Mardi 24 janvier 2023

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Proposition de nomination de M. Didier Samuel, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale - Désignation d'un rapporteur

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, il nous appartient de désigner en premier lieu ce matin, en application de l'article 19 bis du Règlement du Sénat, un rapporteur sur la proposition de nomination de M. Didier Samuel aux fonctions de président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Je vous propose de confier cette tâche à notre collègue Laure Darcos, qui sera ainsi chargée de poser une première série de questions à M. Samuel à l'occasion de son audition programmée jeudi 26 janvier à 10 heures 30.

La commission désigne Mme Laure Darcos rapporteure sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Didier Samuel aux fonctions de président de l'Inserm.

Projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 - Examen des amendements aux articles délégués

M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons ce matin nos travaux consacrés au projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, que nous examinerons en séance cet après-midi, à compter de 14 heures 30.

Notre collègue Claude Kern va nous présenter les avis qu'il nous propose d'émettre sur les amendements de séance déposés sur les articles de ce texte dont l'examen nous a été délégué au fond par la commission des lois, à savoir les articles 12, 13 et 14.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 12

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques nos  51 et 61 sont les premiers d'une série qui vise à contester la nécessité d'adapter notre arsenal juridique pour répondre aux défis qu'ont représentées, d'une part, les violences survenues au Stade de France le 28 mai dernier et, d'autre part, la multiplication des envahissements d'aires de compétition destinés à promouvoir des messages à caractère politique sans lien avec les compétitions concernées.

Nous voulons préserver la sécurité, la neutralité et la sérénité des compétitions sportives. Les dispositions adoptées ont été pesées avec précaution afin de respecter les principes de la proportionnalité et de l'individualisation des peines. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 51 et 61.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Le nouvel article L. 332-10-1 du code du sport prévoit de sanctionner les activistes qui prennent en otage les grandes retransmissions sportives afin de diffuser un message politique. L'amendement n°  11, qui vise à revenir sur l'objectif même de l'article 12, tend à supprimer toute sanction à leur égard ; il constitue donc un appel à troubler toute manifestation sportive, avec les conséquences que l'on peut imaginer sur le déroulement de ces événements. Son adoption reviendrait à mettre en péril les retransmissions des jeux Olympiques et Paralympiques, compte tenu de la multiplication de telles incursions. Avis défavorable.

M. Thomas Dossus. - Gardons-nous d'utiliser l'expression « prise d'otage » lorsqu'il est question des jeux Olympiques...

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Il s'agit là encore, avec l'amendement n°  12, de ne pas tirer toutes les conséquences des événements survenus au Stade de France, où la vie de nombreux spectateurs a été mise en danger par des fraudeurs et par des délinquants qui se sont introduits par la force dans l'enceinte.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  13 prévoit que ne soient pas sanctionnées les actions militantes qui viennent troubler ou interrompre la retransmission des compétitions sportives à des fins politiques.

Je rappelle que les diffuseurs audiovisuels sont responsables de la maîtrise de leur antenne ; ils doivent donc couper la retransmission dès qu'une intrusion a lieu. Pareilles actions ne sauraient donc en aucun cas être assimilées à des manifestations : n'étant pas diffusées, elles ne nourrissent aucun débat démocratique. Avis défavorable à l'amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13, de même qu'à l'amendement de repli n°  14.

Après l'article 12

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  89 a pour objet d'étendre la liste des délits visés à l'article 222-13 du code pénal aux violences commises dans une enceinte sportive dans le cadre du déroulement ou de la retransmission en public d'une manifestation sportive.

Cet ajout semble justifié compte tenu des autres circonstances qui sont évoquées à cet article. Néanmoins, afin de nous assurer que cet ajout ne portera pas préjudice à la cohérence de notre droit pénal, je vous propose que nous demandions l'avis du Gouvernement sur cette disposition.

M. Michel Savin. - À l'heure actuelle, seules les violences commises en état d'ébriété sont visées dans le code du sport ; les faits de violences sans état d'ébriété sont certes pris en compte dans le code pénal, mais on ne peut par ce biais prononcer d'interdiction de stade. Interpeller le Gouvernement me semble de bonne méthode.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Je précise que l'article L. 332-10 du code du sport fait plus largement référence aux violences.

La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 89.

Article 13

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Contrairement à ce qui est indiqué dans l'objet de l'amendement de suppression n°  69, les intrusions sur les aires de compétition visées par le nouvel article L. 332-10-1 du code du sport ne sont pas concernées par la nouvelle interdiction obligatoire de stade créée par l'article 13. Ces intrusions relèveront d'une interdiction facultative dont on sait qu'elle est rarement prononcée par les juges.

Quant aux interdictions obligatoires, elles s'appliqueront aux délits les plus graves commis dans les enceintes sportives. Avis défavorable à l'amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 69.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  85 est le premier d'une série émanant des supporters. Il s'agit de rendre automatiques plutôt qu'obligatoires les interdictions de stade pour les délits les plus graves. Or l'automaticité reviendrait à remettre en cause le principe constitutionnel de l'individualisation des peines : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 85.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'article L. 332-8 du code du sport prévoit que le fait d'introduire des fusées ou artifices sans autorisation dans une enceinte sportive est puni de trois ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. L'amendement n°  83 vise à supprimer cette peine de prison et à ramener l'amende prévue à 150 euros.

Sans être opposé par principe à l'usage de ces engins lorsque celui-ci est encadré et contrôlé par les organisateurs, je ne peux qu'être défavorable à ce qu'un usage anarchique ne soit plus sanctionné alors que la sécurité dans les stades est redevenue un sujet de préoccupation.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 83.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement de repli n°  84 vise à réduire à la portion congrue la durée maximale de l'arrêté portant interdiction de stade. Une telle évolution n'apparaît ni opportune ni souhaitable alors que deux manifestations sportives majeures sont attendues en France en 2023 et 2024.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 84.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  82 tend à supprimer l'obligation de pointage applicable aux interdits de stade, alors même que cette obligation est particulièrement dissuasive et efficace.

Je ne mésestime pas la difficulté d'application que pose cette disposition, bien que de telles interdictions de stade ne soient pas aussi nombreuses que cela pourrait être nécessaire.

Dans l'immédiat, il apparaît inopportun d'affaiblir un dispositif particulièrement utile pour lutter contre la violence dans les stades : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 82.

Article 14 A

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - La Cour des comptes remettra son rapport sur les jeux Olympiques mi-2026, lorsqu'elle aura pu examiner l'ensemble des comptes définitifs. Cet article prévoit que le Parlement dispose dès 2025 d'un rapport d'étape, qui lui permettra d'examiner une photographie des comptes ; ainsi pourra-t-il constater en particulier le respect de l'équilibre du budget.

Je propose, en accord avec la Cour, de repousser du 1er juin au 1er octobre 2025 la date limite de remise de ce rapport au Parlement.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  9.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - La question des bénévoles constitue assurément un point de vigilance pour la réussite des Jeux. Il est essentiel de s'assurer que les bénévoles bénéficieront de toute l'attention qu'ils méritent ; c'est pourquoi il pourrait être pertinent de demander à la Cour des comptes de ne pas négliger cet aspect dans le bilan d'étape qu'elle rendra au Parlement avant le 1er octobre 2025.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  39 rectifié.

Après l'article 14 A

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  15 vise à rendre permanentes les dérogations à la réglementation sur les publicités dans l'espace public à l'occasion des grandes manifestations sportives, afin de permettre la mise en valeur des organisateurs et de leurs sponsors. Son adoption aurait pour effet de porter atteinte à la protection du patrimoine alors que de nombreuses critiques ont déjà été émises par les sénateurs sur l'article 14 du projet de loi, qui prévoit des dérogations exceptionnelles pour les jeux Olympiques et Paralympiques ; notre collègue Monique de Marco propose, par exemple, de supprimer cet article 14 afin de « limiter les dérives commerciales ».

Concernant l'organisation de la Coupe du Monde de rugby, j'indique que je n'ai été saisi d'aucune demande de la part des organisateurs. On peut néanmoins remarquer que l'organisation de l'Euro de football 2016 n'avait pas nécessité d'introduire des dérogations permanentes à la réglementation sur la publicité dans le code de l'environnement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - La modification des dates des congés scolaires est déjà possible dans le droit actuel. En effet, l'article L. 521-1 du code de l'éducation prévoit que le calendrier scolaire « peut être adapté, dans des conditions fixées par décret, pour tenir compte des situations locales ». L'amendement n°  16 rectifié est donc satisfait.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 16 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - La commission avait déjà émis, la semaine dernière, un avis défavorable à l'amendement n°  41, et ce pour au moins trois raisons : la billetterie des jeux Olympiques est ouverte ; le budget du Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) d'été de 2024 est fragile ; une telle disposition aurait dû être adoptée voilà un ou deux ans pour pouvoir être mise en oeuvre aujourd'hui.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 41.

Article 14

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'adoption de l'amendement de suppression n°  36 reviendrait à rendre impossible l'organisation du relais de la flamme, donc les jeux Olympiques et Paralympiques eux-mêmes.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 36.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  74 vise à interdire les publicités lumineuses pour les sponsors des jeux Olympiques et Paralympiques. Il s'agit d'une proposition de bon sens au regard de la crise énergétique que nous connaissons. Cette question doit constituer une préoccupation des organisateurs, qui sont déjà sensibilisés à l'impératif de sobriété énergétique.

Néanmoins, il n'apparaît pas souhaitable d'inscrire cette interdiction dans la loi, car elle pourrait contrevenir au contrat de ville-hôte. Je souhaite que ce sujet soit porté dans le cadre du dialogue institutionnel qui existe entre l'État, la Ville de Paris et le Cojop.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 74.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  75 tend, comme le précédent, à encadrer les dérogations accordées au Cojop au regard de la réglementation sur les publicités.

On ne peut là encore qu'être sensible à l'impératif de préserver les espaces naturels des villes de la publicité. Cependant, il n'apparaît pas judicieux de prévoir cette interdiction dans la loi. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 75.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  73 vise à remettre en cause les dérogations au régime de la publicité accordées aux organisateurs par l'article 5 de la loi du 26 mars 2018.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 73.

Après l'article 14

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  37 vise à rappeler l'importance des messages adressés au public dans l'effort de protection de l'environnement. Si un tel objectif est louable et partagé, il n'apparaît pas judicieux d'inscrire ce principe d'information dans la loi.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 37.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement n°   38, comme le précédent, a déjà été examiné en commission. Il a pour objet d'imposer aux organisateurs des jeux la publication annuelle des mesures de compensation.

Outre qu'une telle obligation pourrait contrevenir au contrat de ville-hôte, il convient d'indiquer que cette mesure aurait dû être adoptée dans le cadre d'une précédente loi relative aux jeux Olympiques, afin de ménager le temps nécessaire à la mise en oeuvre d'un tel dispositif.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 38.

Tableau des avis

Auteur

Avis de la commission

Article 12

Mme ASSASSI

51

Défavorable

M. BENARROCHE

61

Défavorable

M. LOZACH

11

Défavorable

M. LOZACH

12

Défavorable

M. CHANTREL

13

Défavorable

M. CHANTREL

14

Défavorable

Article additionnel après Article 12

M. SAVIN

89

Avis du Gouvernement

Article 13

M. DOSSUS

69

Défavorable

M. BACCHI

85

Défavorable

M. BACCHI

83

Défavorable

M. BACCHI

84

Défavorable

M. BACCHI

82

Défavorable

Article 14 A

M. KERN

9

Favorable

Mme de MARCO

39 rect.

Favorable

Article additionnel après Article 14 A

Mme de LA GONTRIE

15

Défavorable

M. STANZIONE

16 rect.

Demande de retrait

Mme de MARCO

41

Défavorable

Article 14

Mme de MARCO

36

Défavorable

M. DOSSUS

74

Défavorable

M. DOSSUS

75

Défavorable

M. DOSSUS

73

Défavorable

Article additionnel après Article 14

Mme de MARCO

37

Défavorable

Mme de MARCO

38

Défavorable

La réunion est close à 9 h 25.

Mercredi 25 janvier 2023

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 8 h 35.

Audition de M. Antoine Boilley, candidat proposé par le Président du Sénat aux fonctions de membre de l'Arcom

M. Laurent Lafon, président. - Nous entendons aujourd'hui M. Antoine Boilley, candidat proposé par le Président du Sénat aux fonctions de membre de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), en remplacement de Mme Carole Bienaimé Besse, dont le mandat arrive ce jour à échéance.

Je vous informe que cette désignation doit se conformer aux dispositions des premier et troisième alinéas de l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986, qui précisent que l'Arcom « comprend neuf membres nommés par décret en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication, notamment dans le secteur audiovisuel, ou des communications électroniques », et que « au sein de chaque assemblée parlementaire, ils sont désignés sur avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles statuant à bulletin secret à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. »

Cette nomination ne peut intervenir qu'après audition devant la commission compétente du Sénat. Cette audition est publique et ouverte à la presse. Elle sera suivie d'un vote, qui se déroulera à bulletin secret.

Le Président du Sénat ne pourrait procéder à cette nomination si les votes négatifs représentaient au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Monsieur Boilley, je n'insisterai pas sur le rôle cardinal joué par l'Arcom au sein du paysage audiovisuel français, quelques semaines seulement après le renouvellement des mandats des présidentes de Radio France et de France Médias Monde, et quelques mois avant le renouvellement de deux des principales fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT).

Je ne reviendrai pas non plus sur la diversité des missions qui lui sont confiées par la loi. Son président, Roch-Olivier Maistre, interviendra d'ailleurs ici même, à 10 heures, à l'occasion d'une table ronde consacrée à l'avenir de la radio à l'heure du DAB+ (Digital Audio Broadcasting).

Je vous laisserai en revanche nous présenter, durant une dizaine de minutes, non seulement votre parcours et vos motivations, mais aussi, et surtout, votre vision de cette instance chargée de garantir dans notre pays la liberté de communication, le financement de la création audiovisuelle et la protection des droits.

À l'issue de ce propos liminaire, je donnerai la parole aux membres de la commission qui souhaiteraient vous interroger, en donnant bien entendu la priorité à un représentant par groupe.

M. Antoine Boilley, candidat proposé par le Président du Sénat aux fonctions de membre de l'Arcom. - Permettez-moi, en préambule, de vous dire quelques mots me concernant et de partager effectivement avec vous les enjeux essentiels de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans les années qui viennent.

Mon expérience à France Télévisions, premier média des Français, m'a placé de façon opérationnelle pendant près de vingt-deux ans au coeur des enjeux stratégiques, industriels, concurrentiels et éditoriaux du secteur audiovisuel en général et de l'audiovisuel public en particulier. Auprès de quatre présidents et présidentes, j'ai eu la chance, au cours de ces années, d'évoluer dans ce groupe : j'ai commencé au niveau des régions pour France 3 ; j'ai ensuite travaillé, à la direction générale de France Télévisions, à la création de France 24 et de France 4 ; j'ai participé aux négociations avec l'État actionnaire du contrat d'objectifs et de moyens (COM) ; j'ai également intégré la régie publicitaire de France Télévisions au moment où nous recherchions des recettes complémentaires à la suite de la disparition de la publicité après 20 heures ; enfin, j'ai passé un peu plus d'un passionnant septennat à France 2 en tant que directeur adjoint des programmes, puis secrétaire général, directeur délégué de la chaîne, plus récemment en tant que secrétaire général des antennes et, depuis deux ans, directeur adjoint de la communication et du marketing de France Télévisions.

Au travers de ces responsabilités successives, j'ai eu la chance et l'opportunité d'intervenir dans toute la chaîne de valeur et de compétence de notre secteur, avec, à la clé, de nombreux résultats et réalisations concrètes. J'ai toujours eu à coeur de faire bouger les lignes au niveau tant des programmes que du renforcement de leur événementialisation, du management des équipes, du management des talents dans tous les domaines et dans tous les genres de programmes, de la création audiovisuelle et cinématographique qui est la clé de voûte de notre exception culturelle, de l'information indépendante au service du pluralisme et de la démocratie, du développement des partenariats entre les différents acteurs de l'audiovisuel public, de la proximité et de la représentation de tous les territoires sur les antennes, d'une politique active en matière de diversité et d'inclusion pour mieux rassembler et représenter les Français, et d'un engagement fort sur des questions de société essentielles au travers de programmes emblématiques pour lever les tabous et faire bouger les lignes, les représentations, et lutter contre les discriminations. En somme, j'ai pu mener une stratégie éditoriale et de développement ambitieuse pour mieux répondre et répliquer à la concurrence des plateformes internationales de vidéo à la demande.

Je tenais à insister sur ma participation à une aventure entrepreneuriale à la fin des années 2010, lorsque j'ai rejoint l'équipe d'une chaîne thématique privée : Ma chaîne étudiante. J'ai eu à cette occasion l'opportunité d'animer une émission politique qui s'appelait Face aux jeunes.

En outre, ma seconde casquette, celle de professeur des universités associé au Celsa Sorbonne Université, m'a offert la possibilité depuis plus de quinze ans, d'une part, de partager avec de très nombreuses promotions d'étudiants des clés et des codes de compréhension et d'analyse des industries médiatiques, et, d'autre part, de donner à tous ces étudiants l'envie d'intégrer ces secteurs pour faire bouger les lignes, pour raconter des histoires à un large public dans tous les genres de programmes, pour créer et accompagner des contenus qui fédèrent, interrogent et font sens, pour participer à notre exception culturelle et au rayonnement de notre culture à l'international.

J'ai ainsi pu développer une expérience et une expertise, que j'espère reconnues, dans l'analyse des transformations et des mutations du secteur audiovisuel au niveau de la chaîne de valeur, dans la compréhension des nouveaux enjeux de la régulation, dans la nécessité de l'événementialisation pour mieux créer un sentiment d'urgence autour de programmes à fort potentiel d'audience et d'impact, ou dans le décryptage des stratégies d'adaptation des groupes télévisuels historiques à la nouvelle donne concurrentielle au sein de l'univers numérique.

