L'évolution du rôle du Parlement dans le processus budgétaire



Palais du Luxembourg, 24 et 25 janvier 2001

2. LES ORGANES DE CONTRÔLE ET LEURS RELATIONS AVEC LE PARLEMENT
par Mme Maria K. Aula Présidente de la Commission des finances du Parlement finlandais

Les gouvernements ont mis en place de nouvelles techniques de budgétisation et de gestion, par exemple la comptabilité sur la base des droits constatés et la budgétisation axée sur les résultats. Les parlements ne sont pas équipés pour procéder à un examen efficace de ces données nouvelles. Au cours de la présente session on examinera les mérites respectifs de ces nouvelles procédures et on débattra des implications qui en résultent sur les procédures réglementaires. On étudiera également les cabinets d'audits et leurs relations avec le Parlement.

1. Les incidences des réformes de la gestion publique et de l'accession à PUE sur les pouvoirs du Parlement en matière de budget

Au cours des dix dernières années, l'administration publique finlandaise a procédé à plusieurs améliorations structurelles et à aux nécessaires réformes de la gestion publique. Ces changements ont été également introduits dans de nombreux autres pays Membres de l'OCDE.

Parmi les réformes apportées par la Finlande à la gestion de la budgétisation publique, lancées à la fin des années 1980, on peut citer les suivantes :

- La gestion et la budgétisation ne sont plus axées sur les intrants mais orientées sur la performance et les résultats.

- Un certain nombre de postes du budget ont été regroupés pour devenir des postes de dépenses plus importants, de sorte qu'ils sont moins détaillés et que les informations sur les dépenses prévues sont fournies ex ante au Parlement. En outre, la période d'affectation des crédits a été partiellement allongée.

- Une part importante des finances de l'État a été placée hors budget (par exemple les fonds destinés au secteur du logement).

- On a réformé le système des subventions aux administrations locales, passant d'un système de transferts fondés sur les coûts à l'octroi de subventions forfaitaires.

- Un vaste éventail de mesures de transformation en sociétés commerciales et de privatisation ont été prises (par exemple le téléphone et la poste, l'entretien des propriétés immobilières de l'État, les chemins de fer de l'État). De nombreuses agences publiques ont également été transformées en entreprises commerciales.

Ces mesures ont eu de nombreuses incidences positives. Elles ont amélioré l'efficience et ont généré des économies. Elles ont également accru la flexibilité. Des centres de prise de décision ont été décentralisés en faveur des autorités locales ou régionales. On espère que les réformes ont par ailleurs rendu l'administration plus réceptive aux besoins des citoyens.

Parallèlement, ces réformes ont eu des incidences profondes sur les pouvoirs du Parlement en matière de budget. Ces derniers sont plus limités et étroits. Il est devenu plus difficile pour le Parlement de contrôler efficacement le budget du gouvernement et son exécution. D'un autre côté, les réformes se sont traduites par des pressions accrues en ce qui concerne les objectifs et stratégies d'ordre structurel à long terme, et la législation qui accompagne le projet de loi de finances. Toutefois, les facteurs de cette nature (objectifs à long terme, décisions stratégiques) qui interviennent dans le processus de budgétisation ne sont pas à ce jour très nombreux.

Outre ces réformes de gestion, l'accession de la Finlande à l'Union européenne a compliqué les procédures de budgétisation. Il est difficile de suivre le flux des fonds entre le budget national et les fonds structurels ou agricoles de l'UE. Il conviendrait en outre d'étudier si le recours à ces moyens est efficace ou non. Le Parlement finlandais s'est par ailleurs employé à orienter et à superviser les positions de notre gouvernement dans le Conseil budgétaire de l'Union européenne.

2. Débats au Parlement sur les moyens de renforcer les mécanismes de contrôle

On constate une divergence de vues entre les nouvelles procédures de gestion et de budgétisation et les pouvoirs du Parlement en matière budgétaire. Cette tension a fait, ces dernières années, l'objet de débats au Parlement. On a exprimé des préoccupations sur l'affaiblissement du pouvoir du Parlement en matière budgétaire dans plusieurs mémorandums établis par le Commission des finances et aussi par le Comité pour l'avenir.

Les membres du Parlement on apprécié les aspects positifs des réformes de gestion et de budgétisation publiques. Parallèlement, ils demandent des moyens plus efficaces et plus adéquats, ainsi qu'une meilleure mise à jour des informations afin de surveiller et de contrôler efficacement la gestion financière et l'exécution du budget par les gouvernements.

