Mardi 30 octobre 2012

- Présidence de M. Daniel Reiner, vice-président -

Loi de finances pour 2013 - Mission Défense - Programme Equipement des forces - Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement

La commission auditionne M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme « Équipement des forces » de la mission Défense).

M. Daniel Reiner, président. - Monsieur le délégué général, c'est toujours avec beaucoup de plaisir que nous vous recevons dans notre commission, que j'ai aujourd'hui l'honneur de présider, en l'absence de notre président Jean-Louis Carrère. Aujourd'hui, le sujet est le projet de loi de finances pour 2013 et en particulier le programme 146 d'équipement des forces dont vous assumez la coresponsabilité avec le chef d'état-major des armées. C'est une spécificité tout à fait unique dans le cadre de la loi de finances. Le programme 146 est tout à fait important puisqu'il représente 90 % des dépenses d'investissement de la mission défense et les deux tiers des investissements de l'Etat central. Cette année cela représente près de 11 milliards d'euros uniquement pour le P 146, sur un total de 16 milliards d'euros pour les dépenses d'investissement de la mission défense. Il faut prendre en compte les études amont du programme 144. Vous allez nous détailler la liste des équipements commandés et celle des équipements dont on attend la livraison, et c'est là du reste que va apparaître un hiatus avec la loi de programmation militaire (LPM), puisqu'il y aura environ au total près de quatre milliards de commande différés entre 2009 et 2013. On va naturellement attendre la prochaine loi de programmation, mais ce qui est différé cette année, dans le projet de loi de finances, est différé d'un an. Les temps sont à la disette budgétaire. Il faut reconnaître que l'exécution de la LPM fait apparaître entre 2009 et 2012 un écart de trois milliards d'euros, ce qui est assez faible si on le compare aux précédentes LPM. Mais néanmoins, avec une augmentation prévue en 2012 de 1 % en volume, c'est une trajectoire financière qui n'est plus tenable dans la situation actuelle de nos finances publiques. La commission du Livre blanc est chargée de mettre en cohérence nos ambitions avec nos moyens. Le Sénat y est particulièrement attaché. Actuellement l'effort de défense est de 1,6 % du PIB en normes OTAN, c'est-à-dire hors pensions et hors gendarmerie. Ce chiffre est un chiffre qu'il nous sera difficile de diminuer sans entamer la cohérence de notre outil de défense. Pour autant le Président de la République s'est engagé à ce que le budget de la défense ne soit pas une variable d'ajustement et le Président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat y veille particulièrement. Pour l'instant, nous nous en tenons là. La dissuasion nucléaire est sanctuarisée, dans son esprit, mais de quelle marge de manoeuvre disposons-nous ? Les huit grands programmes à effet majeur concentrent sur eux l'essentiel des crédits. Faudra-t-il les reconsidérer ? Enfin, il y a les autres équipements, qui jouent un rôle important en termes de cohérence de l'outil de défense. Comment concilier tout cela ? Vous allez nous dire comment résoudre cette équation difficile.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement. - je vous remercie de me permettre d'intervenir devant votre commission, dans le cadre de l'examen du projet de budget de la défense pour 2013 et vous confirme que le plaisir est pour moi renouvelé à chaque audition.

Effectivement, le programme 146 est un programme cogéré, ce qui au début apparaissait un peu baroque dans le cadre de la LOLF, mais qui, à l'expérience, se révèle tout à fait satisfaisant. La cogestion entre l'état-major des armées et la DGA fonctionne bien.

Je vous présenterai succinctement un point de situation de l'exécution du budget de l'année 2012, puis le projet de budget 2013. Enfin, j'évoquerai en conclusion, quelques perspectives pour après 2013.

L'été 2012 a été consacré à préparer la transition vers la nouvelle Loi de Programmation Militaire (LPM), en préservant la marge de manoeuvre la plus large possible dans un cadre budgétaire contraint.

Nous contribuons aussi activement aux travaux du Livre blanc dont les orientations stratégiques seront les fondements à cette prochaine LPM.

Pour ce qui est de l'exécution 2012, en application des mesures arrêtées cette année le niveau d'engagement sur le programme 146 pour l'équipement des forces de la mission défense, est ramené à environ 7,3 milliards d'euros en fin d'année.

Parmi les principales commandes de l'année, on peut citer :

- la réalisation de radio tactiques sécurisées CONTACT, qui vise à équiper les Forces armées en postes radio tactiques de nouvelle génération, pour succéder aux PR4G ;

- l'adaptation du sous-marin nucléaire lanceur d'engin, « Le Triomphant », au missile M 51, dans la continuité de la mise en service de ce missile sur le bâtiment « Le Terrible », en 2010 ;

- la rénovation de trois avions ravitailleurs KC 135 ;

- cinq systèmes de drones tactiques SDTI-Sperwer, qui viendront compléter la dotation de l'armée de Terre.

La tendance vertueuse d'un faible nombre de demandes en Urgence Opérations se confirme nettement cette année avec seulement quatre nouvelles demandes représentant moins de 4 millions d'euros. Cela montre la pertinence des choix que nous avons faits avec les états-majors de forces, dans la conception de nos systèmes d'armes. Cela atteste aussi de la rigueur mise pour décider du recours à cette procédure.

Parmi les principales livraisons de 2012, je note pour la dissuasion : la poursuite des livraisons des missiles M 51 au rythme prévu et, dans le domaine conventionnel :

- un Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC) pour la marine ;

- la mise en service opérationnelle de la première frégate multimissions (FREMM) « l'Aquitaine » attendue d'ici la fin d'année ;

- six hélicoptères NH-90 ;

- quatre hélicoptères Tigre ;

- cent véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) ;

- deux cent Petits Véhicules Protégés (PVP) ;

- 4 036 équipements du fantassin FELIN ;

- onze Rafale - dont le premier avion de série équipé d'un radar à antenne active (unique en Europe) ;

- deux nouveaux systèmes de missiles sol-air MAMBA - SAMP/T (sol-air moyenne portée - terre) ;

- enfin, la capacité de renseignement est renforcée par la rénovation d'un Transall Gabriel - avion qui a été précieux pour préparer l'engagement en Libye pour le recueil du renseignement électromagnétique,

- la livraison de sept nouvelles nacelles de reconnaissance RECO-NG qui équipent le RAFALE.

Les livraisons se poursuivent donc au rythme attendu. Pour revenir à l'exécution budgétaire : les besoins de paiements sur le Programme 146, hors titre 2, sont estimés à environ 11,6 milliards d'euros.

Les ressources sont envisagées à hauteur de 9,8 milliards d'euros, en escomptant la levée des 480 millions d'euros de réserve budgétaire et en incluant 936 millions d'euros de ressources extra budgétaires issues de la vente des fréquences.

Le report de charge en fin d'année est donc évalué à 1,7 milliard d'euros soit environ deux mois de paiement, en supposant la levée de la réserve budgétaire, ce qui constituera une aggravation d'environ 200 millions d'euros du report de charge par rapport à fin 2011.

Pour ce qui concerne les études amont commandées à l'industrie, sur le programme 144, le niveau des engagements a été préservé. Nous estimons qu'il atteindra environ 720 millions d'euros en fin d'année, dont 53 millions pour le dispositif RAPID et le soutien aux pôles de compétitivité.

Les besoins de paiements sont estimés à 756 millions d'euros, ce qui conduirait à un solde de gestion de 85 millions dans l'hypothèse de la levée des 40 millions de réserves.

La situation budgétaire se tend donc un peu plus à la fin d'année 2012. Ce qui était prévisible.

Les efforts de chacun ont porté leurs fruits sur le fonctionnement du progiciel Chorus et nous avons pu constater cette année une bascule de gestion remarquable. Grâce à Chorus, le montant des intérêts moratoires recensé à ce jour est de seulement 5,6 millions d'euros.

Concernant la maîtrise des coûts et des délais dans la conduite des opérations d'armement, la tendance à l'amélioration se confirme. Fin 2011, la hausse moyenne des devis des opérations d'armement est restée négative (-0,07 %) pour un plafond de +1,5 % fixé dans le PAP et les délais de réalisation ont aussi tenus les objectifs : + 1,7 mois pour un plafond de 2,25 mois.

Sur 2012, les plafonds, qui ont été resserrés par rapport à 2011, devraient également être respectés.

Ces améliorations s'inscrivent dans un processus plus général d'évolution de la DGA et notamment d'investissement dans le domaine de la qualité. Nos pratiques pour l'élaboration et le suivi des contrats ont ainsi été reconnues en juin dernier au niveau le plus élevé du modèle CMMI (niveau 3). La qualité est un investissement que nous considérons fondamental.

Elle est d'autant plus nécessaire avec la mise en oeuvre des restructurations de la revue générale des politiques publiques (RGPP).

Actuellement, l'effectif de la DGA est de 10 500 équivalents temps plein employés (ETPE), en ligne avec la trajectoire prévue. Par rapport à 2011, nous aurons réduit nos effectifs de 4 % en fin d'année, permettant de réduire notre masse salariale de façon analogue.

Les redéploiements s'achèveront cette année, avec les fermetures administratives du LRBA à Vernon, de l'ETAS à Angers et du GESMA à Brest. Cela sans pertes de compétences techniques irrémédiables.

A la fin de l'année 2013, si nous continuons sur cette voie, notre format aura atteint la cible fixée par la RGPP. Nous aurons alors atteint la limite d'optimisation du fonctionnement de la DGA : nous ne pourrons pas aller au-delà sans revoir les missions de la DGA.

Pour ce qui concerne l'industrie, en 2012, la seule opération a été le rapprochement entre THALES et SAFRAN qui s'est concrétisé, sur la filière optronique, par la création d'une Joint Venture commerciale.

Au-delà des grands groupes, nous sommes aussi pleinement impliqués auprès des PME. Nous suivons ainsi particulièrement près de trois cent d'entre elles disposant de savoir faire critiques. Nous les accompagnons dans leur développement, en partenariat avec les acteurs régionaux, ou encore soutenons financièrement leur capacité d'innovation avec le dispositif RAPID.

Sur le plan européen, la relation franco-britannique demeure bien-sûr un pilier fort de notre stratégie. Le cadre bilatéral a permis d'avancer rapidement sur la préparation de nouveaux programmes, notamment dans le domaine des drones annoncés par le ministre en juillet : sur le Watchkeeper pour lequel nous venons de signer un acte contractuel pour en faire l'expérimentation, et sur le démonstrateur FCAS -future combat air system pour lequel nous avons lancé la première phase d'études de levées de risques. Notre coopération dans les UCAS (unmaned combat air system) est, pour le Royaume-Uni comme pour nous, fondamentale pour le maintien des compétences de nos avionneurs de combat. Nous avons aussi un projet important dans le domaine de la guerre des mines, sur la base d'un concept innovant.

Cette relation n'est pas exclusive et nous continuons à rechercher de façon pragmatique des coopérations avec nos autres partenaires comme l'Allemagne ou l'Italie notamment, ainsi qu'avec la Pologne, à l'initiative du ministre de la défense dans le cadre du Triangle de Weimar ou de Weimar +.

Concernant l'exportation, la situation actuelle est maussade. Nous n'atteindrons pas le chiffre de l'an dernier non seulement parce que le marché se rétrécit mais également du fait que les Américains, qui préparent avec beaucoup d'activisme le repli de leur budget de la défense, sont présents sur tous les marchés, notamment en Asie.

Venons-en au Projet de loi de finance 2013. Comme le dit la plaquette, il s'agit bien d'un budget de transition.

Ce budget s'inscrit en attente des orientations du Livre blanc et de la LPM à venir.

A l'instar de la mission défense, l'équipement des forces est soumis à la stabilisation en valeur de son budget. Cette stabilité des ressources du programme 146 est encore permise grâce aux ressources issues des ventes de fréquences. Mais celles-ci seront épuisées après 2013.

Cette stabilisation marque en réalité une inflexion dans la trajectoire budgétaire des opérations d'armement qui s'écarte désormais nettement de la référence de la précédente LPM.

Elle intègre, par ailleurs, des économies importantes par rapport aux ressources prévues sur 2013 : - 500 millions d'euros de ressources sur le P 146.

Au total, les ressources prévues pour le P146 pour 2013 sont de 10,0 milliards d'euros dont 1 milliard d'euros de ressources extra budgétaires.

Dans les hypothèses actuelles, le report de charge fin 2013 serait porté au niveau important de 1,9 milliard d'euros.

Les besoins d'engagement, dans les orientations actuelles, sont de 12,3 milliards d'euros.

Concernant les études amont, sur le programme 144, la priorité de la R&T, voulue par le ministre de la défense, est réaffirmée, avec des ressources de paiements à hauteur de 752 millions d'euros ce qui représente une croissance de 10 % par rapport à 2012. L'innovation et le soutien aux PME sont en effet des leviers essentiels pour la relance de l'économie nationale.

Concernant les commandes, les engagements ont été calés au juste nécessaire en attente des choix de la prochaine LPM.

Parmi les principales commandes, nous prévoyons :

- la réalisation du MRTT, l'avion multirôles de ravitaillement en vol et de transport ;

- 4 400 postes CONTACT ;

- Le premier système de drone MALE intermédiaire ;

- La réalisation du missile moyenne portée MMP ;

- La rénovation de l'ATL2 ;

- Le contrat de services en Partenariat Public Privé, de bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers BSAH ;

- La préparation de l'Arrêt Technique Majeur n°2 du Porte-Avions CdG ;

- et quelques 220 armements AASM (armement air-sol modulaire).

Les livraisons quant à elles, se poursuivront au même rythme qu'en 2012. Pour l'essentiel elles permettront de continuer le renouvellement de la composante océanique de dissuasion avec l'adaptation du SNLE « Le Vigilant » au missile M 51 et son lot de missiles. Elles renforceront les capacités d'intervention, avec onze avions Rafale, quatre hélicoptères Tigre, quatre vingt trois VBCI, le dernier VHM -Véhicule Haute Mobilité et 4 036 nouveaux équipements FELIN. Les livraisons permettront également la montée en puissance de la défense anti-aérienne grâce à deux systèmes MAMBA-SAMP/T, 43 missiles ASTER ainsi que 335 missiles Mistral rénovés. Elles appuieront la maîtrise de l'information avec un nouveau Transall Gabriel rénové, trois systèmes de drones SDTI ainsi que divers systèmes d'information et de communication. Enfin elles renforceront les capacités de projection et de mobilité avec le premier avion de transport A400M, trois nouveaux avions de transport CASA 235, 72 Porteurs Polyvalents Terrestres ; 12 hélicoptères NH-90.

Au-delà de 2013, les orientations sont à bâtir dans une perspective budgétaire contrainte.

Cette perspective, dans l'hypothèse d'une stabilisation en valeur des ressources budgétaires de la Mission Défense par rapport au niveau de 2012, est défavorable aux équipements.

Cet impact est d'autant plus fort qu'il survient à une période de croissance des besoins de la dissuasion nucléaire, pour le renouvellement des composantes.

L'effet ciseau de cette situation affectera les ressources qui pourront être attribuées aux programmes à effets majeurs (PEM) conventionnels.

Quoi qu'il en soit, les choix qui sont à faire dans les mois à venir devront redéfinir une vision stratégique en cohérence avec les ressources budgétaires accessibles et prêter attention à l'outil industriel, c'est-à-dire essentiellement les bureaux d'études, mais aussi dans une moindre mesure la production, car si on ne produit pas, à la fin on ne sait plus concevoir.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis du programme 146 -  Pouvez-vous nous faire un point sur la situation des lanceurs. Nous connaissons l'importance des développements de la fusée Ariane pour la dissuasion française. Où en sommes-nous : Ariane V ME, Ariane VI ? Pourriez-vous éclairer notre compréhension du sujet ? Toujours dans le domaine des lanceurs, y-a-t-il - à votre connaissance - des projets de coopération en matière d'intercepteurs balistiques entre Raytheon - qui fabrique le célèbre missile SM3 - et Astrium qui a travaillé sur un projet d'intercepteur exo-atmosphérique : l'Exoguard ?

En matière de satellites, où en est la coopération industrielle avec nos amis italiens et nos amis allemands ? Pourriez-vous nous faire un point de situation sur ce sujet ?

Sur la dissuasion, quel est l'état d'avancement du programme EPURE et celui du laser mégajoule ?

En matière de drones, nous avons appris qu'un drone autrichien à voilure tournante du fabriquant SCHIEBEL était en démonstration sur le patrouilleur « l'Adroit » mis à disposition de la marine par DNCS. Est-ce que ce drone maritime a été mis à disposition par le constructeur ou bien financé par la DGA ? Comment se passent les essais - le drone donne-t-il satisfaction ?

En matière d'UCAV, je souhaiterai que vous précisiez l'articulation entre le démonstrateur NEURON et le démonstrateur DEMON. Pouvez vous confirmez le fait que dans les deux il n'y ait absolument aucune participation de l'industriel au financement du programme ? Par ailleurs, si tout va bien nous aurons un démonstrateur en 2020, ce qui veut dire qu'on commencera à équiper les forces en 2025 et qu'on finira de les équiper - si on le fait au même rythme que le Rafale - en 2050. Comment réduire la rigidité des programmes d'armement ?

S'agissant des drones tactiques, le ministre a dit qu'il avait lancé un programme d'études de faisabilité du drone watchkeeper fabriqué par Thales UK. Dans cette affaire de drones tactiques, alors qu'il existe un autre fabriquant de drones en France, Sagem avec le patroller, pourquoi l'Etat ne lance-t-il pas un appel d'offres ?

Enfin, je suis toujours effaré de voir l'importance croissante des coûts de maintien en conditions opérationnelles MCO. Comment pourrait-on faire en sorte de les réduire dès la conception des programmes d'armement ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - s'agissant des lanceurs, j'ai contribué à la rédaction d'un rapport avec Bernard Bigot, administrateur général du CEA, et Yannick d'Escatha, président du CNES, que nous avons remis au précèdent Premier ministre. Il faut néanmoins d'une part, lever les risques industriels pour la nouvelle génération de lanceurs et, d'autre part, convaincre nos partenaires européens de l'orientation proposée. Pendant ce temps, la concurrence n'attend pas. Soyez assurés en tous cas que ce que nous faisons en matière de dissuasion nucléaire nous permet d'être totalement indépendants de ce qui se fait dans le secteur des lanceurs civils. On va assurer la charge de travail d'EADS Astrium pour conforter la pérennité des bureaux d'étude concernés. Sur les intercepteurs exoatmosphériques, il n'y a pas de crédit prévu.

Pour ce qui est de MUSIS, nous sommes plus particulièrement en discussion avec notre partenaire allemand pour assurer le lancement du troisième satellite qui renforcerait le fonctionnement de la constellation. Nous continuons donc notre tour d'Europe pour boucler le tour de table pour ce satellite. Par ailleurs, nos amis italiens essayent de trouver une façon de renouveler la constellation Cosmos Skymed et nous examinons ensemble des solutions d'échange possible entre images radars et images optiques.

En matière de dissuasion nucléaire EPURE se met en place à son rythme, quant au LMJ, les premières expérimentations auront lieu en 2014 et il sera livré en 2015. Nous comptons beaucoup sur cet instrument pour pouvoir à terme concevoir nos futures têtes nucléaires, quand le président de la république le décidera.

Un drone SCHIEBEL était effectivement à l'essai sur le patrouilleur « l'Adroit ». Il s'est abimé en mer, mais l'entreprise va nous en fournir un autre de remplacement. Ces drones génèrent une plus-value considérable à nos navires dont ils prolongent le rayon d'action.

S'agissant des UCAV, nous poursuivons les travaux sur le démonstrateur technologique NEURON, réalisé par DASSAULT Aviation en coopération avec des partenaires industriels européens qu'il a librement choisis. Ce démonstrateur devrait faire son premier vol d'ici à la fin de l'année. Il permettra de tester les qualités aéronautiques de l'engin et de mesurer sa furtivité. Il existe aussi un démonstrateur d'UCAV du côté britannique. C'est le projet TARANIS.

Pour la suite, DEMON est un projet fédérateur européen, sous leadership franco-britannique, qui vise à tirer les enseignements de NEURON et TARANIS et d'élaborer un démonstrateur plus abouti qui sera un véritable système d'armes. C'est une affaire majeure qui vise à assurer le maintien des compétences européennes en matière d'aviation de combat. C'est d'ailleurs une voie que les Américains suivent sous la direction de la DARPA. Cela demandera des crédits budgétaires, mais c'est atteignable. C'est un domaine qui pourrait légitimement mobiliser des crédits du fonds d'investissement d'avenir.

Concernant le Patroller, nous avions déjà procédé à des essais à Istres. Un des services de l'Etat était très intéressé. Mais nous ne sommes que modérément enthousiastes, car les performances aéronautiques de cette catégorie de drones ne correspond pas au besoin des armées.

Enfin, sur la question du MCO, effectivement il y a un problème. Ce problème provient pour une part des matériels hors d'âge que nous utilisons. Je pense aux VAB, aux AMX 10 P, aux KC 135, aux Transall. Et pour une autre part, des premières années d'utilisation de nouveaux matériels qui sont par ailleurs plus complexes. Je pense en particulier aux hélicoptères TIGRE qui ne sont pas comparables aux Gazelle. Nous avons beaucoup réfléchi à la question que nous traitons notamment dans une démarche de coût global de possession de nos matériels.

M. Jacques Gautier, rapporteur associé au programme 146 - Il se dit qu'il y aurait eu un comité interministériel d'investissement ce matin qui aurait retardé la livraison du premier A400M, afin de réaliser des économies. Confirmez-vous cette information ? Si cela était vrai, cela occasionnerait une lacune capacitaire que notre armée de l'air aurait beaucoup de mal à combler.

Dans un budget qui stagne - 0 % en valeur - les crédits de la sous-action « préparer et conduire les actions d'armement » - c'est-à-dire la DGA, augmentent de plus de 5 %. Comment justifiez-vous cette augmentation de vos crédits ? A quoi cela va-t-il servir ? Était-ce nécessaire au moment même où l'on parle de réduire encore le format des armées d'augmenter celui de la DGA ?

J'étais à Euronaval la semaine dernière et j'ai été frappé par l'évolution des frégates ces dernières années, notamment par le développent de radars à antenne fixe - du type de ceux que l'on trouve sur les frégates Aegis - et à capacité antimissile. Or sur les onze FREMM que le Gouvernement français a commandées, une a été livrée, une autre est en construction, et la onzième, si tout va bien, ne sera livrée qu'en 2022. Aucune évidemment n'a de radar à antenne fixe. Autant dire que dans dix ans, ces frégates seront technologiquement dépassées. Autant dire qu'en matière de programmes d'armement il s'écoule des dizaines d'années entre le moment où l'on conçoit un système d'armes et le moment où il entre effectivement dans les forces, ce qui entraine toutes sortes de complications. Ma question est donc simple à énoncer - difficile à résoudre - comment peut-on - sous contrainte budgétaire forte - faire en sorte de réduire les durées des échéanciers de livraison ? Comment réduire la rigidité des programmes d'armement ?

