Mercredi 7 décembre 2011

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Evolution du contexte stratégique depuis 2008 : place et rôle de la France au sein de l'OTAN et au regard de l'Europe de la défense - Communication

La commission entend une communication de Mme Leila Aïchi, MM. Jean-Marie Bockel, Didier Boulaud et Jacques Gautier, membres du groupe de réflexion sur l'évolution du contexte stratégique depuis 2008 : la place et le rôle de la France au sein de l'OTAN et au regard de l'Europe de la défense.

Mme Leila Aïchi, membre du groupe de réflexion. - Nous allons vous présenter les conclusions du groupe de travail de notre commission consacré aux alliances, qui a concentré ses réflexions sur la place de la France dans l'OTAN et l'Europe de la défense. Sur l'ONU, je vous renvoie au compte rendu de nos collègues MM. Robert del Picchia, Robert Hue, Jean-Marc Pastor et Gilbert Roger, devant la commission le 16 novembre dernier, de la 66e session de l'assemblée générale des Nations unies.

Le 15 novembre dernier, nous avons rencontré à Bruxelles les principaux responsables chargés des questions de sécurité et de défense au sein de l'Union européenne et de l'OTAN : M. Pierre Vimont, Secrétaire général du Service européen pour l'action extérieure, M. Jean-Louis Falconi, représentant permanent de la France auprès du comité politique et de sécurité de l'Union européenne, Mme Claude-France Arnould, directeur exécutif de l'Agence européenne de défense (AED), et le général Yves de Kermabon, ancien commandant de la KFOR et d'Eulex au Kosovo, chargé d'une réflexion sur la gestion civile des crises au sein du Service européen pour l'action extérieur. Au siège de l'OTAN, nous avons entendu M. Philippe Errera, représentant permanent de la France auprès de l'OTAN, M. Claudio Bisognerio, secrétaire général adjoint, Mme Leslie Mariot, représentant permanent du Royaume-Uni et M. Ivo Daalder, représentant permanent des États-Unis. Enfin, le 28 novembre, nous avons auditionné au Sénat l'Amiral Xavier Païtard, chef de la mission militaire de la France auprès de l'Union européenne et de l'OTAN.

Quels sont les principaux enseignements qui ressortent de ces entretiens ?

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, qui consacre de longs développements à l'Europe de la défense et à l'Alliance atlantique, prônait la réintégration pleine et entière de la France au sein des structures intégrées de l'OTAN. En août 2007, Nicolas Sarkozy déclarait souhaiter « avancer de front vers le renforcement de l'Europe de la défense et vers la rénovation de l'OTAN et donc de sa relation avec la France. Les deux vont ensemble. Une Europe de la défense indépendante et une organisation atlantique où nous prendrions toute notre place ».

Si le Livre blanc de 2008 met l'ambition européenne au premier plan, il préconise parallèlement une « rénovation atlantique » : redéfinition des missions de l'Alliance et meilleur partage des responsabilités entre Américains et Européens. C'est dans ce contexte que Nicolas Sarkozy a soutenu une présence française accrue dans les structures de commandement, l'engagement de la France dans l'OTAN, n'ayant « pas de limites a priori, dès lors que seront sauvegardées l'indépendance de nos forces nucléaires, la liberté d'appréciation de nos autorités et la liberté de décision sur l'engagement de nos forces ».

La réintégration pleine et entière de la France au sein des organes de l'OTAN, contestée par la gauche, a été annoncée par le Président de la République lors du Sommet de Strasbourg-Kehl en avril 2009. Concrètement, le nombre d'officiers français au sein des structures de l'Alliance atlantique a fortement augmenté, pour atteindre 900 aujourd'hui. Aux dires du Président de la République, ce retour était censé permettre et s'accompagner d'une relance de l'Europe de la défense. Force est de constater que tel n'a pas été le cas.

M. Didier Boulaud, membre du groupe de réflexion. - Le Livre blanc de 2008 a fait de l'Europe de la défense l'une de ses priorités. Depuis le sommet franco-britannique de Saint-Malo en 1998, la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) a connu certains progrès : mise en place de nouvelles structures, comme le comité politique et de sécurité, l'état-major européen et le comité militaire européen, création de l'Agence européenne de défense (AED), lancement de plusieurs opérations, comme l'opération Atalanta contre la piraterie maritime dans le Golfe d'Aden. Le traité de Lisbonne a créé le poste de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, confié à Mme Catherine Ashton, et le Service européen pour l'action extérieure, dont la mise en place s'avère toutefois laborieuse, introduit une clause de défense mutuelle, permis les coopérations renforcées ou la coopération structurée permanente.

Le retour plein et entier de la France au sein des structures de commandement de l'OTAN visait surtout à lever les réticences de nos partenaires, européens et américains, qui nous soupçonnaient de vouloir construire l'Europe de la défense contre l'OTAN. Il devait également favoriser l'émergence de l'Europe de la défense. Or, comme l'a souligné le chef d'État-major des armées, l'Europe de la défense est aujourd'hui « en hibernation ». Vue optimiste, qui suppose qu'elle se réveillera un jour...

L'Union européenne a été totalement absente d'un conflit à sa proximité immédiate, en Libye, exactement comme elle l'avait été quinze ans plus tôt dans les Balkans. Ses États membres sont apparus profondément divisés : d'un côté, la France et le Royaume-Uni, favorables à une intervention ; de l'autre, l'Allemagne, hostile. Ni le Haut représentant, ni le Service extérieur, ne sont parvenus à aplanir les divergences. L'Union n'a même pas été capable de lancer une opération pour la surveillance de l'embargo maritime sur les armes, le Royaume-Uni, bien que favorable à l'intervention en Libye, étant fortement opposé à une opération de l'Union européenne.

