Mardi 8 novembre 2011

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Loi de finances pour 2012 - Mission Ville et logement - Examen du rapport spécial

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Jean Germain, rapporteur spécial, sur la mission « Ville et logement » (et article 64).

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Les crédits de la mission « Ville et logement » s'élèvent, dans le projet de budget pour 2012, à 7 845 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7 721 millions d'euros en crédits de paiement

La mission présente trois particularités :

- elle est constituée à 99 %, de dépenses d'intervention ;

- pour 72 % de leur montant total, les crédits de la mission sont destinés à une dépense de guichet, celle des aides personnelles au logement, auxquelles l'Etat contribue à travers la subvention d'équilibre versée au Fonds national d'aide au logement (FNAL) et dont il doit suivre mécaniquement la progression ;

- elle comporte, enfin, un montant de dépenses fiscales rattachées qui s'élèvent à plus de 14 milliards d'euros et représentent désormais près du double des crédits budgétaires.

Il découle de ces caractéristiques que la mission est particulièrement sensible à l'application de la règle du zéro-valeur. Les conséquences sont immédiatement répercutées sur des dépenses d'intervention, c'est-à-dire sur l'action de l'Etat sur le terrain, à destination des ménages, des entreprises ou des collectivités.

En outre, la marge de manoeuvre du Parlement est extrêmement limitée dans l'examen des crédits de cette mission puisqu'il ne pourrait agir, en théorie, que sur 28 % de son montant total, c'est-à-dire sur le solde de la mission hors dépenses d'aides au logement.

Si l'on examine la globalité de la mission budgétaire, deux constatations peuvent être faites, qui étaient d'ailleurs formulées antérieurement par mon prédécesseur notre collègue Philippe Dallier.

La réduction progressive des crédits de la mission « Ville et logement » prévue par la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011 à 2014 ne pourra pas être respectée en raison des difficultés sociales et économiques amplifiées par la crise depuis 2008. Les hypothèses sur lesquelles est bâti le projet de budget sont très contestables voire irréalistes et, comme les années précédentes, il y aura des « dérapages » sur les aides personnelles au logement d'une part et les dépenses d'hébergement pour lesquelles l'effort de rebasage des dotations est beaucoup trop limité.

Le budget de la mission illustre aussi la débudgétisation progressive de la politique du logement. D'abord par un transfert vers les dépenses fiscales qui sont par nature beaucoup moins maîtrisables et surtout qui ne profitent pas aux mêmes catégories de la population. Mais également par un report de la charge de financement des politiques publiques sur les autres acteurs du logement, entreprises, bailleurs sociaux et collectivités territoriales. Le Gouvernement a ainsi mis en place des « prélèvements forcés » pour compenser la suppression des financements. La loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009, a décidé un prélèvement triennal sur la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC). C'est désormais l'Etat qui fixe par la voie réglementaire les enveloppes prélevées en vue de les substituer notamment au financement par le budget de l'Etat du programme de rénovation urbaine, des actions de l'Agence de l'amélioration de l'habitat (ANAH) et du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD). Au total, sur la période triennale 2009-2011, ce sont 3,9 milliards d'euros qui auront été prélevés sur les moyens d'Action Logement. Le prochain cadre triennal des emplois pour la période 2012-2014 a déjà été défini par le Gouvernement. Nous n'en connaissons pas le détail par année, mais seulement les grands équilibres. Ils prévoient qu'Action Logement continuera à contribuer au financement de l'ANAH et de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) à hauteur de 3,25 milliards d'euros sur la période.

Dans ces conditions, et alors que la PEEC n'est pas, comme l'a rappelé le conseil des prélèvements obligatoires en 2009, un prélèvement obligatoire en raison de la nature privée des organismes gestionnaires, Action Logement a intenté en octobre 2011 une action en justice contre l'Etat devant le Tribunal administratif de Paris.

Le second prélèvement forcé a été institué par la loi de finances pour 2011 sous la double forme d'un prélèvement assis sur le potentiel financier des organismes d'HLM et des sociétés d'économie mixte, dont le produit annuel est fixé à 175 millions d'euros, et d'une majoration de la part variable de la cotisation additionnelle qu'ils versent à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), plafonnée à 70 millions d'euros pendant trois ans.

Ces deux ressources abondent un fonds qui contribue au financement du programme de rénovation urbaine et, par le biais d'un reversement au budget de l'Etat par voie de fonds de concours, au développement et à l'amélioration du parc de logements locatifs sociaux.

C'est ainsi que par le biais de ce montage compliqué, le prélèvement HLM sera reversé pour un montant de 140 millions d'euros en 2012 au budget de l'Etat, non pas pour financer de nouveaux programmes de construction mais bien, dans la mesure où le versement est effectué exclusivement en crédits de paiement, pour compenser le désengagement de l'Etat.

J'en viens maintenant rapidement aux points principaux des quatre programmes de la mission dont trois concernent la politique du logement et le dernier la politique de la ville, à laquelle est rattachée désormais une action « Grand Paris ».

Le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » représente 1,204 milliard d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement, soit 15 % du montant total de la mission « Ville et logement ».

Il y a à mon avis encore trop d'impasses budgétaires sur ce programme sur lequel le Gouvernement s'obstine à programmer des réductions de crédits à l'échéance de 2013, alors que depuis des années les dotations initiales sont abondées en cours d'année par décrets d'avance ou lois de finances rectificatives.

Les sous-budgétisations touchent notamment les dépenses d'aide alimentaire et de l'hébergement d'urgence. Elles prennent cette année une acuité toute particulière.

Pour l'aide alimentaire, malgré l'évidence des besoins en 2011, les crédits ouverts à ce titre en loi de finances initiale ont été inférieurs à la consommation de l'exercice 2010.

Dans le projet de budget pour 2012, les crédits de l'aide alimentaire s'établissent à 22,8 millions d'euros, soit une progression de 1,1 % qui sera sans aucun doute insuffisante, compte tenu de l'augmentation de la demande et du contexte très défavorable à la suite de la réduction drastique du Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD).

En ce qui concerne l'hébergement d'urgence, le projet de loi de finances prévoit une diminution des crédits qui passeraient de 248 millions à 244 millions d'euros.

Ce choix me semble très contestable compte tenu de la demande orientée vers les structures d'hébergement généralistes, qui est liée à l'insuffisance d'offre d'accueil dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), ce qu'avait souligné le récent rapport de notre commission des finances fait par Pierre Bernard-Reymond et Philippe Dallier.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » finance les aides à la personne, les crédits de soutien aux associations dans le domaine du logement et assure le financement du système de garantie des risques locatifs. Il représente 73 % du montant total des crédits de paiement de la mission ; là encore, la prévision de dépenses de l'Etat au titre de la subvention d'équilibre du FNAL me semble exagérément optimiste. Elle serait de 5,558 milliards d'euros contre 5,277 milliards en 2011, mais l'on sait que le Gouvernement a déjà annoncé pour 2011 un abondement des crédits d'aides au logement qui sera prélevé sur les 600 millions transférés sur la mission « Provisions » à l'occasion de l'examen de la troisième loi de finances rectificative pour 2011, en contrepartie des moindres dépenses du FCTVA.

Le programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement » regroupe les interventions de l'Etat en faveur de l'aide à la pierre. Comme celles-ci se sont déplacées vers des dépenses fiscales et que l'Etat s'est très largement désengagé de cette politique, l'importance de ce programme s'est réduit d'autant.

Ainsi par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, les crédits de l'action 01 « Construction locative et amélioration du parc » diminuent de 9,8 % en autorisations d'engagement et de 31,1 % en crédits de paiement après une baisse de 17 % en loi de finances initiale pour 2011.

Malgré tout, selon les réponses fournies par le Gouvernement, la dotation de 450 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit le montant total de l'action 01, à l'exclusion des dépenses en faveur des gens du voyage et de la subvention pour charges de service public versée à l'ANAH, doit permettre le financement de la production de 120 000 logements locatifs sociaux se décomposant en 22 500 prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), 55 000 prêts locatifs à usage social (PLUS) et 42 500 prêts locatifs sociaux (PLS).

Mais ces objectifs qui ne portent que sur le financement, et non la production réelle, sont maintenus au prix d'une réduction permanente des subventions moyennes par logement. Pour un PLUS, la subvention moyenne de l'Etat est ainsi de 600 euros.

J'en termine par le programme 147 « Politique de la ville et Grand Paris » qui représente 535,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 548,4 millions d'euros en crédits de paiement. Ce programme enregistre des diminutions de crédits par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, respectivement de 14,2 % et 12,2 %, dues pour l'essentiel à la baisse des compensations d'exonération de cotisations sociales dans les zones franches urbaines, qui est la conséquence du plafonnement du niveau de salaire ouvrant droit à exonération.

Il n'y a pas d'évolution très significative sur ce programme. En particulier les crédits destinés à l'agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé) restent stables. Quant au rattachement du Grand Paris, il est budgétairement symbolique. En effet, l'action Grand Paris du programme ne comprend que 1,5 million en autorisations d'engagement et crédits de paiement, correspondant à la participation du ministère de la ville au groupement d'intérêt public « Atelier international du Grand Paris ».

L'Assemblée nationale a examiné le budget de la mission en commission élargie le jeudi 3 novembre. Elle a adopté un amendement du Gouvernement visant à réduire de 22 millions d'euros les crédits de la mission au titre du plan d'économie supplémentaire d'un milliard d'euros annoncé le 24 août.

Ces réductions de crédits portent pour 15 millions sur le programme « Aide à l'accès au logement » en raison d'une révision à la baisse du besoin de dotation du fonds de garantie universelle des risques locatifs (GURL) pour 2012, ce qui n'est pas contestable, et pour 7 millions d'euros sur le programme « Politique de la ville et Grand Paris », à raison de 600 000 euros sur des dépenses de fonctionnement et de 6,4 millions d'euros sur les crédits d'intervention de l'ACSé, cette dernière mesure étant beaucoup plus problématique.

En tout état de cause, ces modifications ne sont pas de nature à modifier la position que je vous propose d'adopter sur cette mission et qui est le rejet des crédits. Je crois vous avoir en effet montré que ce budget n'était pas sincère compte tenu de ses sous-budgétisations répétées, qu'il n'était pas crédible à long terme puisqu'il poursuivait dans la voie d'un désengagement de l'Etat qui reporte les risques sur les partenaires de la politique du logement. Enfin, et plus généralement, ce budget n'est pas à la hauteur de la crise du logement que connaît notre pays et n'ayant pas les moyens comme rapporteur spécial de l'améliorer comme il devrait l'être, je ne peux que vous en proposer le rejet.

M. Philippe Marini, président. - Voulez-vous nous présenter l'article rattaché à la mission ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - L'article 64 porte sur les zones franches urbaines (ZFU) dont il propose de proroger, jusqu'au 31 décembre 2014, le régime fiscal et social en renforçant les conditions liées à l'emploi local.

Je vous rappelle que la mise en place du dispositif des ZFU s'est faite en trois vagues successives en 1997, 2004 et 2006. Elles sont actuellement au nombre de 100, dont 93 en métropole.

Dans les ZFU, les entreprises de moins de 50 salariés bénéficient d'un dispositif d'exonérations de charges sociales et fiscales pendant cinq années suivies d'une « sortie en sifflet ». Le dispositif des ZFU devait prendre fin au 31 décembre 2011 mais dans un contexte où la situation économique et sociale des quartiers, et notamment la situation de l'emploi dans les zone se dégrade, un groupe de travail présidé par notre collègue député Eric Raoult a remis un rapport au ministre de la ville le 13 juillet qui proposait la prorogation, avec les mêmes clauses, du dispositif d'exonération pour une nouvelle période de trois ans sur les 100 ZFU existantes

La proposition du Gouvernement qui figure à l'article 64 est légèrement différente. Il souhaite prolonger le dispositif jusqu'au 31 décembre 2014 mais également renforcer la clause d'embauche. Désormais, pour bénéficier des exonérations sociales et de certaines exonérations fiscales, les entreprises devront employer au moins 50 % de salariés résidant en ZFU ou en ZUS, contre un tiers auparavant.

Pour le volet social, le coût de la prolongation est estimé à 11 millions d'euros en 2012. Sur le volet fiscal, le coût de la prorogation n'aura d'effet qu'à partir de 2013. Il est estimé à 31 millions d'euros. Ces montants sont à rapprocher du coût total des ZFU pour 2011, soit 249 millions d'euros pour les exonérations fiscales et 192 millions d'euros pour les compensations des exonérations de charges sociales inscrites au programme 147, soit un total de 441 millions d'euros.

Personnellement, même si parfois l'efficacité des ZFU a suscité certaines interrogations, et en m'appuyant sur les constatations du rapport annuel de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS), je considère que le dispositif des ZFU a eu un effet positif sur la création et le développement des entreprises et surtout, que ce régime dérogatoire a atténué les conséquences de la crise économique sur l'emploi dans les quartiers. Il suffit de prendre la mesure des taux de chômage, particulièrement chez les jeunes, dans les ZFU pour comprendre que la suppression de ce dispositif ne serait pas opportune dans le contexte de crise que nous connaissons. Je vous propose donc l'adoption de cet article sans modification

M. Francis Delattre. - La situation de l'Ile-de-France est particulière. Le problème est essentiellement foncier. On a supprimé en 1981 l'opérateur foncier que nous avions, l'Agence Foncière et Technique de la Région Parisienne. Depuis, personne n'est en mesure de résoudre nos difficultés. En ce qui concerne le Grand Paris, je veux souligner la double peine dont est victime mon département, le Val d'Oise. Nous sommes ignorés par le projet de nouveau réseau de métro automatique et, de plus, le pôle de recherche et d'enseignement supérieur de Cergy-Pontoise est menacé par la priorité accordée au plateau de Saclay. Pourtant nous paierons les nouvelles taxes qui financent le Grand Paris. C'est un dispositif inique pour la grande couronne.

M. Pierre Jarlier. - Deux sujets me préoccupent. Le ciblage des aides à la pierre pour le logement locatif social d'abord. Dans les secteurs non tendus, du monde rural, nous avons de plus en plus de problèmes de financement qui sont liés à la diminution des aides de l'Etat, concentrées sur les secteurs tendus. C'est lié aussi aux nouvelles orientations des aides de l'ANAH qui privilégient les propriétaires occupants au détriment des propriétaires bailleurs. Je comprends cette réorientation et il y a de bonnes choses, comme le programme « habiter mieux », mais les moyens sont très faibles.

Ma seconde préoccupation porte sur les modalités de calcul du prélèvement sur les offices HLM. Elles s'appuient sur le critère de potentiel financier mais il faudrait prendre en compte également la capacité d'autofinancement. J'avais d'ailleurs déposé un amendement en ce sens sur le projet de loi de finances pour 2011. Les conséquences sont parfois graves pour les offices, même dans les zones pauvres où les besoins en logement social sont importants, comme le Pas-de-Calais, dont l'office départemental doit verser une pénalité de 6 millions d'euros !

M. François Fortassin. - Volontairement, je serai hors sujet. Je constate qu'il y a beaucoup de logements inoccupés en France. Pourquoi ne pas régler le prix du loyer sur le prix de la pierre et les revenus des ménages ? Et surtaxer ces logements inoccupés ?

Mme Michèle André. - Je note que la direction générale de la cohésion sociale n'a renvoyé aucune réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial. Cette situation renvoie-t-elle aux difficultés que nous constatons au niveau local quant à l'organisation des actions de cohésion sociale, bouleversée par les réformes administratives ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Je regrette que le rapporteur spécial nous propose un vote de rejet et je n'ai pas la même lecture sévère que lui du projet de budget. J'observe, notamment, qu'il prévoit des hausses de crédits par rapport au budget 2011, par exemple pour les aides au logement. Et je veux aussi souligner des réussites de la politique conduite en matière de logement, comme l'abaissement de 10 % du plafond de ressources pour l'accès au logement social ou l'expérimentation des loyers progressifs.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je suis tentée de répondre à M. Delattre sur le Grand Paris... En ce qui concerne le budget du logement, comme le rapporteur spécial l'a souligné, la dépense repose désormais sur d'autres acteurs que l'Etat. En 2011, on nous a dit qu'il fallait ponctionner les HLM, les « dodus-dormants ». Même si nous avons un peu limité la « casse », avec Philippe Dallier, il y a bien des effets pervers. Et il fallait aussi financer la bosse de l'ANRU en bricolant le financement du Grand Paris... Cela montre surtout que l'Etat n'est pas à la hauteur de sa mission. Certes, il y a une augmentation de la production de logement, mais cela ne suffit pas à satisfaire la demande.

Combien de fois a-t-on dit que l'argent n'était pas dépensé à bon escient, comme avec le « Scellier » et aujourd'hui le Premier ministre annonce que cette niche prendra fin, comme cela était prévu initialement, fin 2012 !

M. Philippe Marini, président. - Nous pourrions nous réjouir de cette approbation réciproque concernant la suppression du Scellier !

M. Jean-Paul Emorine. - Il faut rester modeste. La demande augmente en grande partie du fait de l'évolution sociologique de notre société. Je rappelle qu'en 2000, il n'y a eu que 38 000 logements sociaux construits contre plus de 120 000 aujourd'hui. Il faut noter aussi qu'en région parisienne, il y a des couples qui occupent des logements sociaux alors qu'ils ne devraient plus en bénéficier. Sur le Scellier, je me réjouis de sa suppression.

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Je me suis peut-être exprimé imprudemment mais ma position n'est pas idéologique, elle est pragmatique. Mes observations ne sont d'ailleurs pas éloignées de celles que formulait Philippe Dallier dans ses rapports que j'ai lus. Chaque année on présente un budget en augmentation optique, mais en loi de finances rectificative, on rajoute des crédits très importants, ce n'est donc pas un projet de budget sincère. Sur le nombre de logements construits, il est parfaitement exact que depuis 2004, il a augmenté. Mais la question est de savoir si cela permet de résoudre la crise et la réponse est négative. A croissance démographique égale, il faut aujourd'hui construire plus, en raison de phénomènes comme la décohabitation, l'éclatement familial ou le vieillissement. Il faut aussi différencier en fonction des besoins des territoires et des types de logements, PLAI, PLUS ou PLS pour les revenus intermédiaires.

Ce qui est aussi contestable, c'est la débudgétisation de la politique du logement qui reporte la charge sur d'autres. Comme l'a dit la rapporteure générale, on ponctionne Action logement, à travers les deux programmes triennaux successifs, on ponctionne les organismes d'HLM mais aussi les collectivités territoriales. Sans leur soutien, aujourd'hui, il n'existerait pas de politique du logement.

En ce qui concerne les logements inoccupés, il existe la taxe sur les logements vacants que les collectivités peuvent instituer et moduler. Je signale toutefois que beaucoup de ces logements posent des problèmes d'habitabilité.

Sur la question des crédits d'aide à la pierre dans les secteurs non tendus, j'entends bien les inquiétudes exprimées. La raréfaction des crédits conduit au recentrage. C'est aujourd'hui l'administration centrale qui s'en charge, ce ne sont plus les préfets. Cette méthode est sans doute plus efficace mais sans nuance. De fait, l'avenir des aides à la pierre dans le monde rural est un vrai sujet qui implique aussi une réflexion sur les règles d'urbanisme très contraignantes surtout en l'absence de plan local d'urbanisme.

Pour le prélèvement sur les organismes HLM, il faudra absolument faire un bilan et revoir éventuellement le critère du potentiel financier.

Le taux de 0 % de réponses reçues sur le questionnaire concernant le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » est la conséquence d'un dysfonctionnement administratif que nous devions souligner et qui ne doit pas se reproduire. Je m'interroge aussi sur la logique d'une réforme de l'administration des aides à la pierre qui demande beaucoup au niveau local de proximité mais qui fait remonter le pouvoir de décision au niveau régional.

Sur la Région Ile-de-France et le Grand Paris, il existe actuellement un établissement public foncier régional mais je constate que son efficacité ne fait pas l'unanimité. J'ai en tout cas la conviction qu'il faut tenir compte de la spécificité de la région Ile-de-France.

M. Francis Delattre. - Je le répète, le problème foncier est crucial en Ile-de-France et on faisait mieux avec les villes nouvelles qu'aujourd'hui.

M. Philippe Marini, président. - Peut être pourriez-vous, monsieur le rapporteur spécial, dans le cadre de vos travaux de contrôle, examiner les conséquences négatives de la ponction effectuée sur la PEEC sur l'allocation en fonds propres des opérations de construction de logements intermédiaires ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Volontiers !

M. Albéric de Montgolfier. - Ne prendriez vous pas en compte les nouvelles annonces du Gouvernement dans votre appréciation du projet de budget du logement ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Ce serait une anticipation et la mission n'inclut que des crédits budgétaires.

M. Roger Karoutchi. - Serait-il possible d'actualiser le rapport « Pommellet » de 2005 sur le foncier disponible en Ile-de-France ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Cela demanderait un énorme travail et la coopération de nombreux organismes. Il me semble que cette actualisation doit être demandée aux administrations centrales.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Ville et logement » et, à l'unanimité, l'adoption sans modification de l'article 64 du projet de loi de finances pour 2012.

Loi de finances pour 2012 - Mission Travail et emploi, compte d'affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage - Examen du rapport spécial

La commission procède ensuite à l'examen des rapports de MM. François Patriat et Serge Dassault, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Travail et emploi » et le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (et articles 62, 62 bis, 63, 63 bis, 63 ter et 63 quater).

M. François Patriat, rapporteur spécial. - Monsieur le Président, mes chers collègues, la commission des finances m'a fait l'honneur de me confier l'examen des crédits de la politique de l'emploi et de l'apprentissage et je l'en remercie. Ce sont des sujets qui me tiennent à coeur notamment parce que la compétence en matière de formation professionnelle a été transférée aux régions. C'est aussi un enjeu majeur pour notre pays dans la crise économique qu'il traverse. A ce sujet, je recevrai, après notre réunion de commission, une délégation représentant une entreprise bourguignonne qui licencie 500 personnes.

Il me revient donc de vous présenter les crédits des programmes 102 et 103 et du compte d'affectation spéciale « Financement du développement et de la modernisation de l'apprentissage ». Je formulerai ensuite mes observations concernant le vote de ce budget.

Tout d'abord, quelques chiffres. Pour 2012, les crédits de la mission « Travail et emploi » s'établissent à 10,2 milliards d'euros de crédits de paiement et subissent une réduction de 11 % par rapport à 2011 (11,6 milliards d'euros). Le périmètre de la politique de l'emploi représente 9,4 milliards d'euros, soit 92 % des crédits de la mission ainsi répartis :

- 5,4 milliards d'euros pour le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » ;

- 4 milliards d'euros pour le 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

En outre, le compte spécial « Apprentissage » comporte 575 millions d'euros destinés à assurer la péréquation de la taxe d'apprentissage entre les régions et le financement des contrats Etat-régions en faveur de l'apprentissage.

Quels sont les points marquants de ce budget pour 2012 ? Tout d'abord, il faut noter que pour participer à l'effort de réduction du déficit public, le Gouvernement a décidé de diminuer les moyens des programmes 102 et 103 de 1,4 milliard d'euros par rapport à 2011. Il faut toutefois s'étonner du fait que la totalité de la réduction des crédits porte sur des dépenses d'intervention. Cela s'explique notamment par la fin des financements exceptionnels du plan de relance de l'économie de 2009 qui pesaient encore près de 600 millions d'euros en 2011. Mais l'essentiel relève du choix du Gouvernement de sous-budgétiser de nombreux dispositifs. Je citerai quelques exemples :

- la subvention de l'Etat au Fonds de solidarité pour le financement de l'allocation de solidarité spécifique baissera de 200 millions d'euros (906 millions d'euros en 2012 au lieu de 1,15 milliard en 2011) ;

- la participation de l'Etat au financement des maisons de l'emploi devait baisser de 30 millions d'euros, mais nos collègues de l'Assemblée nationale ont souhaité limiter ce « coup de rabot » à 15 millions d'euros, ce que j'approuve ;

- l'enveloppe allouée au paiement du marché de l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) pour les « publics fragiles » s'établit à 15 millions d'euros en 2012 au lieu de 51 millions en 2011 ;

- enfin, les crédits destinés au financement des contrats aidés sont ramenés de 2,02 milliards d'euros en 2011 à 1,9 milliard pour 2012.

Le Gouvernement présente la réduction des crédits affectés aux contrats aidés comme « assez marginale par rapport aux masses financières en jeu » mais cette réduction traduit le fait que l'objectif pour 2012 (340 000 contrats aidés) se situe en-deçà des 390 000 contrats aidés ouverts en 2011 (340 000 au titre de la loi de finances pour 2011 et 50 000 de plus décidés en cours d'année par le plan pour l'emploi). Cette sous-budgétisation est dangereuse. Et l'on pourrait penser que ce budget est insincère car il obligera tout futur Gouvernement à demander, en court d'année 2012, une ouverture massive de crédits supplémentaires afin de financer les contrats aidés qu'il faudra créer pour lutter contre la montée du chômage. Il faut rappeler qu'en 2010, la dépense finale des contrats aidés s'est élevée à 3,5 milliards d'euros de crédits au lieu de 1,77 milliard d'euros prévus initialement.

Enfin, je souhaite vous exposer un autre travers de ce budget. Ce que l'Etat ne peut financer lui-même, il le fait supporter par les partenaires sociaux, les opérateurs et les collectivités territoriales. Là encore, voici quelques exemples précis :

- pour financer la formation professionnelle, l'Etat veut pratiquer un nouveau prélèvement de 300 millions d'euros sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et en transférer la gestion à l'AFPA (75 millions d'euros), à l'Agence de services et de paiement (200 millions d'euros) et à Pôle emploi (25 millions d'euros) ; donc de facto des crédits débudgétisés ;

- par ailleurs, le Gouvernement a fait voter à l'Assemblée nationale un amendement, déposé en séance au dernier moment et sans que la commission des finances ait été en mesure de l'examiner, qui supprime l'allocation spécifique du fond national de l'emploi destinée à financer les préretraites versées dans le cadre de plans sociaux.

Au final, il ne s'agit pas de méconnaître l'impératif de retour à l'équilibre des finances publiques. Il ne s'agit pas non plus de demander plus de dépenses car nous savons que l'effort d'économie à réaliser en 2012 sera certainement supérieur aux 6 à 8 milliards d'euros annoncés par le Gouvernement. Mais c'est en toute responsabilité qu'il faut regretter le choix fait de se désengager des politiques actives de l'emploi et de lutte contre le chômage en ne faisant porter l'effort d'économie que sur les dépenses budgétaires.

En quelques mots, et pour terminer, je voudrais vous dire pourquoi ce choix est mauvais et, en conséquence, pourquoi le budget de la politique de l'emploi de ce Gouvernement doit être rejeté.

En effet, le coût global de la politique de l'emploi en 2012 ne se limite pas aux seules dépenses budgétaires de la mission « Travail et emploi ». Il faut également prendre en compte les éléments suivants :

- d'abord, toutes les dépenses fiscales, les « niches » liées à l'emploi qui représentent 10,81 milliards d'euros ;

- ensuite les allègements généraux de cotisations patronales pour un montant de 23,6 milliards d'euros, dont les 20,1 milliards d'euros d'allègements généraux de charges « Fillon » et les 3,5 milliards d'euros d'exonérations relatives aux heures supplémentaires de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi « TEPA » ;

- enfin, une série d'exonérations ciblées de cotisations patronales qui représentent 1,84 milliard d'euros.

Au total, la politique de l'emploi mobilisera donc 47 milliards d'euros en 2012. C'est 9 % de moins que l'année dernière (51,44 milliards d'euros).

Ces économies sont nécessaires. Mais comme je viens de l'exposer, nous avons le choix de réduire un poste de dépenses plutôt qu'un autre.

Le choix du Gouvernement est clair : il veut réduire drastiquement les dépenses budgétaires d'intervention. Ce faisant, il prive le pays d'un levier de lutte important contre le chômage. Le budget pour 2012 de la politique de l'emploi ne sera pas de nature à influer activement sur la conjoncture. Il ne comporte aucune mesure nouvelle permettant de prendre le relais du plan de relance et de faire face à la dégradation du marché de l'emploi. Il fait même courir le risque d'une explosion des dépenses sur les dispositifs sous-budgétisés : les contrats aidés, l'accompagnement des restructurations économiques et les dépenses de solidarité. Alors que les tensions sur le marché du travail sont reparties à la hausse pour la fin 2011 et 2012, l'objectif du Gouvernement de baisse du taux de chômage à 9 % relève aujourd'hui d'une politique d'affichage. Je ne m'en réjouis certes pas mais il faut voir la réalité en face.

La voie suivie par la nouvelle majorité sénatoriale est radicalement différente : plutôt que de réduire les seules dépenses d'intervention de la politique de l'emploi, il faut supprimer les niches fiscales et sociales très coûteuses et sans effet sur le marché du travail. Notre commission et la commission des affaires sociales ont voté la suppression du dispositif d'exonération des heures supplémentaires : cela représente une économie globale de 4,9 milliards d'euros, bien supérieure à celle que souhaite faire le Gouvernement sur les dépenses d'intervention en faveur de l'emploi.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je propose à la commission des finances de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

Sur ce sujet, je voudrais signaler le décalage entre l'objectif du Gouvernement de porter le nombre des apprentis à 600 000 en 2015 et la réalité du terrain qui est moins optimiste. Dans la région Bourgogne, le Préfet souhaitait fixer un objectif de 15 000 apprentis, mais celui-ci a dû être ramené à 13 000 dans la convention d'objectifs et de moyens Etat-Région.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Il me revient maintenant de vous présenter le budget du volet « Travail » de la mission, avec les programmes, 111 et 155. Je vous livrerai ensuite mes observations sur un certain nombre de sujets liés à l'emploi.

Le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » a pour objectif d'améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés. Il vise à garantir le respect du droit du travail, de la santé et de la sécurité au travail, du dialogue social et à lutter contre le travail illégal. Le respect du droit du travail, de la santé, et de la sécurité, est assuré par les inspecteurs du travail. Le dialogue social est garanti par le code du travail, avec les syndicats. Mais il y a un autre dialogue social, qui lui n'est pas prévu par le code du travail, et qui est tout aussi important, sinon plus, que le dialogue avec les syndicats. C'est celui qui concerne tous les salariés, acteurs indispensables à l'activité de toutes les entreprises, et sans lesquels il n'y aurait pas d'entreprises.

Les salariés ont un intérêt particulier à la poursuite des activités de leur entreprise car elle est leur « gagne-pain ». Les actionnaires ont intérêt à ce que les salariés soient motivés et travaillent dans de bonnes conditions.

C'est pour cela que toute direction d'entreprise doit, au maximum, motiver ses salariés et, dans ce but, elle doit supprimer leurs motifs d'insatisfaction, et satisfaire leurs besoins, qui sont au nombre de quatre :

- le besoin de savoir est couvert par l'information sur tout ce qui se passe dans l'entreprise, y compris ce qui concerne la gestion de la production, la vente et les résultats financiers ;

- le besoin de pouvoir est satisfait par la possibilité de prendre des responsabilités à tous les niveaux ;

- le besoin de considération, qui est le plus important, car il est la preuve que l'on existe, que l'on s'intéresse à vous, que vous faites partie de la famille ;

- le besoin d'avoir concerne les rémunérations, mais aussi l'intéressement, et surtout la participation. C'est pour cela que je propose, jusqu'ici sans succès, qu'il y ait égalité entre les dividendes et la participation. C'est ce que j'applique moi-même à Dassault Aviation depuis plus vingt ans et, aujourd'hui, l'ensemble du personnel touche trois à quatre mois de salaires supplémentaires, somme équivalente à la somme distribuée aux actionnaires.

En définitive, il n'y a pas, ou il ne devrait pas y avoir, les salariés d'un côté et le patron avec les actionnaires de l'autre. Les uns et les autres forment une grande équipe qui doit réussir à vendre des produits compétitifs pour satisfaire les clients. Car ce sont les clients qui, par leurs achats, apportent aux entreprises le financement nécessaire à leurs activités et les rémunérations des salariés et des actionnaires.

Le programme 111 porte aussi sur les engagements financiers liés à la mise en oeuvre de la loi du 20 août 2008 qui prévoit que la première mesure de l'audience des organisations syndicales sera réalisée avant la fin de l'année 2013, afin de démontrer leur véritable représentativité. Aussi le budget pour 2012 prévoit-il une progression des crédits de paiement de la ligne budgétaire consacrée à la mesure de l'audience syndicale, celle-ci passant de 9,7 millions d'euros en 2011 à 16 millions en 2012, soit une augmentation de 65 %.

Pour le reste, toutes les lignes budgétaires du programme 111 seront en diminution :

- la recherche et l'exploitation des études en matière de santé et de sécurité au travail (3,9 millions d'euros en CP au lieu de 4,6 millions) ;

- la formation des conseillers prud'hommes (8,1 millions d'euros au lieu de 9,6 millions) ;

- ainsi que les crédits versés aux deux opérateurs du programme, l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail et l'agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Mais ce sont des « broutilles » par rapport aux économies possibles sur les autres programmes de la mission qui concernent l'emploi.

J'en viens au programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail ». Il s'agit du programme « support » de la mission « Travail et emploi ». Il regroupe les moyens de soutien des politiques de l'emploi et du travail : les personnels, les crédits de fonctionnement et d'investissement, les moyens d'études, de statistiques, de recherche et d'évaluation. Il faut noter que les dépenses d'investissement progressent légèrement, de 2,5 millions d'euros, afin de moderniser l'informatisation et la dématérialisation des procédures.

Maintenant permettez-moi de vous présenter, rapidement, mes observations personnelles sur la politique de l'emploi.

Je déplore, depuis quelques années, que les crédits que l'on nous demande d'accepter ne reçoivent aucune justification quant à leur efficacité. Quelle est l'efficacité de Pôle Emploi ? Combien de demandeurs ont retrouvé du travail du fait de son action ?

Dans la situation financière critique où nous nous trouvons aujourd'hui, il importe plus que jamais de limiter les dépenses faites pour le développement de l'emploi qui ne sont pas suffisamment efficaces. La première et la plus emblématique est celle des 35 heures. Si elle a créé des emplois, surtout dans la fonction publique, elle a augmenté considérablement les dépenses de personnel. Pour les entreprises privées, elle a eu des conséquences dramatiques en réduisant de façon importante notre compétitivité et nos exportations. Quant aux allègements de charges sociales accordés aux entreprises pour compenser la réduction d'horaire, ils coûtent chaque année à l'Etat plus de 20 milliards d'euros. Ainsi, en dix ans, plus de 200 milliards d'euros ont été dépensés pour travailler moins, ce qui représente un gâchis considérable, et contribue à l'aggravation de notre dette. Le retour aux 39 heures constituerait un gain pour l'Etat de 20 milliards d'euros par an, un gain pour les entreprises par l'amélioration de leur compétitivité, un gain pour les salariés en pouvoir d'achat par l'augmentation du SMIC et, enfin, un gain pour la croissance.

Par ailleurs, il est totalement admis aujourd'hui que la prime pour l'emploi n'a aucun effet sur le retour à l'emploi. J'en préconise la suppression, ce qui représenterait une économie de 2,8 milliards d'euros.

La réduction de la TVA sur la restauration à 5 % coûte 3,2 milliards d'euros. Cela a-t-il réellement créé des emplois ? Personne ne peut en apporter la preuve. Compte tenu de l'urgence des économies à faire, je propose de la supprimer.

La suppression des exonérations sur les heures supplémentaires rapporterait plus de 4,5 milliards d'euros. Ces exonérations ne contribuent à la création d'aucun emploi, je pense qu'il faudrait les supprimer également, comme le propose maintenant le Sénat.

Mme Michèle André. - M.  Serge Dassault est d'accord avec nous !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - J'aimerais maintenant vous parler de la raison principale du chômage des jeunes On ne leur donne aucune formation professionnelle, et quand ils sortent du collège à seize ans, sans aucune capacité, ni goût pour les études, ils échouent dans leurs quartiers. Ils ne savent rien faire et pire, ils n'ont plus envie de rien faire. Plus personne ne s'occupe d'eux, pas même, malheureusement, les parents. Alors, inactifs ou désoeuvrés, certains deviennent des délinquants et créent de l'insécurité au lieu de travailler. Il faut alors dépenser beaucoup d'énergie et d'argent pour les réinsérer, sans parler du coût induit pour maintenir la sécurité, alors qu'il aurait été plus efficace de leur apprendre un métier, avant leur sortie du système éducatif.

C'est pour cela que je pense qu'il faudrait supprimer le collège unique et revoir l'enseignement secondaire, en y incorporant une filière professionnelle et une filière diplômante.

Enfin, je voudrais vous signaler que les missions locales effectuent un travail remarquable d'insertion qui devrait encore davantage être soutenu budgétairement.

M. Philippe Marini, président. - S'agissant des Maisons de l'emploi, il serait dommage de rejeter le budget car nous ne pourrions pas adopter d'amendement pour abonder leurs crédits.

M. François Patriat, rapporteur spécial. - Tout d'abord, je voudrais faire la part des choses. Certaines maisons de l'emploi sont excellentes, mais d'autres s'apparentent parfois à des officines para-publiques dont la préoccupation semble être de reconduire les crédits qui leur sont affectés. Lorsque Pôle Emploi, les missions locales et les maisons de l'emploi travaillent ensembles, il est possible d'obtenir de bons résultats. Pour répondre à votre question, Monsieur le Président, le rejet de ce budget empêchera de facto l'adoption d'amendements. Mais il restera la commission mixte paritaire pour opérer d'ultimes ajustements.

M. Philippe Marini, président. - C'est effectivement, en dernière extrémité, la voie empruntée l'an dernier.

Mme Michèle André. - A quoi attribuer le déclin de l'apprentissage au sein des lycées professionnels et quelles orientations pourrions-nous prendre pour en relancer le financement et l'action ?

M. François Patriat, rapporteur spécial. - En matière d'emploi, il faut avoir l'esprit ouvert et ne pas segmenter les voies de la réussite car elles sont diverses, qu'il s'agisse de la formation initiale ou de l'apprentissage. Aussi, nous devons encourager les artisans et les PME qui vouent une vraie énergie au développement de l'apprentissage. Celui-ci n'est pas un danger, ni pour la formation initiale, ni pour l'éducation nationale qui a investi dans les lycées professionnels, même si ceux-ci connaissent une indéniable désaffection.

Afin de relancer une dynamique sans dépenses supplémentaires, l'économie que je préconise serait de partager les lieux existant entre les divers acteurs de la formation professionnelle et non d'en créer de nouveaux. Cet exemple a été suivi dans ma région, à Autun, autour des nouveaux métiers du bâtiment.

Enfin, je voudrais citer les trois raisons à la diminution du nombre des apprentis en lycées professionnels : l'instauration du bac professionnel en trois ans, la crise du BTP et la baisse des crédits d'accompagnement. Sur ce point, je plaide pour une meilleure répartition de la taxe d'apprentissage en améliorant le fonctionnement de la péréquation régionale. Ensuite, il faudrait étudier les voies et moyens permettant de mieux orienter le produit de la taxe vers les centres de formation des apprentis dans les « petits métiers ».

M. Philippe Marini, président. - Quels sont les avis des rapporteurs spéciaux sur l'adoption des crédits ?

M. François Patriat, rapporteur spécial. - Pour les raisons que je vous ai indiquées, notamment le choix stratégique du Gouvernement de réduire drastiquement les dépenses d'intervention, je confirme ma proposition de rejet des crédits de la mission et du compte spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Je propose au contraire de les adopter.

Les crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » ne sont pas adoptés.

M. Philippe Marini, président. - Nous en arrivons maintenant à la discussion des articles rattachés.

M. François Patriat, rapporteur spécial. - L'article 62 vise à pérenniser le dispositif d'aide aux ateliers et chantiers d'insertion, adopté à titre transitoire en loi de finances pour 2010 et prolongé en 2011. Nous pouvons proposer au Sénat d'adopter cet article sans modification.