Fort de cette riche expérience, désormais, je souhaite vivement, à quarante-cinq ans, donner un nouvel élan à mon parcours en mettant ma connaissance intime de l'audiovisuel, de ses rouages et de ses différents acteurs au service de l'intérêt général et au service d'un secteur essentiel au vivre-ensemble et au rayonnement de la France, faisant face à de multiples défis et frontières.

Je tiens d'ailleurs à souligner que mon expérience et mon réseau vont bien au-delà du seul secteur de l'audiovisuel public. Ainsi, je compte de très nombreux contacts et relais dans la plupart des groupes télévisuels privés. À titre d'exemple, j'ai commencé à l'École des hautes études commerciales de Paris (HEC) par un stage de six mois à TF1 ; j'ai fait partie de l'équipe projet qui a lancé et créé France 24, à l'époque un partenariat entre France Télévisions et TF1. Je connais aussi extrêmement bien les principaux producteurs intervenant sur le marché français. J'ai également développé au fil des ans des relations d'échange et de confiance avec les syndicats de producteurs, les sociétés d'auteurs, les principales rédactions et avec les acteurs du numérique.

J'ai donc la conviction d'avoir les capacités et la crédibilité pour appréhender et accompagner au mieux les nombreux enjeux des secteurs de la communication entrant dans le champ de régulation de l'Arcom. Ces enjeux sont autant de combats que j'ai envie de porter autrement, avec toujours autant de force, de conviction et d'envie de faire bouger les lignes, combats qui sont aussi les vôtres au sein de cette commission, parmi lesquels je citerai la défense tous azimuts de notre exception culturelle et de la création française, ou encore la représentation sur les antennes et dans les programmes de toutes les diversités de la société française et de tous les territoires, en veillant plus particulièrement à la ruralité et aux Français de la France d'à côté.

Au-delà des polémiques, parfois stériles, au-delà de la société du défouloir, qui, comme l'a dit récemment Sibyle Veil, « ne tardera pas à lasser », les médias audiovisuels et numériques, pas uniquement publics, au travers de leur fonction de représentation, dans la nuance et en prenant de la distance par rapport à une certaine posture de verticalité, doivent jouer un rôle moteur pour redonner de l'espérance et reconstruire une relation de confiance avec les Français.

Il s'agit d'un enjeu démocratique et d'un enjeu de société essentiels pour le vivre-ensemble. L'Arcom a beaucoup fait bouger les choses ces dernières années ; souvenons-nous que ce qui était à l'époque le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pointait du doigt la « pâleur » de nos écrans. Force est de constater que ce sont ces prises de position qui ont amené les acteurs à bouger ; j'ai agi en ce sens à France Télévisions. Il faut donc aller plus loin, amplifier les efforts ; je serai à la disposition du collège pour le faire.

Dans cette optique, l'Arcom doit également accompagner avec conviction les médias pour qu'ils relaient plus les initiatives locales et la créativité des territoires, qui sont autant de sources d'inspiration. Les valeurs et l'universalité de la République, une, indivisible et laïque, sont au coeur de cet enjeu politique, citoyen et de société. Concernant la laïcité, je tiens d'ailleurs à souligner que, pendant plusieurs années, les émissions religieuses de France Télévisions étaient rattachées à mes services. J'ai également travaillé abondamment à France Télévisions sur les questions essentielles du handicap et de l'inclusion. Il reste encore beaucoup à faire à l'Arcom, et j'espère pouvoir apporter ma contribution.

D'autres chantiers essentiels, sur lesquels votre commission est particulièrement à l'oeuvre, sont la lutte contre la désinformation, l'éducation aux médias main dans la main avec notre école, et - je le dis de façon claire - une attention accrue sur le respect par les acteurs régulés des règles relatives à la déontologie, mais également leur respect des publics et du pluralisme, véritable enjeu de société en matière de développement de la citoyenneté.

Je souhaite partager une réflexion. L'Arcom doit accompagner de manière plus importante encore les médias audiovisuels et numériques, sans ingérence et dans le cadre de la liberté de la communication audiovisuelle qui est le socle de notre régulation, afin qu'ils fassent oeuvre et preuve de plus de pédagogie, notamment à l'égard du jeune public et au-delà des seules périodes électorales, pour mieux expliquer nos institutions, leur fonctionnement, le rôle du Parlement ou encore les enjeux de la décentralisation. Cela me semble essentiel pour restaurer la confiance des citoyens dans la démocratie, favoriser une démocratie plus participative et amener peut-être les plus jeunes à se détourner de l'abstention.

Autre enjeu essentiel au sein du secteur audiovisuel, le maintien d'un équilibre entre les groupes privés et les acteurs publics est le gage du pluralisme des médias. Je resterai toujours un fervent défenseur de l'audiovisuel public, d'autant plus en ces temps agités à tous points de vue, mais il nous faut un équilibre ; les acteurs privés doivent donc être solidement implantés, d'où l'enjeu, au nom de la souveraineté culturelle, de construire ensemble une capacité de riposte de notre paysage audiovisuel français à la nouvelle donne concurrentielle internationale. Nous devrons collectivement favoriser l'émergence de champions nationaux et européens ainsi que le développement de dynamiques de coopération entre les acteurs publics et privés. Pour cela, il faudra sans doute, tous ensemble, se poser sérieusement la question de l'évolution des dispositifs en vigueur en matière de droit de la concurrence et de règles anti-concentration ; je vous sais très impliqués en la matière. De ce point de vue, l'Arcom joue un rôle important au niveau de son rôle de consultation et d'expertise.

Enfin, d'autres questions tout aussi essentielles se posent : protection du droit d'auteur, lutte contre le piratage, initiative au long cours pour favoriser les offres légales ; je mentionnerai également la solidarité, la santé ou encore l'environnement, autant d'éléments au centre de mes préoccupations à France Télévisions. Enfin, si vous m'accordez votre confiance, j'aurai aussi à coeur de pouvoir accompagner l'Arcom dans le développement d'un dialogue régulier avec le Parlement, et plus particulièrement avec votre commission.

Autant de combats pour lesquels j'ai obtenu, monsieur le président, des résultats concrets ces dernières années. J'ai envie de les amplifier, de les poursuivre autrement, avec, toujours chevillées au corps et au coeur, la soif et l'ardente obligation d'aller toujours plus loin et de faire bouger les lignes et les représentations. Tous ces enjeux doivent conduire sans doute l'Arcom à être encore plus au coeur du débat, au coeur de la cité. Je voudrais pouvoir humblement participer à cette dynamique avec toute ma personnalité et mes convictions.

Pour conclure, permettez-moi un mot plus personnel. Tout comme vous, j'ai une haute idée de la République et de ses institutions. Après tout ce parcours, être aujourd'hui devant vous, sur proposition du Président du Sénat, pour intégrer l'autorité publique indépendante qu'est l'Arcom est un grand honneur ; si vous m'accordiez votre confiance, celle-ci m'honorerait et m'obligerait. Au regard des enjeux importants d'un point de vue démocratique, ou encore économique et culturel, la responsabilité est immense ; je ferais tout pour être à la hauteur de cette dernière et de votre confiance. Attaché viscéralement au mérite républicain, je verrais dans votre approbation une marque de reconnaissance de mon travail et de mon investissement dans le secteur.

J'en profite pour remercier d'ores et déjà toutes celles et tous ceux qui m'ont fait confiance et fait grandir au fil des ans ; ils se reconnaîtront. Ce matin, devant vous, j'ai aussi avec émotion une pensée pour toutes les équipes que j'ai été amené à piloter, ou avec lesquelles j'ai été amené à travailler ces dernières années à France Télévisions. Je tenais enfin à saluer devant vous le collège de l'Arcom et son équipe, que je serais ravi de rejoindre prochainement si vous confirmiez cette proposition de nomination.

Mme Annick Billon. - Avec trois autres rapporteures, Mmes Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, j'ai rendu au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes un rapport d'information sur la pornographie et son industrie. Nous avons formulé trois propositions en lien avec l'Arcom.

En matière de contrôle de l'interdiction de l'accès des mineurs à la pornographie, l'Arcom exerce déjà des compétences en amont et en aval. En amont, elle mène des actions afin que les dispositifs de contrôle parental soient mieux connus, installés et activés ; en aval, il s'agit de faire appliquer les dispositions de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, visant à obliger les sites pornographiques à mettre en place des systèmes efficaces de blocage d'accès pour les mineurs. Le président de l'Arcom avait alors exercé une saisine, se concentrant sur les sites comprenant le plus grand nombre de visiteurs uniques ; or seuls 25 % des adolescents qui consultent de la pornographie en ligne se connectent aux sites en question. Comptez-vous mener un travail sur l'accès aux autres sites ?

Estimez-vous que l'Arcom a besoin de moyens et de ressources humaines supplémentaires pour mettre en application les recommandations du rapport d'information ?

Mme Céline Boulay-Espéronnier. - Le Sénat a rendu deux rapports d'information de référence sur la gouvernance de l'audiovisuel public : celui de MM. Gattolin et Leleux en 2015 et celui de MM. Hugonet et Karoutchi en 2022. Quelle est votre vision de la gouvernance de l'audiovisuel public ? Cette dernière est-elle assez efficace ? Comment renforceriez-vous les mutualisations, la coordination ?

France Télévisions, TF1 et M6 envisagent de fermer la plateforme Salto, lancée à l'automne 2020, pour laquelle le service public a engagé plus de 70 millions d'euros. Quelles sont les raisons de l'échec de ce projet ? Comment voyez-vous l'avenir de France Télévisions dans le numérique ?

Notre commission organise ce matin une table ronde portant sur l'avenir de la radio à l'heure du DAB+ : que pensez-vous de la radio numérique ? Alors que plusieurs pays européens envisagent une extinction de la radio FM à compter de 2030, faut-il, selon vous, s'engager dans une voie similaire ?

M. David Assouline. - Une nomination à l'Arcom est un choix : je souhaiterais que nous soient indiquées les raisons ayant conduit à proposer votre candidature, car on ne sait jamais sur quelle base les propositions sont faites ! Chaque membre de l'Arcom pilotant, selon sa spécialité, un secteur, quelle serait votre place parmi les neuf membres ?

Sachant que l'information est un enjeu démocratique, quelle est votre vision sur la concentration des médias, sur laquelle le Sénat a rendu un rapport à la suite d'une commission d'enquête ? La défaillance de l'Arcom face à des propos scandaleux, punissables par la loi, tenus à répétition sur les chaînes de télévision, accroît aux yeux de l'opinion le sentiment que cet organisme ne servirait pas à grand-chose. Quels moyens devrait avoir l'Autorité pour intervenir de façon plus rapide et globale face à de telles dérives ? Fermer les antennes peut-il relever des compétences de l'Arcom, quand les conventions passées avec les chaînes ne sont pas respectées ?

M. Michel Laugier. - Quelle sera votre approche quand vous vous retrouverez face à vos anciens amis du secteur public et à vos anciens concurrents du secteur privé ?

En tant que président de la promotion de juillet 2022 du Celsa, vous avez déclaré : « nous avons plus que jamais besoin de notre indépendance financière et éditoriale. » Que pensez-vous alors de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public ?

Quelle est votre position sur la concurrence que représentent les grandes plateformes étrangères ? Quelle est votre approche des temps de parole lors des périodes électorales ?

M. Yan Chantrel. - Nous partageons la nécessité de garantir une information indépendante ; puisque vous avez mentionné la lutte contre les discriminations, quelle est votre position sur les manquements graves au principe de pluralisme et les messages de haine véhiculés à flux continu sur des chaînes comme C8 et CNews, lesquelles attaquent frontalement le service public que vous défendez ? En l'absence de réaction forte de l'Arcom, quelles actions allez-vous mener pour garantir l'honnêteté et la diversité sur ces chaînes ?

Mme Toine Bourrat. - Le président de l'Arcom a rappelé lors d'une audition au Sénat que la protection de la jeunesse est une mission historique et centrale de l'Autorité. Depuis le 1er janvier 2022, l'Arcom s'est vu confier de nouvelles missions relatives aux réseaux sociaux, visant à lutter contre la diffusion en ligne de contenus discriminants, haineux ou violents, principaux éléments constitutifs de deux fléaux étroitement liés touchant de manière exponentielle notre jeunesse : le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement ; pensons à l'artiste Hoshi, victime d'un déferlement haineux sur la toile depuis trois ans. Pour lutter efficacement contre la haine en ligne et protéger les victimes, quelle devrait être selon vous l'intervention de l'Arcom face à de telles situations ?

Dans quelle mesure la mise en oeuvre en 2024 du Digital Services Act (DSA), texte européen visant à encadrer les plateformes et réseaux sociaux afin de mieux lutter contre la haine en ligne et la désinformation, va-t-elle européaniser le mandat du collège de l'Arcom ? Pourriez-vous nous indiquer si l'Arcom est déjà en lien avec les institutions européennes ou avec les régulateurs nationaux de puissances voisines ? Pensez-vous que l'entrée en vigueur du DSA accroît les prérogatives de l'Arcom, ou au contraire qu'elle les réduit, la Commission européenne ayant à terme la compétence exclusive sur les plateformes et moteurs de recherche de plus de 45 millions d'utilisateurs mensuels ? Comment l'Arcom peut-elle agir pour garder la main et travailler de conserve avec l'institution européenne sans risquer d'être dépossédée de ses prérogatives ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - La société de l'information, à l'ère du tout digital, dépend largement de Bruxelles. Vous précisiez que l'Arcom devait être au coeur de la cité et évoquiez la nécessaire évolution du droit de la concurrence, qui dépend de l'Union européenne. Comment entendez-vous faire agir l'Arcom au sein du groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels, l'Erga - European Regulators' Group for Audiovisual Media Services -, pour pouvoir peser et faire évoluer ce droit de la concurrence, et permettre l'émergence de plateformes européennes ?

Que pensez-vous de l'action de l'Erga ces dernières années ? Ce groupe a-t-il suffisamment pesé dans le cadre de l'élaboration des textes relatifs au Digital Markets Act (DMA) et, surtout, au DSA ? Quel est votre regard sur les dispositifs contenus dans le DSA pour lutter contre la désinformation et les autres fléaux ? Sont-ils suffisamment puissants en ce qui concerne la transparence des algorithmes ?

À l'issue des travaux de notre commission, cette dernière a adopté en 2018 à l'unanimité ma proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans. Le CSA, à l'époque, disait avoir peu de moyens pour mener des campagnes d'information efficaces ; que pourriez-vous proposer à l'Arcom pour renforcer ces moyens limités ?

À la suite de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, le Sénat souhaitait intégrer à la loi le fait que l'Arcom puisse définir le montant minimum nécessaire à l'exécution des missions du service public de l'audiovisuel. Qu'en pensez-vous ?

M. Antoine Boilley. - Vous avez évoqué plusieurs sujets de société majeurs, notamment la protection des droits de l'enfant, la lutte contre les fake news, le cyberharcèlement ou les violences sexuelles. Pendant les nombreuses années que j'ai passées à France 2, j'ai mobilisé les équipes autour de fictions ou de documentaires sur ces sujets.

Permettez-moi de prendre deux exemples : Harcèlement scolaire, ils se manifestent, avec le témoignage poignant de Nora Fraisse, et la soirée spéciale, sur France 2, consacrée à la pornographie, avec la productrice Fabienne Servan-Schreiber et la société Cinétévé, pour éclairer le public sur cette question de société.

Si vous m'accordez votre confiance, je continuerai, cette fois dans la posture du régulateur, à m'investir sur ces sujets, dans le cadre d'un engagement citoyen accru.

Au-delà du droit, qui doit rester aux niveaux français et européen le socle absolu de la régulation de l'audiovisuel, au-delà de la régulation ex post, qui laisse toute liberté aux différents acteurs, il faut sans doute remettre l'ensemble des acteurs face à leurs responsabilités sur ces questions.

S'agissant du processus de nomination, il ne m'appartient pas de commenter les tenants et les aboutissants de la procédure.

Vous avez évoqué l'audiovisuel public, qui s'inscrit, dans une vision globale, dans la nécessité d'un équilibre entre les secteurs privé et public. C'est le « coeur de réacteur » de l'évolution du secteur. Nous devons maintenir cet équilibre, gage du pluralisme des médias. Or, dans un contexte de plus en plus agité à tout point de vue et à tous les niveaux, nous avons furieusement besoin d'un audiovisuel public qui apporte toute sa différence. Pour reprendre les propos de Delphine Ernotte, « le service public est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas ».

Par conséquent, l'audiovisuel public doit s'inscrire dans une vision de long terme. L'idée de prolonger le financement au travers d'une quote-part de la TVA me paraît constituer un signal positif, dans la mesure où il traduit une logique d'affectation de recettes.

À l'heure qu'il est, il ne m'appartient pas de vous dire comment je pourrais éventuellement me positionner au sein du collège et des différents groupes de travail.

J'en viens au sujet majeur des conventions négociées et signées avec l'Arcom. Pour ma part, j'ai beaucoup travaillé sur la notion de maîtrise de l'antenne, qu'il conviendrait sans doute de clarifier par celle de nuance des débats. C'est une proposition que je partage aujourd'hui humblement avec vous. En effet, il est important, sur un plateau, de pouvoir exprimer toute forme d'opinion, y compris sur l'audiovisuel public, dans le cadre d'une diversité de points de vue, dans une logique de maîtrise de l'antenne, qui n'empêche en rien l'expression des uns et des autres, mais permet de donner des clefs aux téléspectateurs pour se former un avis.

Ne l'oublions pas, toutes les chaînes régulées par l'Arcom peuvent être sanctionnées, y compris financièrement. Or, force est de le constater, dans cadre de l'Arcom, on a désormais la possibilité de sanctionner le monde du numérique et des réseaux sociaux. Toutefois, la panoplie des dispositifs n'est pas aussi importante que pour ce qui concerne l'univers du linéaire. Ainsi, le socle régulationnel dont nous disposons pour les acteurs privés comme publics de l'audiovisuel pourrait philosophiquement nous inspirer pour les réseaux sociaux et les réseaux numériques.

À France 2 et France Télévisions, j'ai aimé travailler avec des équipes, dans la liberté de création, l'émulation éditoriale, le management des talents, la créativité et l'investigation, en évitant toute censure ou autocensure. Je suis donc très attaché à ces principes.