La Pologne ayant érigé l'Europe de la défense en priorité de sa présidence de l'Union européenne au deuxième semestre 2011, la France a fait, avec l'Allemagne et la Pologne, dans le cadre du triangle de Weimar, des propositions concrètes en décembre 2010, soutenues par l'Espagne et l'Italie. Aucune n'a débouché sur de véritables avancées. Le Royaume-Uni oppose son véto au renforcement des capacités européennes de planification et de conduite des opérations, pourtant indispensable pour lancer rapidement une opération, comme on a pu le voir lors de l'intervention au Tchad, considérant qu'un quartier général européen permanent dupliquerait celui de l'OTAN.

Je vous renvoie au compte rendu du dernier Conseil des ministres de la défense de l'Union européenne, qui s'est tenu les 30 novembre et 1er décembre derniers à Bruxelles. Après de longues discussions, les partisans d'un quartier général permanent, à savoir l'Allemagne, la France, la Pologne, rejoints par l'Italie et l'Espagne, ont finalement obtenu un lot de consolation. Le Royaume-Uni a accepté, à condition qu'il ne soit ni systématique, ni permanent, l'activation à partir du mois de janvier du centre d'opération de Bruxelles, localisé au même endroit que l'état-major de l'Union européenne, chargé de la pré-planification des opérations. On est loin toutefois d'un quartier général permanent. Si certains diplomates y voient une première étape, j'y vois plutôt un point final à la discussion : circulez, il n'y a rien à voir...

De même, la Grande-Bretagne refuse toute augmentation du budget de l'Agence européenne de la défense, qui n'est pourtant que de 30 millions pour 27 Etats membres, à comparer aux 300 millions de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAr), qui ne compte pourtant que six membres.

Difficile de lancer de nouveaux programmes d'équipements quand la plupart de nos partenaires européens diminuent leur budget défense. Les résultats de l'initiative de partage et de mutualisation des capacités pilotée par l'AED déçoivent. Faute de financement, les mutualisations portent davantage sur le soutien ou la formation, comme par exemple le soutien médical ou la formation des pilotes d'hélicoptères, que sur les équipements. Les expériences des coopérations européennes, à l'instar de l'A400M, ne sont guère encourageantes.

L'amélioration des relations entre l'Union européenne et l'OTAN se heurte toujours au blocage de la Turquie et de la Grèce sur Chypre.

Les groupements tactiques n'ont à ce jour jamais été utilisés.

Enfin, l'Union européenne peine à prolonger le mandat de ses opérations ou à en lancer de nouvelles. L'opération Atalanta manque de navires et les armateurs font de plus en plus appel à des sociétés militaires privées. Le lancement d'opérations dans la Corne de l'Afrique, au Sud Soudan, en Libye ou au Sahel, zone pourtant stratégique pour notre sécurité, est au point mort. Enfin, il ne faut pas sous-estimer la lassitude des opinions publiques, notamment à l'égard de l'intervention en Afghanistan et la remise en cause, dans de nombreuses sociétés européennes, de l'idée même du recours à la force. Les responsables européens mettent désormais davantage l'accent sur la gestion civile des crises, abandonnant l'action militaire à l'OTAN.

En définitive, le retour plein et entier de la France au sein de l'OTAN ne s'est pas traduit par des avancées de la PSDC. Au contraire, conjugué aux accords franco-britanniques, il a été perçu, notamment par les Allemands et les Italiens, comme un renoncement de la France au projet d'une Europe de la défense crédible et autonome. Le Royaume-Uni continue de s'opposer à tout progrès de la PSDC. Son veto tient à l'hostilité des conservateurs britanniques à toute idée de défense européenne, et à leur attachement viscéral à l'Alliance atlantique. Le programme du parti conservateur prévoyait même la sortie de l'AED : « good idea, wrong place » avait dit l'ancien ministre de la défense, M. Liam Fox. Les libéraux démocrates s'y sont heureusement opposés.

Il manque aujourd'hui à l'Union un moteur et une volonté politique pour progresser sur ces questions. La crise budgétaire renforce l'inhibition. Or, la détermination de notre pays pour entraîner nos partenaires me semble plus faible qu'auparavant.

M. Jacques Gautier, membre du groupe de réflexion. - Notre collègue M. Didier Boulaud vous a présenté le verre à moitié vide ; je le vois, moi, à moitié plein. C'est principalement la crise économique et financière, avec ses implications budgétaires, qui explique, à mon sens, la panne actuelle de l'Europe de la défense. Comme « on fait de la peinture avec des peintres », force est de reconnaître qu'on ne fera pas une défense européenne sans la France et le Royaume-Uni, d'où l'importance des accords franco-britanniques.

