Table des matières




Mardi 18 mars 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Mission d'information chargée d'étudier le patrimoine immobilier universitaire - Présentation du rapport d'information

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la mission d'information chargée d'étudier le patrimoine immobilier universitaire.

Après avoir rappelé qu'il avait souhaité développer le rôle d'information de la commission en créant plusieurs missions consacrées respectivement à l'évolution du secteur de l'exploitation cinématographique, à la gestion des collections des musées, à la diffusion de la culture scientifique et à l'étude du patrimoine immobilier universitaire, M. Jacques Valade, président, a indiqué qu'il avait suivi tout particulièrement les travaux de cette dernière, en liaison avec son rapporteur.

Il a noté l'importance de ce patrimoine et la difficulté de rendre compte des opinions très diverses émises par les acteurs multiples concernés -Etat, collectivités territoriales, universitaires, autorités rectorales- dont le rôle peut varier selon les académies.

Il a souligné que cette mission n'avait pour objet que de recueillir des informations et ne disposait pas des prérogatives d'une commission d'enquête ou d'une délégation de la commission des finances, et que celle-ci était parvenue, au terme de difficiles investigations, à formuler un ensemble de propositions cohérentes.

Il a remercié le rapporteur pour son investissement personnel dans cette tâche, ainsi que l'ensemble des membres de la mission, notamment ceux représentant Paris et l'Ile-de-France, pour leur participation à ses travaux.

Après avoir salué le rôle essentiel joué par le président Jacques Valade dans l'orientation des travaux de la mission, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a indiqué que la première partie du rapport insistait d'abord sur l'importance considérable du patrimoine immobilier universitaire, qui a été multiplié par deux en quinze ans, afin de répondre aux besoins nés de l'explosion de la démographie étudiante, de nouveaux modes d'enseignement et des nouveaux choix d'études.

Il a indiqué que ce patrimoine était largement sous-utilisé, du fait de l'organisation traditionnelle de la semaine et de l'année universitaires, même si une « rentabilisation » plus satisfaisante s'amorce dans les académies, compte tenu notamment du développement des formations supérieures professionnalisées.

Il a estimé que l'accueil d'étudiants étrangers plus nombreux, d'adultes en formation continue, de colloques et de congrès, s'imposait pour rentabiliser de manière plus satisfaisante les équipements universitaires : l'ouverture de l'université à de nouveaux publics est ainsi nécessaire pour compenser l'évolution à la baisse de la population étudiante, sauf à voir se développer de véritables friches universitaires, notamment dans certains sites d'implantation récente.

Il a ensuite constaté que ce patrimoine était fortement dégradé et présentait une sécurité aléatoire pour environ le tiers des bâtiments universitaires, et que les crédits de maintenance affectés aux établissements étaient insuffisants, en dépit d'une augmentation sensible constatée à partir de 2000.

Il a noté que le parc immobilier des résidences et cités universitaires était à la fois sous-utilisé et très insuffisant dans certaines académies, que la politique de construction et de rénovation ne prenait pas toujours en compte les nouveaux comportements étudiants, et leur demande de proximité, et que le tiers des cités universitaires étaient fortement dégradées et exposées principalement au risque incendie.

M. Jean-Léonce Dupont a ensuite indiqué que la deuxième partie du rapport était consacrée au recul de l'Etat dans la politique immobilière universitaire : les bâtiments universitaires restent aujourd'hui, aux termes de la loi d'orientation sur l'éducation de 1989, la propriété de l'Etat ; celle-ci a certes permis d'accroître l'autonomie des établissements dans le domaine immobilier, mais elle s'est traduite plus par un transfert des obligations du propriétaire que par un transfert des droits correspondants.

Si la logique conduirait à transférer ce patrimoine aux établissements, seules une vingtaine d'universités auraient la capacité de gérer leur patrimoine : il a indiqué que les responsables universitaires étaient très réservés à l'égard d'un tel transfert et qu'une dévolution aux régions suscitait encore plus de réticences des établissements et des académies.

