité... Or ces plans n'ont marché ni en Grèce, ni en Espagne, ils ne marcheront pas plus en France ! Il faut trouver des recettes. On parle de déficit, mais le déficit pour qui ? Pour quoi ? Pour supprimer la taxe professionnelle ? Sa réforme a généré des dépenses. La baisse de la TVA sur la restauration aussi, de même que les exonérations et dégrèvements et que les niches fiscales... Ne peut-on faire preuve de « gouvernance totale », en prenant la décision de faire rentrer les recettes, en revoyant tout : la taxe professionnelle, la loi TEPA, les dégrèvements, les niches fiscales... J'y insiste, l'argent, les recettes, existent. Ils doivent aller aux besoins collectifs et à la relance de la croissance.

M. Jean Germain. - Permettez-moi de rompre le silence qui devrait s'imposer aux nouveaux membres de la commission, pour vous faire part de ce que j'entends quand je rentre, au milieu de gens... normaux, dans ma circonscription... Car enfin, de quoi parlons-nous ? Du projet de budget présenté par le Gouvernement, ou d'autre chose ? A écouter certains de nos collègues, j'ai l'impression que nos sommes appelés à statuer sur le budget de Madame la rapporteure générale ! Ce n'est pas le cas ! Nous discutons bien du rapport de la rapporteure générale sur le projet du Gouvernement !

Le référendum est-il le nec plus ultra de la démocratie ? Cela dépend... Sans doute un référendum en Allemagne aurait-il beaucoup plus d'impact... C'est la question du rôle du Parlement, y compris du Sénat, et de son évolution, qui est posée par les gens que nous rencontrons, qui se demandent aussi si nous sommes bien dans une Europe à deux vitesses. D'un côté, l'Angleterre qui a réussi à ne pas faire partie de la zone euro, mais donne des conseils à tout le monde ; de l'autre, l'Allemagne, qui a encaissé le coût de la réunification. Souvenons-nous, il y a vingt ans, dans les colonnes du Monde, et même au Sénat, on nous expliquait que l'Allemagne ne serait jamais réunifiée, parce que l'URSS s'y opposerait !

Il ne faut pas être expert en économie pour constater que l'Europe ne peut pas créer de monnaie, tout en s'imposant un taux d'inflation très contenu. Les Etats-Unis, eux, voient leur note « triple A » menacée et créent de la monnaie, en acceptant l'inflation. Nous, nous allons peut-être perdre notre « triple A », éventuellement, à partir de juin 2012, pour les raisons que vous imaginez, donc nous allons acheter l'argent plus cher, mais nous ne pouvons pas créer de monnaie, et nous maintenons un niveau d'inflation absurde ; la seule variable qu'il reste au Gouvernement, c'est de modifier le déficit, ce n'est pas sérieux !

Sur les recettes, pourquoi nous priver des 3 à 4 milliards d'euros que rapporterait la suppression du taux réduit de TVA sur la restauration ? Le Gouvernement paraît maintenir cette mesure pour ne pas se déjuger, alors que l'intelligence serait de reconnaître qu'elle a été prise à un moment donné et que maintenant, l'heure a sonné d'une autre démarche !

De même, les nouveaux prêts à taux zéro et le dispositif « Scellier » coûtent très cher et ne bénéficient qu'aux plus aisés. De telles mesures sont acceptables pour aider les gens qui éprouvent des difficultés à accéder à la propriété, pourquoi ne pas soutenir aussi le bâtiment et les travaux publics, mais pas à n'importe quel coût ! Pas pour dépenser des milliards d'euros ! Voilà ce que nous disent nos compatriotes !

M. Philippe Dallier. - Les nouveaux prêts à taux zéro coûtent moins cher que les anciens, regardez les chiffres ! Sur le dispositif Scellier, je ne suis pas loin de partager votre avis, surtout quand j'entends sur les ondes cette publicité : « dépêchez-vous ! Le Scellier 22 % va disparaître ! ».

Sur la hausse du chômage et la problématique des contrats aidés, dont les crédits baissent - est-on certain que, pour l'année en cours, ils soient totalement consommés ? - je tiens à signaler que les collectivités locales sont de moins en moins disposées à signer de tels contrats, depuis que l'Unedic, il y a quatre ans, a dénoncé l'accord qu'elle avait avec le Gouvernement. Il n'est en effet plus possible de cotiser au chômage pour ces contrats. Ainsi, une collectivité qui embauche quelqu'un pendant un an et doit s'en séparer doit payer le chômage pendant un an. Si l'on voulait redonner à ces contrats une réelle ambition sociale, il conviendrait de revoir l'accord avec l'Unedic. Faute d'un tel accord, les associations en prendront toujours, sans doute, mais les collectivités y auront beaucoup moins intérêt que dans le passé...

M. Philippe Marini, président. - C'est un sujet à approfondir, en effet.

M. Philippe Dominati. - Je partage le constat de mes prédécesseurs : votre rapport est très politique. Vous êtes critique, mais vous n'offrez pas de perspectives. A cette heure de la discussion, je n'ai toujours pas compris où sont vos propositions sur l'emploi public, la compétitivité des entreprises, dont le président Arthuis a justement souligné l'importance. Vous ne proposez aucune mesure ! Le fait que nous ayons le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d'Europe est-il pour vous une contrainte ou souhaitez-vous augmenter encore les charges pesant sur nos entreprises ?

Enfin, quel est pour vous le juste périmètre de l'Etat ? Y a-t-il encore des marges financières ? Est-il trop vaste ? Doit-il être revu drastiquement, en liaison avec la situation des finances locales ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Toutes les questions que vous posez sont à la fois très techniques et très politiques. Je remercie Jean Germain de faciliter ma réponse à MM. Dominati et Arthuis ainsi qu'à Monsieur le président de la commission. Ils me demandent, au fond, d'être le ministre des finances publiques et du budget de 2012 à 2017 ! Or, ce que je regarde, c'est une programmation pluriannuelle, une trajectoire, un budget, définis par un Gouvernement arrivé à la fin de son quinquennat.

Monsieur Arthuis, vous êtes passé des piscines à la Chine ! Justement, mon département a été contraint, par le non-financement des transferts de compétence, à faire des choix, à définir des priorités : il a donc annulé la prise en charge des transports des enfants allant à la piscine. Quelle ne fut pas la levée de boucliers de vos amis, dans nos campagnes et nos bourgades ! Ne nous accusez pas de ne pas vouloir faire d'économies !

Quant aux relations avec l'Allemagne, il aurait fallu écouter la Chancelière, il y a deux ans, quand elle avait proposé que le secteur privé de la banque participe au défaut de la Grèce. Elle avait raison, mais le Président de la République ne l'a pas suivie, en raison du soutien aveugle accordé par la France à ses banques. On n'a pas voulu les faire participer, à l'époque, aux efforts de redressement de la Grèce. On y est finalement arrivé, le 21 juillet et encore davantage aujourd'hui. Le problème du soutien public se posera à propos de la recapitalisation. J'attends de voir. Nous avons eu raison de maintenir l'amendement, porté au-delà des frontières de la gauche, sur les rémunérations et les dividendes. Nous en reparlerons dans les mois à venir.

Vous êtes impatients de savoir ce qu'il faudrait faire. Je vous renvoie à nos travaux de la semaine dernière : si nous voulons parvenir à l'équilibre en 2017, il faut trouver 100 milliards d'euros, et vous avez cinq ans ! Je ne vais pas dire maintenant comment faire, au risque de m'octroyer une place qui n'est pas la mienne !

La réponse à M. Doligé, sur le coût des emplois publics, se trouve dans le rapport. L'estimation a varié de 27 000 euros en 2011 à 31 800 euros dans le budget 2012, soit en moyenne 30 000 euros par emploi.

Messieurs Dominati et de Montesquiou, à vos questions sur l'Etat, je réponds que le grand drame de la RGPP, dont on a peu parlé, mais qui a été étudié par Michèle André dans les préfectures, c'est qu'elle a bouleversé l'administration, pour un gain qui n'est pas énorme, à un coût pour la société qu'on mesure mal aujourd'hui, mais que l'on peut observer, sur le terrain, dans les banlieues et les villages de notre pays. Je reproche à cette politique de ne pas poser le problème, non seulement du périmètre, mais surtout de la nature même de l'Etat par rapport, notamment, à la décentralisation. Notre objectif est de pouvoir enfin répondre à la question « qui fait quoi ? ». Il faut que l'Etat examine les doublons avec les régions et les départements. Le sujet sera traité au Sénat, grâce aux Assises qui ont été annoncées, dans les semaines qui viennent, et qui devront éclairer les rôles respectifs de la décentralisation et de l'Etat.

D'autres pays ont posé cette question, de manière globale, par exemple l'Allemagne. Quand vous dites, monsieur de Montesquiou, que la part des dépenses publiques dans le PIB en Allemagne n'est pas comparable avec ce qu'elle est en France, c'est normal, puisqu'outre-Rhin la protection sociale est assumée par le privé, notamment par les assurances. Aux Etats-Unis, l'éducation est essentiellement payée par les gens...

M. Aymeri de Montesquiou. - Mais les charges demeurent plus importantes en France !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Il faut comparer ce qui est comparable !

Je remercie MM. Marc et Foucaud, qui partagent le constat. Comme l'a dit Monsieur  le président de la commission la semaine dernière, les chiffres vont tous dans le même sens, mais s'interprètent différemment et nous choisissons des chemins différents pour régler les problèmes. Sinon, à quoi serviraient la démocratie et les élections qui permettent de changer de majorité ?

Monsieur Bourdin, il est vrai que l'on peut discuter des variations du multiplicateur. L'important, c'est de nous accorder sur ce théorème économique : un ajustement budgétaire très fort entraîne une diminution du PIB et donc réduit les effets tirés de la réduction du déficit.

Je retiens votre appréciation, Monsieur Dallier, sur le prêt à taux zéro et sur le dispositif Scellier. Je m'en souviendrai lorsque je proposerai des amendements, que vous pourrez voter !

Sur les politiques d'emploi, il est vrai que les emplois aidés ont été diminués dans le budget 2011...

M. Philippe Dallier. - Oui !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Mais finalement les crédits consommés dépassaient, à mi-année, de plus de moitié les crédits prévus. Cela m'avait frappé, j'avais prévu que cela ne tiendrait pas. Ce n'est pas sérieux d'inscrire 130 millions d'euros de crédits dévolus à ces contrats dans le projet de loi de finances pour 2012. Il y aura peut-être des difficultés, mais on recourra forcément à ces contrats, à cause de la pression du chômage.

J'ai répondu à M. Arthuis sur les piscines, mais pas sur la Chine. Cette grande puissance politique et diplomatique arrive au G20 en position de force, tant à l'égard des Etats-Unis, à qui elle peut dire qu'elle peut acheter des bons européens et non seulement américains, qu'à l'égard de l'Europe, qu'elle peut soutenir, mais avec qui elle peut négocier ce soutien. Pourquoi se priverait-elle d'évoquer, par exemple, les règles de l'OMC, ou encore sa place au FMI ? C'est pourquoi les tentations protectionnistes n'ont pas de sens ! Il faut être cohérent et faire attention aux annonces que l'on peut être amené à faire en la matière ! Ces sujets pourraient être abordés au G20.

Monsieur de Montgolfier, une croissance plus faible réduit aussi l'élasticité des recettes publiques au PIB et augmente le taux de chômage. C'est la prise en compte de ces mécanismes qui nous amène à envisager que l'impact de la moindre croissance puisse être d'environ 15 milliards d'euros.

Enfin, Monsieur le Président, pour revenir à la politique intérieure française, étant donné les contradictions, les zigzags, les incohérences qui ont marqué ce quinquennat, vous ne pouvez pas en plus nous demander de soutenir le budget qui l'achève.

M. Philippe Marini, président. - Je ne formule pas une telle demande ! J'exprime simplement le souhait que nos débats soient éclairés de la manière la plus concrète possible, par des faits et des propositions, puisqu'à mettre en exergue les contradictions, sans aller jusqu'à tirer les conséquences de ses analyses sous forme de propositions, on risque d'affaiblir notre institution ! La question demeure entière : à partir d'une analyse, que dans nos rêves nous pourrions nous approprier, tâchons de mettre sur la table des éléments de solution et de sortie de la situation particulièrement confuse et contradictoire où nous nous trouvons.

La commission donne acte à Mme Nicole Bricq, rapporteure générale, de sa communication.

Loi de finances pour 2012 - Mission Aide publique au développement, compte de concours financiers Prêts à des Etats étrangers et compte d'affectation spéciale Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique - Examen du rapport spécial

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement », le compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers » et le compte d'affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Je ferai d'abord une présentation de la politique française d'aide publique au développement (APD), puis des crédits dont nous sommes co-rapporteurs avec Fabienne Keller.

La mission « Aide publique au développement » ne regroupe qu'un tiers des dotations que la France consacre à l'APD, soit 3,33 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) dans le présent projet de loi de finances. A cet égard, la non-transmission dans les délais, une fois encore, du document de politique transversale retraçant l'ensemble des moyens concourant à l'APD française n'a pas facilité les travaux de vos rapporteurs spéciaux, ainsi que nous avons eu l'occasion de le dire à Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération, lors de son audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le 27 octobre. Il nous avait promis d'envoyer ce document dans les meilleurs délais, ce qu'il n'a pu faire, à notre grand regret.

Avec un montant global évalué à 9,7 milliards d'euros en 2010, la France est loin d'atteindre les engagements pris lors du sommet du G8 à Gleneagles, en 2005, de consacrer 0,7 % de son revenu national brut (RNB) à l'APD en 2015.