La Commission des finances a attiré l'attention sur le rôle des organes d'audit externes. A notre avis, l'évolution de la gestion et de la budgétisation publiques ont mis en évidence l'importance que présente pour les finances de l'État une vérification externe indépendante et efficace. Il conviendrait d'améliorer les courants et les échanges d'informations entre les cabinets externes d'audit et le Parlement, ce qui aiderait le Parlement à faire jouer ses pouvoirs en matière de budget.

En outre, le Comité pour l'avenir a requis des mesures permettant de définir des objectifs stratégiques à long terme, en sus des affectations budgétaires annuelles de crédits.

En vérité, tant le Parlement que le gouvernement portent la responsabilité de la situation en cours. Au cours des dix dernières années, le gouvernement et le Parlement se sont attelés à la tâche écrasante visant à équilibrer le budget après la grave récession financière du début des années 1990. Les ressources du gouvernement étaient trop rares à cette époque pour améliorer de façon significative la qualité et l'exactitude des informations fondées sur la performance qui étaient transmises ex post au Parlement.

D'une manière générale, des améliorations s'imposent dans l'application d'une budgétisation fondée sur la performance. Donnons un exemple : les unités administratives définissent souvent leurs objectifs en termes trop généraux, qui rendent difficiles de faire rapport sur l'évolution de la situation, La qualité des rapports varie considérablement d'une agence à l'autre.

D'un autre côté, les membres du Parlement n'ont montré que peu d'intérêt pour étudier les rapports d'audits ou financiers qui lui sont soumis. Les débats sont très vifs quand il s'agit d'établir le budget mais on constate un manque d'assiduité pour suivre son exécution. Le rapport du gouvernement sur l'état des finances (année N-1) et le rapport des auditeurs parlementaires officiels (année N-l) ont rarement donné lieu, au Parlement, à des débats dignes de ce nom. De surcroît, la procédure parlementaire de présentation aux membres du Parlement d'un document informatif s'accompagne de délais tellement longs que les documents ne sont discutés que l'année suivante (N-2).

Toutefois, une des raisons de cette absence de débat tient peut-être à la qualité des rapports. Les déclarations et évaluations figurant dans ces rapports et ces audits ne rendent généralement pas compte de la situation actuelle et ne sont pas assez approfondies. En outre, ces rapports ne contiennent pas d'évaluations suffisantes sur les stratégies (à long terme) ou n'abordent pas les choix difficiles.

3. Premières mesures visant à concilier les nouvelles méthodes de gestion et de budgétisation et des mécanismes efficaces de contrôle parlementaire

Nouveau statut judiciaire et élargissement des tâches du Service d'Audit de l'État (SAE)

Des premières mesures ont toutefois été prises, tant au Parlement qu'au gouvernement, pour améliorer cette situation. Il s'agit d'abord du nouveau statut juridique donné au SAE et de l'élargissement de ses tâches. En second lieu, on a redoublé d'efforts pour améliorer l'exactitude et la qualité du rapport sur l'état des finances adressé par le gouvernement au Parlement.

Enfin, le Parlement a décidé d'intensifier ses échanges d'informations avec le cabinet d'audit externe. Grâce à un amendement de la Constitution, il a modifié le statut judiciaire du Service d'audit de l'État. Cette réforme visait particulièrement deux objectifs ; en premier lieu le renforcement des pouvoirs de contrôle budgétaire du Parlement et en second lieu le renforcement de l'indépendance du SAE conformément aux normes internationales de l'INTOSAI (Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques).

Le Service d'audit de l'État-quoi qu'officiellement indépendant- oeuvrait généralement au sein du ministère des Finances. A compter du 1 er janvier de cette année 2001, le Service d'audit de l'État est un organe indépendant lié au Parlement.

Le Contrôleur général est nommé par le Parlement, mais c'est le Service qui décide en toute indépendance de ses activités. Le SAE soumettra son premier rapport annuel au Parlement en septembre 2002. Il comprendra les déclarations du SAE sur les comptes annuels de l'État ainsi que des observations d'audit fondamentales tirées des rapports de performance. D'autres rapports d'audits spéciaux pourraient également être communiqués au Parlement. Le Comité des finances présentera au SAE un document informatif sur son rapport, prévoyant d'éventuelles informations en retour au Service. Le Service d'audit de l'État comprendra un Comité consultatif officiel, dans lequel le Parlement sera représenté, entre autres organes de coopération.