Il a ajouté que les régions étaient elles-mêmes très partagées sur l'expérimentation de nouvelles compétences en matière de constructions universitaires et que la Conférence des présidents d'universités (CPU) avait exprimé son hostilité à tout transfert de tutelle vers les régions. Il a enfin précisé qu'une gestion mutualisée du patrimoine immobilier universitaire ne saurait concerner que quelques sites universitaires importants, comme les pôles européens.

Au total, le rapporteur a estimé qu'aucune solution générale ne s'imposait pour le transfert de la propriété des bâtiments universitaires et a préconisé une dévolution expérimentale, suffisamment large et réversible, aux territoires ou aux établissements volontaires, celle-ci devant être évaluée au bout de cinq ans pour être éventuellement consolidée, voire étendue.

Il a ensuite rappelé que la politique immobilière universitaire était désormais largement contractualisée : cette émergence des territoires et des établissements se traduit naturellement dans les contrats de plan Etat-régions (CPER) et l'irruption des universités comme nouvel acteur partenaire de l'Etat dans les contrats quadriennaux. Cette contractualisation a produit certes des effets bénéfiques, mais a eu aussi des aspects négatifs : une certaine dilution de la carte universitaire, une implantation parfois anarchique des formations courtes professionnalisées, une surenchère entre les collectivités.

Il a également évoqué la nécessité d'un aménagement des procédures de construction, dont le caractère contraignant se traduit notamment par d'importants retards dans la consommation des crédits d'investissement, et a indiqué que les académies préconisaient des négociations avec les acteurs -collectivités et établissements- plus en amont dans le cadre des contrats de plan, soulignaient la lourdeur du système d'expertise et de gestion budgétaire, ainsi que les contraintes du code des marchés publics et de l'exercice de la maîtrise d'ouvrage.

Il a insisté sur le nécessaire maintien d'une cohérence générale en matière de politique immobilière universitaire, afin de prendre en compte les orientations du schéma des services collectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont la portée n'est qu'indicative : en conséquence, le pilotage de la politique immobilière universitaire ne saurait être exclusivement local, mais devrait s'inspirer d'une démarche patrimoniale de niveau régional, prendre en compte la dimension européenne, impliquer une coordination plus satisfaisante, promouvoir un regroupement des disciplines et des sites universitaires.

Le rapporteur a enfin abordé la partie du rapport consacrée à la situation délicate du bâti universitaire francilien, et surtout parisien.

Parmi les opérations universitaires en cours, il a indiqué que la priorité était naturellement accordée à l'implantation du pôle universitaire de la Zac-Rive gauche.

Il a ensuite tenté de démêler l'écheveau des opérations qui s'enchaînent à Jussieu depuis près de 25 ans : premiers travaux de protection et de mise en sécurité, études préliminaires, chantier expérimental, calendrier initial et accélération du chantier général de mise en sécurité et de désamiantage, projet de restructuration du campus... Il a constaté que l'enchevêtrement de ces diverses opérations et la difficulté d'identifier les divers acteurs impliqués dans le processus décisionnel retenu ont sans doute contribué à entretenir une certaine « omerta » sur le dossier de Jussieu et sur son coût total.

Il a rappelé à cet égard que le coût prévisionnel de l'ensemble des opérations avait été revu à la hausse, à hauteur de 4,4 milliards de francs, soit 681 millions d'euros, en novembre 2001, du fait de la décision d'accélérer le chantier, et indiqué que les surcoûts imputables aux deux principales opérations parisiennes (Zac-Rive gauche et campus de Jussieu) avaient été gagés par un redéploiement en interne dans le cadre des contrats de plan, au détriment des projets universitaires régionaux.

Il a noté que le déplacement de la mission à Jussieu avait permis de constater la dégradation du campus au fil des années et la difficulté de gérer un ensemble architectural aussi dispersé et important, que la sécurité scientifique présentait de graves lacunes, que les coûts de fonctionnement étaient anormalement élevés, que l'opération de désamiantage devait s'accompagner d'une prévention du risque incendie et que le coût des locaux tampons représentait le tiers du coût total des opérations programmées sur le campus.