C'est la raison pour laquelle l'instruction juridique des dossiers est essentielle. Or le temps du juridique est forcément plus long que celui des réseaux sociaux ou des médias en ligne. Mais il est important de prendre le temps de juger les choses.

Au coeur d'une instance de régulation sectorielle, la capacité de dialogue avec les acteurs, dans le cadre du contradictoire, me paraît essentielle, dans la mesure où les éventuelles sanctions peuvent être lourdes. Parallèlement à cette instruction juridique, il convient d'encadrer la démarche au niveau de la communication et de la prise de parole, pour remettre au centre la question fondamentale de la responsabilité des acteurs audiovisuels et numériques.

Pour répondre à votre question sur la « posture » de ma candidature, je peux dire que je connais ce secteur dans sa globalité. Ainsi, un certain nombre de mes anciens patrons sont aujourd'hui au sein de groupes privés. Ma large connaissance du secteur me permettra de prendre de la distance par rapport aux enjeux et aux acteurs, quel que soit mon attachement citoyen à l'audiovisuel public. Le moment venu, je saurai jouer un rôle d'intérêt général impliquant une posture différente. Tel est le gage de l'indépendance de l'Arcom.

Sur l'audiovisuel public, je ne peux pas vous dire quelle serait ma vision sur l'évolution de la gouvernance, puisque cela relève des pouvoirs exécutifs et législatifs. Simplement, sur ces questions citoyennes et d'enjeux numériques industriels, plus les acteurs de l'audiovisuel public sont groupés et solidaires, plus ils sont capables de faire la différence. Si France Télévisions est amenée, comme TF1 et M6, à sortir de Salto, l'enjeu sur le numérique sera absolument colossal. Aujourd'hui, les résultats de Radio France en matière de podcasts ou de numérique, ou encore de France Télévisions, avec sa plateforme France.tv, sont extrêmement encourageants. Il faut aller beaucoup plus loin en développant les coopérations.

S'agissant des plateformes de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) étrangères, la bonne nouvelle, est, depuis un an, le conventionnement entre ces plateformes et l'Arcom, qui nous permet d'avoir un socle encore plus solide en matière de financement de la création audiovisuelle et cinématographique. Il faut veiller, dans ce contexte, au respect et à la bonne application de ces conventions.

Nous avons tous constaté l'échec de la fusion entre TF1 et M6, dans le cadre d'une logique de constitution de champions nationaux par rapport à Netflix, Amazon ou Disney. Si la décision de l'Autorité de la concurrence est fondée en droit, Netflix a annoncé, au même moment, le développement d'une offre avec publicité. En la matière, nous ne pouvons rien dire en termes de régulation !

L'évolution des règles en matière de droit de la concurrence doit avancer au niveau européen, afin de permettre la constitution de champions nationaux.

À mes yeux, l'Arcom doit permettre de créer un cadre global économique et éditorial, afin que nos médias français audiovisuels et numériques puissent produire les meilleurs contenus.

Je n'ai pas évoqué les enjeux du DAB+, qui sont colossaux pour accroître l'audience consolidée de la radio. En la matière, le rôle de l'Arcom est absolument majeur.

M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie, monsieur Boilley.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

Vote et dépouillement sur la proposition de nomination, par le Président du Sénat, de M. Antoine Boilley aux fonctions de membre de l'Arcom

M. Laurent Lafon, président. - L'audition de M. Antoine Boilley étant achevée, nous allons procéder au vote.

Le vote se déroulera à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement.

Je vous rappelle que le Président du Sénat ne pourrait procéder à cette nomination si les votes négatifs représentaient au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

La commission procède au vote, puis au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président du Sénat, de M. Antoine Boilley aux fonctions de membre de l'Arcom.

M. Laurent Lafon, président. - Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants : 39

Bulletins blancs : 11

Bulletins nuls : 0

Suffrages exprimés : 28

Pour : 28

Contre : 0

La commission donne un avis favorable à la nomination, par le Président du Sénat, de M. Antoine Boilley aux fonctions de membre de l'Arcom.

La réunion est close à 9 h 55.

Avenir de la radio à l'heure du DAB+ - Audition de M. Roch-Olivier Maistre, président de l'Arcom, Mmes Constance Benqué, présidente du Bureau de la radio, Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France, MM. Christophe Schalk, président du Syndicat des radios indépendantes et Emmanuel Boutterin, président du Syndicat national des radios libres

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, afin d'échanger sur l'évolution du secteur de la radio à l'heure du développement de la radio numérique, le DAB+, je suis heureux d'accueillir en votre nom ce matin M. Roch-Olivier Maistre, président de l'Arcom, Mme Constance Benqué, présidente du Bureau de la radio, Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France, M. Christophe Schalk, président du Syndicat des radios indépendantes, et M. Emmanuel Boutterin, président du Syndicat national des radios libres.

Comme le rappelle régulièrement le président de l'Arcom, la radio est le média préféré des Français, celui qui les accompagne dans leur vie quotidienne.

C'est aussi un média historique qui a joué un rôle important dans notre vie démocratique, comme vient de le rappeler la reconstitution, il y a quelques jours, de la première diffusion de l'Appel du 18 juin du général de Gaulle par un logiciel d'intelligence artificielle.

Les nouvelles technologies sont en effet devenues un enjeu important pour l'avenir de ce média. La radio est aujourd'hui confrontée à la concurrence de nouvelles offres comme les plateformes de musique en ligne et les services de podcasts. Elle doit continuer à se moderniser, ce qui pose la question de ses modes de diffusion.

La FM a démontré sa pertinence depuis une quarantaine d'années. Elle a permis l'éclosion de nouvelles antennes sur tout le territoire, ainsi que la constitution de grands réseaux écoutés par la jeunesse.

Mais cette technologie a également montré ses limites avec une qualité d'écoute inégale, une disponibilité des fréquences insuffisante et un coût de diffusion important. D'autres modes de diffusion sont apparus, comme l'IP et la radio numérique, qui apparaissent plus homogènes dans la qualité d'écoute, apportent davantage de services et coûtent moins cher en frais de diffusion.

Nous sommes bien conscients des difficultés que rencontrent les radios aujourd'hui, avec une désaffection de certains publics et un marché publicitaire de plus en plus disputé par les acteurs du numérique. L'opérateur public a, pour sa part, connu une baisse en niveau de ses moyens d'une vingtaine de millions d'euros depuis 2018. Alors que les recettes des radios sont donc orientées à la baisse, leurs postes de dépenses ne sont pas épargnés par les hausses de coûts.

C'est dans ce contexte qu'intervient le développement du DAB+, qui oblige de nombreux acteurs à devoir financer une double diffusion, à la fois en FM et en DAB+, ce qui n'est pas à la portée de toutes les radios.

Si nous avons souhaité vous entendre ce matin, c'est évidemment pour connaître votre analyse de la situation et la stratégie des acteurs que vous représentez, mais également pour essayer de nous projeter à l'horizon de 2030 ou 2035. Est-ce que nous devons considérer que le DAB+ constituera toujours d'ici là un mode de diffusion complémentaire ou bien devons-nous partir du principe que la radio numérique est appelée à se substituer à la FM ?

Dans le premier cas, le recours au DAB+ demeurerait un choix propre à chaque acteur alors que, dans le second, il reviendrait nécessairement à l'État et au Parlement de demander à l'Arcom d'organiser une transition, avec comme perspective une extinction de la FM.

Si nous avons souhaité organiser cette table ronde, c'est aussi parce que la stratégie des pouvoirs publics ne nous semble pas suffisamment claire sur ce sujet. Certes, l'Arcom poursuit le déploiement du DAB+ qui devrait, en 2023, couvrir la moitié de la population métropolitaine, mais il ne faut pas confondre couverture des populations et usage de cette technologie. La plupart des Français semblent ignorer l'existence même de la radio numérique qui, pourtant, s'impose dans les voitures comme l'avenir de la radio.

La France a pris du retard dans le développement du DAB+, mais cela ne signifie pas qu'il ne sera pas prochainement comblé. Faut-il, dans ces conditions, développer une politique publique ambitieuse afin d'accompagner à la fois les radios pour qu'elles diffusent en DAB+, mais également les Français pour qu'ils adaptent leurs usages ?

Est-il nécessaire que l'État aide l'ensemble des acteurs à engager cette transition, et avec quels types de dispositifs ? Voilà quelques questions que nous souhaitons vous poser sachant que, dans notre esprit, c'est l'appropriation par une très large majorité de Français de cette technologie qui pourra, in fine, poser la question de l'arrêt de la FM. Nous en sommes donc très loin.

Je vais céder la parole au président de l'Arcom afin qu'il nous présente un bref état des lieux du DAB+, puis chaque intervenant pourra s'exprimer.

Notre collègue Jean-Raymond Hugonet vous posera ensuite une première série de questions, puis les autres collègues vous interrogeront à leur tour.

Je vous rappelle que cette audition est captée et diffusée sur le site Internet du Sénat.

Monsieur le président de l'Arcom, je vous cède la parole.

M. Roch-Olivier Maistre, président de l'Arcom. - C'est avec un grand plaisir que je retrouve votre commission, avec laquelle nous travaillons très étroitement et en confiance, compte tenu de l'investissement du Sénat sur les sujets audiovisuels.

Merci d'avoir organisé cette table ronde. Vous savez combien ce média est cher à l'Arcom. Il m'est également cher à titre personnel.

Je dis souvent que c'est le média du coeur. Vous l'avez dit dans votre introduction : c'est un média qui est plébiscité par les Français. Quarante millions de Français écoutent tous les jours la radio. C'est un média de masse très puissant, et surtout l'un de ceux auxquels les Français font le plus confiance : on croit ce que l'on entend à la radio, peut-être parfois à tort, et on lui fait confiance. Cela ressort de toutes les enquêtes d'opinion. C'est un vecteur de lien social très important, y compris au niveau local - on l'a vu pendant la pandémie, et il faut d'ailleurs tirer un coup de chapeau aux radios associatives à ce sujet.

C'est aussi un média qui mérite notre attention collective, car le marché publicitaire est effectivement en tension. Un léger rebond a eu lieu en 2021, mais le marché n'est pas au niveau de 2019. C'est un point sur lequel il faut être vigilant, car le financement de ce média est en question.

C'est également un média supporté par des acteurs puissants. Je pense notamment au secteur des radios musicales et au rôle des plateformes de streaming, dont le poids est très important - mais on pourrait aussi citer le rôle des réseaux sociaux. Les mesures d'audience en sont le reflet, même si on observe de fortes disparités entre les acteurs. Le service public - la présidente Veil aura l'occasion de l'évoquer - montre qu'on peut tirer son épingle du jeu dans ce secteur.

C'est un média qui a aussi une capacité de rebond formidable du fait du capital qui est le sien. Il sait tout d'abord s'adapter aux usages, et le mouvement du podcast, qu'il s'agisse de replay ou de podcast natif, ouvre un nouvel horizon, de même que les transformations technologiques - et j'en viens au DAB+ - sont une perspective d'avenir importante pour ce média.

C'est pourquoi, depuis que je la préside, l'Arcom a souhaité donner un coup d'accélérateur au déploiement du DAB+. La France était en retard par rapport à ses voisins, à la fois en termes de construction et de contribution au futur de la radio, mais aussi en matière de saturation de la bande FM.

Il suffit de considérer, lors de chacun de nos appels à candidatures pour la bande FM, les choix cornéliens auxquels nous sommes confrontés. De fait, l'activité contentieuse liée à la radio est considérable et occupe une place de choix face au grand nombre d'appelés et au petit nombre d'élus. Le DAB+ est un chantier prioritaire, d'abord parce qu'il répond à l'intérêt du public, avec une qualité d'écoute supérieure, un son numérique, et un incontestable confort d'écoute lorsqu'on se déplace. Lorsqu'on a goûté au DAB+, on a beaucoup de mal à le quitter.

C'est une technologie économe en énergie, moins d'émetteurs étant nécessaires pour couvrir le déploiement. L'accès des auditeurs est gratuit, sans intermédiation d'acteurs tiers. C'est une technologie qui permet d'enrichir l'offre par rapport aux bandes FM saturées. Elle s'inscrit dans le concert européen, puisque nombre de partenaires de l'Union européenne sont aujourd'hui dans une phase active ou plus avancée que nous, comme la Norvège, la Suisse, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie, l'Espagne. La France ne peut, telle une tribu gauloise, rester repliée sur son village.

Vous l'avez dit, l'objectif pour cette année est de couvrir 50 % de la population. Je remercie les acteurs publics ou privés qui vont s'exprimer, car c'est un choix structurant pour le secteur, qui a bien évidemment un coût en termes de charges de diffusion, mais ce choix est maintenant arrêté, et il faut réussir cette opération.

Les prochaines étapes sont de poursuivre le déploiement. L'Arcom s'est mise en ordre de marche pour accélérer autant que faire se peut ses procédures, qui sont longues. Vous êtes familiers du cadre législatif et réglementaire qui est le nôtre : en France, on aime bien les réglementations. Elles sont lourdes et contraignantes. Il reste beaucoup d'étapes à franchir, mais on a mis le plus possible l'accélérateur sur le développement du DAB+.

L'heure de la promotion du DAB+ est devenue cruciale - et je suis heureux que les partenaires aient réussi à se mettre d'accord. Il faut le faire connaître aux Français.

Très souvent, on découvre le DAB+ dans un taxi à Paris, mais on ne le sait pas. Il faut que cette action de promotion se déploie. Il existe maintenant une association pour le rayonnement du DAB+, comme pour la TNT en son temps. Il faut qu'elle monte en puissance, s'adresse aux Français, fasse de la pédagogie.

Il faut aussi généraliser l'équipement. Ceci peut croiser le chemin du Parlement. Vous le savez, tous les véhicules qui entrent en circulation sont automatiquement équipés de la puce correspondante. Le renouvellement du parc, qui est un point important pour la radio, va s'accélérer, mais il faut aussi que les récepteurs individuels à domicile soient équipés, et je pense qu'on pourrait imposer cette technologie aux matériels d'entrée de gamme.

Il faut aussi prendre en compte les contraintes économiques des acteurs. Une réforme est en cours s'agissant des radios associatives et du Fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER), avec un mécanisme de bonus mis en place par le ministère de la culture. Nous avons à plusieurs reprises insisté sur ce point devant vos commissions pour plaider sur cet accompagnement.

Un autre point mérite qu'on y porte attention - je vous ai écrit à ce sujet. C'est celui des mentions légales. C'est un sujet récurrent auquel il faut aujourd'hui apporter une réponse. Les mentions légales participent d'une intention de transparence et d'intérêt vis-à-vis des Françaises et des Français mais, dans la mesure où toutes les radios se prolongent par une activité numérique et des sites Internet, on peut faire en sorte que celles-ci s'expriment d'une autre façon, sans altérer les messages publicitaires, à un moment où le budget publicitaire se contracte.

Quatrième point central - je sais que cela ne fait pas toujours consensus : il faut moderniser la mesure de l'audience en matière de radio. Si l'on veut trouver les bonnes solutions, il faut nommer les problèmes et s'engager absolument dans une modernisation.

Médiamétrie y est disposée et y travaille. C'est l'intérêt du secteur. Nous y sommes pour notre part favorables face aux usages nouveaux, comme le podcast, ou des technologies nouvelles, comme le DAB+.

L'Arcom est prête à apporter sa contribution, si cela fait consensus à l'issue de cette table ronde, en élaborant un Livre blanc sur la radio pour étudier l'ensemble de la problématique de ce média. Cela s'est fait en Grande-Bretagne il y a deux ans.

À quel moment devra-t-on procéder à la bascule entre la FM et le DAB - exercice qui prolongerait la table ronde d'aujourd'hui -, entendre l'ensemble des points de vue et tenter de construire ensemble des orientations pour l'avenir ? C'est la question que je verse au débat. L'Arcom est plus que disponible et nous sommes disposés à avancer ensemble.

Notre sentiment est qu'il est probablement un peu tôt aujourd'hui pour fixer une date, comme on l'avait fait en son temps pour la télévision analogique et la télévision numérique, mais il est temps de commencer à construire l'avenir de ce média de ce point de vue et de dessiner un horizon.

C'est aussi un enjeu économique, la bascule étant l'occasion d'alléger les coûts de diffusion des acteurs, qu'il s'agisse du service public ou du privé. Je salue donc le fait que l'on pose cette question.

Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France. - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vais essayer de ne pas répéter ce qu'a dit le président de l'Arcom, étant en tous points d'accord avec ce qui vient d'être dit.

Je me concentrerai sur quelques réflexions que m'inspire votre initiative, dont je salue moi aussi le caractère pionnier et dont je vous remercie. Le sujet dont nous discutons ce matin concerne en effet la vie de la radio et sa place dans les usages audio de demain. C'est là l'enjeu de fond.

La radio, ceci a été rappelé, a une valeur très importante pour nos concitoyens, une valeur individuelle et collective, privée et publique, compte tenu du fait que 40 millions de Français l'écoutent chaque jour, soit 93 % de la population. C'est un média qui sert aussi en cas de crise, l'un des plus résilients, et qui permet une communication sur l'ensemble du territoire. Il a un rôle majeur et nous devons nous préoccuper de la manière dont il sera écouté dans les prochaines années.

Lorsqu'on analyse l'évolution des usages, on s'aperçoit que, contrairement à d'autres médias, le poids de l'écoute en direct reste très important, à hauteur de 90 %. On relève aussi que cette écoute se fait à 80 % sur un support de diffusion hertzienne, en FM. On sait donc que le poids de l'écoute en direct va rester très élevé ces prochaines années.

L'étude britannique à laquelle faisait référence le président de l'Arcom se projette à quinze ans et évalue plusieurs scénarios au sein desquels l'écoute en direct va rester majoritaire, car la radio et, plus largement, l'audio, sont des médias d'accompagnement. On se branche sans s'arrêter pour savoir quel programme choisir, contrairement à la télévision.