A cette fin, un rendez-vous avait été fixé en 2010 par les pays européens, qui s'étaient engagés à allouer, à cette date, 0,56 % de leur RNB à l'aide publique au développement. Or, ce ratio n'a atteint que 0,50 % pour notre pays. Par ailleurs, la stabilité des crédits consacrés à l'APD dans la programmation pluriannuelle des finances publiques ne permet guère d'envisager de dépasser ce niveau dans un proche avenir. Le décalage entre les paroles, pavées de bonnes intentions, et les actes est d'autant plus flagrant que d'autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou la Belgique, ont accompli un effort significatif d'augmentation de leur APD en 2010 pour atteindre, quant à eux, le seuil de 0,56 % du RNB. En 2010, le Royaume-Uni a ainsi remplacé la France à la deuxième place mondiale des pays pour le volume global d'aide publique au développement.

S'agissant des crédits de la mission APD, leur montant en 2012 en crédits de paiement est stable à 3,33 milliards d'euros, respectant les engagements de la programmation pluriannuelle des finances publiques. Ces crédits retracent les actions de trois ministères :

- le ministère de l'économie, dans le programme « Aide économique et financière au développement » (à hauteur de 1,19 milliard d'euros en CP dans le présent projet loi de finances) ;

- le ministère des affaires étrangères et européennes, dans le programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » (2,11 milliards d'euros en CP) ;

- et le ministère de l'intérieur, pour les actions retracées dans le programme « Migrations et développement solidaire » dont les crédits, modestes (28 millions d'euros en CP), sont de surcroît en recul de 6,7 % par rapport à 2011, ce qui soulève la question d'une vraie politique française de développement solidaire.

En ce qui concerne les autorisations d'engagement (AE) de la mission, elles baissent de 40 % en 2012 par rapport à 2011, pour s'établir à 2,7 milliards d'euros, mais les fortes évolutions observées d'une année sur l'autre ne font que refléter les calendriers de reconstitution de la contribution française aux fonds multilatéraux.

S'agissant des crédits de personnel, la correction technique du plafond d'emplois en 2012 porte sur 3 % des effectifs. Le ministère des affaires étrangères connaît-il donc précisément le nombre de ses agents travaillant dans le domaine de la coopération ?

La logique de maîtrise comptable des dépenses a parfois des effets particulièrement défavorables au rayonnement international de notre pays, ce qui est d'autant plus regrettable lorsque l'on considère le montant des sommes en jeu, dont le poids dans la réduction du déficit public est marginal. Je pense notamment aux crédits consacrés à la francophonie, qui ont été rabotés, et diminuent de 64 à 61 millions d'euros entre 2007 et 2012.

Je pense, plus encore, à la diminution drastique des contributions volontaires de notre pays aux agences des Nations-Unies : 86 millions d'euros en 2007, 71 millions en 2009, 64 millions en 2010, 49 millions en 2011, avant de remonter timidement à 51,4 millions d'euros en 2012.

Par ailleurs, une grande partie de notre APD transite par un quasi-opérateur de l'Etat, l'Agence française de développement (AFD), au conseil d'administration de laquelle j'ai l'honneur de représenter la commission des finances. A cet égard, comme les autres membres du conseil d'administration, j'ai reçu, le 7 juillet dernier, une lettre ouverte des syndicats traduisant le malaise tangible des personnels. L'AFD est engagée dans une importante opération de maîtrise de ses dépenses, ayant conduit en 2010 à une réduction de 8 % de ses frais généraux. Si cet effort doit être salué, les mesures conduites ne peuvent l'être que dans la plus étroite concertation avec le personnel et leurs organisations représentatives, ce qui n'est apparemment pas le cas au regard des tensions apparues avec la direction.

Toujours en ce qui concerne l'AFD, la préparation du contrat d'objectifs et de moyens pour les années 2011 à 2013 a pris du retard. Par ailleurs, en application de dispositions de la loi de finances initiale pour 2009 introduites à l'initiative de notre ancien collègue Michel Charasse, le résultat financier annuel de l'AFD est versé au budget général, au titre de dividende de l'Etat, en recettes non fiscales de l'exercice qui suit sa constatation. Si le résultat financier annuel de l'exercice 2008, d'un montant de 167,2 millions d'euros, correspond très exactement au dividende versé en 2009, le résultat financier annuel en 2009 - soit 242,4 millions d'euros - est supérieur au dividende versé en 2010 (220 millions d'euros), selon les informations qui ont été communiquées aux rapporteurs spéciaux. Nous interrogerons le Gouvernement en séance publique sur ce point.

De même, j'interrogerai le Gouvernement sur la suppression en 2010 d'une niche fiscale, à l'initiative de la commission des finances : il s'agissait du compte épargne co-développement qui ne concernait, selon le Gouvernement, que 31 souscripteurs. Or, le projet de loi de finances pour 2012 fait état de 625 ménages bénéficiaires. Qu'en est-il exactement ? Par ailleurs, où en est l'instruction fiscale prévue suite à la disparition de ce dispositif ?

Le compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers » retrace les opérations liées aux prêts pratiqués par l'Etat en faveur de l'aide au développement et, depuis mai 2010, dans le cadre du soutien financier européen en faveur de la Grèce.

La mission correspondante est dotée par le présent projet de loi de finances de 1,8 milliard d'euros en autorisations d'engagements et de 5,59 milliards d'euros en crédits de paiements, dont 3,89 milliards d'euros au titre du prêt accordé à l'Etat grec.

La première section du compte spécial retrace les versements et les remboursements des prêts consentis à des Etats émergents en vue de faciliter la réalisation d'infrastructures. Les projets susceptibles d'être soutenus dans ce cadre en 2011 sont détaillés dans le rapport. Force est de constater que les montants alloués, relativement faibles, traduisent l'insuffisante présence industrielle de la France dans les pays émergents.

La deuxième section porte sur les prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes des pays pauvres très endettés.

La troisième section du compte spécial retrace des prêts à l'AFD pour octroyer des prêts dans des conditions préférentielles aux pays pauvres très endettés.

Enfin, la quatrième section correspond à la mise en oeuvre, pour la deuxième année, du plan de soutien européen à la Grèce, dont le montant global représente 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement pour la France sur la période 2010-2013. Parmi les Etats membres de l'Union européenne, notre pays contribue à hauteur de 20,97 % au plan d'aide à la Grèce. Je rappelle que ces dispositions ont été adoptées dans le cadre de la loi de finances rectificative du 7 mai 2010.

On relèvera que, pour les nouvelles tranches de prêts dont bénéficie la Grèce et en ce qui concerne les appels à la solidarité européenne en faveur de l'Irlande et du Portugal, un autre instrument financier a été utilisé : le nouveau Fonds européen de stabilité financière (FESF).

Avant de céder la parole à ma collègue Fabienne Keller, je voudrais enfin dire un mot de la mission de contrôle budgétaire que j'ai effectuée en Haïti du 18 au 21 juillet 2011. Peut-être aurai-je d'ailleurs l'occasion, ultérieurement, Monsieur le Président, de présenter plus en détail cette mission. En tout cas, j'ai pu apprécier l'effort remarquable conduit sur place par l'équipe de l'AFD, après le terrible séisme qui a touché le pays, en causant près de 300 000 morts. La France a répondu présente par des promesses d'aide à hauteur de 326 millions d'euros en 2010 et 2011. Cependant, le taux d'engagement des crédits n'est pas satisfaisant puisqu'il n'atteignait que 20 % à la mi-juin 2011. Certains projets sont par ailleurs discutables dans leur choix. Ces marges de progression soulignent tout le bénéfice que l'action de la France retirerait d'une coordination accrue entre le directeur local de l'Agence et notre Ambassadeur, alors que j'ai ressenti quelques tensions.

Sous le bénéfice de ces observations, je propose que la commission des finances s'en remette à la sagesse du Sénat sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » et des comptes spéciaux « Prêts à des Etats étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Je ferai simplement quelques réflexions sur des points précis, puisque Yvon Collin a présenté dans ses grandes lignes le budget de l'aide publique au développement, à la fois en termes de chiffres et d'analyse. Je partage pleinement ses observations sur la nécessité, pour notre pays, de respecter les engagements pris au G8 à Gleneagles, afin de converger vers le niveau de 0,7 % du revenu national brut consacré à l'aide publique au développement.

Permettez-moi d'insister sur quatre thèmes.

Quelques mots tout d'abord sur les engagements en faveur de la forêt et de la lutte contre le changement climatique. Un compte d'affectation spéciale, créé l'année dernière, vise à financer des actions dans les pays en développement pour la gestion durable de la forêt et la lutte contre la déforestation : « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ». Il était prévu de couvrir son besoin de financement par la cession de « quotas carbone » qui s'échangent entre les Etats. Il s'agit des unités de « quantité attribués » (UQA) de quotas carbone. Le Gouvernement escomptait 150 millions d'euros de recettes.

Ce ne sont ni les quotas carbone des entreprises, ni les quotas que peuvent acquérir les entreprises en investissant dans les pays en voie de développement. Le marché des quotas carbone entre Etats n'est, lui, malheureusement pas liquide et il n'y a donc pas eu de vente de quotas par la France pour mettre en oeuvre les actions prévues dans le compte d'affectation spéciale : l'imagerie satellite pour les pays d'Afrique centrale, la gestion forestière durable dans la province du Kalimantan en Indonésie, ou encore la coopération régionale sur le plateau des Guyanes.

Je partage la position du ministère des affaires étrangères et européennes sur le nécessaire maintien de ce compte. Nous pourrons peut-être nous intéresser, avec notre collègue Gérard Miquel, à ce marché d'échange des quotas carbone entre les Etats, dont les prix ne peuvent pas être complètement décorrélés de ceux des marchés de quotas carbone des entreprises.

La vente des quotas carbone montre l'intérêt des financements innovants. A cet égard, la contribution de solidarité sur les billets d'avion, parfois moquée lors son annonce par le Président Jacques Chirac, offre aujourd'hui une ressource stable, notamment auprès d'Unitaid qui reçoit 90 % du produit de la taxe. Cette ressource doit nous motiver pour évoquer la taxe sur les transactions financières (TTF).

La création de cette taxe a été soutenue depuis de longs mois par Christine Lagarde et par le Président de la République. Cette question est inscrite à l'ordre du jour du G20 des jeudi 3 et vendredi 4 novembre 2011. En janvier, le Président de la République avait mandaté Bill Gates pour la réalisation d'un rapport sur le financement du développement, en explorant notamment l'idée d'une taxe sur les transactions financières. Les conclusions de ce rapport devraient être débattues lors du prochain sommet du G20. Même si je ne doute pas que la crise grecque dominera l'ordre du jour, une décision devrait être prise à ce sujet.

En juin, à l'initiative de plusieurs de nos collègues députés, l'Assemblée nationale a adopté une résolution sur l'introduction de cette taxe en Europe. Au niveau européen, la Commission a adopté une proposition en vue de la création d'une telle taxe, après un vote favorable, à une large majorité, du Parlement européen au printemps dernier. Enfin, Wolfgang Schäuble, dans une interview au Financial Times du lundi 31 octobre, a réaffirmé le soutien de l'Allemagne à un tel dispositif. Les estimations du rendement varient entre 15 et 55 milliards d'euros. La taxe devrait avoir une assiette large et un taux bas, même si des débats continuent sur le type de transactions entrant dans son champ d'application, ainsi que sur son affectation.

Je rappelle que notre collègue Yvon Collin a été l'auteur d'une proposition de loi sur la taxation de certaines transactions financières, déposée le 11 février 2010. Pour ma part, je voudrais former le voeu que nous puissions porter ensemble, majorité sénatoriale et majorité présidentielle, un amendement au projet de loi de finances qui pourrait prévoir l'instauration d'une telle taxe. Ce serait un signal fort en faveur de sa création, au lendemain du G20.

Rappelons brièvement l'intérêt de la taxe sur les transactions financières :

- elle possède une dimension morale : réguler un certain nombre d'excès, créer un frottement sur les marchés financiers et faire contribuer à la coopération et au développement le secteur financier qui est l'origine de la crise actuelle ;

- elle procède, deuxièmement, d'une nécessité budgétaire : compléter le budget européen, fournir une aide au développement et à la lutte contre le changement climatique, et réduire les déficits dans une certain proportion qui sera affectée au budget national ;

- enfin, elle résulte d'un engagement politique, celui de mettre en oeuvre un dispositif partagé par plusieurs Etats à travers le monde. Tel est l'enjeu du G20.

J'en viens aux deux derniers points de mon intervention.

Je voudrais tout d'abord évoquer la coopération décentralisée, dont les actions ont été estimées à 75 millions d'euros dans le budget 2011. On peut estimer que ce montant est très largement sous-évalué, puisque la mise à disposition de personnels, pourtant largement utilisée par les collectivités, n'est pas incluse dans son évaluation. S'agissant de la coopération entre un département et un territoire, entre deux villes, entre deux régions, on peut presque parler de coopération technique. Il est très naturel, pour les collectivités, d'échanger sur des sujets techniques, sociaux ou culturels.

Ma dernière remarque a trait aux changements politiques survenus au Maghreb, où la France a une responsabilité particulière. Le Président de la République a pris des engagements lors du sommet du G8 à Deauville en 2011 : un plan de soutien à l'Egypte et à la Tunisie a été adopté, d'un montant de 40 milliards de dollars, et il a été décidé l'extension du mandat de la BERD. C'est là aussi un axe majeur en termes d'aide au développement, et qui montre le besoin d'être plus présent. Nous pouvons ainsi regretter que la dotation de Canal France International (CFI), qui est un des supports de France 24 et a eu rôle d'information très important au moment des révolutions arabes, soit érodée dans ce budget.

Pour conclure, je me réjouis que le budget de l'APD ait été sanctuarisé, puisqu'il n'a pas subi la réduction généralement appliquée aux autres budgets de l'Etat. Cette sanctuarisation des crédits traduit l'engagement du Gouvernement à protéger l'aide au développement en période de tempête budgétaire. Je vous proposerai donc d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que ceux des comptes spéciaux « Prêts à des Etats étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».