Le programme de rénovation des ATL2 et d'adaptation des Falcon, pour ce qui est de la patrouille maritime et de la surveillance côtière fait débat, en raison de son coût. De surcroît, il y a des interrogations sur la maintenabilité des moteurs de l'ATL, les célèbres moteurs Tyne, qui équipent également les Transall. Jusqu'à quand seront-ils soutenables ? Or nous savons qu'il existe des solutions alternatives d'externalisation de ces fonctions à des coûts dix fois inférieurs. Avez-vous considéré ces solutions ?

La réduction du format de nos armées qui se profile à l'horizon va avoir des conséquences importantes en matière de commandes d'équipements militaires, et donc d'emplois, de capacité industrielle et d'exportations. Avez-vous calculé la perte que cela représente ?

Enfin, je voudrais évoquer la question du programme de missiles d'anti-navire légers (ANL). C'est un petit programme mais qui joue un rôle fondamental pour la coopération franco-britannique et la constitution de « One MBDA ». Or, il semble qu'il y ait peu d'appétences pour ce programme du côté français.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - pour ce qui est de l'A400M, il n'y a pas eu de décision telle que celle que vous indiquez. Simplement, l'industriel pense pouvoir obtenir la certification civile au mois de janvier, puis la certification et la qualification militaire deux mois après mais notre estimation est qu'il lui faudra plus de temps. Nous disons à l'industriel que nous ne pouvons pas accepter l'avion sans cette certification militaire et sans une proposition de soutien qui soit financièrement raisonnable. Il y a donc un petit bras de fer entre lui et nous, mais qui se résoudra le moment venu, entre gens raisonnables. Quant à la lacune capacitaire elle est gérée, notamment par l'affrètement d'avions gros porteurs.

M. Daniel Reiner, président - L'échéancier de livraison prévoyait un premier avion en 2013 et les deux autres dans l'année. Etes-vous toujours sur ce calendrier ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - oui. Si nous sommes en mesure d'accepter le premier, nous serons en mesure d'accepter les deux autres. Le problème n'est pas là.

Sur les moyens de la DGA qui augmentent, c'est effectivement dû aux investissements nécessaires dans les centres d'essais. Par exemple, pour les essais de missiles, il s'agit de renouveler des moyens de trajectographie très vieux et dont nous aurons besoins pour des essais à mener dans les années à venir. Par ailleurs, les crédits de la DGA comprennent également, pour une part significative, le fonds de pension pour les ouvriers d'Etat dont les crédits qui lui sont alloués augmentent.

S'agissant des frégates, effectivement les mats à antenne plate constituent un must, qui accroît grandement la furtivité des frégates. Mais ce qui est prévu est cohérent avec le système d'armes des frégates. Nous pourrions avoir des frégates plus furtives, mais ce qui compte c'est d'avoir un nombre suffisant de coques à la mer. On pourra envisager ces technologies pour les futures rénovations des frégates, si les budgets le permettent le moment venu.

Comment réduire la rigidité des programmes d'armement ? C'est difficile. Commander la série sur une période de temps courte, c'est mieux. Mais nous n'avons pas pu le faire partout. Ce qu'il faut c'est intégrer les progrès des équipements de façon incrémentale, ce qui n'est pas très facile car cela suppose d'avoir une bonne visibilité sur l'évolution des différents systèmes et sous-systèmes.

Pour ce qui est de l'externalisation de certaines fonctions de surveillance côtière, personnellement je ne suis pas contre. Le problème c'est la maîtrise des délais de contractualisation.

Pour ce qui est de la réduction des commandes d'équipement soyez assurés que nous ferons le travail d'évaluation des impacts sur l'emploi, secteur par secteur. Nous avons aussi à partager ces analyses avec l'EMA.

Enfin, pour ce qui est de l'ANL, je sais que notre ministre de la défense a très récemment rencontré son homologue anglais, lors de l'exercice Corsica Lion. Je ne peux en dire plus à ce stade.

M. Jean-Pierre Chevènement. - Merci d'avoir exprimé avec quelques idées claires une situation budgétaire complexe : la préservation des bureaux d'études et des capacités de production. Néanmoins, je tiens à rappeler combien la dissuasion nucléaire est indissociable du statut international de la France et je regrette que l'on présente le maintien de ce système de forces en termes d'éviction des autres. Je vois bien la contestation qui pourrait naître d'une telle présentation. Or tout ce qui va dans le sens de la contestation de la dissuasion nucléaire n'est pas bon. Il faudrait éviter de présenter les choses de cette façon. En revanche, j'abonde dans votre sens pour ce qui est de la DAMB. On ne peut pas tout faire, ni tout faire en même temps. La DAMB de théâtre, oui. La DAMB de territoire, non. Enfin, ne pourrions-nous pas avoir davantage de coopération avec les Russes, notamment dans le domaine du transport aérien ?

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur du programme 144 - Nous avons été, avec mon collègue André Trillard, rendre visite à l'ONERA. Nous avons vu la présentation des différents programmes de radar et avons été surpris par la découverte des radars transhorizon. Avez-vous, déjà réfléchi à ce type de solution ?

Pouvez-vous nous donner le chiffre, en pourcentage, des programmes d'armement réalisés en coopération européenne ?

Dans les programmes d'aide au financement des PME mis en place dans le cadre du mécanisme dit « Rapid » la DGA avait financé un démonstrateur d'exosquelette. Pouvez-vous nous dire où en est ce programme ?

Pouvez-vous nous faire un point sur la situation du calcul intensif en France - aussi bien en matière de dissuasion nucléaire que de renseignement ?

Enfin, nous avons entendu dire que toute coopération avec les Britanniques en matière de sonars sous-marins n'était pas possible du fait des Britanniques. Or certaines voix britanniques, semblent moins catégoriques sur la question. Pouvez nous dire ce qu'il en est ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - en réponse à M. Jean-Pierre Chevènement, je dirai qu'il y a bien un effet d'éviction et que cet effet d'éviction existe précisément parce que la dissuasion nucléaire est prioritaire. Nous essaierons d'étaler ces coûts, mais avec des SNLE qui arriveront au moment du rendez-vous avec la génération suivante, avec trente cinq d'âge, la flexibilité de ces décalages est quand même limitée.

Sur la DAMB de théâtre nous avons essayé cela à Biscarosse avec le missile Aster 30. Cela a été parfaitement conclusif. Nous sommes en mesure de protéger nos troupes déployées sur des théâtres extérieurs s'il le fallait.

Pour ce qui est des missiles, ils sont indispensables si on veut exporter des plateformes. Pas d'export du Rafale sans les missiles Mica. Pas d'export des FREMM sans les missiles Exocet ou Aster.

La Russie est un partenaire avec lequel il y a beaucoup de perspectives mais avec qui les relations peuvent être compliquées. Ce sont des partenaires très compétents qui ont la volonté de moderniser leur industrie.

Pour ce qui est du radar transhorizon, nous suivons cela de très près. Mais pour l'instant sa capacité à localiser des cibles avec précision est trop modeste et la zone d'incertitude trop grande.

Pour ce qui est de la coopération européenne, beaucoup de nos programmes majeurs sont menés en coopération : les TIGRE, les FREMM, l'A400M. Ces partenariats sont essentiels et c'est bien pour cela que nous espérons coopérer dans le domaine des drones.

Pour ce qui est de l'exosquelette, c'est effectivement une belle réussite, mais nous ne pouvons pas aller au-delà du financement de l'innovation. Du reste c'est bien un problème général en France : on a du mal à passer de l'idée à la réalisation industrielle. Le sujet pourrait être proposé à la nouvelle Banque Publique d'Investissement.

Le calcul intensif est tout fait stratégique pour nous. Les capacités poursuivent leur montée en charge aussi bien pour ce qui est de la dissuasion que ce qui est du renseignement. C'est un facteur de souveraineté.

M. Daniel Reiner, président - C'est pour cela qu'il faut soutenir le GENCI et sa présidente.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Enfin en matière de sonars, même si nous coopérions en matière de sonars, cela ne représenterait qu'une infime partie du coût des sous-marins. Je ne suis pas persuadé que le jeu en vaille la chandelle.

M. Daniel Reiner, président - Je vous remercie. La séance est levée.

Loi de finances pour 2013 - Mission Action extérieure de l'Etat - Programme Français à l'étranger et affaires consulaires - Audition de Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger

La commission auditionne Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme « Français à l'étranger et affaires consulaires » de la mission Action extérieure de l'Etat).

M. Daniel Reiner, président. - Madame la ministre, chère ancienne collègue, chère Hélène, c'est un grand plaisir pour nous de vous accueillir aujourd'hui dans cette salle de commission que vous connaissez bien, pour y avoir travaillé à nos côtés il y a peu de temps.

Au-delà des stricts enjeux budgétaires du programme « Français de l'étranger » que vous êtes venue nous présenter, c'est plus largement la situation des plus de 2 millions de Français vivant à l'étranger que nous souhaitons évoquer avec vous cet après-midi.

Reflétant la globalisation de l'économie, cette « France hors les murs », continue de croitre à rythme rapide, de plus de 4 % par an. Si la moitié réside en Europe occidentale, c'est en Asie et en Amérique du Nord que des taux de croissance sont les plus dynamiques.

Nos compatriotes à l'étranger vivent dans des situations de plus en plus diverses. Contrairement aux idées reçues, la crise et les difficultés économiques ne les épargnent pas, et votre budget prévoit d'ailleurs près de 20 millions d'euros d'aide sociale. Ils sont aussi confrontés à la montée des menaces et du terrorisme, je pense en particulier à la zone Sahélienne et aux dizaines de milliers de Français qui y résident, et à la sécurité desquels nous sommes très attentifs.

Notre réseau consulaire, l'un des plus développés du monde, est aussi celui qui offre la plus large gamme de services. La France est le seul pays du monde à organiser, comme ce fut le cas en 2012 pour les élections présidentielle et législative, un vote « à l'urne » dans son réseau consulaire.

Je sais que vous souhaitez que le réseau évolue, ce qui est nécessaire, mais toujours difficile, et nous serions heureux de vous entendre sur le sujet.

La réforme de l'aide à la scolarité et les perspectives d'évolution du rôle et du mode d'élection de l'Assemblée des Français de l'étranger sont les deux autres chantiers que vous avez lancés.

Pour entrer tout de suite dans le vif des nombreux sujets que vous avez mis à l'ordre du jour de votre action, je vous cède sans plus tarder la parole.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger. -Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, tout d'abord, je tiens à vous remercier pour votre invitation à venir m'exprimer aujourd'hui devant vous. Je sais que Laurent Fabius a été auditionné par la commission et que vous l'avez questionné sur l'ensemble de la mission budgétaire « Action extérieure de l'Etat ». Mes attributions se limitent au réseau consulaire, au réseau scolaire et à la sécurité des personnes. Ce sont, bien sûr, des questions essentielles pour la mobilité de nos compatriotes et qui sont au coeur de la diplomatie économique dont vous a parlé le Ministre. En effet, les trois questions que se posent les Français qui planifient une expérience à l'international sont de savoir s'il y aura des services administratifs rendus par le consulat à proximité, si leur sécurité sera assurée et s'il existe un établissement scolaire pour leurs enfants.

Ces questions rentrent dans le périmètre du programme 151 du budget qui concerne, comme vous le savez, les affaires consulaires et les Français à l'étranger.

La présence des Français à l'étranger constitue un atout pour notre pays ; ils contribuent au rayonnement de la France dans les domaines économique, commercial, culturel et linguistique. Vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, les Français à l'étranger sont deux millions, et ces Français expatriés, par leur expertise et leur connaissance des pays où ils résident, doivent être des acteurs de la mise en oeuvre des priorités de notre action extérieure.

Pour mieux accompagner et aider nos communautés à l'étranger, j'ai engagé trois chantiers dès mon arrivée : la réforme du dispositif d'aide à la scolarité et l'amorce d'une réflexion en profondeur de l'enseignement français à l'étranger, l'adaptation du réseau consulaire (hors visas) qui comprend aussi l'aide sociale, et la réforme de la représentation des Français de l'étranger. Ils sont, au delà de la sécurité de nos ressortissants à l'étranger et de la diplomatie économique, qui sont et seront des constantes de l'action de mon ministère, mes trois priorités.

Je les détaillerai au cours de ma présentation. Mais tout d'abord, je tiens à vous présenter le contexte budgétaire dans lequel s'inscrit le budget du programme 151. Vous le savez, le ministère des affaires étrangères procède à des économies depuis plus de 15 ans. Ces économies, et la RGPP est également passée par là, nous amènent à repenser les services de notre réseau consulaire.

Ce budget s'inscrit dans le cadre d'une double contrainte :

- la participation du ministère des Affaires étrangères à l'effort global de redressement des finances publiques.

- l'augmentation régulière du nombre de Français inscrits dans les consulats, vous l'avez également rappelé Monsieur le Président, qui a été de près de 60 % en dix ans, soit un taux annuel moyen de 4 % par an avec des taux de croissance de 8 % en Amérique du Nord ou de 10 % dans la région Asie-Océanie.

Malgré ce contexte, les arbitrages rendus par le Premier Ministre se traduisent par une stabilisation des crédits du programme 151 en 2013 mais également dans le cadre du triennum budgétaire 2013-2015 en ce qui concerne l'aide sociale et les crédits de fonctionnement des services.

Si l'enveloppe globale du programme 151 est, en 2013, avec 144,4 millions d'euros (hors masse salariale), en diminution par rapport au budget 2012, ceci reflète d'une part la non reconduction de l'enveloppe spécifique dédiée aux élections présidentielles et législatives en 2012 (10,8 millions d'euros) et d'autre part une modification du périmètre du programme 151 avec la suppression de la ligne budgétaire de la prise en charge (PEC) effective dès la rentrée de septembre 2012 puisque l'enveloppe consacrée à la PEC est reversée sur l'enveloppe des bourses.

Avec 110,3 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013, l'enveloppe consacrée à l'aide à la scolarité est la principale ligne budgétaire du programme 151. Elle reflète la priorité gouvernementale que constitue le secteur de l'enseignement. Avec le Sénateur Robert del Picchia, nous avions une vision opposée du bien-fondé de la PEC. Je crains que les chiffres ne m'aient donné raison...

L'engagement présidentiel est tenu : les crédits consacrés à la PEC sont bien reversés sur les bourses dans le cadre du triennum budgétaire. Cette programmation sur 3 ans, nous l'avions annoncée. Les bourses sont donc portées de 93,6 millions à 110 millions d'euros pour 2013. Puis, elles s'élèveront à 118 millions pour 2014 et nous arriverons à 125,5 millions en 2015, ce qui correspond bien au maintien des crédits.

Nous programmons sur 3 ans afin de donner une visibilité jusqu'alors absente dans le domaine de l'aide à la scolarité. C'est agir en responsabilité dans un cadre budgétaire contraint.

En effet, la PEC était une mesure coûteuse. C'était une mesure qui n'était pas financée sur le long terme et qui mobilisait des fonds de manière inéquitable : 7 % des élèves se répartissaient 25 % de l'aide à la scolarité, sans condition de ressources. Aujourd'hui nous savons que sur les 7 500 familles potentiellement concernées, seules 680 ont déposé un dossier de demande de bourse suite à la suppression de la PEC, preuve que dans leur très grande majorité les familles n'avaient pas besoin de la prise en charge. C'est la démonstration que la mesure était socialement injuste, que cet argent était bien mal dépensé. L'état des finances publiques ne nous permet pas ce genre de dérive.

Comme je vous l'avais indiqué, la suppression de la PEC était la première étape d'une réforme plus globale de notre système d'aide à la scolarité à l'étranger. La deuxième étape a été complétée hier soir lors de la troisième réunion de la Commission nationale des bourses (CNB). Nous avions comme objectifs que :

- le système soit plus démocratique, ouvert à davantage de familles : cet objectif est atteint puisque nous faisons rentrer dans le système plus de 300 familles ;

- qu'il soit plus équitable et ce faisant tienne mieux compte des réalités des coûts de la vie locaux : l'indice Mercer le permettra ;

- qu'il soit plus simple et plus transparent pour faciliter la tâche des agents consulaires et des services centraux et plus lisible pour les familles ;

- qu'il soit compatible avec le cadre budgétaire et les nécessaires efforts auxquels nous sommes tous contraints.

Hier soir, j'ai confirmé en CNB certaines propositions émises par la commission. Notre objectif reste celui de satisfaire et venir en aide à un maximum de familles.

Une enveloppe de 201,3 millions euros est consacrée à l'action 1 du programme « offrir un service public de qualité aux Français de l'étranger ». Elle correspond à une partie importante de l'activité de la DFAE et des postes consulaires à destination des Français établis hors de France ou de passage à l'étranger.

Au sujet du réseau consulaire, la méthode précédente a été celle des fermetures de postes et la réduction du nombre d'agents suivant une logique essentiellement comptable. Ce n'est pas la nôtre. Nous avons choisi la concertation et la réflexion. Avec l'assentiment de Laurent Fabius, j'ai confié à M. Daniel Lequertier, ambassadeur de France, une mission de réflexion sur notre réseau consulaire. Cette étude me sera remise à la fin de l'année et elle portera sur (je réponds ainsi certainement à certaines questions que se posent les rapporteurs du programme 151) :

- une évaluation des expérimentations déjà réalisées (vote électronique, suppression du notariat consulaire en Europe, traitement des transcriptions d'état civil à Nantes pour les pays du Maghreb, externalisation de certains services, etc.) ;

- des recommandations et des propositions concrètes de simplification des procédures et de modernisation des outils consulaires. Certaines de ces propositions pourront être mises en oeuvre dès 2013 car il y a urgence.

En effet le réseau consulaire est aujourd'hui à la limite de ses capacités, or, la population française se rendant à l'étranger pour des séjours de courte ou de longue durée ne cesse de progresser, souvent très fortement dans certaines régions du monde.

Pour la première catégorie, celle de nos touristes, ils sont évalués à plus de 20 millions par an (en forte progression sur l'Amérique, l'Europe et l'Asie). Pour la seconde catégorie, nos résidents à l'étranger (+4 % par an en moyenne sur les 10 dernières années), qu'ils soient inscrits auprès de nos consulats ou non inscrits, sont également en forte progression, par exemple en Asie et en Amérique du Nord.

Je voudrais couper court aux rumeurs : aucune fermeture de postes n'est décidée. Les services font leur travail, et leurs axes de réflexion sont l'évolution des métiers, afin précisément de renforcer les services consulaires qui en ont le plus besoin, ainsi que la spécialisation ou non de certains postes consulaires en fonction de leur situation et de la taille et des besoins de la communauté française qu'ils ont à gérer, et non sur la suppression de tel ou tel poste. La France est riche de l'un des réseaux consulaires les plus développés du monde. Nous devons en être fiers. Nous le sommes. Dans un monde imprévisible, comme la commission est bien placée pour le savoir, nos ressortissants sont aujourd'hui parmi les mieux protégés et les mieux administrés au monde. Dans le même temps, nos concitoyens sont les premiers à solliciter une assistance consulaire en cas de difficulté. Notre réseau consulaire doit poursuivre son adaptation, en tenant compte de nouvelles réalités. En bref, nous devons être plus présents là où c'est utile pour nos compatriotes et pour la France.

Je passe au budget consacré à l'aide sociale qui fait partie de cette action.

Il faut tordre le cou à certains clichés : la crise n'épargne pas nos compatriotes à l'étranger. La France est un des rares pays à mettre en oeuvre un dispositif consulaire d'assistance et de secours dont les crédits seront préservés en 2013 avec une enveloppe globale de 19,8 millions d'euros. Pour mémoire en 2011, 5 000 de nos compatriotes ont bénéficié de l'aide sociale consulaire, 3 200 ont accédé au marché de l'emploi grâce à nos consulats en lien avec les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger et 350 ont fait l'objet d'une procédure de rapatriement. En outre l'engagement de l'Etat en faveur de nos compatriotes en situation de grande précarité qui relèvent de la troisième catégorie aidée de la CFE sera préservé. Je salue à cet égard le travail de Monsieur le Sénateur Jean-Pierre Cantegrit. Maintenir l'accès à l'aide sociale fait partie des chantiers que je mènerai.

Un mot concernant les Crédits de fonctionnement. Ils sont indispensables à la mise en oeuvre des services métiers du programme 151 et connaîtront en 2013 une légère augmentation avec une enveloppe globale de 7,4 millions d'euros contre 7,1 millions d'euros en 2012 notamment sur les lignes téléadministration, entretien des cimetières français à l'étranger ou achat de documents sécurisés.

Sur la troisième action, l'année 2011 comme le début de l'année 2012, montre que la tendance à la hausse de la demande de visas se confirme partout mais surtout dans les pays émergents. Or nos moyens actuels, notamment humains, ne nous permettent plus d'y faire face, et ce, malgré les multiples efforts déployés (amélioration de notre productivité, recours à l'externalisation, redéploiement d'agents vers les postes les plus saturés).

Alors que l'activité visa est nettement excédentaire (marge bénéficiaire de plus de 70 millions d'euros en 2011), le manque à gagner de la non-création d'ETP est considérable. Il est ainsi estimé, pour chaque emploi local non créé en Chine par exemple, à 340 000 euros pour le budget de l'Etat et à 8 millions d'euros pour l'économie française.

Alors que nos principaux partenaires mettent en place des politiques spécifiques en matière de visas afin de favoriser l'expansion du tourisme, secteur également considéré comme un gisement durable de croissance et d'emplois pour notre pays, nous devons doter le réseau consulaire de moyens appropriés et faciliter l'accès à notre territoire aux clientèles à fort pouvoir d'achat.

C'est dans cet objectif que Laurent Fabius a souhaité la création de 75 ETP supplémentaires sur 3 ans au profit de nos services des visas. Ces besoins paraissent modestes au regard des gains potentiels considérables qu'ils seront en mesure de susciter.

Laurent Fabius a par ailleurs décidé conjointement avec Manuel Valls, Ministre de l'Intérieur, de confier à l'ambassadeur François Barry Delongchamps et au préfet Bernard Fitoussi une mission relative aux conditions d'accueil des demandeurs de visas. Leurs conclusions sont attendues pour le 30 novembre prochain.

J'en termine en évoquant un des chantiers mentionnés en introduction, susceptible d'impacter la mise en oeuvre du budget du programme 151 en 2013 : il s'agit de la réforme de la représentation des Français de l'étranger. Cette dernière devra rentrer dans l'enveloppe consacrée à l'AFE qui a été fixée à 3,4 millions d'euros en 2013 et qui sera reconduite pendant le triennum jusqu'en 2015. Par ailleurs, la mise en oeuvre de cette réforme pourrait avoir pour conséquence un report des élections à l'AFE prévues en 2013 pour lesquelles une enveloppe de 2,18 millions d'euros est inscrite dans le PLF 2013.