Ces préalables sont importants, car ils signifient que la diffusion du direct est un enjeu essentiel pour le secteur. Or il a été très bien souligné que le réseau de la FM est saturé, segmenté, et ne répond plus aux usages d'aujourd'hui.

On sait que, dans les usages audio d'aujourd'hui, des plateformes diffusent de la musique, permettant de présenter la pochette de l'album, des données sur ce qu'on écoute ou sur le programme.

Aujourd'hui, la diffusion en FM est très décalée par rapport à ces nouveaux standards d'écoute qui sont ceux de l'audio. Si on se projette dans la durée, comment la radio va-t-elle rester concurrentielle face à des usages audio qui ont leurs codes, leurs standards, et qui vont être notre première concurrence dans les années qui viennent ?

S'interroger sur la modernisation de cette diffusion est essentiel, et je remercie la commission de la culture d'avoir pris courageusement ce sujet à bras-le-corps en menant une réflexion sur le déploiement du DAB+ et en réunissant l'ensemble des acteurs.

Nous avons été partants, avec les acteurs privés de la radio, pour accompagner l'adoption de cette nouvelle technologie. Nous nous sommes réunis au sein de multiplexes et avons également créé une association de promotion du DAB+.

Cette action est aujourd'hui portée par les différents acteurs, publics et privés, dont l'unité est importante. La radio numérique présente des avantages très importants pour les éditeurs de radio que nous sommes et répond à la problématique de saturation de la bande passante. Il peut donc y avoir plus de radios, ainsi qu'une meilleure diffusion sur l'ensemble du territoire. Cela a aussi des avantages indéniables pour les auditeurs, comme l'absence de changement de fréquences, la gratuité, une plus grande visibilité des données associées aux programmes.

En Europe, beaucoup de pays bénéficient d'une couverture de la radio numérique proche de 100 % : le Danemark, 99,9 %, la Norvège, 99,7 %, la Suisse, 99,5 %. Il en va de même pour l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique, l'Italie. La France commence à rattraper son retard. C'est bien, mais il faut aller plus loin et la faire connaître aux Français. En effet, même si la couverture est en train de se déployer progressivement, seuls 14 % des foyers sont équipés.

Pourquoi est-ce important ? Aucun des acteurs du secteur ne pourra, dans la durée, supporter un double coût de diffusion alors que ce média subit de plein fouet une transformation numérique qui nécessite des redéploiements de moyens.

Ceci pose la question d'une vraie stratégie de diffusion.

L'idée du président de l'Arcom de travailler sur un Livre blanc pour analyser l'évolution des usages afin d'aboutir à une stratégie concertée et consensuelle est très importante. Nous devons en effet nous interroger sur les conditions de transition entre la FM et le DAB+, ne serait-ce que pour des raisons économiques.

C'est un mode de diffusion moins coûteux, y compris sur le plan énergétique. Cette problématique est de plus en plus importante aujourd'hui au vu de tous les enjeux de développement durable.

C'est aussi une technologie gratuite. Or, l'enjeu est de maintenir un média dont l'accès soit libre, gratuit et facile. C'est essentiel.

Je parlais de la valeur publique de la radio. En 2020, la tempête Alex a endommagé les installations électriques dans les Alpes du Sud. Le seul média qui a continué à fonctionner a été la radio. Elle a permis aux services de la préfecture de continuer à communiquer avec les populations.

C'est un média dont la gratuité et la facilité d'accès sont essentielles.

La question qui est au centre de nos réflexions est de savoir pourquoi basculer vers la DAB+ plutôt que vers un mode de réception tout numérique en wifi ou en 4G. J'en ai déjà évoqué la raison : il nous faut garder un média qui ait un mode de diffusion résilient et gratuit qui repose sur une technologie de diffusion souveraine et maîtrisée par ses acteurs.

Or on n'en est qu'au début de l'histoire et plein de chemins sont possibles. Dans ces univers connectés - enceintes, tableaux de bord - nous sommes face à des acteurs qui se trouvent dans une position de gate keepers. Ils peuvent mettre en place des stratégies d'auto-référencement et pourront peut-être un jour nous demander de payer pour diffuser dans une voiture ou sur une enceinte connectée. Cela va poser beaucoup de questions en matière de souveraineté et de maîtrise de notre média. C'est un enjeu déterminant. Ce sont ces questions qui sont centrales pour l'avenir.

Mme Constance Benqué, présidente du Bureau de la radio. - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, le Bureau de la radio est une association qui présente les intérêts de quatre groupes de radios privées à savoir M6, avec RTL, RTL2 et Fun, NRJ, avec NRJ, Chérie FM, Nostalgie et Rire et chansons, Altice Média, avec RFM et BFM Business, et Lagardère, avec Europe 1, RFM et Virgin.

Les radios du Bureau de la radio représentent près d'un auditeur sur deux et les trois quarts du marché publicitaire privé. Elles emploient plusieurs milliers de salariés - animateurs, journalistes, techniciens, commerciaux - et disposent de centaines d'implantations locales partout en France.

Elles contribuent aussi au financement de la création à hauteur de plus de 60 millions d'euros environ chaque année avec la Société pour la perception de la rémunération équitable (SPRE) et la SACEM.

Les radios privées sont convaincues que le DAB+ est très important pour la modernisation de la radio. Nous y sommes tous engagés.

Cependant, comme l'a dit Roch-Olivier Maistre, cela tombe à un moment compliqué pour le marché publicitaire et pour le financement des radios privées. Nous ne sommes toutefois pas dogmatiques. Nous sommes ouverts à la discussion et au débat, essentiels pour l'évolution de ce média si important pour les Français.

Nous pensons toutefois qu'on ne peut établir un calendrier en vue d'arrêter progressivement la FM tant qu'il n'aura pas été répondu à quatre conditions qui nous semblent obligatoires.

La première consiste à dupliquer la couverture FM, y compris localement, sur le réseau DAB+. Il est vrai que l'Arcom nous a présenté un instrument de modernisation et de complémentarité. Si l'on va vers une substitution, il ne faut en aucun cas renoncer à l'implantation de nos programmes locaux. C'est très important pour nous.

La deuxième condition est la stabilisation du nombre d'opérateurs disponibles. On a beaucoup parlé de financement. À Paris, il existe aujourd'hui 100 radios. Ceci entraîne une dissolution des sources de financement. Nous préconisons donc d'accorder les fréquences disponibles en priorité aux opérateurs existants.

La troisième condition obligatoire pour évoluer selon nous vers le DAB+ est de s'assurer que tous les Français ont un récepteur DAB+ et d'interdire la vente de récepteurs de radio qui n'en disposent pas.

Enfin, la quatrième condition est de connaître l'engagement réel de l'État à nos côtés. Quand je parle d'engagement, je parle d'accompagnement.

À terme, le DAB+, dans les cinq à six ans, va coûter plus d'un million par radio. C'est un budget très important pour nous. En outre, la double diffusion représente des frais doubles. À l'heure où le financement de nos radios est réalisé par la publicité, dans un marché qui souffre, nous avons besoin d'une aide de l'État pour aller vers le DAB+.

On a parlé des mentions légales, qui sont un véritable frein pour les radios privées, mais il existe aussi des quotas et toute une série de mesures à propos desquelles nous avons besoin d'être accompagnés par les pouvoirs publics pour pouvoir avancer.

M. Christophe Schalk, président du Syndicat des radios indépendantes. - Je représente un syndicat de radios indépendantes françaises, dont beaucoup ont été créées au début des années 1980.

Elles sont 170 à être aujourd'hui fédérées au sein de notre structure, et il se trouve que nous faisons en ce moment le tour de France de tous nos adhérents - Lyon hier, Bordeaux la semaine dernière. La question du DAB+ est toujours abordée lors de nos échanges. C'est une préoccupation réelle pour les acteurs que nous représentons.

Nous touchons chaque jour, au travers de ces 170 stations, 7 millions d'auditeurs. La période de crise sanitaire passée a prouvé notre rôle depuis 40 ans.

Nos radios ont peut-être été considérées comme des médias de papa, mais ce qui est fabriqué au bout de la rue est devenu très tendance, et nous sommes aujourd'hui considérés comme vertueux, alors que nous le sommes depuis la création de nos stations.

Nos 170 adhérents emploient 2 500 personnes en France, dont 500 journalistes. Nous regroupons des radios thématiques, musicales, parfois avec des diffusions larges, parfois nationales. Nous rassemblons des radios locales et régionales, ainsi que des acteurs qui ont choisi de se concentrer exclusivement sur ce mode de diffusion.

Je suis moi-même acteur de la radio en Alsace. Je salue ici Claude Kern, ainsi qu'Elsa Schalck, sénateurs du Bas-Rhin.

Il y a dix ans environ, les premières zones à être couvertes par le DAB+ étaient Paris, Marseille et Nice. Nos adhérents ont été parmi les premiers à prendre part à cette initiative, qui était quelque peu hasardeuse à l'époque. Cela fait neuf ans qu'apparaissent sur nos comptes des coûts de diffusion. Tous nos adhérents vivent exclusivement de la publicité.

Cette double diffusion constitue un coût réel. Certains de nos adhérents n'y croient plus et baissent les bras. Il est donc important de les accompagner et de fixer un cap.

La souveraineté de notre diffusion est stratégique. On l'a vu récemment lors de bras de fer entre opérateurs de télévision. Nous ne voulons pas vivre cela. La FM nous a permis d'être souverains en matière de diffusion.

L'expérience de Radioplayer va également en ce sens. Nous ne dépendons de personne. Le DAB+ nous permet de rester maîtres de notre diffusion. C'est essentiel, et nous ne voulons pas dépendre des fournisseurs d'accès Internet qui sont souvent logés ailleurs qu'en France.

Depuis quelques mois, on assiste à un radio bashing régulier : à chaque fois que les audiences sont proclamées, on dit que la radio perd du terrain. Il est vrai que les crises sanitaires ont engendré des modifications. Pour autant, 40 millions de personnes nous écoutent régulièrement, soit 93 % des Français. Voyons le verre à moitié plein : la radio reste puissante. À nous de faire ce qu'il faut pour qu'elle le demeure demain. Nous sommes convaincus que pendant quelques années encore - cinq, dix, quinze, trente, cinquante ans -, la radio continuera à fonctionner si on prend le virage.

Je rappelle qu'il y a dix ans, le CSA nous incitait à mener l'expérience du DAB+. Nous l'avons fait.

Les acteurs nationaux - et c'est le deuxième point de satisfaction - nous ont rejoints dans cette aventure, et nous avons réussi à créer l'association de promotion « Ensemble pour le DAB+ ». Il faut que nous ayons à présent les moyens de nous adresser au grand public et à la population au sens large pour intégrer ce mode de réception dans ses habitudes de consommation.

Enfin, la question de l'extinction de la FM se posera un jour. Actuellement, le DAB+ n'est pas encore mature. Pour autant, la diffusion en DAB+ est particulièrement vertueuse en matière de consommation d'énergie. Si nous pouvons nous passer de ces doubles coûts de diffusion dans dix ou quinze ans, nous applaudirons des deux mains.

Je ne voudrais pas que nous soyons considérés comme opposés à l'arrêt de la FM. C'est simplement une question de calendrier. Il faut que nous en parlions, bien entendu.

Je répète que l'accompagnement de nos adhérents est maintenant nécessaire. C'est un cap que nous partagerons avec l'ensemble des acteurs.

M. Emmanuel Boutterin, président du Syndicat national des radios libres. - Je tenais à vous remercier pour cette table ronde. Je remercie également le délégué général du syndicat, Christophe Beitbeder, qui pourra répondre à certaines questions le cas échéant.

Je sais que votre institution a toujours été très attentive aux radios locales, notamment aux radios locales associatives, et ce depuis 1981.

Nous sommes, comme vous, sur les territoires. Les radios associatives représentent 700 très petites entreprises, qui comptent un à huit ou dix employés, soit au total 2 400 salariés, très résilientes et très actives sur les territoires, notamment en cas de crise, d'où l'intérêt de poursuivre la diffusion par voie hertzienne, qu'elle soit en FM ou en DAB+.

Nous comptons 1,4 million d'auditrices et d'auditeurs fidèles et avons depuis longtemps abordé le virage du numérique.

Nous avons commencé nos premières expérimentations sur les lieux mêmes de notre siège social, la tour Philips, actuellement en rénovation, en Seine-Saint-Denis, avec le soutien de la Deutsche Welle et de l'université de Shanghai. Cela a été une aventure extraordinaire. Nous avons commencé à expérimenter certaines normes de diffusion, d'abord le DRM, puis le DAB+.

Nous avons lancé à Nantes, avec le soutien du CSA à l'époque, le premier multiplexe, qui émet depuis 2010 et qui a été régularisé au fur à mesure de notre histoire. Nous avons toujours été convaincus, sur le plan national ou sur les territoires, de la nécessité de la modernisation de la diffusion pour maintenir la diversité des éditeurs de radio, accroître le potentiel d'auditrices et d'auditeurs et bénéficier d'un confort d'écoute incomparable, même par rapport à la FM.

L'intérêt du DAB+, c'est son accessibilité universelle et sa gratuité. Il existe bien évidemment d'autres modèles, et on sait que certains poussent vers les GAFA et leurs filiales, ainsi que vers le tout IP.

C'est pour tout le monde un défi industriel sur lequel il faut se pencher et qu'il nous faut réussir, même si nous sommes un peu en retard.

C'est un défi pour la diversité des éditeurs, la qualité d'écoute et un défi industriel pour l'équipement des ménages et la mobilité - je parle ici des véhicules -, avec des marges de manoeuvre et de valeur ajoutée qui, pour nos fabricants européens et les distributeurs de postes, est considérable.

C'est un marché de plusieurs milliards d'euros qu'il faut arriver à occuper. Pour réussir, il faut accompagner les éditeurs quels qu'ils soient, privés ou nationaux, simplifier leurs démarches, les soutenir financièrement, tout comme les éditeurs territoriaux que nous sommes - je sais que tout le monde ici y sera particulièrement attentif, puisque notre modèle économique passe en partie par la subvention.

C'est la loi de 1986 qui a instauré un système d'aides publiques pour les radios locales et associatives, rassemblant l'ensemble de l'arc politique à l'époque, avec la bienveillante attention de François Léotard, qui instaura une aide et un soutien public partiel aux radios associatives remplissant un cahier des charges relativement exigent et très contrôlé.

Nous voulons relever ce défi. Nous nous y sommes préparés historiquement, nous y croyons, car il y va de l'intérêt du pays sur le plan industriel. Il faut arrêter de vendre de la « camelote » chinoise à 19 euros, qui dégoûte l'auditeur du DAB+. Il faut réguler cette distribution, adopter des normes de qualité pour les récepteurs et faire baisser leur prix pour que l'ensemble des ménages puissent s'équiper, notamment à la maison.

Pour les véhicules, depuis l'obligation du 1er janvier 2021, entre 2 millions et 3 millions de véhicules sont primo-équipés. C'est une bonne nouvelle. L'ensemble de la Nation doit donc réussir ce défi industriel pour des raisons strictement économiques, et le taux d'équipement des véhicules progresse doucement avec le renouvellement du parc automobile. C'est bon signe.

Nous ne pouvons donc plus reculer au regard du défi industriel que nous devons relever aujourd'hui. La politique des arcs et des noeuds a permis que les grands opérateurs rejoignent les éditeurs territoriaux locaux, que ce soit les radios locales commerciales ou les radios locales associatives. C'est une excellente chose, même si cela s'est fait un peu tardivement. Il faut maintenant obtenir le soutien de la puissance publique.

Pour cela, faut-il suivre la voie mise en oeuvre pour la TNT par le Président Chirac, qui avait mis de l'argent sur la table, avec l'aide de la présentation nationale ? Je n'en sais rien, mais il faut ouvrir ce débat à ce stade.

La planification existe, il n'y a pas besoin d'en faire plus. Certains pensent qu'il faut l'accélérer. L'Arcom a-t-elle les moyens de le faire ? La feuille de route est là. Il faut à présent la respecter.

En revanche, l'Arcom a une difficulté - et cela concerne les acteurs du territoire, sénatrices et sénateurs comme radios locales : la territorialité de la planification. Il n'est pas sûr que la couverture de l'ensemble des zones blanches en termes de DAB+ soit aujourd'hui efficacement planifié.

C'est pourquoi je suggère une solution « distributeur » en faisant en sorte que l'Arcom lance un appel à candidatures sur les zones rurales, notamment en montagne, mais également dans les bassins de vie, d'emplois et d'écoute inférieurs à 50 000 habitants, pas ou peu couverts, sauf dans le pourtour des grandes métropoles, où il existe un déficit de radios autorisées en DAB+ et manifestement d'appels à candidatures.

La solution « distributeur » est prévue par l'article 28-4 de la loi de 1986. C'est l'Arcom qui a la main dessus. On peut confier à un distributeur, qui peut être un opérateur de multiplexe, le soin de planifier la couverture d'une zone territoriale semi-urbaine, rurale ou de montagne.

Par ailleurs, l'article 29 concernant les zones de montagne a été aménagé il y a deux ans.

Le recours à cette solution pourrait contribuer à réaménager ou à accélérer le déploiement du DAB+ dans des zones moins denses, qui sont insuffisamment planifiées et occupées.

En second lieu, on parle beaucoup d'implantation de puces favorisant la réception hertzienne FM ou DAB+ dans les smartphones. On a manqué le virage il y a une dizaine d'années. Le Mexique l'a réussi. Nous ne nous sommes pas penchés sur cette question et n'avons pas réussi à imposer l'activation de ces puces dans les smartphones.

Les gens écoutent la radio au travers des smartphones et sur l'IP, puisque c'est possible à peu près partout. Il y a donc là un défi.

Il faut s'opposer à certaines idées consistant à remplacer la FM par l'IP, voire à arrêter l'implémentation de puces dans les smartphones. Ce sont des idées poussées par les GAFA qu'il faut arrêter de répandre, car il faut maintenir la possibilité pour les opérateurs de faire ce qu'ils ont envie de faire et laisser le marché travailler en fonction des appétences et des intérêts de chacun.