La réintégration pleine et entière de la France a renforcé notre influence au sein de l'Alliance atlantique, comme nous l'ont confirmé tous nos interlocuteurs au siège de l'OTAN. L'Amiral Di Paola, ancien président du comité militaire de l'OTAN et actuel ministre de la défense italien, que nous avions reçu au Sénat, a estimé que la voix de la France en a été renforcée à tous les niveaux. Notre pays a ainsi influé sur la définition du nouveau concept stratégique de l'Alliance atlantique, adopté en novembre 2010 lors du sommet de Lisbonne. La France avait fait inscrire dans les conclusions que la défense anti-missiles de l'OTAN était un complément et non un substitut à la dissuasion nucléaire, et qu'elle devrait se faire en coopération avec la Russie. La France a également obtenu le commandement allié chargé de la transformation (ACT), confié au général Abrial, qui est au premier plan dans la mutualisation des capacités. C'est une source d'économies importantes. Nous jouons un rôle majeur dans la réforme de l'organisation de l'OTAN : l'expérience libyenne en a montré toute la pertinence.

Surtout, sans cette réintégration, la France et le Royaume-Uni n'auraient pas pu jouer le rôle majeur qui a été le leur lors de l'intervention de l'OTAN en Libye. La présence d'officiers français au sein des états-majors nous a permis d'exercer une forte influence, tant politique qu'opérationnelle. L'opération a été un succès, avec la chute du régime de Kadhafi, aucune perte militaire et des dégâts collatéraux très limités. Surtout, elle marque l'émergence d'un pôle européen au sein de l'OTAN, idée que la France défend depuis soixante ans. Pour la première fois, les Etats-Unis sont restés en retrait, laissant les pays européens en première ligne, même s'ils ont apporté un soutien indispensable. L'opération libyenne a mis en lumière les lacunes capacitaires des pays européens en matière de ravitaillement en vol, de moyens de surveillance, de renseignement, de drones - sujet sur lequel nous avons adopté un amendement lors du débat budgétaire.

Longtemps, les États-Unis ont été réticents à l'émergence d'une identité européenne au sein de l'Alliance atlantique. « Non duplication, non discrimination, non découplage », telle était la position américaine, résumée par Mme Albright. Aujourd'hui, l'ancien secrétaire d'Etat américain à la défense, Robert Gates et son successeur Leon Panetta, appellent les Européens à prendre leurs responsabilités pour assurer leur propre sécurité. Les Etats-Unis se concentrent sur le Pacifique et la montée en puissance de la Chine, et reconsidèrent leur présence militaire en Europe. La perspective d'une forte diminution du budget de la défense des Etats-Unis - de 500 à 1 000 milliards de dollars sur les dix prochaines années - aura également des conséquences pour l'Europe.

Face à cette situation, loin de se doter des capacités nécessaires, la plupart de nos partenaires européens réduisent drastiquement leur budget de défense. Seuls la France, le Royaume-Uni et la Grèce consacrent 2 % ou plus de leur PIB à la défense ; dix-sept pays y consacrent moins de 1,5 %. L'Allemagne, qui est à 1,4 %, s'est lancée dans une profonde réforme de son outil de défense : elle compte faire en trois ans ce que nous avons fait en quinze ! L'effort de défense va encore y diminuer de 15 %. Aux Pays-Bas ou en République tchèque, la baisse est telle que l'on s'interroge sur l'avenir même de leur défense.

Dès lors, on comprend la réticence de nos partenaires à lancer en commun de nouveaux programmes capacitaires, et leur choix de privilégier l'achat « sur étagère » d'équipements américains. La mutualisation des capacités, prônée par le Secrétaire général de l'OTAN dans le cadre de son concept de Smart defense, se résume souvent à un partage des coûts de maintien en condition opérationnelle des équipements américains. Le programme Alliance Ground Surveillance (AGS) reviendrait ainsi à faire supporter par les 28 pays de l'Alliance les coûts de maintenance des drones HALE de haute altitude américains, les Global Hawk, acquis par 13 pays de l'OTAN mais pas par la France, qui contribuerait toutefois à hauteur de 214 millions... Lors du Sommet de Chicago, en mai, les Etats-Unis appelleront les Européens à maintenir leur effort de défense. Attention à ce que cet appel ne se traduise pas par des financements communs, voire par une spécialisation des pays européens évoquée par certains think tanks, qui nous rendrait encore plus dépendants des américains.

Enfin, lors du Sommet de Lisbonne, il a été décidé d'engager l'OTAN dans une défense anti-missile. L'Europe aura-t-elle la volonté d'assurer elle-même la protection de son territoire et de ses populations ou souhaitera-t-elle s'en remettre aux États-Unis ? L'architecture du futur système de commandement et de contrôle sera centrale : qui appuiera sur le bouton, et dans quelles circonstances ? Étant donné l'absence de moyens des Européens, on peut avoir quelques inquiétudes sur leur place au sein du futur système.

M. Jean-Marie Bockel, membre du groupe de réflexion. - Le 2 novembre 2010, plus de dix ans après le sommet de Saint-Malo, ont été signés à Londres deux accords historiques entre la France et le Royaume-Uni : un traité bilatéral d'amitié et de coopération en matière de défense et de sécurité et un accord en matière nucléaire. Il a été question de coopération opérationnelle, de partage ou de mutualisation d'équipements et d'actions de formation ou de soutien, de coopération en matière de recherche et d'armement, de rapprochements dans l'industrie.

Comme toujours avec nos amis britanniques, c'est un mariage de raison plus que d'amour, mais, après tout, il y en a beaucoup d'heureux. Entre la France et Royaume-Uni, les facteurs de convergence sont nombreux. Leur effort de défense, le volume de leurs forces, la gamme de leurs capacités opérationnelles et industrielles en font les deux plus importantes puissances militaires en Europe. Membres permanents du Conseil de sécurité, ils sont les seuls en Europe à disposer de l'arme nucléaire et entendent maintenir un outil de défense à la mesure de leurs responsabilités internationales.