Il est intéressant de signaler que l'amendement a eu pour origine le Parlement lui-même. Le ministère des Finances s'était formellement opposé à cette idée lorsqu'elle a été introduite au début des années 1960. Le ministère faisait valoir que la réforme obligerait le gouvernement à créer un nouvel organe pour répondre à ses propres besoins en matière d'audit externe. Il avait également évoqué le risque que le SAE devienne subordonné au Parlement.

Toutefois, la réforme a été conçue de sorte que les responsabilités du SAE à l'égard du gouvernement et de son administration ne soient pas atténuées. Outre son nouveau rapport annuel au Parlement, le SAE continuera à présenter ses rapports au ministère des Finances et aux objets d'audit. De leur côté, les agences gouvernementales exposeront leur réaction aux commentaires et aux conclusions figurant dans les rapports d'audit et de performance du SAE. Ainsi sera renforcé le principe de la responsabilisation. En tout état de cause, l'audit externe devrait être efficace et utile tant pour le gouvernement que pour le Parlement.

Dans des projets préliminaires, on considérait que le SAE serait assujetti à la supervision des auditeurs parlementaires. On avait également envisagé de regrouper ces derniers et le SAE pour former un nouvel organe officiel d'audit sous supervision parlementaire. Ces idées n'ont jamais été mises en pratique.

Les tâches du SAE et celles des auditeurs parlementaires restent distinctes. Le SAE se concentre sur l'audit et les auditeurs parlementaires sur la supervision. Le SAE est indépendant mais peut effectuer des audits à l'initiative du Parlement. Les auditeurs parlementaires ont pour fonction expresse de présenter des rapports visant à répondre aux besoins du Parlement. Ils sont élus parmi les membres du Parlement. Le SAE n'emploie que des auditeurs professionnels spécialistes en économie, qui s'inspirent des normes internationales en matière d'audit.

Leçons à tirer, incidences probables

On ne peut en fait tirer que peu de leçons de cette évolution, le processus étant encore à sa phase initiale. Nous accepterions très volontiers des conseils de la part des Parlements qui ont procédé à des réformes similaires.

A n'en pas douter, le Parlement sera dans l'ensemble plus conscient des travaux effectués par le SAE. Il souhaitera peut-être mieux connaître les avantages que présentent, pour le contrôle parlementaire, des activités d'audit externe, efficaces et modernes. La visibilité et la position du SAE en sortiront renforcées. Il pourrait en résulter, en temps utile, une augmentation des ressources très limitées de l'audit externe des finances publiques. Reste à voir si la réforme finira par rapprocher les travaux du SAE et ceux des auditeurs parlementaires.

Il faut signaler que les ressources du SAE sont consacrées de façon à peu près égale à l'audit annuel des comptes et à l'audit de performances (l'audit de performance est par nature ponctuel, mais il répond à un plan de contrôle). En mettant l'accent sur les audits de performance on renforce la valeur du processus de budgétisation parlementaire, où il est nécessaire de procéder à des comparaisons entre les performances attendues et les performances réalisées par les agences.

D'un autre côté, les procédures parlementaires concernant l'état des finances publiques ont été assez superficielles. L'état des finances publiques n'est pas approuvé par le Parlement. Il est confirmé par le Trésor et distribué aux membres du Parlement en tant que document informatif. Le rapport du SAE au Parlement renforcera certainement la valeur de cette procédure.

Il est vrai que le Parlement s'est fortement concentré sur les débats concernant le statut juridique du SAE mais qu'il a consacré moins d'efforts à l'évaluation des procédures du contrôle et de l'audit parlementaire au sein du Parlement. Le Comité des finances se propose d'évaluer son propre rôle au cours du printemps à venir.

Pour le moment, le traitement des différents rapports [rapport des auditeurs parlementaires, rapport gouvernemental (N-1)] s'effectue conjointement mais ces rapports ne sont pas intégrés d'une façon appropriée qui leur permette de contribuer au processus budgétaire annuel (N+1). La question des calendriers pose un problème. Le rapport gouvernemental est soumis en septembre et celui des auditeurs parlementaires en novembre-décembre. Pour des raisons d'ordre pratique, ces deux rapports sont examinés conjointement au cours de la session de printemps. Le Comité s'occupe du budget proprement dit au cours de la session d'automne. Évidemment il faudra adapter cette procédure de sorte à y inclure le troisième élément - le nouveau rapport annuel du SAE.