Enfin, pour conclure, je voudrais dire également ma joie de partager ce rapport très riche avec Yvon Collin.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je souhaiterais faire deux observations. Tout d'abord, concernant la taxe sur les billets d'avions, je rappelle que la gauche l'a votée. J'ai vu dans le rapport écrit qu'elle a rapporté 707 millions d'euros depuis sa création, dont 163 millions d'euros en 2010, malgré une légère diminution l'an dernier par rapport à 2008, en raison notamment de la crise des transports aériens. C'est aux rapporteurs spéciaux de veiller à ce que le produit de la taxe soit effectivement affecté à des achats de vaccins et de médicaments.

Je voudrais ensuite parler de la taxation des transactions financières. Son principe donne lieu à un consensus entre l'Allemagne et la France, mais l'assiette, le taux et l'affectation font débat. Je trouve très optimiste de considérer qu'une partie puisse être dédiée à l'aide au développement. Dans la première version de cette taxe, telle qu'elle a été présentée il y a plus de dix ans à l'Assemblée nationale, celle-ci devait avoir un effet dissuasif sur les mouvements spéculatifs, comme la crise financière nous l'a rappelé. Mais pour beaucoup d'ONG, une telle taxe devait être consacrée au développement. Aujourd'hui, il est proposé qu'elle complète le budget de l'Union européenne, surtout au vu de la tendance à la baisse du prélèvement sur recettes au profit de l'Union, et qu'une autre partie soit affectée au budget des Etats. Je vous trouve donc optimiste, ma chère collègue, mais pourquoi pas ?

Ma deuxième question concerne l'aide aux pays émergents, désormais « émergés », comme les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). Pouvez-nous nous éclairer sur les montants d'aide publique au développement que reçoivent ces pays, alors que diverses estimations circulent dans la presse ?

M. Philippe Marini, président. - Je joins ma voix à celle de la rapporteure générale, puisque nous avons déjà formulé ce type de remarques sur le financement de l'Agence française de développement (AFD) au cours des années passées. Le bureau de la commission des finances avait effectué une mission au Brésil, et nous nous étions étonné de la participation de l'AFD sur un projet, qui était importante en valeur absolue mais minoritaire dans l'ensemble des financements. Quelle était l'utilité d'apporter un financement dans un tel cadre ? Ne s'agissait-il pas de nourrir l'activité de l'AFD dans un pays comme le Brésil, dont l'Agence ne peut pas être absente ? Peut-être nos deux rapporteurs spéciaux auraient-ils l'un et l'autre quelques éléments d'information à nous apporter, en vue éventuellement d'un contrôle sur pièces et sur place...

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Suivant la même logique, une question récurrente est l'aide à la Chine et la justification de la présence de l'AFD dans ce pays. En réalité, il n'y a pas d'aide directe dans un pays émergent sans un retour pour notre pays, cette aide prenant notamment la forme de prêts qui sont remboursés. Il est aussi souhaitable que la France, à travers l'AFD, soit présente dans ces pays, car ils constituent des relais de notre présence, et ils apportent une aide technique dans certains secteurs.

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Sur ce point, je ne peux que confirmer les explications de mon collègue. Le rapport détaille le mécanisme des prêts en fonction des pays, qui diffère entre les pays les moins avancés (PMA) et les pays émergents, dont les prêts sont les mieux remboursés.

Concernant la taxe sur les transactions financières, ce projet a plusieurs origines. Cette taxe a été imaginée à l'origine par un libéral dans les années 1970, après la fin du système de Bretton Woods, pour réguler les marchés financiers. Elle fut ensuite défendue par les ONG pour financer des projets liés à la lutte contre le changement climatique dans les pays les plus fragiles, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie. Plus récemment, au niveau européen, il est apparu que la création d'une ressource propre pourrait s'appuyer sur cet instrument, pour desserrer l'étau des perspectives budgétaires de l'Union européenne. Enfin, un principe de pragmatisme budgétaire s'applique : pour créer une nouvelle fiscalité, il vaut mieux qu'il y ait un large consensus, d'où l'idée de partager le produit de cette taxe.

Dans la durée, ce sont plutôt les ONG qui ont défendu cette idée, mais celle-ci a fini par faire école. Compte tenu de la crise économique dans laquelle nous nous trouvons, c'est maintenant que nous pouvons surmonter les barrières techniques pour la mettre en place. Le simple fait de prélever cette taxe conduira à suivre un mouvement général. Il y aura une obligation de déclarer les transactions, et nous disposerons d'un suivi sur la nature et le volume des produits financiers échangés.

Concernant la taxe sur les billets d'avion, cette ressource est affectée à 90 % au fonds Unitaid, qui est l'un des fonds de prévention pour le sida. C'est une des grandes aides structurelles de nature multilatérale. Philippe Douste-Blazy dirige avec succès ce programme, grâce notamment à cette aide qui s'inscrit dans la durée, à l'échelle d'une maladie qui agit sur le long terme, et qu'elle permet de combattre dans les pays les plus pauvres.

M. Philippe Marini, président. - Je me permets de rappeler que les matières fiscales sont traitées, dans l'Union européenne, par un vote à l'unanimité. La Grande-Bretagne, notamment, n'appliquera jamais une taxe sur les transactions financières. Nous pouvons craindre que les choses s'arrêtent au niveau du verbe.

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Je suis plus optimiste s'agissant de l'Union européenne. On peut espérer que sur un tel sujet, à l'image de la taxe sur les billets d'avions, plusieurs pays appliquent simultanément le dispositif. Ceci devrait être vrai pour l'Union européenne et les pays membres du G20. Nicolas Sarkozy essaie en effet de monter un groupe pilote, notamment avec des pays membres du G20, qui accepteraient de mettre en place cette taxe, sur des bases harmonisées.

Nous sommes en période d'innovation, et l'Union européenne n'a jamais progressé qu'en phase de crise.

M. Philippe Marini, président. - Nous pouvons donc avoir de grands espoirs !

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Nous pouvons donc espérer une action sur la fiscalité, sujet majeur de blocage en Europe, par la mise en place de ce dispositif à l'échelle européenne. Un amendement au projet de loi de finances pour 2012 présenté par nos collègues députés à l'Assemblée nationale prévoyait une coordination des dispositifs entre la France et l'Allemagne. On peut espérer que ce projet, dans ses grandes lignes, sera validé lors du sommet du G20.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Pour apporter une précision sur l'aide au développement, elle devrait s'orienter dans les années à venir vers l'agriculture. Il y a là un espoir de prospérité accrue pour plusieurs pays, notamment en Afrique. Le rapport de Bill Gates préconise un soutien majeur à l'agriculture. Il faudra s'attendre, à terme, à une réorientation des aides en ce sens.

M. Philippe Marini, président. - J'en déduis que la préconisation commune des rapporteurs spéciaux est de s'en remettre à la sagesse du Sénat. Y a-t-il des objections ?

La Commission suit cet avis.

A l'issue de ce débat, la commission décide s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits de la mission « Aide publique au développement », du compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers » et du compte d'affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».

Loi de finances pour 2012 - Mission Médias, livre et industries culturelles et compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public - Examen du rapport spécial

La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Claude Belot, rapporteur spécial, sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - Monsieur le Président, mes chers collègues, le budget des médias et de l'audiovisuel disposera en 2012 de 4,58 milliards d'euros, dont seulement 1,39 milliard d'euros de crédits purement budgétaires, puisque le reste des moyens provient de la contribution à l'audiovisuel public.

De façon générale, si l'on observe l'ensemble des contrats d'objectifs et de moyens mis en place, le budget 2012 ne fait apparaître aucune difficulté financière majeure, excepté quelques dysfonctionnements ici ou là, notamment sur l'audiovisuel extérieur.

La mission « médias, livre et industries culturelles » est constituée de quatre programmes. En ce qui concerne le programme « presse », on observe une diminution des aides cette année, qui s'explique notamment par la fin du plan triennal lancé dans le cadre des Etats généraux de la presse écrite. L'aide au portage présente de bons résultats et sera reconduite, tout comme le soutien à la modernisation de la presse. Certaines de ces aides seront regroupées, à partir de 2012, dans un fonds stratégique pour le développement de la presse.

Malgré l'importance du soutien public accordé, le secteur demeure confronté à de grandes difficultés et reste difficile à moderniser, notamment du point de vue des regroupements ou des coopérations. Tout cela n'est pas facile à mettre en oeuvre. Je citerai à cet égard la récente grève du Monde, alors que le quotidien absorbe la majorité des aides publiques à la modernisation.

En ce qui concerne l'Agence France Presse, je répète que c'est une superbe entreprise, qui honore notre pays, mais elle doit être réformée. Or, nous n'y parvenons pas pour le moment. Elle n'a pas de capital propre et elle est administrée essentiellement par ses bénéficiaires. Elle tire l'essentiel de ses bénéfices de l'étranger, où elle a une grande présence en Asie et en Amérique notamment. J'ai eu l'occasion, il y a quelques années, d'exercer un contrôle sur pièce en me rendant dans ces bureaux, qui fonctionnaient très bien. Finalement, c'est le siège parisien qui est le plus difficile à réformer, mais je fais confiance à Emmanuel Hoog, grand commis de l'Etat, pour y parvenir avec succès.

En ce qui concerne le programme 334 « Livre et industries culturelles », la dotation de la Carte musique à hauteur de 25 millions d'euros en 2011 n'a pas été reconduite en 2012, faute des résultats attendus. En effet, cet outil consistant à subventionner 50 % des téléchargements de musique effectués par les jeunes de 12 à 25 ans présente certains défauts qui doivent être résorbés. Le ministère y travaille, mais nous ne proposerons pas de nouvelle dotation tant que le mécanisme ne sera pas au point.

En outre, le premier bilan de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) apparaît contrasté : encourageant dans sa mission de protection des oeuvres, même si aucune condamnation n'a pour le moment été prononcée, et plus timide dans sa mission d'encouragement au développement de l'offre légale.

J'en viens à France Télévisions, qui reçoit une dotation importante en 2012. On a réussi à boucler un nouveau contrat d'objectifs et de moyens sur la période 2011-2015, qui semble donner satisfaction, bien que cet exercice soit difficile. Notre collègue Gilles Carrez avait proposé un amendement visant à prélever 50 millions d'euros sur les ressources de l'entreprise publique, dont les recettes publicitaires se sont avérées plus importantes que prévu en 2011. Cependant, cet amendement n'a pas été adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Le soutien aux radios associatives n'appelle pas de commentaire particulier. Le montant de 29 millions d'euros est reconduit en 2012.

En ce qui concerne l'action audiovisuelle extérieure de la France, je rappellerai que la création de France 24 et de la holding répondait à une bonne démarche. 2012 marquera la poursuite des chantiers engagés. Cependant, le nouveau contrat d'objectifs et de moyens, particulièrement attendu, n'est toujours pas signé. Je m'étonne une nouvelle fois de l'absence de disponibilité des responsables de France 24 et de l'AEF pour rencontrer la représentation nationale, contrairement aux directeurs ou présidents de la plupart des entreprises de l'audiovisuel, avec qui j'entretiens des contacts réguliers et cordiaux. Le Gouvernement lui-même semble avoir des difficultés relationnelles avec France 24.

Aujourd'hui, l'ambition que devait porter France 24, à savoir la diffusion d'une vision française dans le monde, sur le modèle de CNN, ne m'apparaît pas du tout atteinte. J'ai eu l'occasion de regarder France 24 pendant le « printemps arabe », et je dois dire que je n'ai pas décelé la plus-value de la chaîne de l'AEF par rapport à BFM TV ou LCI dans le traitement du sujet. Si la seule différence est la zone géographique de diffusion, on peut réellement s'interroger. Cette situation n'est pas satisfaisante.

La dotation globale de France Télévisions en 2012 s'élèvera à 2 598,2 millions d'euros, soit une hausse de 3,6 % par rapport à 2011. 2012 sera la première année de mise en oeuvre du nouveau COM, qui offre la visibilité nécessaire à l'entreprise pour le développement de ses activités. Celui-ci se caractérise par une trajectoire financière généreuse, puisqu'il prévoit une progression annuelle moyenne de 2,2 % des ressources publiques entre 2011 et 2015. De plus, France Télévisions conservera les recettes publicitaires réalisées au-delà de l'objectif.

L'avenir de l'audiovisuel public me semble donc correctement pris en charge.

En ce qui concerne ARTE France, la société bénéficiera d'une hausse de 7 % de ses crédits par rapport à 2011. Véronique Cayla, la nouvelle présidente, succède à Jérôme Clément, qui a été un grand patron. Sur le plan financier, il n'y a pas de problème à signaler. En revanche, on constate trois mouvements : l'érosion de l'audience en France, mais sa croissance en Allemagne, où elle était un peu faible, et la hausse de la vente de ses produits dérivés.

S'agissant de Radio France, je ne parviens pas à obtenir d'informations précises quant à l'état d'avancement du chantier de réhabilitation lancé en juillet 2009. Radio France semble rencontrer quelques difficultés dans la conduite de ce chantier en interne. De plus, les résultats d'audience du groupe sont très contrastés. Ils pâtissent notamment de problèmes techniques, qui empêchent une bonne captation du réseau dans certaines zones, et entraînent en conséquence une érosion des audiences des différentes stations.

Enfin, l'INA, notre « archiviste national », verra également ses moyens augmenter de 2,1 % en 2012. L'institut fonctionne bien et réalise un travail de numérisation colossal depuis de nombreuses années. Ce chantier avait été initié par Emmanuel Hoog. Ses ressources propres devraient croître de 3,6 % et la trésorerie est tenue.

Tel est l'état des lieux du paysage audiovisuel français, qui me semble correctement géré par ses acteurs, avec qui nous entretenons un dialogue plutôt fructueux, excepté dans certains cas tels que France 24 où notre mission de contrôle budgétaire peut s'avérer parfois difficile. Sous ces réserves, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » tels qu'ils sont proposés.