L'article 62 bis vise à supprimer l'allocation spéciale du Fonds national de l'emploi destinée aux préretraites versées dans le cadre de plans sociaux. Cet article résulte d'un amendement déposé dans la précipitation par le Gouvernement, en séance publique, et adopté sans que nos collègues députés aient pu véritablement l'examiner et consulter les partenaires sociaux. J'ajoute que l'allocation supprimée n'est remplacée par aucun dispositif. En effet, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), dont le Gouvernement assure qu'il prendra en charge les futurs licenciés pour motif économique, a vocation à aider les personnes en phase de reclassement et non les salariés âgés proches de la retraite. De plus, les crédits affectés au CSP pour 2012 apparaissent d'ores et déjà insuffisants. Pour ces motifs, je vous propose un amendement n° 1 de suppression de l'article 62 bis.

L'amendement n° 1 est adopté.

M. François Patriat, rapporteur spécial. - L'article 63 a pour objet de prélever 300 millions d'euros en 2012, sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et d'affecter cette somme à plusieurs organismes intervenant dans le champ de l'emploi et de la formation professionnelle : l'AFPA, l'agence de services et de paiement et Pôle emploi. Notre commission s'était déjà opposée à un prélèvement de même montant lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011 car cette pratique fait peser sur les partenaires sociaux une charge qui leur est imposée par l'Etat. De plus, ce nouveau prélèvement fragilisera la trésorerie du Fonds. De ce fait, celui-ci pourrait connaître un déficit de 283 millions d'euros fin 2012. Aussi, je vous propose un amendement n° 2 de suppression de l'article 63.

M. Philippe Marini, président. - Qui financera ces actions de formation professionnelle si le prélèvement est supprimé ?

M. François Patriat, rapporteur spécial. - Ce prélèvement est une débudgétisation de crédits qui ont vocation à figurer au sein de la mission « Travail et emploi ».

L'amendement n° 2 est adopté.

M. François Patriat, rapporteur spécial. - L'article 63 bis, adopté à l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann, a pour objet de proroger de deux ans, du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2013, les exonérations fiscales et sociales en faveur des entreprises qui exercent une activité dans les bassins d'emploi à redynamiser. Il me semble qu'un délai d'un an au lieu de deux est suffisant pour étudier l'efficacité de cette mesure d'incitation. Aussi, je vous propose d'adopter un amendement n° 3 qui limite la prorogation à une année au lieu de deux, soit au 31 décembre 2012.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Cela nous laissera le temps d'évaluer cette niche et d'y revenir l'année prochaine.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. François Patriat, rapporteur spécial. - Enfin, je vous propose d'adopter sans modification les articles 63 ter et 63 quater. Le premier vise à adopter le calcul de la taxe d'apprentissage applicable en Alsace et en Moselle afin de tenir compte de la réforme de la part « quota » de la taxe d'apprentissage. Le second exonère d'impôts, de droits et de taxes, les transmissions effectuées entre les organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA) dans le cadre des regroupements qu'ils devront réaliser en application de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

Elle décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 62 du projet de loi de finances pour 2012.

Elle adopte les amendements n°s 1 à 3 de M. François Patriat et décide, en conséquence, de proposer au Sénat la suppression des articles 62 bis et 63, et l'adoption de l'article 63 bis ainsi modifié.

Puis, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des articles 63 ter et 63 quater.

Loi de finances pour 2012 - Mission Politique des territoires - Examen du rapport spécial

La commission procède enfin à l'examen du rapport de Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale, sur la mission « Politique des territoires ».

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Je m'en tiendrai aux principaux éléments concernant, dans le projet de loi de finances pour 2012, la mission « Politique des territoires », dont j'ai le plaisir de rapporter les crédits pour la première fois. Cette mission poursuit, pour mémoire, l'objectif de soutenir le développement durable des territoires nationaux dans une perspective de développement solidaire et équilibré.

Elle s'inscrit en 2012 dans une grande continuité à l'égard de l'exercice 2011 et conserve ainsi un périmètre interministériel stable ainsi qu'une organisation inchangée pour ses deux programmes. Elle constitue par le volume de ses crédits la plus petite mission du budget général dotée d'objectifs de performance : 334,07 millions d'euros en AE et 340,81 millions d'euros en CP. J'ai relevé à cet égard que ces montants sont conformes aux plafonds prévus pour la mission par la loi de programmation des finances publiques en vigueur et qui couvre la période 2011-2014. L'objet de la mission place celle-ci au coeur de la politique transversale d'aménagement du territoire, qui excède de loin son périmètre. Chaque année, en effet, 5 milliards d'euros sont engagés pour l'aménagement du territoire, 5,35 milliards d'euros d'AE dans le présent projet de loi de finances pour 2012. La mission ne représentera donc en 2012 que 6,5 % de la totalité de ces crédits.

La mission « Politique des territoires » connaît une évolution contrastée de ses crédits par rapport à 2011 (- 4,63 % en AE et + 6,05 % en CP, avant le vote de l'Assemblée nationale). Et nos collègues députés ont, de plus, voté un amendement gouvernemental qui réduit de 3 millions d'euros en AE comme en CP ces crédits.

Pour ce qui concerne la contraction des AE, présente dès le projet initial mais accentuée par le vote de l'Assemblée nationale, elle ne poserait pas de difficultés d'après les informations que j'ai pu recueillir : elle résulte de la réduction de certains engagements, mais sans que les politiques conduites auparavant s'en trouvent réellement affaiblies. En effet, en 2011, des AE avaient été spécifiquement ouvertes pour financer la deuxième génération des pôles d'excellence rurale (PER), à hauteur de 40 millions d'euros, ainsi que différentes mesures nouvelles, pour 15,2 millions d'euros. La fin de ces besoins spécifiques explique la baisse de 15 millions d'euros en AE sur l'un des programmes de la mission en 2012. A eux seuls, les pôles d'excellence rurale représentent les deux-tiers de cette réduction des besoins en AE.

S'agissant des CP, pas de difficultés majeures non plus : les taux de consommation constatés lors des précédents exercices démontrent que la baisse des crédits ne devrait pas poser de difficultés.

La mission est, en outre, caractérisée par un niveau élevé de fonds de concours, 30 millions d'euros en AE et 40 millions d'euros en CP, qui bénéficient essentiellement au programme d'investissements en faveur de la Corse, et elle se singularise par des dépenses fiscales supérieures à ses crédits budgétaires, soit 421 millions d'euros. J'en viens maintenant aux deux programmes de la mission, dont le périmètre reste stable en 2012 :

- le premier programme, « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » (PICPAT), piloté par le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, correspond aux moyens mis à la disposition de la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) ;

- le second programme, « Interventions territoriales de l'Etat » (PITE), relève du Premier ministre mais a été confié à la gestion du ministère chargé de l'intérieur. Dérogatoire aux règles du « droit commun » budgétaire, ce programme a été reconduit et recomposé en 2009 sous la forme de quatre actions, qui correspondent à quatre plans interministériels de portée régionale.

Sur le fond, les actions prévues pour ces programmes en 2012 constitueront la poursuite des actions engagées en 2011. Ainsi, le programme géré par la DATAR, le PICPAT est doté de 287,09 millions d'euros en AE et 304,74 millions d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 5,14 % des AE et une hausse de 6,26 % des CP par rapport à la LFI pour 2011. Ces crédits seront principalement employés au financement des dispositifs suivants :

- les contrats Etat-régions, dont la « génération » 2007-2013 entrera en 2012 dans sa sixième année d'exécution ;

- la prime d'aménagement du territoire, outil d'aide à la localisation d'activités et d'emplois dans certaines zones prioritaires du territoire ;

- les pôles d'excellence rurale, avec 642 projets retenus ;

- les pôles de compétitivité et les « grappes d'entreprises » qui constituent une sorte de variante des pôles de compétitivité pour des réseaux d'entreprises de petite taille. Des appels à projets ont permis de sélectionner 42 grappes en 2010 et 84 en 2011 ;

- le plan d'accompagnement du redéploiement des armées, dont la mise en place s'est accélérée en 2011 ;

- les contrats de développement en faveur des Ardennes et de Châtellerault, le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, le financement de schémas directeurs d'aménagement numérique du territoire...

Je renvoie à mon rapport écrit pour les nombreux détails de ce riche programme. Je voudrais souligner que la politique d'aménagement du territoire conduite par le Gouvernement est très largement responsable de l'impression de « saupoudrage », sans réelle lisibilité, qui ressort de la mise en oeuvre des dispositifs dans les territoires. Je me fais ici le relais des inquiétudes des élus locaux sur les conditions de labellisation des projets retenus au titre des grappes d'entreprises. Une large évaluation devrait nous aider à y voir plus clair. La politique de mise en concurrence entre les territoires n'est pas remise en cause, comme le montre le recours à la procédure des appels à projets, qui est devenue la règle : les premiers partis sont les premiers servis, au détriment de la péréquation et de l'intégration des projets dans une stratégie régionale globale. Ce sont souvent les territoires les mieux organisés qui sont aussi naturellement les mieux à même de répondre rapidement à ces appels à projets. Je ne m'étendrai pas non plus sur les interventions unilatérales et non concertées de l'Etat sur les territoires, je pense au « Grand Paris », mais aussi aux « projets d'intérêt général » (PIG) au travers desquels l'Etat impose ses vues aux collectivités. Qu'est devenue la décentralisation ?

J'en arrive maintenant au second programme de la mission, le PITE, qui est doté de 46,98 millions d'euros en AE, en baisse de 1,39 % par rapport à 2011, et de 36,06 millions d'euros en CP, en hausse de 3,42 % par rapport à 2011, la majorité de ces crédits se trouvant affectée à l'action relative à la Corse. Cette dernière action sera, de plus, abondée par des fonds de concours, à hauteur de 40 millions d'euros en CP, en provenance de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ce qui constitue une forme de « débudgétisation » regrettable.

Le PITE retrace, en effet, quatre actions :

- le financement de la « reconquête » de la qualité de l'eau en Bretagne, seule action du PITE dont le montant varie en 2012, avec des AE en baisse de 6 % et des CP en hausse de 15 %. Cette action comporte notamment le « plan d'urgence nitrates » mais j'observe que la variation des crédits résulte de la hausse exceptionnelle des AE en 2011 sous l'effet de la mise en oeuvre du « plan de lutte contre les algues vertes » ;

- la deuxième correspond au plan d'investissements en Corse ;

- la troisième concerne l'écologie du marais poitevin ;

- enfin, la dernière action du programme consiste en un « plan chlordécone » pour la Martinique et la Guadeloupe, en vue de faire face aux dangers de ce pesticide hautement toxique qui a été utilisé contre le charançon du bananier.

J'ai relevé que la composition du PITE pourrait évoluer après 2012 et que le ministère de l'intérieur a demandé aux préfets de région de faire remonter des projets territoriaux. Dans ce contexte, je m'interroge sur les raisons pour lesquelles il n'existe pas d'action spécifique pour les problèmes particuliers du pays basque, en vue de compléter la convention dédiée à ce territoire et pour laquelle le Gouvernement n'a donné aucune garantie de reconduction.

Par ailleurs, le maintien de l'effort de désendettement du PICPAT est un élément positif. Cet effort porte ses fruits pour la deuxième année consécutive puisque sa situation devrait rester saine en 2012. Dans ce contexte, j'attire l'attention sur la nécessité de conserver pour les prochains exercices un équilibre dans la répartition entre les AE et les CP du programme en vue de garantir sa soutenabilité et de ne pas reproduire les tensions observées entre 2003 et 2009. J'attirerai l'attention du Gouvernement sur ce point en séance publique.

J'en viens aux deux principales critiques que je souhaite formuler :

- en premier lieu, l'efficacité des mesures mises en oeuvre par la mission me paraît incertaine et insuffisamment mesurée. Améliorer leur évaluation est donc nécessaire. Il faut voir les résultats effectifs des pôles de compétitivité et des « grappes d'entreprises », mais aussi des pôles d'excellence rurale ou, encore, de la prime d'aménagement du territoire (PAT), outil en faveur de l'emploi sur lequel la Cour des comptes a émis des réserves ;

- en second lieu, l'évaluation que je préconise concerne les dépenses fiscales rattachées au programme que gère la DATAR. Trente dépenses fiscales sont rattachées au PICPAT pour un montant total minimal estimé de 421 millions d'euros en 2012, soit un montant supérieur aux crédits de la mission. La tendance au « saupoudrage » en la matière est inacceptable. Je m'inquiète du résultat des évaluations issues du rapport, rendu public en septembre 2011, du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par Henri Guillaume. Ce rapport s'est, en effet, montré très critique sur ces dispositifs, jugés quasi systématiquement inefficaces. Sur les vingt-et-une dépenses fiscales de la mission évaluées, dix-huit ont le score le plus faible : zéro ! Déjà, en octobre 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires avait, dans son rapport sur les niches fiscales et sociales, évoqué des dispositifs à « l'efficacité incertaine ». Notre collègue François Marc, ancien rapporteur spécial, avait à plusieurs reprises exigé que ces dépenses fassent l'objet d'une évaluation rigoureuse de leurs performances. Je partage son analyse et j'ajoute qu'une remise à plat de ces mesures me semble à terme inévitable.

Pour conclure, je juge nécessaire d'accroître globalement l'efficacité des politiques d'aménagement du territoire, au-delà même de la présente mission, dans une démarche de solidarité accrue entre les territoires et de recherche d'une plus grande cohérence.

C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous propose néanmoins l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Politique des territoires » pour 2012.

M. Jean-Paul Emorine. - Vous avez parlé des pôles de compétitivité, qui est un sujet dont notre collègue François Patriat connaît bien les problématiques. Ma remarque porte sur les dispositifs en direction du monde rural. Vous avez utilisé l'expression de « saupoudrage », mais j'observe que ces politiques se traduisent par un soutien à des petits projets, qui sont d'ailleurs souvent assez difficiles à mettre en place concrètement. Notre collègue Rémy Pointereau, ancien rapporteur pour avis de la mission « Politique des territoires » au nom de la commission de l'économie, avait d'ailleurs consacré en 2009 un rapport à la politique des pôles d'excellence rurale, auquel vous pouvez vous reporter. Il montrait bien l'intérêt de poursuivre ces mesures. De manière générale, et sans avoir de coûts financiers importants, ces politiques en faveur de la ruralité permettent de maintenir des activités dans des zones fragiles de notre territoire. En outre, je suis d'accord avec votre proposition d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.

Mme Michèle André. - Je félicite notre nouvelle collègue pour son travail. Je me demande comment assurer un contrôle effectif du problème des nitrates en Bretagne et de ses effets désastreux à travers les algues vertes. Pour ce qui concerne le « plan chlordécone », mon interrogation est similaire, à quoi servent exactement les moyens engagés ? Enfin, je souhaite savoir si le grand emprunt a été utilisé pour les politiques d'aménagement du territoire.

M. Pierre Jarlier. - Je voudrais faire une remarque sur le manque de lisibilité de notre politique d'aménagement du territoire. La mission est modeste par rapport aux crédits pris dans leur globalité, 5,35 milliards d'euros nous a-t-on dit, mais on a du mal à voir où va l'argent exactement. Il faut accroître la lisibilité de ces mesures, surtout au moment où les moyens sont de plus en plus réduits. La complexité des financements croisés est souvent pointée du doigt, mais il existe en réalité des financements croisés au sein même des politiques de l'Etat. Si nous voulons en arriver à des procédures plus simples et plus lisibles, nous avons besoin d'une approche globale et intégrée des projets de territoire portés par l'Etat, accompagnée d'un meilleure phasage avec les crédits européens.

M. Yannick Botrel. - Mon intervention porte sur le plan d'urgence nitrates et la politique de l'eau en Bretagne. Le rapport de notre collègue traite en fait de deux questions distinctes : la lutte contre les algues vertes, d'une part, et la fermeture des points de captage en contentieux, d'autre part. Dans chacun de ces cas les problèmes se posent dans des termes différents, notamment s'agissant de la potabilité de l'eau.

J'observe que malgré le recours au PITE pour assurer le financement de la fermeture des points de captage, les syndicats d'eau sont aussi intervenus. L'Etat n'a pas donc été le seul financeur, loin de là. Dans mon département, il était attendu à hauteur de 80 % des besoins mais son intervention a finalement été nettement inférieure. Je regrette cette variabilité de l'intervention effective des crédits nationaux selon les territoires concernés.

J'ajoute que la lutte contre les algues vertes se décompose en un volet curatif et un volet préventif, ce qui est très bien, mais il faut les faire converger. Les agriculteurs ont, de ce point de vue, fourni des efforts incontestables. Mais certains agriculteurs, minoritaires, soulignons-le, refusent toujours de se conformer à la réglementation. Cette dernière doit elle-même faire preuve d'une plus grande cohérence et ne pas contrevenir aux objectifs poursuivis : je m'étonne ainsi que les règles relatives à l'épandage aient fait dernièrement l'objet d'assouplissements. De même, la législation encourage le regroupement des exploitations, ce qui n'est pas satisfaisant. La simplification des procédures administratives était la demande principale sur le terrain mais on a préféré faciliter les regroupements.

M. François Fortassin. - Je félicite à mon tour notre collègue pour la clarté de son rapport. J'ajouterai à son exposé une remarque sur la politique de l'eau, et plus particulièrement sur les réseaux de distribution d'eau potable. A chaque fois que c'est possible, il faut utiliser l'eau gravitaire. Certes, cela ne permet pas de répondre aux besoins de l'ensemble du territoire national. Mais il est probable que les deux-tiers de la France pourraient être ainsi couverts. Non seulement, cette technique permet l'offre d'une eau de qualité mais elle est très rentable à partir d'une durée de vingt-cinq ans, sachant que les installations ont une durée de vie d'environ soixante ans et qu'on évite les coûts de pompage. Par ailleurs, en ce qui concerne la téléphonie mobile et le haut débit, j'estime opportun de s'inspirer des syndicats d'électricité qui avaient été créés dans les années 1950 pour répondre aux difficultés de raccordement des petits villages : les opérateurs devraient aujourd'hui participer au financement de cette couverture spécifique des zones grises et un système de péréquation entre grandes agglomérations urbaines et petites collectivités rurales devrait être mis en place.

M. Philippe Marini, président. - Je m'interroge sur l'inscription au PITE d'un financement particulier pour la « poursuite de la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne ». Une telle politique devrait être assurée par les agences de l'eau et la question des points de captage devrait relever du ministère chargé de l'agriculture. Qu'est-ce qui justifie un tel sort particulier pour la Bretagne au sein des politiques d'aménagement du territoire ? Et ne serait-il pas plus simple de commenter l'ensemble des crédits affectés à une politique donnée, quelle que soit leur origine en termes de missions et de programmes ?

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Au président Philippe Marini, je répondrai que la décision de mettre en oeuvre un plan particulier au profit de la Bretagne correspond à l'existence d'un contentieux communautaire, auquel on a entendu répondre à travers une action interministérielle spécifique. Il s'agit d'un choix du Gouvernement.

La question de François Fortassin est plus large que le cadre de la mission dont je suis chargée de rapporter les crédits puisqu'elle porte sur la globalité de la politique de l'eau.

Sur la question de Michèle André, je confirme que le grand emprunt a bien été utilisé pour les politiques d'aménagement du territoire, notamment pour les pôles de compétitivité. Sur la mission « Politique des territoires », il a surtout permis d'apurer la dette exigible du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).

A Jean-Paul Emorine, j'indique que le rapport de notre collègue Rémy Pointereau relatif aux pôles d'excellence rurale, est utilisé et cité dans ma note de présentation. J'ajoute qu'une grande évaluation des pôles de compétitivité est prévue pour 2012 et permettra de remettre cette politique à plat le cas échéant.

Je partage, de plus, le souhait de Pierre Jarlier d'accroître la lisibilité de notre politique d'aménagement du territoire.

Enfin, pour répondre à plusieurs interventions, je précise que la mise en oeuvre du « plan d'urgence nitrates » a produit des résultats positifs. Sur les neuf prises d'eau concernées par le contentieux, quatre ont été fermées et cinq ont atteint ou vont atteindre un taux de nitrates conforme. Concernant le plan de lutte contre les algues vertes, le bilan reste à déterminer mais des éléments positifs se font jour. Le ramassage des algues échouées a ainsi permis, au 12 septembre 2011, la collecte d'environ 47 000 tonnes, soit légèrement plus qu'à la même date en 2010.

A l'issue de ce débat, la commission décide, à l'unanimité, de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Politique des territoires ».

Mercredi 9 novembre 2011

- Présidence de M. Jean-Claude Frécon, vice-président, puis de M. Philippe Marini, président -

Loi de finances pour 2012 - Examen des articles de la première partie

Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission procède tout d'abord à l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2012, sur le rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.

Article 3

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'article 3 créé un troisième impôt sur le revenu après la CSG et l'impôt sur le revenu à proprement parler. Cette innovation doit être prolongée par une réflexion globale sur la fiscalité des personnes. Le Gouvernement a limité cette mesure dans le temps, ce qui ne nous semble pas acceptable. D'où l'amendement n° 1.

M. Serge Dassault. - Il ne faut pas se focaliser sur les augmentations d'impôt limitées dans le temps : le plus souvent, les mesures perdurent. Ne touchons donc pas à cet article.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Nous sommes dans le cadre d'une loi de finances annuelle : il faut laisser au Gouvernement la possibilité de réagir en fonction des évènements. Avec cet amendement, vous interdiriez toute réactivité. Avant de prendre pareille décision, attendons le grand soir de la fiscalité que l'on nous annonce. Tenons-nous à la mesure voulue par le Gouvernement.

Mme Marie-France Beaufils. - Je partage l'avis de notre rapporteure générale : le Gouvernement a annoncé diverses mesures pérennes qui vont frapper les foyers les plus modestes alors que celles qui pèsent sur les plus hauts revenus seraient exceptionnelles. Il faut mettre un terme à ce « deux poids, deux mesures ».

M. Jean Arthuis. - Cet impôt sur le revenu exceptionnel ne va pas dans le sens de la lisibilité et de la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu. Pour ma part, je préfèrerais que soient créées une ou deux tranches supplémentaires au barème de l'impôt sur le revenu afin que le produit de cet impôt progressif soit revu à la hausse. Je rappelle que l'impôt sur le revenu ne représente en France que 2,5 % du PIB, soit un taux très faible. Je déposerai un amendement en ce sens et je proposerai la suppression de l'article 3.

M. François Marc. - Je voterai cet amendement : la France connaît un endettement et des déficits chroniques et c'est faire preuve d'un optimisme béat que d'annoncer la suppression de cet impôt exceptionnel dès le retour à l'équilibre.

L'amendement n° 1 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Cette taxation des hauts revenus n'est pas exclusive d'une nouvelle tranche supérieure du barème de l'impôt sur le revenu, monsieur Arthuis.

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Articles additionnels après l'article 3

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Le plan Fillon II annoncé lundi dernier ne remet pas en cause le dispositif coûteux mis en place à l'été 2007 par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA). Avec l'amendement n° 2, nous proposons de revenir sur les allègements des droits de mutation à titre gratuit de manière à en revenir à la situation d'avant 2007. Le taux d'imposition prévu n'aurait rien de confiscatoire et rapporterait 2,1 milliards d'euros à l'Etat.

M. Philippe Marini, président. - Quel est le niveau de l'abattement ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Nous passerions de 159 000 euros à 50 000 euros par part. Il y aurait, en plus, un abattement global de 50 000 euros sur les parts revenant aux enfants en ligne directe.

M. Philippe Marini, président. - Il est vrai que posséder un patrimoine de 159 000 euros, c'est être très riche !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Avec deux enfants, le patrimoine médian des Français, - 117 000 euros - resterait exonéré. Un patrimoine représentant le double de la médiane serait taxé à 5,6 % au titre des droits de mutation à titre gratuit au lieu d'être exonéré, et un patrimoine d'un million d'euros serait taxé à hauteur de 16,6 % contre 13,3 % aujourd'hui, ce qui n'a rien de confiscatoire.

M. Philippe Marini, président. - Nous verrons ce que cela représente en mètres carrés à Paris et dans les grandes villes de province.

Modifiez-vous le régime du conjoint survivant ? Il ne faudrait pas pénaliser les pauvres veuves.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Nous avons suffisamment travaillé avec Mme André sur le sujet. Non, nous ne modifions pas le régime du conjoint survivant.

M. Albéric de Montgolfier. - Nous avons eu hier un débat très intéressant sur les crédits de la mission « Ville et logement » et nous avons rappelé le prix très élevé de l'immobilier en Île-de-France. Il est aujourd'hui impossible pour des jeunes de se loger dans cette région s'ils ne disposent pas d'un apport personnel. La transmission patrimoniale n'est pas un luxe mais un simple moyen de se loger. L'alourdissement des droits de mutation rendrait sans doute plus difficile pour des jeunes l'acquisition d'un bien immobilier. Soyons donc prudents.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Ne pas tenir compte du doublement des prix de l'immobilier est irréaliste. Vous parlez de l'Île-de-France, mais dans bien des régions, il en va de même. Voyez le bassin d'Arcachon. En outre, lorsqu'on transmet un bien à ses enfants, on a déjà payé des impôts et on est taxé une deuxième fois ! C'est vraiment injuste.

En 2007, nous étions parvenu à un équilibre satisfaisant et je regrette que Mme la rapporteure générale veuille tout remettre en cause. Que l'on discute de telle ou telle mesure de la loi TEPA, je peux le comprendre, mais pas de celle sur les droits de succession.

M. Joël Bourdin. - Cet amendement touchera les catégories les plus faibles. Les notaires m'ont dit que les premiers bénéficiaires de la loi TEPA ne sont pas les gros patrimoines, pour qui les exonérations représentent en définitive peu de chose, mais les patrimoines petits et moyens. Avec la législation actuelle, une maison de 400 000 euros, qui représente les fruits d'une vie de labeur, peut être transmise sans droits de succession aux deux enfants de la famille. Ce ne serait plus le cas si votre amendement était adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Votre argument concernant les jeunes n'est pas recevable. L'âge moyen pour les successions est de 52 ans.

M. Joël Bourdin. - Ce n'est qu'une moyenne.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Et puis, je m'étonne de votre étonnement ! N'avez-vous pas avalisé en juillet le durcissement du régime de donations qui avait été assoupli en 2007 ?

M. Philippe Marini, président. - Cela prouve notre sens de l'écoute !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Enfin, je rappelle que 50 % des ménages n'ont rien à transmettre à leurs enfants. Il faut aussi penser à eux.

M. Philippe Marini, président. - Mais aussi aux classes moyennes.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Le patrimoine médian est de 117 000 euros et la première tranche d'imposition est de 5 %. Est-ce confiscatoire ?

M. Philippe Marini, président. - Dans nos départements, nous rencontrons rarement des citoyens médians, qui sont des inventions des statisticiens.

L'amendement n° 2 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Dans la première loi de finances rectificative, le droit de partage a été augmenté de 1,4 point afin de financer en partie l'allègement de 1,9 milliard d'euros de l'ISF. Il faut revenir sur ce doublement du droit de partage car ce n'est pas aux ménages qui ne payent pas l'ISF d'en financer l'allègement. Tel est l'objet de l'amendement n° 3.

M. Philippe Marini, président. - Proposez-vous de revenir sur la réforme de l'ISF ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - En tant que rapporteure générale, non, mais d'autres pourraient le faire...

M. Philippe Marini, président. - Cet amendement crée un déficit.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Certes, et cette perte de recettes se monte à 325 millions d'euros. Mais n'ayez crainte, à la fin de la première partie, nous ferons les additions et les soustractions et nous vous présenterons le solde.

M. Philippe Marini, président. - J'espère qu'il sera positif.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Et il ne sera pas obtenu par effraction, monsieur le Président !

M. Philippe Marini, président. - Ni par dissolution... Ne poursuivons pas sur des considérations qui dépassent notre modeste entendement.

L'amendement n° 3 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Avec l'amendement n° 4, je vous propose d'éviter la perte d'un milliard d'euros à compter de 2014 en raison de la disparition progressive, à compter de 2012, d'une base imposable. Afin d'empêcher que ce processus ne s'enclenche en 2012, il convient d'abroger l'abattement pour durée de détention applicable aux plus-values de cessions de valeurs mobilières instauré par la loi de finances rectificative pour 2005. Il s'agit d'une mesure d'équité et de sauvegarde des finances publiques.

M. Philippe Marini, président. - Vous proposez de revenir sur les abattements d'un tiers par an au-delà de la cinquième année actuellement en vigueur. Vous estimez le produit de cette mesure à un milliard d'euros, mais ce montant figure-t-il dans un document annexe de la loi de finances ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Par définition, on ne peut encore connaître le montant exact mais il s'agit d'une estimation du ministère de l'économie et des finances.

M. Philippe Marini, président. - Cette estimation me laisse sceptique. Entre 2005 et 2011, les plus-values des valeurs mobilières n'ont pas été particulièrement élevées...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Nous demanderons en séance publique des précisions à Mme la ministre.

D'autre part, je vous rappelle qu'en 2010, le rapporteur général de l'Assemblée nationale avait fait voter un report de trois ans de cette exonération.

M. Philippe Marini, président. - Et je vous avais convaincu d'y surseoir en vous disant qu'elle serait examinée lors de la révision de l'impôt sur le patrimoine, mais la mesure s'est perdue en route...

Si la même mesure était proposée par le Gouvernement, la voteriez-vous ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - En l'occurrence, c'est moi qui propose cette mesure.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Avec cet amendement, on est dans le pur affichage puisqu'il ne prendrait effet qu'en 2014. Tout ceci n'est pas très sérieux !

Les Français épargnent beaucoup et cela est en partie dû aux conditions fiscales. Supprimer sur ces mesures reviendrait à mettre en péril l'épargne longue, et donc notre équilibre budgétaire. Vous semblez vous opposer par plaisir, mais en touchant aux fondamentaux de notre économie, vous prenez des risques certains.

M. Joël Bourdin. - Je suis étonné que vous vous focalisiez sur les plus-values en pleine crise. Vous faites preuve d'un optimisme étonnant, alors que les moins-values s'accumulent. Vous devriez respecter les équilibres macro-économiques et ce serait risqué de s'en prendre à l'assurance-vie et au plan d'épargne en actions (PEA). Si vous découragez l'épargne, notre économie en mourra. L'épargne doit être cajolée, car elle permet de financer les investissements. Ou alors, pourquoi ne pas supprimer tout simplement la bourse de Paris ?

M. Claude Belot. - Il y a vingt ans, M. Charasse, alors ministre du budget, nous expliquait toute l'importance de l'épargne longue et c'est pourquoi il nous avait proposé de créer le PEA qui, reconnaissons-le, a été une réussite. Encourager l'épargne nationale, c'est donner plus de force à notre économie tout en la protégeant. Avec cet amendement, vous retirez tout intérêt aux contrats d'assurance-vie et aux PEA. Je ne voterai pas cet amendement qui aboutirait à casser l'épargne longue.

M. Philippe Marini, président. - Je précise que cette mesure ne s'appliquerait pas à l'assurance-vie, mais il n'en reste pas moins qu'elle enverrait un signal négatif à l'épargne longue.

M. François Marc. - Alors que la situation des plus modestes s'aggrave, il n'y a rien de choquant à faire contribuer les revenus patrimoniaux à l'effort de la nation. D'ailleurs, le Gouvernement ne dit pas autre chose.

Considérer qu'il y a ici des gens « sérieux » et d'autres qui ne le seraient pas, ce n'est pas acceptable, c'est même injurieux. J'invite ceux qui qualifient nos mesures d'affichage à balayer devant leur porte et je les renvoie au projet de loi de finances rectificative d'il y a quelques semaines qui devait tout régler et qui se traduit, aujourd'hui, par un déficit accru de 2 milliards d'euros. Les propositions de notre rapporteure générale sont sérieuses et nous ne sommes pas en décalage avec les attentes du pays lorsque nous proposons de taxer un peu plus le patrimoine.

M. Philippe Marini, président. - J'invite chacun à respecter les autres et à éviter les propos inutilement blessants. Laissons ce jeu de ping-pong à la séance publique. Monsieur Marc, vous feignez de croire que le collectif a creusé le déficit de la France de 2 milliards d'euros mais vous savez bien qu'il n'en est rien : c'est la situation internationale qui en est la cause.

M. Jean Arthuis. - Notre rapporteure générale pose un vrai problème : ce régime fiscal très particulier portant exonération des plus-values au terme de huit années de portage donne lieu à des optimisations fiscales, et il y a sans doute matière à le remettre en cause. Il est facile pour une entreprise de transformer une partie des salaires ou des dividendes en plus-values. Il faudra revenir sur ces dispositions afin d'éviter ces instruments d'optimisation. De même, il y a des opérations sur PEA qui sont parfaitement contestables. Il faudrait que les plus-values soient taxées dans des conditions proches du barème de l'impôt sur le revenu. Je m'abstiendrai donc sur cet amendement.

M. Philippe Dallier. - Moi aussi, car le fait que ces plus-values soient exonérées me pose un vrai problème. Large base et faible taux, voilà notre leitmotiv.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - A l'adresse de MM. Bourdin et Belot qui partageaient de vives inquiétudes, je précise que cet amendement ne touche ni à l'assurance-vie, ni au PEA.

Dans son plan de rigueur, M. Fillon a l'intention de s'attaquer aux prélèvements libératoires. Il y aura certainement un report de l'épargne vers les PEA et l'assurance-vie. Nous verrons alors comment vous réagirez. Pour ma part, si je suis d'accord avec lui sur le principe, je ne le suis pas sur les modalités.

L'assurance-vie représente plus de 1 300 milliards d'encours...

M. Joël Bourdin. - Il ne faut pas y toucher !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Malheureusement, cette épargne n'est pas assez orientée vers le soutien aux entreprises. Nous en avons parlé en commission des finances à maintes reprises.

Enfin, Madame Des Esgaulx, contrairement à ce que vous dites, cette mesure n'est pas de pur affichage car elle va produire ses premiers effets dès 2012 avec un abattement d'un tiers, et l'exonération sera totale en 2014.

M. Philippe Marini, président. - Je me réjouis que vous annonciez votre soutien à diverses mesures du plan Fillon.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je ne suis pas d'accord sur la méthode, ce qui change tout.

L'amendement n° 4 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Avec l'amendement n° 5, nous en arrivons aux prélèvements forfaitaires libératoires. Il convient de rééquilibrer revenus du travail et revenus du capital et j'espère que nous parviendrons à trancher le débat entre impôts proportionnels et impôts progressifs lors de la prochaine réforme globale de la fiscalité des personnes.

Lundi, M. Fillon a annoncé que l'imposition des intérêts et des dividendes passerait de 19 % à 24 %, à quoi s'ajouteraient des prélèvements sociaux. Je vous propose ici que les dividendes entrent dans le barème de la progressivité de l'impôt sur le revenu. Il s'agit d'une logique différente de celle du Gouvernement. Dans les quatre premières tranches de l'impôt sur le revenu, beaucoup de contribuables choisissent le prélèvement forfaitaire libératoire alors qu'ils n'y ont pas intérêt.

M. Philippe Marini, président. - Il s'agit d'un amendement de principe qui assimile les revenus du capital à ceux du travail en les soumettant au barème progressif. Nous connaissons votre tropisme pour la progressivité.

M. Albéric de Montgolfier. - Est-on sûr du rendement de la mesure que vous proposez ? L'application du barème progressif risque de priver l'Etat des ressources de ceux qui, jusqu'à présent, choisissaient le prélèvement libératoire.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Dans les quatre premières tranches de l'impôt sur le revenu, beaucoup de personnes choisissent le prélèvement forfaitaire alors qu'il leur est défavorable. Mais les dividendes sont concentrés dans le dernier décile des revenus.

M. Philippe Marini, président. - Alors qu'il faudrait plutôt soutenir les marchés, il est intéressant de voir cet amendement apparaître. A un moment où les entreprises auraient besoin de trouver des capitaux, on donne un signal négatif à la rémunération de ces capitaux. Si cette mesure était mise en oeuvre, elle aurait de très sérieux inconvénients économiques et porterait un rude coup à la compétitivité de nos entreprises. Il en est de même lorsqu'on critique les dividendes versés par les banques alors qu'elles ont besoin de renforcer leurs fonds propres, et donc de faire appel à des actionnaires qui attendent d'être rémunérés aux conditions du marché.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - M. le Premier ministre a annoncé que le prélèvement libératoire allait passer à 24 %. Avec les prélèvements sociaux, nous en serons à 37,5 %. C'est bien supérieur à ce qui se pratique chez nos voisins, notamment en Allemagne. Cette mesure est bien plus déstabilisante que celle que je propose.

M. Philippe Marini, président. - Je suppose que dans la grande réforme fiscale que vous attendez, on raisonnera revenu par revenu, et sans considération de foyer fiscal. Vous vous orientez donc vers une individualisation de l'impôt, mais ce n'est pas pour demain.

M. Philippe Adnot. - Je ne voterai pas cet amendement, qui déstabiliserait un peu plus les finances publiques en 2012 : ce n'est pas le moment de manquer de trésorerie ! Peut-être faudra-t-il un jour y revenir, dans le cadre d'une réforme globale, mais pas à six mois d'élections générales. Je suis favorable à ce que tous les revenus soient imposés de la même façon, mais à un taux unique.

L'amendement n° 5 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'amendement n° 6 m'a été inspiré par nos auditions de février sur la fiscalité du patrimoine. Il s'agit de supprimer le plafond de 5 000 euros des droits d'enregistrement applicables aux actes portant cessions d'actions ou de parts de sociétés cotées ou non cotées - plafond instauré, je l'avoue, sous le Gouvernement Rocard -, et de diminuer leur taux de 3 % à 2 %. Je suis fidèle à mon principe : assiettes larges, taux faibles. J'appelle votre attention sur le fait que les « frais de notaire », lors de la cession de biens immobiliers, s'élèvent à environ 7 % et ne sont pas plafonnés. L'opposition sénatoriale, que je sais attachée à la propriété immobilière, devrait donc voter cet amendement, qui rapporterait 930 millions d'euros à l'Etat.

M. Philippe Marini, président. - Je dois à la vérité de dire que, lorsque j'étais rapporteur général, j'avais envisagé de déposer un amendement similaire... Mais il faut tenir compte du fait que Mme Bricq veut aussi abaisser le plafond d'exonération des droits de mutation à titre gratuit. La charge risque d'être lourde. Peut-elle nous préciser quelles catégories de contribuables son amendement toucherait ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Pour l'essentiel, des entreprises qui achètent d'autres entreprises non cotées. Il faut lutter contre l'optimisation fiscale que favorisent les différences de régime : les droits d'enregistrement auxquels sont soumises les cessions de parts sociales de SARL ne sont pas plafonnés. J'ai d'ailleurs été raisonnable : si je m'étais contentée de supprimer le plafond sans diminuer le taux, la mesure rapporterait 1,4 milliard d'euros...

M. Philippe Marini, président. - Cette mesure mérite d'être débattue en séance. Personne n'y voit d'objection ? C'est l'unanimité : l'incroyable arrive !

L'amendement n° 6 est adopté à l'unanimité.

Article 3 bis

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Il s'agit ici de la fiscalité des plus-values immobilières. Les députés ont voulu revenir sur une législation adoptée il y a moins de deux mois, en exonérant la plus-value tirée de la vente d'une résidence secondaire, lorsque le cédant n'est pas propriétaire de sa résidence principale. Une telle exonération existait jusqu'en 2004, mais la fiscalité des plus-values immobilières prenait alors en compte les revenus des ménages. La mesure introduite par les députés coûterait 150 millions d'euros. Je vous propose par l'amendement n° 7 d'y renoncer.

M. Philippe Marini, président. - Cela s'applique-t-il aux Français de l'étranger ou à ceux qui, pour des raisons professionnelles et pour un temps limité, n'habitent pas le logement qui leur sert habituellement de résidence principale ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Cette mesure a une portée universelle et ne vise pas telle ou telle catégorie de contribuables.

M. Philippe Marini, président. - Proposez-vous donc de fixer un plafond au-delà duquel les cessions ne seront pas exonérées ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Non. Je propose de nous en tenir au droit actuel, voté il y a moins de deux mois : la plus-value résultant de la cession d'une résidence secondaire est imposée, même si le cédant n'est pas propriétaire de sa résidence principale.

M. Philippe Marini, président. - Quels que soient ses revenus, et bien qu'il puisse être contraint de vivre ailleurs que là où il possède un logement ?