En revanche, sur la bande UHF, la responsabilité de la 5G Broadcast relève non pas de l'Autorité de régulation des communications électroniques (ARCEP), mais de l'Arcom. Je me permets de signaler qu'il y a là un gisement de diffusion pour l'ensemble des opérateurs.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Ma première question s'adresse à Mme Veil.

Voilà plusieurs années que je vous entends vous exprimer à propos du DAB+. Vous en faites un axe majeur de votre stratégie. Comment Radio France pourrait-elle jouer un rôle de pionnier dans cette transition ?

Est-ce que Radio France pourrait envisager de cesser la diffusion de certaines antennes en FM pour privilégier une transition vers le DAB+, avec un accompagnement afin de ne pas perdre d'auditeurs ?

Mme Sibyle Veil. - On voit tous, ce matin, qu'il existe un consensus entre les différents acteurs quant à l'intérêt de cette nouvelle technologie. Toute la question qui nous préoccupe est celle de la transition. Quelles en sont les modalités ? Qui en supporte le coût ? On sait que plus cette transition est longue, plus on doit supporter un double coût, et aucun acteur ne souhaite de surcoût. Le service public sait qu'il ne pourra pas le supporter durablement avec les moyens dont il dispose.

Cependant, il existe des conditions pour que cette transition soit réussie.

Je rejoins ce que Constance Benqué a dit : il faut que la couverture soit étendue. Aujourd'hui, on est en dessous de 50 %. Il faut arriver à au moins 75 %, cible fixée par la stratégie de déploiement définie par l'Arcom, voire au-delà, car il faut qu'on retrouve les conditions de couverture actuelle.

Cela pose aussi la question de l'équipement des Français. Il faut que les Français soient équipés pour recevoir cette technologie. Basculer d'une diffusion FM vers le DAB+ ne peut se faire qu'une fois ces deux conditions remplies, sauf à fragiliser considérablement notre média. C'est le cas pour l'ensemble des acteurs. De ce point de vue, on se rejoint tous.

L'enjeu collectif est de faire en sorte que les Français connaissent ces technologies, d'accompagner les citoyens dans l'adoption de cette technologie et de faire en sorte que se pose la question des récepteurs. Quelqu'un a évoqué leur qualité. C'est un vrai sujet. Il y a aussi la question de leur coût. Ce sont des questions qui ont été au coeur de la stratégie de déploiement de la TNT.

Le service public accompagnera ces enjeux, mais cette technologie doit rester accessible à tous les Français. Nous prendrons part à tous les multiplexes, serons moteurs dans la connaissance et acteurs de toutes les réflexions stratégiques, comme nous l'avons été ces dernières années.

En revanche, arrêter prématurément la diffusion FM de certaines radios signifie que le contribuable ne pourra y avoir accès dans les conditions actuelles. C'est, comme pour les autres acteurs, une question de transition : à quel moment, sans fragiliser le média ni aucun de ses acteurs, aurons-nous les conditions nécessaires pour engager, comme d'autres pays, une réflexion sur la transition et le passage d'un mode de diffusion à l'autre pour que le secteur de la radio n'ait pas à supporter un double coût ?

Je pense qu'il nous faut tous travailler sur cette transition et sur ces conditions.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Cette question s'adresse au président de l'Arcom.

Quels sont selon vous les obstacles au développement du DAB+ en France, et que pensez-vous des débats qui émergent sur l'intérêt d'organiser une transition entre la FM et le DAB+ ?

Mme Constance Benqué. - Si vous me le permettez, je voudrais auparavant compléter les propos de Sibyle Veil et vous donner quelques informations à propos de l'Europe.

On a évoqué le Royaume-Uni. On a commencé à y travailler sur le DAB en 1995. Son extinction devrait avoir lieu au plus tôt en 2030. La Norvège et la Suisse, que vous avez évoquées, monsieur le président, sont des pays différents des nôtres.

En revanche, le DAB+ a été lancé en Allemagne, en Autriche ou en Suède il y a plus de dix ans, mais il existe encore aujourd'hui une double diffusion. Ce n'est pas aussi simple à mettre en place qu'on peut le penser.

Les économies réalisées grâce à l'accompagnement de l'État pourraient être a priori de l'ordre de 40 millions d'euros si l'on abandonne la FM. Nous pourrions récupérer un peu de cette somme, car nous avons toujours considéré que les radios privées étaient le parent pauvre du paysage audiovisuel français.

M. Roch-Olivier Maistre. - L'expression est toujours douloureuse pour un magistrat de la Cour des comptes, mais il est vrai que le soutien de l'État est souvent fortement sollicité dans notre beau pays.

En premier lieu, il faut bien constater l'adhésion de l'ensemble des acteurs du secteur, des radios associatives aux grandes radios privées en passant par le service public, au développement du DAB+, dans un concert européen plus général.

Cela passe par un certain nombre de conditions qui ont déjà été évoquées.

Nous avons actualisé notre feuille de route jusqu'en 2024, avec un objectif de couverture du territoire de 75 à 80 %. Nous ferons tous nos efforts, dans le cadre procédural qui s'impose à nous, pour accélérer au maximum ce déploiement.

La deuxième condition est un effort général de promotion du DAB+. Il faut que l'on mène cette action tous ensemble. Vous le faites d'ores et déjà sur vos antennes. L'association existe. Il faut remercier le ministère de la culture, auprès de qui j'avais plaidé en ce sens en son temps. L'État a apporté une contribution à ces campagnes d'information, et je souhaite qu'elle puisse se prolonger au-delà des efforts des différents acteurs.

Il faut généraliser l'équipement. Il y a là un sujet législatif. Il est obligatoire d'intégrer la puce permettant d'accéder au DAB+ dans l'ensemble des équipements qui arrivent sur le marché, notamment les produits d'entrée de gamme évoqués par le président Boutterin dans son intervention.

Un second sujet a été évoqué par la présidente Veil, celui de sécuriser l'équipement des voitures neuves en imposant un tuner DAB+ aux véhicules équipés d'un système de diffusion sonore, pour éviter un risque d'éviction compte tenu des technologies modernes qui se déploient. C'est un enjeu pour l'ensemble des acteurs de la radio.

C'est une initiative qui relève du pouvoir législatif. Sans vouloir insister sur ce point, il faut aussi trouver une issue sur une mention légale. À l'instar de l'exercice que nous menons aujourd'hui, le Parlement me semble le mieux placé pour mener une brève mission auprès de l'ensemble des acteurs pour voir quelle issue trouver à ce « cactus », pour reprendre l'expression du Président Pompidou, au sujet des mentions légales.

S'agissant du déploiement, j'ai bien entendu le président Boutterin. Nous avions bâti une stratégie que je trouve extrêmement pertinente en privilégiant le DAB+ et en le sortant de l'ornière car, en France, on l'évoque depuis très longtemps. Ce dossier était complément « encalminé ».

La stratégie de l'institution, qui a été de privilégier les grands axes routiers et les grandes agglomérations, a permis aux grands acteurs privés d'avoir un modèle économique pertinent et d'enclencher la mécanique.

Notre feuille de route, qui va jusqu'à 2024, privilégie maintenant la couverture de zones qui ne touchent pas que de grandes agglomérations, mais qui sont beaucoup moins denses, et auxquelles je vous sais attachés.

Vous avez évoqué des bassins d'écoute plus restreints, avec une technologie qu'on retrouve dans certains autres pays, comme le « Small Scale DAB ». Il s'agit d'un déploiement du DAB+ sur une petite échelle. C'est un sujet que nous connaissons bien et sur lequel notre maison travaille.

De même, des expérimentations ont été autorisées sur la 5G Broadcast. Il faut voir ce que cela donne avant d'en tirer des enseignements.

Je répète que nous sommes tout à fait prêts à nous livrer à un exercice de Livre blanc, à l'instar de nos amis Britanniques, ce qui permettrait de bâtir des scénarios et de fixer des options de calendrier.

Constance Benqué a évoqué l'échéance de 2030 chez nos amis anglais. Compte tenu de la feuille de route qui est la nôtre et de ce que sera le déploiement après les appels d'offres de 2024, nous serons alors assez proches de la zone des 75-80 %.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Ma troisième question s'adresse à M. Schalk.

Les radios indépendantes considèrent que leur accès aux fréquences FM est souvent insuffisant sur de nombreux territoires.

Estimez-vous que le DAB+ est susceptible de favoriser le pluralisme dans l'offre radio ?

Est-ce que les radios indépendantes pourront cependant assumer longtemps cette double diffusion ?

M. Christophe Schalk. - Nos adhérents se sont engagés avec conviction il y a dix ans dans l'expérience du DAB+, mais surtout avec intuition.

Ces intuitions n'ont cependant pas toutes convergé. Certaines stations ont choisi de couvrir le même territoire avec une double diffusion du même programme. D'autres en ont profité pour créer un programme initié par le premier, permettant de proposer une offre alternative.

D'autres encore ont considéré que, leur zone primaire étant desservie par la FM, ils allaient pouvoir aller plus loin en matière de diffusion et ont prétendu à des fréquences plus éloignées de leur base initiale.

En matière de stratégie, il faut s'entendre à un moment ou un autre sur les parties plus techniques ainsi que sur les contenus.

Pour répondre à votre question, l'Arcom continue à attribuer des fréquences FM aux opérateurs, indépendants ou non. La FM continue à être d'actualité. Combien de temps cela durera-t-il ? C'est l'une des questions à laquelle il faudrait que nous répondions. C'est l'objet de la réunion de ce matin.

Nos acteurs sont nombreux et éprouvent des envies. C'est un credo qui les pousse parfois à vouloir s'étendre davantage. On est forcément souvent frustré de ne pouvoir sortir de ces bases. Je ne vous raconterai pas la frustration récente qui a été la mienne en la matière.

Nous considérons que nous ne sommes pas suffisamment dotés. Le DAB+, demain, nous permettrait de toucher des territoires plus larges, ce qui va dans le sens de la satisfaction de nos adhérents.

Mme Monique de Marco. - On l'a vu, le DAB+ se développe très lentement.

Je dois dire que, dans mon entourage, personne ne connaît l'existence du DAB+. Il existe donc un problème de communication - et pourtant, je fréquente un milieu assez ouvert. Comment envisagez-vous de communiquer auprès du grand public ?

Par ailleurs, le terme de DAB+ ne parle à personne. C'est une abréviation qui vient de l'anglais. Je crois donc qu'il faudrait imaginer un autre terme.

D'autre part, comment comptez-vous mesurer l'audience du DAB+ ? Quelle serait la meilleure façon de faire ? Est-il nécessaire de distinguer les audiences selon les habitudes des auditeurs ?

Enfin, faudrait-il que le législateur adapte les procédures d'appel à candidatures pour permettre un déploiement plus rapide du DAB+ ?

M. Jérémy Bacchi. - Je reviens à ce qui vient d'être dit sur les mesures d'audience et la nécessité d'avoir des outils de mesure plus efficients. Pouvez-vous nous en dire plus sur la manière dont vous voyez les choses ?

Madame Veil, vous évoquiez un taux de couverture du DAB+ de 14 % en France. Cela comprend-il tous les équipements de téléphonie et de véhicule ? Ceci permettrait de mesurer le chemin qu'il nous reste à parcourir.

Par ailleurs, je partage ce qui a été dit : il existe un véritable enjeu de démocratisation, mais aussi de gratuité et de pluralisme de l'information à chaque étape de l'évolution technologique face à un risque de prédation. Ne laisser personne au bord du chemin s'inscrit dans le temps long si l'on veut permettre la couverture la plus efficiente possible.

M. David Assouline. - Que de chemin parcouru !

Le DAB+, il y a quelques années encore, ne soulevait pas l'enthousiasme, et peu d'acteurs le prônaient. C'est d'ailleurs le sujet face auquel nous nous trouvons maintenant.

Je ne sais si c'est typiquement français, mais à chaque fois qu'une nouvelle technologie dont on sait qu'elle va s'imposer apparaît, on hésite, on tergiverse. Cela a été le cas de toutes les révolutions technologiques qui ont touché les médias. Souvenez-vous des débats qui ont eu lieu, dans les années 2000, sur l'avenir de la musique ou la vidéo à la demande - et cela continue.

On pourrait faire le parallèle avec la transition écologique : il est toujours plus difficile de faire les choses brutalement, le dos au mur.

Mme Veil l'a dit : le diagnostic est le même pour tout le monde. Avant de passer à l'autre phase, il faut régler le problème de la transition. Aucune radio avec une audience sérieuse ne pourra aller plus loin si la couverture n'approche pas la quasi-totalité. Même à 70 %, cela posera un problème en termes publicitaires, car les 30 % manquants représentent ce qui fait l'équilibre d'une radio, voire sa survie.

L'accélération peut donc aujourd'hui régler le problème. Comment faire dès lors que l'on sait qu'il existe un problème de coût très important ? L'État doit innover et inscrire le DAB+ dans ses priorités industrielles. Je ne parle pas de saupoudrage mais d'une vision globale du sujet. Notre pays doit se positionner très fortement sur ce sujet. Partagez-vous ce diagnostic ? Qu'est-ce que cela signifie pour le service public ou les radios qui ont pignon sur rue ? Qu'en attendez-vous de plus ?

Le problème de la concentration est un autre sujet. La commission d'enquête sur la concentration des médias a relevé que cela existe dans la FM, où dominent trois grandes entités. Ceci est probablement lié aux coûts.

Enfin, le président de l'Arcom nous a dit un jour qu'il comptait sur le Sénat pour développer le DAB+. Nous ne sommes ni le Gouvernement ni un fonds de soutien. J'aimerais donc qu'il nous précise sa pensée et nous dise ce qu'il attend du Sénat en termes de législation. Que pensez-vous que l'on puisse faire pour développer le DAB+ et répondre à votre préoccupation ?

Mme Sylvie Robert. - J'insiste sur le fait que la planification permettrait de ne pas accentuer les fractures sociales et territoriales pour réaliser la transition. On voit bien que les leviers sont multiples. Ils touchent des modèles économiques, des acteurs très différents, des constructeurs, des distributeurs, des opérateurs. Ils concernent aussi l'observation de l'évolution des usages. Le président de l'Arcom en a parlé : c'est un point essentiel.

Est-ce que le Livre blanc va se pencher sur tout cela ? À qui va-t-il s'adresser ? Quel va en être le calendrier ?

Il est également nécessaire de prévoir des aides publiques, avec des leviers très différents, fiscaux ou via des subventions, qui s'élèvent à une trentaine de millions d'euros depuis de nombreuses années.

Enfin, qu'en est-il de l'outremer ? La question ultramarine est-elle présente dans vos réflexions ?

Mme Sonia de La Provôté. - La question de la réception et du matériel est revenue plusieurs fois. Existe-t-il une étude de marché à ce sujet, les smartphones permettant aussi d'accéder à la radio ?

Comment le DAB+ peut-il s'intégrer dans ces nouveaux usages ?

Les pays où cette technologie s'est développée ont-ils eu besoin d'un véhicule législatif ? Quel est-il ? Où se situe le blocage français ?

Par ailleurs, on a dit que la radio constitue un média libre, simple d'accès et gratuit. On souscrit tous à cette définition, mais on voit bien, quels que soient les médias - journaux régionaux, chaînes de télévision nationales, radios locales ou nationales -, que les programmes nationaux prennent le pas sur les programmes locaux.

Il me semble que le défi de l'accès à une information locale libre et indépendante fait partie des sujets qui doivent être associés au déploiement du DAB+.

M. Michel Laugier. - La FM est énergivore. Alors qu'on parle de restrictions, qu'on préconise de porter des cols roulés et qu'on éteint l'éclairage public la nuit, il y a là des économies à réaliser.

On vote beaucoup de textes pour améliorer certaines choses concernant l'énergie. Ne serait-ce pas un argument pour accélérer la mise en place du DAB+ ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - Compte tenu de la difficulté à faire avancer le dossier de modernisation de la TNT dans les derniers débats au Parlement et le peu d'allant sur ce dossier de la ministre de l'époque, Roselyne Bachelot, il est permis de s'interroger sur l'engagement du ministère s'agissant du DAB+.

Les dossiers ne sont pas les mêmes, mais la démarche est assez comparable - besoin de modifications législatives, nécessité de moyens importants. En l'état, quelles sont vos discussions avec le ministère ? Ressentez-vous un certain répondant ?

Je pense qu'il faut explorer ce dossier. Comme vous l'avez très bien rappelé, il y va de l'avenir d'un média extrêmement populaire et important, qui doit s'adapter aux nouveaux usages. J'y vois donc là un enjeu très fort.

Vous avez rappelé que ce média est porté par un secteur extrêmement puissant, celui de la musique, auquel je suis à titre personnel assez sensible. Quelles sont les attentes dans ce domaine, qu'il s'agisse du patrimoine et de la création ou des musiques actuelles ? Notre commission a souvent regretté, à chaque fois que nous avons eu à débattre des différents COM, que la télévision porte assez peu la musique.

Nous comptons donc beaucoup sur la radio pour exposer les nouveaux talents, les oeuvres francophones et la vie musicale, qui est très riche du fait du nombre de formations qui existent dans notre pays. Ces nouvelles technologies sont très entendues, car elles permettent une meilleure qualité et une plus grande accessibilité à la culture.

M. Roch-Olivier Maistre. - Je crains d'avoir dans cette assemblée le privilège de l'âge. Ceci me permettra de porter un regard rétrospectif sur tous ces sujets. Ce que M. Assouline a dit n'est pas totalement faux. Je me souviens des débats qui ont entouré la TNT pendant de nombreuses années. Je ne citerai pas les propos de certains grands présidents d'entreprises de l'audiovisuel public, dont certains sont encore en fonction et qui me battent en termes de privilège de l'âge, mais le lancement de la TNT a été une très longue aventure.

Si, au sommet de l'État, on n'avait pas mis tout le poids qu'il fallait pour lancer la TNT, elle n'aurait jamais vu le jour. Le DAB+ a vécu exactement le même circuit et a connu les mêmes blocages - j'allais dire pour les mêmes raisons.

Le déblocage a eu lieu, et il faut maintenant tout faire pour déployer le DAB+.