Il a souligné la qualité très relative de la rénovation déjà réalisée sur une barre désamiantée et s'est interrogé sur la pérennité de cette réhabilitation, ainsi que sur les surcoûts générés par la nécessité de respecter le caractère architectural de l'oeuvre initiale.

Il a ensuite exposé les grandes lignes du projet Nouvel de réhabilitation du campus, qui avait pour ambition d'ouvrir le campus sur la ville, et les raisons, notamment budgétaires, pour lesquelles ce schéma directeur a finalement été écarté.

Evoquant ensuite la délocalisation moins controversée de Paris VII sur la Zac-Rive gauche, qui s'intègre dans une opération ambitieuse d'urbanisme, il a indiqué que ce déménagement obéissait à une logique universitaire et à la nécessité d'un regroupement des sites, trop éparpillés.

Il a fait part des réserves exprimées par le président de Paris VII, s'agissant des modalités de désignation de l'architecte choisi pour la Halle aux farines, et surtout du coût et des inconvénients du projet de rénovation retenu. Il a ensuite exposé la solution alternative présentée par les responsables de l'université pour accélérer le déménagement de l'université avant le terme de l'actuel contrat de plan, réaliser des économies sur le coût de location des locaux tampons et implanter les laboratoires de recherche hors des nuisances ferroviaires.

Il a fait observer que les deux opérations emblématiques de Paris VI et Paris VII occultaient les besoins très importants des autres universités parisiennes et a rappelé que le programme de mise en sécurité et de rénovation de Jussieu était encore relativement peu avancé : moins du tiers des crédits sont en effet engagés, et un peu plus du cinquième, mandatés.

Il a ainsi constaté que sa réalisation totale n'avait rien d'inéluctable pour peu qu'une volonté se manifeste pour stopper les opérations en cours et programmées, et reloger une partie des activités scientifiques de Paris VI à bref délai, dans des conditions satisfaisantes. Une telle solution permettrait, conformément aux souhaits d'une partie de la communauté universitaire, de préserver le potentiel de recherche de la capitale, en maintenant la première université scientifique à Paris.

Il a estimé que le maintien de Paris VI à Jussieu représentait sans doute la plus déplorable des décisions, ou plutôt des non-décisions prises en matière universitaire, M. Luc Ferry étant convenu devant la mission que « toutes les décisions prises concernant Jussieu avaient été mauvaises ».

Sur un plan budgétaire, il a noté que le programme de mise en sécurité et de réhabilitation de Jussieu représentait environ le dixième du total des crédits du plan U3M, le tiers des crédits apportés par l'Etat pour l'université dans les contrats de plan 2000-2006, un coût supérieur aux crédits d'Etat du seul contrat de plan francilien et près du double des crédits inscrits dans le CPER pour le programme universitaire d'aménagement de la Zac-Rive gauche.

Il a également rappelé que le coût prévisionnel des opérations de restructuration de l'ensemble des universités parisiennes, hors Jussieu, s'élevait environ à 3 milliards de francs, soit un montant très inférieur à l'enveloppe officielle réservée au campus de Jussieu, qui accueille sur site certes, la première université scientifique française, représentant 15 % du potentiel national de recherche, mais moins de 20.000 étudiants, soit 1 % de l'ensemble des étudiants accueillis par notre système universitaire.

Il a évoqué, dans le même temps, les besoins criants de réhabilitation et de regroupement des autres universités parisiennes, le caractère sinistré du logement étudiant à Paris, les conditions de vie étudiante qui y sont très insuffisantes, les moyens chichement mesurés des premiers cycles des universités franciliennes extra-muros, la fermeture du campus d'Orsay aux étudiants au début de 2003, faute de chauffage, les restrictions budgétaires des crédits de la recherche dans la dernière loi de finances.

Alors que le campus de Jussieu aurait dû être, selon lui, en toute logique, rasé en temps utile, reconstruit sur site, ou ailleurs, après valorisation de son foncier, il s'est demandé, sauf à cautionner une telle dérive budgétaire, s'il était encore temps de rompre le processus en cours, compte tenu des crédits déjà consommés et engagés, et d'envisager d'autres alternatives, moins coûteuses pour les deniers publics. Il a estimé que la mission avait le devoir de lever une certaine loi du silence et d'attirer l'attention du Sénat et de l'opinion sur cette fuite en avant budgétaire.

Le rapporteur a proposé en conséquence qu'une mission d'expertise technique et financière soit constituée dans les meilleurs délais par le Gouvernement pour examiner en toute urgence toutes les solutions alternatives au programme actuel de mise en sécurité et de réhabilitation de Jussieu. Il a par ailleurs souhaité que les inspections générales et la Cour des comptes soient mobilisées pour examiner la situation des universités parisiennes et analyser les crédits ayant bénéficié, depuis le début des années 80, aux universités Paris VI, Paris VII et à l'établissement public du campus de Jussieu.

Il a également suggéré que le Sénat se penche sur ces dossiers, en organisant un débat d'orientation sur la situation du patrimoine immobilier universitaire et qu'une commission d'enquête soit créée pour faire la lumière sur le processus décisionnel qui a conduit à conserver et à réhabiliter le campus de Jussieu. Il a enfin indiqué que le rapport formulerait 25 propositions, ordonnées autour de six priorités.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que ce rapport d'information, élaboré avec un souci de responsabilité, devait être présenté à la commission, qui peut, seule, en autoriser la publication.

M. Alain Dufaut a estimé qu'il était encore temps de remettre en cause l'opération de Jussieu, dont l'enveloppe prévisionnelle a toutes les chances d'être encore dépassée, et a souligné la qualité médiocre de la réhabilitation déjà entreprise, dont la pérennité apparaît aléatoire, alors qu'une construction nouvelle aurait été infiniment moins coûteuse.

Mme Danièle Pourtaud a félicité le rapporteur pour la qualité de son rapport et a manifesté son accord avec son analyse sur le bilan et la situation des universités parisiennes. Elle s'est cependant inquiétée des conséquences de certaines des préconisations de la mission pour la communauté universitaire, qui travaille dans des conditions difficiles, en rappelant que l'Etat était exclusivement responsable de l'opération de Jussieu.

Elle a noté que la Ville de Paris n'avait jamais été saisie de propositions alternatives à la réhabilitation du campus, alors qu'elle est désormais partie prenante dans le plan U3M, et a regretté que la Ville et la région Ile-de-France ne se soient pas impliquées dans le passé dans le patrimoine immobilier universitaire.

Elle a fait observer, à cet égard, que Paris avait fourni le terrain où sera édifié le nouveau site universitaire de la Zac-Rive gauche, et que la Ville n'avait jamais été sollicitée quant au devenir de l'université Paris VI.

Acceptant le principe de la création d'une mission d'expertise technique et financière sur Jussieu, elle s'est en revanche interrogée sur l'opportunité de confier à la Cour des comptes et à une commission d'enquête parlementaire un tel dossier, ces initiatives risquant, selon elle, de renforcer la suspicion des citoyens au regard de l'utilisation de l'argent public mis à la disposition des universités et de nuire à l'ensemble de la communauté universitaire.

Elle a évoqué à cet égard l'enquête récente d'un hebdomadaire qui tend à remettre en cause l'excellence des universités parisiennes et a exprimé la crainte que la mise en place de telles structures d'enquête ne porte atteinte au potentiel scientifique français. Elle s'est enfin interrogée sur le niveau réel de la sécurité scientifique.

M. Jacques Valade, président, a estimé qu'il convenait de distinguer le potentiel scientifique de nos universités et les problèmes de construction, et de rénovation, qui ne relèvent pas des universitaires, et que la mission avait naturellement vocation à informer l'opinion des dysfonctionnements constatés en ce domaine.

Mme Annie David s'est associée aux félicitations adressées au rapporteur, mais a exprimé des réserves quant à une expérimentation trop générale de la dévolution du patrimoine immobilier universitaire, qui ne devrait s'effectuer, selon elle, qu'avec l'assentiment des universités ou des collectivités concernées, et avec un transfert correspondant des moyens.

M. Jacques Legendre a également félicité le rapporteur pour son analyse approfondie et pour la vigueur de ses propositions. Il a cependant souhaité que les problèmes universitaires parisiens n'occultent pas les difficultés des universités en région, dont le développement s'est effectué grâce à l'effort des régions et des collectivités, notamment en direction des premiers cycles.

Il a également considéré que la réhabilitation médiocre engagée à Jussieu, et dont la pérennité apparaît des plus aléatoires, n'était pas à la hauteur du nécessaire rayonnement des universités parisiennes. Il a enfin estimé que nos universités devaient être plus attractives pour attirer davantage d'étudiants étrangers.

M. Pierre Laffitte a salué le travail rigoureux et les conclusions du rapporteur et s'est déclaré favorable à la création par le Gouvernement d'une mission d'expertise technique et financière sur Jussieu ; il s'est cependant interrogé sur la nécessité de compléter celle-ci par une commission d'enquête parlementaire.

Partageant le jugement éclairé formulé par M. Alain Dufaut sur la médiocrité de la rénovation engagée à Jussieu, il a regretté qu'autant d'argent public soit gaspillé, alors que les moyens des pôles universitaires d'excellence sont chichement mesurés, portant ainsi atteinte à la qualité du travail des universitaires.

M. Ivan Renar a souligné l'intérêt du rapport présenté, mais a exprimé sa perplexité au vu de l'opération de Jussieu, quant aux conséquences budgétaires d'une plus grande autonomie des universités, dans le cadre du plan décentralisateur récemment annoncé par le Premier ministre à Rouen. Au-delà de ce débat, il s'est interrogé sur l'avenir de nos universités, dont la situation financière est très diverse et sur les moyens qui leur seront accordés.

Il a enfin estimé que le classement des universités, effectué par l'hebdomadaire cité par Mme Danièle Pourtaud, ne constitue qu'un indicateur, qui ne rend pas compte du rayonnement réel des établissements.

Répondant à ces interventions, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a notamment apporté les précisions suivantes :

- la mission d'expertise technique et financière diligentée par le Gouvernement pourrait conclure, soit que l'opération de Jussieu est trop engagée pour être arrêtée, soit qu'elle peut être remise en question, ce qui permettrait alors à la communauté universitaire d'intervenir dans le débat ;

- l'expérimentation de la dévolution du patrimoine immobilier universitaire aux établissements ou aux régions resterait fondée sur le volontariat et serait réversible, toute consolidation impliquant un nouveau statut juridique des établissements ;

- l'évolution de la démographie étudiante conduira nécessairement à une compétition plus vive entre les sites universitaires.

M. Jacques Valade, président, a indiqué à Mme Danièle Pourtaud que la sécurité scientifique à Jussieu n'était pas assurée dans certains laboratoires de physique et de chimie, notamment du fait du stockage de solvants, situation qui n'est d'ailleurs pas propre à ce campus, la plupart des laboratoires universitaires étant, selon lui, susceptibles d'être fermés, s'ils devaient être visités par les commissions de sécurité.

La commission a enfin adopté les conclusions de la mission d'information, les commissaires des groupes socialiste et CRC s'abstenant, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Mécénat et fondations - Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur

Au cours de la même réunion, la commission a demandé à être saisie pour avis du projet de loi n° 678 (AN) relatif au mécénat et aux fondations, sous réserve de son adoption et de sa transmission par l'Assemblée nationale.

La commission a désigné M. Philippe Nachbar rapporteur pour avis de ce projet de loi.

Enseignement - Audition de M. Raymond-Philippe Garry, directeur de l'IUFM de Clermont-Ferrand et président de la Conférence des directeurs d'Instituts universitaires de formation des maîtres

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Raymond-Philippe Garry, directeur de l'IUFM de Clermont-Ferrand et président de la Conférence des directeurs d'Instituts universitaires de formation des maîtres, qui était accompagné de Mme Jeanine Caplet et de MM. Mark Sherringhan, Jacques Pelous et Jean-Jacques Dupin, vice-présidents.

M. Jacques Valade, président, a salué le rôle joué par les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), institutions de proximité, et a estimé utile de dresser un bilan de leur action.

M. Raymond-Philippe Garry a rappelé que les IUFM, au nombre de 31, dont cinq situés dans les DOM-TOM, accueillaient environ 85.000 étudiants sur les 130 sites ouverts depuis leur création il y a 12 ans.

Il a tout d'abord présenté les deux défis majeurs que les IUFM étaient appelés à relever. Les IUFM doivent en premier lieu faire face au défi du recrutement et de la formation des enseignants alors que, dans les cinq prochaines années, 200.000 enseignants devront être recrutés et formés, ce qui représente 25 % du nombre des étudiants titulaires d'une licence, vivier qui ne suffira pas à répondre à ces besoins. Par ailleurs, il a précisé que 35 à 40 % de ces futurs professeurs, dans la mesure où ils seront contractuels, vacataires ou recrutés sur listes complémentaires, arriveront devant leur classe sans bénéficier d'aucune formation préalable. Il a fait observer que cette situation, exceptionnelle et préoccupante, n'était toutefois pas propre à la France.

Le second défi lancé aux IUFM réside dans la mise en conformité de la formation des maîtres avec l'organisation européenne et internationale des études supérieures, dans le sillon de l'inscription progressive de l'enseignement supérieur français dans le schéma Licence-Mastère-Doctorat (LMD). Il a rappelé à ce sujet les objectifs du traité de Nice visant notamment à favoriser l'ouverture au monde extérieur des systèmes d'éducation et de formation, afin qu'à terme les enseignants puissent obtenir leur qualification, sous la forme d'un mastère professionnel, dans n'importe quel Etat membre et être recrutés dans tout pays de l'Union.

Il a rappelé que le système français de formation des maîtres faisait intervenir trois acteurs : les universités, principalement impliquées dans la formation disciplinaire jusqu'à la licence, ainsi que dans la préparation des Certificats d'aptitude à l'enseignement secondaire (CAPES), les IUFM et les établissements scolaires, (à la fois lieux d'exercice du métier et lieux de stages).

Il a indiqué que les IUFM intervenaient en matière de formation initiale et continue des maîtres, hors agrégation. Ils assurent la préparation de 70 % des concours des premier et second degrés, ainsi que la formation professionnelle des professeurs stagiaires au cours de la deuxième année d'IUFM, en étroite collaboration avec les établissements et les corps d'inspection. Il a précisé que la participation des IUFM à la formation continue était très variable selon les académies, le recteur en étant le maître d'oeuvre.

Il a ensuite indiqué que notre système actuel de formation des enseignants faisait l'objet de nombreuses critiques, qui concernent l'absence de connaissance réelle du métier des étudiants se présentant aux concours, l'insuffisante professionnalisation du cursus, la juxtaposition incessante par le ministère de nouveaux modules de spécialisation aux plans de formation existants, de même que l'insuffisance, voire l'absence de liaisons, entre formation initiale et continue, et enfin la prise en compte trop partielle des parcours des futurs professeurs, lesquels souhaiteraient une formation à la fois plus disciplinaire et plus qualifiante.

Il a indiqué que l'action des IUFM eux-mêmes était également contestée. En dépit des contrats et du cahier des charges qui les lient à leur ministère de tutelle, les IUFM sont parfois considérés comme trop autonomes. Par ailleurs, certains leur reprochent de privilégier la théorie sur la pratique et de consacrer une place trop importante à la pédagogie et aux sciences de l'éducation ; à cet égard, il a relevé que seulement 70 à 80 professeurs sur les 4.000 professeurs permanents des IUFM étaient des spécialistes de ces matières, et que, par ailleurs, 40.000 formateurs non issus du système scolaire - médecins, juges ou autres professionnels - intervenaient au sein des IUFM.

Répondant à ces diverses critiques, il a indiqué que la seule expertise solide sur les IUFM, qui émanait du Conseil national d'évaluation (CNE), avait dressé un bilan plutôt positif de la formation des enseignants.

Il a ensuite évoqué les objectifs qui devaient à l'avenir constituer les priorités du système de formation des maîtres, à savoir attirer des étudiants motivés (au moyen de campagnes de sensibilisation, de stages de préprofessionalisation, de validation des acquis de l'expérience ou d'allocations d'études pour les filières les plus sinistrées, les matières scientifiques notamment), former pour tous types de recrutement, en amont et en aval du concours, et enfin assurer un recrutement de qualité, mission qu'il revient à l'Etat d'assumer.

Il a indiqué que la principale difficulté à laquelle étaient confrontés les IUFM résidait dans la recherche d'une articulation satisfaisante entre la théorie et la pratique dans une formation qui se veut professionnelle. Il s'est montré favorable au développement d'un continuum entre formation initiale et formation continue, ainsi qu'à un renforcement des liens entre les IUFM et les établissements, afin de satisfaire au mieux aux exigences d'un système de formation confronté aux évolutions des conditions d'enseignement.

Il a par ailleurs précisé que les IUFM, véritables « maisons de l'enseignement », devaient poursuivre leur rapprochement avec les universités, mais aussi aspirer à devenir un lieu de réflexion et de recherche sur l'école et l'enseignement et non pas se convertir en instituts professionnels.

Afin d'accompagner ces mutations, il a suggéré la création d'un Haut comité de la formation des maîtres, au sein duquel seraient représentés les corps d'inspection, les directions des ministères, les directeurs d'IUFM et les présidents d'université, qui aurait pour rôle de fixer les priorités assignées à la formation et de procéder à son évaluation.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Jacques Valade, président, a souligné l'intérêt des sénateurs, en leur qualité d'élus locaux en relation permanente avec les maires et les équipes éducatives, pour les évolutions susceptibles d'affecter les méthodes d'enseignement et de formation des maîtres. Rappelant la vocation qui animait jadis les « hussards de la République », il s'est interrogé sur la part de foi et d'engagement personnel des étudiants qui se présentent aujourd'hui aux concours de l'éducation nationale.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement scolaire, a souhaité connaître la nature des difficultés existant dans les relations entre les IUFM et leur ministère de tutelle, remarquant que les IUFM se montraient très critiques au sujet des exigences exprimées dans le cahier des charges qui leur est adressé par ce service.

Par ailleurs, il a souligné le décalage existant entre la perception par les IUFM de leur fonctionnement et les nombreux griefs souvent sévères qui pouvaient se manifester à leur endroit.

Il s'est ensuite interrogé sur la part exacte dévolue aux intervenants extérieurs dans la formation délivrée par les IUFM.

Enfin, concernant la validation des acquis de l'expérience professionnelle, il a souhaité savoir dans quelle mesure les futurs assistants d'éducation pourraient faire reconnaître leur expérience au niveau des IUFM.

M. Jacques Legendre s'est interrogé sur les raisons qui pouvaient justifier la création d'un Haut comité pour la formation des maîtres, estimant que la responsabilité de définir les priorités et les orientations majeures en ce domaine appartenaient à l'Etat.

Observant que de nombreux jeunes enseignants étaient affectés pour leur premier poste dans des secteurs difficiles, sans bénéficier au préalable d'une formation spécifique, Mme Brigitte Luypaert s'est interrogée sur les façons de remédier à cette lacune qui rend souvent difficile l'adaptation de ces jeunes professeurs.

Mme Annie David a souhaité obtenir des précisions sur les moyens de renforcer les liens des IUFM avec les établissements d'enseignement.

Elle s'est en outre demandé comment développer la formation des futurs enseignants avant leur entrée en fonction, afin qu'ils soient suffisamment armés pour faire face aux responsabilités qui les attendent.