M. Albéric de Montgolfier. - Lors du vote de la loi de finances rectificative de septembre, nous n'avions pas pris en compte la situation des personnes qui possèdent une résidence secondaire sans être propriétaires de leur résidence principale. Ce bien peut leur servir d'apport pour l'acquisition ultérieure d'une résidence principale : il s'agit souvent de jeunes qui n'ont pas les moyens de se loger au prix du marché, en Ile-de-France par exemple. Les députés ont sagement remédié à ce défaut. Une telle exonération existait jusqu'en 2004 ; il est vrai que les plus-values étaient alors imposées au barème de l'impôt sur le revenu, mais il faut tenir compte des prix actuels de l'immobilier !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - On lit dans l'objet de l'amendement que les députés ont voulu « accorder un avantage supplémentaire aux plus fortunés ». C'est faux ! Y a-t-il beaucoup de riches qui ne soient pas propriétaires de leur résidence principale ? Je vis près d'une base aérienne où les militaires sont mutés pour deux ou trois ans : ils sont nombreux à posséder un bien ailleurs ! Vous concevez la résidence secondaire comme un lieu de villégiature. Mais il y a beaucoup de gens qui, pour des raisons professionnelles, n'habitent pas le seul bien qu'ils possèdent ! Il y a aussi des successions : un jeune Strasbourgeois peut avoir reçu en héritage un appartement à Arcachon !

M. Philippe Adnot. - Je suis favorable à l'amendement, car les députés n'ont prévu aucun plafond de revenus. Il ne me paraît pas juste d'exonérer la vente d'un appartement de 250 mètres carrés à Paris, jusque-là loué à prix d'or...

M. Philippe Marini, président. - Mais Mme la rapporteure générale indique dans l'objet de son amendement que les députés ont prévu un dispositif anti-abus...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Il s'agit d'une mesure destinée à financer l'exonération, non à en limiter le champ. M. de Montgolfier parle de jeunes propriétaires d'une résidence secondaire. J'aimerais savoir combien ils sont de cette espèce rare ! Mon amendement évite toute intrusion dans la vie des ménages : chacun est libre de louer ou non les biens qu'il possède.

M. Joël Bourdin. - Je comprends l'intention de Mme la rapporteure générale, mais j'aimerais disposer d'une typologie des contribuables auxquels cette mesure est susceptible de s'appliquer. Prenez le cas des enseignants : après avoir réussi l'agrégation ou le Capes, ils sont souvent envoyés dans une autre académie ! Je sais Mme Bricq sensible à leur sort...

Mme Fabienne Keller. - Je rejoins les propos de mes collègues. Près des deux tiers des jeunes enseignants subissent une première affectation en Ile-de-France, mais beaucoup acquièrent un bien dans une autre région, parce qu'ils restent attachés à leur terre d'origine et parce qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter en région parisienne. Dire que quiconque possède une résidence secondaire est riche, c'est méconnaître la situation de ces fonctionnaires, ou de ces salariés mutés par leur entreprise en fin de carrière, et qui attendent de revenir dans leur région d'origine. Sans parler des jeunes qui achètent un bien qu'ils louent en attendant de pouvoir acquérir leur résidence principale.

M. Philippe Marini, président. - Voici ce que je suggère : Mme la rapporteure générale pourrait retirer son amendement et nous proposer ultérieurement de soumettre l'exonération à un plafond de revenus.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Soit. Je demande la réserve de cet article et de l'article 3 ter qui concerne également les plus values immobilières.

L'amendement n° 7 est retiré ainsi que l'amendement n° 8.

Le vote, sur les articles 3 bis et 3 ter est réservé.

Articles additionnels avant l'article 4

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je propose par l'amendement n° 9 de revenir sur l'universalité du prêt à taux zéro plus (PTZ+) en le soumettant à condition de ressources.

M. Philippe Marini, président. - Nous pouvons tous tomber d'accord sur ce point. Le PTZ+ doit d'ailleurs être revu dans le cadre du plan annoncé lundi par le Premier ministre.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Oui, mais comment ? Nous voulons cibler les ménages qui en ont le plus besoin. Le plafond que je suggère est celui qui s'applique au prêt locatif à usage social (PLUS).

M. Philippe Marini, président. - Il est assez bas.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Il est supérieur au plafond de l'ancien PTZ, et il a l'avantage d'être indexé.

M. Serge Dassault. - Le PTZ+ a permis à beaucoup de familles de devenir propriétaires de leur logement. Mme Bricq propose donc d'instaurer un plafond de ressources ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - En effet. Le plafond applicable au PLUS est de 69 250 euros pour six personnes en zone A.

M. Vincent Delahaye. - Il faut fixer un plafond raisonnable, faute de quoi nous allons tuer le PTZ+, et l'immobilier en souffrira.

M. Philippe Marini, président. - Que diriez-vous d'un plafond de 100 000 euros ?

Mme Michèle André. - A quoi correspondrait ce chiffre ? Il faut un mécanisme d'indexation.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Avec le plafond que je propose, le prêt s'adresserait toujours à 90 % des locataires ! Pour le moment, on pratique un ciblage social à l'envers...

M. Philippe Marini, président. - Mais parmi ces 90 %, la plupart n'ont pas les moyens de recourir à un PTZ+. Il faut se soucier de la solvabilité des emprunteurs.

M. Philippe Dallier. - Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut revenir sur l'universalité du PTZ+. Le Gouvernement a annoncé une réforme, attendons ses propositions : faudra-t-il recentrer le prêt sur l'immobilier neuf, le territorialiser ? Quoi qu'il en soit, le plafond recommandé par Mme Bricq est trop bas.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je vous propose de voter cet amendement à titre conservatoire : nous reviendrons sur le sujet.

M. Pierre Jarlier. - J'abonde dans le sens de M. Dallier : le plafonnement ne doit pas nuire au but poursuivi par le PTZ+.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - L'idée de soumettre ce prêt à une condition de ressources n'est pas nouvelle : le Premier ministre lui-même a annoncé un plafonnement. Je souhaite que l'on attende le projet du Gouvernement, et je ne participerai pas au vote.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Contrairement à la droite, nous sommes fidèles à nous-mêmes : nous avons régulièrement proposé cet amendement qu'elle a toujours refusé !

M. Francis Delattre. - Les revenus et les prix de l'immobilier varient selon les régions ; ils sont particulièrement élevés en Ile-de-France. Je ne suis pas sûr qu'un plafonnement universel soit adapté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Vous savez bien que le PLUS est zoné.

M. Philippe Marini, président. - Si j'ai bien compris, Mme la rapporteure générale nous soumet cet amendement à titre conservatoire, et il n'est pas destiné à demeurer en l'état jusqu'à la fin de la discussion ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Détrompez-vous : il est destiné à durer autant que cette loi de finances, qui doit être bientôt rectifiée...

L'amendement n° 9 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt immobilier, institué par la loi TEPA, est extrêmement coûteux, et bien qu'il soit en extinction, la dépense fiscale court jusqu'en 2016. Ceux qui ont les revenus les plus élevés sont aussi ceux qui sont le plus subventionnés. Je propose donc de diviser par deux, dès l'imposition en 2012 des revenus de 2011, le plafond des intérêts pris en compte. Sinon, il en coûterait 1,8 milliard à l'Etat en 2012.

M. Roland du Luart. - La mesure s'appliquerait donc aux revenus de 2011 ? Cette rétroactivité me choque.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Mais depuis fin 2010 les acheteurs ne peuvent plus bénéficier du crédit d'impôts. Vous pourriez être tout aussi choqué par le gel du barème de l'impôt sur le revenu annoncé par le Premier ministre, puisqu'il s'appliquera aux revenus de 2011 !

M. Aymeri de Montesquiou. - En lisant l'objet de l'amendement, je ne comprends pas bien pourquoi le crédit d'impôt est considéré comme une subvention aux ménages et non comme une aide à l'accession à la propriété.

M. Philippe Dallier. - C'est qu'il ne concourt pas directement à l'acquisition du bien.

M. Pierre Jarlier. - Le plafond serait-il divisé par deux pour tout le monde, même pour les ménages à faibles revenus ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - A l'heure actuelle, plus les revenus de quelqu'un sont élevés, plus il bénéficie du crédit d'impôt : c'est injuste ! Cette mesure avait été très contestée au Sénat. Je rappelle à M. de Montesquiou que le crédit d'impôt n'est pas pris en compte dans le plan de financement des ménages, parce qu'il est versé avec retard : je vous renvoie au rapport de l'IGF sur les niches fiscales.

Mme Fabienne Keller. - L'amendement est bien rétroactif, puisqu'il s'applique à des ménages qui ont acheté leur logement en espérant pouvoir compter pendant plusieurs années sur la déductibilité de leurs intérêts d'emprunt. Une précision : est-ce bien le plafond des intérêts déductibles qui serait abaissé ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Oui.

Mme Fabienne Keller. - On aimerait savoir quel est le niveau d'endettement des ménages concernés, qui pourraient être durement affectés par une modification brutale du régime.

M. Philippe Dallier. - Mme la rapporteure générale a raison de dire que le crédit d'impôt n'est pas pris en compte dans le plan de financement des ménages, et qu'il est donc considéré comme une subvention, mais les ménages l'intègrent bien dans leurs prévisions. Revenir sur cette mesure paraît un peu raide.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Mais votre raisonnement pourrait s'appliquer à n'importe quelle modification du droit fiscal !

L'amendement n° 10 est adopté.

M. François Marc. - A ce rythme, nous n'aurons pas fini d'examiner les amendements avant l'audition de Mme Pécresse. Qu'entendez-vous faire, monsieur le président,  pour que la commission puisse travailler sereinement ?

M. Philippe Marini, président. - Il est très vraisemblable que nous devrons poursuivre cet après-midi l'étude des amendements. L'examen des rapports spéciaux s'en trouvera décalé. Peut-être le rythme s'accélérera-t-il, mais certains de nos collègues ont beaucoup à dire, puisqu'ils appartiennent à la fois à l'opposition et à la majorité !

Article 4

M. Georges Patient. - Je déposerai en séance un amendement pour maintenir le dispositif existant, indispensable pour l'outre-mer.

Articles additionnels après l'article 4

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Nous en venons à l'impôt sur les sociétés. Mon amendement n° 11 tend à modifier le régime d'exonération des plus-values de cession de titres de participation, dit « niche Copé », dans un triple souci de rendement budgétaire, de cohérence fiscale et de logique économique. Les plus-values à long terme tirées de la cession de titres de participation sont aujourd'hui exonérées, à l'exception d'une quote-part de frais et charges imposée au taux normal de l'impôt sur les sociétés. Cette quote-part est égale à 10 % du résultat net des plus-values de cession, la loi de finances rectificative de septembre ayant porté ce taux de 5 % à 10 %. Cette assiette est incohérente : le montant de l'impôt dépend du gain ou de la perte résultant de la participation, alors que l'on cherche à taxer un montant représentatif des coûts de gestion. Plutôt qu'une quote-part de la plus-value nette, je propose donc de soumettre à l'impôt une quote-part de 10 % du prix de cession des titres durant l'exercice.

Je ne suis pas en mesure d'évaluer le rendement de cet amendement, car l'administration a toujours refusé de nous communiquer un chiffrage précis de cette « niche ». Mais je suis sûre que l'assiette proposée est plus large et plus cohérente.

M. Philippe Marini, président. - Je ne crois pas que l'administration fasse preuve de mauvaise volonté. Elle a elle-même produit un chiffrage très élevé de cette exonération, évaluant son coût à plus de 2 milliards d'euros, parce qu'elle supposait que toutes les transactions qui ont réellement eu lieu se seraient produites en l'absence de cette mesure : c'était méconnaître l'incidence du droit fiscal sur les comportements économiques. Nous étions plusieurs à en avoir fait la remarque. Mais pour parvenir à un chiffrage plus réaliste, il faudrait évaluer, de façon nécessairement assez arbitraire, le volume des transactions en fonction de différents régimes fiscaux.

Si je comprends bien, l'amendement aurait pour effet de taxer toutes les cessions, même à perte ? C'est original...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Il s'agit des frais de gestion. Le principe général de déductibilité des charges s'applique. 

M. Philippe Marini, président. - Sous l'appellation de « quote-part de frais et charge », on a créé en réalité un ticket modérateur.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Dans le système actuel, on peut organiser ses moins-values...

M. Philippe Marini, président. - Tout ne peut pas être organisé par le commissariat au plan !

M. Roland du Luart. - Il paraît aberrant de taxer les moins-values.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - En déplaçant le débat sur le terrain de l'assiette, je veux forcer le Gouvernement à débattre enfin de cette niche.

M. François Marc. - Je ne peux pas laisser dire que la majorité sénatoriale veut taxer les moins-values. L'amendement ne fait que modifier l'assiette d'une taxation sur les frais de gestion, qui existe déjà et qui a été relevée par une récente loi de finances rectificative.

M. Jean Arthuis. - Il n'existe pas de réponse satisfaisante. Un groupe supporte chaque année des frais et charges pour suivre l'évolution de ses filiales et participations, mais on ne le prend en compte que lors des cessions. Je ne voterai pas l'amendement, mais Mme la rapporteure générale soulève un véritable problème, sur lequel il faudra revenir.

M. Jean Germain. - Je n'ai pas la compétence de certains de mes collègues, mais il me semble que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), en octobre 2010, a évalué le coût de cette « niche » à 434 millions d'euros en 2006, 2 milliards en 2007, 12,5 milliards en 2008 et 6 milliards en 2009. Qui plus est, elle bénéficie pour 95 % à de grands groupes. Cela mérite débat !

M. Philippe Marini, président. - Le CPO n'a pas tenu compte de l'incidence de ce régime sur le volume des cessions. Il est très difficile d'évaluer son impact réel.

L'amendement n° 11 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'amendement n° 12 tend à restreindre un avantage fiscal injustifié du régime de l'intégration fiscale. Nous savons que ce régime est particulièrement attrayant, qu'il coûte très cher, et qu'il peut donner lieu à des optimisations. Mon amendement procède ainsi à une « déneutralisation » de la quote-part de frais et charges au-delà de 1 million d'euros.

M. Philippe Marini, président. - Même esprit que l'amendement précédent...

L'amendement n° 12 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'amendement n° 13 prévoit un dispositif global de plafonnement de la déductibilité des intérêts des emprunts pour les entreprises qui paient l'impôt sur les sociétés. Le régime actuel est particulièrement avantageux. Le taux implicite d'imposition des PME est de 39,5 %, contre 18,6 % pour les entreprises de plus de 5 000 employés. Il faut rétablir un équilibre. Je propose de nous rapprocher du système allemand, cela devrait vous plaire !

M. Philippe Marini, président. - Le régime a été récemment modifié dans un sens voisin quoique plus modéré.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Il s'agissait d'une mesure anti-abus. La nôtre est de portée plus large. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, s'appuyant sur des calculs de la Direction générale des finances publiques, la recette serait intéressante...

M. Philippe Marini, président. - La portée est plus généreuse...

Mme Michèle André. - Plus générale !

M. François Marc. - Ce très bon amendement a fait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale. Et la majorité et le Gouvernement ont eu quelque difficulté à trouver des arguments contre : il va renforcer la capacité d'action des PME par rapport aux très grandes entreprises.

M. Philippe Marini, président. - Nous sommes tous enclins au romantisme autour des PME ; mais si nous avions uniquement des PME, la France manquerait d'emplois ! Small is beautiful, certes, mais cela ne peut pas être « tout pour les PME » !

M. François Marc. - Ne vantez-vous pas sans cesse le modèle allemand ?

M. François Fortassin. - Je voterais bien l'amendement, et des deux mains encore. Mais je voudrais bien savoir pourquoi on a laissé subsister pendant des années une telle distorsion de fiscalité entre grandes et petites entreprises. Il y a peut-être une raison ?

M. Philippe Marini, président. - Sans doute la sottise et l'incompétence de vos compétiteurs...

M. Aymeri de Montesquiou. - L'explication est simple, mais pas simpliste : les grandes entreprises font une grande part de leur chiffre d'affaires à l'étranger, voilà pourquoi ! Elles paient logiquement moins d'impôts en France.

L'amendement n° 13 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'amendement n° 14 vous intéressera, monsieur le Président, vous qui aviez imaginé une taxe Google : je m'attaque quant à moi à la dérive des marchés. Le « trading à haute fréquence » seconde - des opérations automatisées qui visent un rendement maximum à la seconde - doit être taxé. Je propose que la taxation intervienne, sur une base mensuelle, lorsque plus de 50% des opérations quotidiennes sont annulées. Le taux d'annulation est aujourd'hui de 95% !

M. Philippe Marini, président. - Si la pauvre petite France, place financière minuscule, prend cette mesure, cela changera-t-il quelque chose ? Quelles seront les conséquences ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'argument est classique, mais la mesure doit être prise au niveau où elle peut l'être, c'est-à-dire national. De nombreux chefs d'Etat dénoncent la pratique...

M. Philippe Marini, président. - Mais prennent-ils des mesures ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Notre ex-ministre de l'économie dénonçait elle aussi ces transactions.

M. Philippe Marini, président. - A juste titre !

M. Philippe Dominati. - Une étude d'impact a-t-elle été conduite ? Si l'intention est louable, quelles seront les conséquences pour nos établissements financiers face à leurs concurrents installés en Angleterre ou au Luxembourg ? On annonce que l'on demandera son avis à l'l'Autorité des marchés financiers (AMF). Son président s'est-il exprimé ?

M. Jean Arthuis. - L'idée est plaisante, mais le président Marini en souligne les risques. Pourquoi ne pas nous inspirer de la taxe Tobin, en prévoyant que la présente taxe s'appliquera dés lors que les Etats de la zone euro s'engageront à la mettre en oeuvre ?

M. Philippe Marini, président. - Les Etats de la zone euro sont peu de choses au regard des volumes financiers en jeu. L'essentiel des transactions se fait à Londres et New-York.

M. Jean Arthuis. - Ce serait déjà un frein.

M. Philippe Marini, président. - Faites comme nous faisions : demandez un rapport !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Les sociétés concernées sont celles soumises au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel. Le Président de l'AMF a déclaré que l'on pourrait s'interroger sur la suppression de ce mécanisme. Enfin, je précise que la présente taxe, très ciblée, n'est pas exclusive d'une autre, portant sur les opérations financières en général.

M. Philippe Marini, président. - Faisons vivre le débat. Pourquoi ne pas présenter un amendement de suppression de ce type de transactions ?

M. Jean Arthuis. - Un cavalier !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - J'en conviens. Et il n'est pas facile de qualifier juridiquement le trading à haute fréquence. Mais, monsieur le Président, votre taxe Google n'était pas plus sûre juridiquement, cela ne vous a pas retenu de la présenter.

M. Philippe Marini, président. - Et je compte y revenir, même si, dans le passé, j'ai été pulvérisé par les intérêts corporatistes.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je le serai aussi, c'est le sort réservé aux rapporteurs généraux.

L'amendement n° 14 est adopté.

Article 4 bis

L'amendement rédactionnel n° 15 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'amendement n° 16 vise à porter de 15 % à 20 % le taux réduit d'imposition des bénéfices applicable aux plus-values de cession et aux concessions de brevets.

M. Philippe Marini, président. - Dans le but d'améliorer la compétitivité des entreprises ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Dans le but de décourager l'optimisation fiscale. Ce dispositif a en outre perdu de son intérêt, le crédit d'impôt recherche étant très avantageux.

M. Philippe Marini, président. - Mais la mesure s'ajoute à toutes les autres...

L'amendement n° 16 est adopté.

Article 4 octies

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'amendement n° 17 tend à supprimer un cavalier budgétaire, qui pourrait de surcroît conduire à une diminution de la participation des salariés.

M. Philippe Marini, président. - Quelle est l'origine de cette disposition ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Elle a été présentée par les députés Nicolas Forissier et Olivier Carré.

M. Philippe Marini, président. - Votre amendement est dans l'esprit de ceux de M. Dassault.

L'amendement n° 17 est adopté.

Article 5

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - M. Marini connaît bien le sujet de l'amendement n° 18, pour avoir le premier soulevé le problème. Les quotas de CO2 ont été distribués en 2007 dans le plan national d'allocation des quotas (PNAQ), qui a privilégié les sites existants au détriment des nouveaux entrants. A partir de 2013, les enchères seront payantes. La répartition opérée par le PNAQ a été mauvaise en 2007, mais ce n'est pas à l'Etat de payer le différentiel. L'article 5 de ce projet de loi a pour objet d'instaurer une taxe couvrant une partie du déficit de la réserve des nouveaux entrants. Je propose de la calibrer de sorte que la totalité du besoin de la réserve soit financée.

M. Philippe Marini, président. - Il s'agit d'éviter les pertes de recettes budgétaires en 2013.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Tout en tenant compte du cours très bas lors des quotas de CO2.

M. Philippe Marini, président. - Cela semble raisonnable.

Mme Fabienne Keller. - En effet. Mais le Gouvernement a bien travaillé la question et présenté un dispositif convenable.

L'amendement n°18 est adopté.

Article additionnel après l'article 5

M. Philippe Marini, président. - L'amendement n° 19 va plaire à M. Adnot.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Ce n'était pas mon souci, mais si tel est le cas, tant mieux.

Nous voulons rétablir plusieurs avantages aux jeunes entreprises innovantes supprimés par le Gouvernement l'an dernier. Ces entreprises sont logiquement en déficit les premières années et les soutenir, c'est soutenir la compétitivité du pays. Le coût est supportable. Ne coupez pas la tête aux jeunes entreprises innovantes !

M. Philippe Marini, président. - Mais lorsqu'elles auront suffisamment grossi, vous les taxerez lourdement ! Décidément, les PME sont beautiful.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - En l'espèce, les JEI ne sont pas beautiful parce que small mais parce qu'en innovant, elles servent la compétitivité.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Je soutiens ce type de mesures et voterai l'amendement. Ce qui existe dans notre droit fiscal à cet égard est original et mérite d'être conservé.

M. Philippe Dominati. - Je partage ce point de vue.

M. Philippe Adnot. - Moi également. Je présenterai un amendement légèrement différent. L'article 40 ne s'applique pas à ce stade ?

M. Philippe Marini, président. - Une rapporteure générale gage ses amendements !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Il y a une perte de recettes, compensée par un gage.

L'amendement n° 19 est adopté.

Article 5 ter

M. Yannick Botrel. - L'article 5 ter concerne la réduction d'un avantage fiscal sur le fioul domestique utilisé par les professionnels ; la mesure doit rapporter 80 millions d'euros, dont 46 millions dans le BTP et 34 millions dans l'agriculture. Les exploitations agricoles sont diversement touchées mais les chambres d'agriculture ont estimé le coût moyen par élevage à 450 euros annuels. D'autres mesures du Gouvernement, introduites par les députés, se traduisent par des exonérations de charges sociales pour certaines catégories de salariés agricoles - mais les montants sont très différents. On reprend en partie ce que l'on a accordé aux agriculteurs et aux entreprises de BTP au nom de la compétitivité. Nous avons décidé d'accepter les dispositions votées à l'Assemblée nationale, mais je voulais tout de même formuler ces observations.

M. Philippe Marini, président. - Le groupe socialiste est-il favorable à un vote conforme sur cet article ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Oui. Et la rapporteure générale ne présente pas d'amendements.

Article 5 octies

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je présenterai ensemble les amendements n° 20 à l'article 5 octies et 21 à l'article 5 nonies. Chercher de l'argent n'importe où et n'importe comment n'a pas grand sens. La taxation de certaines boissons sucrées et de certaines boissons contenant des édulcorants de synthèse a été instaurée au nom de la santé publique alors qu'aucune réelle politique de prévention n'est menée contre l'obésité. Il ne faut pas faire de bêtises.

M. Philippe Marini, président. - Ni enfreindre les intérêts de certains groupes puissants.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Cela n'est pas mon souci ; je défends les consommateurs.

M. Philippe Adnot. - Je ne comprends pas la position de Mme la rapporteure générale. Elle défend le droit des consommateurs à boire des boissons sucrées, pourquoi pas le droit à fumer ? Revoyons à la baisse le prix des cigarettes ! Quoique producteur de sucre, je crois bon de taxer les boissons sucrées.

M. Roger Karoutchi. - Je ne comprends pas l'exposé des motifs, qui invoque une fiscalité trop lourde pour les ménages à bas revenu, qui seraient plus consommateurs de ces boissons... Critiquez cette recette de poche si vous le voulez, mais vos explications me laissent perplexe.

M. Philippe Marini, président. - Le risque de surpoids des riches serait-il moins grave que celui des pauvres ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - J'ai répondu à l'argumentation de Mme Pécresse qui invoquait des motifs de santé publique. Je pense surtout au porte-monnaie des consommateurs. Les taxes comportementales, pour avoir un effet, doivent être très lourdes.

M. Jean-Paul Emorine. - Il y a tout de même un problème de santé publique. Je recommande à mes petits-enfants de ne pas boire de Coca-Cola, de préférer les jus de fruits. Défendre les consommateurs, c'est défendre leur santé, pas leur portefeuille, et je suis défavorable à l'amendement.

M. Philippe Marini, président. - Le Coca-Cola n'est pas le seul en cause, il y a aussi le Corsica-cola, le Breizh-cola...

M. Yannick Botrel. - Buvez du cidre.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Ou du jus de pommes, qui est sans alcool.

M. Yannick Botrel. - Dans la discussion de la loi de modernisation de l'agriculture, le Gouvernement avait invoqué un motif de santé publique. Or, en affectant cette recette à une exonération de charges salariales, il se détourne de cet objectif ! Je soutiens l'amendement.

Mme Fabienne Keller. - La taxation des boissons contenant des édulcorants figure depuis longtemps dans le plan Bachelot, pour lutter contre l'obésité et le diabète, deux fléaux en augmentation sensible. Nous sommes tous d'accord pour envisager une vraie taxe diététique !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Les édulcorants existent aussi dans des boissons sucrées qui ne sont pas taxées... Je ne choisis pas, comme le fait le Gouvernement, entre tel ou tel groupe, français ou étranger ! Je ne comprends pas la cohérence des choix opérés par le Gouvernement.

M. Philippe Marini, président. - Pourquoi ne pas étendre le champ de la taxe, plutôt ?

M. Jean Arthuis. - C'est un complot entre le grand capital et les consommateurs !

L'amendement n° 20 est adopté.

Article 5 nonies

L'amendement n° 21 est adopté.

Article 6

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'amendement n° 22 est le premier d'une série et mon explication vaudra aussi pour les amendements n° 25, 26, 28, 29 et 35.

Il s'agit des économies recherchées par le Gouvernement et mises au point par les députés pour réduire de 200 millions d'euros les dotations aux collectivités territoriales. L'amendement n° 22 rétablit le texte initial concernant la DGF des départements et des régions, ainsi augmentée de 0,2 % en 2012. Les collectivités contribuent déjà, avec le gel de l'enveloppe normée, à l'effort de réduction des dépenses publiques annoncé par le plan Fillon fin août.

M. Philippe Marini, président. - Vous pouvez majorer les ressources des collectivités puisque vous avez relevé les ressources budgétaires avec les précédents amendements.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Effectivement, mais nous voulons surtout revenir au texte initial du Gouvernement.

M. Philippe Marini, président. - Par un jeu étrange et concerté, c'est le Gouvernement qui a sollicité des amendements parlementaires réduisant les dépenses publiques...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Les députés ont accepté de tresser la corde pour se faire pendre, mais nous ne sommes pas obligés de nous la passer autour du cou.

M. Philippe Marini, président. - L'économie de 1 milliard d'euros a été intégrée par le Gouvernement à l'effort de baisse des dépenses publiques.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Les 200 millions d'euros ne sont pas dans l'épure du Gouvernement, ils résultent d'amendements à l'Assemblée nationale.

M. Philippe Marini, président. - Présentés à la demande du Gouvernement.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Les députés n'ont semble-t-il pas la même conception que nous des collectivités territoriales.

M. Philippe Adnot. - Quand la nation accomplit un effort, tout le monde doit participer. Je suis pourtant président d'un conseil général qui a du mal à équilibrer ses comptes...

J'ai présenté au dernier congrès de l'Association des départements un amendement adopté par la majorité de gauche : les collectivités participent à l'effort en contrepartie de mesures réglementaires susceptibles de faciliter les économies. Car les procédures si contraignantes des marchés publics augmentent de 20 % nos coûts de construction par rapport au secteur privé. Sur 70 milliards d'euros d'investissement, nous pourrions gagner 14 milliards en instillant plus de souplesse dans les règlements.

M. Jean Arthuis. - Je partage les propos de M. Adnot. A une semaine du congrès des maires de France, il est tentant de proposer une hausse des dotations versées par l'Etat aux collectivités, mais ce ne serait pas conforme à notre devoir d'assainissement des finances publiques. L'effort doit être équitablement réparti, dans le cadre d'une réduction des dotations de l'Etat, par une meilleure péréquation.

Un décret est en préparation sur la rémunération des sapeurs-pompiers professionnels, un autre a été promulgué concernant les repas servi dans les établissements d'enseignement primaire et secondaire. L'Etat, ici, n'est pas dans son rôle quand il détermine le contenu des assiettes servies dans les cantines. Nous n'échapperons pas pour autant à une baisse des dotations - nous obtiendrons seulement des contreparties pour subir moins de contraintes réglementaires.

M. Philippe Dallier. - On ne saurait demander toujours plus pour les collectivités, qui peuvent parfaitement réduire leur train de vie. C'est par la péréquation, en cours de réforme, que les collectivités les plus pauvres seront aidées. La réforme de la taxe professionnelle n'a pas créé de handicap pour les communes - à la différence des départements et des régions - car la compensation a eu lieu à l'euro l'euro. Que le Sénat ne se fasse pas conservateur !

M. Roger Karoutchi. - L'amendement semble alléchant, cependant, pour la région Ile-de-France, par exemple, il représente 2,5 millions d'euros, un deux-millième du budget ! C'est dans les contraintes réglementaires que résident les gisements d'économies. Taxer les hauts revenus, les entreprises, et tout le monde sauf les collectivités ? Cela me paraît une position périlleuse.

M. Pierre Jarlier. - La plupart des collectivités ont déjà des dotations en forte baisse cette année. Il y a eu aussi le contrecoup de la réforme de la taxe professionnelle, qui affecte le dynamisme des bases. Et les efforts de gestion sont quotidiens. Il faut de la rigueur mais aussi de la croissance : or les investissements des collectivités ont commencé à baisser cette année.

M. François Patriat. - Nos collègues cherchent à nous faire croire qu'ils sont plus vertueux. Ils appellent les collectivités à « réduire leur train de vie », alors que l'investissement est en jeu.

M. Philippe Dallier. - Et le fonctionnement ?

M. François Patriat. - Dispendieuses, les collectivités ? C'est une rengaine que l'on propage à plaisir, parce que les exécutifs sont dirigés par des majorités de gauche.

M. Philippe Dominati. - Approche partisane !

M. François Patriat. - Si vous pressurez encore les collectivités, l'investissement va chuter. Les frais de fonctionnement augmentent - électricité et chauffage dans les lycées, par exemple. L'investissement devra être réduit d'autant. Car nous n'avons pas attendu vos leçons de morale pour réduire la voilure ! Un haut dirigeant de la Caisse des dépôts me le confiait récemment, les régions ont été pressurées, carbonisées même, par la réforme de la taxe professionnelle. Et la compensation à l'euro près n'a pas cours au profit des régions... Si certains apprécient l'auto-flagellation, c'est leur droit, mais qu'on ne traite pas les collectivités de dispendieuses tout en rabotant leurs dotations et en les appelant à financer ce qui ne relève pas de leurs compétences.

M. Philippe Marini, président. - Evitons tous de nous faire la morale les uns aux autres.

M. Éric Bocquet. - L'effort est inéluctable, il n'y a pas d'autre solution, nous dit-on. Pensée unique ! La mise à l'index des élus locaux est mal vécue - pourtant vous ne semblez pas avoir compris le message du 25 septembre dernier...

M. Philippe Marini, président. - Réjouissez-vous !

M. Éric Bocquet. - Gel des dotations, réforme de la taxe professionnelle, raréfaction du crédit bancaire, peut-être suppressions d'emplois imposées : tous les matins, les maires se grattent la tête en se demandant comment ils vont faire. Les collectivités ne sont pas une charge, mais un levier. En 2009, quand elles ont été sollicitées pour doubler les investissements, elles ont joué le jeu. Je ne supporte pas cette expression de « train de vie » quand 90 % des élus locaux sont des bénévoles !

M. Philippe Marini, président. - Nous le savons bien.

M. Éric Bocquet. - Prouvez-le !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Nous ne pratiquons pas l'auto-flagellation, nous refusons la démagogie. Il n'y a plus place aujourd'hui pour les égoïsmes catégoriels. Vous ne savez proposer aucune mesure d'économie. Vous n'avez pas pris la mesure de la situation ; les Français, eux, ont compris.

M. Jean-Paul Emorine. - Je ne souhaite engager de polémique, mais les chiffres sont quand même parlants. Le journal Les Echos rapporte qu'au cours des cinq dernières années, l'Etat a réduit le nombre de fonctionnaires de 30 000 par an alors que les collectivités en ont créé 230 000, hors transferts de compétences. Et l'Etat apporte la moitié des 200 milliards de budget cumulé des collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis. - Exact !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je ne peux pas laisser passer le terme de démagogie.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Je parlais des amendements.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Ma position est simplement d'en rester au gel des dotations. Car il perdure. Donc je n'en demande pas plus, pas moins, mais pour le reste je dis stop, et cela n'a rien de démagogique.

L'amendement n° 22 est adopté.

Article 7

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'amendement n° 23 procède du même esprit.

L'amendement n° 23 est adopté.

Article additionnel après l'article 8

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.- Vous vous rappelez que la loi de finances rectificative pour 2010 avait institué un fonds de soutien aux départements en difficulté doté de 75 millions d'euros censé répondre de manière transitoire aux difficultés financières liées notamment au report de la réforme de la dépendance. Mais un nouveau report de cette réforme ayant été annoncé, je vous propose d'apporter une aide exceptionnelle aux départements en difficulté qui attendent cette réforme. Le fonds exceptionnel serait ainsi porté à 100 millions d'euros, répartis selon les mêmes modalités qu'en 2011, le nombre de ses bénéficiaires étant élargi de 35 à 40 départements. Contrairement au dispositif adopté l'an dernier, notre amendement n° 24 propose de financer le fonds par un prélèvement sur les recettes de l'Etat et non par une ponction sur les ressources de la Caisse nationale de solidarité par l'autonomie (CNSA).

M. Jean Arthuis. - En 2011, on n'avait pas tenu compte de la dotation de fonctionnement minimale des départements (DFM), ce qui a faussé la répartition. Si un tel fonds doit être maintenu en 2012, je souhaiterais qu'on tienne mieux compte de la réalité des recettes des départements.

M. Albéric de Montgolfier. - Je remercie la rapporteure générale d'avoir proposé cet amendement qui appelle l'attention sur les difficultés des départements, et singulièrement du fait du retard de la réforme de la dépendance, que je regrette car nous avons besoin de réponses, alors que de nouvelles charges sont sans cesse mises à leur charge. Je pense en particulier à la protection des mineurs isolés. Le fonds de l'enfance étant insuffisamment doté, un certain nombre de mineurs isolés d'origine étrangère se trouvent en effet à la charge des conseils généraux, ce qui est en contradiction avec les textes. Non, les départements ne doivent pas être soustraits à l'effort global de rétablissement des comptes publics, oui, ils peuvent éventuellement accepter une baisse de leur DGF, mais seulement à condition que l'on mette un terme à la création de dépenses nouvelles en particulier dans le domaine social. Je ne suis pas sûr que le fonds pour la protection de l'enfance soit à la hauteur des attentes.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Non, il ne l'est pas.

M. Albéric de Montgolfier. - L'amendement d'appel ne répond pas aux enjeux : seule la réforme de la dépendance le permettra.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - C'est vrai.

M. Albéric de Montgolfier. - Je souscris aux propos de Jean Arthuis sur la nécessité de tenir compte de l'ensemble des recettes.

M. Pierre Jarlier. - L'amendement va dans le sens du soutien aux départements en difficulté, notamment en ce qui concerne l'augmentation à quarante du nombre de bénéficiaires.

En revanche, je souhaiterais revenir sur les propos de Jean Arthuis : pour que le dispositif soit juste, il faut prendre en compte l'ensemble des recettes des départements et les charges qui pèsent sur eux, sans quoi l'on aboutit à des classements aberrants.

M. Aymeri de Montesquiou. - Cela me semble être une erreur d'augmenter de trente à quarante le nombre de départements bénéficiaires, dans la mesure où il y a un écart considérable entre les départements riches et ceux qui ne le sont pas. Ne diluons pas l'aide aux départements financièrement les plus fragiles.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - C'est précisément pour cela que je propose de porter la dotation de 75 à 100 millions d'euros. Le souci de M. Arthuis est légitime, mais la question du potentiel financier est traitée dans le cadre de la mission relations avec les collectivités territoriales que nos collègues François Marc et Pierre Jarlier nous présenteront très bientôt.

M. Jean Arthuis. - Si le potentiel financier ne tient pas compte des DFM, l'on aboutit à des situations complètement faussées dans lesquelles les départements pauvres apparaissent comme des départements riches. Je souhaite que l'on sorte du tabou.

L'amendement n° 24 est adopté.

Article 9 bis

L'amendement n° 25 est adopté.

Article 9 ter

L'amendement n° 26 est adopté.

Plan de retour à l'équilibre des finances publiques - Audition de Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat

La commission procède ensuite à l'audition de Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, sur le plan de retour à l'équilibre des finances publiques.

M. Philippe Marini, président. - Madame la ministre, vous venez nous exposer les mesures annoncées en début de semaine par le Premier ministre. Il s'agit de mesures exceptionnelles prises dans un contexte exceptionnel, dont nous souhaiterions que vous nous rappeliez la logique d'ensemble. Pourriez-vous également nous expliquer pourquoi l'effort de 7 milliards d'euros demandé prend la forme proposée par le Gouvernement ? Sans doute cela vous donnera-t-il l'occasion de revenir sur la perspective pluriannuelle offerte par ce plan.

Le projet de loi de finances pour 2012 que nous sommes en train d'examiner est substantiellement modifié par les annonces faites ce lundi. Suivant quelles procédures serons-nous appelés à les intégrer dans les documents budgétaires ?

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat. - Le but recherché par le plan annoncé par le Premier ministre est d'offrir une triple garantie.

La première est de garantir le respect de nos engagements de réduction des déficits, avec, à l'horizon, la certitude du retour à l'équilibre en 2016. Ces mesures prévues, qui porteront sur 7 milliards d'euros en 2012, devraient permettre d'éviter 65 milliards d'euros de dettes d'ici 2016 et de préserver la croissance dans un contexte de réduction des déficits. Nous avons voulu donner une profondeur de champ à notre politique pour permettre que soient mieux appréciées les économies sur les dépenses, dont l'impact se développera sur la durée. En effet, les efforts de plus de 45 milliards réalisés depuis 2010 - dont la moitié porte sur les dépenses et la moitié sur les recettes - n'ont pas toujours été perçus, sans doute faute de mise en perspective. Nous définissons ainsi un chemin crédible vers le retour à l'équilibre, qui va au-delà des prochaines échéances électorales au cours desquelles des promesses inconsidérées pourraient, sinon, remettre en cause l'orientation vers le retour à l'équilibre. Il s'agit d'un élément important de compréhension de notre politique, notamment pour les observateurs extérieurs.

La deuxième garantie consiste en la préservation de la croissance dans un contexte de réduction des déficits publics. Cela a appelé de notre part un dosage extrêmement soigneux entre les différentes mesures, afin de ne remettre en cause aucun des dispositifs qui soutiennent la croissance. Je pense à la priorité donnée à l'innovation, à la formation et à l'enseignement supérieur bien sûr, mais aussi à la valorisation du travail, qui nous sépare de la nouvelle majorité sénatoriale, puisque vous savez qu'hier soir à été votée au Sénat la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Je pense aussi au renforcement de notre compétitivité, avec la suppression de la taxe professionnelle.

La troisième garantie apportée par ce plan est qu'il met notre modèle social à l'abri de la crise. Car un Etat qui protège, c'est un Etat dont l'assise financière est solide. Nous poursuivrons donc notre effort de réduction des dépenses de l'Etat et de maîtrise des dépenses sociales. Pour nous, pour moi, la justice ne consiste pas, comme le fait le Gouvernement socialiste espagnol, à diminuer les retraites, les prestations sociales et les salaires des fonctionnaires. Cette politique est celle que l'on suit lorsque l'on n'a pas eu le courage de prendre les mesures de maîtrise des dépenses. Le Gouvernement français, lui, a pu renforcer les mailles de nos filets de sécurité.