Il s'agit, avec pragmatisme, d'optimiser les investissements et les capacités de défense, dans le respect de la souveraineté et des intérêts nationaux de chaque partenaire. Cette démarche entend également servir d'exemple à l'échelle européenne, à l'heure où l'effort de défense fléchit en Europe.

Le Royaume-Uni réduira de 8 % son budget de défense d'ici 2015, avec pour conséquences le retrait de son porte-avions et un trou capacitaire sur l'aviation embarquée jusqu'en 2020, la renonciation à l'aviation de patrouille maritime, la réduction de format de la flotte de surface, de l'aviation et des forces terrestres.

Les objectifs de coopération identifiés portent sur un nombre limité de domaines d'intérêt majeur pour l'un et l'autre pays : la dissuasion nucléaire, les systèmes de combat sous-marins, les satellites de télécommunications et les drones d'observation et de combat.

British Aerospace et Dassault ont déjà établi une proposition commune pour un drone d'observation franco-britannique à l'horizon 2020. Ce rapprochement est indispensable si l'on veut un appareil européen dans la prochaine génération d'avions de combat. La consolidation entre les entités française et britannique de MBDA est également déterminante pour pérenniser une présence européenne dans le domaine très concurrentiel des missiles.

L'impulsion politique devra être maintenue dans la durée. C'est pourquoi le traité de coopération a prévu une structure de pilotage au plus haut niveau, avec le chef d'état-major particulier et le conseiller diplomatique du Président de la République et le conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre britannique. À l'échelon inférieur : le groupe de travail de haut niveau, avec le DGA et le secrétaire d'Etat à l'équipement britannique, et, pour les aspects opérationnels, la réunion des deux chefs d'état-major des armées. Le président de Rohan avait souhaité un suivi parlementaire franco-britannique, sous la forme d'un groupe de travail qui doit tenir sa prochaine réunion le 13 décembre.

Certains ont opposé ce renforcement de la coopération bilatérale et l'avenir de l'Europe de la défense.

Premièrement, la France et le Royaume-Uni sont les seuls pays européens à disposer de toute la gamme des capacités militaires. Leur statut international, les relations qu'ils entretiennent sur tous les continents les amènent à jouer un rôle de premier plan en matière de sécurité internationale, on l'a vu en Libye. Il est évident qu'un effritement des capacités militaires françaises et britanniques nuirait à la défense européenne dans son ensemble. En cherchant à optimiser leurs moyens et à préserver leurs capacités, les deux pays obéissent à leurs intérêts nationaux, mais ils contribuent aussi à maintenir une contribution européenne significative dans l'OTAN et une base solide pour les opérations de la PSDC. On a trop souvent regretté que le Royaume-Uni ne se tourne pas suffisamment vers l'Europe pour lui reprocher aujourd'hui une coopération renforcée avec la France.

Deuxièmement, la coopération franco-britannique n'interdit pas la participation d'autres pays européens aux projets dédiés en commun, dès lors qu'ils partagent les mêmes objectifs. Elle n'exclut pas non plus d'autres domaines de coopérations potentielles. Ainsi, dans le domaine spatial, la coopération porte sur les satellites de télécommunications, mais le Royaume-Uni n'est pas impliqué dans les satellites d'observation, qui font l'objet d'une coopération avec d'autres pays. Idem pour la lutte sous-marine contre les mines, domaine d'expertise des Allemands.

Cette coopération réaliste, montrée en exemple par plusieurs responsables étrangers, témoigne que des partages de capacités ou des dépendances mutuelles sont envisageables. Il serait souhaitable que d'autres groupes de pays s'engagent sur la même voie. Je pense à l'Italie, l'Espagne, la Suède ou la Pologne. Dans le contexte actuel, il est crucial de maintenir une base industrielle de défense européenne. C'est pourquoi cette coopération, bien que bilatérale, me paraît incontestablement utile pour l'Europe de la défense, à condition qu'elle reste ouverte aux pays européens, et en particulier à l'Allemagne. Le monde bouge très vite : ne fermons pas la porte à des évolutions.

Mme Leila Aïchi, membre du groupe de réflexion. - Je conclurai avec nos quatre principales recommandations.

- À la lumière de l'opération en Libye et de la nouvelle attitude des États-Unis, notre pays devrait poursuivre ses efforts pour favoriser l'émergence d'un pôle européen au sein de l'OTAN, en encourageant notamment le développement de la coopération entre l'OTAN et l'Union européenne, afin de rééquilibrer l'Alliance atlantique et renforcer le poids politique des Européens face aux Etats-Unis au sein de l'organisation.

- Si la poursuite du renforcement de la coopération bilatérale avec le Royaume-Uni en matière de défense apparaît indispensable, il est important que cette coopération ne soit pas être exclusive de la participation d'autres partenaires européens aux projets décidés en commun, dès lors qu'ils partagent les mêmes objectifs;

- La France devrait continuer d'oeuvrer en faveur d'une politique de sécurité et de défense de l'Union européenne crédible et autonome, par le renforcement des capacités européennes de planification et de conduite des opérations, l'augmentation des moyens de l'Agence européenne de défense, le partage et la mutualisation des capacités pour préserver la base industrielle de défense européenne, la poursuite des opérations de l'Union européenne et le lancement de nouvelles, par exemple au Sahel. Ce sont les orientations du groupe de Weimar. Les deux démarches sont complémentaires et non exclusives l'une de l'autre.