M. Jean-Marc Todeschini a souhaité connaître le taux de réussite aux concours des étudiants issus des IUFM.

En réponse aux différents intervenants, M. Raymond-Philippe Garry a apporté les précisions suivantes :

- une récente étude établie par M. Michel Aublin, inspecteur général de l'éducation nationale, relative à la vocation des professeurs, a dressé un constat plutôt positif, relevant un certain amour de la discipline de la part de nombreux jeunes enseignants et le sentiment partagé d'exercer « un métier qui donne du sens à la vie » ;

- concernant le cahier des charges adressé aux IUFM par leur ministère de tutelle, la seule difficulté réside dans les commandes nouvelles qui apparaissent de manière ponctuelle, en dehors des contrats conclus tous les quatre ans, et qui traduisent les  évolutions permanentes du système, par exemple en matière de violence, de lutte contre l'illettrisme, ou d'enseignement des arts ou des langues. Il est en effet difficile aux IUFM d'y répondre de façon satisfaisante dans la mesure où les délais impartis afin de les intégrer aux cursus de formation sont trop restreints ;

- la suggestion de création d'un Haut conseil pour la formation des maîtres, groupe d'experts représentatifs des différentes facettes du métier, s'inspire du Haut comité de suivi des concours placé auprès du ministère de l'éducation nationale et chargé de lui faire des propositions ;

- les décisions d'affectation des stagiaires ou jeunes professeurs, relevant de la compétence du rectorat, échappent aux IUFM. Toutefois, la mise en place de formations adaptées aux responsabilités afférentes à ces postes au sein des IUFM serait un moyen de répondre à une situation préoccupante.

Mme Jeanine Caplet a ensuite apporté les compléments de réponse suivants :

- le taux de réussite aux concours des étudiants issus des IUFM, de l'ordre de 70 %, est tout à fait satisfaisant ;

- le temps réservé aux intervenants extérieurs dans la formation dispensée par les IUFM est conséquent, puisque ceux-ci consacrent aux étudiants des IUFM au moins le quart de leur temps de travail, voire parfois la moitié pour une partie d'entre eux ;

- un des principaux objectifs des IUFM, afin de renforcer leurs liens avec les établissements, est de constituer un réseau d'établissements dotés d'équipes pédagogiques suffisamment solides pour offrir aux stagiaires un réel encadrement et une formation de qualité. Une formation spécifique destinée aux formateurs eux-mêmes pourrait être mise en place, dans le cadre de contrats passés entre les IUFM et ces établissements.

A ce propos M. Jean-Jacques Dupin a précisé que, dans l'académie de Marseille, les stagiaires n'avaient aucune difficulté à s'intégrer au sein des écoles classées en zone d'éducation prioritaire (ZEP), grâce à l'action efficace des équipes d'accueil présentes sur place.

Répondant aux interrogations de M. Philippe Richert sur les modalités de validation des acquis qui seront offertes aux futurs assistants d'éducation, M. Jacques Pelous a estimé qu'elles pourront s'inscrire dans le prolongement des actions menées aujourd'hui en faveur de l'intégration des aides éducateurs, qui sont variables d'un IUFM à l'autre. Prenant l'exemple de l'académie de Montpellier, il a indiqué que la sélection à l'entrée en IUFM comportait des tests ainsi qu'un examen du dossier du candidat, dans lequel l'expérience des aides éducateurs était prise en compte, grâce à l'attribution de points supplémentaires. Il a par ailleurs rappelé l'existence de concours réservés aux personnels ayant déjà, comme les aides éducateurs, une expérience professionnelle. Des crédits universitaires pourraient en outre être attribués aux assistants d'éducation, pour que leur expérience soit valorisée dans leur cursus.

M. Mark Sherringham a enfin indiqué que la professionnalisation de la formation exigeait une modification de la nature des épreuves du concours. Le débat actuel réside dans l'alternative entre un concours professionnel, dont le contenu reste encore à définir, et un concours plus académique qui reste fidèle aux modèles de formation prévalant en France.