M. Philippe Marini, président. - Je propose de donner la parole dans un premier temps aux deux rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Yves Rome, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Je partage les inquiétudes de Claude Belot sur l'audiovisuel extérieur de la France, quant à son efficacité et à la discorde qui règne au sein du groupe. Il serait judicieux d'évaluer les effets du regroupement des moyens dans le cadre de la holding. Une série de désaccords internes au groupe nous ont interpelés, de même que certaines affirmations du président Alain de Pouzilhac qui demande une hausse des moyens pour équilibrer un budget qui ne progresse pas à la hauteur de ARTE. L'idée initiale de créer un CNN à la française a du mal à prendre forme, dans la mesure où le contrat d'objectifs et de moyens n'est pas encore signé. Cela suscite des inquiétudes. Nous poursuivons nos auditions en tant que rapporteurs pour avis, et nous rencontrerons bientôt Mme Saragosse, la directrice de TV 5 Monde.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Je partage les inquiétudes de mes collègues sur le développement de l'AEF, et particulièrement de TV 5 Monde, qui redoute qu'on lui refuse des crédits au profit de France 24.

Je voudrais par ailleurs vous faire part d'une préoccupation que j'ai exprimée à Alain de Pouzilhac, qui concerne la chaîne France 24 en anglais. C'est une problématique plus politique que budgétaire. On nous a dit que cette chaîne devait absolument exprimer un regard français sur l'actualité, mais je ne le perçois pas. J'ai eu l'occasion récemment d'aller en Finlande, où la chaîne est diffusée en anglais, et j'en ai profité pour regarder et comparer ce que l'on pouvait trouver sur France 24 en anglais par rapport à d'autres chaînes. Or, je n'ai absolument pas perçu ce regard français : quand elle traite l'opération en Lybie ou la crise européenne sans citer l'action de la France, cela me paraît un vrai problème.

J'avais suggéré à Alain de Pouzilhac l'introduction de sous-titrages pour France 24 en anglais. En effet, il n'y a plus d'offre en français dans la plupart des pays européens, sauf exception, ce qui n'est pas normal. Cette situation me gêne beaucoup et j'aimerais que nous puissions avoir des informations plus importantes concernant la diffusion de France 24 en anglais, notamment quel serait le coût d'un sous-titrage. Je préfèrerais néanmoins avoir France 24 en français partout avec un sous-titrage anglais, car je me refuse à assister à la disparition de la langue française.

M. Philippe Marini, président. - La plupart du temps, vous regardez France 24 à l'hôtel, lorsque vous êtes en mission à l'étranger. Le choix d'une diffusion en anglais ou en français est une décision qui relève des gestionnaires de ces hôtels. Or, la plupart du temps, ils estiment que leurs clients préfèrent l'anglais.

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - C'est un peu plus complexe. En réalité, il y a des droits d'entrée dans les bouquets de diffusion. Un groupe hôtelier achète ainsi un bouquet satellitaire dans un pays. Or, pour faire partie d'un tel bouquet, les chaînes doivent payer très cher, et ont parfois du mal à le faire. Les crédits de France 24 et de TV 5 Monde servent ainsi en partie à payer le droit d'être diffusé par des opérateurs locaux de satellites à l'étranger.

Le contenu de France 24 n'est clairement pas satisfaisant, et le sous-titrage est nécessaire et doit pouvoir être financé. Enfin, je réitère mon mécontentement à l'encontre de la direction de France 24, qui est inaccessible et ne tient aucunement compte de nos observations.

M. Philippe Marini, président. - Pour exprimer son courroux, rien de tel qu'un amendement de réduction des crédits...

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - Je songe de plus en plus à être désagréable ...

M. Vincent Delahaye. - Ce budget me paraît surréaliste et totalement déconnecté des préoccupations actuelles liées à l'endettement et aux déficits publics. Je pense clairement que l'audiovisuel n'est pas une priorité, qu'il coûte très cher, et qu'à ce titre, on devrait faire un effort sur ce secteur et récupérer des crédits.

De plus, je m'étonne de la hausse des dotations malgré la baisse des audiences. Il serait utile à cet égard de disposer d'un tableau permettant de comparer l'évolution des audiences et des aides attribuées. Il faut pouvoir contrôler la réalisation des objectifs. En tout cas, je me prononce pour un gel, voire une réduction de crédits sur ce budget et, au-delà, il ne me paraîtrait pas absurde de revenir sur certaines décisions telle que la création de France 24, que l'on pourrait supprimer dans le contexte actuel. On nous dit qu'on ne peut toucher à rien, mais il faudra bien trouver des marges de manoeuvre !

De même, sur les aides à la presse, dont j'ignorais l'ampleur, il serait certainement très instructif d'évaluer le coût de la subvention publique par lecteur.

La Carte musique est un échec. Elle devait toucher 1 million de jeunes, mais elle n'en a attiré que 50 000.

Enfin, d'après la commission des finances de l'Assemblée nationale, France Télévisions aurait réalisé un surplus de recettes publicitaires de 150 millions d'euros cette année. Il faudrait récupérer ces crédits supplémentaires au profit du budget général.

M. Philippe Marini, président. - Les propos de notre collègue vont dans le sens de ce que je préconise depuis plusieurs années. Il va falloir s'interroger sur la mise en oeuvre des contrats d'objectifs et de moyens. Car si l'on est ficelé de toute part par des engagements pluriannuels, où trouvera-t-on 6 à 8 milliards d'euros supplémentaires, voire plus ? A titre personnel, je me demande s'il ne serait pas raisonnable de considérer que l'Etat a pris des engagements dans un contexte économique particulier qui a évolué, et qu'il a en conséquence le devoir de ne pas respecter sa parole budgétaire, au vu du retournement de la conjoncture.

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - En France, il n'y a pas aujourd'hui de majorité pour supprimer la télévision publique. Il me semble qu'il y a une constance, quels que soient les gouvernements, dans la volonté de soutenir un audiovisuel public de qualité susceptible de faire contrepoids aux puissants groupes privés du secteur. L'audiovisuel public sait trouver son public. La taxe sur la publicité est fonction de l'audimat constaté et la prévision budgétaire annuelle repose en partie sur les prévisions d'audience. Si les recettes publicitaires sont supérieures aux prévisions, c'est bien que les audiences sont bonnes et cela démontre le succès et le travail accompli par France Télévisions ! Si l'on capte le profit des entreprises, elles n'auront plus aucun intérêt à en faire.

Je suis pour les économies mais, lorsqu'on regarde les crédits purement budgétaires dédiés à l'audiovisuel, ils ne s'élèvent qu'à 1,39 milliard d'euros, ce qui n'est pas indécent. En ce qui concerne l'augmentation de la contribution à l'audiovisuel public, nous avions décidé au Sénat de l'indexer sur l'inflation, plutôt que d'avoir un débat annuel sur son montant. Si vous voyez des endroits où effectuer des coupes sombres, signalez-moi, car je les cherche !

M. Vincent Delahaye. - Les petits ruisseaux font les grandes rivières : les économies, il faut les chercher partout. Je prends l'exemple de l'INA et de son important plan de numérisation. On pourrait peut-être étaler davantage les efforts dans le temps ?

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - En ce qui concerne l'INA, il y a une raison technique. J'ai effectué il y a quelques années un contrôle sur place. Toute la mémoire audiovisuelle française était en argentique et risquait de se perdre. Si l'on n'avait pas opéré une numérisation en urgence, sur cinq ou dix ans plutôt que sur cinquante ans, on aurait tout perdu. Il y avait véritablement urgence à numériser tout ce patrimoine. Renoncer à la fonction de mémoire de l'INA aurait été criminel.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. - Il est très important d'avoir une voix de la France à l'étranger, dans un monde de plus en plus interdépendant, et supprimer toute subvention à l'audiovisuel extérieur ne me paraîtrait pas convenable. Je crois ainsi que France 24 en arabe joue un rôle incomparable et indispensable pour la diffusion de nos idées.

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - Cela ne me choquerait pas que l'on insiste sur tous ces points en séance publique. Il faut avoir ce débat.

M. Yvon Collin. - En ce qui concerne les aides à la presse, qui sont très importantes, sont-elles systématiques ou conditionnées ?

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - Pour l'aide au portage, c'est de l'arithmétique fondée sur des prévisions en fonction des déclarations des entreprises, mais il n'y a pas de vérification.

M. Philippe Marini, président. - Nous disposons de nombreux éléments d'information dans la note de présentation. Je relève en particulier ce que dit M. Belot sur la concentration des aides directes au profit d'un nombre réduit de bénéficiaires. Ce débat mériterait d'être repris, mais, pour avoir été l'auteur de nombreux amendements sur ces sujets, je ne recommanderai pas forcément de recommencer. Passons au vote.

M. François Marc. - Je souhaiterais exprimer l'explication du vote du groupe socialiste. Nous apprécions beaucoup l'investissement de notre collègue Claude Belot sur ce dossier. Il nous a dit tout à l'heure qu'il y a bien des aspects politiques, mais j'imagine que nos collègues des commissions pour avis s'exprimeront en séance publique. Sur les aspects purement budgétaires, nous avons a eu un éclairage satisfaisant. Nous nous abstenons pour permettre un débat en séance sur les aspects plus politiques du dossier.

M. Philippe Marini, président. - Je relève le vote contre de M. Delahaye, les six abstentions du groupe socialiste et les trois votes favorables du groupe UMP.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

Jeudi 3 novembre 2011

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Loi de finances pour 2012 - Mission Administration générale et territoriale de l'Etat - Examen du rapport spécial

Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - La mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » s'appuiera, en 2012, sur une enveloppe de 2,739 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours), en progression de 11,8 % par rapport à 2011. Cette progression ne doit toutefois pas faire illusion : elle résulte surtout de transferts et de changements de périmètres ainsi que des crédits nécessaires à l'organisation du cycle électoral particulièrement chargé de l'année prochaine.

Hors compte d'affectation spéciale « Pensions », la mission enregistre un dépassement du plafond de crédits de paiement arrêté par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 : de 16 millions d'euros à périmètre constant et de 25 millions d'euros une fois intégrés les changements de périmètre et les transferts.

La déclinaison de la RGPP se poursuit - rationalisation du processus de délivrance des titres d'identité ; création du nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV) ; recentrage du contrôle de légalité ; mutualisation des fonctions support - et se traduira par la disparition de 529 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), dont 475 concernent le seul programme « Administration territoriale », soit les préfectures, qui perdront 150 ETPT sur les permis de conduire, 179 ETPT sur le contrôle de légalité et 50 ETPT sur les cartes nationales d'identité et les passeports.

Je regrette, au vu de cette prochaine vague de suppressions d'emplois, que mes précédentes mises en garde n'aient pas été entendues. Une nouvelle fois, les emplois disparaissent avant que les gains de productivité ne soient confirmés dans les faits. Les précédents exercices ont pourtant démontré les dégâts causés par de telles décisions, en particulier pour les activités de guichet des préfectures - passeports et SIV. Au Sénat, les travaux de la mission commune d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia ont, par ailleurs, mis en évidence le risque d'insécurité juridique très lourd pesant sur les maires, lorsque le contrôle de légalité fait défaut.

Le risque, bien réel, est celui d'une dégradation sérieuse du niveau de qualité des services publics en préfecture.

Sur le programme « Administration territoriale » et de son opérateur l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), cheville ouvrière de tous les nouveaux programmes de titres d'identité sécurisés, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel visant à prélever 41,8 millions d'euros sur le budget de l'Agence. Disposition qui semble fondée, au vu de l'importance du fond de roulement de l'ANTS, qui avoisine les 100 millions d'euros. Mais comment une structure dont la création ne remonte qu'à 2007 a-t-elle bien pu créer un fonds de roulement qui représente 48,7 % de son budget pour 2011 ? Là est la vraie question, et il y a lieu de s'inquiéter de la sincérité des comptes présentés à la représentation nationale : ni les projets annuels de performances, ni les rapports annuels de performances, ni les réponses aux questionnaires budgétaires adressés au ministère en application de la LOLF, ni les auditions du responsable du programme « Administration territoriale » n'ont, au cours des exercices précédents, permis de détecter cet accroissement très conséquent du fond de roulement.

Le cycle électoral induit une forte augmentation de l'enveloppe du programme « Vie politique, cultuelle et associative », qui fait un bond de 131,6 % avec 428 millions d'euros de crédits de paiement. L'année 2012 sera, en effet, marquée par l'organisation des élections présidentielle et législatives, pour un coût prévisionnel évalué, respectivement, à 217,3 millions d'euros et 122,3 millions d'euros, soit un coût moyen par électeur de 4,96 euros et de 3,85 euros. L'élection sénatoriale, en regard, paraît extrêmement « bon marché » : 13 centimes d'euro par électeur...

M. Philippe Marini, président. - C'est aussi la seule qui n'exige pas un compte de campagne.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - J'ose espérer qu'il n'en fera pas augmenter le coût...

Les crédits de paiement du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » s'élèvent à 651,7 millions d'euros, en augmentation de 6,6 %. Si les effectifs de ce programme progressent de 71 ETPT pour se fixer à 5 170 ETPT, cela résulte essentiellement de transferts d'emplois en provenance d'autres programmes. A périmètre constant, les effectifs prévus pour 2012 baissent de 61 ETPT.

Pour 2011, les dépenses liées au contentieux devraient atteindre 123 millions d'euros. Comme chaque année, malheureusement, on peut s'inquiéter du respect de l'autorisation budgétaire accordée pour cette action et de la sous-évaluation de ce poste de dépense pour l'exercice à venir - 82 millions d'euros, soit une baisse de 1,2 % par rapport à la dotation initiale pour 2011.