Améliorer la qualité du rapport financier du gouvernement au Parlement

Comme nous l'avons déjà mentionné, outre la réforme du statut juridique du SAE, d'autres mesures ont été prises visant à améliorer les capacités de contrôle budgétaire du gouvernement. Le gouvernement s'est efforcé d'améliorer la qualité et l'exactitude des rapports financiers et des rapports de performance présentés par les agences au gouvernement et par le gouvernement au Parlement. (À quoi s'ajoute un nouveau système de comptabilité sur la base des droits constatés, employé parallèlement au système traditionnel de suivi fondé sur la comptabilité d'exercice). Le fait de communiquer ex post les rapports contribue fondamentalement à une plus grande responsabilisation du gouvernement et de l'administration.

Selon la Constitution, le gouvernement doit soumettre au Parlement un rapport annuel sur les finances publiques. Ce rapport est présenté au mois de septembre, conjointement avec les propositions budgétaires pour les années à venir. Il est censé apporter des données supplémentaires de base, utiles au processus budgétaire parlementaire.

Le ministère des Finances et la Commission des finances tiennent des consultations régulières pour mettre au point la teneur de ce rapport, afin qu'il réponde au mieux aux attentes et aux besoins du Parlement. À l'heure actuelle, ce rapport comprend trois grandes parties et des annexes. La première partie porte sur l'évolution économique, la politique économique et les finances de l'administration centrale. La deuxième partie, qui y figure depuis 1998, consiste en un rapport sur l'efficacité de l'administration (productivité, qualité et rentabilité). La troisième partie est un rapport du gouvernement sur les objections apportées aux comptes présentés.

Le rapport relatif à l'efficacité de l'administration est à l'heure actuelle établi par chaque ministère à partir de son propre rapport annuel et de celui de ses agences. Il en résulte que l'information y est d'un caractère plutôt général et manque de cohérence.

Il conviendrait qu'un plus grand nombre d'études analysent d'une année sur l'autre le rapport entre les objectifs fixés et les résultats réellement obtenus. Toutefois, l'intérêt s'est focalisé, au sein du gouvernement, sur le recours systématique au processus de gestion et de budgétisation fondées sur la performance. On étudiera à cet égard le rôle de l'audit interne et de l'audit externe. Dans le suivi et le contrôle des services publics, il nous faut mettre davantage l'accent sur l'évaluation et sur les indicateurs fondés sur les résultats de l'évaluation.

De nombreuses idées ont été avancées quant à la teneur du rapport du gouvernement sur les finances. Du point de vue des parlementaires, il serait bon que ce rapport récapitule les problèmes non seulement ministère par ministère, mais aussi fonction par fonction. Certaines questions, par exemple la recherche-développement, le développement régional et le flux des fonds de l'Union européenne doivent être analysées sur un plan interministériel. Il serait également utile de disposer d'informations au moins ex post concernant la répartition des deniers de l'État à l'échelle des régions. Ce rapport pourrait également traiter de la façon dont les autorités locales ont en fait réparti les sommes qui leur ont été transférées entre les secteurs de l'éducation, de la santé, de la politique sociale et autres, ainsi que de l'efficacité de ces services.

Le Parlement a par ailleurs estimé qu'il serait préférable que le suivi donné à ses déclarations explicites sur le budget annuel figure dans le rapport du gouvernement sur les finances. À l'heure actuelle, toutes les déclarations parlementaires sont reprises dans un autre rapport gouvernemental.

4. En résumé

À ce jour, les audits externes sur les finances publiques, les rapports de performance et les rapports gouvernementaux sur les finances n'ont joué qu'un rôle marginal sur l'exercice, par le Parlement finlandais, de ses pouvoirs en matière budgétaire. L'examen de ces rapports a été considéré par le Parlement comme une routine plutôt fastidieuse, au regard de décisions autrement excitantes telles les autorisations budgétaires annuelles.

Récemment toutefois, le Parlement s'est montré plus disposé à considérer que les mécanismes de surveillance et d'audit constituent un élément important de ses pouvoirs en matière budgétaire ; attitude plus appropriée à une adaptation du contrôle budgétaire par le Parlement aux impératifs des nouveaux principes de la gestion publique.

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