- Enfin, la France pourrait proposer l'élaboration d'un Libre blanc de l'Union européenne sur la défense et la sécurité, afin de définir en commun nos zones d'intérêts et nos besoins capacitaires. Dans un contexte de forte diminution des budgets militaires et compte tenu du désengagement progressif des États-Unis, il est indispensable de renforcer la coopération et l'intégration européenne sur les questions de défense et de sécurité, afin que l'Europe reste un acteur crédible sur la scène internationale.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous entendrons mardi et mercredi prochains les rapports des autres ateliers. C'est une bonne méthode. La révision du Livre blanc entraînera celle de la loi de programmation ; l'outil de défense doit être sanctuarisé, même en période de crise, d'autant qu'il concourt à résoudre en partie notre endettement.

M. Didier Boulaud. -Nous étions récemment à Washington, dans le cadre du Forum transatlantique de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Le discours des Américains est clair : à l'Europe de désormais supporter le fardeau.

Nous avons été frappés, avec M. Xavier Pintat et Mme Nathalie Goulet, par l'exposé de M. Robert S. Litwak, grand spécialiste américain de l'Iran. À l'évidence, les Américains sont en train de réactualiser leur position sur l'Iran, estimant que le danger vient surtout de Corée du Nord et du Pakistan. Il nous faudra en tenir compte dans notre réflexion sur la défense anti-missile. Il serait utile d'inviter ce conférencier à évoquer ce sujet devant notre commission.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je réponds : oui.

M. Jean Besson. - Le triangle de Weimar, soutenu par l'Espagne et l'Italie, est un moyen de créer un noyau dur avec l'Allemagne et la Pologne. Cette dernière, après cinquante ans de dictature soviétique et à la suite de notre attitude en 1939, est très attachée à l'alliance américaine. Nous devons mieux associer ce pays, qui possède une armée non négligeable.

Mme Hélène Conway Mouret. - Je félicite les rapporteurs pour leur travail.

Quel rôle jouera l'Alliance atlantique en Libye après la fin de l'intervention ?

Mme Madeleine Albright a présidé un groupe d'experts sur le nouveau concept stratégique de l'OTAN, qui a conclu que les menaces les plus probables seraient de nature non conventionnelle. Une réflexion similaire est-elle menée au niveau européen ? Si oui, quelles en sont les conclusions ? Envisage-t-on un partenariat entre l'Union européenne et l'OTAN sur ce type de menaces ?

M. Didier Boulaud. - Le groupe de travail présidé par Mme Madeleine Albright, auquel participait M. Bruno Racine pour la France, était informel. Il était chargé de réfléchir en amont à l'évolution du concept stratégique de l'Alliance à la veille du sommet de Lisbonne. M. Rasmussen, le secrétaire général de l'OTAN, n'était pas lié par ses conclusions. À ma connaissance, aucune réflexion de ce type n'est menée au niveau européen. Peut-être est-ce une suggestion à faire à Mme Ashton ?

- Présidence de M. Didier Boulaud, président -

M. Jacques Gautier. - L'OTAN prépare la transition en Afghanistan en 2014, mais ne prévoit aucun suivi en Libye après la fin des opérations militaires. Une réflexion est en cours au sein de l'Union européenne sur la sécurisation des frontières, la formation et l'accompagnement des forces de sécurité, qui doit toutefois être validée par les Nations unies et le Conseil national de transition libyen (CNT).

M. Joël Guerriau. - Installée durablement à Chypre, l'OTAN assure la paix dans un pays coupé en deux, victime de l'exode rural. Pourrait-on imaginer un rapprochement entre l'Union européenne et l'OTAN pour négocier avec la Turquie et sortir de cette situation ?

M. Didier Boulaud, président. - Ce n'est pas l'OTAN mais l'ONU qui assure la sécurité entre les deux parties du territoire. Chypre est membre de l'Union européenne mais pas de l'OTAN ; la Turquie, membre de l'OTAN mais pas de l'Union, d'où des blocages réciproques. C'est, si j'ose dire, le talon d'Achille de la construction européenne. Attention à ne pas reproduire ce type de situation au sein de l'Union, par exemple en intégrant la Serbie et le Kosovo alors que leur conflit n'est pas réglé...

Je ne sais pas comment la situation va évoluer à Chypre. Je précise enfin que les Britanniques y possèdent toujours deux bases militaires souveraines.

M. Michel Boutant. - Depuis 1998, nous entendons parler d'un nouveau sommet franco-britannique sur les questions de défense, mais nous ne voyons rien venir. En savez-vous plus ?

M. Jean-Marie Bockel. - La réunion prévue le 2 décembre a été reportée pour cause de crise de l'euro. Ce n'est sans doute que partie remise : il faudrait en effet un temps fort de ce type pour relancer la dynamique.

M. Jacques Gautier. - Hier, M. Gérard Longuet a annoncé à M. Daniel Reiner et à moi-même qu'il rencontrerait son homologue britannique en février. Sur la question du drone MALE, les Britanniques ont confirmé au ministre que malgré la coopération entre Dassault et BAE Systems, ils procèderaient le moment venu à une mise en concurrence internationale, ouverte aux Américains, et achèteraient le meilleur produit au meilleur prix.

M. Jean Besson. - Mieux vaut le triangle de Weimar que la perfide Albion !

M. Jacques Gautier. - Weimar n'a pas d'argent...

M. Didier Boulaud, président. - Nous sommes pris au piège de la situation financière. Les divergences avec les Britanniques sur l'euro ne facilitent pas les discussions, d'autant que l'euroscepticisme prospère dans le camp de David Cameron.

M. Daniel Reiner. - Nous participons activement à la réflexion confiée par le Président de la République au Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.

Nous sommes tous d'accord avec les conclusions présentées par Mme Aïchi, qui sont largement inspirées par celles du Livre blanc de 2008. Depuis, nous avons vu ce qui marchait bien, et moins bien. Rien ne sert de sauter comme le cabri historique en invoquant l'Europe de la défense quand le budget de l'AED atteint péniblement 30 millions !

Comment réorganiser la base industrielle de défense européenne s'il n'y a pas d'équipements ? Il faut lui fournir de la matière, des programmes, pour espérer voir les entreprises se regrouper. Il faudrait dresser une liste des programmes sur lesquels une action européenne serait possible : le drone franco-britannique, auquel les Allemands souhaiteraient paraît-il se rallier...

M. Jacques Gautier. - Ce n'est plus ce que l'on me disait ce midi...

M. Daniel Reiner. - Mettons donc le sujet clairement à l'ordre du jour. Idem pour le ravitaillement en vol.

Il faut s'appuyer sur les coopérations réussies pour créer un effet d'entraînement. L'obligation de faire des économies dans les budgets nationaux pousse à la mutualisation. Il ne faut s'appuyer que sur les succès. Les opérations lourdes, comme l'A400, qui a vu délais et coûts exploser, ou l'hélicoptère de combat, n'en sont pas.

Afin de contribuer de façon tangible à la réflexion sur l'Europe de la défense, nous envisageons d'énumérer dans le prochain Livre blanc, d'une part des objectifs opérationnels qui pourraient fixés en matière d'organisation de troupes dans les prolongement de ce qui existe déjà par exemple au travers des battle groups et, d'autre part, des projets concrets en matière d'équipements.

M. Didier Boulaud, président. - L'un des intérêts de notre rapport est de présenter au pouvoir exécutif, auquel il revient de prendre des décisions, des propositions claires et classées selon un ordre de priorité.

Si ce rapport fait largement référence à l'accord franco-britannique, c'est que ce dernier présente le grand mérite d'exister, et que l'une des misions de la France doit être de le renforcer et associer d'autres partenaires à ce type de démarche. Je pense en particulier qu'il nous revient d'éviter que l'Allemagne ne s'éloigne par trop, étant donné que ce pays se trouve dans une situation très singulière devant réaliser en trois ans les réformes que nous avons mis quinze ans à accomplir.

J'observe d'ailleurs que les Allemands reviennent dans les réunions de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN ou du forum transatlantique dans lesquels ils étaient moins présents au cours de la période récente, notamment du fait que certains parlementaires intéressés par le sujet tel que Markus Meckel n'étaient plus en activité.

Je me félicite de ce regain d'intérêt, notant qu'une réunion parlementaire franco-allemande consacrée aux questions de défense se tiendra très prochainement à Paris faisant suite à la réunion de Berlin.

La France a incontestablement un rôle moteur à jouer dans la construction de cette Europe de la défense, en priorité ave les Britanniques et les Allemands, voire avec les Polonais, même s'ils n'ont pas le même niveau de réflexion stratégique.

M. Daniel Reiner. - En tous cas, ils sont volontaires.

M. Jacques Gautier. - Je voudrais attirer votre attention sur le message qui nous a été passé à Londres, selon lequel nos partenaires britanniques sont moins à l'aise avec l'expression « Europe de la défense » qu'avec celle de « défense de l'Europe », perspective dans laquelle ils se situent plus naturellement, du fait notamment du désengagement américain. C'est une précision de langage qui peut être utile.

Plates-formes d'enchères communes et instance de surveillance des enchères - Examen du rapport et des textes de la commission

Puis la commission examine le rapport de M. Didier Boulaud sur :

- le projet de loi n° 152 (2011-2012) autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication de plates-formes d'enchères communes ;

- le projet de loi n° 153 (2011-2012) autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d'une instance de surveillance des enchères.

M. Didier Boulaud, rapporteur - Notre commission est saisie de deux projets de loi de ratification concernant le système européen d'échanges de quotas d'émission de gaz à effet de serre, adoptés en conseil des ministres le 30 novembre.

Il s'agit de deux accords de passation conjointe de marché en vue de la désignation de plates-formes communes d'enchères de quotas d'une part, et de la désignation par adjudication, d'autre part, d'une instance de surveillance des enchères, signés par la Commission européenne et les États membres le 9 novembre.

Alors que la Commission et tous les autres États membres, à l'exception de l'Espagne, considèrent ces documents comme des contrats, et n'entreprennent aucune procédure de ratification, le Conseil d'État a considéré, à l'inverse, qu'il s'agit d'accords internationaux aux termes de l'article 53 de la Constitution devant, en conséquence, être ratifiés par le Parlement dans la mesure où ils comportent des dispositions relevant du domaine législatif.

Rappelons tout d'abord que, dans le cadre de la mise en oeuvre des accords de Kyoto, l'Union européenne s'est fixé un objectif de réduction du niveau global d'émission des gaz à effet de serre de 20 % entre 1990 et 2020. A cette fin, les États membres ont, par une directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003, établi un mécanisme de politique publique spécifique et assez novateur : le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SCEQE). Entré en vigueur en 2005, ce système couvre environ 50 % des émissions de dioxyde de carbone de l'Union européenne, constituant ainsi le plus important marché carbone au monde.

Or, le SCEQE devrait connaître de profondes mutations lors de son entrée en phase III au 1er janvier 2013, puisqu'outre une extension du marché par l'inclusion de nouveaux secteurs tel que le transport aérien, son périmètre sera étendu par l'assujettissement de nouveaux gaz en sus du dioxyde de carbone et, surtout, les quotas seront en principe attribués par les États membres au moyen de ventes aux enchères, alors qu'aujourd'hui 96 % d'entre eux sont alloués à titre gratuit.

Toutefois, pour éviter les délocalisations d'activités motivées par le coût européen du carbone au sein de l'Union européenne, ce principe général admet des exceptions substantielles, 50 % des quotas continuant à être alloués gratuitement.

D'un point de vue financier, la mise aux enchères permettra aux États membres de percevoir une recette supplémentaire. Compte tenu des allocations gratuites, ce sont environ 1 milliard de tonnes qui seront mises aux enchères dans l'Union européenne en 2013, dont 60 millions par la France, soit un montant de recettes attendu d'environ 500 millions d'euros sur la base du cours actuel de 8 euros la tonne.

Pour faciliter la transition entre les phases II et III, il a été décidé de mettre 120 millions de quotas de phase III, et 30 millions de quotas aériens aux enchères de façon anticipée, ce qui signifie que l'infrastructure européenne de mise aux enchères devra être opérationnelle dès le deuxième semestre 2012.

A cette fin, la Commission a adopté le règlement n° 1031/2010 du 12 novembre 2010 relatif au calendrier, à la gestion et aux autres aspects de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre, définissant le fonctionnement des plates-formes d'enchères et établissant une instance de surveillance.

Ce texte prévoit la désignation d'une plate-forme commune d'enchères par les États membres, tout en laissant ouverte la possibilité d'opter pour des plates-formes nationales, ce qu'ont retenu les principaux émetteurs de gaz à effet de serre de l'Union européenne que sont l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la Pologne.

La France, quant à elle, a choisi d'utiliser la plate-forme commune, parce que susceptible de s'avérer moins coûteuse pour chaque pays participant. Cette situation n'est pas pénalisante pour les opérateurs français sur le marché secondaire, comme Bluenext, qui pourront se porter candidats au marché pour les plates-formes communes, comme aux compétitions qui seront organisées par les États non signataires pour désigner les opérateurs de leur plate-forme nationale.

Quant à l'instance de surveillance, elle prend la forme d'une entité indépendante chargée de la totalité des enchères de quotas réalisées sur l'ensemble des plates-formes ; elle sera à ce titre chargée du contrôle de chacune des opérations.

Pour la mise en oeuvre de ce règlement, la Commission et les États membres ont conclu les accords déterminant les règles de procédure et les modalités pratiques de coopération entre les États membres participants et la Commission européenne. Aux termes de ceux-ci, la Commission agit en quelque sorte comme un mandataire des États membres chargé de conduire la procédure.

Son mandat est encadré par un comité directeur de passation conjointe de marché, composé des représentants de chaque partie contractante, auquel seront soumises pour approbation les principales décisions. Des comités de gestion des marchés, d'une part, et d'évaluation, d'autre part, composés des membres présentés par les États membres et désignés par la Commission, sont, en outre, chargés, pour le premier de superviser la mise en oeuvre du marché et son exécution, pour le second de l'évaluation des offres.

Le Titre V de l'accord sur les plates-formes d'enchères communes définit les modalités d'association à la démarche des États ayant opté pour des plates-formes nationales, soit comme membre des comités de gestion et d'évaluation, soit comme observateur au sein du comité directeur, l'objectif étant d'assurer la plus grande cohérence possible au sein de l'ensemble du système d'enchères.

Les accords contiennent aussi des dispositions communes finales dont certaines ont attiré mon attention.

Tout d'abord, les accords créent un régime de responsabilité non contractuelle, en ce qu'ils prévoient l'indemnisation intégrale ou partielle de la Commission européenne par le ou les États membres concernés, du coût de réparation de tout dommage non contractuel en relation avec l'accord à un tiers ou à un État membre, et surtout parce qu'ils n'exonèrent un État membre de sa responsabilité que s'il apporte la preuve qu'il n'a pas pu causer le dommage, même partiellement.

En effet, la Commission est désignée comme étant l'opérateur des procédures de marché. Elle agit au nom et au profit des États-membres ; il n'est donc pas illogique que les accords prévoient de la garantir lorsqu'elle est tenue de dédommager un tiers ou un État membre. En revanche la clause établissant la charge de la preuve est plus discutable au regard des principes du droit français, dans la mesure où la responsabilité d'un État membre est présumée, et qu'il lui appartient d'apporter la preuve contraire. C'est essentiellement la raison pour laquelle la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères et le Conseil d'État, saisi pour avis, ont considéré que ces accords devaient faire l'objet d'une ratification par le Parlement.

Quant aux clauses de modification de ces accords, elles posent le principe selon lequel une modification de l'accord nécessite l'approbation unanime des membres du comité directeur de passation conjointe de marché. Précisons toutefois que la ratification des accords par le Parlement ne saurait avoir pour conséquence de déléguer au représentant de la France, au sein des comités directeurs de passation de marché, le pouvoir d'accepter une modification incompatible avec le droit national et qui, en conséquence, devrait faire l'objet d'une procédure de ratification.

Les accords prévoient une entrée en vigueur 14 jours après la signature, dès lors que neuf États membres auront transmis à la Commission la confirmation de l'accomplissement des procédures nationales pour leur approbation ou l'absence de nécessité de telles procédures.

Comme je l'ai indiqué en introduction, à l'exception de l'Espagne et de la France, les États membres signataires et la Commission européenne n'ont pas jugé nécessaire de les soumettre à une procédure nationale d'approbation. En conséquence, les accords sont entrés en vigueur le 24 novembre. Les parties travaillent d'ores et déjà à la rédaction des cahiers des charges des consultations pour l'instance de surveillance et la plate-forme transitoire, l'objectif étant d'attribuer en avril ou mai 2012 le marché pour la mise en place de la plate-forme provisoire.

On ne peut que s'étonner des conditions dans lesquelles ces accords sont soumis à ratification par le gouvernement. En effet, il avait été établi que la fin de l'année 2011 constituait une date butoir pour permettre une entrée en vigueur anticipée de la plate-forme et de l'instance de surveillance. Il aura fallu dix mois à la Commission européenne et aux États membres pour mettre au point cet accord, près de deux mois pour recueillir les signatures, deux semaines pour le faire adopter en Conseil des ministres, et une semaine pour permettre à votre rapporteur d'en prendre connaissance et de vous soumettre ses conclusions.

Nous devons toutefois garder à l'esprit que tout retard dans le processus de ratification priverait la France du droit de participer pleinement aux instances d'instruction et de décision, et que l'absence de ratification l'empêcherait de mettre ses quotas aux enchères, privant ainsi l'Etat des recettes correspondantes.

En conclusion, votre rapporteur, malgré les délais impartis qui n'ont pas permis un examen très approfondi des accords, et ses observations sur le caractère dérogatoire de la clause de responsabilité non contractuelle et sur la portée des clauses de modification, vous recommande l'adoption des deux projets de loi de ratification.

Compte tenu en outre de leur caractère technique, il considère que la procédure d'adoption simplifiée est la plus appropriée.

M. Joël Guerriau - Vous avez évoqué les recettes pour l'Etat attendues de la vente des quotas, mais qu'en est-il des dépenses occasionnées par la mise en place du système ? En quoi le choix d'une plate-forme commune est-il plus avantageux de ce point de vue ?

M. Didier Boulaud, rapporteur - Je précise que l'ensemble du coût des opérations est supporté au final par les acheteurs de quotas et non par les Etats. Si elle n'a en principe pas d'effet sur les dépenses, l'appartenance à une plate-forme d'enchères commune peut en revanche permettre d'optimiser les recettes, dans la mesure où le regroupement avec d'autres Etats vendeurs renforcera notre position sur le marché.

M. Gilbert Roger - Dans le cadre d'un projet de production de chaleur liée à une opération locale de construction de logements, j'ai été directement confronté à cette question de l'acquisition de quotas de gaz à effets de serre, ce qui m'a donné l'occasion de constater que le marché français était structuré autour de trois grandes entreprises se livrant, y compris entre elles, à des opérations d'achats et de reventes des quotas. Il s'agit donc bien d'une forme de bourse qui se trouve néanmoins avoir sur le terrain des effets très concrets, puisque le coût des quotas est bien entendu au final supporté par le consommateur.

Il serait opportun que l'impact de ce nouveau système pour nos concitoyens puisse être étudié par une commission du Sénat.

M. Didier Boulaud, rapporteur - Je vous rappelle que les commissions saisies de ces textes au fond sont la commission des finances et la commission de l'économie, et que notre commission est saisie pour avis dans la mesure où le Conseil d'Etat estime que ces textes participent de la ratification d'un accord international. Quant à l'étude que vous envisagez, elle pourrait tout à fait être confiée à la commission de l'économie ou à la nouvelle commission chargée du développement durable qui devrait être créée prochainement.

M. Daniel Reiner - Où en est-on de la mise en place de ces marchés des droits à polluer au niveau international ?

M. Didier Boulaud, rapporteur - En fait, l'Europe fait figure de précurseur : à ce jour la Chine envisage une expérimentation de six marchés régionaux. Aux Etats-Unis, seule la Californie met en place un tel système d'enchères. Le Brésil envisage un système à partir de 2015.

Compte tenu de la technicité de ces textes, leur examen en séance publique sous forme simplifiée me semble souhaitable.

La commission adopte ces projets de loi sans modification et propose leur examen sous forme simplifiée en séance publique.

Questions diverses - Désignation d'un rapporteur sur le contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut français

M. Didier Boulaud, président - Il nous revient de désigner un rapporteur sur le contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut français que nous pourrions entendre le 14 décembre, la réunion du conseil de l'administration de cet organisme ayant lieu le 15 décembre. On ne peut, sur ce sujet encore, que déplorer les conditions d'urgence dans lesquelles nous avons été saisis : le délai de six semaines dont nous disposons théoriquement a été fortement entamé ! Il y a en effet eu un malheureux concours de circonstances dans les transmissions dont la responsabilité est partagée entre le ministère et le Sénat. Quoiqu'il en soit, je vous propose la candidature de notre collègue Gilbert Roger.

M. René Beaumont - Je ne peux que regretter une fois de plus que nous soyons obligés de travailler dans la précipitation.

M. Didier Boulaud, président - Le Gouvernement n'est pas seul responsable.