Au coeur des mesures anti-déficit annoncées par le Premier ministre, figure la crédibilité de notre pays, qui repose elle-même sur trois principes que sont le réalisme, la constance et la réactivité.

Le réalisme du plan se traduit notamment par la révision de notre prévision de croissance, ramenée à 1 % pour 2012, comme l'avait annoncé le Président de la République. Ce chiffre est aussi celui défini par l'Allemagne, dont les prévisions s'appuient sur des organismes indépendants. Par cet alignement, nous faisons le choix de la convergence avec notre voisin. A la différence de bien des Gouvernements précédents, nous prenons en compte les évolutions de la situation économique, et nous ne remettons pas à plus tard les décisions, même et surtout lorsqu'elles exigent du courage. Je vous rappelle les propos, devenus historiques, de Lionel Jospin, lorsqu'il était Premier ministre, et qui déclarait, au lendemain du 11 septembre 2001, qui allait bouleverser l'économie mondiale, que l'on ne change pas un budget en cours d'examen.

Quant à la constance, elle constitue la clef de notre politique budgétaire puisque, dans les circonstances actuelles, la France tiendra ses engagements. Quoi qu'il arrive, nous serons au rendez-vous des 4,5 % du PIB de déficit en 2012, comme nous serons au rendez-vous le mois prochain des 5,7 % de déficit pour 2011. Notre détermination est totale, comme nous venons de le démontrer le 24 août et le 7 novembre.

Le maintien de notre crédibilité, nous le devons également à notre réactivité. Aujourd'hui comme en août dernier, nous avons immédiatement pris les mesures qui s'imposaient. Nous vous les présentons aujourd'hui dans leur globalité, et elles vous seront naturellement soumises en détail dans les jours et les semaines qui viennent sous trois formes.

Tout d'abord, les économies supplémentaires sur le budget de l'Etat feront l'objet d'amendements à la seconde partie. Elles porteront sur plus de 500 millions d'euros.

M. Philippe Marini, président. - Seront-elles réparties entre les différentes missions ?

Mme Valérie Pécresse. - Oui, tout à fait. Les recettes complémentaires bénéficiant à l'Etat figureront dans le projet de loi de finances rectificative que nous présenterons très exactement dans une semaine. Son examen à l'Assemblée nationale est prévu le 28 novembre. Enfin, toutes les dispositions concernant la sécurité sociale feront l'objet d'un PLFSS rectificatif, qui sera déposé dans les deux semaines, puisqu'il ne peut constitutionnellement être examiné qu'après l'adoption du PLFSS. Il sera discuté d'ici la fin de l'année.

A titre transitoire, le Gouvernement a déposé devant la Haute assemblée une série d'amendements reflétant les effets mécaniques de la révision de la prévision de croissance sur les soldes. Mais les mesures annoncées par le Premier ministre permettront de revenir aux objectifs initiaux adoptés par l'Assemblée nationale, soit une baisse de 4 % du déficit de la sécurité sociale et de 50 % du déficit de l'assurance maladie avec deux ans d'avance sur nos prévisions.

Notre stratégie repose sur deux axes absolument prioritaires que sont, d'une part, la poursuite notre effort d'économies sur les dépenses, et, d'autre part, l'accélération des réformes. Telle est la priorité de nos priorités. En complément, nous prenons des mesures supplémentaires visant à augmenter les recettes. Mais il ne s'agit là que d'éléments complémentaires que nous veillons à répartir équitablement entre les Français et aussi entre les entreprises, les PME étant globalement épargnées.

Cette constance fait que les différents textes que nous avons présentés et que nous vous présenterons forment un seul et même bloc, fondé sur une seule et même stratégie.

Le premier pilier de cette stratégie est la poursuite des réformes structurelles que nous avons engagées. Le plan du Premier ministre porte sur 17,4 milliards d'euros d'ici 2016, qui, pour plus de la moitié, proviendront d'économies et pour moitié de recettes nouvelles. Porter l'âge légal de départ en retraite à 62 ans en 2017 et non en 2018 est une accélération mesurée de la réforme. Tout en respectant le principe de sa mise en oeuvre progressive, elle permettra de réduire l'endettement de 4,4 milliards d'euros d'ici 2016.

Nous allons également accroître l'effort d'économie de l'Etat et de l'assurance-maladie pour un total de 1,2 milliard d'euros en 2012. Pour atteindre, cet objectif, le budget de l'Etat subira 500 millions d'euros d'économies supplémentaires aboutissant ainsi, pour la première fois depuis 1945, à une baisse des dépenses à 1,5 milliard d'euros hors dette et pensions.

Poursuivant notre effort de maîtrise des dépenses de santé, nous ramenons la progression de l'ONDAM de 2,8 % à 2,5 %, ce qui représente 500 millions d'euros d'économies supplémentaires en 2012. Nous le ferons en restant fidèles à la ligne de conduite qui consiste à faire porter les efforts non sur les patients, au moyen de hausse du ticket modérateur ou de déremboursements, mais sur les industriels, les professionnels de santé et, plus globalement, sur l'organisation de notre système.

Plus de 200 millions d'euros supplémentaires seront en outre dégagés grâce à un effort sur les dépenses de gestion des caisses de sécurité sociale ainsi que sur les fonds de protection sociale.

Enfin, nous poursuivrons la réduction des niches fiscales à hauteur de 2,6 milliards d'euros d'ici 2016. A cette fin, le « rabot transversal » sera augmenté, ce qui était une demande de nombre d'entre vous.

De plus, nous poursuivrons l'entreprise de suppression ou de révision en profondeur des niches plus coûteuses qu'efficaces. Ainsi, le dispositif de soutien à l'investissement immobilier dit « Scellier » sera supprimé en 2013. Le prêt à taux zéro sera recentré sur le neuf et son coût par génération sera ramené à 800 millions d'euros. Nous prolongerons aussi le travail que nous avons engagé ensemble sur le crédit d'impôt « développement durable ».

Depuis le premier jour, l'équité constitue le maître-mot de notre politique budgétaire et fiscale. La réduction des déficits est une nécessité d'intérêt national et chacun doit prendre sa part aux efforts demandés. Les mesures annoncées démontrent que tel est le cas.

Nous majorerons ainsi de 5 % l'impôt sur les sociétés acquitté par les grandes entreprises, c'est-à-dire celles dont le chiffre d'affaires dépasse 250 millions d'euros, jusqu'à ce que le déficit public soit revenu à 3 %.

Nous procéderons, en outre, à l'alignement de la fiscalité des revenus du patrimoine sur celle des revenus du travail, en portant de 19 % à 24 % le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et les intérêts. Tout en dégageant une recette supplémentaire de 600 millions d'euros, ce Gouvernement aura donc mis fin à la fiscalité privilégiée des revenus du capital, qui bénéficiait aux foyers les plus aisés, ce qui constitue une véritable révolution.

Quant au barème de l'impôt sur le revenu, de l'ISF et des droits de succession, il sera gelé en 2012 et 2013, autrement dit, là encore, jusqu'au retour à un déficit public de 3 % du PIB. Le rendement total de cette mesure s'élèvera à 1,7 milliard d'euros en 2012, puis à 3,4 milliards en 2013. Et, là encore, cette mesure sera essentiellement supportée par les foyers les plus aisés, puisque l'impôt sur le revenu est payé par 15 millions de ménages sur les 32 millions que compte notre pays.

Dans le cadre de la convergence fiscale franco-allemande, le taux réduit de TVA sera porté de 5,5 % à 7 %, ce qui représentera une recette supplémentaire de 1,8 milliard d'euros. Pour éviter que ce relèvement ait un impact sur le pouvoir d'achat des foyers les plus modestes ou les plus fragiles, il ne concernera ni l'alimentation, ni l'énergie, ni les produits et services destinés aux personnes handicapées.

Enfin, en 2012, les prestations sociales seront revalorisées de 1 % de manière forfaitaire. Elles continueront donc à progresser, mais au même rythme que la richesse que nous créerons. Là encore, afin de protéger les Français les plus fragiles, cette mesure ne concernera ni les minimaux sociaux, ni les revenus de remplacement que sont les pensions d'invalidité et les rentes d'accidents du travail. Les pensions de retraite sont également exclues de son champ d'application, grâce à l'accélération de la réforme des retraites qui protège le montant des pensions.

Parallèlement, et comme s'y était engagé le président de la République, nous irons jusqu'au bout de la revalorisation du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés, qui auront progressé de 25 % en cinq ans. Les dépenses sociales de l'Etat ont augmenté de 37 % en cinq ans : nous avons bien resserré les mailles des filets de sécurité, et elles n'ont ainsi jamais été aussi solides qu'aujourd'hui.

Les pouvoirs publics continueront à donner l'exemple. Au moment même où nous demandons un effort collectif aux Français, il est de notre responsabilité d'être, une fois encore, exemplaires, ce que nous serons. Comme l'a annoncé le Premier ministre, les rémunérations du président de la République et des membres du Gouvernement seront gelées jusqu'en 2016, tandis que le salaire d'un fonctionnaire augmente en moyenne de 3 % par an. Le Gouvernement demande, de même, à l'ensemble des responsables et dirigeants, publics et privés, d'appliquer le même principe.

L'ensemble des partis politiques participeront à la maîtrise des dépenses, par la baisse de 5 % du plafond des dépenses prises en charge au titre des campagnes et par la diminution des aides aux partis politiques.

Enfin, en application de cette exigence d'exemplarité, les collectivités territoriales devront répondre à une obligation de transparence. Les situations sont, sur ce point, très différentes d'une collectivité à l'autre mais, désormais, les régions, les départements et les collectivités de plus de 50 000 habitants devront soumettre leurs dépenses à une simple obligation d'information, qui respecte naturellement le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales.

Ce plan vient parachever trois années d'efforts structurels de réduction des déficits qui ont reposé d'abord et avant tout sur les dépenses. En 2011 et 2012, nous aurons ainsi réalisé un effort de 52 milliards d'euros, dont la moitié grâce à des économies. Le chemin vers le retour à l'équilibre prolonge la politique budgétaire actuelle fondée sur la baisse des dépenses de l'Etat et la maîtrise des dépenses sociales, et applique strictement les mesures annoncées le 24 août et le 7 novembre. Il représente un effort total de 115 milliards d'euros d'ici 2016, dont les deux tiers résultent d'économies sur les dépenses, ce qui marque une réelle différence entre la droite et la gauche.

M. Philippe Marini, président. - Merci, madame la Ministre, pour votre présentation très synthétique et en même temps très claire de ce plan. J'aurais voulu vous demander de nous préciser s'il fallait s'attendre à un collectif supplémentaire ou à l'intégration des mesures dont vous nous avez parlé et qui vont être délibérées par le conseil des ministres dans le collectif de fin d'année. Est-ce le collectif de fin d'année qui accueillera ces dispositions ou bien s'agira-t-il d'un texte supplémentaire qui viendrait s'intercaler entre ceux déjà prévus ?

Sur le fond des choses, je vous poserai une seule question. Dans la situation très délicate à laquelle nous devons faire face sur le front de la croissance, quel serait l'impact de la suppression des mesures favorables aux heures supplémentaires qu'on nous propose ? Même si vous avez déjà eu ce débat dans le cadre de la discussion du projet de financement de la sécurité sociale, vous nous aideriez en nous présentant vos arguments.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je souhaiterais revenir sur l'idée de parité entre l'effort qui devait être porté sur les dépenses et celui sur les recettes. Lorsque j'ai préconisé le moitié-moitié, vous m'avez répondu que ce principe était excessif. Or, lorsque je fais les additions, je constate que vous faites porter les trois quarts de l'effort sur les recettes. Dès lors, je me demande où se situe la cohérence de votre politique.

M. Francis Delattre. - Mes questions concernent la mission dont je suis rapporteur spécial. Tout d'abord, l'avancement annoncé du passage de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans concerne-t-il aussi les régimes spéciaux et les pensions de la fonction publique ?

La Cades supporte l'ensemble de déficits sociaux successifs et notamment celui des retraites, du fait du faible abondement du fonds de réserve des retraites (FRR). Le mode de financement actuel de la Cades conduit à faire financer les retraites par les marchés financiers, ce qui constitue une anomalie. Ne pourrait-on pas y remédier dans les deux ou trois ans qui viennent ?

M. Philippe Dallier. - Je me réjouis que l'on revisite le Scellier dans la perspective de sa suppression en 2013. Depuis un certain temps, nous étions nombreux en effet à dire que ce dispositif alimentait la flambée des prix. C'est une bonne mesure. Cependant, le PTZ-plus serait recentré exclusivement sur le neuf, alors que l'ancien mérite attention. Votre position est définitivement acquise ou bien y-a-t-il encore des marges de discussion ?

M. Albéric de Montgolfier. - Le Gouvernement propose que des éléments de transparence soient fournis sur les dépenses des collectivités. Une telle mesure était nécessaire et utile... à condition qu'il n'y ait pas de charges nouvelles, ce qui arrive malgré les engagements réitérés du Gouvernement, ainsi pour les mineurs étrangers isolés. On assiste à une véritable dérive du fait de mesures nouvelles prises par voie réglementaire. Le Gouvernement peut-il prendre ou réitérer des engagements précis ?

M. Éric Bocquet. - Ces mesures d'austérité renforcée sont directement liées à l'attitude des agences de notation qui, il y a quelques semaines, ont annoncé qu'elles allaient placer la France sous surveillance particulière. Pensez-vous sincèrement qu'elles soient de nature à lui conserver son triple « A » dans les trois mois qui viennent ?

Vous référant à l'Allemagne, vous avez employé les termes de convergence et d'alignement. Ces deux termes sont-ils synonymes ? Autant je peux comprendre la nécessité d'une convergence au niveau européen, autant le terme alignement me choque d'un point de vue politique.

Mme Valérie Pécresse. - Le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté en conseil des ministres le 16 novembre reprendra les mesures fiscales présentées par le Premier ministre : désindexation pour 2012 et 2013 du barème des impôts sur le revenu, sur les sociétés et sur les successions, majoration de l'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises jusqu'en 2013, modification du prélèvement forfaitaire libératoire à 24 % sur les dividendes et les intérêts, taux intermédiaire de TVA, suppression partielle du Scellier, et recentrage du PTZ-plus.

L'incidence en crédits de ces mesures serait prise en compte au Sénat, dans le projet de loi de finances, à la fin de l'examen de la première partie par mesure de coordination. A cette occasion, nous tirerons les conséquences sur les recettes de l'Etat de la révision de la prévision de croissance. Un document annexé au collectif de fin d'année présentera l'incidence sur les finances publiques.

M. Philippe Marini, président. - Merci beaucoup, voilà qui est extrêmement clair.

Mme Valérie Pécresse. - La réduction supplémentaire des dépenses de 500 millions d'euros, la revalorisation forfaitaire de 1 % des aides au logement et l'obligation de présenter un rapport sur l'évolution de la dépense pour les communes de plus de 50 000 habitants seront inscrites dans le projet de loi de finances.

Quant au PLFSSR, il prévoira la réduction des dépenses de l'assurance maladie, les économies sur la gestion des caisses, le raccourcissement de la phase transitoire de la réforme des retraites et la revalorisation forfaitaire des prestations familiales.

Oui, nous avons eu effectivement hier le débat sur les heures supplémentaires. Pour nous, la défiscalisation des heures supplémentaires constitue avant tout une mesure de pouvoir d'achat. S'établissant à 450 euros par an, elle touche 9 millions de salariés, dont le revenu moyen est de 1500 euros par mois : ils ne figurent pas parmi les plus aisés, puisqu'elle bénéficie pour 90 % à des enseignants de la fonction publique, des ouvriers qualifiés, des employés et, évidemment, très peu à de cadres, puisque ces derniers sont au forfait-jour. Nous ne supprimerons pas de telles mesures dans un contexte de croissance extrêmement ralentie, parce que nous sommes convaincus que la consommation est l'un des moteurs de la croissance.

Contrairement à la gauche de l'hémicycle, nous ne considérons pas que le travail se partage, nous pensons à l'inverse que, lorsqu'il y a de la consommation, cela crée de l'emploi.

Lorsque Mme Bricq avait déclaré dans l'hémicycle vouloir retourner à l'équilibre avec un effort sur la base du 50-50, je m'étais contentée de vous répondre que rien dans vos propositions ne permettait le moindre début de commencement d'une baisse des dépenses. Sur le fond, un tel équilibre ne me paraît pas mauvais. Il est en tous cas bien meilleur que celui des propositions du parti socialiste. L'équilibre que nous proposons à l'horizon 2016, et non pas pour 2017, consiste en deux tiers d'économies sur les dépenses et en un tiers en recettes.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je vous parlais du plan Fillon 2.

Mme Valérie Pécresse. - Mais le plan Fillon 2 n'est pas seul en jeu. Il s'inscrit dans un ensemble cohérent qui comprend aussi la révision générale des politiques publiques, le plan Fillon 1, ainsi que les économies que nous faisons faire au budget de l'Etat et à ceux des collectivités locales. Tout cela représente 52 milliards d'économies, c'est à dire bien davantage que les 17 milliards annoncés ce lundi. Pour la seule année 2012-2013, le plan Fillon 2, comme vous l'appelez, porte certes sur les recettes pour 75 % et pour 25 % sur les dépenses. Mais d'ici à 2016, le plan consistera globalement en deux tiers d'économies sur les recettes et un tiers d'économies sur les dépenses. Je souhaiterais que vous me précisiez comment vous comptez parvenir à une répartition à 50-50 d'ici 2017. Je ne crois pas que ce soit possible avec les mesures que vous proposez. En tout cas, vous gagneriez à en débattre avec votre commission des affaires sociales, qui crée dix nouvelles taxes par nuit de séance.

M. Philippe Marini, président. - Une grande tradition...

Mme Valérie Pécresse. - J'ai indiqué hier à la commission des affaires sociales que lorsque le taux de taxation atteignait 100 %, il n'y a tout simplement plus de taxation. En tout cas, dix taxes par nuit, cela révèle une créativité qui bat tous les records !

L'on pourrait effectivement réfléchir à une règle d'or sociale. M. Delattre fait très bien de soulever ce sujet. Je suis, pour ma part, choquée d'observer que la branche famille est structurellement déficitaire car il est pour le moins paradoxal de faire payer notre politique familiale par nos enfants. Il est tout aussi choquant de faire payer nos retraites et notre santé par les générations futures. Je suis tout à fait prête à examiner avec vous ces questions liées à une éventuelle règle d'or sociale.

Le PLFSS trace un chemin vers le retour à l'équilibre d'ici 2015. Je suis convaincue que cet objectif est atteignable grâce à la réforme de l'hôpital, à la maîtrise des dépenses de ville et aux politiques du prix des médicaments. Cela suppose bien entendu de la constance dans l'effort.

Philippe Dallier a bien compris, le recentrage du PTZ-plus sur les logements neufs vient compenser la suppression du dispositif Scellier et ce, afin de prolonger la dynamique de construction de logements. L'ancien en bénéficiera aussi, dès lors qu'il y aura amélioration de la performance énergétique des logements. Cette mesure sera notamment utile pour la rénovation des centres villes.

A Albéric de Montgolfier, je souhaite répondre que je suis attentive à l'augmentation des charges des collectivités locales. J'ai proposé à Eric Doligé d'intégrer certaines des mesures de son rapport sur les normes. Vous pouvez compter sur la ministre du budget pour supprimer des normes indues qui se traduisent par des charges pour les collectivités locales.

Pour la gaulliste que je suis, la politique, Monsieur Bocquet, ne se fait pas à la corbeille, pas plus qu'elle ne se fait à Berlin. Mais n'oublions pas que nous avons 1 700 milliards de dettes, et que malheureusement chaque année nous y ajoutons 180 milliards d'euros d'endettement supplémentaire. Lorsque l'on est surendetté, on doit rendre des comptes sur sa capacité à rembourser sa dette. Cela vaut pour les Etats comme pour les ménages et je ne suis pas plus heureuse que vous de cette situation.

Les agences de notation ne sont que des thermomètres. Elles ne sauraient dicter la politique de la France, mais nous devons rassurer les investisseurs sur sa capacité à rembourser sa dette. Tel est le chemin de la crédibilité dans lequel nous sommes engagés. Nous veillons à être réactifs et équitables afin que, même si la croissance flageole, la France soit toujours en état de rembourser ses dettes et de soutenir l'activité.

Quant au terme « alignement », il ne revêt dans mon esprit qu'un sens strictement arithmétique. La convergence économique n'implique évidemment pas une convergence sur le plan politique. Pour le reste, l'Allemagne a quand même dix points de dépenses publiques en moins que nous. Nous ne pourrons donc faire converger nos recettes fiscales avec celles de notre principal partenaire sans poser les vraies questions en matière de réduction de dépenses. Il s'agit d'un vrai débat politique que l'élection présidentielle ne manquera pas de nourrir.

L'augmentation de la CRDS n'est pas un choix du Gouvernement, car elle pèse sur le travail. Là aussi, nous aurons un débat à l'occasion de l'élection présidentielle. J'ai cru comprendre que le PS voulait l'éviter mais nous, nous ouvrirons la discussion sur la compétitivité de la France et la fiscalité du travail. Lorsque nous pourrons transférer une partie du financement de notre protection sociale sur d'autres impôts que sur les seules cotisations, votre question se posera en des termes différents.

Quant aux régimes spéciaux, ils seront effectivement concernés une fois que la réforme de 2008 aura été totalement mise en place. Il y a là aussi convergence pour ne pas dire alignement des régimes spéciaux qui rentrent progressivement dans le régime général.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - J'attire votre attention sur le fait qu'en matière sociale, la convergence avec l'Allemagne pourrait signifier une évolution vers la privatisation des prestations.

Mme Valérie Pécresse. - Ce débat nous l'aurons ! Ne le déflorons pas pour l'instant. Il suffira de rappeler ici que sous un chancelier socialiste qui s'appelait Gerhard Schroeder, l'Allemagne a pris des mesures extrêmement drastiques de gel des prestations sociales, des retraites, pendant quatre des dix dernières années. Les retraites ont été gelées en Allemagne, ce sont des choix qu'ont fait nos amis espagnols, socialistes eux aussi. Ce ne sont pas les choix du gouvernement français.

M. Philippe Marini, président. - Qu'ils soient allemands, espagnols ou français, on n'est pas obligé de prendre les socialistes pour modèle. ...

Il me reste à vous remercier tout particulièrement de nous avoir dit l'essentiel dans un propos très clair et très percutant. Nous ferons, au moins pour une petite moitié d'entre nous, de notre mieux pour vous soutenir. Les autres saisiront sans doute l'opportunité qui leur est offerte d'un dialogue dans les conditions les plus claires qui soient. Nous pourrions être tous d'accord sur la nécessité de bien expliciter nos arguments : il est essentiel que nos concitoyens comprennent ce qui est en jeu et quelles sont les alternatives qui leur sont proposées.

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Loi de finances pour 2012 - Suite de l'examen des articles de la première partie

Au cours d'une seconde réunion tenue l'après-midi, la commission poursuit l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2012, sur le rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.

Article 12

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'article 12 prévoit la reprise des trop-perçus par les départements au titre de la compensation du RSA en 2010 et 2011. Pour éviter que certains départements ne subissent un prélèvement trop élevé, la reprise est plafonnée en 2012 à 5 % du montant du droit à compensation. Je propose par l'amendement n° 27 de ramener ce taux à 3 %.

M. Philippe Marini, président. - Cela coûtera 15 millions d'euros.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Mais la reprise pèsera très lourd sur les finances départementales. D'ailleurs, le reste des trop-perçus sera repris sur les exercices ultérieurs : l'Etat ne fait pas de cadeaux.

M. Philippe Marini, président. - Vous mentionnez la situation du Pas-de-Calais, des Alpes-Maritimes, du Val-d'Oise...

M. François Marc. - C'est une mesure qui transcende les clivages partisans !

L'amendement n° 27 est adopté.

Article 14 ter

L'amendement n° 28 est adopté.

Article 15

L'amendement n° 29 est adopté.

Article 16 bis

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Mon amendement n° 30 scinde en deux acomptes le prélèvement exceptionnel sur le fonds de roulement de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) et de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), afin de leur éviter toute difficulté de trésorerie.

M. Philippe Marini, président. - Une telle mesure relève-t-elle du domaine législatif ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - C'est la loi qui fixe la date. Mme André est très attentive à la situation de l'ANTS.

M. Philippe Marini, président. - Connaissant votre rigueur sur la gestion des opérateurs, nous pouvons vous faire confiance.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Ils sont désormais soumis à des plafonds de ressources, et toutes leurs ressources excédentaires sont reversées au budget de l'Etat.

L'amendement n° 30 est adopté.

Article 16 ter

L'amendement rédactionnel n° 31 est adopté.

M. Philippe Marini, président. - Par l'amendement n° 32, Mme la rapporteure générale semble vouloir assouplir le plafonnement des taxes affectées à certains opérateurs et organismes...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Cela ne coûtera rien à l'Etat. Ce plafonnement devrait être limité aux seuls opérateurs, et non à des autorités administratives indépendantes ou à des autorités publiques indépendantes.

M. Philippe Marini, président. - Mais si ces autorités ne sont plus soumises au plafonnement, cela coûtera bien quelque chose à l'Etat !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Non, le plafond a, en 2012, été fixé au niveau de leurs recettes prévisionnelles.

M. Philippe Marini, président. - Etes-vous sûre qu'il ne faut pas prévoir un gage ? Votre amendement fera plaisir à M. Grignon, rapporteur de la loi qui a créé l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) et qui m'avait indiqué que son statut d'autorité publique indépendante aurait dû la soustraire au plafonnement.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - En effet. Il en va de même du Médiateur national de l'énergie, autorité administrative indépendante. Aucun gage n'est nécessaire.

L'amendement n° 32 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'article 16 ter est destiné à améliorer le contrôle parlementaire sur les taxes affectées aux opérateurs de l'Etat. Mon amendement n° 33 le complète en prévoyant que les commissions des finances des deux assemblées seront informées de tout dépassement de plafond donnant lieu à la réaffectation d'une partie du produit d'une taxe affectée, et que l'annexe jaune « Opérateurs de l'Etat » justifiera chaque année le plafonnement des taxes affectées aux opérateurs au regard de leur rendement, des autres ressources qu'ils perçoivent, de leur situation financière globale et des missions qui leur sont assignées.

M. Philippe Marini, président. - Pensez-vous que le Gouvernement pourrait accepter cet amendement ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Avec votre soutien, certainement !

L'amendement n° 33 est adopté.

Article 18

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Sur la création de nouveaux radars, le Gouvernement a beaucoup tergiversé. Mon amendement n° 34 tend à réaffecter au désendettement de l'Etat, en 2012, le surplus escompté de recettes des amendes forfaitaires, dans la limite de 20 millions d'euros.

M. Philippe Marini, président. - Il est vrai qu'il y a déjà beaucoup de radars...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - C'est vous qui le dites !

L'amendement n° 34 est adopté.

Article 18 bis

L'amendement n° 35 est adopté.

Article 26

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je demande la réserve de l'article 26, en attendant le résultat du vote de nos collègues sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le vote sur l'article 26 est réservé.

Article 27

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'amendement n° 36 est un amendement d'appel, dont j'ai parlé avec le rapporteur spécial M. Patriat. L'article 27 confie à Pôle emploi la gestion du recouvrement des indus d'allocations de solidarité, ce qui constitue un nouveau transfert de charges de la part de l'Etat. Peut-être cette mesure est-elle justifiée au plan de l'efficacité administrative, mais quelles en seront les conséquences sur l'organisation et le personnel de Pôle emploi, dont la charge de travail est déjà très lourde ? Comment faire pour que l'opérateur continue à assumer sa mission essentielle, l'accompagnement vers l'emploi ? S'il est appelé à lancer des procédures contentieuses de recouvrement, devra-t-il appliquer des dispositifs juridiques contraignants alors que le niveau des allocations est inférieur à la quotité saisissable ? Les agents de Pôle emploi ne sont pas opposés à ce transfert, à condition d'être rassurés sur ses modalités et en particulier sur sa compensation financière.

M. Philippe Marini, président. - Peut-être doit-on aussi leur demander un effort de productivité...

L'amendement n° 36 est adopté.

Article 28

M. Philippe Marini, président. - L'amendement n° 37 est plus idéologique...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Qu'appelez-vous idéologie ? Nous sommes opposés à l'accroissement de la pression fiscale sur les étrangers qui demandent des titres de séjours : on leur impose un ticket modérateur pour rester en France ! Car les ressources de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) sont constituées à 84 % de recettes fiscales, provenant pour l'essentiel de la taxation de la délivrance et du renouvellement des titres de séjours : ce sont les étrangers qui financent le service public !

M. Philippe Marini, président. - En ce moment, il faut demander un effort à tout le monde...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Mais l'article tend à majorer le montant des taxes de 16,6 millions, qui passeraient de 97 millions d'euros en 2009 à 154 millions en 2012, soit une hausse de 58 % en trois ans !

M. Philippe Marini, président. - Pourquoi ne pas couper la poire en deux ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je m'oppose au principe même de cette hausse. Ce n'est pas un amendement idéologique : nous avons besoin de main-d'oeuvre.

L'amendement n° 37 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Au total, les amendements que j'ai proposés rapporteraient 5,05 milliards d'euros à l'Etat.

M. Philippe Marini, président. - Mais quelle part serait à la charge des entreprises et des ménages ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je pourrai vous apporter cette précision, mais après avoir entendu Mme Pécresse, il me semble que mes propositions soutiennent la comparaison...

M. Philippe Marini, président. - Mais si l'on additionne le « paquet Pécresse » et le « paquet Bricq », cela fait beaucoup ! Il faut garder un peu de marge pour l'avenir...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - De part et d'autre, nous proposons 5 milliards d'euros de recettes fiscales nouvelles en 2012. Le deuxième plan Fillon repose en 2012 pour les trois quarts sur des hausses de prélèvements obligatoires, dont une augmentation générale de la TVA.

M. Philippe Marini, président. - Non pas générale, mais ciblée. En revanche, le gel du barème de l'impôt sur le revenu a bien une portée générale...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Et il pénalise surtout les foyers relevant des tranches les plus basses. Mais j'ai bien compris que les propositions de la droite n'étaient pas idéologiques...

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'ensemble des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2012 ainsi modifiés, à l'exception des articles 3 bis, 3 ter et 26 dont l'examen est réservé jusqu'à la transmission définitive du texte par l'Assemblée nationale.

Loi de finances pour 2012 - Mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation - Examen du rapport spécial

Au cours d'une seconde réunion tenue l'après-midi, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 49, 49 bis et 49 ter).

M. Philippe Marini, rapporteur spécial. - Cette mission poursuit en 2012 les réformes engagées depuis plusieurs années avec la suppression de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, et la réforme de la direction du service national (DSN).

Elle demeure sur sa pente baissière, avec une contraction de ses crédits de 4,3 % par rapport à 2011, contre 3,3 % en 2011 par rapport à 2010, soit un budget de 3,17 milliards en crédits de paiement. La baisse régulière des crédits de la mission s'explique pour l'essentiel par la diminution démographique des ayants droit. En effet, le nombre de bénéficiaires de la pension militaire d'invalidité (PMI) chute en 2012 de 15 250 unités, et celui des bénéficiaires de la retraite du combattant de 55 500.

Après le vote intervenu à l'Assemblée nationale, ce budget a été légèrement modifié par une économie de 14 millions d'euros. Cette diminution répond à l'exigence d'économie globale supplémentaire de 1 milliard d'euros annoncée par le Gouvernement au début de la discussion budgétaire. Cette économie est permise par des marges ponctuelles en gestion 2011 sur le programme 169. Les crédits non consommés seront reportés en 2012 conformément aux dispositions de la LOLF. Il est donc proposé d'annuler ce même montant dans le cadre de la réduction des dépenses affichées sur 2012.

Cependant, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, cette mission préserve l'ensemble des droits des populations combattantes. Elle les renforce même par la majoration de 4 points au 1er juillet 2012 de la retraite du combattant en la portant à 48 points. Cette mesure n'est donc pas électoraliste en ne prenant pas effet avant les élections. Je vous rappelle que cette retraite concerne plus de 1,2 million de titulaires de la carte du combattant et que son montant annuel est ainsi porté à 665 €.

Ce budget consacre également l'Office national des anciens combattants et victimes de la Guerre (ONAC) comme opérateur majeur de la mission. Guichet unique avec une représentation départementale confirmée, il reçoit plus de 196 millions d'euros de la mission dont une subvention pour charges de service public de 57,5 millions.

Chacun des trois programmes présente des évolutions spécifiques.

Les crédits du programme 167 « Liens entre la nation et son armée » baissent de 12,1 % en crédits de paiement. Cette baisse s'explique essentiellement par la poursuite de la réforme de la DSN qui quitte son siège de Compiègne, où elle était très bien, pour Orléans. Ceci se traduit par une réduction des effectifs, avec la suppression de 526 emplois, ramenant le plafond d'emplois de la direction à 1 587 ETPT. L'année 2012 voit deux principales restructurations intervenir avec le transfert de la fonction archives au service historique de la défense et le déplacement, que je regrette à titre personnel, de l'administration centrale de la DSN à Orléans.

Ce programme comporte le soutien de la nouvelle Journée Défense et citoyenneté. Il convient à ce titre de relever une statistique qui laisse apparaître que seulement 97 % des jeunes d'une classe d'âge se fait recenser ce qui laisserait plus de 22 000 jeunes plongés dans ce que l'on peut appeler une « trappe civique ». Nous devrons certainement nous pencher sur ce dysfonctionnement.

Je note, par ailleurs, l'effort reconduit de 4,75 millions d'euros pour l'objectif de rénovation globale des nécropoles militaires pour le centenaire de la Grande Guerre.

Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » reste lui marqué par la baisse de la population des anciens combattants qui se répercute sur l'action « Administration de la dette viagère », dont les crédits baissent de 115 millions d'euros.

Je veux également noter avec satisfaction l'engagement pris à l'Assemblée nationale par le Gouvernement pour revaloriser le plafond de l'aide différentielle servie aux conjoints survivants les plus démunis en 2012 à 869 € au lieu de 834 €. Le Gouvernement devra être interrogé sur les conditions de sa mise en oeuvre.

Le troisième programme, le programme 158, qui porte sur l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, voit sa dotation légèrement augmenter de 1,1 % en crédits de paiement. Il convient de souligner l'amélioration de sa gestion opérée tant par la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) que par l'ONAC.

Sous le bénéfice de ces quelques observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission sans modification.

Concernant les articles rattachés ils sont au nombre de trois :

- l'article 49 permet la revalorisation de 4 points au 1er juillet 2012 de la retraite du combattant. Son coût pour 2012 est de 18,5 millions d'euros pour une mesure en année pleine qui aura un coût de 74 millions. Cet article témoigne de la reconnaissance portée à nos anciens combattants et j'espère qu'il pourra être adopté de façon unanime par notre commission ;

- l'article 49 bis introduit par un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale vise à revaloriser de 360 points la réversion des conjoints survivants de grands invalides, pensionnés au delà de 11 000 points. L'objectif est de réduire l'effet de la perte de revenu au décès du grand invalide. Je vous propose son adoption dont le coût sera minime, environ 60 000 euros ;

- enfin, l'article 49 ter, introduit par un amendement du groupe Nouveau Centre à l'Assemblée nationale, demande un rapport au Gouvernement sur les modalités de révision du décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord. Aujourd'hui seuls les fonctionnaires et assimilés ayant liquidé leur retraite après la date du 18 octobre 1999 peuvent jouir de ces bénéfices de campagne. C'est un sujet qui ne concerne pas directement les crédits de cette mission mais qui fait l'objet de plusieurs propositions de lois. Je vous propose de donner un avis favorable à cet article.

M. Jean-Claude Frécon, président. - Merci de ces précisions et de cet avis. Avant de donner la parole à nos collègues de la commission des finances, j'invite Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, à prendre la parole.

Mme Gisèle Printz, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Je souhaite mettre l'accent sur la suppression de 14 millions d'euros intervenue à l'Assemblée nationale qui aurait pu servir à l'allocation différentielle versée par l'ONAC. Par ailleurs, la revalorisation de la retraite du combattant est une très bonne chose mais elle devrait intervenir au 1er janvier 2012 et non au 1er juillet. J'aurai l'occasion de revenir sur ces différents points en séance publique.

M. Jean-Claude Frécon, président. - La rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales relaie ici une demande portée par nombre d'associations d'anciens combattants.

M. Yvon Collin. - Je souhaite revenir sur la JDC. Je rappelle qu'après la disparition du service national puis du service civil, auquel s'est substitué l'excellent service civique qui avait comme objectif d'accueillir 10 % d'une classe d'âge, objectif à peu près atteint aujourd'hui, à tel point que les crédits vont manquer, l'un des objectifs de cette JDC est de faire la promotion du service civique. Un message devrait être passé aux autorités militaires pour qu'elles en fassent effectivement la promotion.

Mme Marie-France Beaufils. - Sur l'article 49 ter, j'estime qu'alors que cette question de la campagne double pour l'ensemble des combattants d'Afrique du Nord est discutée depuis longtemps, la demande du dépôt d'un rapport est un affichage mais en rien une réponse.

M. Jean-Marc Todeschini. - Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué les prochaines élections au sujet de la revalorisation de 4 points de la retraite du combattant au 1er juillet 2012. J'estime que le dépôt d'un rapport d'information sur la campagne double, qui est un dossier parfaitement connu de tous les Gouvernements, au 1er juin 2012 ajouté à la revalorisation de 4 points de la retraite du combattant au 1er juillet en période d'élections législatives sont des mesures parfaitement électoralistes. Par ailleurs le coût de la revalorisation au 1er juillet de la retraite du combattant pèse surtout sur l'année 2013. C'est ainsi une façon de laisser la dépense aux suivants. Je vous indique que le groupe socialiste votera contre ce rapport.

M. Jean-Claude Frécon, président. - Je voudrais poser une question complémentaire concernant le coût de la mesure de revalorisation de 4 points de la retraite du combattant au 1er juillet 2012. Comment se fait il que cette mesure n'ait qu'un coût correspondant au quart de la mesure en année pleine ?

M. Philippe Marini, rapporteur spécial. - Pour répondre aux analyses de Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, je peux vous indiquer que la mesure de réduction de 14 millions d'euros sera indolore pour le budget 2012 puisque ces 14 millions seront pris sur les crédits non-consommés en 2011. Peu de missions peuvent participer à cet effort de réduction globale de 1 milliard dans ces conditions. Je peux comprendre la volonté de satisfaire certaines demandes mais la situation ne le permet pas.

Je veux rappeler suite à l'intervention de M. Yvon Collin le rôle essentiel qui a été le sien dans la naissance du service civique et, comme rapporteur spécial de cette mission, j'effectuerai un contrôle afin de déterminer les liens à établir entre JDC et service civique tout en tentant de trouver des réponses à la question soulevée par ces 3 % d'une classe d'âge qui échappent au recensement.

M. Jean-Marc Todeschini, ancien rapporteur spécial de la mission, qui représente tout comme moi un département particulièrement marqué par les conflits du vingtième siècle, s'oppose comme plusieurs de ses collègues, sur l'article 49 ter, à l'adoption de ce rapport sur la campagne double. Nous ne faisons pas de l'adoption de cet article, sur une question en effet déjà bien connue, un casus belli. Cependant qualifier d'électoraliste la promesse d'un rapport au 1er juin ou la revalorisation de la retraite du combattant me paraît excessif. Si le Gouvernement avait vraiment voulu être électoraliste, il aurait fait en sorte que cette retraite soit versée avant les élections. Enfin, pour répondre à l'interrogation du président Jean-Claude Frécon, il faut rappeler que la retraite du combattant est versée semestriellement à date anniversaire au titulaire de la rente. Les dates d'échéances correspondent aux dates d'anniversaire des bénéficiaires pour le premier versement et à celles-ci plus six mois pour le second versement. Ainsi, par construction comptable, son coût, selon les données des services de Bercy, équivaut à un quart de celui d'une mesure en année pleine soit 18,48 millions d'euros.