S'agissant du contentieux de la gestion des cartes nationales d'identité et des passeports par les communes, 509 requêtes étaient en cours, au 1er septembre 2011, pour un montant total de 138,2 millions d'euros en demandes indemnitaires. Il serait bon de saisir l'occasion du prochain passage à la carte nationale d'identité électronique pour remettre à plat les relations entre l'Etat et les communes concernant la délivrance des titres d'identité.

En conclusion, et eu égard aux réserves que je viens de vous exprimer, je propose à la commission de rejeter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

M. Philippe Marini, président. - Faut-il conclure de vos propos sur l'ANTS que vous souhaitez engager un contrôle ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Il faudrait du moins éclaircir la manière dont est abondé le fond de roulement, ce que n'ont pas permis nos recherches, pourtant assez fouillées. Et sur les motifs qui ont conduit à cet abondement. S'il s'agissait de constituer une provision, encore eût-il fallu le dire.

Nous avions travaillé avec l'Agence sur la mise en route pratique de la délivrance des titres : choix des communes, mise en place des stations, savoir-faire des employés. L'action du Sénat avait été bénéfique. Je regrette d'autant plus le manque de sincérité qui affleure ici.

M. Philippe Marini, président. - Cette question des réserves dormantes est, de fait, un effet pervers du système des opérateurs. Le débat sera l'occasion d'interroger le ministre.

M. Joël Bourdin. - Vous relevez, dans votre rapport, que le droit de timbre imposé aux demandeurs, dont le produit revient à l'ANTS, est supérieur au coût de revient du passeport biométrique. Pouvez-vous apporter quelques précisions ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Le ministère des finances nous avait indiqué que le prix du droit de timbre tenait aux frais de fabrication du passeport. La Cour des comptes, à laquelle nous avions demandé de mener une mission complémentaire, avait donné une évaluation divergente du juste coût... Le prix du timbre fiscal est très largement supérieur au coût de fabrication : les communes transfèrent les demandes aux préfectures, qui les renvoient à l'ANTS pour validation, laquelle transmet à l'Imprimerie nationale, qui fabrique, à la suite de quoi le passeport est renvoyé aux communes qui le délivrent sur vérification d'empreintes. Je rappelle que je m'étais interrogée sur la question de la conservation des empreintes, et que le Conseil d'État a jugé, il y a quelques jours, qu'il n'était pas concevable de conserver huit empreintes quand seules deux sont nécessaires.

M. Vincent Delahaye. - Je m'interroge sur le coût respectif de la présidentielle et des législatives : 217 millions d'euros d'un côté, 122 millions d'euros de l'autre ; pourquoi un tel écart ? Même chose pour le remboursement des frais d'impression de la propagande : 43 millions d'euros d'un côté, 12 millions d'euros de l'autre. J'observe, de surcroît, que notre système est assez généreux. Le moment ne serait-il pas bien choisi de proposer quelques économies ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Les hypothèses ayant conduit à ces estimations sont fondées sur le déroulement des précédentes élections.

M. Vincent Delahaye. - Mais l'électorat, la superficie sont les mêmes dans le cas des législatives et de la présidentielle : comment expliquer la différence ? Même chose pour les frais de propagande : ce sont les affiches officielles des candidats qui sont, dans l'un et l'autre cas, remboursées.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Nous pourrions y travailler. Ce serait l'occasion d'évaluer la manière dont sont prises en compte les dépenses.

M. Philippe Marini, président. - Sur une prévision de combien de candidats le calcul est-il établi ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Ce sont les hypothèses du scénario de 2007 qui ont été reprises.

M. Jean Germain. - J'observe que la retenue pour non respect des règles de la parité s'élève, pour l'UMP, à 4,13 millions d'euros.

Mme Michèle André, rapporteur spécial. - Vous évoquez là un sujet douloureux pour la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes que j'ai longtemps été. La femme auvergnate qui est en moi m'avait poussée à me pencher sur ces chiffres, et je n'avais depuis de cesse d'attirer l'attention sur le fait que les partis sanctionnés ne semblaient nullement gênés par le manque à gagner.

M. François Marc. - Votre rapport est explicite sur la dégradation de la situation dans les préfectures, touchées dans leurs fonctions comme dans leurs services. Les moyens manquent à tel point pour assurer le contrôle de légalité que bien des actes passent au travers des mailles.

A constater que 32 partis et groupements bénéficient de l'aide publique, 22 pour la seconde fraction, on est en droit de se poser des questions sur le soutien apporté aux micropartis, difficiles à identifier. L'opinion publique s'interroge sur les modalités et la justification de ces aides, assorties, qui plus est, d'avantages fiscaux qui avaient fait tiquer la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Disposez-vous d'éléments d'information complémentaires sur ce dispositif, et envisagez-vous d'approfondir vos réflexions ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - La liste des formations concernées est publiée en décembre de chaque année. Figure donc dans mon rapport celle de 2010. J'y ai fait des découvertes. J'avoue que j'ignorais tout d'une formation comme Le Trèfle...

Il sera bon, en effet, de nous y pencher de plus près, car il serait dommageable de voir fleurir trop d'élucubrations autour d'une vie politique qui souffre déjà du discrédit qui s'attache aux élus, accusés de tous les maux.

Vous m'interrogez, enfin, sur le contrôle de légalité. Je dénonce pour la deuxième fois les suppressions de postes. Tous les préfets disent qu'ils sont « à l'os ». Une pause eût été bienvenue. Un contrôle de légalité qui laisse à désirer, c'est l'insécurité juridique pour les élus.

M. Philippe Marini, président. - Nous connaissons tous les services préfectoraux de nos départements. Au regard de la qualité des cadres de jadis, beaucoup plus polyvalents, on a le sentiment que, même à effectifs identiques, les services ont perdu en mémoire, en expertise, en capacité de négociation. Partagez-vous cette analyse ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - L'un et l'autre problème se posent. Quand on voit à quoi se réduit le nombre de cadres de catégorie A dans les sous-préfectures - parfois à rien - on ne peut s'étonner que les missions de conseil en souffrent.

La question se pose de l'organisation administrative. Si les capacités comptent, le nombre compte aussi. D'autant que seuls 20 % des actes sont dématérialisés. Il faut une présence sur place, et je comprends mal que tant de sous-préfets s'en aillent chaque matin travailler à la préfecture, pour ne revenir que le soir.

En ce qui concerne le contrôle de légalité, je m'interroge : qui donne les consignes ? Est-ce le ministère ? Est-ce le préfet ? Le fait est qu'à part les marchés publics importants et les actes d'urbanisme, beaucoup d'actes passent au travers.

M. François Patriat. - Vous avez dit le sentiment d'abandon qui prévaut là où la RGPP est passée. Le rapport de Legge avait déjà donné l'occasion de souligner la contradiction entre l'affirmation du bien-fondé de la réforme et les difficultés que suscite sa mise en oeuvre. Compte tenu de l'état des effectifs, quelles missions pourraient être, selon vous, abandonnées et lesquelles pourraient être transférées sans dommage aux collectivités ?

M. Richard Yung. - Le réseau consulaire, qui délivre 250 000 à 300 000 passeports biométriques par an, connaît les difficultés qui ont été évoquées. La charge est d'autant plus lourde que se pose la question du transfert des documents. Quant au contrôle de légalité, s'il ne pose pas encore de difficultés, nous avons atteint la limite.

Nous avions abordé la question des micropartis lors des débats sur le projet de loi relatif à la transparence financière ; on sait pertinemment qu'une quarantaine de formations ne sont pas autre chose que des rabatteuses créées au profit de telle ou telle personnalité. Le Sénat ferait bien de travailler à mettre fin à ces errements qui n'honorent pas la démocratie.

M. Yannick Botrel. - Les maires se plaignent de l'insuffisance de la contrepartie financière attachée à la délivrance des titres d'identité. Avez-vous été saisie de telles réclamations ?

M. Philippe Marini, président. - J'observe que Mme André ne nous a pas parlé, cette année, des photographes.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Le Conseil d'État a jugé que, dès lors que les photographies sont destinées à un usage précis, elles pouvaient être faites dans les mairies. Dont acte.

Quelles missions pourraient être reprises par les collectivités, me demande M. Patriat. Pour les cartes grises, on a vu que la création d'un réseau de garagistes agréés n'a pas été sans poser quelques difficultés. On a parlé d'élargir le dispositif aux véhicules d'occasion, mais il faut savoir que les garagistes font payer, jusqu'à 150 euros. Et puis, le ministère a dû, pour prévenir le trafic de véhicules, embaucher des contrôleurs pour vérifier les bonnes pratiques. Comme quoi il ne serait peut-être pas mauvais, en effet, que l'État reprenne langue avec les collectivités, mais en confiance, sans se poser en donneur d'ordres et prétendre les ravaler au rang d'exécutantes.

La contrepartie financière à la délivrance de titres, monsieur Botrel ? Nous avons obtenu le forfait de 5 000 euros, mais le problème tient beaucoup au fait que certaines mairies font énormément de titres, d'autres très peu. Et il est vrai que les maires des grandes communes centres ont sans nul doute eu la main un peu forcée. Le premier contentieux est venu de l'absence de dédommagement. Quand viendra la carte d'identité électronique, par définition en plus grand nombre que les passeports, il y aura surcharge. Pour l'heure, en tout état de cause, le ministère n'est pas prêt. Sans compter que l'on peut s'interroger sur la pertinence du biométrique pour un document qui n'est pas fait pour le voyage international, comme sur le problème de la puce commerciale, sur laquelle la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) se pose des questions. D'où l'intérêt de notre présence en séance cet après-midi pour le débat sur la carte d'identité électronique.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Loi de finances pour 2012 - Mission Action extérieure de l'Etat - Examen du rapport spécial

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Richard Yung et Roland du Luart, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'Etat ».

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Pour cette première présentation conjointe, puisque la charge de rapporteur spécial était jusqu'à présent confiée à notre ancien collègue, Adrien Gouteyron, nous avons choisi de ne rien scinder, pour assumer chacun la tâche de co-rapporteur de l'ensemble.

La mission « Action extérieure de l'Etat » rassemble les moyens du ministère des affaires étrangères, hormis ceux dévolus à l'aide publique au développement : il s'agit donc de la diplomatie générale et du réseau des ambassades, soit le programme 105, que Roland du Luart évoquera plus précisément, de la diplomatie culturelle et « d'influence », avec le programme 185 et de l'action du réseau consulaire ou en faveur des Français à l'étranger avec le programme 151. A quoi s'ajoute, ponctuellement, le petit programme 332, appelé à s'éteindre en 2012 puisqu'il porte, hors dépenses de sécurité, les crédits destinés à financer la présidence française du G 20 et du G 8.

Au total, cette mission regroupe un peu moins de 3 milliards d'euros de crédits de paiement. Le plafond des emplois rattachés aux programmes de la mission s'élève à 12 644 équivalent temps plein travaillés (ETPT), mais au vu du fonctionnement concret des services, il est plus pertinent de s'intéresser à l'ensemble du personnel du ministère : à ce niveau, le plafond d'emplois demandés en 2012 s'élève à 15 024 ETPT, soit une diminution de 94 ETPT hors transferts par rapport à 2011.

Le Quai d'Orsay s'est lancé, avant même que ne débute la révision générale des politiques publiques (RGPP) - et l'on peut d'ailleurs se demander s'il a bien fait -, dans une réforme de ses structures qui s'est traduite par une réorganisation de l'administration centrale, la redéfinition des ambassades en trois catégories à formats et missions distincts  et l'évolution de la carte du réseau consulaire, marquée par une réorientation de l'Europe vers les pays émergents, Asie et Amérique latine notamment.

Cette démarche s'est traduite, depuis 2006, par la suppression de quelque 1 400 emplois au sein du ministère. A l'issue de la réforme en cours du réseau culturel, il faudra considérer que le processus a atteint sa limite. Au-delà, de grandes difficultés surgiraient, en même temps que se poserait la question de l'universalité du réseau. A vrai dire, celle-ci se pose dès à présent : avons-nous par exemple les moyens de maintenir une ambassade au Timor Oriental, quand notre partenaire portugais y assure une présence forte ?

J'en viens au programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », qui regroupe 758,7 millions, soit un gros quart des crédits de paiement de la mission, en diminution, à périmètre constant, de 0,3 % par rapport à 2011.

La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) n'évolue quasiment pas, à 422,5 millions d'euros. Or, l'Agence doit supporter une charge pour pensions civiles en augmentation de 8 millions. Certes, elle a mis en place une sorte d'impôt extraordinaire pour y faire face, les établissements devant reverser 6 % des frais d'écolage. Mais, du coup, l'augmentation de ces frais ne viendra pas financer l'ajustement de l'indemnité spécifique de vie locale (ISVL), qui égalise les conditions de ressources d'un pays à l'autre, et les besoins d'investissements immobiliers de l'AEFE. Les emprunts auxquels recourait jusqu'à présent l'Agence pour faire face à ces derniers besoins lui étant dorénavant interdits, se met en place, pour 2012, un mécanisme d'avance auprès du Trésor. Mais quid de sa pérennité ? Et son niveau sera-t-il suffisant pour faire face à la demande - très forte, puisque les effectifs pourraient progresser de 6 % à 8 % chaque année si nous étions en mesure de les accueillir et de répondre ainsi à un fort enjeu de notre diplomatie culturelle.

Ensuite, la nouvelle agence culturelle, l'Institut français, se met en place. Son président, Xavier Darcos, devrait recevoir sa lettre de mission d'ici à la fin de l'année. L'expérimentation dans douze pays du rattachement direct à l'Institut du réseau culturel français commence à être mise en oeuvre. Et la fusion des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des établissements à autonomie financière (EAF) se poursuit.

Les choses semblent, en revanche, plus difficiles pour la mise en place de Campus France, l'agence dédiée à la gestion des programmes de mobilité internationale de l'Etat et à l'accueil des étudiants étrangers en France. Les craintes exprimées l'an dernier par Yvon Collin et Adrien Gouteyron restent d'actualité. La mise en place de l'agence se heurte à la résistance du ministère de tutelle du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS), qui refuse de transférer les ETP correspondants. Le ministre devra nous indiquer clairement, en séance, comment va évoluer ce dossier dans les prochaines semaines.