L'élection en juin dernier, pour la première fois, de onze députés représentant les Français de l'étranger qui s'ajoutent aux douze sénateurs élus par l'Assemblée des Français de l'étranger change la donne de la représentation politique à l'étranger. Cela conduit, en effet, à réfléchir à une réforme de la représentation des Français établis hors de France et la représentation des Français de l'étranger dans les deux chambres nous amène, de manière unanime, à repenser le rôle et les missions de l'Assemblée des Français de l'étranger. Cette question a été longuement évoquée lors des travaux de l'Assemblée des Français de l'étranger lors de la session plénière de septembre. Un avis a été adopté à l'unanimité. Nous avons pris en compte cet avis.

Le souhait du ministre, que je partage, est d'aller dans le sens d'un renforcement de la démocratie locale. La proximité est une exigence de citoyenneté pour nos compatriotes résidant à l'étranger au même titre que pour tout citoyen français.

Je conclus en insistant sur le fait qu'en me confiant la responsabilité des Français de l'étranger, sous l'autorité du Ministre des Affaires Etrangères, le Président de la République a souhaité témoigner de l'importance, pour notre pays du rôle de ceux de nos compatriotes qui résident hors de nos frontières. Je vous remercie.

M. Jean-Marc Pastor. - Madame la ministre, c'est un grand plaisir de vous retrouver dans cette salle. Nous avons compris grâce à votre présentation que certaines diminutions de postes budgétaires s'expliquent par la non reconduction des crédits relatifs aux élections, ainsi que par la suppression de la prise en charge. Le programme 151 repose sur un triptyque : réseau consulaire, aide à la scolarité, Assemblée des français de l'étranger, trois sujets structurants de notre action extérieure sur lesquels vous avez lancé des réformes de fond.

Où seront affectés les 25 postes supplémentaires prévus pour les visas ? Nous connaissons l'impact économique des touristes en provenance de certains pays émergents. Qu'en est-il du recueil itinérant des données biométriques ? Comment endiguer l'augmentation continue des frais d'écolage ? La réforme de l'Assemblée des Français de l'étranger sera-t-elle effectuée à temps pour permettre son renouvellement partiel en juin prochain ? Enfin, le réseau consulaire va devoir organiser une élection chaque année jusqu'en 2017, ce qui est une charge très lourde, pour des taux de participation finalement assez faibles... Quelle est votre analyse ?

M. Robert del Picchia. - Je reviens du Québec, la seule ville de Montréal a vu affluer 3 000 Français supplémentaires en une année...

Comment la mission de l'ambassadeur Lequertier sur le réseau consulaire va-t-elle s'articuler avec la réflexion sur le réseau diplomatique en Europe confiée à l'ambassadeur Carré ? Les deux problématiques sont liées : ainsi si l'on peut s'interroger sur l'existence d'une ambassade bilatérale à Bruxelles, en revanche il faut traiter les questions consulaires vu l'importance de la communauté française en Belgique.

Sur la suppression de la prise en charge, le Gouvernement a tenu un engagement de sa campagne présidentielle, ce qui n'est pas critiquable en soi. Je relève simplement que le report intégral des crédits de la PEC sur les bourses n'est pas immédiat et se fera en trois ans. Je m'interroge sur l'exécution des crédits pour l'année 2012 : 680 demandes de bourses ont été déposées en conséquence de la suppression de la PEC, ce qui ne consommera que 1,5 à 2 millions d'euros sur un total de 12,5 millions. Qu'en est-il du solde ?

Vous avez annoncé une réforme de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui a en réalité déjà commencé, par étapes, depuis plusieurs années, mais que l'arrivée des 11 députés représentant les Français de l'étranger vient opportunément relancer. Pourrez-vous conduire cette réforme tout en maintenant l'élection en juin 2013 ? D'autre part, dans la mesure où cette réforme aura des incidences sur l'élection sénatoriale de 2014, il importe de la conduire au moins un an auparavant.

Pour le réseau scolaire à l'étranger, devons-nous vraiment nous lancer dans certains projets de développement dont la soutenabilité financière n'est pas avérée ? Ne devrions-nous pas plutôt nous concentrer sur l'entretien du réseau ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. - Sans vouloir préjuger des conclusions des différents rapports que nous avons commandés, les postes supplémentaires pour les visas devraient être affectés en Afrique du Sud, en Australie, en Chine, aux Emirats arabes unis, en Ukraine, en Inde, en Indonésie, au Maroc, au Qatar et en Russie.

Itinéra est une expérimentation concluante que j'ai testée lors de mon déplacement en Chine: cette valise de 18 kilos permet d'aller vers les communautés françaises très éloignées des consulats pour la prise des empreintes biométriques, en leur évitant d'avoir à prendre l'avion deux fois pour faire renouveler leur passeport.

Pour l'Agence de l'enseignement français à l'étranger, finalement l'ensemble des crédits se sont concentrés sur les bourses, au détriment de l'opérateur lui même, qui a été privé de moyens pour son développement immobilier. Les familles ont dû, par contrecoup, supporter, via les frais d'écolage, les coûts de remise aux normes, ou celui des nouvelles constructions... Il nous faut aujourd'hui retrouver un équilibre pour l'AEFE. La réflexion que je mène sur l'enseignement à l'étranger est plus globale : elle vise à répondre à l'accroissement des besoins, de 4 % par an, sans doute avec d'autres possibilités, comme le réseau FLAM (français langue maternelle) pour les plus petits, ou encore le développement de filières bilingues dans les établissements des pays hôtes, pour les familles qui ne voudraient pas forcément bénéficier d'un enseignement français conduisant jusqu'au baccalauréat.

Les missions des ambassadeurs Carré et Lequertier sont complémentaires et seront naturellement articulées. Le but est d'améliorer à la fois le service rendu et les conditions de travail des agents. La mission Lequertier doit passer en revue l'ensemble des missions du réseau consulaire : faut-il en conserver l'ensemble des tâches ?

Pour la réforme des bourses, le nouveau système sera plus lisible et plus juste, et plus adapté aux besoins réels des familles.

S'agissant de la réforme de l'Assemblée des Français de l'étranger, je présenterai prochainement aux parlementaires mes orientations qui sont attendues, comme je vous l'avais indiqué, pour le mois de décembre devant le bureau de l'AFE. La date d'adoption du texte de loi dépendra de la concertation, que je souhaite engager sur le sujet, mais il n'est pas exclu que nous puissions tenir les élections en 2013.

M. Robert del Picchia. - Un report aurait des incidences budgétaires car 2,1 millions d'euros sont prévus pour cette élection.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. - Pour l'instant nous n'avons pas d'autre date que 2013 pour les élections à l'AFE.

M. Jean-Pierre Cantegrit. - Je salue tout d'abord le choix pertinent du Président de la République qui a désigné en vous, Madame, un ministre très au fait des dossiers qui concernent les Français de l'étranger.

Vous avez salué le maintien des crédits d'aide sociale mais cette somme est insuffisante. En particulier, depuis la loi de modernisation sociale de 2002 -ce fut une des dernières lois du Gouvernement Jospin- le concours versé par le ministère ne finance plus qu'un quart des dépenses relatives à la « troisième catégorie » aidée, ce qui a de graves conséquences sur l'équilibre financier de la Caisse des Français de l'étranger, que je préside. En outre, une aide des services consulaires serait bienvenue pour le contrôle de leurs revenus qui est particulièrement complexe, par nature, à l'étranger, et représente, en outre, une lourde tâche.

L'Assemblée des Français de l'étranger a subi de nombreux changements depuis sa création en 1948, mais nous sommes aujourd'hui à l'aube d'un profond changement. Je souligne à mon tour la difficulté de calendrier compte tenu des élections prévues pour juin 2013 et des élections sénatoriales de 2014.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. - Les crédits d'aide sociale sont maintenus à 19,8 millions d'euros ce dont je me félicite en effet, compte tenu d'un cadrage budgétaire global de diminution de 7 % des crédits d'intervention. Même si naturellement il peut toujours sembler souhaitable de faire plus.... Pour l'AFE, vous serez très bientôt saisis de mes propositions.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je me limiterai aux strictes questions budgétaires portant sur le projet de loi de finances pour 2013.

Tout d'abord, le Président de la République avait annoncé le report de l'intégralité des crédits de la PEC sur les bourses. Lorsque j'ai constaté il y a quelques semaines sur mon blog que ce report ne se ferait finalement qu'en trois ans, mes propos ont été qualifiés de « dérapage » au prétexte que cet étalement triennal aurait été annoncé. Pouvez-vous me préciser quand et en quels termes ?

S'il est impossible de reporter les 12,5 millions d'euros de crédits de la PEC sur les bourses, pouvez-vous nous indiquer pourquoi et où ces sommes ont-elles été réaffectées ? Elles auraient pu être utilisées pour le programme FLAM, pour les filières d'enseignement bilingue que vous avez mentionnées, pour constituer un fonds de roulement pour les lycées permettant l'étalement du versement des frais de scolarité...

Il fallait sans doute réformer l'actuel système des bourses. Mais vous avez fixé le point d'exclusion au dessus de 200 000 euros pour le patrimoine immobilier. Cette somme ne permet pourtant d'acquérir que 20 m² dans certains quartiers parisiens, pour des Français de l'étranger qui, n'ayant parfois ni retraite ni protection sociale, ont autant besoin de préparer leur retraite que d'y loger leurs enfants qui font des études...

Pourquoi avoir choisi l'indice Mercer, établi par un cabinet privé, et pourquoi ne pas avoir fait appel aux missions économiques pour établir le coût de la vie ? Les commissions locales sont par ailleurs les mieux à même d'évaluer finement les situations réelles des familles.

Sur la ligne de crédits de l'AFE, je m'inquiète d'une baisse de 9,7 % des crédits de fonctionnement annoncée dans le programme annuel de performance : quelle est la cohérence avec les annonces d'une baisse de 0,6 % seulement de ses crédits de fonctionnement ? De même les crédits de fonctionnement des agences consulaires baissent de 6,6 % alors que leurs tâches ne cessent de croitre... Comment justifier, enfin, dans le contexte de croissance de nos communautés, la baisse programmée des tournées consulaires ?

M. René Beaumont. - Madame la ministre, c'est un plaisir et une fierté de vous accueillir parmi nous. Laurent Fabius vous a confié une mission de réflexion sur les établissements d'enseignement français à l'étranger : quels en sont le périmètre, les limites, la problématique et le calendrier ?

Mme Kalliopi Ango Ela. - De retour du Congo Brazaville, je peux témoigner de la charge de travail importante des agents consulaires ; les suppressions de postes annoncées inquiètent les personnels. Quelles simplifications, quelle dématérialisation envisagez-vous ? La saturation du réseau consulaire conduit parfois à des situations personnelles dramatiques.

Enfin, que comptez-vous faire pour faire mieux connaître aux Français de France les Français de l'étranger ? Une campagne de communication était un temps envisagée, qu'en est-il ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. - Laurent Fabius a indiqué en ouvrant la session de septembre de l'AFE, que les crédits alloués précédemment à la PEC seraient redistribués sur l'enveloppe des bourses sur le triennum budgétaire 2013-2015 et je l'ai souligné moi-même en clôture de la session.

Concernant la réforme de l'aide à la scolarité : tout système est naturellement perfectible : des ajustements pourront être faits. L'indice Mercer est reconnu comme fiable, il est déjà utilisé par le ministère, il permettra d'avoir une plus grande homogénéité de situations par rapport à la situation antérieure où les postes fixaient les revenus minimum ; j'ajoute que les missions économiques ne sont pas présentes partout.

La baisse des crédits des consuls honoraires résulte de l'application de la norme gouvernementale de réduction des dépenses. Nous avons fait le choix politique de maintenir certains crédits, en contrepartie d'autres lignes budgétaires contribuent à l'effort de redressement des finances publiques.

Sur le réseau d'enseignement à l'étranger, un groupe de travail s'est déjà réuni deux fois, il présentera des orientations pour une concertation à partir de début 2013. Nous n'avons pas de calendrier précis ni de date butoir pour cette réforme qui, touchant en profondeur l'organisation actuelle, demandera nécessairement du temps. Il nous faudra de la créativité, inventer de nouveaux outils, dans un cadre budgétaire contraint. Certains programmes ont d'ores et déjà été testés.

Deux précisions pour finir : Certaines suppressions d'ETP sont en réalité la non reconduction de vacataires embauchés pour les élections de 2012. Par ailleurs, la baisse des crédits de l'AFE est notamment liée à la renégociation de marchés, à son fonctionnement courant, elle ne concerne pas les indemnités des conseillers.

Mercredi 31 octobre 2012

- Présidence de M. Daniel Reiner, vice-président -

Loi de finances pour 2013 - Mission Défense - Audition du général Denis Mercier, chef d'État-major de l'armée de l'Air

Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission auditionne le général Denis Mercier, chef d'État-major de l'armée de l'Air, sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission Défense).

M. Daniel Reiner, président. - Monsieur le chef d'état-major, au nom de tous mes collègues, je vous souhaite la bienvenue dans cette commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat que vous connaissez bien mais qui vous auditionne pour la première fois dans vos nouvelles fonctions de chef d'état-major de l'armée de l'air.

Bien que n'étant pas gestionnaire de programme, nous auditionnons chacun des chefs d'état-major de nos armées. Vous allez dans quelques instants nous présenter les lignes de force du budget 2013 pour l'armée de l'air. Ce budget est un budget d'attente ou de transition en attendant les conclusions de la commission du Livre blanc et sa déclinaison dans la loi de programmation militaire que nous aurons à étudier au premier semestre de l'année prochaine.

Les contraintes sont très fortes et elles viennent s'ajouter à une transformation profonde de l'armée de l'ait avec la contraction de son format en effectifs, en nombre d'escadrons et de bases. Notre force aérienne rencontre par ailleurs des déficits capacitaires comme les drones, au sujet desquels nous attendons la décision finale du ministre, les ravitailleurs, mais la commande de 14 appareils vient d'être annoncée. Le déficit pèse aussi sur la protection des moyens de combats puisque nous ne disposons pas de capacités de suppression des défenses sol air adverses. Et je ne cite pas la rénovation des Mirages 2000 D, les tensions sur le renouvellement de la flotte de combat et les contraintes pesant sur le soutien.

La création des bases de défense a constitué un facteur d'incertitude pour chacune des trois armées, comme l'a montré un récent rapport de notre commission. Cependant, celles constituées à partir de bases aériennes, comme celle de Nancy, que je connais, se sont rapidement adaptées. Au total, l'armée de l'air est confrontée, comme l'ensemble de la défense, à la nécessité prioritaire du redressement des finances publiques que traduit la loi de programmation qui leur est consacrée, en cours d'examen au Parlement. Nous avons un outil performant et bien servi comme l'ont montré les opérations récentes, et je ne parle pas seulement de la Libye. Va-t-on réussir à en préserver la cohérence ? Quelles sont les commandes et les livraisons attendues par votre armée ?

Je vous laisse la parole pour éclairer ce tableau un peu sombre.

Général Denis Mercier, chef d'État-major de l'armée de l'air. - Monsieur le président, mesdames, messieurs, les sénateurs, c'est avec fierté et plaisir que je m'exprime devant vous pour la première fois en tant que chef d'état-major de l'armée de l'air.

Alors que je viens de prendre mes fonctions depuis près de deux mois, les aviateurs sont au centre de mes préoccupations. Ils mènent les opérations dans lesquelles l'armée de l'air est engagée, sur le territoire national et sur les théâtres extérieurs, tandis qu'ils mettent en oeuvre une des réformes les plus importantes que nous ayons jamais conduite. Leurs attentes sont fortes et légitimes. En tant que CEMAA, j'ai deux objectifs principaux. Le premier : que l'armée de l'air soit toujours en mesure de répondre à ses engagements opérationnels, le second : faire aboutir la transformation engagée depuis plusieurs années et qui proportionnellement touche le plus l'armée de l'air : 25% de réduction des effectifs, 30% de réduction de la composante aéroportée et de l'aviation de combat. Cette transformation a en outre été menée pendant la conduite permanente d'opérations : au cours de l'été 2011, des personnels ont par exemple été simultanément engagés dans l'opération Harmattan et dans le déménagement de leurs unités de la base aérienne de Reims vers celle de Mont-de-Marsan, le tout dans un état d'esprit remarquable. Je dois pour cela donner aux aviateurs, sous l'autorité du CEMA, une direction pour l'avenir, un projet cohérent de la politique qui sera déterminée par le Livre blanc. Un projet qui permette de maintenir le niveau opérationnel pour faire face aux nombreuses missions qui nous attendent et donner un sens aux efforts consentis par ces hommes et ces femmes qui continuent de démontrer au quotidien une motivation profonde pour servir notre défense, notre Nation et ses valeurs.

Aujourd'hui, les aviateurs sont engagés dans de nombreuses missions opérationnelles. Sur le territoire national, au sein de forces prépositionnées, en opérations extérieures ils participent de façon déterminante à la mise en oeuvre de la politique de défense de notre pays. Ils montrent ainsi au quotidien combien l'armée de l'air est efficace.

D'abord pour garantir en permanence la protection de notre pays.

La posture de sureté aérienne conduite par le centre national des opérations aériennes de Lyon Mont Verdun, coeur de l'armée de l'air, en liaison directe avec le premier ministre le cas échéant, assure la souveraineté de notre espace aérien national, 24 heures sur 24. Ce dispositif éprouvé, extrêmement flexible et réactif, permet d'armer huit avions de combat en alerte, à moins de 15 minutes, ainsi que cinq hélicoptères. C'est une mission essentielle, au coeur de notre expertise.

Ce dispositif permet en outre d'assurer la protection de nos concitoyens, avec les missions de sauvegarde et d'assistance, missions interministérielles assurées en métropole et dans les DOM-COM. Depuis le début de l'année, 27 opérations de recherche et sauvetage réalisées, 31 personnes sauvées. En engageant régulièrement des moyens, comme l'AWACS E3F, dans la lutte contre les trafics (pirates ou narcotrafiquants) en coordination étroite avec la marine, l'armée de l'air contribue aussi activement à tous les types d'engagement.

Enfin, mission essentielle et structurante, la protection de nos intérêts vitaux repose, notamment, depuis 1964, sur la mise en oeuvre par l'armée de l'air de la composante aéroportée de la dissuasion. Depuis la diminution d'un tiers de son format en 2011, cette composante est mise en oeuvre par deux escadrons de chasse dotés de l'ASMP-A (Air Sol Moyenne Portée - amélioré), l'un sur Rafale, l'autre sur Mirage 2000, auxquels s'ajoutent nos ravitailleurs. Bien qu'en s'ouvrant à la polyvalence, nous avons réussi à maintenir la crédibilité de cette force par un entraînement très strict et adapté au maintien de la posture voulue par le Président de la République. Les américains se tournent aujourd'hui vers nous car nos procédures les intéressent.

L'armée de l'air est présente sur tous les théâtres d'opérations, comme en témoignent nos différents engagements actuels.

Présent depuis onze ans, en Afghanistan, notre dispositif a évolué au cours de cette année 2012. Nos avions de chasse et nos drones ont quitté le théâtre mais la mission continue. Nous maintenons notre détachement d'avions de transport à Douchanbé ainsi qu'un Caracal à Kaboul et un C135 aux Emirats Arabes Unis. Nous avons la responsabilité, depuis le 1er octobre, de commander la base aérienne de Kaboul. C'est une vraie mission centrée sur la gestion des flux de matériels entrants et notamment sortants alors que l'OTAN se désengage et qui met en oeuvre toutes les capacités d'une base aérienne. Une mission lointaine, opérationnelle, complexe mais stimulante. Elle illustre notre capacité à gérer, dans n'importe quelles circonstances, des plates-formes aéroportuaires, le coeur de notre métier. Peu d'armées de l'air en sont capables, les Américains nous ont demandé de nous en charger, en raison, notamment, de notre action sur l'aéroport de Sarajevo dans les années 1990. Le détachement de Douchanbé au Tadjikistan nous permet aussi de conduire une action diplomatique dans des pays cruciaux pour l'avenir, en plus des missions logistiques, avec un nombre très réduit de personnels.

De la même façon, notre dispositif a connu des changements récents en Afrique avec le déploiement au Tchad de Mirage 2000D pour remplacer nos Mirage F1 CT récemment retirés du service. Notre prépositionnement et notre capacité à nous déployer rapidement sur ce continent nous offrent des leviers d'action particulièrement intéressants dans de nombreux domaines.

Enfin, l'ensemble de nos capacités offre des perspectives de coopérations internationales fortes, que ce soit au sein de l'OTAN, dans une dimension européenne, ou dans un cadre bilatéral.

Comme vous venez de le constater, au service de la Nation et de la volonté politique de nos dirigeants, l'armée de l'air possède une expertise unique. Elle protège en permanence notre pays et est capable d'intervenir à plusieurs milliers de kilomètres sur une zone de crise, par la voie des airs, immédiatement et en toute autonomie, à partir de notre territoire national. L'opération Harmattan, l'année dernière, en a fait la meilleure des démonstrations. Pour cela, l'armée de l'air s'appuie sur quatre capacités clés dont je considère qu'elles forment le socle de ce domaine d'excellence. Ces capacités, au coeur de nos missions de protection, sont armées en permanence et concourent à toutes les fonctions stratégiques.

Première d'entre elles, la capacité permanente, armée 7J/7, 24H/24 à assurer la planification, le commandement et le contrôle des opérations aériennes à partir du Centre national des opérations aériennes du Mont Verdun à Lyon.

Alimentée par le renseignement, cette capacité représente le véritable cerveau qui coordonne et conduit nos opérations aériennes. En Libye, les évacuations de ressortissants menées dès le 22 février, les missions de reconnaissance pré-crise, ou les frappes des premiers jours, ont été dirigées à partir de Lyon Mont Verdun. Maintenu en alerte par une activité quotidienne, ce centre présente des aptitudes de permanence, d'anticipation, de déclenchement d'alerte, de conduite d'intervention et de gestion de crise ouvertes à l'interarmées, l'international et l'interministériel.

Reliées en permanence à ce centre, nos bases aériennes forment la colonne vertébrale de l'armée de l'air. Nos avions de chasse ont frappé à Benghazi en décollant de Nancy, Dijon ou Saint-Dizier. L'opération Harmattan a prouvé qu'elles étaient un véritable outil de combat, apte à basculer instantanément du temps de paix au temps de crise. Organisées en pôles de compétences, pouvant accueillir des organismes interarmées ou interministériels, elles sont disponibles en permanence au service des autorités étatiques pour tout cas de crise. Prépositionnées loin du territoire métropolitain, comme à Al Dhafra à Djibouti ou à Cayenne, elles offrent également des possibilités uniques pour déployer des dispositifs importants. Ceci illustre que les personnels du soutien qui arment ces bases participent tous à la réalisation des opérations menées sur, en dehors ou à partir du territoire national.