M. Jean-Claude Frécon, président. - Je vous remercie pour cette réponse mais je m'interroge cependant sur le lien entre la date anniversaire et le coût de la mesure limité à un quart d'une année pleine pour une demi-année.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial. - Pour préciser ma réponse, je vous indique que la retraite du combattant étant versée semestriellement à terme échu, les premiers versements revalorisés seront ceux de juillet. Ils ne concerneront, pour la période des six premiers mois impactés de janvier à juillet, au maximum que le mois de juillet. La revalorisation monte ainsi en puissance tout au long du deuxième semestre 2012. Ceci explique le décalage observé dans le besoin de financement. De plus par convention, les pensionnés ne résidant pas en France sont considérés sur la base d'une date d'anniversaire fictive au 1er janvier.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission «Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ainsi que des articles 49, 49 bis et 49 ter du projet de loi de finances pour 2012.

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Loi de finances pour 2012 - Mission Solidarité, insertion et égalité des chances - Examen du rapport spécial

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Eric Bocquet, rapporteur spécial, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et article 61).

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - Monsieur le Président, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui retrace une partie de l'intervention de l'Etat au titre de la solidarité nationale et finance des actions disparates :

- l'insertion par l'emploi ;

- les tutelles des majeurs ;

- le handicap ;

- le soutien aux familles ;

- ou encore l'égalité entre les hommes et les femmes.

Elle porte surtout des dépenses d'intervention, qui sont obligatoires, et sur lesquelles les marges de manoeuvre restent faibles. Ces dépenses, pour les principales, sont connues, il s'agit de :

- l'allocation aux adultes handicapés : l'AAH ;

- le revenu de solidarité active, le RSA, pour sa partie activité ;

- l'allocation supplémentaire d'invalidité.

Nous ne saurions reprocher cette hétérogénéité qui n'est qu'un révélateur de la diversité des situations de détresse sociale. En revanche, nous pouvons regretter un certain manque de lisibilité de l'action publique.

D'ailleurs, la mission ne donne pas une vision exhaustive de la politique de solidarité nationale et ce pour trois raisons.

Tout d'abord, la politique de solidarité relève également, si ce n'est plus, de la responsabilité des départements et des organismes de sécurité sociale. Par exemple, le programme « Handicap et dépendance », hormis quelques crédits relatifs à la maltraitance des personnes âgées, ne contribue guère à la problématique de la perte d'autonomie.

Ensuite, l'intervention de l'Etat recoupe d'autres politiques publiques et est donc logiquement retracée dans d'autres missions du budget général, telles que « Ville et logement » ou « Travail et emploi ».

Enfin, l'Etat met en oeuvre une politique fiscale tout autant qu'une politique budgétaire. A titre d'illustration, les dépenses fiscales rattachées à la mission représentent près de 12,5 milliards d'euros cependant que les crédits budgétaires s'élèvent à 12,75 milliards d'euros, soit des montants quasiment équivalents.

Outre 11 milliards d'euros de dépenses d'intervention inscrites sur quatre programmes, la mission comprend également un programme support, qui rassemble tous les moyens des « ministères sociaux », tant au niveau national que déconcentré, étant précisé que, par la magie de la révision générale des politiques publiques (RGPP), les services du sport, de la jeunesse et de la vie associative sont désormais rattachés aux « ministères sociaux ».

Le programme support est doté d'environ 1,4 milliard d'euros, dont 1,2 milliard au titre des crédits de personnels.

Avant d'entrer dans le vif du sujet budgétaire, je voudrais d'abord m'arrêter sur l'intervention fiscale de l'Etat puisque trente dépenses fiscales sont rattachées à la mission en 2012. Je sais que mes prédécesseurs ont longtemps regretté ne pas disposer d'évaluations précises sur l'ensemble de ces niches.

Le contexte est désormais différent puisque le rapport Guillaume sur l'évaluation des dépenses fiscales a été rendu public le mois dernier. Hélas, le bilan n'est pas fameux ! Sur trente-deux niches étudiées en 2010, le Comité considère que dix-huit d'entre elles ne sont pas efficaces dans l'absolu ou pas suffisamment au regard de leur coût, pour un total de près de 9 milliards d'euros.

Les principaux reproches adressés à ces dispositifs dérogatoires sont les suivants :

- caractère anti-redistributif de la mesure ;

- redondance et mauvaise articulation avec d'autres dispositifs ;

- instrument fiscal inadapté au regard de l'objectif poursuivi.

A titre d'illustration, je liste, dans mon rapport écrit, une partie des dispositifs dont peuvent bénéficier les personnes invalides, soit une dépense sociale, une dépense budgétaire et, au moins, trois dépenses fiscales différentes, soit a minima cinq instruments !

Au fil des années, les dispositifs se sont empilés sans cohérence, ni réflexion d'ensemble. Les moyens et deniers publics sont mal organisés et par conséquent mal utilisés.

Alors, bien sûr, la solution de facilité serait de trancher d'un coup net, définitif, ce noeud gordien et de supprimer ainsi l'ensemble des niches jugées inefficaces.

Je ne crois pas à cette solution. Plus encore, je ne l'admettrais pas. Le droit fiscal est constitué d'un embrouillamini de dispositions hétéroclites qui supportent mal toute révolution en forme de « big-bang ». A cet égard, je rappellerai, pour mémoire, le triste précédent de la « suppression » de la taxe professionnelle...

Appliquée aux dépenses fiscales de solidarité, une telle méthode aurait des conséquences désastreuses avec des effets de bord non anticipés qui léseraient de nombreux foyers fragiles.

La méthode doit être plus chirurgicale. Je crois qu'il faut revoir, par catégorie de bénéficiaires, l'ensemble des dispositifs budgétaires, sociaux et fiscaux applicables et se fixer deux principes de réforme :

- assurer un montant de redistribution au moins équivalent à celui d'aujourd'hui ;

- et assurer une plus grande redistributivité des mécanismes fiscaux.

J'en viens maintenant aux considérations plus strictement budgétaires. Je l'ai dit, la mission rassemble plus de 12,75 milliards d'euros de crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 3,14 % par rapport à l'an passé. En réalité, cette augmentation résulte du très fort dynamisme de l'AAH, en hausse 6 %, et dissimule la baisse, parfois justifiée mais souvent inappropriée, des dotations des autres programmes.

Dans le temps qui m'est imparti, je me limiterai à quelques rapides observations.

En ce qui concerne le programme « Lutte contre la pauvreté : RSA et expérimentations sociales », l'analyse budgétaire est un peu ardue. En effet, il porte, à titre principal, la dotation d'équilibre du Fonds national des solidarités actives (FNSA) qui finance le « RSA activité », c'est-à-dire le complément de revenus versé aux « travailleurs pauvres ».

En conséquence, nous devons étudier en détail les recettes et les dépenses du Fonds pour savoir si la dotation d'équilibre apportée par l'Etat est correctement calibrée.

Or, par le passé, du fait d'une lente montée en charge du « RSA activité », le Fonds a accumulé les excédents de trésorerie, jusqu'à 1,3 milliard d'euros fin 2010 !

Pour 2012, la dotation du Fonds est fixée à 535 millions d'euros contre 700 millions en 2011. Néanmoins, sa trésorerie devrait toujours s'établir autour de 250 millions d'euros fin 2012.

Je n'ai donc pas d'inquiétude sur la dotation RSA. Je regrette simplement que l'Etat accumule les excédents sur le « RSA activité » pendant que les départements ont de plus en plus de mal à financer le « RSA socle ».

J'ajoute également que, les années passées, le Gouvernement a profité des excédents disponibles sur le FNSA pour financer, en fin d'année, la prime de Noël et cela, en dehors de toute autorisation parlementaire.

Je souhaite par conséquent que la prime de Noël soit inscrite de manière pérenne dans la loi de finances initiale, ce qui serait plus conforme aux règles budgétaires et qui, de surcroît, permettrait de lever l'hypocrisie selon laquelle la prime ne serait qu'un dispositif exceptionnel - alors même qu'elle a été renouvelée chaque année depuis 1998 !

En ce qui concerne, le programme « Actions en faveur des famille vulnérables », je constate tout d'abord une absence de dotation du Fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNPE), laissant les conseils généraux supporter une charge croissante en matière d'aide sociale à l'enfance.

Une fois de plus, le Gouvernement marque son refus d'appliquer les obligations issues de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. Combien de fois encore faudra-t-il qu'il soit condamné par les juridictions administratives pour qu'il assume enfin ses responsabilités ?

Par ailleurs, le programme porte, très majoritairement, des crédits destinés à financer la protection juridique des majeurs, à hauteur de plus de 216 millions d'euros. Nous aurons bientôt l'occasion d'étudier en détail ce chapitre lors de la présentation d'une enquête que notre commission a demandée à la Cour des comptes.

S'agissant du programme « Handicap et dépendance », les crédits de l'AAH représenteront, en 2012, la somme substantielle de 7,5 milliards d'euros. Et encore, je calcule qu'il devrait manquer au moins 200 millions d'euros à la fin de l'année.

Nous savons que la dépense d'AAH progresse de près de 8 % par an sous l'action d'un « effet-prix », la revalorisation du montant de l'AAH de 25 % sur cinq ans, et d'un « effet-volume », la hausse du nombre de bénéficiaires, qui est, en réalité, mal comprise.

Le Gouvernement nous annonce son intention de réaliser 100 millions d'euros d'économies sur cette prestation. J'en prends acte mais permettez-moi d'en douter !

Quant au programme « Égalité entre les hommes et les femmes », je voudrais distribuer un bon point malheureusement tout de suite balayé par un très mauvais point.

Je suis d'ailleurs un peu surpris que cette politique figure dans la mission « Solidarité ». La condition féminine, l'égalité entre les hommes et les femmes devrait relever d'un ministère dédié et ne peut se réduire à la simple notion de solidarité. Il me semble que nous avons besoin d'une politique plus vaste, plus ambitieuse.

Néanmoins, s'agissant du bon point, le Gouvernement nous offre une maquette budgétaire renouvelée, plus lisible, qui semble refléter une vision en matière d'égalité entre les hommes et les femmes.

Malheureusement, nous constatons dans le même temps une aggravation de la diminution des moyens de cette politique, ce que vient confirmer la baisse de 5 % des crédits. A vrai dire, je suis scandalisé que le Gouvernement ait choisi des économies de « bout de chandelle » sur ce programme et de surcroît par réduction des subventions aux associations. Ce sont les rouages indispensables pour la mise en oeuvre de la politique d'égalité sur le terrain !

Symboliquement, j'ai l'impression que le Gouvernement nous explique que, dans le projet de société français, les femmes n'ont plus leur place !

Enfin, en ce qui concerne le programme support « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », je me limiterai à une observation. Les crédits de personnel représentent 1,2 milliard d'euros, en baisse de près de 5 %.

Le Gouvernement nous vante le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui est effectivement mis en oeuvre. Mais, en l'espèce, la diminution des crédits s'explique surtout par le transfert de personnels vers d'autres missions du budget général et non par la maîtrise de la dépense.

En conclusion je constate que :

- l'Etat accumule des excédents sur le RSA pendant que les départements ont de plus en plus de mal à financer leurs dépenses sociales ;

- le Gouvernement refuse délibérément de doter le FNPE et, là encore, fait peser sur les départements une charge croissante en matière d'aide sociale à l'enfance ;

- la politique du handicap fait l'objet d'un effort - certes méritoire - de budgétisation par rapport aux années passées, mais nous savons déjà qu'il ne sera probablement pas suffisant ;

- en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, je viens de le dire, les choix d'économies sont dérisoires au regard du déficit public mais particulièrement brutaux pour les associations visées.

Pour l'ensemble de ces raisons, je ne peux pas adhérer au budget qui nous est proposé, qui reflète une politique prenant insuffisamment en compte nos concitoyens parmi les plus fragiles et les plus modestes.

Je vous propose par conséquent le rejet des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

L'article 61 rattaché, quant à lui, a pour objet de mettre à la charge du FNSA, et donc de l'Etat, l'intégralité des dépenses relatives au « RSA jeunes », pour l'année 2012, et de prolonger ainsi le dispositif dérogatoire appliqué depuis deux ans.

Il s'agit d'une disposition bienvenue qui évite la création d'une « usine à gaz » juridique et financière entre l'Etat et les départements pour des sommes très modestes. Je vous propose de l'adopter sans modification.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je souhaiterais revenir sur le RSA, car le rapporteur souligne que son financement est « paradoxal » : d'un coté, le « RSA activité » est surdoté alors que, de l'autre, le « RSA socle » constitue une charge de plus en plus importante pour les départements.

Par ailleurs, le rapporteur évoque également un sujet intéressant, celui de l'avenir de la prime pour l'emploi (PPE) et de son éventuel fusion avec le RSA. C'est une question que nous avons déjà soulevée. Je permets de citer le rapport écrit : « en 2008, le pas n'avait pas été franchi mais les travaux d'analyse complémentaires demandés par le Parlement ne lui ont jamais été remis ».

Dans le cadre global de la réforme de la fiscalité des personnes, on peut effectivement s'interroger sur la place de la PPE. Il aurait été intéressant de disposer de ce rapport.

M. Philippe Marini, président. - Madame la rapporteure générale, je m'associe à votre question et il serait utile que nous disposions d'éléments d'appréciation sur les arguments favorables et défavorables à une fusion du RSA, de la PPE et de l'allocation de solidarité spécifique (ASS). C'est un sujet qui mérite d'être élucidé et nous manquons de chiffres. Le rapporteur spécial peut contribuer à débroussailler ce sujet.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - Vous le savez, le département du Nord, que je représente, croule sous les demandes de RSA auxquelles le conseil général a du mal à faire face. Et voilà que je découvre que le « RSA activité » comprend plus de crédits que nécessaires. Je me suis bien sûr interrogé sur ce hiatus.

En tout état de cause, à compter de sa création, un minimum social nécessite toujours un temps de montée en charge qui ne peut être réduit à un ou deux ans. Plus spécifiquement sur le RSA, on peut identifier des problèmes de communication puisqu'il semblerait que des allocataires potentiels ne connaissent pas le dispositif. Les caisses d'allocations familiales (CAF) nous indiquent également qu'il ne faut pas sous-estimer un ressort psychologique. Parfois, certains refuseraient d'entrer dans le RSA estimant - et c'est tout à fait légitime et louable - pouvoir vivre dignement d'un salaire, d'un travail, d'un métier. On assiste donc à une forme d'autocensure. Enfin, nous constatons un manque criant de référents au titre de l'insertion. Nous savons que le RSA ne va pas de soi pour diverses raisons : problèmes de santé, illettrisme, etc. Plus de 20 % des bénéficiaires sont dans le dispositif RSA depuis plus de cinq ans. On doit s'interroger sur la nécessité d'augmenter le nombre de référents. Car, au-delà de l'aide financière, il faut des personnes pour accompagner ces publics parfois très éloignés de l'emploi et même, tout simplement, de la vie sociale. Le jeu combiné de ces critères nous conduit à la situation paradoxale de crédits sous-consommés au niveau national.

Concernant la PPE, le RSA est imputé sur la prime, c'est-à-dire que son montant est diminué des sommes versées au titre du RSA. En tout état de cause, ce sont bien deux dispositifs qui visent le même objet et le même public, d'où l'idée, somme toute logique, de les fusionner.

M. Philippe Marini, président. - Nous avions eu ce débat, à l'époque, avec Martin Hirsch. Les raisons pour lesquelles la PPE n'a pas été fusionnée avec le RSA ne m'ont jamais paru très convaincantes.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - C'est bien pour cela que nous avions demandé un rapport.

M. Albéric de Montgolfier. - Le rapporteur spécial souligne, à juste titre, la sur-budgétisation du « RSA activité ». Le constat n'est pas nouveau, je l'avais fait moi-même, l'année dernière, en tant que rapporteur spécial. Nous avions considéré que les chiffres étaient très exagérés et que la consommation serait moindre. Notre prévision s'est révélée exacte.

Vous indiquez également que l'Etat refuse de se soumettre à ses obligations légales en matière de dotation du FNPE alors qu'il y a eu des décisions de justice. Notre constat est partagé et nous étions sur la même ligne l'année dernière. En revanche, nous n'étions pas arrivés à la même conclusion. En effet, nous avions voté un amendement qui avait pris une partie des excédents du « RSA activité », à hauteur de 50 millions d'euros, pour les transférer vers le FNPE. Cette somme avait été réduite à 10 millions d'euros en CMP.

Comme l'année dernière, je crois que nous pouvons voter les crédits de la mission mais proposer des transferts entre ce que nous considérons comme excédentaire et les sous-budgétisations que nous avons identifiées.

Quant au transfert des crédits entre « RSA activité » et « RSA socle », ce n'est pas possible de procéder par amendement sur cette mission, mais je partage bien évidemment le constat qui a été dressé.

Mme Michèle André. - Je fais mienne la position de notre rapporteur spécial sur la question de la volonté et des outils pour traiter de la problématique de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Il n'y a plus de secrétariat d'Etat. Il n'y a guère plus de visibilité dans les régions et dans les départements : les déléguées régionales et les chargées de mission départementales de ce ministère sont aujourd'hui rattachées, respectivement, au secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) et aux directions départementales de la cohésion sociale. Or nous savons bien que ces directions « ramasse-tout » voient leur dotation budgétaire diminuer.

L'an dernier, nous avions réussi, en concertation avec les rapporteurs spéciaux et l'Assemblée nationale, à augmenter les crédits inscrits sur le programme « Egalité entre les hommes et les femmes », en particulier les subventions aux associations. Cette année, je constate que nous perdons à nouveau 5 % sur cette enveloppe. Les associations s'interrogent. Par exemple, des foyers d'accueil pour les femmes victimes de violence - dont je rappelle qu'il s'agissait d'une grande cause nationale en 2010 - voient leurs crédits diminuer, voire supprimés.

Je regrette ces choix tout à fait détestables et je pense qu'il faut montrer notre désaccord. Le groupe socialiste suivra donc la recommandation de notre rapporteur spécial et votera contre les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Je crois que, aujourd'hui, il n'y a pas de volonté de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Certains continuent de s'amuser en pensant qu'il s'agit d'un vieux combat. Or nous constatons, ici même, au Sénat, qu'il y a trois femmes de moins depuis le dernier renouvellement.

M. Philippe Marini, président. - Le renouvellement n'a pas que de bons cotés !

M. Claude Haut. - Le rapporteur spécial a-t-il une certitude sur le versement de la prime de Noël en 2011 ?

M. Philippe Marini, président. - Parmi les remarques du rapporteur spécial, il y en a une que je partage, parce que je l'ai formulée à de nombreuses reprises, c'est celle relative à la prime de Noël. Bien que régulière depuis 1998, elle est traitée, chaque année, comme si c'était un geste exceptionnel. Ce n'est évidemment pas satisfaisant sur le plan des bonnes méthodes budgétaires.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - Je n'ai pas de certitude mais il serait question - je parle bien au conditionnel - qu'elle soit versée cette année.

M. Dominique de Legge. - Mon interrogation porte sur l'AAH, pour laquelle notre rapporteur indique que l'effort de budgétisation ne sera peut-être pas suffisant. Est-il possible de faire la part, dans la progression de l'allocation, entre ce qui relèverait de la revalorisation de son montant et de ce qui relèverait de la hausse du nombre de bénéficiaires ?

Mme Marie-France Beaufils. - Je confirme que l'imputation du RSA sur la PPE conduit à des économies non négligeables sur le budget général avec pour conséquence de réduire le pouvoir d'achat des foyers qui en bénéficient. J'aurai l'occasion d'y revenir à l'occasion de la présentation de mon rapport sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Je constate également la difficulté à prendre en compte la situation critique des demandeurs d'emploi qui perçoivent le RSA. Sur le terrain, je vois bien l'insuffisance des professionnels qui permettraient d'aider ces personnes vers le retour à l'emploi. Nous avons besoin de plus d'accompagnement, qui devrait être fortement privilégié, alors qu'il manque de moyens.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - S'agissant de la proposition de M. de Montgolfier, nous pourrions tout à fait utiliser les excédents dégagés sur le « RSA activité » pour financer le FNPE. Mais ces excédents seront-ils suffisants pour combler les manques que nous avons identifiés sur l'AAH, sur l'égalité entre les hommes et les femmes, ou encore sur le « RSA socle » ? Non, bien évidemment. Voilà pourquoi, je préconise le rejet des crédits de la mission.

En ce qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes, je n'aborde pas ce sujet par esprit de polémique ou par démagogie - puisque le terme est à la mode - mais parce qu'il s'agit d'une vraie question. Quand les temps sont difficiles, on a tendance à en rabattre un peu sur ces politiques, en considérant qu'il s'agit d'un supplément d'âme dont on pourrait faire l'économie, pas tant d'un point de vue financier que politique. Ce n'est pas que l'affaire des associations, aussi volontaires, aussi engagées et déterminées soient-elles. Nous avons besoin d'axes structurants au plan national. Et on ne peut que déplorer l'absence d'un ministère dédié alors que l'on constate plutôt une phase de recul en ce moment tant au niveau professionnel qu'électoral, comme on vient de l'évoquer. Ce n'est pas parce que les temps sont durs qu'il faut abandonner cette politique.

Concernant l'AAH, on ne sait pas dans quelle proportion exacte imputer sa progression à tel facteur ou tel autre. Les précédents rapporteurs spéciaux et la Cour des comptes, chacun de leur coté, ont montré qu'elle résulte de causes diverses : la revalorisation de 25 % - qu'il faut saluer - la crise ou encore l'attribution de l'AAH à des personnes qui pourraient ou devraient relever du RSA.

M. Yvon Collin. - Je voudrais justement revenir sur l'harmonisation des pratiques des maisons départementales des personnes handicapées, dont vous redoutez un « nivellement par le bas » qui pourrait conduire à exclure des personnes du dispositif. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - En réalité, cette problématique recouvre ce que je disais à l'instant. Il peut exister des difficultés d'appréciation pour le handicap mental léger et on ne sait pas si certains bénéficiaires doivent plutôt bénéficier du RSA ou de l'AAH. C'est que l'on nomme parfois le « handicap social ». Concrètement, le décret devrait conduire à admettre moins de personnes dans le dispositif, mais nous jugerons sur pièces.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et l'adoption, sans modification, de l'article 61 du projet de loi de finances pour 2012.

Loi de finances pour 2012 - Mission Direction de l'action du Gouvernement et budget annexe Publications officielles et information administrative - Examen du rapport spécial

Puis la commission examine le rapport de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Cette année, les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » sont présentés avec ceux du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Les deux missions ont, en effet, en commun de traiter et de couvrir les dépenses de la politique de communication et d'information du Gouvernement.

S'il fallait caractériser la mission « Direction de l'action du gouvernement », je dirais que c'est une sorte de « couteau suisse » de l'action gouvernementale. Elle constitue un cadre budgétaire pour les différentes réformes en matière d'administration et de protection des droits. Elle vise notamment à mettre en oeuvre des procédures d'optimisation de la gestion des services du Premier ministre, des administrations déconcentrées et de neuf autorités administratives indépendantes.

Après de profondes évolutions ces quatre dernières années, la maquette de la mission semble s'être stabilisée au niveau des programmes puisqu'elle est composée de :

- la coordination du travail gouvernemental qui rassemble les crédits des fonctions stratégiques des services du Premier ministre ;

- la mutualisation des moyens des administrations déconcentrées qui met en oeuvre la réforme des administrations territoriales de l'Etat. Ce programme retrace les dépenses des moyens de fonctionnement courant des directions départementales interministérielles (DDI) ainsi que les charges immobilières de la plupart des services déconcentrés : les DDI, mais aussi les directions régionales, les préfectures et sous-préfectures, les SGAR, secrétaires généraux pour les affaires régionales... ;

- la protection des droits et liberté qui rassemble neuf AAI, ou devrais-je plutôt dire huit AAI, parmi lesquelles la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et une nouvelle autorité constitutionnelle indépendante, une ACI, le Défenseur des droits. Ce dernier est issu de la fusion à budget constant du Médiateur de la République, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) ainsi que du Défenseur des enfants.

L'architecture de la mission demeure toutefois particulièrement complexe car si l'on doit, par exemple, retracer les dépenses des SGAR, il faut interroger trois actions de trois programmes de deux missions, « Direction de l'action du Gouvernement » et « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

S'agissant des crédits, le total des dotations de la mission s'élève à 1,14 milliard d'euros en crédits de paiement en 2012, en progression de 2,84 % par rapport à 2011. Cette hausse masque cependant des évolutions contrastées, selon les entités.

Les crédits du programme de la coordination du travail gouvernemental, qui s'établissent à un peu moins de 600 millions d'euros, demeurent relativement stables, à l'exception de ceux du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Ses dotations, d'un montant de 237 millions d'euros, enregistrent une hausse de 8 % par rapport à 2011. Ils sont essentiellement dédiés au développement de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, dont la mission consiste notamment à lutter contre les cyber-attaques.

La hausse de 2 % de l'enveloppe du programme de mutualisation des moyens des administrations déconcentrées, qui est fixée à un peu moins de 450 millions d'euros en 2012, s'explique, quant à elle, par une augmentation des dotations de fonctionnement des DDI à hauteur de 14 %. Les besoins des directions départementales interministérielles ont été sous évalués en 2011. Les délais d'élaboration du programme dans le PLF de 2011 ont été trop courts.

Quant à la progression globale de 3 % des dotations des AAI, c'est, cette fois, au profit de la CNIL que le réajustement de crédits est effectué. Ces derniers augmentent de 9 % en 2012 afin de lui permettre de faire face à ses nouvelles attributions en matière de contrôle des dispositifs de vidéoprotection. La commission dispose donc en 2012 d'un peu plus de 17 millions d'euros.

Vous l'aurez compris, au-delà des chiffres, ce programme représente pour le Gouvernement une capacité stratégique pour agir dans certains domaines sensibles.

La volonté politique est cependant contrainte par la mise en oeuvre de la RGPP qui marque de son empreinte les trois programmes de la mission. Les services du Premier ministre voient leurs dépenses de fonctionnement réduites de 10 % sur la période 2011-2013. Le nombre de cabinets ministériels à la charge des services du Premier ministre est passé de six à deux en 2012, après le dernier remaniement ministériel. Les dépenses locatives des administrations déconcentrées du programme de mutualisation doivent également être réduites, comme celles des AAI du programme de protection des droits de la mission.

Sur ce point, la rénovation de locaux de 56 000 m², avenue de Ségur dans le septième arrondissement de Paris, prévus pour accueillir le centre du gouvernement en 2015, devrait permettre d'héberger 2 800 postes de travail, dont les effectifs des AAI qui le souhaitent comme la CNIL ou le Défenseur des droits.

Enfin, en matière de performance, celle-ci apparaît perfectible tant en matière de mesure que de résultats. Ainsi 68 % seulement des crédits du programme de coordination du travail gouvernemental font l'objet d'une évaluation. La performance du programme de mutualisation des moyens des administrations déconcentrées pourrait être complétée d'un indicateur mesurant l'efficience de la gestion du parc automobile. C'est l'un des points majeurs du programme, présenté par la circulaire du 2 juillet 2010, dite « Etat exemplaire », qui n'est toujours pas évalué.

Quant aux AAI, les indicateurs révèlent une marge de progression dans le domaine de la logistique que le Défenseur des droits devrait permettre de réaliser en partie.

Avant de vous présenter les crédits de la mission « Publications officielles et information administrative », je souhaiterais ajouter que le large spectre des missions des vingt-trois entités de travail gouvernemental m'amèneront à entreprendre, au cours du premier trimestre de l'année 2012, un cycle d'auditions de ces différents organismes afin d'évaluer la portée de leur action, l'adéquation de leurs besoins ainsi que l'articulation de leurs activités dans l'ensemble de la mission.

Les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative » que je vais vous présenter maintenant sont atypiques en ce sens qu'ils ne bénéficient d'aucune subvention du budget général, mais au contraire reversent un excédent chaque année à celui-ci.

Le budget annexe retrace les crédits de la direction de l'information légale et administrative, ou DILA, dont la stratégie demeure celle du service public de l'accès au droit et à l'information administrative, d'éditeur et d'imprimeur public de référence, s'appuyant sur les ressources des annonces légales, avec un rôle interministériel accru.

L'année 2012 sera la troisième année d'existence de la DILA, depuis la fusion des directions des Journaux officiels et de la Documentation française. La restructuration a porté essentiellement sur la mutualisation des instances support. Une seconde étape portera, à partir de 2012, sur l'amélioration de l'organisation des services. La fusion a déjà permis une baisse substantielle des coûts de fonctionnement de la direction, un excédent budgétaire de 49 millions d'euros a été dégagé en 2010 et un montant identique est attendu pour 2011.

Les crédits sont estimés à 181,1 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit - 1,7 %, et à 187,1 millions d'euros en crédits de paiement, soit -  6 %. Les dépenses d'investissement marquent une légère pause, la modernisation de l'imprimerie et la restructuration des locaux sont terminés, les crédits sont concentrés sur des projets informatiques et la poursuite du renouvellement de la plate-forme éditoriale.

Cette année encore, les dotations sont couvertes par les recettes de la DILA, qui sont attendues à hauteur de 200,3 millions d'euros, en légère baisse. Le solde positif est estimé à 13,2 millions d'euros.

Afin de maintenir le bon niveau des recettes d'annonces légales, qui constituent l'essentiel des ressources du budget annexe, la direction multiplie les démarches commerciales, sous forme de forfaits dégressifs et d'avantages en termes de gestion aux collectivités publiques et aux entreprises.

Un projet d'externalisation des activités de stockage et de distribution mobilise à ce jour les personnels. La DILA envisage d'externaliser ces activités pour plusieurs raisons : sur le plan matériel et après l'abandon du site d'Aubervilliers, les stocks de la Documentation française ont été déplacés dans les locaux des services du Premier ministre de l'avenue de Ségur, qui doivent être libérés en milieu d'année.

Par ailleurs, la DILA, qui a vocation à devenir un grand pôle public d'édition, de diffusion, d'impression et d'information administrative de l'Etat, doit pouvoir se recentrer sur ces actions. Confier les activités de distribution à une entreprise spécialisée apportera un meilleur service aux libraires ainsi qu'une visibilité accrue de ses productions éditoriales. La direction s'engage à ce que chacun des trente-cinq salariés se voie confier une nouvelle affectation sans perte de rémunération. Des négociations sont en cours avec les organisations syndicales représentatives des personnels.

Enfin, en matière de performance, l'attention est portée plus particulièrement sur les coûts. La DILA est l'opérateur des sites internet ministériels les plus consultés : « Légifrance » et « Service-public », et du service de renseignement téléphonique « Allo 39-39 ». Au-delà de la performance, la question qui se pose est comment offrir un service public d'accès au droit et à l'information administrative tout en assurant les ressources nécessaires à la création de ces offres.

Sous réserve de ces observations, je vous propose l'adoption sans modification des crédits de la mission « Direction du Gouvernement » ainsi que ceux de la mission constituée par le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

M. Philippe Marini, président. - Je constate qu'un grand nombre d'organismes relèvent de l'action 11 « stratégie et prospective » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », tels que le centre d'analyse stratégique, le conseil d'analyse économique, le conseil d'orientation des retraites, le conseil d'analyse de la société et le conseil d'orientation pour l'emploi. Avez-vous eu l'opportunité de vous interroger sur les fonctions de ces différents organismes et l'utilité éventuelle de les regrouper afin de rechercher les cohérences et surtout éviter toute redondance? J'observe que l'Institut français des relations internationales (IFRI), l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES), et l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) figurent dans l'enveloppe budgétaire de l'action 11. Pourquoi sont-ils cités alors que ces entités, selon moi, constituent des associations d'utilité publique et non des organismes publics classés sous la responsabilité du Premier ministre ? Je m'interroge également sur l'objet de la mission ETALAB, ainsi que sur le rattachement du secrétariat général de la mer aux services du Premier ministre alors que le lien avec le ministère de l'écologie m'apparaît être plus évident. Enfin l'académie du renseignement suscite ma curiosité.

Mme Marie-France Beaufils. - Pages 14 et 15 de votre note de présentation, vous mentionnez la création de la mission ETALAB, chargée de mettre en place un portail unique interministériel « data.gouv.fr », ainsi que celle de la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication de l'Etat (DISIC), à la même date. Je suis perplexe. On nous dit qu'il faut coordonner les actions des administrations de l'Etat. Je pensais qu'en ce domaine nous avions des structures existantes. Comment la diminution des effectifs de l'Etat a-t-elle pu conduire à la création de nouvelles structures en février 2011? En ce qui me concerne, je n'en vois ni la nécessité ni une plus grande efficacité sur le terrain.

M. Vincent Delahaye. - Tout d'abord, je suis surpris de ne pas retrouver au niveau de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » l'effort de rigueur exigé dans le cadre du budget général. Les dotations de la mission sont, en effet, en hausse. Mon second point porte sur les réserves ministérielles : relèvent-elles de la mission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Non, ce n'est pas le cas.

Mme Michèle André. - Je suis étonnée de lire dans votre rapport qu' « un réajustement des crédits du Défenseur pourrait s'avérer, néanmoins, nécessaire en 2013 afin de prendre en compte tant les synergies qui seront réalisées que les dépenses supplémentaires liées à la fusion des autorités ». On nous avait expliqué, en effet, que la mise en place du Défenseur des droits permettrait de réaliser des économies. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il faudrait anticiper pour l'année prochaine un réajustement de ses crédits ?

M. Jean Germain. - M. le Président, pour revenir sur votre question financière et institutionnelle relative à l'académie du renseignement, je voudrais vous dire que celle-ci a été créée en 2010 et rattachée aux services du Premier ministre. La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) appartient à l'organigramme du ministère de l'intérieur alors que le conseil national du renseignement relève, quant à lui, de la Présidence de la République. La question a pris plus de poids depuis quelques temps.

M. Yvon Collin. - Concernant le Défenseur des droits, est-il certain qu'il rejoindra le nouveau Centre du Gouvernement ?

M. Francis Delattre. - M. le rapporteur spécial vous constatez que les crédits de la CNIL sont en hausse de 9 % en 2012, en raison de ses nouvelles compétences dans le domaine du contrôle des dispositifs de vidéoprotection. Cela me paraît peu adapté. Ce sont les comités d'éthique et les associations qui réalisent un véritable travail de surveillance en ce domaine. En revanche, la commission a certainement besoin de moyens compte tenu des nouveaux défis technologiques auxquels elle fait face. Je ne pense pas que le contrôle de la vidéosurveillance justifie de tels moyens supplémentaires. 

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Je n'ai pas pu, depuis ma prise de fonctions, contacter l'ensemble des organismes que vous mentionnez. C'est pourquoi, à titre liminaire, je vous ai informés de mon intention de procéder à un cycle d'auditions, au premier trimestre 2012, afin d'évaluer la portée de l'ensemble des organismes relevant des services du Premier ministre, ainsi que leur cohérence afin d'écarter toute redondance. Vous émettez les mêmes interrogations que j'ai pu formuler lors de mon analyse des crédits de cette mission. Mon premier réflexe face au grand nombre d'organismes concernés a été de tenter de savoir s'il pouvait y avoir une plus grande harmonisation dans la recherche d'une certaine efficacité. Les services du Premier ministre nous expliqueront l'articulation des missions des différents organismes en matière économique et stratégique. Nous verrons s'il est possible d'affiner la démarche de rationalisation.

Monsieur le Président, je vous confirme que l'IFRI est bien une association qui reçoit une subvention du programme « Coordination du travail gouvernemental ». A ce titre, elle figure dans l'enveloppe budgétaire de la mission.

Madame Beaufils, en ce qui concerne la mission ETALAB, en charge de la réalisation d'un portail unique, elle sera mise en oeuvre par la Direction de l'information légale et administrative (DILA). Elle fait suite aux succès d'autres portails tels que « légifrance » et « service public ».

Le secrétariat général de la mer constitue effectivement une interrogation de votre rapporteur lorsque j'ai pris connaissance des entités couvertes par la mission. Je n'ai pas de précisions quant aux raisons de ce rattachement mais j'en aurai pour la séance plénière.

En ce qui concerne le grand projet de centre du Gouvernement qui consiste à rénover des locaux dans le septième arrondissement, avenue de Ségur, les travaux seront achevés en 2015. Ce centre accueillera des organismes notamment rattachés auprès des services du Premier ministre. Il appartiendra aux autorités administratives indépendantes d'indiquer leur intention de rejoindre ou non le centre. Certaines d'entre elles l'ont déjà proposé.

S'agissant de l'académie du renseignement, il semblerait qu'il existe un éclatement de la prise en charge de certains personnels. Mes travaux me conduiront à évaluer la portée de l'action de l'académie.

Madame Marie-France Beaufils, je vous ai répondu sur la mission ETALAB, j'obtiendrai des informations complémentaires sur la DISIC.

En réponse à Francis Delattre, je souhaiterais rappeler l'objectif de baisse de 10 % des moyens de fonctionnement de la mission sur la période de 2011 à 2013. Les hausses constatées répondent à des besoins très particuliers. Il s'agit notamment de la sécurité et de la lutte contre les attaques informatiques. La CNIL enregistre un surcoût de fonctionnement en raison de ses attributions de contrôle de 570 000 dispositifs de vidéoprotection.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

- Présidence de M. Jean-Claude Frécon, vice-président -

Loi de finances pour 2012 - Mission Culture - Examen du rapport spécial

La commission examine ensuite le rapport de MM. Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Culture ».

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Mes chers collègues, 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,7 milliards d'euros en crédits de paiement sont demandés, en 2012, au titre de la mission « Culture ». Les crédits progressent de 1,4 % en volume et dépassent de 60 millions d'euros le plafond du budget triennal, ce qui témoigne de la relative « faveur » dont bénéficie la mission au regard des normes appliquées aux dépenses de l'Etat.

Avant d'en venir au détail des crédits, je crois important de rappeler que la mission « Culture » ne retrace qu'un cinquième de l'effort financier total de l'Etat en matière de culture et de communication. Cet effort avoisine 13,5 milliards d'euros en 2012, à raison de 11,3 milliards d'euros de crédits budgétaires, de 879 millions d'euros de taxes affectées et de 1,3 milliard d'euros de dépenses fiscales.

Un effort de rationalisation des taxes affectées aux opérateurs culturels est aujourd'hui entrepris par le Gouvernement, notamment pour contenir le dynamisme de ces taxes. Cette rationalisation concerne plusieurs opérateurs culturels que sont le Centre des monuments nationaux, le Centre national du cinéma, le Centre national du livre et le Centre national de la variété, de la chanson et du jazz. Nous devrons être attentifs à ce qu'elle s'opère sans compromettre l'accomplissement des missions confiées aux opérateurs concernés. Sur ce sujet, je vous renvoie aux travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, qui a consacré un excellent rapport à la fiscalité culturelle affectée.

Enfin, 19 dépenses fiscales rattachées à la mission « Culture » et représentant des enjeux financiers cumulés de 251 millions d'euros ont été évaluées par le « Rapport Guillaume ». Une seule est jugée pleinement efficiente. Il s'agit de la réduction d'impôt SOFICA, en faveur du cinéma.

J'en viens aux crédits des différents programmes. Ceux du patrimoine monumental sont stabilisés à 380,7 millions d'euros. Les grands projets absorbent 33 millions d'euros, dont 18,8 millions d'euros d'AE et 3,8 millions d'euros de CP pour la Maison de l'histoire de France, principale innovation de la budgétisation 2012.

15,5 millions d'euros vont au Centre des monuments nationaux, auxquels s'ajoutent 8 millions d'euros de taxe sur les paris en ligne. J'ai fait le point, avec Mme Lemesle, sa présidente, sur la mise en oeuvre des onze recommandations que notre commission avait formulées en 2010, à la suite des travaux de la Cour des comptes. Les résultats sont contrastés, sans que cela soit toujours imputable au CMN lui-même. Le contrat de performances de l'établissement devrait enfin être signé à la fin du mois de novembre, et formalisera un certain nombre d'objectifs que nous avions nous-mêmes assignés à l'opérateur, en matière de ressources propres ou de programmation des investissements.

S'agissant de l'archéologie, la recapitalisation de l'INRAP et la réforme de la redevance d'archéologie préventive devraient enfin intervenir en collectif budgétaire, permettant de sortir cet opérateur des difficultés financières chroniques qu'il connaît depuis plusieurs années. Je n'insiste pas sur cette question que nous connaissons tous bien, et sur le sort de l'INRAP, qui est un des opérateurs culturels les plus décriés parmi les collectivités territoriales ! Je me réjouis de ces avancées, et en particulier de l'adossement de la RAP à la taxe d'aménagement, qui devrait porter son produit global à 120 millions d'euros par an, au lieu de 80 millions d'euros actuellement.

Notre politique muséale bénéficie de 15,5 millions d'euros supplémentaires, principalement en faveur de la rénovation du Musée Picasso, qui est dans un état épouvantable, de la Maison de l'histoire de France, dont je me demande encore ce qu'elle sera exactement...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Vous n'êtes pas le seul !

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - ... et du Musée des civilisations d'Europe et de la Méditerranée de Marseille (MuCEM). Si l'on y ajoute le Quai Branly, le Louvre-Lens ou encore le Centre-Pompidou Metz, il semble que les musées poussent en France comme les champignons sous la pluie. Cette politique de développement a pourtant été sévèrement jugée par la Cour des comptes en 2011. Selon la rue Cambon, en dix ans, le pilotage national de cette politique s'est affaibli, les moyens qui y ont été consacrés ont sensiblement augmenté sans que les musées développent significativement leurs ressources propres, et les objectifs de démocratisation de l'accès aux collections ont été très imparfaitement remplis. Les mesures de gratuité dans les musées pour les enseignants et les jeunes sont un exemple d'initiative coûteuse et dont l'efficacité reste à démontrer. Les pertes de recettes enregistrées par les musées ont, au demeurant, été largement surcompensées par l'Etat (19,5 millions d'euros). Le monde muséal est peuplé de personnalités dont certaines sont tout à fait prestigieuses, au point que je me demande si elles n'échappent pas quelque peu à l'autorité du ministre.

Qu'en est-il des crédits de la création ? 45 millions d'euros de crédits sont ouverts pour la poursuite du chantier de la Philharmonie de Paris. Il est vrai qu'en matière de grands équipements symphoniques, Paris semble en retard par rapport à d'autres capitales. Néanmoins, l'augmentation substantielle du coût prévisionnel de cet équipement, de même que sa budgétisation « chaotique », nous conduiront vraisemblablement à y consacrer un contrôle sur pièces et sur place en 2012.

5,5 millions d'euros sont dévolus à la rénovation du Palais de Tokyo, censé accueillir des créateurs confirmés vivant, enseignant ou travaillant en France. J'ai visité ce palais, qui ne s'est jamais remis du déménagement du musée d'art moderne au Centre Pompidou et a connu des affectations multiples et éphémères. Le contraste est infiniment triste, entre le néant du Palais de Tokyo et la vitalité de son voisin, le Musée d'art moderne de la ville de Paris ! Il faut souhaiter que la nouvelle affectation du palais sera pérenne et rencontrera le succès escompté.

J'ai d'ailleurs consacré, au premier semestre, une série d'auditions à la politique de soutien à la création contemporaine via la commande publique, les acquisitions ou les aides aux artistes et aux structures. J'avais envisagé de consacrer un rapport à l'Etat « mécène », mais il est difficile de tirer un constat objectif des appréciations que portent les uns et les autres sur cette politique. Il semble que le marché de l'art français « décroche » au niveau mondial et, dans ces conditions, je crois nécessaire de procéder à une évaluation approfondie qui dépasse les jugements subjectifs ou de goût.

J'en termine en vous indiquant que la diminution des effectifs imputés sur la mission se poursuit et se traduit par une légère diminution de la masse salariale. Néanmoins, le ministère ayant fait mieux que le « un sur deux » en 2008, il bénéficie d'un assouplissement de la règle en fin de législature, ce qui lui permet d'y soustraire les emplois d'enseignants des écoles d'architecture, d'art et des conservatoires. La Cour des comptes avait soupçonné la rue de Valois de contourner astucieusement la règle de non-remplacement en sous-évaluant systématiquement les départs en retraite. J'ai interrogé le ministère, qui est un modèle de discipline et a nié avoir opéré un tel contournement, qui aurait obéré le financement de nouvelles mesures statutaires et indemnitaires en faveur des agents. Nous pouvons lui donner acte de ces explications.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. - Comme l'a indiqué notre collègue Yann Gaillard, les crédits du patrimoine monumental sont stabilisés. Je souhaite apporter un complément à son intervention concernant la préservation du patrimoine des collectivités territoriales, et notamment du patrimoine rural. En 2012, le ministère consacrera 21,7 millions d'euros de subventions de fonctionnement aux collectivités et aux particuliers pour les travaux d'entretien des monuments, ainsi qu'aux associations qui organisent des chantiers bénévoles de restauration. S'y ajouteront 145,8 millions d'euros de subventions d'investissement pour les opérations de restauration engagées sous maîtrise d'ouvrage des collectivités locales ou des propriétaires privés. Ces montants sont stables par rapport à 2011, ce qui confirme que l'effort de l'Etat en la matière ne se dément pas.

Je m'interroge néanmoins sur le contexte et les modalités de mise en oeuvre de ces soutiens. Aux côtés de l'Etat, qui concentre son action sur le patrimoine inscrit ou classé, les collectivités territoriales mais aussi la Fondation du patrimoine et diverses associations interviennent pour préserver le patrimoine rural. Je rappelle que la Fondation du patrimoine aura consacré, en 2010, 23 millions d'euros aux projets de restauration du « petit » patrimoine, que Maeterlinck surnommait le « trésor des humbles ». Il serait intéressant de disposer d'un chiffrage de l'effort global consenti par les collectivités publiques, les associations et les fondations dans ce domaine.

S'agissant de l'échelon pertinent d'intervention, je rappelle que nous avions voté, dans la loi de décentralisation de 2004, des dispositions permettant aux régions ou aux départements de gérer, à titre expérimental, les crédits budgétaires affectés à l'entretien et à la restauration du patrimoine classé ou inscrit n'appartenant pas à l'Etat. Je serais curieux de savoir quelles conclusions ont été tirées de cette expérimentation.

Enfin, les crédits budgétaires sont complétés par un certain nombre de dépenses fiscales, dont l'ancien dispositif « Malraux » et l'imputation des déficits fonciers supportés par les propriétaires de monuments historiques. Le premier n'a pas été évalué par le « Rapport Guillaume » et le second n'a été gratifié que d'un score de 1, ce qui témoigne d'une efficience assez faible et mérite que l'on s'y attarde. Sur l'ensemble de ces points, les documents budgétaires demeurent muets. Je crois donc qu'il serait utile d'interroger le Gouvernement lors de l'examen en séance des crédits de la mission.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Sous le bénéfice de ces observations, nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Culture ».

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - J'ai été intéressée par les analyses du rapporteur spécial sur le marché de l'art et sur le déclin de la place de Paris. Faut-il en conclure que l'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune en faveur des oeuvres d'art ne fonctionne pas ? Mon avis est que Paris a perdu du terrain dans les années soixante, lorsqu'elle a laissé les grands artistes contemporains partir pour New-York !

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Je suis en total désaccord avec l'analyse que vous faites du régime des oeuvres d'art dans le cadre de l'ISF !

M. Francis Delattre. - S'agissant de l'accès à la culture, le Val d'Oise a entrepris des démarches pour faire en sorte que des oeuvres qui sont stockées par les musées parisiens - et menacées par des crues de la Seine ! - soient exposées. Un projet ambitieux concernait la ville de Cergy et un accord avait été trouvé avec le ministère pour créer un lieu d'exposition de ces oeuvres. Ce projet, porté par la ville et par la région, fait-il l'objet d'ouvertures de crédits ?

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Les documents budgétaires n'en disent rien, à ma connaissance.

M. Roger Karoutchi. - Sur le marché de l'art, le débat ne porte pas sur l'ISF mais sur l'absence d'actions et de priorités, comparativement à des villes comme Barcelone, New-York ou Berlin qui nous ont distancés ! Paris était la capitale de l'art et de la culture, elle a été rattrapée et elle est maintenant dépassée. Nous avons le Centre Pompidou, le Grand Palais et quelques structures importantes, mais nous manquons de grandes manifestations internationales. Ce n'est pas une question de fiscalité et de moyens, c'est une question de conception, de méthode. Nous sommes assez médiocres lorsqu'il s'agit d'organiser de grands rendez-vous, de grandes rétrospectives. New-York organise des rétrospectives tous les trois mois avec des oeuvres de la terre entière !

Faut-il décentraliser les musées ? Il y a des réussites exemplaires mais la décentralisation ne doit pas se faire au préjudice de la qualité des expositions. Le véritable défi est aujourd'hui, pour Paris, de redevenir une grande métropole culturelle.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Lorsque l'on discute avec les spécialistes, les positions sur ce sujet sont très tranchées. Certains affirment par exemple que le décrochage français résulte du caractère sur-administré de la création ! L'Etat s'occupe-t-il trop de l'art et décourage-t-il l'initiative privée ? Peut-être faut-il que l'art apprenne à exister par lui-même !

M. Philippe Dominati. - Exactement ! Le problème est peut-être que nous avons un ministère de la culture...

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Au demeurant, tous les pays ne peuvent pas briller à toutes les époques !

M. Vincent Delahaye. - Ne soyons pas trop sévères : certains restent moins biens lotis que nous et l'excellence a un prix et un coût ! Je suis toujours à la recherche d'économies et je me pose des questions sur les investissements que nous faisons. La Philharmonie de Paris mérite effectivement qu'on s'y intéresse de près. Est-ce bien le moment de mettre en oeuvre le projet de Maison de l'histoire de France ? Est-ce vraiment une priorité à l'heure où l'on demande des efforts à tous ? Cela nous engagera-t-il, à l'avenir, à financer le fonctionnement de ces structures ? Combien cela coûtera-t-il ? Je pose ces questions car, dans les collectivités, nous sommes attentifs à ne pas multiplier les investissements qui génèreraient trop de coûts de fonctionnement par la suite.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Nous en sommes au stade de la construction, mais on imagine mal que le fonctionnement ne fasse pas l'objet d'un soutien public à l'avenir !

M. Jean-Claude Frécon, président. - Et sur la construction de la Philarmonie, nous en sommes déjà à 66 % de plus qu'initialement annoncé !

Mme Marie-France Beaufils. - Les moyens du livre et de la lecture baissent, et sur le terrain, nous sommes souvent interrogés à ce sujet. De même, la mission « Enseignement scolaire » consacrerait 2,2 milliards d'euros à l'enseignement des disciplines artistiques et au soutien aux activités artistiques et de sensibilisation culturelle. J'ignore si l'effort est à la hausse ou à la baisse, mais là encore, le chiffre m'étonne car les personnels qui se consacraient à ces activités ont disparu ou ce sont les collectivités qui ont été sollicitées pour y pourvoir au lieu et place de l'Education nationale. Enfin, s'agissant du spectacle vivant, les crédits progressent mais cette progression se ressent peu au niveau local et les compagnies nous sollicitent toujours davantage !

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Je prends acte de ces observations. S'agissant du livre, auquel j'ai consacré un rapport d'information, je vous indique que cette politique relève désormais de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Mme Michèle André. - Les débats que nous avons eus démontrent que ce budget manque d'espace pour la créativité. Nous constatons, en région, que les directions régionales des affaires culturelles ont quasiment disparu du paysage ! Lorsque l'on lance un schéma départemental de la musique ambitieux et que l'on cherche des partenaires, l'Etat ne prend plus sa part. Les collectivités font face, mais elles font moins faute de ressources. Dans ces conditions, nous ne pourrons voter ces crédits.

M. Jean Germain. - L'aide de l'Etat se concentre sur les projets parisiens ! La Cour des comptes l'a d'ailleurs noté sur les musées. Sur le marché de l'art, nous sommes devenus conformistes et conservateurs, voire moralisateurs. L'art contemporain est plus libre, plus provocant et plus vivant à l'étranger. Buren fait des expositions à l'étranger, alors qu'en France, certains se demandent encore si c'est de l'art. L'art est peut-être trop administré et, bien que nous n'en soyons pas à l'époque du « réalisme socialiste », nous n'en sommes pas très loin de la part de certains conservateurs.

M. Roger Karoutchi. - Pourquoi les conservateurs ?

M. Jean Germain. - Je parlais des conservateurs de musée, cher collègue !

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Je suis ébahi par la richesse des interventions et je n'ose plus rien dire !

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Culture ».

Loi de finances pour 2012 - Mission Sécurité - Examen du rapport spécial

La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial, sur la mission « Sécurité ».

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. - La sécurité est, selon moi, un sujet de société primordial. C'est non seulement une mission régalienne de l'Etat, mais avant tout une nécessité pour la garantie les libertés publiques de nos concitoyens et concitoyennes.

Je suis très heureux d'avoir été nommé rapporteur spécial de cette mission, même si certains pourront être surpris qu'un écologiste s'intéresse à la sécurité ! Pas encore assez entendue, ma formation politique apporte pourtant de vraies réponses à la fois novatrices et pertinentes en la matière.

Attaché aux valeurs républicaines, j'ai donc naturellement souhaité m'investir sur cette thématique.

Il y a sur ce sujet une véritable attente de la part des Français et des Françaises.

Nous voulons, bien sûr, tous nous sentir en sécurité dans notre pays, dans notre foyer, dans la rue ou lorsque l'on prend le train, par exemple. Il est essentiel de faire respecter les règles du jeu de la vie en collectivité pour que chacun puisse s'épanouir.

Nous sommes d'accord là-dessus, mais les propositions de la Gauche (et des écologistes) pour les mettre en oeuvre sont bien différentes. Les choix de politique publique du Gouvernement en matière de sécurité ne m'apparaissent pas adaptés : la répression ne peut pas être l'unique réponse.

Inutile de vous rappeler l'attachement des écologistes pour la prévention, la réparation et le respect absolu des libertés individuelles. Je pense qu'une autre conception de la sécurité et une autre organisation des forces dans notre pays est possible et, je dirais même, souhaitable.

Mais pour revenir au sujet qui nous réunit aujourd'hui, je vous propose de nous concentrer sur l'analyse du projet annuel de performance que nous présente le Gouvernement pour la mission « Sécurité ».

En tant que rapporteur, j'ai d'ailleurs eu l'occasion de rencontrer des personnes très intéressantes avec qui j'ai pu avoir des échanges enrichissants. A cet égard, j'ai notamment eu le plaisir d'auditionner le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Jacques Mignaux, et je m'entretiendrai très prochainement avec Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale.

Le rapport qui vous est présenté, vous l'aurez compris, est assez critique envers la politique menée par le Gouvernement pour cette année budgétaire.

Je dois dire que je suis particulièrement inquiet quant aux conséquences de la RGPP. J'ai notamment été très attentif :

- aux pertes d'emplois, qui ne permettent plus d'assurer la sécurité de façon satisfaisante ;

- au bilan de la lutte contre la délinquance qui me paraît décevant ;

- aux dépenses, qui ne se justifient pas toujours, comme pour la vidéosurveillance ;

- mais également à la performance, jugeant que de nombreux indicateurs sont biaisés. Je vous en propose d'ailleurs un certain nombre pour l'avenir dans mon analyse.

De manière plus précise, permettez-moi de vous faire une rapide présentation du rapport.

La mission « Sécurité » est dotée de 17,168 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 17,063 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours).

Sa trajectoire budgétaire est dictée par deux textes fondamentaux :

- la loi de programmation budgétaire sur la période 2011-2014 ;

- et la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (la LOPPSI 2).

Concernant la programmation budgétaire triennale, la mission « Sécurité » présente un dépassement des plafonds initialement fixés. A périmètre constant, cet écart se traduit par une augmentation de 2,1 % en autorisations d'engagement et 0,4 % en crédits de paiement. Ces dépassements résultent de deux phénomènes :

- d'une part, des moyens supplémentaires de fonctionnement et d'investissement sont accordés par rapport à la programmation initiale ;

- et, d'autre part, une nouvelle minoration de 40 millions d'euros est réalisée en matière de dépenses de personnel.

Dans ce cadre d'ensemble, les crédits programmés par la LOPPSI 2 se montent, en crédits de paiement, à 101,7 millions d'euros pour la police, et à 99,6 millions d'euros pour la gendarmerie.

Le programme « Police nationale » comporte :

- 9,276 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 1,5 % par rapport à 2011 ;

- et 9,21 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 1,4 %.

Les dépenses de fonctionnement enregistrent une baisse de 2,3 % et se montent à 743,7 millions d'euros en crédits de paiement. Etant donnée la tendance à la baisse continue de ces crédits, un seuil a été atteint concernant les moyens de fonctionnement de la police. Aller au-delà ferait peser un risque sur le potentiel opérationnel de cette force.

En 2012, les dépenses d'investissement enregistrent un redémarrage à la hausse. Alors que les crédits de paiement augmentent de 9,1 % (174,5 millions d'euros), les autorisations d'engagement bondissent de 207,9 % (279,9 millions d'euros). Cette évolution des autorisations d'engagement s'explique par la nécessité de couvrir plusieurs projets immobiliers, dont le relogement de la direction régionale de la police judiciaire de la préfecture de police (DRPJ) sur le site de la zone d'aménagement concertée (ZAC) des Batignolles à Paris, pour une enveloppe de 131 millions d'euros.

Le programme « Gendarmerie nationale » comporte :

- 7,914 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 2,9 % ;

- et 7,875 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 1,7 %.

Les dépenses de fonctionnement (égal à 1,062 milliard d'euros) enregistrent une très légère hausse de 0,6 %. Le choix a été fait de « sanctuariser » les dépenses de fonctionnement courant au détriment des investissements.

La dotation en crédits de paiement consacrée à l'ensemble de l'effort d'investissement s'élève ainsi à 249,2 millions d'euros et se situe donc en retrait de celle prévue pour 2011 (- 4,9 %).

L'opération en Afghanistan explique, pour une très large part, les surcoûts prévisionnels des OPEX pour la gendarmerie nationale en 2011. Alors que l'autorisation initiale de dépense était fixée à 15 millions d'euros, un surcoût de 15,4 millions d'euros est à déplorer. A elle seule, l'OPEX en Afghanistan représente un budget total de 17,4 millions d'euros.

La baisse de la délinquance, sous toutes ses formes, est le premier objectif de la mission. Or, si la délinquance constatée en matière d'atteintes aux biens a reculé de 43 189 faits entre 2009 et 2010, celle concernant les atteintes à l'intégrité physique des personnes a en revanche augmenté de 11 437 faits.

L'évolution du nombre de crimes et délits en matière d'escroqueries et d'infractions économiques et financières n'est pas non plus satisfaisante : la prévision actualisée pour 2011 (- 1,5 %) est bien inférieure à la prévision initiale (- 2,5 %). Le Gouvernement n'a donc pas atteint ses propres objectifs.

S'agissant de ces résultats et de la mesure de la performance de nos forces de sécurité, je veux ici souligner que la « Sécurité » ne peut se résumer à une « politique du chiffre », essentiellement orientée vers la sanction et la répression. La prévention représente l'autre pilier indispensable de la mission, et cette dimension devra, à l'avenir, être mieux prise en compte dans l'évaluation de la police et de la gendarmerie.

Comme je vous le disais, je m'inquiète des dégâts de la politique menée depuis plusieurs années sous l'empire de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Celle-ci s'est en effet traduite, depuis 2009, par une réduction massive des emplois au sein de la police et de la gendarmerie. Dans la police, 3 594 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) ont été supprimés entre 2009 et 2011.

Pour 2012, la « RGPP 2 » débouchera encore sur 1 682 ETPT supprimés au sein de la police et 1 466 ETPT en gendarmerie.

Il y a lieu de s'inquiéter de ces suppressions d'effectifs, car elles mettent en péril le niveau de sécurité dû à nos concitoyens et elles sont préjudiciables à la présence des forces de sécurité sur le terrain. Mon échange avec le Général Mignaux a ainsi fait ressortir qu'en zone gendarmerie un seuil a été atteint. Or, cette zone couvre 95 % du territoire...

Par ailleurs, ces suppressions de postes se sont doublées d'une « dégradation qualitative » des emplois, induite par la logique de recrutement d'adjoints de sécurité (ADS) en nombre. Une substitution de fait a eu lieu entre des « policiers-fonctionnaires », relevant du statut stable de la fonction publique, et des agents contractuels, au statut beaucoup plus précaire. Cette tendance s'est accompagnée d'un surcroît de tensions professionnelles pesant sur les agents et d'un recours aux heures supplémentaires pour compenser les manques.

Dans ce paysage d'ensemble dessiné par la RGPP, plusieurs points noirs doivent être tout spécialement relevés.

Le premier concerne la police de proximité. Les mutations successives, au cours des dernières années, des dispositifs visant à assurer cette police traduisent en réalité le malaise du Gouvernement sur cette question et son incapacité à l'appréhender correctement. Il est désormais temps de réinventer cette police en l'axant sur le lien de confiance à nouer réellement avec la population, l'action de prévention et l'ancrage dans le temps ;

Par ailleurs, il faudra suivre avec attention, en 2012, la poursuite de la mise en oeuvre de la réforme des transfèrements engagée en 2011. Plusieurs facteurs conditionnent la réussite de cette réforme : le transfert effectif des emplois de la police et de la gendarmerie vers l'administration pénitentiaire, le maintien du niveau de sécurisation des transfèrements et la formation des personnels pénitentiaires affectés à cette nouvelle tâche.

Enfin, je déplore vivement les investissements coûteux réalisés dans les systèmes de vidéo surveillance attentatoires aux libertés publiques et dont aucune étude sérieuse n'a prouvé l'efficacité en termes de sécurité publique. C'est plus de 251,9 millions d'euros investis à Paris uniquement, sur quinze ans !

Je demande donc un moratoire sur ce type d'investissement dans l'attente d'une étude scientifique indépendante sur les apports véritables de la vidéosurveillance en termes de sécurité - plus précisément, en termes de taux d'élucidation, de lutte contre la délinquance, de prévention, de sentiment de sécurité, d'aspects psycho-sociaux, de suppression de la présence humaine, de garantie des libertés publiques.

Au total, la RGPP a atteint ses limites. Elle mène à une « privatisation rampante » de la sécurité dans notre pays, faute de moyens humains suffisants, à une précarisation des agents et à un désengagement de l'Etat faisant peser une charge supplémentaire sur les collectivités territoriales.

En conclusion, au vu de ces motifs de profonde inquiétude, je vous propose de rejeter les crédits proposés pour la mission « Sécurité » et pour chacun de ses programmes.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Vous avez évoqué l'évaluation des radars pédagogiques et je crois, en effet, qu'il s'agira là d'un travail très utile.

M. Roger Karoutchi. - Je suis admiratif devant la sérénité et la force de conviction de Jean-Vincent Placé, mais ces qualités ne font pas une vérité. Faut-il donc arrêter la RGPP dans la police et la gendarmerie ? Vous vous inquiétez des suppressions d'emplois, mais alors vos amis politiques auraient pu voter les deux LOPSI qui augmentaient les effectifs ! Où est la cohérence ? Entre 2002 et aujourd'hui, la délinquance a baissé, même si elle a évolué en devenant plus jeune, plus violente, mieux organisée et même militarisée.

Dans les grandes villes, la vidéoprotection a été mise en place et elle a vocation à avoir un effet de dissuasion dans les endroits fermés, sans parler de l'aide qu'elle peut apporter dans le domaine de l'élucidation des affaires. Vous dites qu'elle est attentatoire aux libertés publiques, mais ce n'est pas le sentiment de nos concitoyens.

Sur ces sujets, il ne faut pas être idéologue, mais pragmatique. Je voterai donc en faveur des crédits de la mission.

A propos du prétendu désengagement de l'Etat et de ce que vous appelez la privatisation de la sécurité, je veux rappeler que le rapport entre les personnels des sociétés privées de sécurité et les agents des forces de police et de gendarmerie s'établit à un pour cent. On ne peut pas non plus parler de transferts financiers lourds à la charge des collectivités territoriales. Ainsi, en Ile-de-France, la dépense pesant sur la région est dérisoire par rapport aux montants engagés par l'Etat.

M. Francis Delattre. - Je partage certaines des observations précédentes. La mise en oeuvre de la RGPP, dans le domaine de la sécurité publique, est un peu provocatrice pour les communes et les départements. En Ile-de-France par exemple, les effectifs de la préfecture de police de Paris sont le double de ceux que l'on observe en grande couronne. On a créé des polices municipales qui correspondent à la vraie police de proximité. Ces polices ont des véhicules, mais elles souffrent d'une absence de moyens de surveillance. Il y a bien eu des transferts de charge et les collectivités territoriales n'ont eu d'autre choix que de les assumer. Il en va de même dans le domaine de la vidéosurveillance, puisque la délinquance a tendance à se déplacer vers les zones qui n'en sont pas dotées. On nous explique que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) va surveiller ces systèmes vidéo, mais c'est une erreur. C'est le procureur de la République, avec le cas échéant un comité d'éthique, qui devrait assumer cette responsabilité de contrôle.

S'agissant des effectifs mal répartis sur le territoire, les groupements d'interventions régionaux (GIR) intègrent une grande pluridisciplinarité en leur sein afin de lutter contre une économie souterraine que l'on a largement sous-estimée. Je me demande pourquoi ces groupements n'ont pas été développés : ils sont aujourd'hui en voie d'extinction. Pour réfléchir à la répartition des effectifs, il conviendrait d'organiser une conférence générale permettant de déboucher sur une remise à niveau.

Il faut aussi faire attention à certains discours, comme celui tendant à admettre les drogues douces. Si M. Placé devait proposer un programme de gouvernement, celui-ci s'appuierait-il sur la poursuite du rapprochement entre la police et la gendarmerie ?

M. Jean Germain. - Je partage une partie des idées développées par le rapporteur spécial, mais je veux y ajouter une nuance et une inquiétude. Pour ce qui est de la nuance, je veux dire que, pour les territoires qui ne sont situés ni en Ile-de-France, ni en zone rurale, il n'est pas possible d'échapper à la vidéosurveillance, qui sécurise les gens. Il est également vrai de dire que la RGPP a conduit à la création de polices municipales. Pour ce qui est de l'inquiétude, l'un des paragraphes de votre conclusion, M. le rapporteur spécial, pourrait prêter à confusion s'il était écrit par quelqu'un d'autre que vous. Sous la Vème République, la justice est devenue une autorité et même un pouvoir. Il est donc délicat de formuler des préconisations qui pourraient porter préjudice à l'indépendance de l'institution.

Mme Marie-France Beaufils. - La RGPP pose effectivement problème car elle entraîne une inégalité absolument catastrophique de traitement entre les territoires. Certaines communes, faute de moyens financiers, ne pourront pas mettre en place de police municipale. Les policiers, quant à eux, savent qu'ils ne peuvent pas assurer toutes leurs missions. J'ai, pour ma part, eu connaissance d'un rapport sur l'efficacité des systèmes de vidéosurveillance. Je crois qu'il faudrait analyser ce type d'étude et en tirer profit.

M. Edmond Hervé. - Concernant les statistiques, je dis « attention » car il y a plusieurs manières de les collecter. Evitons aussi le faux problème de la vidéosurveillance ! Certes, il faut la placer sous le contrôle des magistrats. Mais dans les stades par exemple, elle est très efficace et permet une identification immédiate. Des études prouvent aussi, cependant, que la vidéosurveillance ne constitue pas l'alpha et l'oméga dans le domaine de la sécurité.

On a effectivement dû créer des postes dans les collectivités territoriales afin d'assumer des missions. En matière de police, ce fut une erreur que de supprimer la police de proximité. Claude Guéant est revenu aux patrouilleurs. La police de proximité est une orientation essentielle avec laquelle il faut renouer.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Vous avez, M. le rapporteur spécial, une certaine capacité à réécrire le bleu budgétaire. Depuis 2002, les résultats en matière de police et de gendarmerie ont chaque année été améliorés, du fait notamment de la coopération entre ces deux forces. Concernant les considérations sur la RGPP, je suis assez d'accord avec ce qui a été dit, mais on ne peut pas retenir uniquement cela de cette politique. Sur la vidéoprotection, vous n'êtes pas en phase avec ce qui vient d'être exprimé par notre commission et je souhaiterais que vous en teniez compte. En tant que maire d'une petite ville de 20 000 habitants, j'ai mis en oeuvre un dispositif de vidéoprotection en m'appuyant sur un diagnostic préalablement mené par la gendarmerie. Dans une petite ville, il existe des équipements (maison des associations...) qui sont situés dans des quartiers isolés. Par ailleurs, il faut aussi appréhender des flux stratégiques, ce que j'ai fait grâce à la gendarmerie qui m'a orienté dans les emplacements retenus pour les caméras. Avec le système de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (LAPI), on peut désormais zoomer sur les plaques minéralogiques. Dans ma commune, je n'ai pas un policier municipal constamment derrière les écrans de ces caméras, mais les images sont conservées pendant vingt et un jours. Tout cela constitue une aide à l'élucidation des affaires. Je crois aussi à la vertu de prévention de ces systèmes. Dans ma ville, une caméra permet de filmer les alentours du stade et, notamment, l'emplacement où se situe un défibrillateur. Depuis qu'elle est en place, ce défibrillateur n'a plus jamais été dégradé.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. - Je suis heureux de constater le souci que chacun porte à la sécurité de nos concitoyens et l'attachement à l'esprit républicain, qui est ici un sentiment partagé. Je ne veux pas polémiquer avec Roger Karoutchi, mais les chiffres sont catastrophiques. Entre le mois d'octobre 2010 et celui de septembre 2011, les cambriolages sur les habitations principales ont augmenté de 17,5 %. En matière de lutte contre les stupéfiants (sans engager le débat sur la légalisation ou la dépénalisation), le résultat est encore pire. Entre 2005 et 2010, les délits pour usage de stupéfiants ont progressé de 32,9 % et les interpellations pour trafic ont baissé de 3,2 %. Il s'agit vraiment là de la politique des coups de menton.

S'agissant des GIR, on ne peut que dresser un constat d'échec. A propos de la RGPP, les collègues de la majorité sénatoriale posent la bonne question. On peut s'interroger sur cette politique et sur l'absence de priorité dont elle souffre. Selon moi, ces priorités devraient être l'éducation, la santé, la sécurité... On peut s'interroger sur l'application uniforme de la RGPP, sans priorité. Comment faire plus de sécurité avec moi de policiers et de gendarmes ? Les polices municipales sont une conséquence de la politique menée par l'Etat, elles visent à compenser les inégalités dans les affectations d'effectifs sur les territoires (entre les centres villes, les quartiers difficiles et les zones rurales).

Concernant la vidéosurveillance, je vous propose d'amender mon rapport pour faire part des divergences de vues qui se sont exprimées ici. Jean Germain est manifestement encore plus attaché que moi à l'indépendance de la justice et je suis donc tout disposé à supprimer un alinéa qui pourrait être mal interprété.

M. Jean-Claude Frécon, président. - Je veux rappeler qu'il y aura aussi le compte rendu de cette séance qui permettra à chacun de retrouver le point de vue qu'il a exprimé. En outre, lors de la discussion des crédits de cette mission en séance, le rapporteur spécial pourra aussi faire part de ses orientations.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Sécurité ».

Jeudi 10 novembre 2011

- Présidence de M. Jean-Claude Frécon, vice-président -

Loi de finances pour 2012 - Mission Ecologie, développement et aménagement durables, budget annexe, comptes d'affectation spéciale et compte de concours financiers rattachés - Examen du rapport spécial

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de MM. Gérard Miquel, François Fortassin, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Vincent Delahaye, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Ecologie, développement et aménagement durables », le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », les comptes d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs », et le compte de concours financiers « Avance au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres », et les articles 50 à 51 sexies et 64 bis.

EXAMEN DU RAPPORT SPÉCIAL

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Si l'on en juge par l'épaisseur de la note de présentation, la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » est très importante.

M. François Marc. - Mais...

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Ses crédits s'élèvent à 9,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (- 2 %) et à 9,7 milliards en crédits de paiement (+ 2,4 %). Pour cette deuxième année d'application de la loi de programmation des finances publiques, ils sont revus à la hausse par rapport au plafond prévu. Les ressources extrabudgétaires représentent plus de 3,4 milliards d'euros, les dépenses fiscales plus de 2,8 milliards d'euros.

L'exercice 2012 sera centré sur le renforcement de la sécurité nucléaire et la prévention des risques. Néanmoins, dans la plupart des domaines, le montant des crédits n'est pas à la hauteur des enjeux. Par exemple, les ressources dédiées au Grenelle de l'environnement diminueront de 26,5 millions d'euros par rapport à 2011. Enfin, le champ de la mission sera de nouveau concerné par la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Le programme 113, « Paysages, urbanisme, eau et biodiversité » est doté de 361 millions d'euros en autorisations d'engagement, et 346,7 millions en crédits de paiement. Cependant, la dotation budgétaire doit être rapprochée du coût complet des politiques portées par le programme : 1,62 milliard d'euros. Dans ce total, 54,2 millions d'euros financeront spécifiquement les mesures Grenelle relatives au développement d'un urbanisme durable, à la défense de la biodiversité et à l'amélioration de la qualité de l'eau. Mais le programme subira une réduction de ses effectifs et sera encore marqué par la RGPP, à travers plusieurs réformes.

Dans le domaine de la biodiversité, les dotations augmenteront significativement, au profit des espaces protégés - je songe au nouveau parc national des Calanques ou aux parcs naturels marins. En matière de performance, les résultats des indicateurs relatifs à la qualité de l'eau révèlent que le ministère s'est mobilisé pour mettre en oeuvre la directive sur les eaux résiduaires urbaines et la directive-cadre sur l'eau. L'enjeu est important en termes de biodiversité, mais aussi du point de vue budgétaire, puisque le non-respect des obligations communautaires pourrait nous exposer à de lourdes sanctions financières.

Le programme 181 « Prévention des risques » sera doté de 417,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 312,3 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse respectivement de 11,8 % et 2,9 % par rapport à 2011. Les crédits couvrent à 65% à des dépenses de fonctionnement. Les ressources extrabudgétaires demeurent significatives. Ainsi, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) recevra 498 millions d'euros l'an prochain. Parmi les principales caractéristiques en 2012, je veux souligner la stabilité de la dotation pour la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (64 millions d'euros) ; la réduction problématique des effectifs de l'inspection des installations classées ; le retard accumulé dans l'élaboration des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), parce que les mesures foncières ne progressent pas et que les particuliers ont des difficultés à financer les travaux prescrits. Un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale, devenu l'article 51 ter, semble susceptible de faire évoluer favorablement la situation relative aux mesures foncières.

Autre caractéristique de ce budget, la hausse des moyens en faveur de la sûreté nucléaire, après la catastrophe de Fukushima. La dotation de l'action 9 « Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection » progresse ainsi de 12 % (58 millions d'euros). L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) disposeront de 44 emplois supplémentaires et de 20 millions d'euros en plus pour financer les expertises décidées en mars dernier.

La prévention des inondations constituera la priorité de l'action 10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques », notamment à travers le plan « submersions rapides », doté de 500 millions d'euros sur 2011-2016, les programmes d'action de prévention des risques liés aux inondations (PAPI), ou le plan « grands fleuves ». Toutes ces actions concourent notamment à la mise en oeuvre de la directive relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation.

Enfin, les crédits de l'après-mines seront stables (43 millions d'euros).

Le programme 174 « Energie, climat et après-mines » sera doté en 2012 de 692,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 701,2 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 6,7 %. La régulation budgétaire effectuée en 2011 (12 millions d'euros d'annulations) est dommageable : la majorité des engagements correspond à des dépenses obligatoires et incompressibles. Or la budgétisation est effectuée au plus juste. Cette situation, insoutenable aux yeux du contrôleur financier, appelle des clarifications de la part de la ministre.

Avec moins de 1 % des crédits du programme, l'action 1 « Politique de l'énergie » est clairement sous-dotée. Le Grenelle de l'environnement a fixé un objectif de 23 % d'énergie renouvelables à horizon 2020. La trajectoire actuelle n'y conduit pas ! Le fonds chaleur de l'ADEME disposera de 250 millions d'euros en 2012, montant certes important mais très inférieur aux besoins, soit 500 millions d'euros par an selon le syndicat des énergies renouvelables.

L'action 4 « Gestion économique et sociale de l'après-mines », concentre 95 % des autorisations d'engagement (654,8 millions d'euros). Les difficultés de la Caisse autonome de sécurité sociale dans les mines appellent une vigilance particulière. Les besoins financiers seraient en effet supérieurs de l'ordre de 10 millions d'euros au niveau des crédits prévus.

L'action 5 « Lutte contre le changement climatique » recevra 30,4 millions d'euros, dotation en forte baisse, alors qu'elle finance les mesures pour l'amélioration de la qualité de l'air et la lutte contre le changement climatique, domaines où les obligations communautaires se font de plus en plus pressantes.

Enfin, le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer » recevra 3,6 milliards d'euros, en baisse de 6 % pour les autorisations d'engagement et de 0,4 % pour les crédits de paiement. Plus de 85 % des crédits de paiement du programme relèvent du titre 2 « dépenses de personnel ». Ce programme est composé de vingt actions, dont douze actions « miroirs ». Les huit autres portent les fonctions stratégiques du ministère. Toutes subiront une réduction de moyens, sauf la politique des ressources humaines et la Commission nationale du débat public. En 2012, le programme 217 sera encore sévèrement touché par la RGPP, avec une réduction de 1 309 emplois. Comment le ministère de l'écologie s'acquittera-t-il de l'ensemble de ses missions dans ces conditions ? Il faut aussi accompagner le personnel dans ces mutations. Enfin, la gestion 2011 est particulièrement tendue, et la situation ne semble pas devoir s'améliorer en 2012.

Quelques mots sur le compte de concours financiers « Avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres », autrement dit le compte du « bonus-malus » automobile. Il coûte cher : près de 1,5 milliard d'euros de déficit cumulé depuis 2008, alors qu'il avait initialement été présenté comme devant être équilibré. Les prévisions de découvert sont systématiquement dépassées : 227 millions d'euros en 2011 contre 150 millions prévus. En outre, le circuit de paiement via l'Agence de services et de paiement est complexe et non conforme à la LOLF. Enfin, les vertus écologiques et économiques de ce mécanisme sont-elles si grandes ? Le niveau moyen des émissions de CO2 a fortement baissé et le parc automobile français est l'un des moins polluants d'Europe. Mais le bonus-malus crée un effet d'aubaine pour les constructeurs, encourage les ventes de véhicules urbains qui sont de plus en plus produits hors de France et n'intègre pas la pollution des deux-roues et des poids-lourds, ni les rejets de particules, ni le bruit. Une nouvelle réforme s'imposait et ce compte d'avances vit sans doute ses derniers mois. En effet, nos collègues députés ont adopté deux modifications qui vont dans le bon sens : un relèvement des trois dernières tranches du malus - un resserrement du bonus devrait bientôt suivre par décret - et le remplacement de ce compte par un compte d'affectation spéciale (CAS). Ce n'est pas la budgétisation intégrale, c'est au moins une mesure conforme à l'orthodoxie budgétaire, et qui va dans le bon sens puisqu'un CAS doit être équilibré. En cas de dérive, le Gouvernement devra réagir rapidement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Je vous présenterai les crédits des politiques des transports et de sécurité maritime ainsi que le compte d'affectation spéciale sur les trains d'équilibre du territoire.

Le programme 203 « Infrastructures et services de transport », au centre du Grenelle de l'environnement, mobilise 44 % des crédits de paiement de la mission, soit 4,31 milliards d'euros, en hausse de 6,1 % par rapport à 2011. Les dotations extrabudgétaires sont importantes : 1,53 milliard d'euros de fonds de concours - provenant de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) et des collectivités territoriales - et 465 millions d'euros de dépenses fiscales.

Le programme 217 porte quant à lui les crédits de masse salariale (1,28 milliard d'euros pour 16 173 ETP). Je souligne l'augmentation sensible de la subvention versée à l'AFITF et des moyens consacrés à l'entretien des routes nationales, la hausse des concours à Réseau ferré de France (RFF) et la progression de 4,5 % des dépenses de fonctionnement hors charges de personnel, en raison surtout de la hausse des crédits d'entretien des routes.

La RGPP a touché Voies navigable de France (VNF), qui deviendra un établissement public administratif avec la création de l'Agence nationale des voies navigables (ANVF). Et la réorganisation des services d'ingénierie routière se traduira d'ici 2013 par la suppression de 18 % des effectifs des directions interdépartementales des routes. Les indicateurs du programme traduisent des progrès lents, mais la politique de report modal se construit sur le très long terme.

La subvention d'équilibre à l'AFITF tend à devenir permanente, faute de recettes pérennes suffisantes, notamment l'écotaxe poids lourds qui ne sera mise en place que courant 2013. L'Assemblée nationale a cependant réduit la hausse de la dotation cette année. L'Agence connaîtra une activité un peu moins soutenue en 2012, avec un budget prévisionnel de 2,17 milliards d'euros. Elle cherche à asseoir sa crédibilité en tant qu'instance de dialogue, d'évaluation et de conseil, notamment sur les partenariats public-privé.

VNF connaît une meilleure situation financière, avec une capacité d'autofinancement en hausse de 14 %. La subvention de l'Etat sera reconduite (59,6 millions d'euros). La future Agence contribue à l'ambitieux plan d'investissements pour la modernisation du réseau fluvial. Sa productivité sera augmentée, avec une réduction de près de 9 % de ses dépenses de fonctionnement en 2012 et une chute des ses effectifs de 69 ETP. En revanche, le nouveau contrat de performance n'est toujours pas conclu, mais ses trois axes sont connus.

Le secteur ferroviaire traverse une phase déterminante pour son avenir. Le volume des concours publics, incluant ceux des collectivités territoriales, a atteint 12,5 milliards d'euros en 2010. Les compensations des tarifs sociaux et conventionnés par l'Etat et les autorités régionales se sont élevées à près de 690 millions en 2010. Les tarifs dont bénéficient les militaires concentrent les critiques. La situation financière et l'activité de la SNCF se sont améliorées en 2010 et au premier semestre de 2011. Mais les branches ne dégagent pas une rentabilité suffisante pour couvrir leurs investissements. La dette nette, en hausse, a été dégradée par Moody's, la marge des TGV diminue, le fret est sinistré et les coûts sont rigides à la baisse. La lettre de mission de M. Pépy a donc été réactualisée en février dernier. Le Centre d'analyse stratégique recommande de clarifier rapidement les perspectives d'ouverture à la concurrence. Il y là un levier de modernisation et de compétitivité ; encore faut-il que le principal opérateur ait une vision claire de son avenir.

La performance de RFF met en évidence le déséquilibre de son modèle économique. Les engagements commerciaux du contrat de performance sont tenus, mais le résultat opérationnel est très inférieur aux prévisions, les recettes ne couvrent pas le coût complet du réseau et la trajectoire financière tend à se dégrader ; la dette n'est pas maîtrisée. Les investissements du plan de rénovation du réseau se poursuivent cependant à un rythme élevé. La convention de gestion de l'infrastructure entre RFF et la SNCF sera bientôt révisée. La Cour des comptes a accepté de réaliser pour nous en 2012 un contrôle sur le renouvellement des voies, sur le fondement de l'article 58-2° de la LOLF. Nous en tirerons d'utiles enseignements.

En revanche, tous les indicateurs de la RATP sont actuellement au vert, sauf l'endettement, qui augmente. La RATP demeure confrontée à de nombreux défis, mais je demeurerai vigilante sur la séparation comptable entre les activités d'exploitant et de gestionnaire d'infrastructures. Il ne faudrait pas qu'elle se traduise finalement par une scission de la dette en deux composantes qui prospéreraient sans contrôle.

Enfin, l'augmentation soutenue des crédits d'entretien du réseau routier doit être saluée, mais ce poste est souvent une variable d'ajustement - ce qui n'est pas rationnel sur le long terme.

Les crédits de paiement du programme 205 « Sécurité et affaires maritimes » diminuent de 1,7 % à périmètre constant. Mais le périmètre est élargi par trois mesures de transfert, dont la prise en charge des effectifs de l'Ecole nationale supérieure maritime (ENSM). Le plafond d'emplois sera fortement réduit, les dépenses de fonctionnement courant aussi. Le Comité interministériel de la mer, le 10 juin 2011, a validé une stratégie nationale sur les ressources minérales profondes en mer et une réforme des ports ultra-marins. La réorganisation de l'administration maritime, induite par la RGPP, est quasiment achevée. L'établissement national des invalides de la marine est devenu un établissement public administratif fin août 2010, les services métropolitains ont été réformés et la fonction de garde-côtes a été consacrée par un décret du 22 juillet 2010. Une direction de la mer a été créée dans chaque département d'outre-mer. L'ENSM, qui a remplacé les quatre écoles nationales de la marine marchande, bénéficiera d'une subvention de 17,6 millions d'euros. Les quatre implantations n'ont pas été remises en cause mais ont été spécialisées. Je regrette cependant que le conventionnement n'ait été envisagé que longtemps après la création de l'école... Le budget du programme pour 2012 privilégie la formation initiale, alors que les crédits consacrés à la plaisance régressent ; le stock d'équipements Polmar reste stable ; les investissements du plan de modernisation des sept CROSS se maintiennent.

L'Etat a bien versé cette année une subvention d'un million d'euros à l'Association internationale de signalisation maritime, dont le siège est à Saint-Germain-en-Laye. En contrepartie, la France est devenue membre de droit et l'Association s'est engagée à maintenir son siège en France pendant au moins dix ans. Le sort de la société SeaFrance, filiale de la SNCF, suscite de vives inquiétudes après son placement en redressement judiciaire le 30 juin 2010 et l'invalidation par la Commission européenne de son plan de restructuration. La moitié des 1 580 emplois ont déjà été supprimés.

Le compte d'affectation spéciale sur les services nationaux de transport conventionnés de voyageurs, créé l'année dernière, matérialise la compensation de l'Etat à la SNCF pour l'exploitation des quarante lignes dites « d'équilibre du territoire ». La convention du 13 décembre 2010 prévoit un système de bonus et malus en fonction de divers indicateurs. Le cahier des charges de la SNCF, modifié par un décret du 29 juillet 2011, a également assoupli l'encadrement des tarifs du TGV. La gamme des tarifs sera élargie, mais sans doute aussi moins lisible, la SNCF recourant davantage au « yield management ».

Le compte est financé par trois taxes : la contribution de solidarité territoriale (CST), la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF), et une fraction de la taxe d'aménagement du territoire acquittée par les sociétés d'autoroutes. Aujourd'hui, seule la SNCF paye les deux taxes sur les entreprises ferroviaires, mais après l'ouverture à la concurrence, les concurrents en seront également redevables. Ces taxes correspondent à l'ancienne péréquation en interne. L'article 19 du projet de loi de finances prévoit que le taux de la TREF est relevé pour couvrir le financement des études et l'augmentation des péages facturés par RFF. En revanche, le taux de la CST est abaissé, ce qui allège la pression sur les TGV.

Le compte se compose de deux programmes, l'un pour le financement du déficit d'exploitation, l'autre pour la compensation des investissements de maintenance et de régénération des matériels roulants. La SNCF a adopté en janvier 2011 un plan d'action en faveur de douze  lignes sensibles, dont cinq lignes d'équilibre du territoire. Des premiers résultats positifs ont été enregistrés après six mois.

A titre personnel, je recommande l'adoption des crédits de ces deux programmes et du compte d'affectation spéciale.

M. François Fortassin, rapporteur spécial. - Je vous présenterai les programmes 170 « Météorologie », 159 « Information géographique et cartographique » et le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Le programme 170 est doté de 207,3 millions d'euros, en progression de 4,6 %, comme l'an dernier, pour permettre à Météo France de renforcer son action de prévention. Cependant, le montant des crédits prévus pour 2012 est inférieur au plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques, dans une conjoncture déjà perturbée par la réduction du réseau territorial de Météo France.

Les crédits abondent deux actions, l'une relative à l'observation et à la prévision météorologique, l'autre à la recherche dans le domaine météorologique. En 2012, Météo France mettra en oeuvre sa réforme territoriale, puisque son réseau doit passer de 108 à 55 implantations métropolitaines et donnera la priorité au renforcement de la sécurité des personnes et des biens.

L'actuel contrat d'objectifs arrive à échéance. Son bilan est globalement satisfaisant, même s'il a été marqué par plusieurs catastrophes naturelles, Xynthia, inondations dans le Var... Météo France a atteint la majorité des objectifs fixés, qu'il s'agisse de ses activités de modélisation ou de recherche. Par ailleurs, l'opérateur est parvenu à stabiliser son chiffre d'affaires, résultat correct, compte tenu de la crise et de l'intensification de la concurrence. Un nouveau contrat est en cours d'élaboration pour 2012-2016 : amélioration de la prévention, anticipation et gestion des risques, prévision numérique, rénovation des infrastructures d'observation, maintien du chiffre d'affaires...

Le programme 159 « Information géographique et cartographique » sera doté de 96,6 millions d'euros en 2012, en hausse de 18 % parce que l'IGN intégrera le 1er janvier 2012 l'Inventaire forestier national (IFN), dans le cadre de la RGPP. Le futur Institut national de l'information géographique et forestière sera un établissement public administratif (1 800 agents). Le siège, à Saint-Mandé, est en cours d'aménagement. Les réponses au questionnaire budgétaire ne disent rien des économies attendues du regroupement, ni des conséquences pour le personnel. La situation financière de l'IGN demeure fragile, sa trésorerie est actuellement inférieure au minimum souhaitable, 45 jours de dépenses de fonctionnement courant. Or ses recettes commerciales tirées de l'activité grand public stagnent, après une forte progression en 2010.

J'en viens au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Le budget de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) devient plus rigoureux, des réformes utiles ont été mises en oeuvre, mais la dette, voire le modèle économique de l'aviation civile, demeurent des sujets de préoccupation. La transformation de la DGAC en établissement public ne paraît pas une question taboue, bien qu'aujourd'hui écartée devant l'hostilité du personnel. Des prestations de services doivent être tarifées à leur véritable coût et le nouveau mode de comptabilisation en droits constatés rapproche la DGAC d'une logique d'établissement public.

Le trafic aérien mondial a connu une embellie en 2010 : la croissance a été de 6,3 %, mais seulement de 1,6 % en France ; en revanche, on attend une hausse de 5,6 % en 2011, soit sensiblement plus que les prévisions. Air France-KLM n'en profite guère et souffre d'un déficit de compétitivité. Ryan Air se taille la part du lion...

Le périmètre du budget annexe évolue à la marge. Le regroupement budgétaire des moyens du Service national de l'ingénierie portuaire est finalisé, financé par un relèvement de la quotité de la taxe de l'aviation civile. De même, le taux de cotisation employeur au CAS « Pensions » poursuit son alignement : il est ainsi relevé de 3,2 points. La prévision d'équilibre pour 2012 est conforme à la programmation triennale et paraît réaliste, à moins d'une profonde crise économique qui réduirait le trafic. Un déficit d'exploitation de 16,4 millions d'euros est néanmoins prévu. Certains projets et engagements européens, le traité « Fabec », les projets « Sesar » et « Coflight », exercent un impact sur les investissements, les redevances de navigation et l'organisation du contrôle aérien. En revanche, le regroupement des services d'approche de la région parisienne dans un nouveau centre a été reporté.

L'évolution des dépenses est plutôt positive : une quasi-stabilisation des dépenses de personnel, à périmètre constant, car 496 suppressions d'emplois sont prévues sur la période 2011-2013. Le budget 2012 prévoit également une réduction des dépenses de fonctionnement et une augmentation de près de 6 % des investissements. En revanche, les recettes ne me paraissent pas optimisées, les redevances de surveillance et de certification ne couvrant que 34,1 % du coût global. Or, s'agissant de prestations commerciales, il est anormal de les assumer à perte, notamment au profit de compagnies extérieures à Air France. Un débat sérieux avec le ministre s'impose.

L'endettement reste élevé. La dette nette devrait croître de 4,6 % en 2012 et le montant emprunté de près de 30 %. En dépit de la volonté affichée par la direction générale, le désendettement paraît reporté à la prochaine programmation triennale. Il faudra bien renforcer la maîtrise des dépenses sur le long terme.

Le protocole social pour 2010-2012, signé en juillet 2010, a été contesté par une intersyndicale majoritaire. Le recours devant le tribunal administratif ayant été rejeté, l'accord devrait entrer pleinement en vigueur en 2012. Il prévoit un retour catégoriel important (11,64 millions d'euros). De façon opportune, certaines mesures ont également été prises durant l'été 2010 pour régulariser certains aspects des primes et vacations des contrôleurs aériens. Le régime d'indexation sur l'inflation a été supprimé et un meilleur contrôle de présence a été mis en place. Le système de la clairance était tout sauf clair. Nous nous en étions émus l'an dernier. Nous avons obtenu satisfaction. Le salaire mensuel moyen des contrôleurs est tout de même de plus de 7 000 euros. « Nous avons les mêmes responsabilités que des pilotes de ligne », expliquent les intéressés. Mais en cas d'erreur, ils ne sont pas dans l'avion ! Et il est rare qu'un avion percute la tour de contrôle... Une refonte globale du régime indemnitaire est à l'étude ; une grille spécifique est envisagée pour les contrôleurs. Il faudra se garder de primes trop généreuses destinées à acheter la paix sociale et à compenser les mesures de rigueur sur les emplois.

Depuis sa fusion avec le Service d'exploitation de la formation aéronautique (SEFA), effective depuis le 1er janvier 2011, l'Ecole nationale de l'aviation civile s'est dotée d'une nouvelle organisation et entend s'affirmer comme école européenne de référence. Elle cherche à réduire le coût unitaire de la formation - 100 000 euros environ pour les pilotes - et commence à enregistrer des résultats. En revanche, le contrat d'objectifs et de performance tarde à se concrétiser.

Je recommanderai un avis de sagesse sur ces crédits.

M. Jean-Claude Frécon, président. - Nous entendrons ultérieurement le rapport de M. Delahaye.

M. François Trucy. - Quelques mots de la lutte contre les inondations. Il y a des évènements tels que ceux du bassin de Draguignan en 2010, concentration en un point réduit d'un phénomène météorologique catastrophique ; et il y des inondations, comme dans le Var récemment, simplement dues à des pluies diluviennes durant dix jours consécutifs... On voit lors de tels drames l'importance de la gestion des crises. A Draguignan, elle a été exemplaire et les sénateurs des départements concernés ont tenu à rencontrer tous ceux qui étaient intervenus en 2010, y compris les forces armées, très efficaces. Louis Nègre, que j'ai interrogé sur l'apport de l'expérience de 2010 à la gestion des inondations du Var, estime que le profit en a été considérable. La coopération, la formation, le retour d'expérience sont essentiels.

Qu'attend-on de la fusion de VNF et d'autres services dans la nouvelle Agence ? Quelle importance économique aura celle-ci ? La protection de la nature passe aussi par une meilleure exploitation des voies navigables. Après la fusion de l'IGN et de l'Inventaire national forestier, d'autres concentrations du même type sont-elles possibles ? Je veux poser une « colle » à M. Fortassin : notre rapporteur spécial sait-il de quand date la première carte de France ? Ce sont les Cassini, géographes de l'époque de Louis XIV, qui l'ont établie, et des trois exemplaires tirés à partir des plaques de cuivre, l'un est conservé à la bibliothèque du Sénat.

M. François Marc. - Je m'interroge sur les relations entre RFF et la SNCF car ces derniers mois, des ambitions lourdes ont été inscrites dans le schéma national des infrastructures de transport (SNIT) pour les lignes de TGV. Cette politique exige des moyens et je suis inquiet de ce que Mme des Esgaulx nous dit de RFF. La subvention de l'Etat diminue encore en 2012, la maîtrise de la dette n'est pas certaine. Quelle sera demain la capacité d'action de RFF ? Les territoires les moins favorisés risquent d'être lésés dans la programmation car ils sont moins rentables.

Tout le transport trans-Manche est en difficulté, voyez la situation de Brittany Ferries ; mais le cas de SeaFrance aussi est inquiétant. L'Union européenne a rejeté le plan présenté. Que deviendra le personnel ? Un pavillon français subsistera-t-il dans la Manche ?

M. Philippe Dallier. - Météo France a réduit la voilure. Cela n'a pas ému dans les territoires, mais le regroupement tarde à se mettre en place. Le calendrier semble enfin tenu mais la mauvaise volonté de l'opérateur était manifeste : aujourd'hui, la mécanique est-elle réellement amorcée ?

Mme Fabienne Keller. - A bas bruit, les efforts se poursuivent pour la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. L'organisation territoriale par décret n'est pas simple, mais une stratégie de long terme se met en oeuvre, avec des investissements considérables.

Plus de dix ans après la catastrophe d'AZF, combien de plans de prévention des risques technologiques sont-ils achevés ? Les investissements à réaliser par les particuliers posent toujours problème. Et les mesures d'exclusion foncières ne sont pas financées.

Comme administrateur de RFF, je voudrais un peu atténuer la dureté des propos tenus au sujet de cet opérateur. La séparation avec la SNCF s'est faite dans la schizophrénie. La répartition des missions n'a pas été très claire. Les financements de l'Etat ne respectent pas le contrat pluriannuel. Le prix des sillons en est renchéri pour la SNCF et les tensions sont permanentes entre les deux structures. Sachez aussi que l'attribution des sillons est une mission de RFF, mais qu'elle est exercée par des agents qui demeurent sous statut SNCF. Cela ne clarifie pas la gouvernance...

RFF est le premier investisseur de France : quatre lignes TGV simultanément, ainsi que la régénération du réseau. La ligne Gap-Valence est fermée pour rénovation - demandez à Pierre Bernard-Reymond de vous raconter l'histoire de cette ligne et comment son tracé sinueux a été, il y a cent-trente ans, établi par un ingénieur qui a tordu le dessin pour faire arriver les trains dans son village... Aujourd'hui la liaison est interrompue : on voit les inconvénients, mais demain on verra les avantages.

Les investissements dans le domaine ferroviaire sont considérables : si l'on additionne ceux des collectivités, de l'Etat, de RFF, de la SNCF et les PPP, on aboutit à un total de 12 milliards d'euros par an.

M. Yannick Botrel. - Je m'inquiète du contrôle des installations classées. On lit dans le rapport sur le programme 181 que les effectifs stagneront en 2012 après avoir diminué d'une trentaine de postes en 2011. Là comme ailleurs, l'application mécanique de la RGPP est aberrante et nuit au bon fonctionnement des services. Le traitement des dossiers prend un énorme retard, ce qui porte préjudice à l'activité économique et à la vie des entreprises. S'est-on interrogé sur les conséquences de cette politique ?

M. Yvon Collin. - Le chemin a été long, mais le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » a cessé d'être un fourre-tout : sa structure est désormais beaucoup plus claire.

M. François Fortassin, rapporteur spécial. - Vous y avez contribué, cher collègue !

M. Yvon Collin. - Ce budget est évidemment tributaire du trafic aérien. Je suggère au rapporteur spécial d'enquêter sur le contrôle de la sécurité : les voyageurs s'agacent des retards, et l'on a peut-être en France une conception trop tracassière des contrôles. M. Fortassin pourrait aussi visiter des centres de contrôle, ce que j'avais fait il y a une dizaine d'années : les contrôleurs prétendent que le stress les rend plus performants ; ils sont parfois deux ou trois sur un poste de travail, pour faire face à d'éventuelles baisses de régime qui pourraient sinon conduire à la catastrophe.

M. Jean-Claude Frécon, président. - L'ancien rapporteur spécial guide les pas du nouveau !

Si je récapitule ce que j'ai entendu, RFF, la SNCF et la RATP ont des stratégies risquées d'endettement, le contrôle aérien est confronté à un problème de « clairance », l'IGN est dans une situation fragile, Air France et KLM se font distancer par Lufthansa et British Airways, et il y a aussi le problème des véhicules propres. Cherche-t-on à affaiblir les fleurons de l'économie française, ou ces difficultés sont-elles conjoncturelles ? Par ailleurs, la commission s'associe à la demande d'enquête à la Cour des comptes que Mme des Esgaulx souhaite formuler, en application de l'article 58-2 ° de la LOLF, sur l'entretien du réseau ferré national.

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Je partage l'inquiétude de M. Botrel. Les inspecteurs des installations classées ont souvent été regroupés au niveau régional : chez moi, ils viennent de Toulouse et ne connaissent pas assez le terrain. La diminution des effectifs provoquera immanquablement des problèmes : dans un tel domaine, les suppressions d'emplois systématiques sont inacceptables, car les règles se durcissent et les inspecteurs ont énormément de travail. La baisse des effectifs retarde l'instruction des dossiers et nuit à l'activité économique.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Pour répondre à M. Trucy, la création de l'ANVN unifiera le service public des voies navigables et regroupera en un seul établissement public administratif les 369 salariés de droit privé de VNF et les 4 284 emplois des services de l'Etat. La situation financière de VNF est confortable, les investissements sont en hausse, et sur les 6 200 km de canaux et rivières, il n'y a pas de fermeture de voies. La révision du contrat d'objectifs est en cours. Dans ce domaine, je ne crois pas que l'opérateur soit en danger.

S'agissant de SeaFrance, Bruxelles a ordonné à Paris de trouver un investisseur indépendant. La Commission européenne a considéré le prêt de 100 millions d'euros de la SNCF à SeaFrance comme une aide d'Etat injustifiée. Ainsi que l'a annoncé M. Baroin le 27 octobre, le Gouvernement examine les voies de recours. Nous aurons une première réponse le 16 novembre, mais la procédure sera longue.

Mme Keller a rappelé les ambitions du Grenelle I dans le domaine ferroviaire : transfert modal, création de 2 000 km de lignes à grande vitesse. La taxe poids lourds, prévue en 2013, a pris du retard en raison d'un contentieux portant sur l'attribution du contrat de partenariat. Il faut l'avouer, la situation financière de RFF se dégrade, à cause d'une stratégie risquée, et il n'est pas sûr que l'entreprise puisse maîtriser sa dette. La réforme de la tarification des péages s'accompagne d'une baisse presque équivalente des concours de l'Etat, et les recettes de RFF ne couvrent pas ses charges. La dette atteint 28 milliards d'euros et pourrait ne plus répondre aux critères de Maastricht.

L'entreprise est liée à la SNCF par des contrats qui occasionnent des transferts financiers importants : RFF perçoit le produit des péages, et la SNCF facture certaines prestations comme la maîtrise d'ouvrage de travaux sur les réseaux. Il est important de clarifier rapidement le calendrier, le périmètre et les modalités de l'ouverture du trafic national à la concurrence : ce pourrait être une opportunité très favorable, mais l'incertitude ne permet pas d'élaborer une stratégie. Sur la séparation des deux entreprises, je suis partagée. A court terme, le modèle économique retenu est déséquilibré, et l'on a fait un pari risqué : d'où la lettre du président de la République au président de la SNCF, datée de février, qui actualise la lettre de mission de 2008. La SNCF est de nouveau bénéficiaire depuis 2010, et toutes ses branches sont en croissance, mais sa dette nette a progressé de 18,5 %, et sa dette brute de 46 % entre 2000 et 2010 : c'est considérable.

Les investissements dans le domaine ferroviaire sont colossaux, même si le chiffre de 12,5 milliards représente le montant des concours publics et non le total des investissements. Plus de 1 000 km de voies seront renouvelés cette année. Je ne crois pas que l'on cherche à affaiblir les opérateurs, mais il est important pour eux d'y voir plus clair sur leur avenir, et notamment sur l'ouverture à la concurrence.

M. François Fortassin, rapporteur spécial. - Monsieur Dallier, le regroupement des stations de Météo France ne semble pas poser de grands problèmes sur le terrain. Cependant, leur répartition actuelle, héritée de l'histoire, n'est pas satisfaisante. Dans les Hautes-Pyrénées, il y en a une à l'aéroport de Tarbes-Lourdes-Pyrénées, à 300 m d'altitude, une autre au Pic du Midi, à près de 3000 m, et rien entre les deux. Or, quand la pression atmosphérique tombe très vite, il peut tomber dans les heures qui suivent jusqu'à un mètre de neige. On y est habitué en montagne, mais pas à 600 m d'altitude ! Heureusement, les gendarmes mesurent tous les jours la température et la pression atmosphérique. Jamais Météo France n'a voulu se remettre en cause ! Voilà pourquoi la réorganisation n'émeut guère la population ni les élus. Des progrès ont cependant été constatés dans la mise en oeuvre des recommandations de la Cour des comptes.

Sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », les préconisations de la Cour des comptes sont là encore mieux appliquées que par le passé. Mais si la structure du budget est plus claire, on m'a dit que la comptabilité était encore marquée par une opacité qui n'a rien d'artistique...

M. Éric Doligé. - La loi handicap de 2005 impose la mise aux normes des équipements ferroviaires, et en particulier des quais. Il y faut des moyens financiers colossaux. Pourra-t-on tenir les délais ? A défaut, on s'expose à des contentieux pénaux.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Vous avez raison de souligner ce problème. A Gujan-Mestras, RFF veut construire une passerelle plutôt qu'un passage souterrain et demande à la commune une subvention qu'elle est bien incapable de lui accorder.

M. Jean-Claude Frécon, président. - Je passe la parole à Vincent Delahaye, qui va nous présenter son rapport sur le programme 207 et sur le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - La dotation du programme 207 « Sécurité et circulation routières » s'établit pour 2012 à 56,3 millions d'euros, en baisse de 2,3 %. L'effort porte sur les études, les investissements de rénovation ou de création de centres d'examen, et la formation du personnel des services déconcentrés. La sécurité routière a progressé en 2010 et s'est stabilisée en 2011 : sur les neuf premiers mois, le nombre de morts a légèrement augmenté, mais le nombre de blessés a reculé de 4,2 %. Le comité interministériel de la sécurité routière a décidé le 11 mai de renforcer le volet répressif de sa politique. Il a aussi voulu donner une seconde chance au Conseil national de la sécurité routière, qui ne s'était pas réuni depuis avril 2008, et qu'il faudra supprimer s'il ne se réforme pas. Quant au permis à un euro par jour, son mécanisme de cautionnement public n'a pu être mis en place avant septembre 2010, et ses objectifs quantitatifs ne sont pas remplis. L'enveloppe budgétaire pour 2012 repose cependant sur des hypothèses assez crédibles, bien que l'objectif de près de 11 000 prêts cautionnés paraisse encore assez optimiste.

S'agissant du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », le produit global des amendes « radars » et « hors radars » est évalué pour 2012 à 1,6 milliard d'euros, en hausse de 10,3 %, dont 1,4 milliard constituent les recettes du compte : ce produit avait été sous-évalué l'an dernier. Les radars installés sur les feux rouges, en particulier, ont un fort rendement. Il est prévu en 2012 de multiplier les implantations et de diversifier les modes de contrôle : radars « discriminants », aux feux rouges, « mobiles-mobiles », « pédagogiques »... Mais le surplus de recettes devrait plutôt servir à réduire la dette publique. Je vous proposerai donc un amendement qui diminue de 20 millions d'euros les crédits dévolus à l'implantation et à la maintenance de nouveaux radars, soit 25 millions, pour affecter cette somme au désendettement de l'Etat.

Le procès-verbal électronique devrait être généralisé en 2012 ; nous sommes à mi-chemin. Le Gouvernement prévoit 37,3 millions d'euros pour le mettre en place. Sans doute ce nouveau type de procès-verbal améliore-t-il la perception des amendes, mais on aimerait connaître précisément le retour sur investissement.

Il faut aussi noter d'importants reports de crédits pour l'implantation de nouveaux radars.

M. Philippe Dallier. - Combien la valse-hésitation sur les panneaux d'avertissements des radars a-t-elle coûté ? Qu'a-t-on finalement  décidé ? Il semble que les pratiques diffèrent d'un département à l'autre : on s'en remet à l'appréciation des préfets.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - L'hésitation elle-même n'a sans doute pas coûté grand-chose, mais les radars pédagogiques représentent près de 10 millions d'euros en 2012. Il n'a pas été décidé de retirer partout les panneaux d'avertissement.

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Mais certains ont disparu.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - On a en tout cas arrêté de les enlever.

M. Jean-Claude Frécon, président. - Cela dépend des départements. Quel est l'avis de M. le rapporteur spécial Miquel sur l'ensemble de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » ?

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Je ne partage pas l'appréciation de Mme Des Esgaulx sur les investissements dans le réseau ferré : je regrette que l'on exige des collectivités des contributions très importantes, bien au-dessus de leurs moyens. L'égalité territoriale est en jeu, puisque l'on n'a rien demandé à Marseille, à Aix ou à Lyon pour les premières lignes à grande vitesse.

M. François Fortassin. - Et à Paris ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Les collectivités franciliennes contribuent par le biais du syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF).

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - On a aussi pris beaucoup de retard sur la taxe poids lourds, qui pourrait rapporter beaucoup d'argent à l'Etat. Et si les autoroutes n'avaient pas été privatisées, l'Etat disposerait de 2 milliards d'euros supplémentaires pour financer des infrastructures ! On a fait un cadeau aux sociétés gestionnaires.

Les moyens affectés à la mise en oeuvre des engagements du Grenelle sont en recul. Pour atteindre l'objectif de 23 % d'énergies renouvelables en 2020, il faudra investir, et pourtant le fonds chaleur passe de 500 à 250 millions d'euros. De nombreux projets sont prêts mais ne trouvent pas de financement. A quoi sert-il dans ces conditions de voter des lois ambitieuses ?

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ».

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Je comprends votre position sur les concours demandés aux collectivités. Pour ma part, j'attends beaucoup du SNIT : les priorités, pour l'instant, ne sont pas hiérarchisées.

Sur la taxe poids lourds, je ne partage pas votre point de vue : des contentieux ont ralenti la mise en place de cette taxe, le Conseil d'Etat n'a rendu sa décision qu'en juin dernier et le contrat a été signé en octobre.

M. Jean-Claude Frécon, président. - Voulez-vous nous présenter votre amendement n° 1 à l'article 32 (Etat B) avant que la commission se prononce sur les crédits de la mission ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Les députés ont réduit de 53 millions d'euros la subvention d'équilibre de l'AFITF, qui serait donc de 1 070 millions d'euros. Le Gouvernement a justifié cette mesure par la hausse attendue du produit des amendes forfaitaires. Mais pour respecter la planification budgétaire de l'AFITF, je vous propose de ramener ce chiffre à 29 millions. Il s'agit d'un amendement technique.

La commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ».

L'amendement n° 1 devient sans objet.

M. Jean-Claude Frécon, président. - Quel est l'avis de M. le rapporteur spécial sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » ?

M. François Fortassin, rapporteur spécial. - Sagesse.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification des crédits, du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». 

M. Jean-Claude Frécon, président. - M. Delahaye peut-il nous présenter son amendement n° 2 à l'article 34 (Etat D) et nous donner son avis sur le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Mon amendement est dans la droite ligne de celui que nous avons adopté hier dans la partie « recettes » du PLF. Plutôt que d'affecter le surplus de recettes tirées des amendes forfaitaires à l'implantation de nouveaux radars, je propose que ces 20 millions d'euros servent au désendettement de l'Etat.

L'amendement n° 2 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ainsi modifiés. 

M. Jean-Claude Frécon, président. - Que pense M. Miquel du compte de concours financiers « Avances au Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres » ?

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Un compte d'affectation spéciale va être créé, c'est une bonne chose. Je m'abstiendrai.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte de concours financiers « Avances au Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres ». 

M. Jean-Claude Frécon, président. - A Mme Des Esgaulx de nous donner son avis sur le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Favorable.

M. François Marc. - Nous voterons contre, car les moyens de RFF sont insuffisants et l'on en demande trop aux collectivités. Cela n'enlève rien à la qualité du rapport de Mme Des Esgaulx.

La commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 50

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - L'article 50 complète la définition de la taxe hydraulique et modifie ses règles de calcul afin de taxer les prélèvements illégaux, de couvrir les dépenses de dragage liées aux rejets de sédiments, et de limiter la taxation des transferts d'eau destinés à maintenir la ligne d'eau des canaux de navigation. Ces mesures sont utiles et j'en recommande l'adoption.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 50 du projet de loi de finances pour 2012.

Article 51

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Il s'agit de garantir à l'établissement public du marais poitevin un financement pluriannuel. Avis favorable.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 51 du projet de loi de finances pour 2012.

Article 51 bis

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Je propose par l'amendement n° 3 la suppression de cet article qui encadre le volet recettes de la prochaine programmation des agences de l'eau sur la période 2013-2018 : je veux protester contre la méthode du Gouvernement, qui a fait passer ce dispositif important par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, sans laisser au Parlement le temps de l'examiner.

L'amendement de suppression n° 3 est adopté. En conséquence, la commission décide de proposer au Sénat le rejet de l'article 51 bis du projet de loi de finances pour 2012.

Article 51 ter

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Cet article vise à accélérer la signature des conventions financières tripartites destinées à mettre en oeuvre les mesures foncières dans le cadre des plans de prévention des risques technologiques. Avis favorable.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 51 ter du projet de loi de finances pour 2012.

Article 51 quater

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Avis défavorable à cet article qui plafonne la sollicitation du Fonds de prévention des risques naturels majeurs. Je propose donc un amendement de suppression n° 4.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Le Gouvernement veut revenir sur une disposition votée en juin 2011 : c'est du bricolage !

L'amendement de suppression n°  4 est adopté. En conséquence, la commission décide de proposer au Sénat le rejet de l'article 51 quater du projet de loi de finances pour 2012.

Article 51 quinquies

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - J'ai déposé un amendement de suppression de cet article, qui augmente les recettes de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) au détriment des agences de l'eau. Je propose aussi la suppression de l'article 51 sexies, qui encadre le volet « dépenses » de la prochaine programmation des agences de l'eau sur la période 2013-2018.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Nous avons décidé en première partie d'un écrêtement qui s'applique à tous les opérateurs : il faut limiter les effets de la débudgétisation, et puisque l'Etat doit faire des efforts, il est normal que les opérateurs en fassent autant. Certes, le cas des agences de l'eau est un peu particulier. Par cohérence, je m'abstiendrai.

M. Jean Arthuis. - Ecoutons le rappel à la cohérence de Mme la rapporteure générale ! Les opérateurs aussi doivent se serrer la ceinture.

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Mais l'Onema dispose d'un fonds de roulement important. La suppression de l'article ne le mettrait pas en péril.

L'amendement de suppression n° 5 est adopté. En conséquence, la commission décide de proposer au Sénat le rejet de l'article 51 quinquies du projet de loi de finances pour 2012.

Article 51 sexies

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Je ne reviens pas sur la motivation de mon amendement de suppression. Les agences de l'eau ont un rôle essentiel. Je veux d'ailleurs protester contre la méthode : comment soumettre à un examen approfondi un article inséré par voie d'amendement à l'Assemblée nationale ?

M. Jean Arthuis. - Il a été puisé à bonne source, c'est le cas de le dire... Mme la rapporteure générale nous a habitués à plafonner l'évolution des dépenses.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Ce que j'ai préconisé dans la première partie, c'est un écrêtement des recettes affectées : au-dessus d'un certain seuil, elles sont reversées au budget général.

M. Jean Arthuis. - Mutualisation judicieuse.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'emploi de ces surplus est alors laissé à la discrétion du Gouvernement et de sa majorité, en fonction de leurs priorités politiques.

M. François Marc. - Un article puisé à bonne source, dit M. Arthuis ? En Bretagne, nous sommes plutôt confrontés au ruissellement... Il faut donner aux agences de l'eau les moyens de faire leur travail. D'ailleurs, l'article a été voté à l'Assemblée nationale dans la plus totale opacité. Le groupe socialiste votera l'amendement de suppression.

L'amendement de suppression n° 6 est adopté. En conséquence, la commission décide de proposer au Sénat le rejet de l'article 51 sexies du projet de loi de finances pour 2012.

Article 64 bis

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Avis favorable à cet article, qui prévoit la remise au Parlement, d'ici à la fin de l'année, d'un rapport sur les conditions dans lesquelles les entreprises pourraient bénéficier du bonus de 2 000 euros destiné à encourager la diffusion de véhicules hybrides. En effet, les députés ont voté dans le cadre du PLFSS la suppression de toute exonération de taxe sur les véhicules de sociétés, même hybrides. Or la diffusion de ce genre de véhicule repose principalement sur les flottes d'entreprises.

M. Jean Arthuis. - Les rapporteurs aiment les rapports...

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 64 bis du projet de loi de finances pour 2012.

Loi de finances pour 2012 - Mission Enseignement scolaire - Examen du rapport spécial

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Thierry Foucaud et Claude Haut, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Enseignement scolaire ».

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - S'agissant de la mission « Enseignement scolaire », permettez-moi tout d'abord de rappeler son importance dans le budget de l'Etat : les crédits s'élèvent à 62,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, correspondant à un plafond d'emplois de 981 206 emplois rémunérés au ministère de l'éducation nationale.

J'inscris mes pas dans ceux de mon prédécesseur, notre ancien collègue Gérard Longuet, qui avait souligné des déficiences dans la gestion du ministère de l'éducation nationale. Ces observations sont, hélas, toujours d'actualité :

- concernant l'enseignement technique agricole, notre ancien collègue Gérard Longuet avait relevé, lors de l'examen en commission le 17 novembre 2010 des crédits de la mission « Enseignement scolaire » inscrits au PLF 2011, que la contraction des emplois « eu égard à la taille des établissements comme à leur répartition sur l'ensemble du territoire, conduit à des fermetures de classe ou de sites scolaires. Nous avons donc un vrai sujet quant à l'application de la diminution des effectifs dans l'enseignement technique agricole » ;

- s'agissant des corrections techniques du plafond d'emplois du ministère de l'éduction nationale, celles-ci s'élevaient à 20 359 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), ce qui avait fait dire à notre collègue Gérard Longuet que « le ministère de l'éducation nationale semble fâché avec la comptabilité (...) Contrairement aux années précédentes, le schéma d'emplois n'est pas justifié au niveau national mais renvoyé à la responsabilité des académies » ; or, cette année encore nous ne savons toujours pas comment les suppressions d'emplois ont été réparties par académie, plus d'un an après l'engagement de cette réforme ;

- concernant les suppressions d'emplois, notre ancien collègue Gérard Longuet disait encore : « il conviendra sans doute d'interroger le ministre sur la soutenabilité à moyen terme » d'une telle politique ; nous sommes bien arrivés dans l'Education nationale au « bout du bout » au non-remplacement d'un départ en retraite sur deux ;

- enfin, les plafonds d'emplois en exécution ne correspondent toujours pas aux prévisions de la loi de finances, faute pour le Gouvernement de savoir procéder à temps à la « régularisation du désajustement constaté entre recrutements et départs » ; en d'autres termes, le ministère de l'éducation nationale ne parvient pas à anticiper correctement les comportements de départs en retraite de ses agents, ni à ajuster en conséquence le nombre de postes offerts aux différents concours.

Je souhaite aussi rendre un hommage à notre collègue Jean-Claude Carle, lorsqu'il observait que les suppressions de postes « donnaient une certaine prime à la facilité », dans son rapport d'information fait au nom de la mission commune d'information sur le système scolaire, déposé le 21 juin 2011.

Le présent projet loi de finances poursuit la politique de suppression de postes, à hauteur de 15 640 ETPT en 2012 (à périmètre constant), ce nombre comportant l'effet en année pleine des suppressions de postes de la rentrée 2011 et 14 000 nouvelles suppressions d'emplois prévues à la rentrée 2012. L'économie correspondante s'élève à 467 millions d'euros, soit l'équivalent de la non-revalorisation de 1 % du point d'indice de la fonction publique pour les personnels de l'éducation nationale.

Entre la loi de finances initiale pour 2008 et le présent projet de loi de finances, ce sont 70 600 postes qui ont été supprimés dans l'éducation nationale, dont 68 000 postes d'enseignants et 2 600 postes de personnels administratifs et d'accompagnement.

Pour vos rapporteurs spéciaux le rétablissement des postes d'enseignants supprimés depuis 2007 doit constituer une priorité, si l'on veut redonner au service public de l'éducation les moyens de ses ambitions au service de notre jeunesse.

Par ailleurs, la répartition des suppressions de postes entre le public et le privé n'est pas équitable. En effet, l'enseignement privé représente moins de 10 % des suppressions de postes, alors qu'il est d'usage d'appliquer un prorata de 20 % entre les créations ou les suppressions de postes de l'enseignement public et les créations ou les suppressions d'emplois de l'enseignement privé.

Toujours en ce qui concerne les effectifs, le nombre de professeurs contractuels n'est toujours pas connu avec précision : entre le 31 décembre 2005 et le 31 décembre 2010, le nombre de professeurs contractuels aura augmenté de 76 %. Ces informations doivent être publiques, et c'est pourquoi nous vous proposerons un amendement au nom de votre commission des finances que présentera Thierry Foucaud.

Une dernière variable d'ajustement des emplois de l'éducation nationale porte sur les dépenses relatives aux heures supplémentaires. Celles-ci s'élèvent à 1,31 milliard d'euros pour l'année scolaire 2010-2011, en hausse de 3,1 % par rapport à l'année scolaire 2009-2010. Ces sommes sont l'équivalent de 40 000 emplois (ETPT).

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - Je rejoins d'autant plus le constat formulé par Claude Haut que, s'agissant des personnels du ministère de l'éducation nationale rémunérés sur d'autres crédits que ceux du titre 2, les effectifs sont également à la baisse. Les contrats aidés des personnels d'assistance éducative correspondraient à 88 688 emplois dans le projet de loi de finances pour 2012, en diminution de 3 500 par rapport à 2011. Toutes les catégories d'emplois sont donc touchées, y compris les emplois les plus précaires.

Dans ce contexte, l'enseignement technique agricole connaît une évolution particulièrement inquiétante. La suppression de 280 postes (ETP) en 2012 représente un taux de non-remplacement de plus de 68,3 % des départs en retraite, ce qui est l'un des taux les plus élevés du budget de l'Etat.

De même, aucune mesure catégorielle n'est prévue dans l'enseignement agricole à la rentrée 2012.

Au sein de l'enseignement agricole, l'enseignement public est particulièrement menacé : il représente 37 % des effectifs scolarisés mais concentre 60 % des suppressions de postes, en méconnaissance de l'application de la règle de parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé. Une telle situation a justifié la création d'un comité permanent de défense et de développement de l'enseignement agricole public.

Notre collègue Claude Haut évoquait les graves carences dans la gestion du ministère de l'éducation nationale, qui révèlent un manque de pilotage au plus haut niveau. Je ne prendrai qu'un seul exemple des erreurs dites « techniques » sur le nombre d'emplois corrigées dans le présent PLF : pour les emplois des opérateurs, ces erreurs portent sur 824 ETP, soit un sixième du total de ces emplois.

A défaut de revaloriser l'ensemble de ses fonctionnaires, le ministère de l'éducation nationale privilégie l'adoption de mesures nouvelles. 165,4 millions d'euros de mesures nouvelles sont ainsi inscrites au PLF 2012, mais aucune précision n'est apportée quant à leur contenu, à leurs bénéficiaires, ni aux politiques que ces mesures sont censées mettre en oeuvre. On demande donc au Parlement d'accorder un blanc-seing au Gouvernement.

La politique sociale du ministère de l'éducation nationale n'est pas plus satisfaisante. Le montant alloué aux bourses, soit 570,6 millions d'euros, diminue de 6,8 %. La dotation des fonds sociaux, accordés par les chefs d'établissement aux familles les plus en difficulté, accuse un recul de 4,4 %. Par ailleurs, aucun objectif ni indicateur de performance ne mesure l'efficacité de ces crédits d'action sociale.

Suppressions d'emplois, sacrifice de l'enseignement public agricole, opacité et erreurs sur le nombre de postes ou encore les mesures catégorielles envisagées en 2012, réduction drastique des crédits d'action sociale : le budget de l'éducation nationale proposé pour 2012 tourne le dos à l'effort que devrait conduire notre nation pour assurer l'égalité des chances de tous les enfants.

Les politiques menées ne sont pas davantage satisfaisantes. Que dire de la suppression de milliers de postes d'enseignants du réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (RASED) ? La suspension des allocations familiales s'inscrit dans une logique consistant à surveiller et punir. Les établissements de réinsertion sociale, loin d'être un outil de lutte contre le décrochage scolaire, deviennent un instrument de police. La réforme du lycée conduit à une désorganisation et à une remise en cause du statut.

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, pourquoi vos rapporteurs spéciaux préconisent à la commission des finances le rejet des crédits de la mission « Enseignement scolaire », tout en proposant un amendement pour lutter contre la précarisation des emplois.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je souhaiterais poser une question et formuler une observation.

Tout d'abord, quel est le montant des mesures catégorielles, censées compenser le non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite ?

Par ailleurs, j'ai relevé le coût des heures supplémentaires, soit 1,31 milliard d'euros pour l'année scolaire 2010-2011, ou l'équivalent de 40 000 ETPT. A la différence du secteur privé, une partie de ces heures supplémentaires correspond manifestement à la satisfaction de besoins pérennes. Au demeurant, nous aurons un débat en séance publique sur les heures supplémentaires en général, lesquelles représentent un coût social et fiscal de 4,9 milliards d'euros.

S'agissant des heures supplémentaires dans l'Education nationale, dont les crédits ont augmenté de 3 % pendant l'année scolaire 2010-2011 par rapport à l'année scolaire 2009-2010, elles correspondent à 40 000 emplois qui sont autant de postes qu'il conviendra de ne pas voir disparaître dans l'Education nationale.

Je souhaiterais la création de vrais postes. Il s'agit d'une priorité politique à assumer.

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - Les mesures catégorielles en 2012 atteindront 178,7 millions d'euros en 2012 pour la mission « Enseignement scolaire », dont 176 millions d'euros pour les programmes de cette mission relevant du ministère de l'éducation nationale. Ce montant représente 39 % des économies résultant du schéma d'emplois, alors que « le retour catégoriel » vers les agents devrait s'élever à 50 % selon le Gouvernement.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Nous touchons là à un débat global, relevant de l'économie réelle, dans l'application de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Ce taux de non remplacement n'est d'ailleurs pas le plus élevé au ministère de l'éducation nationale même si, compte tenu du nombre d'emplois d'enseignants, les effectifs les plus nombreux concernés par la règle du « un sur deux » se situent bien dans l'Education nationale.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - Je partage pleinement la remarque de notre rapporteure générale sur la nécessité d'embaucher des enseignants et d'arrêter de supprimer des postes. Par ailleurs, je trouve étrange que le Gouvernement impose ainsi aux collectivités locales d'embaucher des contractuels, sans qu'il s'applique la même règle.

Les moyens nécessaires doivent être affectés non seulement à l'embauche d'enseignants, mais aussi à un développement de la formation. Cette question est apparue de manière récurrente dans les débats que nous avons eus avec Claude Haut, lors de deux tables rondes ayant réuni les représentants des enseignants et des associations des parents d'élèves, que nous avons ainsi voulu interroger dans leur diversité.

M. Éric Doligé. - J'aurai l'occasion de revenir sur les dépenses de personnel après avoir lu le chapitre qu'y consacrent nos rapporteurs spéciaux.

Par ailleurs, dans le cadre du transfert aux collectivités territoriales de personnels non enseignants, j'ai le sentiment que les règles que s'applique l'Etat en matière de formation, de handicap et de santé ne sont pas les mêmes que celles qu'il impose aux collectivités territoriales et aux entreprises du secteur privé.

M. Gérard Miquel. - Au sein de l'enseignement technique agricole, je suis assez surpris du traitement réservé à l'enseignement public, qui concentre 60 % des suppressions de postes alors qu'il n'accueille que 37 % des élèves. Comment expliquer une ponction aussi lourde ?

Mme Michèle André. - La loi de 2005 a posé le principe d'une intégration des enfants handicapés dans les classes ordinaires. Je m'interroge donc sur les conditions d'encadrement des enfants handicapés par les titulaires de contrats aidés, notamment lorsque ces contrats arrivent à échéance, face au désarroi des familles et des jeunes.

Par ailleurs, quels sont les critères retenus pour la détermination du montant des primes de fin d'année des recteurs et des inspecteurs d'académie ? Certains mauvais esprits laissent sous-entendre que ces primes seraient d'autant plus élevées que les recteurs et les inspecteurs d'académie ferment un nombre de classes plus important.

Dans les départements ruraux où nous avions encore des écoles avec des effectifs moindres, et où l'intégration scolaire avait été exemplaire, ces suppressions de postes s'ajoutent aux diminutions d'emplois dans les autres services publics, comme les hôpitaux.

M. Jean Arthuis. - Je remercie nos rapporteurs spéciaux d'avoir souligné les difficultés de l'enseignement agricole.

J'aurais toutefois souhaité avoir des précisions sur la répartition des suppressions de postes, qui relèvent à 60 % du secteur public et à 40 % de l'enseignement privé. Nos rapporteurs spéciaux observent ainsi que l'enseignement public paie le plus lourd tribut en matière de diminution d'emplois, mais qu'il ne représente que 37 % des effectifs scolarisés. Or, ils indiquent par ailleurs que les trois quarts des dépenses de personnel du titre 2 relèvent des établissements publics et seulement un quart des établissements privés. Mais peut-être faut-il également prendre en compte les rémunérations de collaborateurs sur des dépenses d'intervention du titre 6, lesquelles s'élèvent à 342 millions d'euros dans les établissements privés et 42 millions d'euros dans les établissements publics ?

M. Yvon Collin. - Je partage les inquiétudes de Gérard Miquel, Jean Arthuis et beaucoup d'autres de nos collègues, quant aux lourdes menaces pesant sur l'enseignement technique agricole. A cet égard, nos rapporteurs spéciaux peuvent-ils expliciter leur proposition de scinder leur programme 143 en deux programmes, l'un public et l'autre privé, afin de garantir une répartition des moyens plus équitable ?

M. François Trucy. - Je comprends l'irritation de notre collègue Nicole Bricq, quand le Gouvernement octroie des heures supplémentaires d'une part, et supprime des postes d'autre part. Mais si la commission des finances se prononce pour le rejet des crédits, elle se prive de la possibilité d'un amendement de suppression de ces heures supplémentaires dans la fonction publique. Je reconnais être un peu provocateur...

M. Philippe Dallier. - Je souhaite revenir sur les nombreuses critiques que nous entendons à propos de la suppression de postes RASED. Or, la suppression de l'école le samedi a permis de dégager du temps pour un soutien personnalisé aux enfants en difficulté, même si l'on a évolué de l'objectif d'une aide aux enfants en difficulté grave d'intégration vers une attention plus particulière portée à l'ensemble des élèves qui connaissent des difficultés d'apprentissage.

A entendre nos rapporteurs spéciaux, nous sommes dans la critique du « tout ou rien », du « blanc ou noir ».

Dispose-t-on donc de détails sur la réutilisation des heures supplémentaires ? En effet, une partie des heures supplémentaires est destinée à la mise en oeuvre du plan ambition réussite, où l'on incite d'ailleurs les enseignants à effectuer des heures supplémentaires très bien payées, ce qui a nécessairement un coût.

C'est pourquoi, si l'on supprime des heures supplémentaires pour retrouver l'équivalent de 40 000 postes, il y aura de nombreuses désorganisations sur le terrain, par exemple pour la conduite des programmes « ambition réussite ».

M. Vincent Delahaye. - Certaines informations mériteront de figurer dans le rapport spécial comme le nombre total d'élèves. Selon mes informations, le nombre d'élèves a augmenté de 960 entre 2007 et 2010, tandis que 242 classes ont été ouvertes durant la même période, ce qui montre qu'il n'y a pas eu de fermetures de classes en masse et en nombre. Mais encore faudrait-il disposer de données plus récentes.

Or, nos rapporteurs spéciaux déplorent la « position peu flatteuse de la France au sein de l'OCDE ». Pourtant, les dépenses moyennes par élève, soit 9 562 dollars, sont supérieures de 10 % à la moyenne de l'OCDE, tandis que la taille des classes françaises est également plus importante. Faut-il en déduire que nous dépensons proportionnellement plus d'argent pour les besoins de l'administration centrale ? Quels sont les effectifs de celle-ci ?

En outre, j'ai lu que 21 000 enseignants n'étaient pas dans des classes face à des élèves.

Enfin, nos rapporteurs spéciaux connaissent-ils les effectifs des personnes qui travaillent sur les programmes, dont j'ai estimé le nombre entre 600 et 800 ? Je pense qu'une partie de ces effectifs pourrait être consacrée à pourvoir des postes d'enseignants dans les classes, tandis que parallèlement les programmes pourraient n'être modifiés qu'une fois tous les cinq ans, et non plus chaque année.

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - En ce qui concerne la formation des personnels transférés aux collectivités territoriales, les mêmes obligations réglementaires s'appliquent à toutes les collectivités publiques, l'Etat comme les collectivités territoriales.

M. Éric Doligé. - Je parlais de la valeur des investissements consacrés à la formation et au handicap. Les dépenses de l'Etat sont-elles les mêmes que dans nos collectivités territoriales ?

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - Nous ne disposons malheureusement pas de données relatives aux collectivités territoriales pour pouvoir établir une comparaison.

Sur la question du handicap, je rappelle que le rapport au Parlement prévu par un amendement du Sénat l'an dernier n'a toujours pas été déposé, alors que la date limite de sa remise était fixée au 30 juin 2011. Nous allons le réclamer.

Si l'on ne peut pas constater à ce stade de diminution du nombre de contrats aidés consacrés au handicap à l'école, il convient d'être vigilant sur cette question. En particulier, quand ces contrats, relevant d'un statut précaire, arrivent à échéance, il faut s'assurer de leur bon renouvellement. Au demeurant, il est préférable que la même personne assure la continuité de l'aide à un enfant handicapé.

S'agissant des RASED, si des postes ont pu être supprimés à bon escient dans le cadre d'une réorganisation du temps de travail, je suis en désaccord avec mon collègue Philippe Dallier : la disparition des RASED a posé des problèmes dans mon département.

M. Philippe Dallier. - J'invite simplement à relativiser le tableau très noir que vous dressez de la disparition des RASED, au regard de la situation en Seine-Saint-Denis, où s'est bien mis en place un soutien individualisé en lieu et place des RASED.

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - Il existe sans doute des situations différentes, à analyser plus en détail.

En ce qui concerne les heures supplémentaires, personne n'imagine qu'on pourrait tout de suite y mettre fin en créant 40 000 postes.

Parmi ces heures supplémentaires, les heures supplémentaires années (HSA) rémunèrent forfaitairement la part du service des enseignants qui dépassent de manière permanente, sur l'ensemble de l'année scolaire, leur maximum hebdomadaire de service. Les HSA représentent plus de la moitié des dépenses relatives à l'ensemble des heures supplémentaires.

Par ailleurs, les heures supplémentaires effectives (HSE) sont versées quand le service supplémentaire ne s'inscrit pas dans un horaire régulier, notamment pour le remplacement d'un enseignant absent pendant une courte durée.

Le ministère de l'éducation nationale distingue également les heures d'interrogation (HI) dans les classes préparatoires aux grandes écoles et utilise une catégorie « autres heures », dont on ne sait pas ce qu'elles recouvrent mais dont le volume est très faible.

En conclusion, toutes les heures supplémentaires ne correspondent pas à des postes à temps complet.

M. François Trucy. - Je ne faisais que reprendre une excellente observation de notre rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Ces chiffres montrent toutefois une situation un peu ubuesque où des heures supplémentaires peuvent couvrir des besoins permanents. Les heures supplémentaires sont un facteur d'assouplissement de l'organisation ; elles n'ont pas vocation à remplacer des emplois pérennes.

M. Jean Arthuis. - Les heures supplémentaires peuvent répondre à deux préoccupations : payer mieux les enseignants, qui ne sont pas surrémunérés et dont il faut mieux reconnaître le travail ; répondre à des situations d'ajustement ponctuel, pour lesquelles les heures supplémentaires constituent un élément de souplesse. Connaît-on la répartition des heures supplémentaires par établissement et par discipline ? En tout cas, il faut éviter une rigidité extrême qui ne contribuerait pas à la qualité de l'enseignement.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je reconnais le besoin de souplesse, mais je constate également la satisfaction de besoins pérennes par le recours aux heures supplémentaires.

Par ailleurs, la France est le pays d'Europe qui consacre les sommes les plus importantes aux emplois à domicile, à hauteur de 2,5 milliards d'euros, et le soutien scolaire privé en représente une part importante, à la charge de l'ensemble des contribuables. Ce sont pourtant les catégories sociales les plus aisées qui recourent au soutien scolaire privé.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - Il vaudrait mieux consacrer nos moyens à l'aide aux devoirs.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Ce sont les contribuables qui paient pour les besoins non satisfaits par l'Education nationale. L'INSEE a montré que les contribuables relevant du dernier décile de l'impôt sur le revenu recourent le plus fortement aux emplois à domicile.

M. Éric Doligé - Il faut aussi prendre en compte les contraintes horaires des enseignants. Leurs plages horaires leur permettent d'effectuer quelques heures supplémentaires et d'améliorer ainsi leur situation. Il existe des situations particulières méritant d'être examinées.

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - S'agissant des plafonds d'emplois au ministère de l'éducation nationale, une partie des personnels d'administration centrale effectue des tâches partagées avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette clef de répartition nous est inconnue. L'Education nationale ne sait toujours pas compter.

M. Vincent Delahaye - Je pense que, au sein de l'OCDE, nous devons être les champions du monde du coût d'encadrement par élève, compte tenu de la dépense moyenne par élève et du nombre d'élèves par classe. Des dépenses excessives sont sans doute affectées à l'encadrement.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - Je partage la remarque de notre collègue Philippe Dallier sur la nécessité d'appréciations nuancées.

Seul le Gouvernement pourra répondre à plusieurs des questions qui ont été soulevées, s'agissant des effectifs et des sommes allouées à une politique en particulier. Tel est d'ailleurs le sens de l'amendement que nous allons vous proposer : nous-mêmes avons des questions sans réponse.

Dans l'enseignement agricole, la division entre le public et le privé ne doit pas être notre seule ligne de conduite. Les débats des années précédentes ont montré des analyses convergentes sur l'insuffisance des moyens. Le Gouvernement devra s'expliquer en séance publique, même si la différence de traitement relève d'une organisation différente dans les établissements publics et privés : pour ces derniers, les négociations sur la création ou la suppression de postes relèvent du secrétaire général de l'enseignement catholique, comme ce dernier l'a d'ailleurs expliqué à vos rapporteurs spéciaux.

Les précisions sur les effectifs scolarisés figureront dans le rapport spécial, sans que je sois certain que ces données soient favorables au Gouvernement, tout en rappelant par ailleurs les données comparatives de l'OCDE.

Faute d'information suffisante sur ce point dans les documents budgétaires, le Gouvernement sera en mesure de s'exprimer sur les primes des recteurs.

S'agissant enfin des RASED, des postes ont effectivement été rétablis, mais nous ne connaissons pas leur répartition par académie. Des départements ont rencontré des problèmes réels.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale. - Notamment la Seine-Saint-Denis.

M. Philippe Dallier - Il faut faire la part des choses. Il ne s'agit pas seulement de suppressions de postes pures et simples, comme je l'entends dire à longueur de temps, mais aussi d'une réorganisation du soutien scolaire.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - On ne connaît pas aujourd'hui le nombre de RASED.

M. Philippe Dallier - Ce qui ne nous permet pas de porter un jugement.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - Aidez-nous donc à obtenir ces informations du Gouvernement.

M. Jean Arthuis - Pour les agents relevant de contrats aidés, le statut précaire de leur engagement est proprement insupportable. Il est mis un terme à leur contrat au moment où ils ont acquis une expérience professionnelle. La précarité de la situation où sont plongés ces agents contraste avec le statut protecteur de la fonction publique. Une telle situation n'est absolument pas satisfaisante.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - Les emplois RASED font partie de l'ensemble plus vaste des assistants d'éducation, dont le nombre s'élevait à 19 795 au 31 janvier 2004 et à 51 056 au 31 janvier 2011. Les missions assumées par les titulaires de ces postes mériteraient des éclaircissements.

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - Sur les 46 096 contrats aidés que comptait l'Education nationale au 30 juin 2011, 24 161 contrats étaient destinés à l'accompagnement des élèves handicapés, tandis qu'on comptait 13 584 assistants aux directeurs d'école à la même date.

M. Jean Arthuis - Ces contrats s'ajoutent au plafond d'emplois du ministère de l'éducation nationale, soit 981 000 postes.

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - En effet, car il s'agit de dépenses d'intervention imputées au titre 6, et non de dépenses de personnel relevant du titre 2.

M. Jean Arthuis - On peut estimer à près de 100 000 le nombre de postes relevant de ces dépenses d'intervention...

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - ... et qui s'ajoutent en effet au plafond d'emplois.

M. Jean-Claude Frécon, président. - J'en viens maintenant au vote sur les crédits de la mission. Vos rapporteurs spéciaux en proposent le rejet.

La commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

M. Jean-Claude Frécon, président. - Nos rapporteurs spéciaux proposent, par ailleurs, l'adoption d'un amendement portant article additionnel.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - Nous vous proposons d'insérer, après l'article 51 sexies, un article additionnel visant à ce que, au plus tard le 30 avril 2012, le Gouvernement dépose au Parlement un rapport sur le nombre de maîtres auxiliaires, d'enseignants contractuels et de vacataires recrutés par le ministère de l'éducation nationale depuis le 31 décembre 2005, et détaillant la répartition de ces emplois par académie, leur incidence sur le plafond d'emplois du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, ainsi que le recours aux services d'agences publiques ou privées.

Ce rapport répondrait à plusieurs des interrogations qui se sont fait jour ce matin.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'amendement présenté par MM. Thierry Foucaud et Claude Haut, rapporteurs spéciaux, tendant à insérer un article additionnel après l'article 51 sexies du projet de loi de finances pour 2012.

M. Jean Arthuis - Suivant cette même logique de remise d'un rapport pour éclairer l'opinion publique et les parlementaires, je déposerai un amendement portant sur l'enseignement technique agricole.

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - Les difficultés de ces établissements pourront d'ailleurs justifier un contrôle sur place de vos rapporteurs spéciaux.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - Un amendement proche de celui de notre collègue Jean Arthuis avait été déposé l'an dernier par les sénateurs du groupe CRC-SPG. Je soutiendrai donc l'amendement de notre collègue Jean Arthuis...

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - ... sur lequel la commission des finances pourrait donc émettre un avis favorable.

Loi de finances pour 2012 - Mission Outre-mer - Examen du rapport spécial

La commission procède enfin à l'examen du rapport de MM. Georges Patient et Eric Doligé, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer ».

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Notre présentation des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2012 s'articulera en deux parties : tout d'abord, je vous présenterai le cadrage global du budget pour 2012, puis Eric Doligé vous présentera de manière plus détaillée l'évolution des crédits des deux programmes de la mission et vous proposera deux amendements portant articles additionnels rattachés.

Tout d'abord, un point sur l'application de la loi pour le développement économique des outre-mer - la LODEOM - que nous avons votée le 27 mai 2009. Nous constatons, presque deux ans et demi après son adoption, que plusieurs décrets nécessaires à son application ne sont toujours pas parus. Sont concernés :

- premièrement, la création des groupements d'intérêt public (GIP) chargés de régler les situations d'indivision, trop fréquentes dans les DOM, et qui rendent souvent le foncier indisponible ;

- deuxièmement, la création des GIP chargés de gérer le dispositif de continuité territoriale. Toutefois, sur ce point, nous avons vu lors de l'audition de l'agence pour la mobilité en outre-mer (LADOM) que la création de ces GIP n'était pas nécessaire à la mise en oeuvre du nouveau dispositif de continuité territoriale ;

- troisièmement, le décret permettant de déterminer la structure des prix et des coûts des compagnies aériennes qui effectuent des liaisons avec l'outre-mer. Ce décret est absolument nécessaire, notamment parce que nous craignons que l'aide à la continuité territoriale puisse se traduire par une augmentation des prix des billets et ne pas bénéficier aux ultramarins ;

- enfin, le décret d'approbation du schéma minier en Guyane.

Le budget pour 2012 intervient par ailleurs deux ans après le conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009 - le CIOM - qui a décidé de 137 mesures censées répondre aux inquiétudes formulées par les outre-mer en matière de développement économique, social et culturel.

D'après le Gouvernement, 85 % des mesures décidées par le CIOM sont « réalisées ou en cours de mise en oeuvre ». Outre le fait que cette formulation est ambiguë, ce pourcentage est sujet à controverses. En effet, lors d'un débat qui s'est tenu en séance publique à l'Assemblée nationale, le 18 mai dernier, des taux plus proches de 20 % que de 85 % ont été évoqués. Peut-être que les 65 % de décisions faisant la différence ont été mises en oeuvre depuis le mois de mai...

En tout état de cause, je pense qu'il serait très utile qu'un bilan objectif, qui associe les élus et la délégation générale à l'outre-mer, puisse être mis en oeuvre, jusqu'à la réalisation complète de l'ensemble des décisions.

La traduction budgétaire des décisions du CIOM au sein de la mission « Outre-mer » est en tous cas limitée. Le CIOM ne conduit qu'à une majoration de 13 millions d'euros des crédits de la mission : 2 millions d'euros au profit du fonds d'étude et de renforcement des capacités pour le développement endogène, 8 millions d'euros au titre de la dotation spéciale d'équipement scolaire en Guyane et 3 millions d'euros pour le fonds de garantie agriculture-pêche.

Venons-en aux crédits de la mission « Outre-mer » pour l'année 2012. Ils connaissent par rapport à 2011 une quasi-stagnation et s'élèveront à 2,18 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,03 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit des hausses respectives de 1,1 % et 2,9 %. En réalité, les crédits ne font que retrouver leur niveau de l'année 2010, en compensant la diminution votée entre les années 2010 et 2011.

Cette stagnation des crédits depuis 2010 marque un arrêt par rapport à une augmentation sensible entre les années 2008 et 2010 : + 17,7 % en CP.

Il résulte de l'évolution globale des crédits de la mission que les plafonds votés dans la loi de programmation pluriannuelle pour les années 2011 à 2014 sont presque respectés.

Cette variation des crédits budgétaires de la mission masque une diminution très forte des dépenses fiscales en faveur de l'outre-mer. En effet, le montant global des niches fiscales rattachées à la mission, qui bénéficient aux territoires ultramarins, diminue de 382 millions d'euros, soit une baisse de 11,5 %. Cette baisse s'explique par le rabot de 10 % appliqué à la défiscalisation des investissements productifs et du logement en outre-mer, par la suppression du dispositif de défiscalisation pour le photovoltaïque et par celle, prévue par l'article 4 du projet de loi de finances pour 2012, de l'abattement d'un tiers à l'impôt sur les sociétés dont bénéficient certaines entreprises d'outre-mer.

Au total, c'est donc bien à une diminution nette de l'effort consenti par l'Etat au profit des territoires ultramarins que nous assistons.

L'objectif n'est pas pour moi de remettre en cause les efforts nécessaires pour limiter le coût des niches fiscales pour les finances publiques. Je souhaite toutefois attirer l'attention sur le fait que cette politique de réduction des niches n'a pas des conséquences identiques pour l'ensemble des territoires. Il faut donc veiller à ne pas pénaliser excessivement les territoires ultramarins, pour lesquels la dépense fiscale a historiquement constitué un axe d'action privilégié.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - La mission « Outre-mer » est composée de deux programmes : le premier est consacré à la politique en faveur de l'emploi, le deuxième rassemble un ensemble de mesures disparates en faveur des conditions de vie en outre-mer.

Les crédits du premier programme, « Emploi outre-mer », augmentent en 2012 de 1,3 % en AE et de 4,7 % en CP. Je précise que cette évolution et les chiffres que je vous présente ici ne tiennent pas compte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.

Ces crédits sont principalement utilisés pour rembourser à la sécurité sociale le coût des exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer. Comme la commission des finances l'avait prédit en examinant le projet de budget pour 2011, les crédits de cette action ont été insuffisants cette année et ne suffiront pas à compenser les pertes de recettes des organismes de sécurité sociale. Par rapport aux sous-budgétisations très marquées que nous avions connues en 2008 et 2009, le montant de la dette de l'Etat reste toutefois relativement limité. Il s'élèvera à 47 millions d'euros au début de l'exercice 2012.

Ce que nous regrettons en revanche, c'est de ne pas avoir reçu du ministère d'évaluation du montant qui sera nécessaire en 2012 et donc de ne pas pouvoir estimer si l'enveloppe de 1,17 milliard d'euros prévue au présent budget sera suffisante ou non.

Ce programme en faveur de l'emploi comporte par ailleurs 27 millions d'euros, avant le vote de l'Assemblée nationale, au profit de l'aide au fret et à la rénovation hôtelière. Ces deux mesures ont été votées dans le cadre de la LODEOM mais leurs décrets d'application ne sont parus que tardivement et 2011 a donc été la première année de leur application. Il nous faut encore attendre encore pour pouvoir évaluer leurs effets.

Enfin, la dotation dédiée au service militaire adapté (SMA) progresse, avant le passage à l'Assemblée, de 16,7 % en crédits de paiement. Cette hausse assez considérable, qui atteint 72 % depuis 2009, traduit bien l'engagement pris par le Président de la République de doubler la capacité d'accueil du dispositif. En 2014, ce sont 6 000 jeunes qui bénéficieront des actions d'insertion mises en oeuvre par le SMA, dont l'efficacité a été prouvée.

Le second programme de la mission, « Conditions de vie outre-mer », est très hétérogène et présente des performances moins satisfaisantes.

Les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) consacrée au financement du logement social sont stables en autorisations d'engagement mais augmentent de 10 % en crédits de paiement. Toutefois, nous constatons que l'effort de l'Etat - près de 275 millions d'euros - ne permet pas la réalisation du nombre de logements sociaux qui seraient nécessaires. Seuls environ 7 500 logements neufs ont été construits en 2010, marquant toutefois une progression par rapport aux années antérieures. Or, les besoins pour l'ensemble des territoires concernés s'élèvent à plus de 20 000 logements par an. Par conséquent, la réalisation ne représente qu'environ un tiers du niveau qui serait nécessaire pour faire face aux besoins réels.

Nous ne pouvons donc que constater que, malgré la montée en puissance du dispositif de défiscalisation du logement social, la performance de l'action menée par l'Etat n'est pas suffisante. Cette insuffisance ne résulte pas que du montant de la LBU mais aussi des problèmes de disponibilité du foncier rencontrés en outre-mer. A cet égard, nous attendons avec impatience la mise en oeuvre du dispositif de cession à titre gratuit des terrains de l'Etat en outre-mer.

Le second programme de la mission comporte également les crédits consacrés à la politique de continuité territoriale, réformée par la LODEOM et gérée par LADOM. Je ne reviendrai pas ici sur l'ensemble des conclusions formulées par la Cour des comptes sur cette agence, suite à une demande de contrôle de notre commission des finances. Toutefois, je rappelle que nous nous inquiétons du risque de sous-budgétisation des crédits par rapport aux besoins exprimés par les ultramarins. Il faudra tirer les leçons des réalisations de l'année 2011, première année de mise en oeuvre du nouveau dispositif résultant de la LODEOM.

Enfin, et ce sera ma dernière remarque sur ce programme, les crédits consacrés au Fonds exceptionnel d'investissement ne s'élèveront qu'à 17 millions d'euros en autorisations d'engagement. Ce fonds avait été doté, lors de sa création, en 2009, de 40 millions d'euros. Cette diminution traduit le fait que le fonds n'est plus un outil privilégié d'action de l'Etat en faveur des investissements portés par les collectivités territoriales d'outre-mer.

Pour terminer cette intervention, je vous présente les deux amendements portant articles additionnels que nous cosignons, avec Georges Patient.

Ils visent à étendre l'application des redevances communale et départementale des mines aux gisements off-shore de pétrole et de gaz naturel.

En effet, les groupes Total et Shell ont annoncé, en septembre, avoir découvert un gisement d'hydrocarbures à 150 kilomètres au large de Cayenne. Or, ces redevances ne sont pour l'instant applicables qu'aux gisements situés à moins d'un mille marin des côtés. Il nous semble que la situation financière très tendue des collectivités territoriales de Guyane justifie la perception de ressources fiscales sur ces gisements.

Nous proposons donc de leur appliquer les tarifs déjà applicables pour les exploitations mises en service avant le 1er janvier 1992.

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Pour conclure notre présentation, je voudrais préciser, comme Eric Doligé l'a déjà évoqué au cours de son intervention, que l'Assemblée nationale a adopté un amendement minorant les crédits de la mission de 48 millions d'euros en AE et de 56 millions d'euros en CP. Cette baisse s'inscrit dans le plan de réduction d'un milliard d'euros des dépenses de l'Etat et touche presque l'ensemble des dispositifs de la mission « Outre-mer ».

Je n'étais déjà pas favorable au budget de la mission tel que présenté dans la version initiale du projet de loi de finances. Les modifications apportées à l'Assemblée nationale me confortent dans le souhait de proposer à la commission des finances de rejeter les crédits de la mission.

M. Jean-Claude Frécon, président. - Est-ce l'avis des deux rapporteurs spéciaux ?

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Je ne suis pas tout à fait sur la même position que Georges Patient. Certes, l'Assemblée nationale a réduit les crédits de la mission mais dans une proportion qui me semble acceptable eu égard à l'objectif global de réduction des dépenses d'un milliard d'euros. Et la mission risque de subir un nouveau rabot dans les semaines qui viennent...

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - La commission de l'économie a également préconisé le rejet des crédits de la mission, pour des raisons identiques à celles évoquées par Georges Patient. Certes, il faut que l'outre-mer participe à l'effort national d'amélioration des comptes publics. Il y a d'ailleurs toujours contribué. Mais il faut éviter la « double peine ». Or, toutes les mesures proposées par le Gouvernement s'appliquent déjà dans les départements d'outre-mer. En plus de cet effort, il est proposé de mettre à contribution la mission « Outre-mer », alors que nos territoires connaissent des handicaps qui expliquent les dispositifs spécifiques mis en place pour y remédier. Je rappelle que le PIB par habitant des départements d'outre-mer est d'environ 16 000 euros par habitant alors que celui de la métropole est plus proche de 30 000 euros. Si on pénalise trop l'outre-mer dans cette période de récession économique, les conséquences en seront dramatiques.

J'estime par ailleurs que l'Etat traite l'outre-mer avec beaucoup de désinvolture, de manière générale. Des promesses ont été faites - le CIOM, la création des groupements d'intérêt public indivision, etc. - mais n'ont pas été tenues.

Les mouvements sociaux des départements d'outre-mer en 2009 connaissent aujourd'hui un écho important. Jean Arthuis, lorsqu'il était président de la commission des finances, avait proposé une mesure de contrôle administratif des prix de première nécessité en outre-mer. Or, aucune avancée n'a été faite sur ce sujet.

En conclusion, je considère qu'on ne peut pas accepter ce budget et en demander plus à ceux qui ont moins.

M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - S'agissant du logement social, Eric Doligé a rappelé que la question de la disponibilité du foncier était au coeur des débats. A cause de la spéculation foncière, La Réunion est le seul département français où le foncier est côté en bourse, depuis le 19 mars 2005 ! Près de 3 000 hectares de terrain sont concernés. La cherté du foncier est donc effectivement une question primordiale en outre-mer.

Des dispositifs de défiscalisation, mis en oeuvre sans aucune retenue, se sont ajoutés à ces difficultés. Aujourd'hui, je veux prendre date pour affirmer que l'outre-mer veut être traité comme l'ensemble du territoire français et que les problèmes ne se résoudrons pas par enchantement. Une règle d'équité doit s'appliquer et la solidarité territoriale doit jouer son rôle.

Enfin, je souhaiterais que l'on n'utilise pas le vocable de « continuité territoriale ». Il n'y a aucune continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole ! L'article 50 de la LODEOM a créé des attentes qu'aucun bord politique n'est en mesure de satisfaire et des tensions risquent de se faire jour quand les ultramarins vont comprendre qu'ils ont été bernés. Le dispositif de continuité territoriale de la LODEOM est une usine à gaz qu'il convient d'arrêter !

Mme Michèle André. - Je voudrais revenir sur le processus de départementalisation de Mayotte. Il faut faire un effort financier particulier, notamment en ce qui concerne l'Etat civil. Les besoins sont également très importants en matière d'enseignement scolaire et de protection de l'enfance. Quels sont les efforts menés en cette matière ? Cette question est d'autant plus importante dans le contexte actuel de fortes tensions sociales.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - S'agissant de Mayotte, Marie-Luce Penchard vous le dira, un protocole d'accord devrait être signé dans les jours qui viennent. Le revenu de solidarité active sera mis en place mais il est vrai que des voix s'élèvent pour que sa montée en puissance soit plus rapide que prévu. Entre onze et seize millions d'euros sont déjà prévus dans le projet de loi de finances pour 2012 pour contribuer à son financement.

Vous trouverez dans le rapport une évaluation des efforts financiers consacrés par l'Etat à la départementalisation de Mayotte. On peut citer notamment la dotation de rattrapage de premier équipement, pour 8,7 millions d'euros, la dotation spéciale d'équipement scolaire, de 10 millions d'euros, les crédits du contrat de projet 2008-2013, à hauteur de 40 millions d'euros ou encore le fonds mahorais de développement économique, social et culturel, pour 10 millions d'euros. Ces moyens sont-ils à la hauteur ? C'est un autre problème.

La situation de Mayotte reste très particulière. Si les chiffres qui circulent de 6 000 enfants mineurs sans papiers à prendre en charge à Mayotte s'avèrent exacts, les conséquences financières pourraient être catastrophiques.

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - S'agissant de la réforme de l'Etat civil à Mayotte, selon les chiffres transmis par le Gouvernement, en dix ans d'existence, la commission de révision de l'Etat civil a rendu 85 000 décisions qui ont permis l'édition de 240 000 actes. Au 30 septembre 2011, il restait 2 400 décisions à rédiger, 600 décisions à radier par les rapporteurs et 4 974 décisions en attente de signature par les magistrats. Enfin, 14 350 décisions sont en attente de notification, soit 61 000 actes à éditer.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Je suis d'accord avec nos collègues, la défiscalisation a connu des excès. A titre d'exemple, je pourrais citer, dans mon département, une société de défiscalisation qui est venue, avec l'apport financier de 4 000 clients, acheter un château grâce à un tel dispositif.

Le problème des majorations de traitement des fonctionnaires en outre-mer me paraît devoir être abordé. Il explique certainement pourquoi les prix des terrains sont si élevés. Les sociétés ultramarines sont en effet caractérisées par des écarts de richesse très importants entre des personnes aisées et des populations particulièrement défavorisées.

M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis. - La défiscalisation est une maladie. Mais les maladies se soignent en général. Nous avons besoin d'une régulation de la défiscalisation, qui a trop longtemps connu des déviances avec l'accord tacite des autorités. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Je rappelle qu'à La Réunion, le taux de chômage s'élève à 30 % et que 10 % de la population bénéficie du RSA.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - La commission des finances n'est pas par principe contre la défiscalisation. Mais il faut être en capacité d'évaluer ses conséquences. Le rapport « Guillaume » est un premier élément de réponse et le travail d'évaluation doit continuer.

Nous savons que ces dispositifs ont donné lieu à beaucoup d'optimisation fiscale et que ce sont essentiellement les grands groupes, bien conseillés, qui peuvent le mieux mettre en oeuvre cette optimisation.

Une évaluation objective des effets des dépenses fiscales est encore plus nécessaire dans le contexte actuel des finances publiques.

M. Jean Arthuis. - La question de l'évaluation de la défiscalisation en outre-mer est un sujet tabou. On entend des suppliques et des surenchères à ce sujet alors qu'aucune évaluation n'est opérée. Je pense que l'argent public a été gaspillé et qu'il est extrêmement urgent de revoir ces dispositifs qui coûtent très cher.

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Si nous parlons autant de la défiscalisation, c'est qu'elle a constitué un outil privilégié de l'Etat pour agir en outre-mer, par facilité. Je suis d'accord avec les propos qui viennent d'être tenus mais il faut trouver des solutions palliatives pour ne pas pénaliser excessivement l'outre-mer.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Je voudrais indiquer qu'il faudra peut-être modifier nos amendements pour prendre en compte la création, à compter de 2014, d'une collectivité unique en Guyane.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Outre-mer » et, à l'unanimité, l'adoption des deux amendements proposés par MM. Georges Patient et Eric Doligé, rapporteurs spéciaux, tendant à insérer deux articles additionnels après l'article 52 ter du projet de loi de finances pour 2012.