J'en viens au programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », dont les crédits s'élèvent à 368,5 millions d'euros, soit une progression de 4,9 % à périmètre constant, sachant que 10,3 millions sont inscrits au titre des prochaines élections législatives, dont 8 viennent du ministère de l'Intérieur.

Un mot, enfin, sur la Caisse des Français de l'étranger. La loi de modernisation sociale a prévu un mécanisme d'aide à cotisation en faveur des plus démunis. Or, L'État ne prend plus en charge qu'un cinquième du coût induit, soit 500 000 euros, les 2 millions restant demeurant à la charge de la Caisse. Manquant d'éléments quant à la capacité financière de la CFE de faire face à cette dépense, j'entends interroger le Gouvernement, en séance, sur ce point.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Je voudrais tout d'abord indiquer que je partage les observations de Richard Yung, sauf sur l'amendement qu'il présentera tout à l'heure sur la prise en charge des frais de scolarité.

Je ne m'attarderai pas sur le programme 332 « Présidence française du G 20 et du G 8 », qui ne porte plus aucune autorisation d'engagement et seulement 20 millions d'euros de crédits de paiement en 2012 afin de solder les dépenses non effectuées en 2011. C'est donc la loi de règlement du budget 2011 qui constituera, pour ce programme, le dernier rendez-vous à enjeu.

En revanche, le programme « Action de la France en Europe et dans le monde », qui finance une grande partie de l'administration centrale du Quai d'Orsay ainsi que le réseau des ambassades, appelle plusieurs observations.

Il regroupe 1 786 millions d'autorisations d'engagement et 1 788 millions de crédits de paiement, soit un peu plus de 60 % de l'ensemble des crédits de paiement de la mission. A périmètre constant, les crédits du programme diminuent de 0,8 % en autorisations d'engagement et de 1,3 % en crédits de paiement par rapport à 2011.

Ce budget reste serré. Richard Yung a évoqué la RGPP en matière d'organisation et d'évolution des emplois. J'ajouterai que les dépenses de fonctionnement sont globalement bien tenues, même s'il convient de distinguer entre celles qui ne peuvent être réellement maîtrisées par le ministère, comme, par exemple, les crédits du centre de crise, fixés pour trois ans à un plancher de 2,1 millions par an mais qui, en cas de nécessité, peuvent être complétés grâce à la fongibilité ; celles qui ont atteint leur étiage, telles que les dépenses de protocole, qu'il serait très difficile de faire descendre en dessous de 7 millions ; celles, enfin, qui offrent encore une marge de manoeuvre - moins 15 % sur les crédits de communication depuis 2010, moins 8 % sur l'informatique, moins 10 % sur les frais de représentation en France et moins 15 % pour ces mêmes frais à l'étranger.

Restent deux points essentiels. En premier lieu, pour la contribution de la France aux organisations internationales, et plus précisément aux opérations de maintien de la paix, les crédits demandés sont en diminution de 66,4 millions par rapport à 2011, soit un recul de 14,3 %. On ne peut que se réjouir d'une telle évolution, qui rend au ministère une petite marge de manoeuvre sur certaines lignes particulièrement tendues, à la stricte condition que ces prévisions soient sincères. On se souvient de la lutte menée par Adrien Gouteyron contre la sous-estimation systématique de ces crédits, dont il avait souligné, en avril dernier, que de 2006 à 2010, ils avaient augmenté d'environ 10 % par an.

Néanmoins, la diminution aujourd'hui prévue s'explique par un élément tangible, la fin du mandat de la Minurcat, la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad, qui devrait entraîner une baisse du montant des crédits globaux des opérations de maintien de la paix. Elle s'explique aussi par l'évolution du taux de change retenu, à 1,40 dollar pour un euro, au lieu de 1,35 en 2011.

Je prends acte de ces explications tout en relevant que, dans un monde où de nombreux conflits perdurent, cette diminution est un pari. Espérons qu'il sera remporté.

J'en viens à la politique immobilière du ministère. Le projet de « foncière » portant les immeubles de l'État localisés à l'étranger a été abandonné par le Conseil de modernisation des politiques publiques au profit d'une expérimentation avec la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) sur trois projets de rationalisation des implantations de l'État à Madrid, Séoul et Abou Dhabi.

Depuis 2010, la mission ne portait plus aucune dotation au titre du gros entretien, les crédits provenant du compte d'affectation spéciale « Contribution aux dépenses immobilières », alimenté par des produits de cession. Ce mode de financement aléatoire ne permet pas une programmation pluriannuelle des travaux. Il était donc tout à fait opportun de recréer une ligne de 5 millions dédiée à ces travaux.

En outre, il ne faudrait pas que le financement par le produit de cessions conduise les postes à céder à tout prix un patrimoine qu'il serait plus raisonnable de conserver. Ainsi, la vente du logement du ministre conseiller à Brasilia n'aurait pas profité à l'Etat en raison de la forte augmentation des loyers sur place. Heureusement, le projet de cession est ajourné. Je m'interroge aussi sur d'autres exemples, comme la résidence consulaire de San Francisco.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Très recherchée !

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - De manière générale, vendons-nous toujours à bon escient ? La nécessité de financer les travaux de gros entretien par les cessions conduit-elle à mener certaines opérations déraisonnables ? Nous en parlerons avec le ministre en séance publique. Citons encore la vente du consulat général à Hong Kong, une « pépite » qui a rapporté 52 millions d'euros...

À l'issue de cet examen, et sous le bénéfice de ces observations, je recommande à la commission d'adopter les crédits de la mission.

M. Aymeri de Montesquiou. - Les étudiants étrangers se tournent de plus en plus vers les universités anglo-saxonnes ou allemandes. Est-ce dû au faible montant des bourses que nous leur accordons ?

La prise en charge des frais de scolarité des Français de l'étranger n'est-elle pas au-dessus de nos moyens ?

Pourquoi ne supprime-t-on pas les consulats dans les pays de l'Union européenne ? Ce serait une source d'économie, et obéirait à une logique politique.

La France possède le deuxième réseau diplomatique du monde ; n'est-ce pas disproportionné ? Ne faudrait-il pas plutôt privilégier des ambassades régionales et européennes ?

M. Joël Bourdin. - Le rapport insiste sur la nécessité de procéder avec discernement en matière immobilière. Plutôt que de chercher à vendre systématiquement notre patrimoine à l'étranger, ne vaudrait-il pas mieux le moderniser ?

Notre réseau d'enseignement relève de la diplomatie d'influence. Les Français de l'étranger tiennent à ce que leurs enfants bénéficient d'un système éducatif de qualité. Or si certains établissements sont très performants, d'autres le sont moins, notamment quand on s'éloigne des grandes agglomérations. Ne pourrait-on s'appuyer sur la plus grande école de France, le Centre national d'enseignement à distance (CNED), en prévoyant un simple encadrement des élèves sur place ? Cela serait source d'économies.

Enfin, une question sans doute naïve : qu'est-ce qu'un « consulat d'influence », et en quoi se différencie-il d'un consulat général ?

- Présidence de M. Yvon Collin, vice-président -

M. Jean-Paul Emorine. - Dispose-t-on d'éléments permettant de comparer notre représentation diplomatique avec celle de l'Allemagne et du Royaume-Uni ? En tant que président de commission, j'ai rencontré beaucoup d'ambassadeurs et de consuls ; je sais que le nombre n'est pas nécessairement synonyme de qualité. Une comparaison avec nos voisins serait instructive.

M. Georges Patient. - La France a 750 kilomètres de frontières avec le Brésil, 400 kilomètres avec le Surinam. Difficile pour la Guyane de faire face aux problèmes que pose ce voisinage. L'État compte-t-il renforcer ses moyens dans ce territoire, petit mais convoité, confronté à une forte immigration illégale, et surtout aux ravages de l'orpaillage ? Autre problème : si les Guyanais n'ont pas besoin de visa pour se rendre au Brésil, le visa est en revanche obligatoire pour l'entrée des ressortissants brésiliens en Guyane. Les grands accords franco-brésiliens semblent avoir occulté la donne. M. du Luart, qui m'a accompagné en Guyane, connaît les enjeux !

M. André Ferrand. - Je partage les conclusions du rapport, malgré quelques approximations : si une majeure partie du réseau d'enseignement français à l'étranger est bien contrôlé par l'AEFE, il ne faut pas oublier les autres établissements homologués, à commencer par la Mission laïque française, qui aurait mérité d'être citée. Idem pour l'Alliance française, par égard pour le travail qu'elle réalise aux côtés de l'Institut français. Ces deux institutions doivent travailler en synergie, non en concurrence.

Il faut accélérer la mise en place de Campus France, qui a trop tardé.

Si le financement du réseau de l'AEFE est assuré pour 2012 grâce aux 12 millions de France Trésor, la réflexion est en cours pour 2013. Une idée serait de créer un fonds, de 50 millions d'euros, destiné à financer le développement immobilier de l'AEFE.

D'autre part, je crois, comme Roland du Luart, que nous risquons de céder des biens immobiliers qu'il serait préférable de conserver. Par exemple, à Sydney, le consul général n'a plus qu'un appartement en ville. Son important travail de représentation aurait pourtant justifié que l'on conserve l'une des deux villas, d'ailleurs remarquables...

Pour répondre par avance à l'interrogation « naïve » de Joël Bourdin sur les consulats d'influence, je crois qu'il faut accélérer l'évolution du profil de nos diplomates. Nous avons, certes, toujours besoin de profils traditionnels, mais aussi de personnes capables de gérer des postes d'influence : dans ces endroits, parfois éloignés des capitales, le représentant de l'État doit être capable de rassembler la communauté française, de faire émerger des leaders, bref, d'être le « capitaine de l'équipe de France » sur place. Cela suppose de recruter des profils idoines ; les ressources humaines du Quai d'Orsay ont encore des progrès à faire en la matière.

M. Vincent Delahaye. - Je m'interroge sur l'universalité de notre présence à l'étranger. Est-il vrai que nous avons vingt ambassadeurs itinérants coûtant chacun 300 000 euros par an ? Et si oui, à quoi servent-ils ?

Le budget de l'élection des onze députés des Français de l'étranger me paraît démesuré : 10,3 millions, contre 112 millions pour la France entière ! Quitte à en choquer certains, j'estime qu'il y déjà trop de parlementaires, et ne suis donc pas favorable à ce budget.

Enfin, l'état de notre patrimoine à l'étranger est-il à jour ? Avons-nous d'autres « pépites » comme celle de Hong Kong ? Étant donné notre endettement, il peut être intéressant de les vendre !

M. François Marc. - Merci pour ce rapport fouillé et documenté.

À mon tour de plaider pour la mutualisation : au Botswana, on compte six délégations de pays européens, ainsi qu'une délégation de l'Union européenne ! C'est sans doute trop et il vaudrait mieux opérer des rapprochements.

Par ailleurs, alors que l'on cherche à faire des économies, pourquoi avoir créé un secrétariat d'État aux Français de l'étranger ?

M. François Fortassin. - Les rapporteurs portent-ils un jugement sur la qualité de nos ambassades ? Tous les diplomates sont excellents, bien sûr, mais il y a des degrés dans l'excellence : lors de nos missions, j'en ai rencontré de remarquables, et d'autres qui étaient complètement dépassés...

D'autre part, notre collègue Vincent Delahaye veut réduire le nombre de parlementaires ? Dans ces conditions, qu'il donne l'exemple en démissionnant, et je le suivrai !

M. Vincent Delahaye. - Inutile, nous serions immédiatement remplacés par nos suppléants...

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Roland du Luart et moi-même allons essayer de répondre de manière synthétique à ces questions, nombreuses et pertinentes.

La dotation qui finance les bourses accordées aux étudiants étrangers devrait augmenter de 2 millions d'euros dans cette loi de finances, mais nous souffrons de la concurrence internationale, et notamment des universités canadiennes francophones. Les étudiants sont rebutés par la difficulté à obtenir un visa.

Mme Michèle André. - En effet !

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - De plus, dans ce contexte, il est dommage que la mise en place de Campus France piétine.

M. Aymeri de Montesquiou. - Les bourses sont-elles plus intéressantes au Canada ?

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Leur montant est bien plus élevé qu'en France, où il dépasse rarement 600 à 700 euros par mois.

Nous devons faire des progrès en matière de coopération consulaire. Celle-ci se heurte toutefois à la résistance des administrations, qui ne manquent jamais d'argument pour s'y opposer ! On devrait du moins imposer des « bureaux Schengen » communs, sachant que les pays concernés délivrent tous le même visa, même si les services de l'Etat nous disent le contraire.

Pour le reste, la principale difficulté tient à ce que la France offre incomparablement plus de services, administratifs ou sociaux, à ses nationaux que les autres pays. Ce serait donc elle qui porterait le poids de la coopération. En outre, étant donné la complexité des différentes législations en matière d'état civil, il est inconcevable que le consulat d'un État puisse traiter les questions d'état civil des vingt-six autres ! On pourrait toutefois imaginer des guichets communs, des bureaux régionaux, faire preuve d'imagination...

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Merci de l'intérêt que vous avez porté à ce rapport. Avons-nous les moyens de conserver le deuxième réseau diplomatique au monde ? La question de l'universalité sera au coeur de notre réflexion l'année prochaine.

Avec moins d'ambassades, nous aurions moins de besoins immobiliers. Il s'agit de cibler les grands pays actuels ou émergents dans lesquels la France souhaite investir, et de privilégier une politique immobilière à long terme, car il serait maladroit de vendre aujourd'hui pour ensuite racheter plus cher !