Par ailleurs, l'une des feuilles de route consubstantielle à la loi de 1986 est le pluralisme, le fil rouge de l'action du régulateur. Le secteur de la radio en est une parfaite illustration. Le paysage y est d'une diversité et d'une densité spectaculaires, avec plus de 1 000 radios nationales, locales, publiques, privées, musicales, associatives.

Cette feuille de route, qui vaut pour la FM depuis la libération de la bande FM, vaut aussi pour le DAB+. Dans notre logique d'appel à candidatures, à laquelle le régulateur est tenu, nous veillons très attentivement à maintenir ces équilibres.

J'ai bien entendu ce que Mmes Benqué et Veil ont dit sur le fait que ceux qui occupent la bande FM doivent trouver une place prioritaire dans le DAB+. Nous sommes très attentifs à préserver cet équilibre, qui est une richesse pour notre paysage audiovisuel, de même que nous veillons à l'équilibre de traitement des territoires nationaux.

J'ai expliqué pourquoi nous étions sortis des grandes métropoles et des grands axes routiers pour couvrir l'ensemble du territoire, bien moins denses. Cela vaut pour l'outremer. Nous avons lancé, sur ce volet, une expérimentation à La Martinique. Je me rends très prochainement aux Antilles pour étudier ce point de façon plus spécifique.

Nous l'avons tous dit : la communication est prioritaire, c'est évident. Le sigle « DAB+ » n'est probablement pas le plus heureux. La notion de radio numérique parle probablement bien plus, mais je ne suis pas sûr que chaque Français sache exactement ce que peut signifier le sigle « TNT ».

Nous avons la chance de disposer d'une association de promotion du DAB+. Elle est récente. Il faut qu'elle déploie son action, et cela dépend des acteurs que vous êtes.

Lorsqu'on a créé l'association pour le lancement de la TNT, ce sont les acteurs de ce secteur qui ont pris les choses en main. Il n'y a que vous qui puissiez le faire sur vos antennes et par le biais de stations, quitte à ce que l'État puisse accompagner cette action avec ses propres outils et ses propres moyens financiers pour vous y aider.

S'agissant des procédures, leur longueur n'est pas liée exclusivement au cadrage juridique. Mon expression n'a peut-être pas été totalement juste. Les procédures sont effectivement très longues en radio comme en télévision, mais elles seules permettent de garantir le pluralisme auquel vous êtes tous attachés.

Ce processus d'appel à candidatures et d'attribution des fréquences ne doit pas cacher tout le travail que les opérateurs doivent mener : création et gestion du multiplexe, déploiement des émetteurs, etc. Ce volet technique, qui suit les procédures d'appel à candidatures, explique aussi sa longueur.

L'Arcom a accéléré la mise en oeuvre de sa feuille de route, et nous sommes en avance sur le calendrier que nous nous étions fixé. Nous pensions atteindre 40 % à la fin de 2022. Nous sommes à 45 %, avec un objectif de 50 % cette année. Ce n'est pas sur ce point, me semble-t-il, que l'intervention du législateur est prioritaire. Je ne suis donc pas sûr qu'il faille modifier ce cadre.

Toutefois, l'intervention du législateur me paraît utile en matière d'équipement, de sécurisation des postes de radio dans les voitures, de mentions légales et d'accompagnement financier. Je pense que le Parlement a un rôle à jouer, notamment dans la fixation des prix du FSER. Il s'agit d'un petit budget de 30 millions d'euros par an. Les chiffres ont été cités par les acteurs ici présents. Je n'évoquerai pas à nouveau le déficit du budget de l'État. Ce n'est pas le sujet qui nous rassemble aujourd'hui susceptible de menacer gravement les finances publiques. Si accompagnement il peut y avoir, il peut porter sur ce point.

Mme Constance Benqué. - Je partage l'avis de M. Assouline sur le besoin de préserver notre couverture territoriale. Nous protégeons évidemment nos audiences et nos chiffres d'affaires, et il ne faut pas que nous perdions des auditeurs lors de ce passage.

Concernant la concentration, les groupes privés ne peuvent dépasser 160 millions d'auditeurs. Cela garantit le pluralisme. Je ne veux pas m'opposer à mon amie Sibyle Veil, mais je crois que Radio France n'a pas de seuil imposé en matière de couverture.

Pour ce qui est de la musique, la radio est le dernier endroit où on l'écoute gratuitement, à la différence des plateformes qui sont beaucoup moins régulées que nous ne le sommes, en particulier s'agissant des quotas.

Nous avons besoin que vous nous souteniez face à la loi de 2016, qui a été durcie avec le plafonnement des rotations des titres francophones. Je profite de cette tribune pour le répéter.

M. Christophe Schalk. - La dénomination « DAB+ » est partagée à l'échelle de la planète, et on s'isolerait si, demain, on changeait le nom de cette offre. Il nous est imposé, et nous composons avec. Le public se l'appropriera quand on lui en parlera, je veux y croire.

S'agissant des mesures d'audience, on ne peut aujourd'hui faire la distinction entre les différents canaux de réception. Médiamétrie y travaille. On devrait accéder à ces éléments dans les prochains mois.

C'est une information dont nous avons besoin. Si on était sûr que le DAB+ représente 20 % de notre audience, on ne pourrait plus considérer qu'il s'agit d'une option. Attendons donc de voir ces éléments.

Concernant la concentration, nos radios ont souvent été créées par des passionnés il y a 40 ans de cela. Après quarante ans, la passion, dans un couple, peut parfois s'estomper. Certains opérateurs historiques passent la main, et de grands opérateurs régionaux peuvent s'étendre et racheter des radios créées à l'époque.

Par ailleurs, les questions liées à la musique sont bien centrales : la radio, dans sa globalité, se heurte aujourd'hui au fait que la jeune génération se détourne de ce que nous produisons. Le DAB+ permet en particulier de répondre à cette question importante. Il faut donc que nous soyons diffusés par tous les canaux pour que la jeune génération, qui est habituée à écouter des sons compressés, se dise que la diffusion analogique pourra à un moment appartenir au passé et que le DAB+ est le son d'aujourd'hui. Notre audience de demain est celle qui nous fait défaut aujourd'hui. Travaillons à la convaincre de la qualité de nos contenus, de nos appareils et de nos modes de diffusion.

Mme Sibyle Veil. - Nous avons aujourd'hui besoin de visibilité. Chacun voit bien qu'il existe un enjeu. Nous ne voulons pas fragiliser le média. Nous souhaitons donc que la transition soit suffisamment longue et bien menée pour ne pas perdre d'auditeurs, mais plus elle sera longue, plus ce sera coûteux. Or il y a eu beaucoup d'hésitation avant de lancer cette nouvelle technologie, aucun acteur n'ayant économiquement intérêt à investir massivement sans savoir si les choses vont aller jusqu'au bout.

La question est de savoir dans quel délai cette nouvelle technologie se substituera à la FM. C'est le premier besoin des acteurs économiques. Tout le monde pourra alors fonder sa stratégie et arrêter ses décisions financières.

Je rappelle que Radio France a cherché à donner des signaux à l'ensemble du secteur sur cette question dès 2018. Lors de ma première audition devant le CSA en tant que candidate à Radio France, j'avais pris l'engagement d'aller vers le DAB+ et de le soutenir, ce que nous avons fait sans équivoque ces dernières années.

Je rappelle aussi que le service public a éteint ses ondes longues et ses ondes moyennes plus tôt que l'ensemble du secteur en ayant le souci d'envoyer des signaux positifs. Les économies faites à cette occasion ont été restituées au contribuable en 2015 et 2016, Radio France étant responsable de la dépense publique.

La visibilité doit comporter certains accompagnements législatifs, fort bien rappelés par le président de l'Arcom. La présence du DAB+ dans les véhicules est indispensable. Avec les développements des tableaux de bord connectés, les constructeurs automobiles ont tendance à sous-traiter aux GAFA l'infotainment au sein des véhicules. Aujourd'hui, ce sont Google, Apple, Amazon qui opèrent ces tableaux de bord connectés.

Cela rejoint la question posée par Catherine Morin-Dessailly sur la musique : peut-être qu'un jour, les automobilistes pourront disposer d'Amazon Music, Apple Music, YouTube, mais qu'ils auront très difficilement accès aux radios nationales.

Or si la scène musicale française est aujourd'hui aussi forte, c'est bien parce qu'il existe des acteurs de la radio pour la soutenir, la faire connaître, la faire durer et la rendre visible. Je pense donc que le fait de préserver le média radio et ses conditions de distribution est une condition essentielle pour notre souveraineté dans ce domaine.

Enfin, nous sommes réunis avec l'ensemble des acteurs privés dans Radioplayer, qui est une technologie européenne qui a la particularité d'être hybride. Elle passe du DAB+ à l'IP. Je pense que l'avenir de la radio se trouve dans des modes de réception hybrides et dans la continuité des différents appareils. C'est là-dessus qu'il faut que nous travaillions collectivement.

Une réflexion comme celle qui est proposée par le président de l'Arcom doit permettre d'avoir un coup d'avance par rapport à ce que l'on veut faire ensemble pour continuer à faire en sorte que le média radio demeure moderne, attractif et diffusé dans les meilleures conditions de simplicité possible afin de toucher le public que nous voulons.

Dans le cas contraire, le public écoutera YouTube chez lui ou dans sa voiture, sans avoir à passer par la radio. C'est tout l'enjeu de fond. Il faut que l'ensemble du secteur demeure uni derrière celui-ci.

M. Emmanuel Boutterin. - Nous sommes tous d'accord s'agissant du DAB+ : c'est maintenant qu'il faut surmonter le défi, qui n'est plus une question de technologie ou de planification, mais un problème économique, voire industriel.

Est-ce une question de calendrier ? Non, le calendrier est guidé par la planification de l'Arcom, qui est tout à fait satisfaisante. Des interrogations subsistent sur certaines zones blanches, mais les choses ont démarré depuis longtemps. C'est une question de signal politique, comme pour la TNT.

Est-ce une question de nom ? On peut y réfléchir le cas échéant, mais ce n'est pas un obstacle. Si, comme le dit Christophe Schalk, ce nom est unanimement reconnu en Europe, il faut le maintenir.

Cependant, il faut un signal politique fort, qui nécessite incontestablement un soutien de la puissance publique. Il ne s'agit pas forcément d'un soutien économique massif. Le Président Chirac avait, à l'époque de la TNT, provisionné 150 millions d'euros. Aujourd'hui, 150 millions d'euros, au regard des plans de relance, ce n'est pas grand-chose. Je sais que c'est beaucoup, monsieur le président de l'Arcom, mais cela se travaille. Des économies peuvent être réalisées.

C'est une question de volonté politique, et cela ne peut venir que du Gouvernement et du Parlement. C'est pour cela, à mon sens, que votre rôle est essentiel.

Enfin, s'agissant des radios locales associatives, celles-ci sont partiellement subventionnées - articles 29 et 80 de la loi de 1986. Nous avons d'ores et déjà entamé des discussions sur un soutien particulier à la double diffusion qui, pour 200 des nôtres, est entamée depuis plusieurs années. Il s'agit toutefois de 200 euros par mois. Cela reste faible.

Notre demande de soutien financier et logistique pour les radios associatives - et je remercie le président de l'Arcom et l'ensemble des éditeurs ici présents de ne pas avoir fait obstacle à ce type de soutien supplémentaire - reste limitée au regard du défi que nous devons relever tous ensemble.

M. Hervé Godechot, membre du collège de l'Arcom. - Deux questions n'ont pas trouvé réponse pour l'instant. Je commencerai par ce que vient de dire Sibyle Veil. Personne n'imagine que le DAB+ est l'alpha et l'oméga de la radio de demain. Ce n'est qu'un des éléments. Il est important que la radio soit présente partout où existent des usages.

Une question a été posée sur le rapport entre l'écoute en IP, en FM et en DAB+. Pour ce qui est de la FM et du DAB+, il faut pouvoir marquer les signaux pour mesurer les audiences et déterminer dans quelle proportion les uns et les autres écoutent la FM et le DAB+.

En revanche, on étudie de très près le rapport entre l'écoute en IP et en hertzien. Il faut se rappeler que la radio linéaire représente aujourd'hui 56 % de l'usage total de l'audio. Cela comprend également les plateformes de streaming musical et les podcasts. On voit donc bien que la radio linéaire est toujours extrêmement puissante.

S'agissant du rapport entre hertzien et IP, 80 % de l'écoute en linéaire se fait toujours en hertzien. Cela reste extrêmement puissant, et on comprend en quoi le DAB+ et le hertzien restent, d'une manière générale, un point extrêmement important pour le dynamisme de la radio.

Une autre question porte sur la sobriété énergétique. Les émetteurs consomment bien moins d'énergie en diffusant le DAB+ que la FM, la spécificité de la technologie du DAB+ étant de permettre d'« encoquiller » dans un seul et même signal, et sur une seule et même fréquence, treize signaux de radio différents.

Là où, en analogique, vous avez treize fréquences pour treize radios, avec le DAB+, vous avez treize radios pour une seule fréquence. On consomme donc beaucoup moins d'énergie.

Mme Constance Benqué. - Je rejoins Sibyle Veil au sujet de la visibilité. En revanche, pas de visibilité sans aides. Radio France est financée par l'État, les radios associatives par la FSER, et les radios privées doivent se financer sur leurs recettes, qui ne sont pas extensibles, surtout en ce moment.

Les aides et l'engagement de l'État sont donc essentiels pour les radios privées.

M. Laurent Lafon, président. - Monsieur le président de l'Arcom, vous avez évoqué un Livre blanc.

Dans quel délai pourrait-il être élaboré ? On voit qu'il pourrait répondre à un certain nombre des questions posées ce matin.

M. Roch-Olivier Maistre. - J'ai profité de cette table ronde pour faire cette proposition. Votre enceinte est toujours demandeuse de propositions. Si elle fait consensus auprès des uns et des autres et des services de l'État, on pourrait se mettre en ordre de marche.

Cela nécessite d'entendre l'ensemble des acteurs, et cela prend un peu de temps, mais on essaierait de conclure assez rapidement. L'idée serait d'entendre tous les points de vue, d'essayer de bâtir des scénarios, de recenser toutes les questions qui se posent et d'apporter les éclairages nécessaires dans le courant du premier semestre de cette année, pour essayer d'« atterrir » d'ici la fin de l'année.

M. Laurent Lafon, président. - Merci de votre participation et des précisions que vous nous avez apportées.

Je pense que cette table ronde a été utile. Elle était assez attendue par les sénatrices et les sénateurs mais aussi au-delà, car il était nécessaire de parler de ce sujet. Nous en avons bien perçu les enjeux à travers vos interventions respectives.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat sera très attentive à accompagner ces enjeux, stratégiques pour le secteur de la radio.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 55.

Jeudi 26 janvier 2023

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Audition de M. Didier Samuel, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale

M. Laurent Lafon, président. - Nous recevons aujourd'hui M. Didier Samuel, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, je vous rappelle que cette nomination ne peut intervenir qu'après l'audition du candidat par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition est publique, diffusée sur le site internet du Sénat et donnera lieu à un vote à bulletin secret.

La commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a entendu M. Samuel hier après-midi, puis procédé au vote. Le dépouillement des deux scrutins aura lieu simultanément à 12 h 15.

Il ne pourra être procédé à cette nomination si l'addition des votes négatifs dans les deux commissions représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle du ministère de la santé et du ministère de la recherche, l'Inserm réunit près de 15 000 collaborateurs, avec un objectif commun : améliorer la santé de tous par le progrès des connaissances sur le vivant et sur les maladies, l'innovation dans les traitements et la recherche en santé publique.

Doté d'un budget d'un peu plus d'1 milliard d'euros, il est le premier organisme de recherche biomédicale au niveau européen et le deuxième au niveau mondial. L'Inserm est aussi le troisième déposant européen de brevets dans le secteur pharmaceutique.

Monsieur Samuel je vous demanderai, à l'occasion d'un propos liminaire d'une dizaine de minutes, de bien vouloir vous présenter et de nous exposer les projets qui seraient les vôtres en tant que président de l'Inserm. Ensuite, je donnerai la parole aux membres de la commission qui souhaiteraient vous poser des questions, en commençant par notre rapporteur, Laure Darcos.

M. Didier Samuel, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de l'Inserm. - Je vous remercie de me recevoir. Je suis professeur d'hépatologie à la faculté de médecine Paris-Saclay depuis 1997. J'ai aussi une qualification en réanimation médicale. Je suis chef du service d'hépatologie et de réanimation hépatique et directeur médical du centre de transplantation hépatique à l'hôpital Paul-Brousse, premier centre de transplantation hépatique français et l'un des plus importants en Europe. J'ai une grande activité clinique en hépatologie, avec une expertise particulière dans la prise en charge des patients atteints d'insuffisance hépatique ou d'hépatites virales, et dans la transplantation hépatique ; j'ai suivi à ce jour plus de 4 500 patients qui ont bénéficié d'une greffe hépatique.

Mon activité de recherche est essentiellement clinique et translationnelle. J'ai créé l'unité mixte de recherche (UMR) Inserm 785 en 2005, qui est devenue, en 2015, l'UMR 1193, « Physiopathogénèse et traitement des maladies du foie », dont je suis le directeur. Cette unité comprend cinq équipes labellisées Inserm. Je dirige au sein de cette unité l'équipe 1 « Innovation thérapeutique, recherche translationnelle en maladie hépatique et en transplantation du foie ».

J'ai aussi été membre de la commission scientifique spécialisée (CSS) n° 6 de 2008 à 2012 : nous évaluions les équipes et les unités de recherche, et proposions le recrutement de chercheurs sur concours. J'ai aussi fait partie du comité de sélection de l'école de l'Inserm et j'ai été co-chairman du récent appel à projets du programme de recherche stratégique en santé Messidore, coordonné par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et piloté par l'Inserm. Au travers de ces fonctions, j'ai donc acquis une bonne connaissance de l'Inserm.

êÁ l'international, j'ai été membre du Council de l'International Liver Transplant Society, dont j'ai été le président en 2013. J'ai été également membre du comité scientifique de l'Association européenne pour l'étude du foie (EASL) et j'ai été éditeur en chef du Journal of Hepatology de 2010 à 2014, qui est devenu, pendant mon mandat, le premier journal mondial en hépatologie.

Depuis six ans, je suis doyen de la faculté de médecine Paris-Saclay. J'ai été également élu l'an dernier à la présidence de la conférence des doyens des facultés de médecine, et j'ai été élu, voilà deux ans et demi, à la présidence du comité national de coordination de la recherche, le CNCR, dont le but est de coordonner la recherche hospitalière dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) et dans les centres hospitaliers.

Pourquoi ai-je présenté ma candidature à la présidence de l'Inserm ? Tout d'abord, j'ai toujours été investi en recherche, particulièrement en recherche clinique et en recherche translationnelle. Je suis passionné par la science et la recherche. Je considère que la recherche en santé est indissociable de la qualité de la médecine et du soin. La recherche et l'innovation tirent le soin vers le haut.

La recherche en médecine et en santé doit être relancée. En effet, on a observé, pendant une quinzaine d'années, un décrochage des moyens de la recherche en biologie-santé en France, avec une baisse significative de l'investissement dans ce domaine. La crise de la covid a montré que nous n'étions pas complètement prêts à affronter une pandémie de ce type. Nous avons souffert d'un manque de recherche sur les coronavirus et d'un manque de compétitivité sur les technologies liées à l'ARN, ce qui s'est traduit par des difficultés à développer un vaccin. Nous avons été en retard sur le séquençage du virus et dans la mise en place des tests diagnostiques. Si des essais cliniques de qualité ont été organisés, on peut déplorer leur absence de coordination.

Les difficultés que vivent les hôpitaux ont un retentissement sur le travail hospitalo-universitaire : la partie universitaire est phagocytée par le soin et le management, ce qui commence à fragiliser les unités de recherche et nos capacités de recherche en médecine.

On constate également un manque d'attractivité à la fois des métiers de la recherche (techniciens de recherche, assistants de recherche clinique), et du métier de chercheur, en raison du salaire, des évolutions de carrière, etc. L'organisation de notre recherche est complexe et lourde, avec de nombreux organismes publics, agences, etc.

Cependant, la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, adoptée en 2020, apporte une note d'optimisme, à travers une dynamique de réinvestissement. Même si celle-ci ne sera pas suffisante pour rattraper le retard, elle prévoit la création de postes ou de chaires de professeur junior et une revalorisation des carrières des chercheurs. Le volet santé de France 2030 permettra d'injecter 7.5 milliards d'euros dans la santé. Le Président de la République a annoncé, il y a 18 mois, le plan Innovation Santé 2030 ; la création de l'Agence de l'innovation en santé remet l'innovation et la santé au premier plan.

Je crois en l'Inserm. Cet organisme possède de grandes forces. Il est l'acteur central et incontournable de la recherche en santé en France. Il doit à la fois être un pilote de la recherche en santé au niveau national, réussir une politique de site avec les universités et les CHU, assurer une veille scientifique et sanitaire, et fournir des réponses aux crises sanitaires. Il doit assurer aussi la valorisation de la recherche, par le biais des brevets. L'Inserm est extrêmement présent au sein des universités et des CHU, assurant une interconnexion forte entre le monde universitaire et le monde hospitalier.

L'ANRS Maladies infectieuses émergentes, agence autonome de l'Inserm, vient ainsi de voir son rôle dans la lutte contre la covid et les maladies émergentes conforté par le Gouvernement. L'Inserm pilote des infrastructures lourdes de recherche comme le French Clinical Research Infrastructure Network (F-CRIN), le laboratoire P4 Jean Mérieux, ou l'infrastructure nationale d'ingénierie des cellules souches pluripotentes et cellules différenciées (Ingestem).

L'Inserm a un vrai savoir-faire en matière d'évaluation des chercheurs ou des unités de recherche via ses commissions spécialisées de recherche. Ses instituts thématiques multi-organismes (Itmo) sont des structures capables d'évaluer et de proposer des stratégies de recherche. L'Inserm reste pour les unités mixtes de recherche un label de qualité très important.

Par ailleurs, l'Inserm est le premier organisme européen en termes de publications scientifiques à visibilité internationale : ses publications sont de grande qualité, puisque plus de 10 % d'entre elles figurent dans le « top 5 ». L'Institut dépose un nombre important de brevets et certains programmes, comme le programme Atip-Avenir pour les jeunes chercheurs, sont très attractifs. Enfin, son réseau international est de qualité et d'envergure.

Cependant, certains points méritent notre attention : il conviendrait de clarifier la stratégie dans chaque site, en coordination avec les universités et les CHU, ainsi que la stratégie nationale, qui mérite d'être plus ambitieuse et qui devrait mieux prioriser les axes stratégiques. La coordination avec les CHU est trop hétérogène et doit être améliorée pour renforcer la qualité de notre recherche clinique. La recherche clinique, c'est non seulement des essais cliniques incluant des patients, mais c'est aussi la capacité à comprendre, à partir des maladies des patients, la physiopathologie des maladies et leurs mécanismes, afin d'adapter des traitements ciblés. L'interface avec les équipes de recherche clinique est clairement trop faible. Le rapprochement entre les chercheurs et les cliniciens est essentiel.

Le financement des UMR ne représente que 57 millions d'euros hors salaires, ce qui, pour presque 300 unités de recherche, me paraît insuffisant.

La valorisation insuffisante des carrières de chercheur, leur manque d'évolution constituent un vrai sujet car ce sont les chercheurs qui font la recherche.

Je propose plusieurs actions.

Je souhaite donner à l'Inserm une vision stratégique nationale, pour qu'il constitue un acteur de premier plan en recherche et en alerte sanitaire, auprès des autorités comme du public, en améliorant sa communication et sa visibilité.

Cette ambition se décline en deux aspects : la politique de site et la politique nationale de recherche qui coordonnera au niveau national les politiques de site. La politique de site doit se faire en lien avec les universités, qui en seront les pilotes, et avec les CHU. La politique nationale doit définir la stratégie nationale de recherche en tenant compte des politiques de site. Elle doit préciser les axes prioritaires et stratégiques, ainsi que les axes émergents, que l'Inserm, opérateur de programmes de recherche, opérateur de moyens et pilote de la recherche médicale et en santé en France, devra soutenir.

Il faut renforcer les UMR en augmentant leur masse critique, en renforçant les axes forts et en soutenant aussi les thématiques et les équipes émergentes.

L'Inserm doit accentuer sa présence dans son environnement, notamment avec les universités. L'environnement de l'enseignement supérieur et de la recherche a évolué ; des universités de recherche de niveau mondial ont été créées via les regroupements universitaires, les inclusions des grandes écoles dans les universités, via les initiatives d'excellence, les Idex, ou les Initiatives Science-Innovation-Territoires-Économie, les I-Site. Les universités sont toujours cotutelles des UMR, travaillant en lien avec l'Inserm sur de nombreux projets, tels les investissements d'avenir, les instituts hospitalo-universitaires (IHU) ou les plans de recherches hospitalo-universitaires en santé (RHU). Au niveau des sites, il y a un besoin de pilotage par les universités. Les plans quinquennaux de recherche sont coordonnés par les universités et nous devons avoir une réflexion sur la mise en commun de moyens de gestion des UMR.

Les liens avec les CHU doivent s'améliorer de façon significative, car la recherche clinique doit être significativement améliorée. Celle-ci constitue actuellement un point faible de l'Inserm, mais aussi des CHU ; il est temps que les uns et les autres travaillent ensemble. Les UMR sont présentes dans les CHU, mais trop souvent ces derniers sont peu au fait du travail des UMR. On compte trop de recherches en silos. La coopération est indispensable si l'on veut obtenir une recherche clinique et translationnelle de qualité. L'articulation avec les centres de ressources biologiques (CRB) doit être améliorée. Il importe aussi de professionnaliser la gestion des cohortes, de revoir le fonctionnement des centres d'investigation clinique (CIC). La gouvernance de la recherche par le biais des comités de la recherche en matière biomédicale et de santé publique (CRBSP) doit être beaucoup plus efficace. Il faudra s'interroger sur la cotutelle des CHU sur les UMR, en tout cas sur certaines d'entre elles, ce qui nécessitera, de la part des CHU, un investissement réel, direct dans les UMR, avec une discussion stratégique préalable avec les universités et l'Inserm.

L'Inserm doit continuer à se coordonner avec l'Institut national des sciences biologiques (INSB) du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) - des actions communes ou des échanges de chercheurs ont d'ailleurs déjà lieu dans les unités ; il doit s'appuyer sur l'ANRS Maladies infectieuses émergentes et le« Programme et équipements prioritaires de recherche sur les maladies infectieuses émergentes » pour doper la recherche en maladies infectieuses, et apprendre à mieux réagir aux crises sanitaires ; il convient aussi de travailler de concert avec l'Institut national du cancer, l'Inca, sur le cancer ; il faut enfin développer des stratégies de site, en ayant des UMR en cotutelle avec le CNRS, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), avec les écoles d'ingénieurs, etc., car il est essentiel de développer la recherche transdisciplinaire, à l'heure des biostatistiques, de la gestion des données de masse, de l'intelligence artificielle, du numérique en santé, ou des mathématiques appliquées à la santé.

L'Inserm s'est vu confier le soin de coordonner, seul ou en association, des programmes et des équipements prioritaires en recherche, les PEPR. Il faut qu'ils démarrent, mais il faut aussi veiller à la transparence de la distribution des fonds. Ceux-ci sont élevés : le programme stratégique de recherche en santé, financé par la DGOS et piloté par l'Inserm, qui a démarré en 2022, est ainsi doté de 10 millions par an et constitue une chance.

Nous devons aussi renforcer notre développement international, en travaillant de concert avec les universités et les pôles Europe des universités et des CHU pour augmenter significativement notre présence dans les appels d'offre européens, dans la coordination des appels d'offre européens d'Horizon Europe, dans l'obtention des financements du Conseil européen de la recherche (ERC). Le renforcement de la présence de l'Inserm à l'international passe aussi par des laboratoires associés et par des liens entre organismes.

Il convient de pérenniser nos infrastructures de recherche (les plateformes technologiques, les nouvelles technologies), et d'être très attentifs à l'évolution des nouvelles technologies, en mettant en développant des plateformes de haute performance technologique permettant d'être compétitif au niveau international.

Nous devons également assurer la pérennisation financière et le développement des cohortes. France Cohortes se met en place.

Nous devons aussi nous ouvrir aux nouvelles approches de recherche en santé : la santé environnementale, la santé globale, l'éthique de la recherche, la science ouverte, etc. L'Inserm doit s'approprier le numérique en santé et l'innovation, nouer des partenariats avec les industriels, en particulier avec l'aide de sa filiale Inserm Transfert, et développer la recherche translationnelle et la capacité à aller du laboratoire vers le médicament et les dispositifs médicaux.

Mais on ne fait pas de bonne recherche sans chercheurs. Il est crucial d'améliorer l'attractivité des métiers de la recherche, à commencer par les chercheurs. Il faut redynamiser leur carrière, les valoriser. Il faut aussi redonner du temps universitaire aux hospitalo-universitaires. Je rappelle que 40 % des unités de l'Inserm sont dirigées par des hospitalo-universitaires, mais si le temps universitaire de recherche disparaît, il n'y aura pas de recherche de qualité. La communication entre les chercheurs et la direction de l'Inserm doit être améliorée. Nous devons attirer des jeunes vers les métiers de la recherche, via l'école de l'Inserm bien sûr, mais aussi en développant les MD/PhD dans les facultés de médecine, en donnant le goût de la recherche dans les enseignements, en renforçant l'année consacrée à la recherche des internes. Nous devons réfléchir à réactiver des programmes de postes d'accueil Inserm, à multiplier les contrats d'interface pour les médecins. Le programme Atip-Avenir doit être développé. Enfin, il faut aussi que nous redevenions compétitifs pour attirer et garder des chercheurs de niveau mondial, en proposant des salaires attractifs ou des wellcome packages (forfait de bienvenue) qui permettent de travailler dans un environnement de qualité à un niveau compétitif.

En conclusion, je souhaite renforcer la position de l'Inserm comme pilote et organisateur de la recherche en santé en France, et comme acteur majeur de la politique de site avec les universités, les CHU et avec les autres organismes de recherche.

Mme Laure Darcos, rapporteur. - Quel état des lieux faites-vous de la recherche biomédicale française ? Partagez-vous le constat dressé, dans un récent rapport, par le nouveau président de l'Académie des sciences, M. Alain Fischer, qui parle d'« un état préoccupant », de nombreux indicateurs montrant que la France perd du terrain sur la scène internationale. Quelles sont, selon vous, les mesures à prendre pour enrayer ce décrochage ?

Lors de nos travaux de contrôle pendant la crise de la covid, avec mes collègues Pierre Ouzoulias et Stéphane Piednoir, nous avions pointé le manque de stratégie nationale en recherche biomédicale et un déficit de gouvernance. Le rapport de la Cour des comptes, publié lundi 23 janvier, déplore ces mêmes carences. Êtes-vous d'accord avec ce diagnostic ? L'Inserm pourrait-il, ou doit-il, avoir un rôle de pilotage en matière de recherche biomédicale ? Vous avez davantage parlé d'innovation que de recherche fondamentale. Pourriez-vous développer ?

La crise sanitaire a aussi révélé des tensions entre les CHU et l'Inserm, celui-ci ayant pris des initiatives nationales sur les essais thérapeutiques, les grandes cohortes, etc. Comment comptez-vous améliorer la collaboration entre l'Inserm et le secteur hospitalier ? Quid aussi des associations de patients ?

Comment abordez-vous la question des relations entre les organismes de recherche et les universités, qui constitue un sujet important à l'agenda de la ministre ? La gestion des UMR doit-elle, selon vous, évoluer ?

M. Didier Samuel. - En ce qui concerne l'état de la recherche biomédicale en France, vous avez noté que nous dressons, avec Alain Fischer, des constats assez proches. On a assisté à un désinvestissement dans le domaine de la recherche en biologie-santé pendant une quinzaine d'années. La loi de programmation de la recherche pour les années 2021-2030 marque une nouvelle impulsion. J'étais d'ailleurs favorable à réduire l'horizon de 10 à 7 ans, afin de rattraper le retard plus vite. L'effort prévu n'est pas suffisant, même si ce texte traduit un réenclenchement de la marche en avant attendu depuis bien longtemps dans ce domaine. Le financement de l'Inserm augmentera pour la première fois. Son budget a stagné pendant dix ans, ce qui signifie en fait qu'il a diminué en termes réels, et cela s'est traduit dans les unités de recherche par une baisse du nombre d'ingénieurs et de techniciens. On a fait reposer davantage la recherche sur les doctorants et on a beaucoup moins de techniciens et d'ingénieurs.

J'ai été membre d'une commission scientifique spécialisée pendant cinq ans à l'Inserm. J'ai été choqué de constater que nous recrutions des jeunes, qui avaient déjà une trentaine d'années, qui avaient fait une thèse de doctorat, un « post-doc », travaillé souvent plusieurs années à l'étranger, qui avaient déjà à leur crédit plusieurs publications scientifiques importantes, etc., par le biais de concours très sélectifs, puisque il y a souvent dix candidats pour un poste, à des salaires pas tout à fait au niveau des attentes... Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions que les meilleurs partent. Il est essentiel de revaloriser les carrières, et de réinvestir, car nous avons décroché par rapport à nos voisins comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne, et même l'Espagne ou Italie. Nous sommes encore compétitifs, mais il est temps de réenclencher la marche en avant.

Pour la première fois, nous disposons de chaires de professeur junior. L'Inserm en a une petite dizaine. Nous pourrons recruter aussi 180 équivalents temps plein (ETP) en cinq ans, ce n'est pas beaucoup, mais il s'agit d'un progrès. J'espère pouvoir convaincre le Gouvernement d'amplifier cet effort.

Le plan Innovation Santé 2030, annoncé par le Président de la République, ne concerne certes pas la recherche pure en tant que telle, mais il met l'accent sur l'innovation, et voilà longtemps qu'on attendait cela.

Quant au manque de stratégie nationale, au déficit de gouvernance pendant la crise de la covid...

Mme Laure Darcos, rapporteur. - Je ne voulais absolument pas incriminer l'Inserm ni votre prédécesseur !

M. Didier Samuel. - ...il est vrai sans doute que nous aurions pu faire mieux, mais il faut reconnaître que nous n'étions pas prêts à affronter une pandémie de ce type, ni sur le plan de la recherche, ni sur le plan organisationnel. Nous avons raté le virage des technologies à ARN messager et nous n'avons pas été en mesure de concevoir des vaccins de ce type, mais on a aussi mis du temps à concevoir des vaccins classiques. Nous avons eu des retards à tous les niveaux : pour le séquençage du virus, la mise en place des tests, etc. Si je suis nommé président, je souhaite que l'Inserm soit en première ligne en matière de lutte sanitaire. C'est aussi le rôle de l'ANRS Maladies infectieuses émergentes d'être réactive, d'agir sur le plan de la prévention et d'élaborer une stratégie de réponse en cas de crise sanitaire.

La recherche fondamentale est très importante. On ne peut pas lutter contre la covid si nous ne sommes pas capables de séquencer le virus. Il est difficile de développer des traitements ciblés si l'on ne sait pas comment le virus rentre dans les cellules, ni comment la protéine Spike interagit avec les récepteurs cellulaires. De même, il est difficile de fabriquer des vaccins à ARN messager si l'on n'a pas travaillé pendant des années en amont sur les technologies ARN, ni appris à couper l'ADN et à l'incorporer dans des couches de nanolipides. Ce n'est pas parce que je suis un clinicien que je ne crois pas à la recherche fondamentale.

Vous avez aussi évoqué des tensions entre les CHU et l'Inserm. Je pense que le choix de proposer la candidature à la présidence de l'Inserm d'un hospitalo-universitaire, qui a essayé, au CNCR, de rapprocher les CHU, les universités, l'Inserm, etc., est aussi un signe. Si chacun continue à mener sa stratégie de son côté, cela ne peut pas fonctionner. J'ai toujours cherché à fédérer dans toutes mes actions, et je continuerai à le faire si je suis nommé, avec l'espoir de faire avancer les dossiers dans le bon sens et ensemble.

J'ai oublié, en effet - erreur de ma part -, d'évoquer les associations de patients. J'ai travaillé pendant 10 ans à l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales, avant la création de l'ANRS Maladies infectieuses émergentes. J'ai constaté que les associations de patients participaient activement aux décisions sur la mise en place des protocoles de recherche, formulaient toujours des propositions sur les protocoles de soins, la protection des patients, l'éthique de la recherche, etc.

La question des relations entre les UMR et les universités figure dans la lettre de mission du professeur Gillet. Beaucoup a déjà été fait. Je pense par exemple aux programmes d'investissements d'avenir (PIA) : la création des instituts hospitalo-universitaires et la mise en place de plans de recherches hospitalo-universitaires en santé (RHU) ont rapproché l'Inserm et le CNRS des universités. Les plans quinquennaux sont aussi maintenant conçus en cotutelle avec les universités. Le rôle de ces dernières au niveau local s'est renforcé, certaines ont un niveau très élevé en recherche et ont la volonté de s'impliquer dans la politique de site. Nous devons travailler ensemble, avec les universités et avec les hôpitaux, pour construire un triangle efficace.

M. Pierre Ouzoulias. - Monsieur Samuel, j'examine votre candidature avec une immense bienveillance, compte tenu de votre profil et de votre parcours exceptionnel, mais je m'interroge sur ses conditions d'examen. J'aurais en effet voulu savoir pourquoi M. Bloch, candidat à sa propre succession, n'est pas devant nous aujourd'hui et pourquoi il aurait failli.

Lui reproche-t-on d'avoir dénoncé publiquement les difficultés de l'Inserm ? Si c'est le cas, notons que, tout comme nous, vous les déplorez également. Du reste, le Sénat, après avoir longuement étudié cette question, en a conclu que c'était non pas M. Bloch, mais l'incurie des gouvernements successifs et leur incapacité à définir une vraie politique de la recherche en santé qui avaient conduit à cette situation.

Pour quelles raisons M. Bloch aurait-il été dans l'incapacité de défendre le programme que vous venez de nous présenter ? Il semblerait, d'après ce que j'ai compris, que son projet soit similaire au vôtre : donner plus de moyens de l'Inserm et en renforcer le rôle, augmenter le nombre de CDI, etc.

Je n'ignore pas la lettre de l'article 13 de la Constitution et celle de la loi organique, qui disposent que le Président de la République désigne un candidat avant que le Parlement ne se prononce, mais peut-être aurions-nous pu organiser un débat contradictoire qui nous aurait permis de comprendre la différence entre vos deux programmes.

Dans notre pays, la recherche en santé se caractérise par une organisation en millefeuille. Il aurait été de bonne politique de réfléchir à une évolution de cette structuration, d'en tirer des stratégies publiques claires et de trouver le candidat approprié pour mettre en oeuvre ces politiques.

Je suis aujourd'hui très embarrassé pour émettre un avis sur votre candidature.

M. Yan Chantrel. - Vous avez déjà évoqué le silence de l'Inserm durant la pandémie. Il faut reconnaître que toute la responsabilité n'en incombe pas à cet organisme, puisqu'il a été écarté par le Président de la République au travers de la mise en place d'un comité scientifique. Quoi qu'il en soit, il est primordial que l'Inserm puisse désormais exercer ses missions de conseil du Gouvernement, d'aiguillon de la recherche et d'information du public. Il s'agit d'un préalable essentiel.

La ministre de l'enseignement supérieur a clairement fait part de son souhait de redéfinir les relations entre l'Inserm, le CNRS et les universités ; l'Inserm, comme le CNRS, pourrait perdre son rôle d'opérateur et d'acteur stratégique de la recherche pour devenir, dans un premier temps, une agence de gestion des personnels et des ressources. À terme, les budgets de la recherche pourraient donc être confiés à l'Agence nationale de la recherche, et les salariés de l'Inserm devenir un vivier d'enseignants fort utile pour les universités, auxquelles ils seraient rattachés. Est-ce ainsi que vous envisagez les choses ? Quelles sont, selon vous, les perspectives de l'Inserm et comment évolueront ses relations avec les universités ?

M. Stéphane Piednoir. - Permettez-moi tout d'abord, monsieur Samuel, de vous saluer pour l'ensemble de votre carrière et les compétences non négligeables dont vous disposez pour exercer la fonction que vous convoitez.

Sur le fond, plusieurs questions se posent.

Êtes-vous favorable à une hausse du nombre de postes attribués au titre des chaires de professeur junior (CPJ) ? Combien de postes serait-il nécessaire de créer au sein de l'Inserm via cette procédure ?

Vous avez évoqué le rôle que joue l'Inserm en matière d'alerte à la fois auprès de la communauté scientifique et du grand public. Que pensez-vous de ces éminents chercheurs qui ont pris la parole, en particulier sur les plateaux de télévision, au cours de la crise de la covid ? Considérez-vous que l'intégrité scientifique et l'obligation de réserve priment, notamment sur des sujets dont les contours sont encore mal connus - je pense aux essais thérapeutiques ?

En tant que rapporteur pour avis des crédits de la mission « Enseignement supérieur », je suis bien placé pour savoir que le partenariat entre les centres de recherche et l'université pourrait s'améliorer. Ces acteurs majeurs du monde de la recherche connaissent mal les travaux conduits par les uns et les autres : que pourrait-on faire pour remédier à cette difficulté ?

Pour terminer, je serai quelque peu impertinent : quelle est la durée exacte du mandat auquel vous postulez ?

Mme Annick Billon. - Je vous remercie, monsieur Samuel, pour avoir exposé en détail un parcours et une expertise qui légitiment votre candidature, même si je partage les réserves émises par notre collègue Pierre Ouzoulias.

Envisagez-vous de conduire et de développer des recherches « genrées » ? Pour prendre cet exemple, la délégation sénatoriale aux droits des femmes, que je préside, a engagé une réflexion sur la santé des femmes au travail et, hélas, constaté que nous ne disposions que de très peu de données sur le sujet. Ce type d'études ne serait dans ce cas, comme dans d'autres, pas inutile.

Selon vous, dans quelle mesure le plan Innovation Santé 2030 permettra-t-il d'améliorer la situation de la santé et de la recherche en France ? Nous aurait-il aidés à mieux gérer la pandémie ?

Vous avez sous-entendu que vous souhaiteriez mettre en place une nouvelle stratégie pour pallier les dysfonctionnements enregistrés au niveau des CHU. Pourriez-vous nous fournir une cartographie de ces dysfonctionnements, site par site ?

Enfin, à mon tour d'être impertinente : vous avez émis le voeu d'attirer des chercheurs à l'échelon mondial, mais il faudrait déjà réussir à retenir ceux qui travaillent en France !

Mme Sylvie Robert. - Nos questions sur la durée de votre mandat, monsieur Samuel, témoignent de l'importance que nous accordons, dans cette commission, à de telles auditions. La vôtre est d'autant plus importante que les réponses que vous apportez à nos questions vous engagent.

Ma question est simple : partagez-vous le constat de la Cour des Comptes, qui estime que l'Inserm exerce trop d'activités et qui lui recommande de se concentrer sur ses domaines d'excellence ? Feriez-vous vôtres ces recommandations et quelles seraient vos priorités à la tête de l'Inserm ?

Mme Sonia de La Provôté. - Je rejoins mes collègues sur le contexte particulier qui a conduit à examiner votre candidature aujourd'hui.

On observe aujourd'hui une hyperconcentration de la recherche hospitalière, ainsi qu'une concentration des moyens consacrés à l'innovation sur l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Êtes-vous favorable à une meilleure territorialisation de la recherche dans notre pays ? Est-ce un sujet de préoccupation pour vous ?

Durant la pandémie, nous avons rencontré d'immenses difficultés pour créer une cohorte de suivi digne de ce nom au niveau national. L'Inserm a un véritable travail à conduire à cet égard : selon vous, comment pourrait-on améliorer les choses et empêcher que seuls les principaux CHU soient en mesure de mettre en place des cohortes exploitables ?

Chacun sait que l'Inserm comporte une dimension européenne, puisqu'il coordonne une partie des travaux menés dans le cadre du consortium EU Response (European Research and Preparedness Network for Pandemics and Emerging Infectious Diseases) : où en est l'Institut de sa réflexion sur la nécessité d'organiser et de restructurer le secteur de la recherche au niveau européen ?

Enfin, en tant que futur ancien président de la conférence des doyens des facultés de médecine, monsieur Samuel, j'aimerais savoir si vous comptez laisser une feuille de route à votre successeur.

M. Laurent Lafon, président. - Vous avez insisté dans votre présentation liminaire sur la nécessité de définir des axes stratégiques sur un plan national : qui doit fixer ce cap selon vous ? Est-ce au ministère ou aux principaux organismes de recherche de le faire ?

M. Didier Samuel. - La durée du mandat d'un président de l'Inserm est de quatre ans : j'espère bien exercer cette fonction le plus longtemps possible, même si je ne maîtrise évidemment pas l'ensemble des paramètres. Je compte faire le maximum dans le temps qui me sera imparti.

Concernant les conditions de ma candidature, je tiens à préciser que j'entretiens de bons rapports avec Gilles Bloch, et que je ne me suis pas présenté contre lui, mais parce que j'ai une vision de l'Inserm différente de la sienne, un profil différent du sien, qui m'a notamment permis de m'investir longtemps dans le monde hospitalier, ce qui me semble constituer un atout si vous acceptiez de me confier la présidence de l'Inserm.

Je ne sais pas si le programme que je viens de vous présenter est différent de celui qu'il aurait détaillé si vous l'aviez reçu, mais je tiens à dire que j'ai été désigné à l'issue d'une compétition qui, je l'espère, a été saine. Un jury international a entendu les différents candidats à ce poste avant de proposer deux noms, celui de Gilles Bloch et le mien, noms qu'il a ultérieurement soumis aux ministres de tutelle. Ceux-ci nous ont auditionnés avant que la Première ministre et le Président de la République ne fassent leur choix.

Monsieur Chantrel, je regrette tout comme vous que l'Inserm ait été écarté au cours de la pandémie : il aurait effectivement dû être au premier plan de la lutte contre la covid-19.

S'agissant du positionnement de l'Inserm au sein du monde de la recherche, permettez-moi de m'exprimer franchement : je ne compte pas déconstruire l'Inserm. J'ai créé puis dirigé une unité de l'Institut pendant dix-sept ans, travaillé dans différentes commissions au sein de cet organisme. Je crois à la force de l'Inserm - il ne doit y avoir aucune ambiguïté à ce sujet - et je ne veux absolument pas qu'il devienne une agence gestionnaire de moyens. L'Inserm doit rester un opérateur pilote et développer une stratégie nationale.

J'ai l'habitude de m'exprimer avec franchise : j'ai clairement dit qu'il existait un sous-investissement dans le domaine de la recherche et que je regrettais à la fois ce qu'il faut bien appeler une dévalorisation des chercheurs et le fait que les CHU n'avaient plus le temps de se consacrer à la recherche. Je le répéterai à mes autorités de tutelle, si vous me désignez pour exercer cette présidence, et entend bien agir pour pallier ces difficultés.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur les relations entre les organismes nationaux de recherche (ONR) et les universités, ainsi que sur la territorialisation de la politique à mener.

Je suis actuellement doyen de la faculté de médecine Paris-Saclay, pôle universitaire auquel j'ai cru et que j'ai soutenu dès l'origine, considérant que le rapprochement entre l'université Paris-Sud et, d'une part, les grandes écoles et les différents ONR, d'autre part, les différentes composantes de l'université et les autres universités, était une force.

Aujourd'hui, Paris-Saclay a mis en place une quinzaine de graduate schools, dont quatre concernent la faculté de médecine que je dirige, ce qui a largement contribué au développement de la recherche transdisciplinaire : on observe ainsi un rapprochement entre la médecine et certaines disciplines comme les mathématiques, l'intelligence artificielle, la biostatistique ou la bioinformatique ; il n'est pas rare aujourd'hui de voir des mathématiciens ou des ingénieurs - issus de l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) ou de Supelec par exemple - proposer leurs projets à des chercheurs en médecine. L'avenir de la recherche s'inscrit dans ce partenariat entre acteurs, ONR, universités et hôpitaux.

Les universités, quelles que soient leurs forces, ont tendance à protéger et à privilégier le développement de leur site, et manquent d'une vision nationale. Or il est important que notre pays bénéficie d'une stratégie globale. Il est également primordial que nous soyons capables d'analyser les forces et les faiblesses de chaque site - je me déplacerai sur le terrain pour mener cette étude.

S'agissant de la prépondérance de l'AP-HP et de l'Île-de-France dans le domaine hospitalier, permettez-moi de vous faire remarquer que les capacités en recherche des établissements franciliens sont certes les plus importantes, mais qu'il existe d'autres CHU d'une taille loin d'être modeste sur le reste du territoire. Il faudra certainement encourager le travail en réseau de l'ensemble des établissements pour aboutir à une recherche de meilleure qualité. Une partie de ma mission pourrait consister à conseiller les dirigeants des différents CHU sur les stratégies à suivre.

Sur un plan national, il convient de définir des axes stratégiques clairs et de continuer à renforcer nos domaines d'excellence. Pour autant, il nous faut être capable de détecter les forces émergentes et novatrices et les aider à mener à bien leurs projets.

M. Piednoir m'a interrogé sur le volume de CPJ dont il serait souhaitable que l'Inserm dispose. Je considère que les dix postes qui lui sont attribués aujourd'hui ne suffisent pas ; en outre, l'Institut devrait davantage se coordonner avec les universités, car il arrive que celles-ci le concurrencent pour certains postes. J'ai soutenu la mise en place de ces chaires, véritable interface entre les deux univers que sont l'université et le monde de la recherche, car elles créent de l'emploi et entraînent une hausse du nombre des chercheurs en France.

Plusieurs questions ont porté sur la communication que l'on devrait mettre en place vis-à-vis du grand public.

Lors de la pandémie, l'hypermédiatisation des questions de santé a conduit au dérapage de scientifiques pourtant très brillants. J'ai d'ailleurs coutume de dire que la crise de la covid-19 a rendu fous certains chercheurs. Ce n'est certes pas un phénomène inédit, puisque ce fut aussi le cas il y a quelques années lors de la découverte du VIH, mais de tels dérapages sont inacceptables : il ne faudrait pas que la soif de pouvoir se substitue à la rigueur scientifique.

Nous devons nous aussi améliorer la communication envers le public, car certaines personnes croient à des thèses particulières sur les vaccins. Cela me rappelle les années 1990 : le vaccin contre l'hépatite B était accusé de transmettre la sclérose en plaques. Certes, ceux-ci entraînent parfois des effets secondaires, mais il convient d'évaluer la balance entre les bénéfices et les risques. Les réseaux sociaux ne nous facilitent pas les choses : nous devons respecter notre intégrité scientifique pour répondre à ce phénomène.

La recherche genrée est un point très important. Nous devons étudier l'impact de l'environnement sur la santé des Français. Les femmes sont ainsi plus exposées aux risques cardiovasculaires et aux infarctus du myocarde. Je veillerai à ce que l'Inserm travaille sur cette question.

Lorsque le Président de la République a lancé le plan Innovation Santé 2030, j'imagine qu'il avait en tête le modèle de la Biomedical Advanced Research and Development Authority (Barda) américaine. Or les moyens dont dispose la France sont moins importants que ceux des États-Unis : M. Bancel a obtenu plus de 500 millions d'euros en une journée pour accélérer le développement du vaccin Moderna. C'est pourquoi une réflexion s'impose au niveau européen. Réfléchissons à la prévention des maladies émergentes et soyons capables de mobiliser : c'est le rôle du président de l'Inserm de stimuler les gouvernants.

Il est possible d'établir une cartographie site par site pour les CHU. Travaillons avec eux pour les aider à définir une stratégie. Leur taille est variable et chacun ne pourra pas tout faire. Les projets qui seront auditionnés la semaine prochaine au titre des IHU sont de grande qualité. Tous ne dépendent pas de l'AP-HP.

Comment attirer et conserver des chercheurs au niveau mondial ? Bien sûr, on ne peut que regretter le départ de Mme Charpentier ou de M. Bancel. Nous devons garder nos chercheurs, valoriser leur carrière et leur offrir de bonnes conditions de travail. Nous devons améliorer les rémunérations, mais nous ne pourrons pas toujours être compétitifs.

Il n'est pas facile de construire des cohortes. Le programme d'investissements d'avenir (PIA) en a créé certaines, mais nous aurions dû nous montrer plus réactifs pour former une cohorte de lutte contre la covid-19. Il faut du temps pour qu'une cohorte soit efficace - entre 10 et 20 ans.

Les essais Discovery ont été créés ex abrupto ; nous avons affronté de nombreux obstacles. Il n'est pas facile d'organiser des essais européens académiques et multicentriques. La coordination entre les États européens est difficile ; les industriels s'en sortent mieux.

Si vous m'accordez votre confiance, j'abandonnerai mes fonctions de président de la conférence des doyens.

M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Didier Samuel aux fonctions de président de l'Inserm

M. Laurent Lafon, président. - Nous avons achevé l'audition de M. Didier Samuel, candidat proposé par le Président de la République pour exercer les fonctions de président de l'Inserm.

Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition de nomination.

Le vote se déroulera à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.

Le dépouillement aura lieu à 12 heures 15, de manière simultanée avec l'Assemblée nationale.

Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Il est procédé au vote.

Dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Didier Samuel aux fonctions de président de l'Inserm

La commission procède au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Didier Samuel aux fonctions de président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, simultanément à celui de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale.

M. Laurent Lafon, président. - Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale :

Nombre de votants : 16

Bulletins blancs : 0

Bulletins nuls : 0

Suffrages exprimés : 16

Pour : 2

Contre : 14

La commission donne un avis défavorable à la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Didier Samuel aux fonctions de président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.

La réunion est close à 12 h 30.