Deuxième capacité clé liée à la première: l'aptitude à recueillir du renseignement avant et pendant une opération.

Notre pays a pu intervenir en premier le 19 mars 2011, de façon autonome, parce qu'une importante campagne de surveillance, de recueil et d'exploitation de l'information avait été menée auparavant. Yeux et oreilles de notre dispositif, les satellites, AWACS, Transall Gabriel et avions de chasse ont offert une complémentarité de moyens permettant de reconstituer une grande partie de l'ordre de bataille ennemi. Si on ne voit pas, on ne sait pas, on n'agit pas.

Ce flux d'informations, pouvant être recueilli en temps réel, est le véritable nerf de nos engagements sur le territoire national ou sur les théâtres extérieurs. Cette capacité, coeur de la fonction connaissance anticipation, se fonde sur des moyens pouvant être utilisés discrètement, la plupart du temps dans les espaces internationaux.

Elle se complète par l'aptitude à recueillir sur un théâtre d'opérations, une fois acquise la maîtrise des espaces aériens, un renseignement continu par une présence permanente que seuls les drones peuvent nous offrir.

Troisième capacité clé : la projection stratégique, nos jambes.

C'est elle qui nous donne l'élongation pour agir vite et loin. Nos avions de transport, de ravitaillement, sont la clé de voûte de cette projection. Ils peuvent agir dans tout le spectre des opérations : de l'évacuation de ressortissants au déploiement de moyens de combat en passant par l'assistance à des populations sinistrées. Ce sont eux qui sont allés chercher nos ressortissants au Japon après l'accident de Fukushima, alors que les compagnies civiles avaient suspendu leur desserte. Cette capacité nous fait défaut aujourd'hui.

La réussite des opérations libyennes a reposé sur un effort logistique sans précédent permettant d'acheminer les munitions, les hommes et les matériels vers les bases d'où s'élançaient nos avions de combat. Preuve s'il le fallait que le soutien, à tous les niveaux, est une mission opérationnelle, notre infrastructure, nos systèmes d'information et de communication (SIC), notre soutien vie, ont permis le déploiement des avions de combat sur des bases aériennes où l'empreinte humaine était minimisée. A Souda, en Grèce, le ratio était de 20 aviateurs pour un avion. Cette capacité de projection sous faible préavis offre en plus une réversibilité de l'action toute aussi rapide. Plus nous disposerons de ces capacités de projection, plus nous pourrons diminuer les empreintes au sol et adapter les moyens aux besoins, donc diminuer les coûts.

Enfin quatrième capacité clé : la formation.

Véritable sang qui irrigue l'ensemble de nos composantes et nos spécialités, la formation permet l'acquisition de compétences et leur entretien tout au long de la carrière. C'est le socle indispensable qui donne à l'aviateur ses valeurs et ses repères mais aussi une qualité essentielle : sa faculté d'adaptation et son aptitude à faire face aux surprises stratégiques ! Par ailleurs, cet enseignement irrigue ces valeurs et ces compétences au-delà de la seule communauté de la défense, au profit de la Nation tout entière.

L'armée de l'air est aujourd'hui un outil crédible reconnu au niveau international. Le projet de loi de finances 2013 prévoit la livraison et la commande de nouveaux matériels qui s'inscrivent dans ces capacités socles et peuvent apporter une véritable rupture en offrant des possibilités opérationnelles nouvelles et des perspectives d'utilisation génératrices de gains de fonctionnement importants. J'insiste sur ce point qui doit à mes yeux être pris en compte dans le livre blanc et la future loi de programmation militaire (LPM) : comment les capacités nouvelles peuvent augmenter nos aptitudes opérationnelles en diminuant les coûts de fonctionnement.

Concernant le commandement et le contrôle, le PLF prévoit la livraison aux normes OTAN du centre de commandement, de détection et de contrôle des opérations aériennes. Cette évolution du CNOA permettra de diriger, depuis Lyon, toutes les opérations aériennes menées sur le territoire et à l'extérieur du territoire national. Nous maintiendrons une composante déployable, mais minimum, le but recherché étant d'opérer chaque fois que possible depuis le territoire national. Au standard OTAN, le personnel qui y sera affecté n'aura pas besoin de formation spécifique additionnelle pour être engagé dans une opération de l'Alliance. Le CNOA est déjà une structure ouverte qui offre la possibilité de planifier et conduire des opérations aériennes avec des partenaires européens. Cette évolution permettra de diminuer le nombre de centres de contrôle en France par une automatisation accrue des moyens. Il pourrait enfin servir d'épine dorsale à un dispositif plus large de gestion de crise, en agrégeant des cellules interministérielles, évolution que j'appelle de mes voeux et qui est source de réelles synergies entre défense et sécurité. Cette évolution doit aussi nous conduire à une plus large réflexion sur la cyberdéfense et la façon dont nous concevons les réseaux de demain, dans un cadre, là aussi, interarmées et interministériels. Pour simplifier nous avons le choix entre des réseaux moyennement durcis avec une couche humaine importante ou bien des réseaux durcis, qui sont plus chers à mettre en place mais requièrent ensuite une couche humaine plus faible. C'est une question qui peut être abordée au niveau interministériel. Grâce à ses réseaux opérationnels, l'armée de l'air possède une expertise dans ce domaine.

Dans le domaine du renseignement, la commande d'un premier système de drone intermédiaire MALE et la livraison d'un Transall C160 Gabriel rénové constituent des avancées significatives. Il est important dans ce domaine de distinguer, d'une part, la surveillance et l'appréciation du renseignement d'intérêt général et, d'autre part, le renseignement pendant une crise.

Concernant le premier sujet, plus que jamais, la capacité d'entrée en premier reposera sur le renseignement d'origine électromagnétique. En Syrie, comme au Vietnam précédemment, le déploiement de systèmes sol-air russes a pour objectif le déni d'accès du milieu aérien. Sans maîtrise des espaces aériens, vous ne pouvez avoir de maîtrise des espaces terrestres et maritimes. Les menaces sol-air sont particulièrement importantes ; or on a abandonné les missiles électromagnétiques en Europe. L'un des moyens de contrer cette menace est de bien positionner ces systèmes, d'où l'importance du renseignement, en particulier de nos satellites d'observation (dont Ceres), pour les détruire ensuite par des missiles de croisière.

Sur le deuxième point, nous avons acquis de véritables compétences opérationnelles en renseignement en temps réel avec le Harfang mais c'est un système non pérenne. Tous nos principaux alliés européens sont résolument engagés dans l'acquisition de systèmes modernes. Il y a de véritables gisements de coopérations à exploiter avec eux dans des domaines aussi variés que la formation, le soutien, les normes ou même l'emploi.

Nous devons aussi réfléchir à de nouvelles voies dans l'utilisation de ces drones. Conçus pour surveiller de larges zones sur de longues périodes, ils peuvent apporter une aide précieuse à des autorités civiles pour l'évaluation permanente de la situation et la coordination des moyens. A titre d'exemple, l'administration américaine des douanes et des frontières dispose de drones MALE. La surveillance des espaces, qu'ils soient aériens, maritimes ou terrestres, sera de plus en plus assurée par des drones qui pourront être opérés à partir d'un centre unique, même s'ils sont engagés hors de nos frontières.

S'agissant de la projection stratégique, nous allons entrer dans une nouvelle ère. Une ère où la rapidité et la capacité de transport des nouveaux vecteurs nous permettent d'imaginer de nouveaux concepts d'emploi plus dynamiques.

L'arrivée des premiers A400M est inscrite dans le PLF 2013, marquant une étape importante. Le déficit de notre capacité de transport est critique : le maintien des compétences de nos équipages est de plus en plus difficile et nos capacités sont fragilisées. Si l'A400M devait encore avoir du retard, notre capacité à assurer l'évacuation de nos ressortissants en cas de crise serait remise en cause. L'A400M va démultiplier nos possibilités : il permettra, par exemple, de transporter quatre fois plus de charges qu'un Transall vers Dakar ou N'Djamena en deux fois moins de temps. On ne mesure pas bien aujourd'hui combien l'arrivée de l'A400M va apporter d'innovations et bouleverser nos modes d'action, et nous devons tout faire pour que le premier soit mis en en service dès le printemps 2013, tel que prévu aujourd'hui.

La commande des premiers avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport, MRTT, inscrite dans le PLF, ouvre aussi un nouvel horizon à notre capacité de transport stratégique. Les MRTT remplaceront, à l'horizon 2017, nos Boeing C135 dont l'âge avancé fait peser un risque permanent de rupture capacitaire et nous contraint beaucoup en termes de maintenance. Mais ils remplaceront aussi les 3 Airbus A310 et les 2 A340 dont ils reprendront la totalité des missions de transport de personnel et d'équipements. 14 appareils en remplaceront 19. Pilier de notre projection de forces et de puissance, un MRTT sera capable d'amener 4 Rafale et 20 tonnes à 5 000 km, là où un C135 n'amène que 2 avions et 7 tonnes. Vecteur polyvalent, il pourra transporter près de 300 passagers à 5 000 km, là où un C135 n'en transporte que 55.

A partir du territoire national, s'appuyant sur des « hubs » judicieusement positionnés, A400M et MRTT, parfaitement complémentaires, offriront une capacité d'intervention immédiate et inégalée vers n'importe quel point du globe. Ils pourront servir à d'autres coopérations dans des zones d'intérêt et leur long rayon d'action laisse imaginer l'emport de moyens de reconnaissance banalisés dans l'avenir. Utilisable dans une vaste panoplie de missions, le MRTT pourra par exemple atteindre l'Asie, à coût réduit car c'est un appareil qui est opéré aujourd'hui par la grande majorité des compagnies aériennes.

A400M et MRTT permettront d'assurer des lignes régulières vers les DOM-COM et de mutualiser des capacités de transport avec d'autres ministères qui se tournent aujourd'hui vers des affrètements coûteux et de mieux réagir aux surprises stratégiques. Ils permettront donc de revoir nos principes de prépositionnement de forces et d'équipements.

Tous deux offriront des perspectives de coopérations européennes très fortes. En nous adossant au commandement européen du transport aérien, l'EATC, qui a montré sa pertinence lors d'Harmattan, nous pouvons envisager de créer une véritable escadre européenne dont l'A400M sera le fer de lance.

L'ensemble de ces capacités sont ouvertes aux coopérations européennes. J'ai cité le centre de Lyon Mont Verdun mais aussi, concernant l'A400 M la coopération bilatérale avec les allemands pour la formation et avec le Royaume Uni pour un soutien commun.

La mutualisation européenne c'est d'abord un accord sur les normes de réparation et les pièces de rechange comme cela existe au niveau civil. Je suis persuadé que c'est par les normes que l'Europe de la défense avancera. Pour le MRTT une partie est mutualisable hors dissuasion comme l'emploi ou la formation. L'EATC est un exemple remarquable de bourse d'échange qui aboutit à constituer une véritable escadre européenne sur laquelle il faut continuer à capitaliser.

Pour l'aviation de combat, le PLF 2013 confirme la livraison de neuf nouveaux Rafale polyvalents. Je me réjouis de la livraison de ces appareils. Cependant, il importe de bien dimensionner notre outil dans la future LPM. Le fait de conserver des Mirage 2000 D rénovés est tout à fait pertinent. Ils sont moins chers et d'emploi plus facile sur des missions ciblées comme la police du ciel, afin de laisser au Rafale les missions les plus exigeantes. La combinaison des deux flottes est optimale. Une capacité de combat bien entraînée et crédible est essentielle au début de chaque opération car elle conditionne la maîtrise des espaces aériens, condition nécessaire pour assurer une liberté de mouvement dans les espaces terrestres et maritimes. Cette capacité d'entrée en premier doit être crédible car il n'y a pas de combat asymétrique dans les espaces aériens où c'est le plus fort qui impose sa loi. Contrairement à ce que nous avons pratiqué jusqu'ici, il nous faut dimensionner cette capacité initiale et réfléchir à toutes les voies pour l'entraînement et l'équipement du reste de la flotte de combat destinée à assurer, dans une deuxième phase des opérations, l'aptitude à durer et à régénérer le potentiel. Différents niveaux d'entraînement : accroissement de la simulation, utilisation de flottes de complément, ou de flottes à la polyvalence plus limitée, capacité à remonter en puissance, sont parmi les pistes que nous explorons dans un souci de maintien de nos aptitudes opérationnelles à coût maîtrisé. Tout le format de l'aviation de combat ne doit pas forcément être en mesure de réaliser les missions des premiers jours d'un engagement de haute intensité.

Mais la vision à moyen et long terme ne doit pas occulter la gestion du présent. Les efforts budgétaires du court terme pourraient nous imposer des choix aux conséquences irréversibles pour l'avenir. C'est pourquoi j'exprime trois inquiétudes principales.

La première concerne le maintien de l'activité aérienne pour nos équipages. Elle est essentielle pour garder des compétences, préserver un niveau suffisant de sécurité aérienne et garantir le moral de nos aviateurs. Nous sommes confrontés à la difficulté de contenir les coûts de maintien en condition opérationnelle (MCO). En 2012, l'écart entre les ressources disponibles et les besoins d'entretien programmé des matériels aéronautiques de l'armée de l'air a atteint 300 M€.

Cela se traduit par une pression de plus en plus forte sur la formation et l'entraînement des forces et, en conséquence, une érosion du capital des savoir-faire opérationnels. Malgré les efforts, que je salue, du ministère sur le domaine, en 2013, le déficit d'activité sera d'environ 20 % par rapport au besoin nominal d'entraînement des équipages. C'est acceptable dans un budget d'attente, mais nous approchons d'un seuil qui pourrait devenir critique. Notre cohérence repose sur notre capacité à trouver le bon équilibre entre notre format et les ressources dédiées à l'entretien programmé de nos matériels.

Ma deuxième préoccupation concerne les hommes et les femmes de l'armée de l'air. Ils consentent depuis de nombreuses années de lourds efforts à des réformes exigeantes, dont les effets ne sont pas immédiatement visibles par tous. Nous avons fermé 12 de nos bases aériennes en quatre ans. A raison de 4 000 départs pour environ 2 000 recrutements annuels, nous conduisons une réduction de format de 25 %, sur le principe du « non-remplacement d'un départ sur deux ». En deçà, nous perdons des compétences. Il faudra remonter à 4 000 recrutements annuels en 2015. Au 1er janvier 2013, l'armée de l'air comptera 47 100 militaires, dont les 3/4 (36 400) au sein du budget opérationnel de programme (BOP) AIR, ainsi que 5 400 personnels civils, hors Service industriel de l'aéronautique (SIAé).

Depuis 2008, nos effectifs militaires ont donc diminué de près de 18 %. Au terme de la réforme, 43 100 militaires porteront l'uniforme de l'armée de l'air.

Cette politique s'est accompagnée d'une maîtrise de notre masse salariale pour laquelle nous avons conduit une politique rigoureuse en matière d'avancement et d'attribution de primes. Nous avons encore des défis à relever pour mener cette réforme à son terme.

Nous devons anticiper la remontée du recrutement. Nous devrons trouver la bonne formule pour permettre une remontée progressive et réaliste du recrutement tout en amenant à son terme la déflation prévue des effectifs. Car nous avons toujours un besoin essentiel de recruter dans les bonnes compétences.

Je suis également attentif à la perspective, en 2013, d'une réduction significative des tableaux d'avancement qui risque de fragiliser le moral des aviateurs, notamment dans les catégories de personnel qui portent la réforme. Au lieu d'un effort ponctuel peu bénéfique, il me semble nécessaire d'inscrire notre action dans une logique globale et pluriannuelle de révision des avancements prenant en compte l'allongement des carrières.

Je suis enfin très à l'écoute des problèmes d'identité que me font remonter les nombreux aviateurs qui sont dans les structures interarmées. C'est une vraie demande de leur part et nous développons un plan d'action spécifique qui proposera, par exemple, la mise en place de « bases aériennes virtuelles » dans lesquelles les aviateurs pourront se retrouver au sein d'espaces numériques participatifs.

Ma dernière crainte concerne la construction budgétaire. Les trajectoires financières actuellement esquissées nous amènent à court terme sous le seuil nécessaire pour honorer nos engagements déjà passés. En poursuivant dans cette direction, nous serons dans l'impossibilité de procéder aux nouvelles acquisitions, celles qui nous permettront de mettre en place des modes de fonctionnement sources d'économies.

Les drones, les MRTT, qui n'entrent pas encore dans la construction budgétaire, sont en position de vulnérabilité.

Par ailleurs, la phase 2 de la quatrième étape du système de commandement et de conduite des opérations (SCCOA) n'est pas prévue dans le PLF. L'étape 4 a été scindée en deux phases pour des raisons budgétaires. Elle a notamment pour objectif majeur de renforcer la posture permanente de sûreté en fiabilisant la détection et en abaissant son plancher sur l'ensemble du territoire national, mais aussi de rendre notre système plus interopérable au sein de l'OTAN, et de préserver la capacité à planifier et conduire des opérations sur et à partir du territoire national. De façon générale, le programme SCCOA est au coeur de la transformation de l'armée de l'air.

Le report de nombreux programmes d'équipement, décidés en amont des travaux du PLF, pourrait aussi s'avérer préjudiciable à notre capacité opérationnelle. C'est le cas par exemple de ceux liés aux obsolescences du missile Aster30, du pod RECO NG, du simulateur Mirage 2000C, de la mise aux normes civiles des hélicoptères Puma et Fennec, de la rénovation des C130 et de la flotte de Mirage 2000D.

Sur ce dernier point, je souligne que le Mirage 2000D, au potentiel de vie encore élevé, nous permettrait de disposer d'un avion capable d'effectuer une large gamme de nos missions en complément du Rafale. Avec cette remise à niveau, dont le besoin a été exprimé en 2006, le Mirage 2000D pourrait assurer aussi bien les missions de police du ciel, de renseignement électromagnétique, de frappes à longue distance que d'appui feu au profit des troupes au sol. Ainsi rénové, cet appareil libérerait le Rafale pour des missions plus exigeantes. Enfin, l'existence de deux flottes nous garantirait d'assurer en toutes circonstances nos missions, même en cas d'arrêt de l'une d'entre elles pour un fait technique majeur, par exemple.

Enfin, si j'ai brossé les perspectives pour le moyen et le long terme, pour le court terme, je milite pour l'étude de solutions qui permettent de conserver la réversibilité nécessaire à la préparation d'un avenir qui pourra être différent de celui d'aujourd'hui. Un avenir qui sera porté par le personnel s'il n'est pas tourné vers une simple diminution des formats mais bien vers un véritable projet.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, après un mois passé à la tête de l'armée de l'air, je vous ai présenté ma vision de l`armée de l'air au regard des moyens que la Nation lui consacre. Je vous ai fait aussi part de mes inquiétudes. Notre outil est remarquable. Il est résolument tourné vers l'avenir. Il repose sur un équilibre complexe et fragile. Le PLF 2013 est un projet de transition sur lequel nous devons être vigilants dans son application. Toute mesure irréversible prise pour gérer le court terme pourrait de façon irrémédiable compromettre l'avenir. Il doit nous permettre, par ailleurs, de lancer les programmes indispensables à notre capacité opérationnelle.

Notre richesse repose sur des aviateurs remarquables, à la motivation exemplaire, qui sont engagés sur de nombreux théâtres d'opérations. Des citoyens français, fiers de leur engagement au service de leur pays dont ils portent haut les couleurs. Nous leur devons des moyens et des conditions de travail à la hauteur des efforts qu'ils consentent depuis de nombreuses années.

M. Daniel Reiner, président. - Je vous remercie de cet exposé passionnant, qui insiste sur les perspectives interministérielles.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis du programme 146. - Pourriez-vous nous faire un bilan d'étape de la coopération militaire entre les forces armées britanniques et françaises depuis la fin de l'opération en Libye en matière aérienne ? Je sais par exemple qu'il y a eu des exercices conjoints entre Rafale et Eurofighter, dans le nord de l'Écosse. Quels enseignements en tirez-vous ? D'une façon générale, la coopération opérationnelle entre le Royaume-Uni et la France a beaucoup progressé depuis Lancaster House, mais aussi depuis Saint-Malo. On voit en ce moment se dérouler des manoeuvres conjointes entre marines et forces amphibies britannique et française en Méditerranée dans le cadre de l'exercice « Corsican Lion ». Est-ce que la coopération des armées de l'air est aussi bonne ?

A propos de la coopération entre armées européennes, est-ce qu'une escadrille franco-allemande de drones MALE vous semble réalisable et, si oui, dans quel horizon temporel ?

Comment voyez-vous évoluer dans les quinze prochaines années l'aviation de combat ? A quoi serviront exactement les drones UCAV sur lesquels tout le monde travaille, aux Etats-Unis et ailleurs ? Les nations vont dépenser, ont déjà dépensé des centaines de millions d'euros sur ces concepts - près de 500 millions d'euros pour NEUROn et le démonstrateur DEMON ; avez-vous une idée des doctrines d'emploi futur de ces équipements militaires ?

Les Italiens viennent de mettre en oeuvre leurs batteries SAMP-T. Est-il prévu de faire des exercices communs avec eux ?

Général Denis Mercier - Notre coopération avec l'armée de l'air britannique est bien antérieure aux accords de Lancaster House ; nous procédons ainsi à des échanges réguliers de pilotes depuis longtemps. Les accords de Lancaster House comportent trois volets : dissuasion, partage capacitaire, et la Combat Joint Expeditionnary Force. Nos priorités, dans ce cadre, portent tout d'abord sur nos capacités de commandement et contrôle qui méritaient d'être renforcées après l'intervention en Libye avec le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Nos trois pays sont les seuls qui ont les structures politiques d'engagement immédiat des forces. Nous souhaitons également partager avec les Britanniques nos méthodes de soutien de l'A400M, et avons entrepris un échange de pilotes des avions Rafale et Eurofighter. Cet échange sera très intéressant. Cela étant, même si elles évoluent, les capacités de l'Eurofighter n'auront jamais le même degré de polyvalence du Rafale, par choix conceptuel au départ.

En matière d'acquisition de drones MALE, la coopération avec l'Allemagne est envisagée puisque nos pays ont le même calendrier ; un accord vient d'ailleurs d'être conclu entre les deux directions générales de l'armement pour une coopération dans le domaine des drones MALE. La solution qui me paraît la plus pertinente est l'achat du drone américain Reaper, sous réserve de pouvoir rapidement « l'européaniser ». Une coopération avec les britanniques est aussi envisageable.

Le Royaume-Uni possède déjà des Reaper utilisés depuis une base située au Nevada, avec le projet de réaliser rapidement une base nationale à Waddington afin de gagner en autonomie. Leur calendrier est donc aussi similaire au nôtre.

Ce drone pourra constituer une solution intermédiaire jusqu'aux années 2020-2025. Pour l'étape suivante, il paraît indispensable de recourir à une solution européenne, notamment du fait des vastes potentialités d'exportation de ce type de matériel. L'atout français réside dans l'intégration dans l'espace aérien, que nous avons pu mettre en oeuvre pour le drone Harfang, notamment lors des célébrations du 14 juillet 2012. Cela a été remarqué par les représentants de l'armée de l'air britannique. L'intégration dans l'espace aérien européen est le principal défi.

En matière d'UCAV, le démonstrateur Neuron, construit par un consortium industriel réuni autour de Dassault, devrait faire son premier vol en novembre 2012, et pourrait se poursuivre jusqu'en 2014.

A l'horizon 2030 se pose la question des rôles respectifs qui seront assignés aux avions de combat et aux drones armés. Le créneau exact d'emploi des drones armés n'est pas encore bien défini. On s'oriente très vraisemblablement sur une utilisation mixte pilotée et non pilotée. Un groupe d'études européen travaille actuellement sur ce point. Le prix d'un drone de combat sera le même que pour un avion de combat, donc le drone de combat jetable pour pénétrer les défenses adverses n'est pas un concept réaliste. Les missiles de croisière sont plus efficaces pour cela quand on a identifié les cibles. Pour autant, je suis certain que nous aurons des drones de combat dans l'avenir et nous faut continuer à travailler sur leur concept d'emploi.

Pour en revenir au NEUROn, il s'agit d'un démonstrateur destiné à valider les technologies qui le composent. La France et le Royaume-Uni coopèrent, dans le cadre d'un programme d'études amont (PEA), pour la construction d'un démonstrateur de drones de combat « Demon ». D'autre part, les Rafale devront commencer à être remplacés à partir de 2030 ; ce calendrier est identique dans d'autres pays. C'est un sujet important pour l'Europe qui devrait nous guider rapidement à des réflexions sur les futures plateformes de combat, notamment sur les aspects industriels.

Enfin, en matière de défense anti-aérienne, notre coopération avec l'Italie est pleinement satisfaisante ; des représentants de l'armée de terre italienne participeront au prochain tir du block 1 du SAMP-T (système sol-air moyenne portée/terrestre) prévu à Biscarosse. Le sol/air moyenne portée, a été, en effet, confié à l'armée de l'air en France, et à l'armée de terre en Italie, ce qui ne nuit en rien à la densité de notre coopération, qui devrait conduire à des échanges d'officiers.

M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis associé du programme 146. - Pouvez-vous nous parler de la formation des pilotes de chasse à l'horizon 2016 ? Nous n'avons toujours pas fait le choix du remplaçant de l'Alphajet : en tant que CEMAA, quelle est votre préférence entre les différentes solutions possibles : Hawk nouvelle génération, Pilatus 21 ou Aermacchi ? Un recours à l'externalisation pour réduire les coûts est-il envisageable ? Le partage du MCO de l'A400M est-il envisagé avec le Royaume-Uni, alors qu'il ne fait pas partie de l'EATC (European Air Transport Command) ? Cela revient à un entretien en commun, alors que les deux pays ne sont pas dans la même flotte d'avions de transport.

Nous soutenons la rénovation des Mirage 2000-D, particulièrement opportune en cas de réduction ou suppression de la dernière tranche de Rafale, du fait des contraintes budgétaires. Quelles modalités d'emploi assignez-vous à cet avion rénové ?

Nous manquons de missiles électromagnétiques que possèdent encore les Allemands : une possibilité de coopération est-elle envisageable ?

Enfin, comment notre pays peut-il rénover ses capacités de commandement et contrôle sans être obligé de recourir à du matériel américain ?

Général Denis Mercier - La rénovation de la flotte de Mirage 2000-D est une solution tout à fait pertinente, afin de disposer d'une deuxième flotte, moins polyvalente mais capable de remplir de nombreuses missions en complément du Rafale. Cette rénovation pourrait être graduelle, ou même partielle. Le Mirage 2000D se voit déjà porter la capacité Astac (analyseur de signaux tactiques). Les Mirage ainsi rénovés viendraient alléger les tâches dévolues au Rafale, ce qui serait particulièrement précieux dans l'hypothèse d'un report ou d'un étalement de sa tranche 5.

La rénovation de tout ou partie des 70 Mirage 2000-D, évaluée à une somme allant de 300 à 700 millions d'euros, selon le nombre d'appareils et le type de rénovation, permettrait une réversibilité des choix en matière de format de la flotte de combat. Cela constituerait une vraie flotte d'accompagnement du Rafale. C'est pourquoi je regrette que les études préalables aient été reportées à 2014.

M. Daniel Reiner, président. - Ce coût représenterait une tranche annuelle de Rafale ?

Général Denis Mercier - A peine ; cette solution présenterait de multiples avantages, dont celui d'adapter le format afin de permettre la réflexion sur les concepts d'emploi des futurs appareils post-Rafale.

La formation des pilotes de chasse, comme des pilotes des futurs avions de transport MRTT et A400M, doit mettre en priorité l'accent sur la gestion de systèmes que constituent ces nouvelles plateformes, qui reçoivent de nombreuses informations que le pilote doit gérer, pour effectuer sa mission, tout en pilotant son avion. Cette nouvelle dimension doit donc être impérativement intégrée dès la formation initiale. Celle-ci pourrait être externalisée, comme nous l'avons fait à Cognac, ce qui en réduirait considérablement les coûts. En effet, la formation se prête bien à un marché externalisé, car il s'agit de l'achat d'une prestation, mesurable en sorties.

Mais la première étape de cette formation d'un nouveau type est déjà mise en oeuvre à Salon-de-Provence. Cela permet d'y transférer certaines des missions de formation, auparavant effectuées à Cognac, et d'alléger ainsi les coûts.

La deuxième étape consistera, en 2016, à équiper le centre de Cognac, également par externalisation, d'avions dit « glass-cockpit », qui seront configurés comme des Rafale. Cela permettra d'y transférer une grande partie de la formation actuellement réalisée sur Alpha-jet. L'étape suivante portera, à l'horizon 2020, sur la formation complémentaire sur réacteur, actuellement réalisée sur Alpha-jet, et de transférer une partie de l'instruction initiale faite sur avion d'armes.

L'ensemble de ce processus permettra une forte réduction des coûts d'instruction, accompagnée d'une amélioration de la formation.

S'agissant de la mutualisation du MCO dans le cadre EATC où ne sont pas les Britanniques, je suis persuadé qu'ils y rejoindront un jour ce cadre de partage d'activité.

Pour la mission de destruction des défenses sol-air, le retrait de service à terme des systèmes d'armes allemands fera qu'on n'aura plus rien en Europe. Si nous n'avons pas la capacité de développer des missiles électromagnétiques, la suppression des systèmes de défense ennemis sol-air passe par l'utilisation de missiles de croisière et la mobilisation de moyens de renseignement permettant de les localiser. Le Rafale possède, grâce à ses capteurs électromagnétiques, une capacité permettant cette localisation, ainsi que la possibilité de les neutraliser grâce à l'AASM (Armement Air-sol modulaire).

M. Daniel Reiner, président. - Pourquoi les systèmes de détection électromagnétiques ont-ils été progressivement abandonnés par les armées occidentales ?

Général Denis Mercier - Ce sont plutôt les menaces sol-air qui se sont adaptées aux capacités de supériorité aérienne possédées par les flottes d'avions de combat modernes, capacités dont on a pensé qu'elles rendaient superflus ces systèmes.

M. Jean-Pierre Chevènement. - Je rejoins la nécessité, sur laquelle vous avez insisté, de développer nos capacités de frappe à longue distance, qui constituent un instrument indispensable dans un monde multipolaire et mouvant.

S'agissant du Rafale, il est certain que des marchés à l'exportation faciliteraient la modernisation de notre armée de l'air car ils libèreraient des crédits qui seront, autrement, affectés à l'achat de tous ces avions. Je crains cependant que la réintégration de la France dans l'OTAN, qui a eu des aspects positifs sur le plan technique, mais aussi négatifs sur le plan symbolique, ne nuise à la perception qu'ont de notre pays des marchés potentiels comme l'Inde ou le Brésil, qui pourraient considérer que nous sommes moins indépendants vis-à-vis des Etats-Unis qu'auparavant. Notre capacité de dissuasion constitue un élément d'identification de la posture particulière de la France et de son indépendance. Je me réjouis que le nouveau Président de la République ait réaffirmé la nécessité d'en maintenir les deux composantes.

Une éventuelle intervention africaine au Mali, soutenue par la logistique et les capacités de renseignement occidentales, et bénéficiant notamment de la forte présence que les Etats-Unis déploient, en ce domaine, au Sahel, ne pourrait s'effectuer que sous l'égide d'une résolution de l'ONU. Les frappes aériennes devraient être très ciblées, et effectuées hors des villes, pour éviter des pertes au sein de la population, qui ne manqueraient pas de la retourner contre leurs auteurs.

Enfin, il faudrait tenir compte, dans la planification des combats au sol, de l'appartenance ethnique des Touaregs, qui sont des Arabes nomades ; il faudra prendre en compte dans l'envoi de troupes de la CEDEAO du danger de raviver d'anciennes oppositions entre types de populations.

Général Denis Mercier - En effet, la capacité de frapper loin et vite est essentielle à notre autonomie nationale. Elle constitue un atout majeur de l'armée de l'air française, comme l'a illustré son rôle lors de l'intervention en Libye.

Concernant notre concept de dissuasion, la France est revenue au sein de la structure militaire intégrée de l'OTAN, mais est restée hors du groupe des plans nucléaires. Plus particulièrement, la composante aéroportée représente 7 % des coûts de l'agrégat dissuasion. Elle a permis également d'acquérir des capacités de ciblage et de projection garantissant la crédibilité nécessaire à notre indépendance.

Le Livre blanc précisera sans doute les rôles spécifiques de chacun des éléments des deux composantes de notre dissuasion nucléaire. Il conviendrait peut-être de réfléchir à l'emploi de la composante aéroportée comme vecteur d'ouverture à la défense d'intérêts vitaux européens.

Il faudrait concrétiser dès maintenant la réflexion sur une rénovation à mi-vie du missile ASMP-A.

M. Jean-Pierre Chevènement. - En plus des avantages que vous venez d'exposer, la dissuasion a une vertu propre. Comment s'articulent les composantes aéronavales et aériennes de notre dissuasion ? Vous venez d'évoquer une éventuelle utilisation de la composante aéroportée pour protéger des intérêts européens, mais le Président de la République a limité l'emploi de notre force de dissuasion à la défense d'« intérêts vitaux », concept dont la définition est purement nationale.

Général Denis Mercier - Lors de sa conception, la composante nucléaire de l'aéronautique navale a été pensée dans le but de détruire les groupes aéronavals soviétiques. Sa mission a évolué depuis, mais elle est liée à la disponibilité du porte-avions et ne peut faire partie du plan permanent. Son emploi est complémentaire.

Je souligne que, comme vous le savez tous, l'intérêt spécifique de la composante nucléaire aéroportée, dont les actions sont réversibles, à la différence de celles de la composante sous-marine, est de participer à une « gesticulation politique ». C'est l'une des raisons de la complémentarité des deux composantes.

M. Alain Gournac. - Les coopérations qui se sont nouées entre la France et le Royaume-Uni à l'occasion de l'intervention en Libye ne manqueront pas de se développer à l'avenir.

Je m'intéresse tout particulièrement au domaine de l'espace, qui me semble une composante importante pour notre armée de l'air. Partagez-vous ce jugement ?

Par ailleurs, je me félicite que la responsabilité de la base aérienne de Kaboul vienne d'être confiée aux forces françaises. Je souhaiterais savoir combien d'hommes y sont affectés, pour combien de temps et avec quelle participation des forces afghanes ?

Général Denis Mercier - L`espace va sans aucun doute devenir un nouveau champ d'affrontement. C'est pourquoi l'école de l'air intègre désormais dans son cursus une forte culture spatiale. Depuis le Livre blanc de 2008, le commandement interarmées de l'espace a été créé et l'armée de l'air a d'importantes responsabilités dans ce domaine.

75 militaires français, dont 50 aviateurs, sont chargés, à la demande spécifique des Etats-Unis, de la base aérienne de Kaboul, dont les Hongrois assurent la sécurité. Nous y resterons jusqu'en 2014 pour en assurer la responsabilité et former les Afghans à répondre à terme à la gestion de cette emprise.

Loi de finances pour 2013 - Mission Défense - Audition l'Amiral Bernard Rogel, chef d'État-major de la Marine

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne l'Amiral Bernard Rogel, chef d'État-major de la Marine, sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission Défense).

M. Daniel Reiner, président. - Amiral, au nom de l'ensemble de mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue, et de vous demander de nous éclairer afin de préparer au mieux l'examen du projet de loi de finances pour 2013.

Je souhaiterais que vous nous éclairiez sur les choix que reflète le projet de budget concernant la Marine nationale et que vous nous fassiez également un rapide bilan de l'état de la flotte, notamment des sous-marins d'attaque nucléaires, des sous-marins lanceurs d'engins, et des différents bâtiments de surface.

Nous comprenons qu'aujourd'hui la Marine est en quelque sorte à la croisée des chemins : d'un côté on observe, comme l'ont constaté nos excellents collègues MM. Lorgeoux et Trillard, une montée en puissance des enjeux maritimes, en termes de flux et de ressources sous-marines, mais aussi une croissance des menaces. De l'autre on constate que la Marine française est soumise à une obsolescence rapide, qui nous impose un effort sans précédent de modernisation. Dans un contexte budgétaire difficile, cet effort de modernisation suppose des choix forcément délicats.

L'année 2012 a montré à la fois la performance de la Marine dans le cadre de l'opération Harmattan, mais aussi les difficultés d'une marine dont le format est juste suffisant pour faire face aux missions qui lui sont confiées. On le voit à travers l'évolution du nombre d'heures réalisées en mer, ou à travers le taux de disponibilité des SNA, ou de la flotte aéronautique.

A l'heure où le prochain Livre blanc s'écrit, toute la problématique réside dans la corrélation entre nos ambitions et nos moyens. Vous nous décrirez le budget pour 2013, qui est un budget d'attente en vue de la nouvelle loi de programmation, et nous souhaiterions, si cela est possible, que ce soit l'occasion de mieux nous expliquer cette relation entre les ambitions et les moyens dans le domaine de la marine. Il est d'usage pour les chefs d'Etat-major de demander aux politiques : « Définissez vos ambitions, nous vous dirons de quels moyens nous avons besoin ». Je suis tenté de vous demander l'inverse en vous demandant quels sont les moyens nécessaires à la Marine pour faire face à la montée en puissance des enjeux maritimes.

Amiral Bernard Rogel, chef d'État-major de la Marine. - Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je suis heureux de pouvoir m'exprimer devant vous dans le cadre de l'examen de ce projet de loi de finances. Je sais vos connaissances approfondies à la fois sur les enjeux de défense et les enjeux maritimes. Je tiens d'ailleurs à saluer les huit rapports d'information particulièrement exhaustifs et complets que vous avez rendus cette année sur des sujets qui nous tiennent à coeur.

Vos travaux portent sur un nombre d'idées fondamentales qu'il me paraît nécessaire de partager avec nos concitoyens. J'en retiendrai quatre principales, sur lesquelles je m'appuierai pour vous donner mon appréciation de ce projet de loi, en complément de l'exposé que j'ai fait en début de mois devant l'Assemblée et que vous avez probablement consulté.

Premièrement : il ne faut pas confondre intérêts et proximité géographique.

La crise économique que notre pays traverse conduit aujourd'hui à « réduire la toile », pour employer une expression de marin. La tentation pourra apparaître de rétracter nos forces et de limiter notre défense à des cercles de proximité. Or, vos analyses le montrent, les caractéristiques de la mondialisation et l'étendue de nos départements et collectivités d'outre-mer rendent inappropriée toute vision stratégique qui se limiterait à la proximité immédiate de la métropole. La France est la quatrième puissance du Pacifique Sud ! Pour le Japon, c'est un de ses voisins maritimes, ainsi que l'a rappelé récemment Mr Komatsu, son ambassadeur en France !

Je crois fermement que se contenter d'un repli géographique reviendrait à sacrifier notre avenir !

Car protéger nos intérêts suppose de rester capables d'agir là où nos intérêts sont menacés, c'est-à-dire de pouvoir déployer des moyens loin de la métropole et en nombre suffisant. Or, nous avons subi depuis deux ans des réductions temporaires ou permanentes de capacités qui nous condamnent désormais à une course contre la montre dans le renouvellement de la grande majorité de nos outils. Je pense notamment aux frégates, pour lesquelles nous ne retrouverons un format satisfaisant qu'à compter de 2018, mais aussi aux bâtiments outre-mer : l'arrivée des B2M et des BATSIMAR est urgente pour combler le déficit des P400 et des Batral, dont le retrait a déjà débuté, ce qui nous place dans une situation dégradée jusqu'en 2021, au mieux !

Cette urgence concerne également l'aéronautique navale : les cibles retenues pour les Rafale, les hélicoptères Caïman NH/90, et les avions de surveillance maritime doivent être respectées si l'on ne veut pas être contraint de renoncer à une partie de nos missions. Vous parliez, Monsieur le Président, d'effort sans précédent. Je ne le crois pas. Il s'agit de prolongement des lois de programmation militaire dont la vertu est d'être planifiées dans la durée. Pour la Marine, cette modernisation était prévue. Nous en touchons d'ailleurs les dividendes avec l'arrivée des FREMM et avec celle des BPC et des NH90.

Nous avons réduit déjà considérablement le nombre de nos bâtiments et de nos aéronefs grâce à une polyvalence accrue de nos outils : ainsi que vous le signalez dans votre rapport sur le format des forces, 19 bâtiments ont été retirés du service actif entre 2009 et 2012, 15 d'entre eux n'ayant pas été remplacés. J'ajoute que le nombre de bâtiments porteurs de sonars va passer en 20 ans de 41 à 13 et que, de 1998 à 2009, la flotte logistique est déjà passée de 10 à 4 bâtiments et celle des bâtiments de guerre des mines de 17 à 11. Enfin, entre 1995 et 2012, les effectifs de la Marine ont été divisés par 2 ! Nous l'avons compensé par la polyvalence, mais nous arrivons aujourd'hui à un socle juste suffisant. Mais pour autant la Marine française est la dernière marine européenne à avoir l'ensemble de la panoplie

Cette problématique dépasse le cadre de la loi de finances. Le prochain Livre blanc définira les priorités. Mais soyons certains que si l'on ne poursuit pas ce renouvellement des capacités, nous casserons un outil que nous aurions beaucoup de mal à reconstruire, outil qui est par ailleurs désormais unique en Europe.

Deuxièmement : il ne faut pas confondre missions opérationnelles et opérations extérieures.

C'est une tentation courante que de se focaliser sur ce que la Marine réalise de façon conjoncturelle, en oubliant ses activités permanentes. Les opérations extérieures ne sont en effet qu'un seul des trois pieds de ce que j'ai coutume d'appeler le « trépied des missions de la Marine », vous m'avez sans doute déjà entendu utiliser cette image.

Le premier pied est celui des opérations permanentes, à commencer par la dissuasion, réaffirmée par le Président de la République et assurée sans discontinuer par, pour la composante océanique, la permanence à la mer depuis 1971. Cette permanence s'accompagne d'un dispositif de sûreté près des côtes pour sécuriser les approches du port base : frégates anti-sous-marines, hélicoptères, avions de patrouille maritime, militaires déployés au sol. Les missions permanentes, ce sont aussi les pré-positionnements en mer, dans nos zones d'intérêts : en Afrique de l'Ouest - c'est la mission Corymbe de présence continue dans le Golfe de Guinée depuis 1990, qui a permis à plusieurs reprises depuis ces 22 ans de réagir à temps dans la région - mais aussi en Méditerranée orientale, en océan Indien et bien sûr les missions de souveraineté dans nos départements outremer.

Le deuxième pied, ce sont effectivement les opérations extérieures. Pour la Marine, c'est actuellement principalement l'opération européenne ATALANTA de lutte contre la piraterie en océan Indien. Les résultats sont positifs : le taux d'attaques réussies a été divisé par trois en trois ans. Pour autant, on constate une adaptation des pirates à nos modes d'action, et un déploiement progressif sur l'ensemble de l'océan Indien. Il nous faut donc maintenir la pression et poursuivre notre action, d'autant que le phénomène s'étend désormais au Golfe de Guinée avec un niveau de violence accrue.

C'est aussi le déploiement d'avions de patrouille maritime sur les différents théâtres d'opérations. A cet égard, je tiens à relever la remarquable efficacité de cet outil, dont les capacités opérationnelles aéromaritimes inégalées le rendent également capable d'opérer dans un environnement aéroterrestre ! C'est ce que j'appelle le « couteau suisse des airs ! ».

Enfin, l'année 2012 a vu les opérations consécutives à la fin de la crise en Libye : il a fallu poursuivre la sécurisation de la côte et des ports, réalisée par nos chasseurs de mines et nos plongeurs démineurs.

Le troisième pied, c'est l'action de l'Etat en mer, c'est-à-dire le volet « sécurité » de nos missions. Sauvetages en mer, interceptions de migrants, déroutements de pêcheurs frauduleux, saisies de drogue, déminages d'engins le long de nos côtes, assistances aux navires de charge. Vous connaissez les chiffres, exposés devant l'Assemblée en début de mois. C'est une activité qui ne faiblit pas, notamment du fait de l'expansion du trafic maritime et plus généralement de l'accroissement de la présence de l'homme en mer.

Oublier les deux autres pieds, ce serait un peu comme réduire les forces de sécurité intérieures de notre pays à la gendarmerie mobile, en omettant le travail réalisé par la gendarmerie territoriale et par la police !

Troisièmement : il ne faut pas confondre moyens et capacités.

La Marine n'est pas une addition d'équipements. La Marine, c'est avant tout 36 300 marins, hommes et femmes tendus vers la réussite de la mission.

Ces marins, il s'agit tout d'abord de préserver leur enthousiasme et leur volonté. Préserver la défense, c'est en effet avant tout préserver la volonté de défendre. Et cette volonté est précieuse. Elle est faite d'esprit de sacrifice, de disponibilité permanente, de valeurs qui les conduisent à laisser leurs familles parfois longtemps, et à prendre des risques pour l'intérêt de notre pays. Gardons donc à l'esprit ce que la Nation leur doit dans les débats à venir.

Par ailleurs, pas de Marine efficace sans des marins formés. A cet égard, la réduction des crédits de fonctionnement - 7 % en construction du PLF qui s'ajoutent aux 10 % en amont de la dernière loi triennale et à l'optimisation résultant des gains de la RGPP déjà pris en compte en amont par la LPM - me préoccupe. Le recrutement, la formation et les frais de mutation représentent en effet plus des trois quarts de ce budget. Il est probable que nous soyons contraints de puiser dans les crédits d'entretien du matériel pour compenser ces réductions et conserver un dispositif de formation cohérent.

J'ajoute que ce dispositif de formation doit s'accommoder du plan de réduction des effectifs - 2 100 postes restant à supprimer d'ici à 2015. Or, la Marine est une armée technique, composée de 35 métiers différents et de près d'un millier de qualifications qui requièrent des formations poussées et sélectives. Cette réduction fragilise donc les viviers de recrutement interne pour chacune des filières d'expertise qui sont parfois des micro-populations. C'est l'image du tas de sable que l'on gratte à la base, que votre rapport d'information sur le format des forces armées illustre très judicieusement. Je porte donc une attention toute particulière à la fonction formation.

Enfin, pas de capacités sans entraînement. Cela peut paraître paradoxal : la Marine a connu en 2011 un pic d'activité avec les opérations de Libye, lesquelles ont concerné la grande majorité des unités de la Marine ; et il a fallu, à l'issue, rattraper le retard pris en matière d'entraînement. Cela s'explique : certaines capacités n'ont pas été mises en oeuvre pendant le conflit compte tenu de la configuration tactique : lutte anti-sous-marine ou débarquement de troupes par la mer par exemple. Or l'expérience nous montre qu'il faut être prêt à réaliser tout type de mission avec un faible préavis. C'est la fameuse polyvalence, dont je vous faisais part plus haut. Il était donc nécessaire de reprendre l'entraînement dans ces domaines. Il fallait également le poursuivre avec nos alliés afin de faire évoluer nos procédures au vu des enseignements tirés du conflit. C'était le cas de l'exercice Bold Alligator avec les Etats-Unis et, la semaine dernière, Corsican Lion avec la Grande Bretagne.

Cette activité doit être poursuivie. Elle est relativement préservée pour 2013 grâce à la volonté de donner la priorité aux crédits d'entretien du matériel et d'activité, avec cependant les réserves suivantes :

- pour ce qui concerne la flotte de surface, une capacité de réalisation d'activité de 12 % en-deçà du seuil de la LPM en 2013 ;

- pour les sous-marins nucléaires d'attaque, la mesure d'ores et déjà prise depuis 2009 de les immobiliser 9 mois avant le début de leur période de grand carénage ;

- pour les aéronefs, une activité qui a dû être réduite de 20 % au deuxième semestre 2012 (soit 9 % sur l'ensemble de l'année) du fait de la contrainte financière, qui limite le potentiel des flottes et conduit à éroder les stocks de rechange. L'année 2013 ne permettra pas de redresser cette situation.

Moyens adaptés, marins formés et entraînés : c'est la cohérence de la Marine, qui ne peut se contenter d'activité et d'entretien réduits à leur minimum. En ce sens, ce projet de loi de finances est bien un projet d'attente qui appelle à des choix.

Quatrièmement : il ne faut pas confondre réduction de budget et économie.

C'est une vérité que vous avez là encore clairement établie s'agissant des programmes : les reports de livraison entraînent la plupart du temps des augmentations d'échéances et finissent par coûter plus cher sur le long terme.

C'est vrai aussi pour d'autres lignes de budget. Je pense aux équipements d'accompagnements, qui font l'objet d'une forte contrainte financière, et notamment les munitions : 2012 aurait dû être une année importante de commande de munitions d'infanterie et aéronautique pour re-complètement des stocks après la Libye ; cela n'aura pas été possible. Nous ne faisons donc là que repousser des échéances, alors que le prix des munitions n'aura vraisemblablement pas baissé.

Plus généralement, je pense qu'il faut cesser de considérer les crédits accordés à la défense en général, et à la Marine en particulier, comme une simple dépense. C'est un investissement !

- Un investissement de par les emplois que nos commandes induisent - rappelons que l'industrie de défense mobilise 80 000 emplois directs et 85 000 emplois indirects en France.

- Un investissement en matière de vitrine à l'export, comme en témoignent les contrats remportés par nos industriels. Prenons l'exemple du Dixmude, ce bâtiment de projection et de commandement issu du plan de relance, qui a été admis au service actif en 2012, et dont des sisterships sont déjà commandés à l'export. Ce bateau, avant même d'être déclaré opérationnel, menait pendant sa phase finale d'essais de longue durée une triple mission : mission opérationnelle de lutte contre la piraterie - c'est-à-dire protection de nos flux maritimes ! -, mission de formation des futurs officiers de Marine, c'est la mission « Jeanne d'Arc », et mission de soutien de nos partenariats stratégiques avec l'Afrique du Sud et le Brésil.!

- Enfin, un investissement en matière de sécurité pour notre économie, qui, vous l'avez largement démontré, repose de plus en plus sur les activités maritimes. Pas de prospérité sans sécurité !

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, encore une fois, je vous sais au fait des enjeux de défense, des enjeux maritimes, et des enjeux économiques de notre pays. Ce projet de loi est un projet qui préserve a minima l'avenir, dans l'attente d'une nouvelle impulsion qui nous sera donnée par le prochain Livre blanc et dont la France a besoin, afin d'être capable, comme le veut le principe de base que nous apprenons dès tout petit dans la Marine, de « naviguer sur l'avant » !

Pour terminer, je voudrais revenir sur l'exercice Corsica Lion qui vient de se dérouler avec les Britanniques en Méditerranée, et qui a été un succès. Cet exercice découle des accords de Lancaster House. Il s'agit de montrer que nous passons d'une coordination de forces travaillant côte à côte à une force maritime intégrée. Cet exercice a rassemblé les trois armes, treize bâtiments, des aéronefs et des forces amphibies. Ce succès doit nous encourager à continuer pour obtenir dès 2016 une force maritime conjointe opérationnelle et en 2020 un groupe aéronaval commun. La force de la coopération franco-anglaise est de s'appuyer sur un accord politique fort. Pour autant nous continuons à travailler avec d'autres nations. Nous avons par exemple effectué, à l'automne, un exercice (LEVANTE) avec le groupe du porte-aéronefs Cavour italien.

M. Christian Cambon. - Nous sommes dans la phase de l'écriture du Livre blanc de la future loi de programmation. On perçoit l'inquiétude la Marine face au défi de sa modernisation et du renouvellement de sa flotte. Dans l'hypothèse où le ministère de la défense consentirait à des sacrifices budgétaires importants, seriez-vous favorable à une diminution homothétique des moyens ou avez-vous des arguments pour faire valoir que la Marine doit être mieux préservée que les autres armes ? Y a-t-il un niveau en-dessous duquel vous considérez que la Marine ne peut plus remplir les missions qui lui sont confiées ?

La Marine assure des missions pour le compte d'autres ministères dans le domaine de la lutte contre les trafics de stupéfiants ou de migrants, dans le domaine de la protection de l'environnement ou des douanes. Bénéficiez-vous pour ces missions d'une compensation budgétaire ?

Vous avez évoqué la coopération interalliée. Pouvez-vous nous dire si des scénarios comme un blocage du détroit d'Ormuz par l'Iran fait l'objet d'une planification interalliés dans le cadre européen ou dans le cadre otanien ? Pouvez-vous nous préciser comment la France s'insèrerait dans ce dispositif ?

M. Michel Boutant. - Vous venez de procéder à un exercice d'envergure en Corse. Est-ce que vous envisagez d'associer d'autres Etats européens à ces entraînements ?

On semble assister à une modification des modes d'action et des zones d'intervention des pirates en mer qui rendent plus que jamais nécessaire une coopération internationale dans ce domaine. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est, en particulier dans l'océan Indien ?

Je relève une forme de contradiction dans l'attitude française, d'un côté nous souhaitons entreprendre une coopération internationale, mutualiser nos forces, de l'autre côté, nous sommes soucieux de préserver nos intérêts nationaux et en particulier les richesses de nos ZEE. Je m'interroge en particulier sur notre capacité à assumer nos missions dans le Pacifique où l'on constate l'émergence de marines puissantes.

Amiral Bernard Rogel - Nous sommes en plein exercice d'écriture du Livre blanc. Il est donc difficile de parler aujourd'hui du format adapté aux missions de la Marine car en bonne méthode, il nous faut d'abord définir les ambitions politiques de la France et la trajectoire budgétaire consentie avant de se faire une idée de la cohérence du format proposé. En deçà d'un certain niveau de moyens, je ne pourrai être que défavorable à un effort homothétique. Mais la question ne concerne pas seulement la Marine, l'enjeu fondamental, c'est de savoir si l'on veut toujours consentir à un effort de défense qui nous permette de conserver la maîtrise de notre destin.

Vous avez raison de souligner que l'action de l'Etat en mer repose en grande partie sur les moyens de la Marine. 65 % des activités de la fonction garde-côtes sous l'autorité du Secrétariat général à la mer sont assurées par la Marine nationale. Je rappellerai que nous avons secouru 235 personnes, porté assistance à 19 navires de charge, intercepté 86 embarcations porteurs de 2 200 immigrants illégaux et de 128 passeurs. L'arrivée massive des industries en mer risque d'accroître à l'avenir encore ces missions de protection et de surveillance des côtes. Grâce à la mise en place de la fonction garde-côtes, je constate que la coordination des différentes administrations participant à l'action de l'Etat en mer se déroule dans de très bonnes conditions. En revanche, sur le plan budgétaire, tous les ministères sont soumis à des restrictions et sont donc naturellement dans une position d'attente. Ainsi, pour le renouvellement des bâtiments de surveillance maritime qui sont financées à 80 % par la Marine, nous sommes toujours à la recherche des 20 % susceptibles d'être financés par les autres ministères.

S'agissant d'une éventuelle fermeture du détroit d'Ormuz, l'ancien sous-chef opérations que je suis peut vous assurer que nous planifions en concertation avec nos alliés tous les évènements possibles de façon à être prêts à toute éventualité.

En réponse à M. Boutant, je voudrais souligner que la force conjointe intégrée à laquelle nous travaillons avec les Britanniques a vocation à accueillir plus tard d'autres pays, les Italiens, les Néerlandais ou les Allemands. Il s'agit d'abord de monter en puissance cette force conjointe puis ensuite de proposer aux autres d'y participer.

Sur la piraterie, vous avez raison de souligner qu'elle s'est étendue et professionnalisée. La coopération internationale au sein de l'opération Atalante ou dans le cadre de l'OTAN a permis de remporter de nombreux succès, mais il faut bien avoir conscience que nous mutualisons dans ces opérations d'intérêt commun un nombre assez limité de bâtiments. D'autres pays se sont cependant joints à nos efforts dans cette zone et échangent des informations avec nous. C'est une illustration du fait que quand l'intérêt est partagé, en l'occurrence la libre circulation en mer, une coopération entre les différentes marines est possible.

Vous avez raison de souligner qu'il y a des endroits et des secteurs dans lesquels nous avons des intérêts nationaux à défendre. Il nous faut en particulier protéger nos ressources halieutiques et les terres rares des sous-sols marins de nos ZEE. Nous participons également à la protection des ressortissants européens. Lors de l'opération Baliste, au Liban en 2006, nous avons évacué des ressortissants de l'ensemble des pays européens. Lors de la crise en Côte d'Ivoire, des ressortissants français ainsi que de nombreuses nationalités étaient regroupées à Port Bouet : nous étions prêts à les évacuer si nécessaire à l'aide du BPC. Lors de ces deux crises, nous étions les seuls, à ce moment-là, à être là et à pouvoir le faire. Dans le Pacifique, on observe en effet une modification du rapport de forces, un déplacement des centres d'intérêts américains et une montée en puissance des risques de conflit interétatiques liés à des problèmes de souveraineté comme c'est le cas en mer de Chine et comme cela sera sans doute le cas dans l'océan arctique dans les années à venir. Dans ce contexte, la France doit défendre ses possessions dans le Pacifique comme dans l'océan Indien car nous y avons des terres rares ou des ressources d'hydrocarbures comme en Guyane.

M. Jacques Gautier. - Malheureusement mon collègue Xavier Pintat n'a pas pu être présent mais m'a demandé de vous poser un certain nombre de questions sur les équipements de la Marine.

Cela fait un an que DCNS a mis à la disposition de la Marine nationale le patrouilleur hauturier L'Adroit. Pouvez-vous nous faire un retour d'expérience de cette mise à disposition ?

Pouvez-vous nous indiquer également le bilan du drone embarqué Schiebel ?

S'agissant des pétroliers ravitailleurs qui répondent à des normes essentiellement civiles, quels sont vos besoins opérationnels ? Il est étonnant que nous n'ayons pas pu trouver de coopération européenne pour mutualiser les commandes.

Une des zones à risques des prochains mois est sans doute le détroit d'Ormuz comme l'a souligné mon collègue Cambon.

Pourquoi ne dépêchez-vous pas dans cette zone nos chasseurs de mines dont la compétence et les performances sont reconnues par l'ensemble des alliés ?

En ce qui concerne les FREMM dont j'espère qu'elles seront onze, ne craignez-vous pas que leur système d'armes soit rapidement obsolète et en particulier, les radars tournants ? On constate aujourd'hui la proposition de modèles à antenne plate et fixe sur le modèle AEGIS. En les équipant de radars tournants, nous sommes en train de rater une étape technologique. N'avez-vous pas des regrets ?

Les hélicoptères NH-90 NHF plus connus sous le nom de Caïman marine commencent à entrer en fonction depuis avril 2011. Si mes informations sont correctes, les premiers exemplaires ont été livrés aux flottilles, notamment celle de Brest qui est chargée du secours en mer. J'entends bien que cette fonction était assurée par des hélicoptères hors d'âge, qui tombaient en ruine et mettaient en péril la vie des sauveteurs. Je crois du reste que c'est la même chose pour les commandos marine, les FUSCOS. Mais n'y a-t-il pas un gaspillage de moyens, à utiliser des hélicoptères ultra sophistiqués spécialisés pour la lutte anti-sous marine pour faire du secours en mer ?

La France assume la protection des plateformes pétrolières françaises dans le golfe de Guinée alors que d'autres pays dans la même situation confient au secteur privé et aux sociétés militaires privées le soin de remplir cette fonction. Il s'agit là d'un marché important qui aujourd'hui en France n'est pas autorisé par le cadre législatif. Dans la mesure où l'Etat ne pourra assurer la protection de l'ensemble des intérêts privés en mer, ne doit-on pas modifier la législation pour ouvrir la possibilité à des entreprises françaises d'exercer ce métier ? Nous sommes aujourd'hui dans la situation paradoxale où des entreprises françaises exercent ces activités sous pavillon britannique.

En matière de guerre des mines, pouvez-vous nous donner votre sentiment sur la coopération franco-britannique dont on me dit qu'elle n'est pas aussi fructueuse qu'elle pourrait l'être ?

En matière de surveillance des mers, ne faudrait-il pas externaliser la surveillance aérienne avec des sociétés disposant de Falcone adaptés à ce type de missions ?

Amiral Bernard Rogel - L'Adroit est un bon partenariat avec DCNS. Cela nous permet de disposer d'un bâtiment supplémentaire pour un coût réduit et d'étudier le nouveau concept d'OPV afin d'affiner nos critères quant aux remplaçants de nos différents patrouilleurs.

- l'emploi du drone embarqué Schiebel nous semble satisfaisant ;

- s'agissant des pétroliers, nous visons une flotte de 4 pétroliers ravitailleurs, qui je le rappelle remplacent 4 bâtiments de type Meuse et 5 bâtiments de soutien. On passe donc de 9 bâtiments à 5 ! On pourrait penser que nous avons les mêmes spécifications que nos partenaires européens, mais nous n'avons pas le même concept d'emploi. Nous voulons des pétroliers polyvalents qui puissent ravitailler le groupe aéronaval que nous sommes les seuls à posséder. Nous essayons de promouvoir des coopérations, mais cela n'est pas évident. On ne peut mutualiser que ce que l'on partage comme capacité ;

- sur le détroit d'Ormuz, je ne peux que faire part de votre question au sous-chef opérations de l'EMA, dont c'est la responsabilité. Rappelons cependant qu'il faut une dizaine de jours pour rallier au détroit d'Ormuz. Nous avons fait récemment un exercice commun de chasse aux mines avec les pays du Golfe et les Américains, les Britanniques et d'autres nations européennes. Nous nous préparons donc à toute éventualité ;

- sur les radars des FREMM, c'est un choix lié à la polyvalence, s'il fallait transformer ces bâtiments pour la DAMD, la question se poserait, mais actuellement le choix actuel nous donne satisfaction ;

- sur les NH90, nous avons voulu un appareil unique pour optimiser les coûts de formation, d'entraînement et d'entretien. Ils remplacent les Super frelon et les Lynx pour le sauvetage, la lutte ASM et le contre terrorisme. Je vous rappelle que les missions de sauvetage en mer concourent au maintien du savoir-faire de nos équipages, qui doivent être aptes à opérer en mer, dans les pires conditions. Je ne crois donc pas que l'on puisse dire qu'ils sont trop sophistiqués. Au-delà de tout cela, nous avons secouru 250 personnes en mer en 2011, le sauvetage en mer, par très mauvais temps, est un exercice particulièrement délicat et compliqué, et je suis rassuré d'avoir ces hélicoptères pour mener à bien ces missions ;

- sur les SMP, la question doit être réglée en interministériel. La Marine n'assure pas la protection des plates-formes pétrolières dans le golfe de Guinée dont la sécurité est assurée par les pays riverains. En revanche, dans le cadre de la lutte contre la piraterie, particulièrement dans l'Océan indien, les services du Premier ministre décident quand les navires doivent être protégés par l'Etat. Ainsi, nous avons actuellement plus d'une quinzaine d'Equipes de Protection Embarquées, composées de membres de la Marine nationale, pour l'essentiel des fusiliers-marins, qui protègent des navires français. Le SGDSN étudie la question des SMP sur les bâtiments battant pavillon français dans le cadre plus général de cette question à terre et en mer. Cette question sera également étudiée, je crois, dans le cadre du futur Livre blanc. En tout état de cause, si ces SMP devaient être autorisées, elles devraient faire l'objet d'un contrôle ou d'un agrément de l'Etat français ;

- sur la guerre des mines je suis satisfait de notre collaboration avec les Britanniques. Nous allons aboutir à un prototype, nous verrons ensuite. Il y a une dimension de souveraineté sur cette question notamment en matière de sécurisation de nos ports ;

- sur le Falcon 50, on peut tout externaliser, même la Marine ! mais quand on propose l'externalisation il faut savoir combien cela va coûter notamment pour assurer la permanence. Pour la surveillance maritime compte tenu de la montée en puissance des échanges maritimes je suis prudent.

M. Jean-Pierre Chevènement. - Vous dites que vous êtes au socle alors que vous allez encore perdre 2 100 postes, vous n'avez pas évoqué la dissuasion, est-ce à dire qu'il n'y a pas de débat ? Sur les systèmes d'armes, il y a des choix notamment en matière de missiles balistiques. Sur les théâtres, il y a des priorités, la Méditerranée, le Golfe arabo-persique, le Golfe de Guinée, les ZEE. Un mot sur le nucléaire, quelle est aujourd'hui la justification de la force nucléaire embarquée compte tenu des capacités ? Un mot sur Abu Dhabi, en cas de frappes israéliennes, qu'adviendrait-il de nos hommes, 600 marins et aviateurs qui sont postés sur notre base ? Je voudrais souligner que nous avons effectué une mission en Nouvelle-Calédonie, j'ai beaucoup d'admiration pour ce que font nos forces navales dans cette zone, il me paraît important que nous y soyons présents, les Australiens et Néo-Zélandais ont d'ailleurs réévalué leur position à l'égard de notre présence devant la montée en puissance de la Chine. Nous devons accroître notre coopération avec l'Australie qui pourrait s'avérer un partenaire important notamment dans le domaine des sous-marins.

Mme Leila Aïchi. - Pouvez-vous nous indiquer le coût des opérations de sauvetages en mer, de lutte contre les narcotrafiquants et de lutte contre la piraterie ?

Amiral Bernard Rogel - La dissuasion est et demeure l'assurance-vie de la nation. Pour sa partie océanique, c'est-à-dire les sous-marins lanceurs d'engins, nous assurons depuis 1971 la posture à la mer. Pour ce qui concerne la Force aéronavale nucléaire (Fanu), notre position n'a pas changé bien qu'elle ne soit plus permanente depuis que nous n'avons qu'un seul groupe aéroporté. Elle constitue un élément complémentaire de la Force océanique stratégique (Fost) et des Forces aériennes stratégiques (FAS) : elle présente l'avantage de la mobilité grâce à la liberté d'action que donne le porte-avions.

Je partage vos priorités géographiques. Je voudrais y rajouter l'Océan Indien qui est souligné par votre intérêt pour l'Australie. De ce point de vue, concevoir le format des armées en se demandant simplement combien il faut projeter d'hommes à combien de kilomètres n'est pas pertinent pour la Marine, il faut un autre modèle de pensée, car il importe de montrer notre pavillon partout où nous avons des intérêts. Nous avons avec des pays comme Singapour, la Malaisie, le Brésil, l'Arabie Saoudite, les EAU, d'autres, des partenariats tout à fait privilégiés. Nous devons donc être présents dans ces zones.

S'agissant de la base d'Abu Dhabi, la réponse relève du Chef d'état-major des armées, mais évidemment cette base nous crée des obligations à l'égard de nos hommes et de ce pays.

Pour ce qui concerne le coût des opérations de sauvetage en mer, de la lutte contre la piraterie, ou de la lutte contre les narcotrafiquants, il faut avoir à l'esprit que les bâtiments de la Marine exercent de façon permanente l'ensemble de ces missions en même temps que d'autres missions opérationnelles. Il s'agit parfois d'une question d'opportunité : lorsque l'occasion se présente, nos navires concourent à un sauvetage ou à une interception. D'autres fois, il s'agit de missions programmées, par exemple les hélicoptères dédiés pour le sauvetage ou les missions menées avec les Douanes contre le narcotrafic, mais en règle générale il ne s'agit que de l'une des missions des bâtiments. Pour les hélicoptères, par exemple, ils sont aussi en alerte pour les missions de contre terrorisme. Pour les bâtiments déployés en mer dans le cadre de la lutte contre le narco trafic, ils font également des missions de renseignement, de contrôle de zone voire de lutte contre l'immigration ou la pollution. Il est donc difficile de chiffrer chaque opération en tant que telle en raison de la polyvalence des bâtiments de la Marine. Pour ce qui concerne la protection antipiraterie, dans le cadre de l'opération Atalanta, ce sont les forces déployées de manière permanente en Océan Indien et les forces basées à la Réunion qui y participent : il s'agit pour la France d'une à deux frégates et de manière occasionnelle d'un avion de patrouille maritime. S'agissant des équipes de la Marine embarqués sur les navires civils, les coûts sont pris en charge par les opérateurs privés.

Loi de finances pour 2013 - Missions Sécurité et Immigration, asile et intégration - Programme Gendarmerie - Audition M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur

Enfin la commission auditionne M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme « Gendarmerie » de la mission Sécurité et programme « Immigration et asile » de la mission Immigration, asile et intégration).

M. Daniel Reiner, président. - Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre invitation pour venir devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, pour cette audition consacrée aux crédits de la Gendarmerie nationale et ceux destinés à l'immigration et l'asile dans le projet de loi de finances pour 2013.

Avant de nous présenter les grandes lignes de ces budgets, peut être pourriez-vous, Monsieur le ministre, nous dire quelques mots sur vos priorités concernant la politique en matière de sécurité et la politique d'immigration et d'asile. Je pense notamment à la mise en place des zones de sécurité prioritaires ou encore à l'assouplissement des conditions d'acquisition de la nationalité française.

Vous avez également appelé de vos voeux une réponse européenne en matière d'asile. Justement, un régime commun peine à émerger, les refontes des directives existantes, je pense à la directive « accueil » ou celle relative aux procédures d'asile, sont complexes. Quelles sont vos attentes et comment la France peut-elle contribuer à l'émergence d'une politique d'asile harmonisée ?

La France a alerté la Commission européenne, dans une lettre commune avec cinq autres pays, et demandé des mesures d'urgence pour faire face à l'afflux de demandeurs d'asile en provenance des Balkans. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Vous avez évoqué, dans votre intervention-cadre sur la sécurité, le 19 septembre dernier à l'École militaire, une rationalisation de la police et de la gendarmerie, la poursuite des mutualisations et de nouvelles évolutions concernant la répartition territoriale. Comment assurer dans le même temps, au sein d'un même ministère et alors que des comparaisons sont inévitables entre gendarmes et policiers, le maintien du « dualisme policier » et préserver le caractère militaire de la gendarmerie, auquel nous sommes tous ici particulièrement attachés ?

Plus généralement, alors que la commission chargée de la rédaction du nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale est en pleine réflexion, est-ce que le ministère de l'intérieur est pleinement associé et quelles sont vos principales attentes à l'égard du futur Livre blanc ?

Mais surtout, nous souhaiterions vous entendre sur le projet de loi de finances pour 2013.

Alors que la gendarmerie nationale a connu une diminution sensible de ses effectifs ces dernières années - comme d'ailleurs la police nationale - le projet de loi de finances pour 2013 prévoit la création de près de 200 postes supplémentaires dans la gendarmerie et on ne peut que s'en féliciter.

Au-delà de cette augmentation des effectifs, est-ce que ce budget donne les moyens à la gendarmerie de fonctionner efficacement et de répondre aux fortes attentes des citoyens et des élus en matière de sécurité ?

Concernant la politique d'asile, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une augmentation substantielle des moyens affectés au programme 303 et en particulier à son action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » et nous nous en réjouissons. Mais cela suffira-t-il à inverser la tendance d'augmentation des délais de traitement des dossiers et à améliorer les conditions matérielles d'accueil des demandeurs ?

Voilà, Monsieur le ministre, quelques questions d'ordre général, mais les deux rapporteurs pour avis du budget de la gendarmerie, nos collègues MM. Gérard Larcher et Michel Boutant, ainsi que d'autres collègues, auront certainement d'autres questions à vous poser, à l'issue de votre exposé liminaire.

Quant à moi, je me ferai le porte-parole de nos deux rapporteurs pour avis sur l'asile et l'immigration, nos collègues MM. Alain Néri et Raymond Couderc, qui ne pouvaient être présents ce jour et vous prient de les en excuser.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. - C'est avec une grande satisfaction que je viens présenter devant vous deux des budgets dont j'ai la responsabilité : celui de la gendarmerie nationale et celui de l'immigration, de l'asile et de l'intégration.

Ils touchent tous les deux à des priorités du Président de la République et du Gouvernement car ils concernent deux politiques intéressant au premier chef les Français. Leurs attentes sont grandes, à la mesure de leurs inquiétudes.

Vous le savez, le Président de la République a fait de la sécurité des Français, avec la Jeunesse et l'emploi, l'une de ses priorités lors de la dernière campagne présidentielle.

Même s'il dénonce la politique du chiffre menée ces dernières années, le Gouvernement est déterminé à lutter contre la criminalité, qu'il s'agisse du trafic de drogue, du blanchiment d'argent, des violences sur les personnes, des cambriolages ou encore du phénomène nouveau de l'arrachage des sacs à mains ou des portables.

Dans des métiers qui restent avant tout humains, comme ceux exercés par les forces de l'ordre, les décisions touchant aux effectifs ont une importance considérable. Je ne dis pas, bien au contraire, que la seule augmentation des effectifs permettra d'apporter une réponse efficace aux attentes de la population en matière de sécurité.

Mais je suis certain que la suppression de près de 6 000 emplois de gendarmes depuis 2007 alors que parallèlement le nombre d'habitants protégés par la gendarmerie augmentait de 3 millions, a eu un impact négatif sur les résultats mais aussi sur l'organisation et la qualité du travail des forces de l'ordre.

De nombreux élus locaux, députés ou sénateurs se plaignent de l'absence de policiers ou de gendarmes sur le terrain.

Je vous le dis donc clairement il sera mis fin à la politique de diminution brutale des effectifs dans la gendarmerie (et naturellement aussi dans la police nationale) menée depuis 2007.

En effet, les nouvelles technologies, à l'image de la vidéo protection, ne suffisent pas à pallier l'absence d'effectifs.

Les 1 465 suppressions supplémentaires d'emplois prévues dans la gendarmerie nationale, pour 2013, par le précédent Gouvernement, au titre de la RGPP, sont abandonnées.

Tous les départs en retraite seront donc remplacés, nombre pour nombre. Tous les sous-officiers de gendarmerie seront remplacés par des sous-officiers de gendarmerie.

Trois champs ministériels verront leurs effectifs progresser l'an prochain : l'éducation nationale, la justice et la sécurité. Conformément aux engagements du Président de la République, 480 emplois supplémentaires de policiers et gendarmes seront créés en 2013, dont 192 pour la Gendarmerie nationale. Dans une période de contrainte budgétaire forte c'est un effort considérable. Il m'oblige vis-à-vis de la sécurité que l'on doit aux Français.

Cet effort a vocation à se poursuivre les années suivantes, dans des volumes comparables, car je crois que c'est dans la continuité de l'action que l'on obtient des résultats. Je ne serai pas celui qui se bat avec énergie pour obtenir des créations d'emplois et qui emploie la même énergie quelques années après pour les supprimer.

En 2013, ces effectifs supplémentaires seront composés de sous-officiers à hauteur d'un quart et de gendarmes adjoints volontaires à hauteur des trois quarts. Ils permettront de renforcer la présence sur le terrain notamment dans les zones de sécurité prioritaires (ZSP) voulues par le Gouvernement.

Une quinzaine de ZSP ont été définies l'été dernier, soit en zone de police, soit en zone de gendarmerie, soit encore sous zone mixte, dont les quartiers nord de Marseille, le 18e arrondissement de Paris, la cité des Tarterêts à Corbeil-Essonnes, Méru et Chambly dans l'Oise, Vauvert et Saint-Gilles dans le Gard, etc.

D'ici la fin de l'année, une cinquantaine de ZSP devraient être constituées, dans un souci de continuité territoriale, en concertation avec les préfets et les élus locaux, et sur trois ans, ce sont entre 100 et 120 ZSP qui devraient voir le jour.

Cela ne signifie pas pour autant que la sécurité ne sera pas prioritaire sur le reste du territoire. Certains territoires, notamment en zone rurale, font face à de nouvelles formes de délinquance, à l'image des cambriolages organisés par des réseaux originaires de l'Est de l'Europe.

J'ai dit que je souhaitais des policiers bien formés et expérimentés dans les ZSP. Les nouveaux recrutements viendront compenser les mutations des agents rejoignant les ZSP. J'annoncerai d'ailleurs dans les prochains jours une nouvelle liste de zones de sécurité prioritaire.

La gendarmerie nationale recrutera 11 146 sous-officiers et gendarmes adjoints volontaires en 2013 contre 8 668 en 2012, soit plus de 25% de recrutements supplémentaires.

Ces effectifs nouveaux permettront d'affecter des effectifs sur le terrain dès le deuxième semestre de l'année prochaine. Ils offriront aussi de nouveau des perspectives de carrière aux gendarmes adjoints volontaires qui voyaient leur avenir bouché faute de pouvoir accéder au corps des sous-officiers par la voie de la promotion interne. C'est donc l'ascenseur social qui va se remettre en marche dans la gendarmerie. C'est aussi le cas pour les adjoints de sécurité dans la police nationale.

J'ai la plus grande considération pour les gendarmes de notre pays : il leur a été demandé beaucoup ces dernières années. Certaines décisions symboliques ont pu être mal vécues dans l'arme. Leurs missions sont souvent difficiles et périlleuses au service de nos concitoyens, en métropole, outre-mer mais aussi à l'étranger dans le cadre des opérations extérieures.

C'est un atout pour notre pays de pouvoir compter sur une force de police de statut militaire capable de s'engager aux côtés des forces armées. Je veux en dire quelques mots, ici devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Aujourd'hui, près de 250 gendarmes sont déployés à l'étranger, en Afghanistan, au Kosovo, en Irak notamment. Le Président de la République a estimé que la contribution de la gendarmerie au Kosovo pouvait être revue à la baisse : 20 militaires, servant notamment dans la composante des blindés, seront donc désengagés d'ici la fin du mois de janvier 2013. Un désengagement progressif sera également effectué d'Afghanistan, avec le retour d'environ 25 gendarmes sur les 95 engagés. Il est probable que la gendarmerie se désengagera aussi de Wardak, où elle assure actuellement la formation des policiers afghans. Tous ces effectifs rapatriés permettront aussi de renforcer les effectifs territoriaux de la Gendarmerie.

Si les missions en opérations extérieures sont risquées pour les gendarmes, certains théâtres d'action en France le sont tout autant : je pense en particulier à l'action menée sans relâche contre l'orpaillage illégal. Au mois de juin dernier encore, deux militaires de l'armée de terre ont été tués et trois gendarmes blessés. Ma détermination pour lutter contre cette action criminelle ne faiblira pas. Je veux déstabiliser durablement l'orpaillage illégal en Guyane en détruisant les chantiers illégaux, en asséchant les flux logistiques et en démantelant les filières d'économie souterraine générées par cette activité. Six escadrons de gendarmerie mobile sont engagés en permanence en Guyane, ainsi qu'un peloton d'intervention de la garde républicaine et 650 militaires des armées. Les premiers résultats de cette action sont là ; ils doivent maintenant être confortés et ancrés dans la durée.

La considération que j'ai pour les policiers et les gendarmes, je la leur montre en me rendant sur le terrain auprès d'eux, y compris dans les circonstances tragiques. Je la leur prouve aussi avec les décisions budgétaires que j'ai prises sur les emplois mais également en termes d'amélioration des situations catégorielles.

31 millions d'euros seront consacrés à ce titre aux gendarmes en 2013 permettant d'achever la mise en place des mesures du PAGRE (protocole d'adaptation des grades aux responsabilités exercées).

Surtout, à compter de 2013 les sous-officiers de gendarmerie verront progressivement leur grille indiciaire alignée sur celle de la catégorie B de la Fonction publique, à l'instar de ce qui entrera en vigueur dans la police nationale pour les gradés et gardiens de la paix.

C'était un engagement de mes prédécesseurs qui n'avait pas été financé : je l'ai tenu. L'intégration dans le « nouvel espace statutaire » se fera sur 2013-2015, conformément aux engagements pris, dans le strict respect de la parité police/gendarmerie.

La convergence des taux d'ISSP dans la police et la gendarmerie se poursuivra, au bénéfice des officiers supérieurs et généraux de la gendarmerie.

Je viens de vous parler de ce qui concerne les ressources humaines de la gendarmerie nationale. Je souhaite vous dire quelques mots sur mes priorités en matière de fonctionnement, d'équipement et d'investissement.

Les crédits de fonctionnement et d'investissement de la gendarmerie nationale progresseront de 1,3% en 2013, soit 15 millions d'euros supplémentaires. C'est modeste, j'en suis conscient, mais je vous demande de comparer ce chiffre avec celui de la plupart des budgets de fonctionnement et d'investissement des services de l'Etat en 2013.

Je vous demande aussi de le comparer à l'évolution de ces cinq dernières années : les moyens de fonctionnement de la gendarmerie ont diminué de 18%. On ne pouvait plus continuer dans cette voie et à ce rythme.

J'ai obtenu que les moyens de fonctionnement de la gendarmerie sur le terrain, directement liés à l'activité opérationnelle, soient préservés. Il en va de la garantie de la capacité d'action des forces. Je sais les inquiétudes qui me remontent sur le financement du carburant, sur le renouvellement des tenues, sur le maintien en état des armes ou le renouvellement des véhicules.

Toutes les dépenses courantes seront financées l'an prochain. Je n'accepte pas que certaines patrouilles soient écourtées d'une heure parce que la brigade n'a plus les moyens de payer le carburant pour les véhicules comme cela est déjà arrivé à de nombreuses reprises cette année.

La gendarmerie a réduit en 2012 ses achats d'armes et de munitions au strict minimum. Le budget alloué aux équipements informatiques et de transmission était nul en 2012. J'ai mis fin à cette politique en obtenant que les équipements et matériels, indispensables à l'action des forces de l'ordre, soient renouvelés.

Ces décisions ne signifient pas pour autant que l'effort de réorganisation et de mutualisation doit être interrompu. Au contraire, je le place au coeur de mes objectifs. C'est une condition de l'efficacité opérationnelle et je ferai très prochainement des annonces en la matière.

J'ai également obtenu un effort exceptionnel en 2013 de 40 millions d'euros pour le renouvellement du parc automobile de la gendarmerie qui n'y aura consacré finalement que 6 millions d'euros en 2012. 300 véhicules ont été commandés en 2012, il y en aura près de 2 000 l'an prochain.

Je veux vous dire, enfin, un mot sur les questions d'immobilier. Pour la gendarmerie, il ne s'agit pas que d'une question professionnelle. C'est bien plus que cela puisque le statut militaire de gendarme impose de vivre, le plus souvent en famille, dans les locaux prévus à cet effet. Il n'y a aucune raison pour que les gendarmes vivent dans des logements vétustes dans lesquels bien des Français n'accepteraient pas de vivre.

Je sais à quel point l'immobilier domanial de la gendarmerie est dans un état dégradé qui appelle des travaux lourds et immédiats : il faudrait y consacrer plus de 300 millions d'euros par an pour remettre la situation à niveau. Pour autant, les deux prochaines années offriront des marges de manoeuvre extrêmement étroites. Nous ne pourrons faire que l'indispensable.

Depuis plusieurs années déjà les capacités d'investissement, notamment de la gendarmerie, sont quasi nulles ! Ces choix que je déplore ont reporté la charge vers des loyers dont la dynamique a explosé : ils ont doublé en 10 ans, rigidifiant considérablement les budgets des unités et nous privant de marges de manoeuvre.

Une opération très attendue sera lancée dès la fin de cette année à la Valette-du-Var au bénéfice du groupement de gendarmerie départementale du Var. Les travaux du pôle de police judiciaire de Pontoise seront poursuivis. En 2015, un projet majeur sera financé : la reconstruction du quartier de gendarmerie de Versailles-Delpal, tant attendue depuis des années par les militaires et leurs familles.

Les produits de cessions immobilières, qui devraient représenter environ 100 millions d'euros au cours des trois prochaines années, pourraient constituer une ressource très importante pour l'immobilier de la gendarmerie.

Je serai donc très attentif à ce qu'un bon équilibre soit trouvé entre l'engagement du Président de la République de faciliter la cession du foncier de l'Etat aux collectivités locales, qui trouvera sa traduction dans la loi relative au logement, et l'ampleur des besoins immobiliers de la gendarmerie.

Concernant le programme 303, le ministère de l'intérieur détermine la mise en oeuvre de la politique d'immigration. C'est un défi qui nécessite un pilotage fort sous la coupe d'un seul ministre régalien. Ce regroupement de tous les services jalonnant le parcours d'un candidat à l'immigration dans notre pays sous l'égide d'un seul ministère est une bonne chose, nous avons donc choisi de le conserver au sein du ministère de l'Intérieur, qui est aussi celui des libertés publiques.

Le projet de loi de finances pour 2013 traduit la volonté du président de la République de diminuer les délais de traitement des demandes. La politique de l'asile doit être différenciée de la politique de l'immigration, ce n'est pas une variable d'ajustement. Les demandes doivent être traitées rapidement, il en va de la capacité d'intégration des demandeurs acceptés, et de la capacité à reconduire dans leurs pays d'origine ceux dont l'OFPRA et la CNDA ont jugé qu'ils ne remplissaient pas les critères d'accès au statut de réfugié.

Les effectifs de l'OFPRA seront donc augmentés de 10 officiers de traitement supplémentaires, moyens consolidés les années suivantes. Le prochain directeur général de l'OFPRA viendra devant les commissions parlementaires compétentes et devra engager, à ma demande, des réformes permettant d'affecter davantage de personnels sur le traitement des dossiers par des redéploiements internes. Ces mesures devraient permettre de diminuer le délai d'examen à l'OFPRA, qui se situe aujourd'hui à environ 6 mois.

Néanmoins, toute évolution en la matière dépend aussi de l'évolution de la demande d'asile, qu'il est difficile d'anticiper.

Le ministère de l'intérieur a dans le passé participer au renforcement de la CNDA afin d'améliorer aussi ses délais de jugement. Mon objectif est le délai moyen de traitement d'un dossier à droit constant converge vers 9 à 10 mois, examens à l'OFPRA et à la CNDA compris.

Cela nécessite aussi une évolution européenne, notamment des directives qui devraient être adoptées et mises en oeuvre début 2013. Nous faisons face depuis quelques mois à un afflux de demandeurs d'asile en provenance des pays de l'ex-Yougoslavie et des Balkans. Ils déposent des demandes alors qu'ils n'y sont pas éligibles, ce qui engorge nos services et pose des problèmes d'espace public. Et cela se reproduit dans beaucoup de pays européens.

C'est pourquoi nous avons décidé, sur la région Bourgogne, de désengorger la ville de Dijon et de mettre des bornes concernant l'asile dans d'autres villes, pour éviter la concentration de populations sur une même zone.

Cela a également des conséquences sur les dépenses d'hébergement des demandeurs d'asile. La situation actuelle n'est pas satisfaisante, certes des efforts ont été faits dans le passé, notamment avec la création de places supplémentaires en CADA. Néanmoins, la sous-dotation structurelle des crédits d'hébergement d'urgence place les préfets dans des situations difficiles, le manque de visibilité sur les crédits les empêche de contractualiser avec les structures d'hébergement d'urgence dans de bonnes conditions.

Pour le budget 2013, j'ai obtenu 3 arbitrages : la création de 1000 places supplémentaires en CADA, un rebasage des crédits d'hébergement d'urgence de 35 millions permettant d'ajuster la dotation à la réalité de la dépense, et enfin un rebasage des crédits de l'allocation temporaire d'attente de 50 millions. Une mission conjointe de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale des finances formulera prochainement des propositions d'amélioration de ce dispositif. Cela ne nous dédouane pas des progrès en matière de gestion, cela les rend même d'autant plus nécessaire ! Je suis très inquiet sur cette question de l'hébergement d'urgence, d'autant plus qu'elle se conjugue avec des attentes très fortes de nos concitoyens en matière de logement et avec les dispositifs d'hiver. Il y a là une vraie problématique !

Le budget 2013 prévoit également le financement du nouveau centre de rétention administrative et de la direction de la police aux frontières (CRA) de Mayotte. La lutte contre l'immigration clandestine, notamment à Mayotte, est une de mes priorités. Les éloignements doivent se faire dans le respect des droits et de la dignité des personnes, le nouveau CRA de Mayotte permettra d'y contribuer.

Un point sur la politique d'immigration et les naturalisations. Un projet de loi sur la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées, propose d'instaurer un nouveau dispositif suite à la décision de la Cour de cassation de juillet dernier. Ainsi, une retenue pour vérification de situation d'une durée maximum de 16 heures se substituera à la garde à vue, et sera d'une durée inférieure à celle-ci. Cela devrait faire baisser le nombre de placements en CRA. Cette retenue de 16 heures, sous contrôle du juge, est la clé du dispositif, elle ne doit pas être revue, sinon c'est toute notre politique d'immigration qui serait remise en cause. Celle-ci doit être faite de respect des personnes, de lutte contre l'arbitraire, de clarté, tout en étant ferme.

Nous préparons une circulaire pour préciser les critères de régularisation, qui doivent être mieux définis, justes mais fermes. Enfin, un projet de loi, notamment sur les titres de séjour, sera déposé en 2013, après un débat au Parlement sur l'immigration professionnelle et étudiante. Ces débats seront, je l'espère, menés de façon sereine et équilibrée.

En revanche, je souhaite mener une politique très volontariste sur les naturalisations. Devenir français doit être une fierté ! Le nombre de naturalisations a baissé ces deux dernières années, sans débat ni circulaire, sans transparence. J'ai donc souhaité retrouver un rite de naturalisation, qui ne consiste à pas à la brader, avec un niveau requis de langue française, un attachement à nos valeurs, des critères familiaux ou professionnels d'établissement sur le sol. En moyenne, ceux qui obtiennent la nationalité vivent depuis 16 ans sur notre territoire.

Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs ce que je voulais vous dire sur les budgets de la gendarmerie et de l'immigration en 2013. Au-delà des chiffres, dont l'intérêt est somme toute assez limité, j'ai voulu vous montrer quelles étaient mes priorités opérationnelles.

Je peux naturellement répondre maintenant à vos questions.

M. Michel Boutant, co-rapporteur pour avis du programme « gendarmerie » de la mission Sécurité. - Avant toute chose, je voudrais saluer l'engagement du Gouvernement au service de la sécurité des Français. Alors que les effectifs de la police et de la gendarmerie ont connu une diminution sensible ces dernières années, il est prévu la création de près de 300 postes de policiers et 200 postes supplémentaires de gendarmes en 2013. Dans un contexte budgétaire difficile, je crois que l'on peut se féliciter de cette mesure.

Après ce satisfecit, je souhaiterais, Monsieur le ministre, vous poser trois questions.

Ma première question porte sur les évolutions de compétence entre la police et la gendarmerie, que vous avez évoquées dans votre discours-cadre sur la sécurité, au regard du maillage territorial assuré par les brigades territoriales, auquel les élus locaux sont très attachés. Faut-il s'attendre à la fermeture de brigades de gendarmerie ?

Je souhaiterais également vous interroger au sujet de la réduction des tâches indues des gendarmes, en particulier les transfèrement et extractions judiciaires. Alors qu'un accord avait été conclu en septembre 2010 entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice concernant le transfert progressif des transfèrements de détenus à l'administration pénitentiaire, il semblerait que ce processus ait été suspendu en 2013 en raison de difficultés rencontrées par l'administration pénitentiaire. Alors que des effectifs de policiers et de gendarmes ont été transférés à l'administration pénitentiaire, ce sont donc toujours des gendarmes et des policiers qui sont chargés d'effectuer ces transfèrements dans de nombreux départements. Or, les transfèrements de détenus pèsent lourdement sur les brigades territoriales de la gendarmerie, comme je peux le constater dans mon département de la Charente. Je souhaiterais donc connaître vos réflexions sur ce point.

Enfin, je souhaiterais connaître votre sentiment sur le rôle joué par les réservistes de la gendarmerie nationale. Comme vous le savez sans doute, j'avais rédigé, avec notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, un rapport d'information consacré au rôle joué par la réserve en cas de crise majeure, qui a donné lieu à une proposition de loi adoptée par le Parlement.

Comme vous le savez, les réservistes opérationnels de la gendarmerie jouent un rôle indispensable de renfort des unités, notamment pendant la période estivale. Or, depuis quelques années, en raison des restrictions budgétaires, le nombre de réservistes de la gendarmerie et la durée moyenne ont tendance à stagner. Je souhaiterais donc savoir si l'objectif affiché d'une réserve de gendarmerie comptant 40 000 réservistes (contre 25 000 aujourd'hui) vous paraît toujours atteignable et soutenable budgétairement ?

M. Gérard Larcher, co-rapporteur pour avis du programme « gendarmerie » de la mission Sécurité. - Avant toute chose, je voudrais redire ici notre attachement au statut militaire de la gendarmerie, qui demeure une force armée d'après la loi de 2009.

Je voudrais aussi saluer l'action des hommes et des femmes de la gendarmerie nationale, qui accomplissent, sur le territoire national, outre-mer ou sur les théâtres d'opérations extérieures, comme en Afghanistan, une mission difficile au service de la sécurité des Français.

Je voudrais également rendre hommage aux gendarmes décédés ou blessés dans l'exercice de leurs fonctions. Je pense en particulier aux deux femmes gendarmes tuées dans le Var en juin dernier.

Après ces remarques d'ordre général, je souhaiterais, Monsieur le ministre, vous poser deux questions sur le budget de la gendarmerie pour 2013.

Tout d'abord, je souhaiterais vous interroger au sujet de l'immobilier de la gendarmerie nationale. Comme vous le savez, 70% du parc domanial de la gendarmerie a plus de 25 ans et certains logements sont dans un état préoccupant. Je pense notamment aux logements des gendarmes mobiles à Versailles-Satory, en particulier le quartier Delpal, que nous avons visité avec mon collègue Michel Boutant, ou encore à la caserne de Melun.

Or, les conditions de logement des gendarmes et de leur famille ont un impact direct sur le moral et la manière de servir.

Pour la première fois, en 2013, on entend parler d'« année blanche pour l'immobilier » c'est-à-dire qu'aucun investissement n'est prévu pour l'immobilier. Il ne sera même pas possible d'accorder de nouvelles subventions aux collectivités territoriales et, en matière en financement innovant, aucune autre opération de ce type n'est prévue. Pourtant les besoins sont urgents, tant en matière de construction (besoin de 200 millions d'euros) que d'entretien lourd (besoin de 100 millions d'euros).

La seule marge de manoeuvre de la gendarmerie en matière d'investissement immobilier est de pouvoir compter sur les revenus tirés des cessions immobilières, notamment la vente de l'ancien siège de la direction générale, rue Saint-Didier. En vertu d'un arbitrage du Premier ministre, rendu le 2 avril 2012, la gendarmerie nationale devait bénéficier d'un retour sur cessions de 120 millions d'euros sur la période 2012-2014. Mais cet engagement a été remis en cause par la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement (dite loi Dufflot), qui prévoyait d'appliquer une décote qui pourrait atteindre 100% de la valeur vénale du terrain. Heureusement, cette loi a été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel la semaine dernière.

Dans ce contexte, je souhaiterais savoir, Monsieur le ministre, ce que vous comptez faire concernant l'immobilier de la gendarmerie nationale. Est-ce qu'une partie du produit des cessions immobilières sera bien affecté à la rénovation immobilière de la gendarmerie, comme cela avait été prévu ?

Ma deuxième question porte sur les gendarmes déployés en opérations extérieures et le financement des opérations extérieures.

Comme les années précédentes, on constate une sous-dotation des crédits destinés à couvrir les opérations extérieures. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une dotation initiale de 15 millions d'euros, identique à l'an dernier, alors que la dépense totale OPEX s'est élevée à environ 30 millions d'euros en 2011, dont 18 millions d'euros pour l'Afghanistan. Pour 2012, la dépense prévisionnelle totale est de l'ordre de 26 millions d'euros. Dans l'attente du financement du surcoût 2012, la gendarmerie est dans l'obligation de préfinancer ces dépenses sur ces dotations. Ne pensez-vous pas, Monsieur le ministre, qu'il serait préférable que les surcoûts des opérations extérieures soient directement financés par un fonds interministériel, à l'image de ce qui existe pour les armées ? A mon initiative, le Sénat avait adopté l'an dernier à l'unanimité un amendement en ce sens mais je constate l'absence de progrès.

Je souhaiterais également avoir des précisions sur la sécurité des gendarmes après le retrait des forces combattantes d'Afghanistan.

Enfin, je m'inquiète de la diminution des crédits concernant la formation des gendarmes, en particulier concernant la formation continue.

M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur. - En ce qui concerne la reprise progressive par l'administration pénitentiaire des transfèrements judiciaires, il s'agit d'une réforme importante décidée en 2010 et très attendue par les policiers et les gendarmes, qui permettra de recentrer les gendarmes et les policiers sur leur coeur de métier : la sécurité. De son côté, l'administration pénitentiaire doit pouvoir bénéficier d'effectifs supplémentaires pour assurer cette mission. Une partie des nouveaux postes créés au sein de l'administration pénitentiaire, de l'ordre de 500 par an, sera d'ailleurs consacrée à cette tâche.

Compte tenu des difficultés rencontrées par l'administration pénitentiaire, un rapport d'inspection sur le bilan des transferts effectués en 2011 et en 2012 a été diligenté. Dans l'attente des conclusions de ce rapport, un moratoire a été décidé par le cabinet du Premier ministre concernant la reprise des transfèrements dans les régions concernées en 2013. Cela concerne 123 postes pour la police nationale et 223 pour la gendarmerie nationale. Sans préjuger des conclusions de ce rapport, je considère, pour ma part, qu'il faudra poursuivre ce mouvement dans les années futures.

S'agissant des réserves, elles sont indispensables au fonctionnement des unités de la gendarmerie, notamment lors de grands événements ou en période estivale. Elles participent aussi au lien Armées-Nations. La réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale comporte des effectifs de 25 000 réservistes employés en moyenne 20 jours par an. Le budget est de 40 millions d'euros en 2013, soit à peu près le même montant qu'en 2012. Compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, il sera difficile d'aller au-delà.

Je partage votre point de vue, Monsieur le président Gérard Larcher, sur l'immobilier de la gendarmerie nationale. Il faudrait, en effet, 300 millions d'euros par an pour financer la construction de nouvelles casernes ou la rénovation. Je regrette d'ailleurs que l'immobilier de la gendarmerie nationale ait servi ces dix dernières années de variable d'ajustement puisque les crédits consacrés à l'immobilier ne représentent désormais qu'environ 50 millions d'euros. Je reconnais que nous sommes face à une vraie difficulté. J'ai donc demandé à mon cabinet et au directeur général de la gendarmerie nationale d'imaginer de nouvelles solutions permettant de faire face à ce besoin.

La formation continue est importante, notamment en matière d'adaptation des personnels aux nouvelles formes de délinquance. Nous assistons d'ailleurs ces dernières semaines à une baisse de la délinquance en zone urbaine et à une montée de la délinquance en zone de gendarmerie, qui s'explique par les évolutions des formes de délinquance. Il est vrai qu'il y aura une baisse des crédits consacrés à la formation continue en 2013, compte tenu de l'évolution à la hausse de dépenses de fonctionnement, comme les loyers, le carburant, etc. Mais je forme le souhait que cette diminution ne sera que provisoire.

Enfin, s'agissant de l'Afghanistan, la question se pose surtout pour les gendarmes français qui assurent la formation des Afghans dans le Wardak, en zone américaine, qui sont assez isolés. Nous avons obtenu un engagement des autorités américaines qui assureront la protection des gendarmes français jusqu'au printemps 2013 mais nous envisageons de rapatrier les gendarmes français sur Kaboul afin de mieux pouvoir veiller à leur sécurité.

Enfin, la gendarmerie est et restera une force de police à statut militaire. Le retour des gendarmes au sein de la protection du Président de la République a d'ailleurs été perçu comme un geste fort témoignant de l'attachement de la République à l'arme.

M. Daniel Reiner, président. - Comment expliquer la forte baisse des investissements (titre 5), qui passent de 18 millions à 8 millions d'euros en autorisations d'engagement, et de 25 millions à 14 millions en crédits de paiement, du programme 303 ?

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. - Les crédits d'investissement inscrits au titre 5 du programme 303 relèvent de l'action 3 « lutte contre l'immigration irrégulière » et de l'action 4 « soutien ». S'agissant de l'action 3, les crédits demandés sont de 5,1 millions d'euros en AE et de 11,6 millions en CP, contre, respectivement, 4,5 et 9,2 en 2012. Ces crédits sont donc en légère augmentation sur cette action, notamment pour tenir compte du démarrage de la construction du nouveau CRA de Mayotte. En revanche, la baisse soulevée concerne l'action 4, dont les crédits financent exclusivement les systèmes d'information. La baisse ne correspond pas à un désengagement du ministère mais à une meilleure prise en compte du partage réel entre les dépenses d'investissement et de fonctionnement consacrées aux systèmes d'information. En 2012 la totalité des crédits les finançant étaient inscrits au titre 5, ce qui ne correspondait pas à la réalité de l'exécution de la dépense. Nous avons donc procédé à une ventilation plus juste.

M. Jacques Berthou. - Sénateur de l'Ain et maire d'une petite commune de 9 300 habitants, dans laquelle se trouve un CADA, je me réjouis de vos propos concernant l'urgence de répondre à l'accroissement des demandeurs d'asile, notamment en provenance des Balkans, et aux difficultés rencontrées par les maires et les élus locaux pour gérer ce type de situation dramatique, qu'il s'agisse des problèmes de logement, d'écoles ou de restauration scolaire, mais aussi de sécurité.

M. Jeanny Lorgeoux. - Ma question porte sur les services de renseignement, et notamment sur la direction centrale du renseignement intérieur, qui relève du programme « police nationale » de la mission sécurité.

Vous venez de communiquer au Parlement le rapport d'inspection chargé de tirer les enseignements de l'affaire Merah, et je m'en félicite.

Je souhaiterais savoir quelles sont vos principales conclusions concernant le positionnement actuel de la DCRI et ses relations avec les SDIG, la création d'un corps d'inspection, ou encore le renforcement du contrôle parlementaire et du rôle de la délégation parlementaire au renseignement.

En particulier, la DCRI relève de la direction générale de la police nationale. Est-ce qu'il ne serait pas préférable que la DCRI soit une direction autonome au sein du ministère de l'intérieur ?

Plus généralement, comment expliquez-vous que la DCRI n'ait pas bénéficié de davantage de moyens ces dernières années, et ne faudrait-il pas prévoir, à l'image de la DGSE, un plan pluriannuel de renforcement des effectifs et des moyens de la DCRI ? Je pense en particulier à la possibilité de recruter plus aisément des spécialistes.

M. Robert del Picchia. - Ma question porte sur la lutte contre la cybercriminalité et les cyberattaques.

Alors que la cybercriminalité est plein essor, qu'il s'agisse de la fraude sur Internet, de la pédopornographie ou encore de cette récente et triste affaire de chantage par Internet ayant entrainé le suicide d'un adolescent, quels sont les moyens des services de police et de gendarmerie de lutter contre ce fléau ? Comment lutter efficacement contre un phénomène qui se joue des frontières ?

Par ailleurs, face à des cyberattaques à des fins d'espionnage d'entreprises françaises, quels sont les moyens des services, notamment de la DCRI ?

Ne serait-il pas opportun de renforcer ces moyens, de développer la sensibilisation, notamment au plan local, avec les observatoires zonaux de la sécurité des systèmes d'information ?

Enfin, qu'en est-il des gendarmes en poste au sein des ambassades ?

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. - Le problème des visas, en l'occurrence le cas des personnes demandant l'asile alors qu'elles sont originaires de pays bénéficiant d'une libéralisation de visas de court séjour, nous a conduits à être cosignataires d'un courrier à la Commission européenne, avec 5 autres pays européens, pour attirer son attention sur ce phénomène. Cette question renvoie aussi à la réforme du régime d'asile européen commun, RAEC, qui devrait entrer en vigueur début 2013.

Pour le point que vous soulevez, il convient déjà que les pays d'origine réagissent et prennent des mesures visant à éviter ces mouvements. Ensuite, et c'est actuellement en discussion, il faut adopter rapidement une modification du règlement régissant ces questions, afin que dans de telles circonstances nous puissions suspendre la libéralisation. A plus long terme, cela permettrait aussi d'envisager de façon plus sereine d'autres libéralisations. Nous sommes allés beaucoup trop vite en termes de libéralisation des visas et de gestion des frontières. Il faut mettre un peu d'ordre, et la position de la France, comme celle de l'Allemagne, est très ferme.

La lutte contre la cybercriminalité, comme d'ailleurs la protection face aux cyberattaques ou encore l'intelligence économique, doit être une priorité. Il s'agit là d'une préoccupation majeure. Je participerai d'ailleurs au Forum international de la lutte contre la cybercriminalité, qui se tiendra à Lille en janvier, pour insister sur ce sujet.

S'agissant de la DCRI et de l'affaire Merah, je considère qu'il faut tirer tous les enseignements de cette affaire sans pour autant déstabiliser les services de renseignement, et notamment la DCRI dirigée par Patrick Calvar. Je suis donc très attentif aux conclusions qu'il convient de tirer pour l'organisation des services et je me tiens à la disposition de la délégation parlementaire au renseignement pour évoquer avec les parlementaires ce sujet sensible. Peut-être faudrait-il une loi sur les services de renseignement afin de renforcer la protection juridique des agents ? Pourquoi ne pas envisager également, face aux nouvelles menaces, comme la radicalisation d'extrême droite ou d'extrême gauche ou le terrorisme, la cybercriminalité ou les cyberattaques, un renforcement de la DCRI et une meilleure coordination au plan local entre la DCRI et les SDIG, mais aussi avec les services de police et de gendarmerie ? Se posent aussi les questions de la formation, du recrutement ou encore du positionnement actuel de la DCRI.

En tout état de cause, dans le cadre des réflexions sur le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la place et la contribution de la DCRI méritent selon moi d'être pleinement reconnues.

Enfin, s'agissant de la place des gendarmes au sein des ambassades, on trouve actuellement environ 200 gendarmes. La RGPP a eu pour effet de remplacer un certain nombre de gendarmes par des postes d'agents de sécurité recrutés localement, mais les gendarmes continuent d'assurer la protection des enceintes les plus sensibles, notamment en Algérie, en Cote d'Ivoire ou en Irak.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Comme de nombreux élus locaux, je constate en la regrettant la faible présence des gendarmes et des policiers sur le terrain. Est-ce que cette faible présence ne résulte pas de problèmes liés à l'organisation ?

En matière d'immobilier de la gendarmerie, je voudrais rappeler que les collectivités locales jouent un rôle majeur pour la construction de casernes.

S'agissant de la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane, est-ce que la coopération avec le Brésil et le Suriname s'est améliorée ?

Enfin, ne pourrait-on pas privilégier, dans le cadre de la passation de marchés publics de la police et de la gendarmerie, les entreprises françaises ?

M. Christian Cambon. - Nous avons été sensibles, Monsieur le ministre, à vos propos, qui résultent sans doute de votre expérience de maire.

Vous revisitez la politique d'immigration. La procédure de l'OFPRA est un véritable saut d'obstacles et, au final, ce sont les maires plus que les préfets qui gèrent les difficultés. Lorsqu'un territoire cumule des camps roms et des communautés des Balkans, c'est le maire qui doit gérer au quotidien ces présences dans les écoles, les cantines scolaires, les centres de loisirs, ainsi que les problèmes de sécurité ... tout en se faisant rappeler à l'ordre régulièrement par les associations caritatives qui ne gèrent, en l'espèce, que le ministère de la parole. Tout maire républicain éprouve de la compassion pour ces personnes, néanmoins cela pose des soucis et je souhaiterais que vous donniez des instructions aux préfets pour qu'ils y soient attentifs et nous aident. Ils ont des délégations de crédits, les communes n'en bénéficient pas alors que ce sont elles qui portent le problème social et portent beaucoup de charges.

Enfin, pouvez-vous nous en dire plus concernant la revue des critères de naturalisation ? Certes le flux a baissé ces dernières années, et même si nous soutenons cette politique de naturalisation aux dépends du droit de vote des étrangers, certains critères doivent être maintenus ! S'agit-il d'un droit individuel, ou l'État doit-il imposer un certain nombre de règles considérant qu'il ne peut accueillir au-delà des moyens qu'il peut y consacrer ? L'expérience montre que certains étrangers devenus français continuent de vivre dans des conditions difficiles.

M. Christian Namy. - Comme de nombreux collègues, je regrette la faible présence des gendarmes sur le terrain et l'insuffisance du lien de proximité des gendarmes avec la population locale. Dans certaines communes, le temps d'intervention de la brigade dépasse 30 mn voire une heure.

Par ailleurs, je m'étonne que les zones frontalières, qui font face à des problèmes spécifiques de délinquance, à l'image du trafic de drogue, ne semblent pas été prises en compte lors de la définition des ZSP.

S'agissant du logement, en tant qu'élus locaux, nous avons besoin de directives claires de la part du ministère concernant l'immobilier de la gendarmerie car la construction d'une nouvelle caserne représente un investissement important. Or, on peut s'interroger sur l'absence de toute subvention aux collectivités locales pour la construction de nouvelles casernes dans le projet de loi de finances pour 2013.

Enfin, qu'en est-il des redéploiements entre la police et la gendarmerie sur le territoire afin de mieux tenir compte de l'évolution de la délinquance et d'assurer une meilleure continuité territoriale ?

M. Christian Poncelet. - Je considère qu'il est indispensable que les élus locaux soient étroitement associés à la mise en oeuvre de la politique de sécurité, menée sous l'égide des préfets. Pourquoi ne pourraient-ils pas être invités aux réunions organisées par le préfet et le directeur de la sécurité publique et le commandant de groupement de la gendarmerie ?

Mme Kalliopi Ango Ela. - Je voudrais vous poser deux questions.

D'une part, concernant la politique de naturalisation et la revue des critères, les conjoints et enfants de Français vivant à l'étranger bénéficieront-ils de critères allégés ?

D'autre part, je voudrais vous interroger sur la contribution de la gendarmerie à la coopération technique à l'étranger.

M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur. - Pour répondre à M. Jean-Claude Peyronnet, si les appels d'offres lancés par la police et la gendarmerie, qui sont désormais largement mutualisés, y compris avec les douanes, respectent le code des marchés publics, on constate que les entreprises françaises sont présentes dans la quasi-totalité des marchés. Ainsi, en matière de véhicules, environ 75 % des véhicules commandés sont d'origine française.

S'agissant de la Guyane, nous avons des échanges avec la police fédérale brésilienne. Nous avons un poste d'attaché de sécurité intérieure à Brasilia. L'ouverture du pont sur l'Oyapock et la lutte contre l'orpaillage nécessitent toutefois de renforcer cette coopération. Concernant le Suriname, la coopération est plus difficile. Je devrais me rendre prochainement en Guyane afin d'étudier la situation.

La moindre présence de la gendarmerie sur le terrain s'explique surtout par la baisse des effectifs à laquelle le Gouvernement entend mettre un terme. Alors que la gendarmerie couvre une vaste zone représentant 95 % du territoire, le délai d'intervention moyen est inférieur à 30 mn. Pour autant, il est vrai que le métier de gendarme a évolué et que les contacts avec la population sont moins fréquents. Mais la délinquance a aussi changé et les forces de sécurité doivent s'adapter. Je pense en particulier aux actes de violence inacceptables commis contre les forces de l'ordre, comme en témoigne le cas des deux femmes gendarmes tuées dans le Var au cours d'une intervention.

En réponse à M. Christian Cambon, l'État finance plus de 21 000 places en CADA, ce qui représente un coût de 200 millions d'euros par an, auxquels s'ajoutent les 140 millions dévolus à l'hébergement d'urgence. Cette question est préoccupante, complexe, et représente un coût financier important pour l'État comme pour les collectivités territoriales.

Concernant l'intégration, c'est la politique d'assimilation qui a été privilégiée en France. Nous devons réussir l'intégration par le travail et le logement ! L'école, la famille, le logement et les politiques migratoires aggravant la ghettoïsation de nos villes sont une réalité. On ne peut se passer d'une réflexion sur le type d'immigration dont on a besoin, tous les gouvernements s'y essaient ! C'est pourquoi un débat au Parlement sur cette question se tiendra l'année prochaine.

Pour répondre à M. Christian Poncelet, les élus locaux sont naturellement associés à la mise en oeuvre de la politique de sécurité, élaborée localement sous l'égide des préfets.

En réponse à M. Christian Namy, il est vrai qu'il n'y a pas encore de ZSP dans des zones frontalières, mais je suis parfaitement conscient des problématiques spécifiques que l'on trouve dans les zones frontalières. Ainsi, une coopération étroite existe avec la Belgique et le Luxembourg en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.

S'agissant d'éventuels redéploiements de zones de compétences entre la police et la gendarmerie, j'envisage de confier une mission à un député et à un sénateur sur ce sujet car je souhaite que le Parlement soit étroitement associé à cette réflexion.

Enfin, pour répondre à Mme Ango Ela, nous ne menons pas de politique différenciée entre les futurs Français vivant à l'étranger et ceux vivant sur notre sol.