Aujourd'hui, le Quai d'Orsay ne peut entretenir ses bâtiments que s'il vend quelque chose et affecte le produit de la cession aux travaux. C'est le cas à Brasilia. On marche sur la tête... Il faut avoir une gestion rationnelle de notre présence.

Les ambassadeurs itinérants ou thématiques ne sont souvent pas issus de l'administration des affaires étrangères. Ils sont une vingtaine, dont des personnalités comme Brice Lalonde, qui fut jusqu'à une date récente ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique. Sans doute ces dépenses pourraient-elles être mieux maîtrisées...

Je connais bien la Guyane, pour m'y être rendu avec M. Patient. J'ai saisi le Quai d'Orsay sur la question des titres permettant aux frontaliers de traverser le fleuve Oyapock. Vu l'immensité des distances, le contrôle des titres de transport serait confié à une vingtaine d'agents de la Police aux frontières, pour éviter d'avoir à ouvrir un consulat à Oyapock.

Avec l'envolée du cours de l'or, l'orpaillage clandestin prospère, et les confrontations avec les autorités françaises ont fait des morts. J'ai visité avec M. Patient un camp d'orpailleurs. Des militaires en armes nous gardaient de près, on se serait cru en temps de guerre ! C'est un problème aussi grave que difficile à résoudre. Les réglementations sont telles qu'il faut à une société deux ans et demi pour obtenir l'autorisation d'extraire de l'or légalement. Entre-temps, les clandestins ont « vampirisé » le site !

Avec M. Yung, nous allons travailler l'an prochain sur le degré d'excellence de notre représentation. Il faut faire mieux avec les moyens existants. Toutefois, le Quai d'Orsay avait anticipé sur la RGPP, et est aujourd'hui « à l'os »...

Mme Michèle André. - Absolument.

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Je propose à la commission de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption de ces crédits.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Pour ma part, je prône une sagesse positive !

M. Yvon Collin, vice-président. - Merci pour cette présentation passionnante. Je vais mettre aux voix les crédits de la mission.

La commission décide de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Je vous propose un amendement, portant article additionnel avant l'article 48 du projet de loi de finances pour 2012, qui revient sur les aides à la scolarité des Français à l'étranger. Celles-ci prennent deux formes : des bourses, à caractère social, pendant toute la scolarité et, au lycée, une prise en charge (PEC) totale de ces frais par l'État pour tous les élèves français.

Les crédits dévolus à ces aides ont considérablement augmenté depuis 2007 et devrait atteindre, en 2012, 125 millions d'euros : 94 millions pour les bourses et 32 millions pour la PEC, contre respectivement 84 millions et 33 millions en 2011. C'est 13 millions de plus que ce qui était prévu dans la loi triennale.

Certes, le Parlement a agi : le Sénat a ainsi introduit, dans la dernière loi de finances, le principe du plafonnement de la PEC. Celle-ci se limite désormais au niveau des frais constatés lors de l'année scolaire 2007-2008, afin d'éviter l'envolée des frais d'écolage. Malgré ce plafonnement, nous risquons de nous retrouver dans une impasse financière dès 2013 : le coût des aides à la scolarité devrait excéder de 23 millions d'euros les crédits prévus par la loi de programmation.

Je vous propose donc de compléter le plafond existant par l'instauration d'un plafond de revenus, à définir par décret : au-delà d'un certain niveau de revenus, les familles ou leurs employeurs devront, comme avant, assumer les frais de scolarité des lycéens. Les économies ainsi dégagées, qui pourraient s'élever à 10 millions d'euros en année pleine, serviront à financer l'augmentation des bourses.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je soutiens cet amendement de justice et d'économie. Ce dispositif, instauré en 2007, est en réalité un cadeau aux entreprises qui assumaient jusqu'ici les frais de scolarité de leurs employés. Ce n'est pas à l'État de supporter cette charge. Mon seul regret est que nous ne fixions pas nous-mêmes le plafond de revenus...

M. André Ferrand. - Cette prise en charge sans conditions de ressources faisait partie des engagements de campagne du Président de la République. Il s'agissait de traiter les Français de l'étranger sur le même pied que les Français établis en France.

M. Pierre Jarlier. - Je soutiendrai cet amendement de justice sociale. S'il n'est pas maîtrisé, ce dispositif inflationniste risque d'être remis en cause, ce qui pénaliserait les familles les moins aisées.

M. Joël Bourdin. - Je ne peux voter cet amendement, qui doit encore être travaillé. Il faut d'abord définir le coût normal de la prise en charge.

M. François Fortassin. - Je souhaite pour ma part voter en faveur de cet amendement.

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Je voudrais simplement préciser que l'amendement ne fixe pas le plafond car le niveau des revenus et les frais d'écolage varient énormément d'un pays à l'autre. Je ne pouvais pas déterminer moi-même le niveau pertinent pour 190 pays.

M. Pierre Jarlier. - C'est intenable !

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Cet amendement est très modéré. Des députés proposent, eux, de supprimer carrément la prise en charge !

A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement proposé par M. Richard Yung, rapporteur spécial, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 48 du projet de loi de finances pour 2012.

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 - Examen du rapport pour avis

La commission procède enfin à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 73 (2011-2012), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2012.

EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - L'Assemblée nationale a profondément remanié le texte, qui est passé de 68 à 122 articles. Je me contenterai donc d'une présentation générale.

Le financement de notre protection sociale a subi des transformations importantes au cours des deux dernières années. En 2010, le déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a atteint un record : 29,6 milliards d'euros, soit 1,5 point de PIB, trois fois le déficit de 2007. En 2011, malgré une réduction de 5,6 milliards d'euros, grâce à la modération des dépenses, à une bonne tenue de la masse salariale et à d'importantes recettes supplémentaires provenant de la réforme des retraites, le déficit total s'établit encore à 24 milliards d'euros, soit 1,2 point de PIB. Le tendanciel 2012 est préoccupant : hors mesures de redressement, le déficit total serait de 27,4 milliards, dont 21,2 milliards pour le régime général.

Cette situation est certes due en partie à la crise et au ralentissement de la croissance, mais la crise n'explique pas tout. Selon la Cour des comptes, les facteurs structurels expliquent 0,7 point du déficit du régime général en 2010, un déficit qui a représenté 1,2 point de PIB.

L'accumulation de ces déficits a eu pour conséquence la modification du rôle des deux acteurs intervenant dans la gestion de la dette sociale : la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

La loi organique relative à la gestion de la dette sociale ainsi que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ont procédé à l'opération de reprise de dette la plus importante depuis la création de la Caisse en 1996. Ce transfert, de 130 milliards d'euros sur la période 2011-2018, est exceptionnel par son ampleur, son étalement dans le temps, et son mode de financement. Celui-ci repose sur l'allongement de quatre ans de la durée d'amortissement de la dette sociale, l'adossement du Fonds de réserve des retraites à la Cades et l'affectation de 0,28 point de CSG en provenance de la branche famille. Il en résulte un accroissement des ressources de la Caisse de 7 milliards et une diversification de celles-ci : la CRDS, ressource originelle de la Caisse, ne représente plus que 40 % de son financement ; la CSG, plus du tiers.

L'article 20 du présent projet loi prévoit une nouvelle reprise de dette en provenance de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, à hauteur de 2,5 milliards.

Pour financer ce transfert, la loi de finance rectificative votée en septembre a aménagé le régime fiscal des plus-values immobilières. En outre, le présent texte a réduit l'abattement des assiettes de CSG et de CRDS pour frais professionnels.

Il est à prévoir que de nouvelles dettes seront prochainement transférées à la Cades, car le schéma esquissé il y a un an n'apporte pas de solution au déficit des branches maladie et famille, qui pourrait excéder 20 milliards d'euros sur la période 2012 - 2015.

J'en viens à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

En principe, cette institution doit absorber les décalages de trésorerie subis par les branches de la sécurité sociale, un objectif régulièrement détourné pour couvrir à court terme certaines dettes allant être transférées à la Cades. C'est pourquoi le plafond d'avances de trésorerie de l'ACOSS a connu en 2010 un niveau record - 65 milliards d'euros - ayant contraint l'agence à diversifier son mode de financement et à recourir aux marchés financiers. La reprise de dette décidée à l'automne dernier a soulagé la trésorerie de l'agence. Son plafond d'avances de trésorerie a été ramené à 18 milliards d'euros en 2011 et est fixé à 21 milliards d'euros pour l'an prochain par le présent projet de loi.

La dernière modification importante de notre système de protection sociale concerne son financement.

La tendance à la fiscalisation de ses ressources est incontestable sur le long terme ; une nouvelle étape a été franchie l'an dernier, puisque des recettes fiscales supplémentaires, pour 5 milliards d'euros, ont été affectées à la sécurité sociale. Ainsi que l'a noté notre collègue Nicole Bricq, rapporteure générale, dans son rapport préalable au débat sur les prélèvements obligatoires, les organismes de sécurité sociale auront été les destinataires quasiment exclusifs des augmentations nettes de recettes décidées pendant cette législature. En 2012, la sécurité sociale bénéficiera de presque 60 % des mesures de réduction du déficit public annoncées en août dernier par le Gouvernement.

J'en viens au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année prochaine.

Les mesures présentées sont censées réduire de 8 milliards d'euros le déficit tendanciel des régimes obligatoires de base, avec un important effort sur les recettes. Il reste que le déficit à venir demeure inquiétant.

Commençons par les hypothèses macro-économiques qui sous-tendent le cadrage du texte. Le PLFSS pour 2012 prévoit une croissance du PIB de 1,75 % et de la masse salariale de 3,7 % en 2011.

Ces hypothèses semblent extrêmement optimistes, puisque la croissance économique atteindra au maximum 1 % et qu'elle sera peut-être nulle. Dans ces conditions, comment la masse salariale pourrait-elle progresser de 3,7 % ? Les comptes sociaux sont extrêmement sensibles à ce paramètre, puisqu'une variation d'un point de masse salariale engendre un déficit supplémentaire du régime général de 2 milliards d'euros, dont la moitié environ pour l'assurance-maladie. Un dérapage d'un point par rapport à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) entraîne un déficit supplémentaire d'1,4 milliard d'euros. Enfin, compte tenu de l'indexation de certaines prestations sur la hausse des prix, une variation d'un point de prévision d'inflation conduit à 1,2 milliard de dépenses supplémentaires.

Les mesures de recettes pour 2012 pour la sécurité sociale s'élèvent à 6,4 milliards d'euros, dont 4,1 milliards pour la branche maladie. La moitié environ de ces mesures ont déjà été adoptées dans la loi de finances rectificative pour 2011, votée en septembre : soit l'augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, le nouveau régime fiscal des plus-values immobilières et le doublement de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, dite « taxe sur les mutuelles », qui a été relevée de 3,5 % à 7 %.

M. Yvon Collin, président. - Une disposition très populaire !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - La première de ces mesures devrait rapporter 1,3 milliard d'euros, l'incidence de la deuxième avoisinant 553 millions.

S'agissant des mesures proposées par le PLFSS pour 2012, celles-ci concernent la réintégration des heures supplémentaires dans le calcul du coefficient des allégements généraux sur les bas salaires, la réduction de l'abattement des assiettes de CSG et CRDS pour frais professionnels et l'augmentation du forfait social de 6 % à 8 %. Une curiosité : l'assujettissement à la CSG du complément de libre choix d'activité a été supprimé par l'Assemblée nationale, mais gagé une première fois par la commission des finances et une seconde fois par le Gouvernement. Il faudrait donc supprimer le gage du Gouvernement.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2012 comporte d'autres mesures de redressement en faveur de la sécurité sociale, comme la taxe sur les boissons sucrées. S'ajouteront certaines dispositions réglementaires, comme la hausse du prix des tabacs.

L'action sur les dépenses concerne principalement l'ONDAM, qui devrait n'augmenter que de 2,8 %, grâce à des mesures d'économies atteignant 2,1 milliards d'euros. Les dispositions proposées à cette fin sont traditionnelles, comme la maitrise médicalisée ou la baisse de prix de certains produits de santé.

Malgré ces efforts considérables en recettes et en dépenses, - dont certaines mesures ne me paraissent pas acceptables - le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV atteindra encore 19,4 milliards d'euros l'an prochain, soit le double du montant constaté en 2007. Cette situation est préoccupante, puisque ce montant devrait s'élever à 20 milliards d'euros en 2013, avant de s'établir à 17 milliards d'euros en 2014 et à 14 milliards d'euros en 2015. Faute de mesures supplémentaires, un nouveau transfert de dette sera donc inévitable.

J'observe à ce propos que certaines réformes engagées demeurent inabouties sur le plan financier - c'est le cas de la réforme des retraites - ou ont été reportées. Dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes estime que le Gouvernement a surévalué l'impact de la réforme des retraites. Elle a insisté sur l'optimisme des hypothèses macro-économiques retenues.

M. Yvon Collin, président. - Merci pour la concision de ce rapport si bien documenté.

Je regrette de ne pas avoir signalé plus tôt la présence de M. Daudigny, rapporteur général de commission des affaires sociales.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Je tiens à souligner la clarté de l'exposé, ainsi que la très grande pertinence des observations faites. Nous sommes parfaitement en phase avec l'analyse et les amendements présentés. Merci de m'avoir invité.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS

Article additionnel avant l'article 10 A

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 1 tend à supprimer le doublement de la taxe sur les mutuelles, car nous craignons sa répercussion sur les assurés.

Dans son rapport, le comité d'évaluation des niches fiscales et sociales, dit « Comité Guillaume » a donné à cette exonération la note maximale en termes d'efficacité.

La suppression de la majoration de la taxe entraînera une perte de recettes de 1 050 millions d'euros, d'où les gages qui accompagnent cet amendement : une hausse du forfait social et des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Au total, le gage est plutôt supérieur à la recette perdue.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article additionnel avant l'article 11

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° 2, nous supprimerons l'article premier de « la loi Tepa », un dispositif amputant de 3,4 milliards les recettes des organismes de protection sociale. Curieusement, il n'a pas été possible d'identifier le manque à gagner imputable aux cotisations patronales, compris entre 800 et 1 300 millions d'euros... L'efficacité de cette exonération pour l'emploi est tout sauf avérée, le conseil des prélèvements obligatoires allant jusqu'à penser que l'incidence pour le PIB pourrait être inférieure au coût du dispositif !

M. Pierre Jarlier. - Je vote pour cet amendement.

L'amendement n° 2 est adopté.

Article 36

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Cet amendement n° 3 concerne le nouveau fonds d'intervention régional, qui globalisera les crédits en provenance aujourd'hui de différents autres fonds de financement. Selon le Gouvernement, il s'agit de donner davantage de marges de manoeuvre aux agences régionales de santé.

Quoi qu'il en soit, l'amendement n° 3 dispose que la dotation de ce fonds sera fixée non par arrêté ministériel, mais dans la loi de financement de la sécurité sociale, ce qui rétablit le contrôle du Parlement sur l'alimentation du fonds et l'utilisation de ses crédits.

Mme Michèle André. - Cet amendement indispensable nous permettra un meilleur suivi des crédits. Songez que le directeur de l'ARS d'Auvergne a déclaré n'avoir pas de comptes à rendre aux élus, puisqu'il était nommé par le Président de la République en conseil des ministres !

L'amendement n° 3 est adopté à l'unanimité.

Article 40

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 4 tend à supprimer l'article 40, dont le dispositif autorise tout établissement de santé à pratiquer un « tarif VIP » lorsqu'il accueille des « patients étrangers fortunés » non assurés sociaux.

Aujourd'hui, un riche étranger paye un tarif unique, déterminé par ailleurs au niveau national. Chaque établissement de santé serait en mesure de fixer de manière discrétionnaire les prix qu'il applique.

Par ailleurs, l'article n'exclut de ce dispositif que les patients étrangers pouvant prétendre à l'aide médicale d'État, soignés au titre de l'aide humanitaire ou atteints d'une urgence médicale évidente. Sa rédaction est extrêmement floue. Son rendement semble limité, puisque le Gouvernement l'estime à 5 millions d'euros.

M. Jean Germain. - Pourquoi un hôpital public ne devrait-il pas profiter budgétairement du fait qu'il soigne une personne très riche ? Je ne perçois pas bien les motivations de l'amendement.

Il est normal que le service public s'occupe des personnes dénuées de ressources, mais pourquoi ne pas faire payer ceux qui ont de l'argent ?

M. Pierre Jarlier. - Qu'entend-on par « étrangers fortunés » ?

Au demeurant, il s'agit de séjours programmés. Si le patient présente des exigences particulières, la facturation de suppléments est ipso facto justifiée.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - L'article ne définit pas la notion d'étrangers fortunés, sinon, en creux, par le fait d'avoir des ressources supérieures au plafond de l'aide médicale d'État. Je ne vois pas d'objection à l'idée de faire payer une personne riche, mais la rédaction est trop imprécise.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'amendement a sa pertinence s'il a pour but de contraindre le Gouvernement à expliciter une disposition mal rédigée.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Notre commission a voté hier un amendement identique, mais pour des raisons quelque peu différentes. En effet, par principe, les remboursements de la sécurité sociale ne sont pas liés aux revenus. La commission des affaires sociales n'a donc pas souhaité introduire une distinction de ce type. Le terme «VIP », qui figure dans l'étude d'impact accompagnant ce texte, pose un problème de principe.

L'amendement n° 4 est adopté.

Article 51 septies

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 5 a pour objet de supprimer l'article 51 septies, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, qui propose d'étendre à l'ensemble des étrangers non communautaires la condition de résidence préalable pour l'accès à l'allocation de solidarité aux personnes âgées et de porter la durée de celle-ci à dix ans, au lieu de cinq. Il est regrettable que cette mesure soit mise en parallèle avec le coût du dispositif.

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 58 bis

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - L'Assemblée nationale a supprimé l'article 13 du projet de loi initial, qui aurait assujetti à la CSG et à la CRDS le complément de libre choix d'activité. Cette décision ayant diminué les ressources sociales de 140 millions d'euros, l'abattement pour frais professionnels appliqué aux revenus d'activité soumis à la CSG a été réduit de 2 % à 1,75 %. Mais le Gouvernement a gagé une seconde fois la suppression de l'article 13 en reportant de trois mois la revalorisation des prestations familiales. L'amendement n° 6 tend à supprimer le gage introduit à l'initiative du Gouvernement.

L'amendement n° 6 est adopté.

Le rapport pour avis est adopté.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Nous examinerons en séance le texte dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Je fais confiance à la commission des affaires sociales pour nous proposer des amendements autrement plus nombreux que les six discutés aujourd'hui. Je propose d'attendre le résultat des délibérations pour déterminer notre vote final.

Scolarité obligatoire à trois ans - Examen de l'irrecevabilité financière (Article 40 de la Constitution)

Au cours d'une seconde réunion tenue en début de soirée, la commission procède à l'examen de la recevabilité financière de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans (texte n° 63, 2011-2012).

M. Philippe Marini, président. - J'ai reçu, en début de soirée, la copie du courrier adressé ce jour au Président du Sénat par le ministre des relations avec le Parlement, concernant la proposition de loi de notre collègue Françoise Cartron visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans. Cette lettre est ainsi libellée : « Le Sénat a inscrit à son ordre du jour le jeudi 3 novembre 2011 à 19 heures la proposition de loi de Madame Cartron visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans. En application de l'article 40 de la Constitution, qui précise que les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsqu'ils ont pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, le Gouvernement considère que cette proposition de loi n'est pas recevable et qu'elle ne peut être mise en discussion ».

Le ministre de l'éducation nationale vient de réitérer l'invocation de l'article 40 de la Constitution en séance publique.

Qu'en est-il sur le fond ? Je vous rappelle qu'en application de l'article 45, alinéa 4, du règlement du Sénat, « tout sénateur ou le Gouvernement peut soulever en séance une exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 40 de la Constitution. L'irrecevabilité est admise de droit et sans débat si elle est affirmée par la commission des finances ». Il revient donc à notre commission de se prononcer sur la recevabilité de la proposition de loi indiquée en référence dans le courrier du Gouvernement.

La proposition de loi de Mme Françoise Cartron et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés prévoit, dans son article 1er tel qu'il résulte des délibérations de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'abaisser l'âge à compter duquel s'applique l'obligation de scolarisation de six ans à trois ans. Je suis bien contraint de constater que cet abaissement aggrave manifestement les charges pesant sur le service public de l'éducation, puisque le champ de l'obligation est étendu. Il me semble que nous n'avons d'autre choix que de déclarer irrecevable la proposition en application des dispositions de l'article 40 de la Constitution.

Avez-vous des observations ou des oppositions ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je pense que, sur le plan de la technique, vous avez sans doute raison. Mais je me demande si, en bonne intelligence, il ne serait pas préférable de faire en sorte qu'une proposition de loi à l'initiative d'un groupe politique vienne en discussion et que l'article 40 ne soit invoqué qu'en séance. Si l'on invoque l'article 40 dès après le renouvellement sénatorial, alors qu'on essaie de faire en sorte que l'institution fonctionne... Monsieur le Président, vous étiez comme moi à la conférence des Présidents, je crains que tout cela ne soit de l'ordre du règlement de compte suite à un ordre du jour contrarié...

M. Philippe Marini, président. - Il faut éviter de se faire prendre en otage par un débat qui est étranger à la commission des finances et qui est avant tout formel. Il ne fait aucun doute que l'article 40 a été invoqué par le Gouvernement. Dès lors, il nous revient de nous prononcer. Nous devons constater l'évidence, en dépit de conditions de procédure qui ne sont pas satisfaisantes et dont nous devrons tirer les conséquences. L'extension de l'obligation de scolarisation crée des charges publiques, ce qui est impossible pour l'initiative parlementaire. Si nous décidons du contraire, il me semble que nous serions en contravention avec le texte de la Constitution. Si, par extraordinaire, une commission des finances devenue folle considérait qu'une charge n'est pas une charge...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - C'est une hypothèse d'école !...

M. Philippe Marini, président. - ... c'est pourquoi je prends le soin de dire « si » ! Si la commission des finances niait l'évidence, il y a bien un juge constitutionnel ! Y a-t-il une procédure qui permettrait au Gouvernement d'invoquer l'inconstitutionnalité de ce débat, qui ne devrait pas avoir lieu ? Sincèrement, sur le fond, faut-il vraiment jouer avec cela, serait-ce une bonne image à donner ? Ne vaudrait-il pas mieux qu'il y ait, en amont du dépôt des propositions de loi, un véritable examen de recevabilité ? Nous n'avons pas voulu le faire après la révision constitutionnelle de 2008 afin de ne pas limiter l'initiative parlementaire. Personnellement, j'étais très réservé : l'article 40 est l'article 40, une charge est une charge, c'est une réalité matérielle et nier la réalité matérielle n'est jamais à conseiller. Débattons-en et tâchons de prendre la meilleure décision possible.

M. Dominique de Legge. - Je rejoins votre analyse et ce qui me gêne le plus, c'est l'article 2. Il dit que « les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement ». Je crois qu'il y a là la preuve, au-delà du fond du débat, que les auteurs de la proposition sont parfaitement conscients qu'il y aura une dépense supplémentaire.

M. Philippe Marini, président. - C'est un gage, mais il est inopérant, car de jurisprudence constante, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, la création d'une charge publique ne peut pas être compensée.

M. Serge Dassault. - Je trouve que cette proposition de loi n'est pas mal et, pour ma part, je pense qu'il faudrait même, en sens inverse, poursuivre l'obligation scolaire jusqu'à dix-huit ans. Demander que les enfants puissent entrer à l'école dès trois ans, ça soulage les mamans et ça permet d'être plus au fait des relations avec les enfants, ce qui n'est pas mauvais. Le problème, c'est le coût. Avez-vous analysé un chiffre quelconque ?

M. Philippe Marini, président. - Nous n'avons pas à l'analyser ! Serait-ce un centime, ce serait une charge publique. C'est un point de droit, quelle que soit l'importance des sommes en jeu.

M. Serge Dassault. - Et pourquoi le Gouvernement ne se l'applique-t-il pas ?

M. Philippe Marini, président. - Parce que la Constitution ne le prévoit pas !

M. Serge Dassault. - Ce n'est pas normal !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Oui, mais l'article 40 ne s'applique pas au Gouvernement !

M. Philippe Marini, président. - La Constitution a été conçue pour limiter l'initiative parlementaire à la sortie de la Quatrième République.

M. Jean-Vincent Placé. - Elle n'était pas si mal la Quatrième République !

M. Philippe Marini, président. - Du point de vue des parlementaires, certes !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - En 2008, nous avons eu un débat très vif autour de l'article 40. Il y avait les partisans de sa suppression et ceux qui en faisaient l'apologie. Ces derniers l'ont emporté au moment de la réforme constitutionnelle. C'est un problème qui s'est posé. Cet article bride l'initiative parlementaire. Le Sénat avait une pratique plus tolérante que l'Assemblée nationale, qui a toujours censuré les amendements irrecevables avant leur discussion. Le Sénat avait une pratique plus libérale qui consistait à laisser venir les amendements en séance, et un commissaire de permanence prononçait alors l'article 40 une fois l'amendement défendu par son auteur. C'est pourquoi j'évoque cette possibilité, afin d'apaiser une crispation survenue sur un autre texte. Nous payons le prix fort de cette crispation... C'est un retour de bâton, qui nous empêche d'exposer nos propositions. C'est pourquoi je plaide pour que nous puissions avoir un débat général, pour que l'harmonie revienne entre majorité et opposition nouvelles et pour que le Sénat fonctionne selon ses principes, mais j'ai bien compris que ma plaidoirie n'était pas convaincante...

M. Philippe Marini, président. - Le Gouvernement vise la proposition de loi dans son ensemble, mais en réalité seuls les I et II de l'article 1er, qui abaissent de six à trois ans l'âge de la scolarisation obligatoire, sont irrecevables. En les déclarant seuls contraires à l'article 40 de la Constitution, nous répondrions à la demande du Gouvernement dans le strict respect du droit, et pour autant la discussion de la proposition de loi resterait possible.

M. Jean-Pierre Caffet. - Cela voudrait dire que l'article 2 ne serait pas concerné ?

M. Philippe Marini, président. - L'article 2 n'est pas en tant que tel touché par l'article 40. Il est en pratique inopérant. Le coeur de la proposition de loi étant irrecevable, il ne peut être examiné. Mais le reste de la proposition de loi comme support à une discussion générale peut poursuivre temporairement sa vie...

M. André Ferrand. - J'ai été très sensible à la plaidoirie de notre rapporteure générale et je suis content de vous voir formuler cette proposition d'irrecevabilité partielle, à laquelle je souscris car elle a le grand mérite de contribuer à entretenir une ambiance telle que nous la souhaitons dans cette maison.

M. Michel Berson. - Nous devons concilier deux exigences. Une exigence juridique et une exigence politique. Moi je vois un beau symbole : une nouvelle législature, et en début de législature, on examine un grand droit fondamental, le droit à l'éducation. Interdire au Sénat de débattre de cette question est profondément choquant. Comment peut-on lui interdire de débattre du droit à l'éducation ? Le fait que le Gouvernement invoque l'article 40 avant même que le débat n'ait lieu est une forme de provocation. Et face à cette provocation, le Sénat, dans sa sagesse, doit trouver une solution qui nous permette de débattre sans que nous soyons amenés à conclure. Votre proposition, Monsieur le Président, est sage.

M. Pierre Jarlier. - Votre proposition permet le consensus et est, juridiquement, juste.

La commission déclare irrecevable, en application de l'article 40 de la Constitution, les I et II de l'article premier de la proposition de loi n° 63 (2011-2012) visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans.