VI. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 22 NOVEMBRE 2010

Article 15 (priorité)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'il y a un domaine dans lequel la volonté de réforme du Gouvernement a conduit à des abus manifestes, c'est bien celui de la recherche et du développement.

En effet, le crédit d'impôt recherche, le CIR, a été réformé en 2008. Pour notre part, nous avions dénoncé cette mesure, car il était prévisible qu'elle aurait des conséquences très importantes sur les comptes publics et ce, sans garantie de la moindre retombée positive pour l'emploi dans le secteur.

De fait, le coût du CIR s'est singulièrement élevé, passant de 900 millions d'euros en 2007 à 1 500 millions d'euros en 2008 et à 5 800 millions d'euros en 2009, en raison du plan de relance. Rappelons d'ailleurs que ce dernier était composé de nombreuses mesures de trésorerie visant à accorder par anticipation aux entreprises les crédits et remboursements d'impôts auxquels elles pouvaient prétendre.

Pour continuer sur le sujet des dépenses éligibles, je souligne que les remboursements se situeront aux alentours de 4,2 milliards d'euros pour l'année 2010 et que cette tendance pourrait se confirmer en 2011, avec quelques centaines de millions d'euros en plus.

Le problème est qu'une telle explosion de la dépense fiscale a d'abord visé les grandes entreprises, puisque ces dernières ont encaissé 45 % des remboursements au titre du CIR en 2008, contre 39 % l'année précédente. Dans cet ensemble, la part des PME demeure faible : 20 % du total, même en comptant les 5 % de crédits remboursés aux micro-entreprises.

Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, et après la prise en compte des règles européennes, nous avons donc 200 grandes entreprises, 4 600 entreprises de taille intermédiaire, 160 000 PME comptant de 10 à 249 salariés et plus de 2,5 millions d'entreprises de moins de 10 salariés. Le défaut de la réforme, celui d'être un cadeau aux grands groupes, s'est donc clairement vérifié, comme nous pouvions le penser.

En outre, d'une manière générale, le volume des dépenses de recherche des entreprises n'a pas augmenté. En effet, selon les termes du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, le CIR « réformé » n'a fait que ralentir la baisse des dépenses de recherche au regard du produit intérieur brut.

D'ailleurs, cela n'a pas empêché 20 très grandes entreprises ayant dépassé les 100 millions d'euros de dépenses de recherche d'obtenir de l'État le remboursement de 1 142 millions d'euros en 2008 !

Toutefois, ce qui nous intéresse, c'est évidemment l'efficacité de l'ensemble du dispositif en termes d'emplois.

De même, l'ancien CIR a encouragé une forte externalisation des coûts de recherche et de développement, et la réforme n'a pas mis un terme à ce processus. D'une certaine manière, le dispositif de l'article 15 participe d'un encouragement supplémentaire à cette tendance.

Étant acquis que la réforme n'a pas relevé de manière significative le niveau des dépenses privées de recherche et de développement, ce sont les mêmes secteurs d'activité qui portent aujourd'hui encore l'essentiel de la démarche.

Il s'agit notamment de la communication et des industries de l'automobile, des biens d'équipement et des biens intermédiaires, c'est-à-dire des secteurs où l'essentiel des effectifs salariés est concentré dans de grands groupes très largement intégrés et ayant dans de nombreux cas sous-traité les fonctions de recherche et de développement auprès de PME qui leur sont liées commercialement.

Décider, par cet article 15, de faciliter un remboursement plus rapide des CIR aux PME risque donc de placer plus nettement encore un certain nombre de ces dernières sous la coupe de leurs donneurs d'ordres. C'est également vrai pour les centres de recherche universitaires, que d'aucuns voudraient sans doute voir accepter la loi du marché de la connaissance et de l'innovation telle qu'elle est conçue par l'architecture du crédit d'impôt recherche.

Le véritable enjeu est de mettre un terme au déclin de la dépense de recherche publique, qui se poursuit et qui met en péril les potentiels de croissance de notre pays.

En se plaçant d'un point de vue « libéral », les PME se satisferaient, pour la plupart, d'une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés en échange d'une suppression pure et simple du crédit d'impôt recherche, dont elles ne sont évidemment pas les principales bénéficiaires, surtout quand la dépense fiscale de ce dispositif représente une valeur de 1 %, une fois rapportée au taux facial de l'impôt sur les sociétés.

Mes chers collègues, afin d'améliorer la lisibilité de la législation fiscale et d'assurer la sécurité juridique de l'action des entreprises, nous pensons qu'il faudra sans doute supprimer le crédit d'impôt recherche.

De même, il sera nécessaire de revoir l'assiette sérieusement mitée de l'impôt sur les sociétés, dont le poids, plus que léger, est sans commune mesure avec ce que nous pouvons observer en Europe.

Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas l'article 15.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l'article.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention sera tout à fait différente de celle de M. Vera, que nous venons d'entendre. En effet, je pars de deux constats.

Premièrement, la recherche privée en France est très insuffisante, et je ne partage pas du tout la théorie selon laquelle il n'est de recherche que publique. La différence avec nos voisins allemands ou états-uniens réside non pas dans la recherche publique, qui est à peu près comparable, mais dans la recherche privée, qui est nettement déficitaire par rapport aux standards normaux en la matière.

Deuxièmement, en dépit de tous les efforts du Gouvernement, que je salue, la reprise de l'investissement privé dans notre pays est très faible, puisqu'elle n'a été que de 1,1 % au deuxième trimestre de 2010. Cette progression est tout à fait intéressante par rapport à la baisse de 7 % ou 8 % que nous avons enregistrée l'année dernière, mais elle reste tout de même très faible.

Or en observant le fonctionnement des entreprises, qui sont nombreuses dans le département où je suis élu, les Hauts-de-Seine, je constate que le crédit d'impôt recherche est un véritable facteur de développement des investissements et de l'emploi.

Il est certain, comme l'a souligné M. Vera, que certaines extrapolations et externalisations ont été un peu lourdes. Toutefois, ce qui m'intéresse, c'est l'effort mené dans les petites et moyennes entreprises ; il représente, et cela a été souligné, environ 20 % du total de la recherche et du développement !

Or les PME seront particulièrement touchées par l'une des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, à savoir la limitation à 50 % du crédit d'impôt pour les dépenses de fonctionnement et de personnel.

En effet, lorsqu'une d'entre elles, qu'elle compte 7, 10, 20, 50 ou 100 salariés, décide de s'engager dans un projet de recherche, elle choisit soit de faire appel à des cabinets extérieurs dans une démarche d'externalisation, soit de recruter une ou deux personnes supplémentaires.

Pour ma part, ce que je souhaite encourager, c'est le recrutement par cette PME de deux ou trois ingénieurs ou salariés supplémentaires, comme je l'observe à l'heure actuelle dans mon département. Or la limitation du crédit d'impôt recherche à 50 % mettrait fin à ce mouvement à un moment où nous avons pourtant bien besoin de développer les investissements et l'emploi. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement tendant à rétablir cette limitation à 75 %.

Madame la ministre, je reconnais que le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont fait un effort en acceptant de tenir compte également des dotations aux amortissements. Toutefois, dans les PME dont je suis allé observer le fonctionnement cette semaine, il n'y avait justement pas d'investissements !

Par conséquent, si vous annoncez aux responsables de telles PME que la déduction pour leurs dépenses de fonctionnement sera, certes, seulement de 50 %, mais qu'ils bénéficieront d'un plafond de 75 % pour leurs dotations aux amortissements, vous les laisserez froids ! Il n'y a pas d'investissements dans ces sociétés ; il n'y en aura que dans deux ou trois ans, quand le projet de recherche aura abouti.

J'ai visité, entre autres, des entreprises qui s'occupent de la collecte des déchets ou de recherche en matière de carburation automobile. Dans toutes ces sociétés, les investissements suivront, mais dans deux ou trois ans seulement. Par conséquent, en limitant la déduction à 50 %, on risque de porter un coup terrible au développement des PME dans le contexte actuel.

J'ai donc déposé un amendement visant à rétablir à 75 % la déduction aussi bien pour les dépenses de fonctionnement que pour les dotations aux amortissements.

Toutefois, comme M. le rapporteur général de la commission des finances a lui-même déposé un amendement tendant à maintenir le plafond de 50 % - en général, une telle limite suffit pour les grands groupes - tout en ouvrant la possibilité de le porter jusqu'à 75 % à condition de tenir compte des frais réels, je me rallierai à cette position, qui me paraît raisonnable, même si elle introduira tout de même une certaine complexité dans la gestion des entreprises.

J'aurais préféré que l'on s'en tienne à 75 % pour les frais de fonctionnement comme pour la dotation aux amortissements, ce qui permettait de conserver ce régime. En effet, nous avons une mauvaise habitude qui consiste à revenir chaque année sur les mécanismes incitatifs en matière de financement des efforts de recherche et de développement.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très juste !

M. Jean-Pierre Fourcade. Ce n'est pas ainsi que nous créerons la stabilité nécessaire à la recherche et au développement.

Les grands groupes se sont précipités sur le crédit d'impôt recherche, et il est clair qu'ils ont accompli des efforts à cet égard.

Autant il faut continuer dans cette voie, me semble-t-il, même s'il est nécessaire d'encadrer les propositions formulées à la fois par l'Assemblée nationale et par le Gouvernement, autant il convient de laisser aux PME deux ou trois années de tranquillité pour leur permettre de développer leurs efforts de recherche, notamment en matière de développement durable, puisque c'est dans ce secteur que nombre de PME se sont créées.

C'est la raison pour laquelle je pense qu'il ne faut pas revenir chaque année sur le crédit d'impôt recherche, madame la ministre. Ce dispositif est onéreux, mais en comparant ses conséquences sur les entreprises à celles, par exemple, de la réduction de la TVA sur la restauration - nous avons une perte de recettes pour l'État, d'un côté, de 4 milliards d'euros et, de l'autre, de 3 milliards d'euros -, on s'aperçoit que le bénéfice marginal d'un euro dépensé dans le cadre du CIR est nettement plus élevé !(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. le président. L'amendement n° I-33, présenté par Mmes Lamure et Sittler et MM. Grignon, J. Gautier, Houel, Béteille, Doublet, Laurent, Martin, Bécot et Chatillon, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 16

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« ...° Les entreprises qui satisfont cumulativement aux deux définitions suivantes :

« - Celle des entreprises de taille intermédiaire, donnée à l'article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique ;

« - Celle des entreprises autonomes, donnée par le 1 de l'article 3 de l'annexe I du règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie). »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances au titre de l'article 40 de la Constitution.

L'amendement n° I-123, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 18

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - À la seconde phrase du premier alinéa du I de l'article 244 quater B, les mots : « et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant » sont supprimés.

La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Le CIR est certainement un levier efficace pour stimuler la recherche. Toutefois, madame la ministre, il est au fond une manière de nous excuser de ne pas être capables de réduire les charges sociales qui grèvent le coût du travail.

En adoptant un dispositif d'allégements significatifs des cotisations d'assurance-maladie et de politique familiale, nous pourrions faire l'économie du crédit d'impôt recherche.

Ce qui incite les entreprises à développer la recherche en France, ce n'est pas seulement le crédit d'impôt recherche. C'est également la présence de mathématiciens et, d'une manière plus large, de scientifiques de renommée mondiale !

La commission des finances s'est naturellement intéressée à l'évaluation du crédit d'impôt recherche. Notre excellent collègue Christian Gaudin, qui est aujourd'hui préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises, avait conclu son rapport en suggérant d'examiner ce qui se passe hors du territoire national, notamment au sein de certains États de l'Union européenne, car le crédit d'impôt recherche participe au financement de certains travaux qui ne sont pas localisés en France.

Il est vrai que l'on a limité de telles opérations en restreignant à 10 millions d'euros le montant des dépenses pouvant entrer dans l'assiette du crédit d'impôt recherche pour les opérations confiées à des sous-traitants privés, car c'est bien de sous-traitance qu'il s'agit dans la plupart des cas.

M. Christian Gaudin était également frappé par le fait que le taux de crédit était fixé à 30 % par entreprise et par an jusqu'à un seuil de 100 millions d'euros de travaux de recherche et développement et que, au-delà d'une telle somme, ce taux était ramené à 5 %.

En effet, pour un grand groupe, un crédit d'impôt recherche de 5 % représente une somme tout de même très marginale, sans doute insuffisante pour décider la structure de gouvernance du groupe à engager plus de 100 millions d'euros pour la recherche. Or le versement du crédit d'impôt recherche aux entreprises ayant dépassé un tel seuil de dépenses représente une charge de 200 millions d'euros pour l'État.

Le présent amendement a donc pour objet de limiter le crédit d'impôt recherche à une assiette de 100 millions d'euros par entreprise pour un taux de 30 %, étant entendu que, au-delà de ce seuil, le taux de 5 % appliqué jusqu'alors disparaîtrait purement et simplement.

Mon intention n'est pas de contraindre les groupes à consolider leurs travaux de recherche et les activités développées dans les filiales. Je m'en tiens simplement à la suppression du taux de 5 % qui s'applique aux dépenses de recherche engagées au-delà de 100 millions d'euros par an.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission, qui s'est réunie lors de la suspension du déjeuner, a rejeté par cinq voix contre cinq l'amendement de M. Arthuis. Je plaiderai donc - j'espère que notre collègue ne m'en tiendra pas rigueur - contre cet amendement. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Le crédit d'impôt recherche forme un tout. C'est un régime dont la simplicité et la robustesse conditionnent l'efficacité.

En 2007, une mission commune d'information a travaillé sur les centres de décision économique. D'ailleurs, plusieurs d'entre nous y avons participé et Christian Gaudin, dont le nom vient d'être mentionné, en était l'excellent rapporteur. Nous avons alors comparé les atouts et les handicaps respectifs des grands bassins économiques européens, afin d'accueillir, de garder et de retenir les quartiers généraux d'entreprises de taille mondiale.

Il faut bien réfléchir à un tel enjeu quand on aborde une proposition comme celle qui est formulée par l'auteur du présent amendement.

Je ne sais pas si un crédit d'impôt de 5 % est absolument décisif pour les grandes entreprises elles-mêmes. En revanche, ce que je sais, c'est, d'une part, qu'il peut s'agir d'un argument important en termes de compétitivité par rapport à d'autres localisations en Europe et, d'autre part, que la recherche réalisée dans les grands groupes fait appel à beaucoup de compétences à l'extérieur du territoire national.

On ne peut pas considérer que le devenir technologique serait uniquement entre les mains des PME ou des entreprises de taille intermédiaire. Les grands groupes ont évidemment un rôle vital dans ce domaine et peuvent également créer autour d'eux tout un terreau. Ils sont les partenaires de nos pôles de compétitivité.

Quand nous nous réjouissons, chacun dans sa région, de promouvoir des activités de très haute technologie à partir des pôles de compétitivité, quels sont les partenariats qui se mettent en place ? Certes, des activités se développent dans le tissu des PME, mais nous sommes tellement heureux et fiers de montrer que l'aéronautique, la chimie ou l'énergie s'expriment par l'engagement de grands groupes industriels français !

Par conséquent, j'espère que M. Arthuis tiendra compte d'une telle réalité et acceptera de retirer le présent amendement.

À cet égard, permettez-moi de vous faire part de quelques considérations.

D'abord, nombre de collaborations universitaires essaiment à partir des grands groupes.

Ensuite, la sous-traitance autour de ces grands groupes amplifie le développement des technologies à partir de leurs propres équipes.

Enfin, nous nous sommes longuement interrogés, les uns et les autres, à propos de la consolidation du crédit d'impôt recherche, à laquelle je ne vous cache pas que j'étais initialement favorable.

Cependant, j'ai examiné la question dans le détail et, après avoir reçu un certain nombre de dirigeants de groupes, j'ai pu observer que l'histoire de chacun d'entre eux était originale.

Certains groupes ont une tradition d'unicité, tandis que d'autres, selon les branches d'activités, ont plutôt tendance à créer des filiales, par exemple parce qu'ils ont fait le choix de se développer par croissance externe, en acquérant des sociétés autrefois indépendantes, plutôt que par croissance endogène.

Si l'on consolidait le crédit d'impôt recherche - je crois que Jean Arthuis a raison d'avoir lui aussi résisté à cette forte tentation -, on créerait une inégalité de traitement entre groupes industriels en raison de telles différences de morphologie.

Madame la ministre, j'espère que vous saurez vous montrer convaincante et que le crédit d'impôt recherche ne sera pas amputé d'une part importante de son efficacité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Puisque M. le rapporteur général de la commission des finances m'y invite, je m'emploierai à emporter la conviction de notre majorité, et même de l'opposition si celle-ci est ouverte sur le régime du crédit d'impôt recherche.

De quoi parlons-nous ? D'un dispositif qui s'applique aujourd'hui selon les modalités suivantes : un crédit d'impôt de 30 % est accordé pour toute dépense de recherche jusqu'à un plafond de 100 millions d'euros par an et par entreprise ; au-delà, le taux est ramené de 30 % à 5 %.

Actuellement, le coût total pour l'État du crédit d'impôt recherche est de 3,2 milliards d'euros en régime de croisière, c'est-à-dire hors période où l'on « dégorge les tuyaux » et où l'on paie aux entreprises toutes les créances qu'elles détiennent au titre du régime antérieur.

Dans cette somme totale de 3,2 milliards d'euros, le taux de 5 % appliqué au-delà de 100 millions d'euros coûte 107 millions d'euros à l'État.

Certes, si vous votiez cet amendement, qui vise à supprimer le crédit d'impôt recherche consenti au-delà du seuil de 100 millions d'euros, l'État ferait une économie de 107 millions d'euros.

Mais nos entreprises réalisent 2 milliards d'euros d'investissements grâce à ce crédit d'impôt ! Aujourd'hui, nous avons dix-neuf groupes français - vous les connaissez tous, car ils sont implantés dans vos circonscriptions, mesdames, messieurs les sénateurs - qui dépensent aujourd'hui 2 milliards d'euros en recherche et développement. Et le Gouvernement n'est partenaire avec eux qu'à concurrence de 100 millions d'euros !

Les grands groupes français participent de manière éminente à la recherche et au développement français. Ce sont non seulement des partenaires, monsieur le rapporteur général, mais bien souvent aussi des locomotives des pôles de compétitivité français.

C'est pourquoi il faut évidemment leur envoyer un message positif. Il ne faut pas leur dire : « Nous participons pour des dépenses allant jusqu'à 100 millions d'euros, mais l'effet incitatif du crédit étant dérisoire, superfétatoire ou inutile au-delà de cette somme, vous vous en occuperez seuls ; l'État ne sera plus à vos côtés !» Ce serait leur adresser un message discriminant !

Monsieur Arthuis, nous partageons évidemment votre souci de privilégier les petites et moyennes entreprises. En effet, comme le rappelait tout à l'heure M. Fourcade, il faut que les PME françaises « mordent à l'hameçon » de la recherche et développement par le biais du crédit d'impôt recherche.

Pour autant, il ne nous paraîtrait pas légitime d'écarter du bénéfice de ce dispositif les grands groupes français, dix-neuf d'entre eux, au regard des investissements très importants que ces derniers réalisent en faveur de l'innovation.

Il convient de le rappeler, si ces groupes souhaitent parfois sous-traiter à l'extérieur, que ce soit au sein du groupe ou de manière totalement extérieure à celui-ci, les dépenses confiées aux sous-traitants entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt dans la limite de 2 millions d'euros ou 10 millions d'euros par an en fonction de l'appartenance ou non à un groupe. Par ailleurs, si la sous-traitance est effectuée au bénéfice d'un établissement situé à l'étranger, le groupe bénéficie du dispositif uniquement sous réserve d'un agrément du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Nous ne privilégions donc pas les fuites de crédit d'impôt recherche. Le dispositif s'applique de manière extrêmement parcimonieuse, et sous réserve d'agrément lorsqu'il s'agit d'une recherche qui ne peut être effectuée qu'à l'étranger parce que la faculté de recherche est à l'étranger.

Il faut absolument donner un signal positif aux grands groupes et les encourager dans leur détermination à investir au-delà de 100 millions d'euros, y compris sur le territoire français. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.

M. Denis Badré. Entre le président et le rapporteur général de la commission des finances, mon coeur balance ! (Sourires.) En bon centriste, je me rallierai néanmoins à un autre centriste. (Nouveaux sourires.)

M. Arthuis et le rapporteur général de la commission des finances ont tous deux fait référence il y a quelques instants aux paroles mémorables de notre grand ancien Christian Gaudin, qui nous regarde depuis les Terres australes et antarctiques françaises en ce moment. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Procaccia. Et le décalage horaire ?

M. Denis Badré. Pour ma part, je ferai référence aux travaux de la mission commune d'information sur l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, que j'ai eu l'honneur de présider et qui s'était beaucoup interrogée sur le sujet.

Après vous avoir écouté, il me semble qu'une seule question se pose : le dispositif que l'amendement vise à supprimer est-il ou non incitatif ? S'il ne l'est pas, nous pouvons faire l'économie d'une telle mesure et soutenir la proposition de M. Arthuis !

Le fait d'être passé d'un taux de 30 % à un taux de 5 % pour un montant de dépenses éligibles supérieur à 100 millions d'euros prouve bien que l'on s'était déjà interrogé sur le sujet. Il avait été estimé que, au-delà d'un certain montant de dépenses, l'effet incitatif décline très sérieusement. Voilà qui va dans le sens des arguments de M. Arthuis.

En outre, le message adressé par l'auteur de cet amendement aux entreprises n'est pas « discriminant », pour reprendre les termes de Mme la ministre. M. Arthuis vise simplement un montant de dépenses éligibles. Il ne cible pas telle ou telle catégorie d'entreprises selon la taille, pas plus qu'il ne cible pas les groupes ou les sous-traitants.

À partir du moment où le montant de la dépense de recherche est supérieur à 100 millions d'euros, l'objet de la dépense est probablement très important. Dans ce cas, je pense que le taux de 5 % n'a plus aucun effet incitatif.

Et si nous pouvons économiser environ 100 millions d'euros, c'est très positif !

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.

M. Jean Arthuis. Madame la ministre, si j'ai proposé un tel amendement, c'est surtout parce que le budget que vous nous avez soumis présente un déficit de 92 milliards d'euros.

Bien sûr, il est formidable de réduire le déficit pour 2011 en le ramenant de 152 milliards d'euros à 92 milliards d'euros.

Mais, et vous le savez très bien, la baisse de 60 milliards d'euros est, au moins à hauteur de 50 milliards d'euros, la conséquence de constatations pures et simples. Je pense ainsi à l'achèvement du grand emprunt, soit 35 milliards d'euros, et au sursaut de taxe professionnelle, soit 5 milliards d'euros, que l'on ne retrouvera d'ailleurs pas en 2011. Ajoutons à cela...

Mme Nicole Bricq . Le plan de relance !

M. Jean Arthuis. ... la fin du plan de relance, qui coûtait 12 milliards d'euros en 2010 mais qui n'affecte pas le projet de loi de finances pour 2011. Idem pour le plan « Campus », qui pesait sur le budget de 2010 à hauteur de 3 milliards d'euros, mais pas sur celui de 2011. Madame la ministre, le compte n'y est pas !

Par conséquent, si nous pouvons faire une économie de 100 millions d'euros, je ne peux que m'en réjouir.

En outre, il faudra un jour inverser la table des prélèvements obligatoires si nous voulons que le pays redevienne compétitif, car les niveaux de cotisations sociales en France sont tels qu'ils activent avec une belle efficacité les délocalisations d'activités et d'emplois. Et nous nous lamentons ensuite que le pays se désindustrialise !

Stimuler la recherche est un bel objectif, mais il serait bon de savoir où se concrétise l'activité industrielle une fois que la recherche a abouti. Dans de très nombreux cas, on fait la recherche en France, mais les travaux démarrent en Europe centrale ou en Asie ! Il faut mettre de la cohérence dans le système.

Madame la ministre, je veux croire que les grands groupes industriels n'en sont pas à chipoter pour savoir s'ils récupéreront ou non 5 % sur les dépenses engagées au-delà de 100 millions d'euros. Je pense que la déontologie, l'éthique des dirigeants de ces groupes les pousseront à y renoncer, car il s'agit purement et simplement d'un effet d'aubaine !

Je préfère que nous conservions des marges de manoeuvre pour ne pas être trop regardants lorsqu'il s'agit des PME.

Les grands groupes industriels français, qui font la fierté de la France, réalisent l'essentiel de leurs bénéfices en dehors du territoire national et acquittent bien souvent leurs impôts hors de France, ont - je veux le croire - suffisamment de noblesse pour ne pas décider de dépenser plus de 100 millions d'euros au motif qu'ils pourraient bénéficier de 5 % de subventions. Ils ne le feraient d'ailleurs que sur l'initiative de leurs services financiers.

Madame la ministre, dans la mesure où il ne s'agit que d'un effet d'aubaine, je maintiens cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Jusqu'à présent, Mme la ministre, qui est très attachée au crédit d'impôt recherche - elle en a amplifié l'effet par un dispositif introduit en 2008 -, a toujours eu une stratégie d'empêchement, prétextant que le recul nécessaire manquait et qu'il fallait attendre.

Si cet argument était recevable en 2009, des études ont été menées depuis. Je pense au rapport d'information sur le bilan de la réforme et l'évaluation de la politique du crédit d'impôt recherche de Christian Gaudin, dont M. Arthuis s'est inspiré en présentant cet amendement, ou aux travaux de MM. Alain Claeys, Jean-Pierre Gorges et Pierre Lasbordes au sein de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale. Tous ont émis des doutes sur le caractère incitatif de ce plafond de 5 %.

L'amendement de M. Arthuis vise à limiter au minimum l'optimisation fiscale, phénomène dont nul ne conteste la réalité. Le dispositif n'a effectivement pas de vertu incitative pour les grands groupes.

Notre amendement n° I-259 nous semble beaucoup plus efficace.

En effet, alors que l'adoption de l'amendement de Jean Arthuis entraînera pour les finances publiques un gain d'une petite centaine de millions d'euros (M. Jean-Jacques Jégou s'exclame), l'amendement n° I-259 tend à empêcher l'optimisation fiscale la plus importante en s'attaquant à la création opportuniste et volontaire de filiales par les grands groupes aux seules fins de toucher à plein le bénéfice du crédit d'impôt recherche, puisque l'incitation au crédit d'impôt recherche est beaucoup plus forte en dessous du seuil des 100 millions d'euros. Nous savons que de telles pratiques sont utilisées.

Les grands groupes bénéficient du crédit d'impôt recherche à hauteur de près de 30 %. Pourtant, certains d'entre eux ne jouent pas le jeu et n'installent pas leur centre de recherche et développement dans notre pays.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce n'est pas faux !

Mme Nicole Bricq. Sans chercher à stigmatiser qui que ce soit, je rappelle qu'un grand groupe connu dont je tairai le nom a - tout le monde le sait - implanté ses centres de recherche en Chine et en Inde, alors même qu'il empoche le bénéfice fiscal du crédit d'impôt recherche. C'est tout de même assez scandaleux !

Nous partageons la volonté de Jean Arthuis : nos deux amendements vont dans le même sens. Toutefois, nous préférons notre amendement, qui nous paraît plus intéressant. En effet, il est plus important à nos yeux d'empêcher le découpage des dépenses de recherche afin de bénéficier d'un effet d'aubaine et de faire jouer l'optimisation fiscale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-123.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements n os I-36 et I-96 sont identiques.

L'amendement n° I-36 est présenté par MM. Houel, Beaumont, Bécot et P. Dominati, Mlle Joissains et MM. Fouché et Revet.

L'amendement n° I-96 est présenté par MM. P. Dominati, Cambon, A. Dupont et Milon, Mmes Sittler et Hermange, MM. Chatillon et Adnot et Mlle Joissains.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 19 à 23

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° I-36 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l'amendement n° I-96.

M. Philippe Dominati. Je rappelle tout d'abord que le crédit d'impôt recherche est un mécanisme qui fonctionne bien, notamment pour les petites et moyennes entreprises.

Or, à l'occasion de ce débat, nous sommes en train, petit à petit, de remettre en cause le dispositif - nous venons de le faire pour les grandes entreprises -, ce qui est relativement préoccupant.

M. Fourcade a très bien exposé les difficultés qu'entraînait la distinction entre frais de personnel et frais d'amortissement. Les petites entreprises innovantes, les PME d'une dizaine de salariés qui auront au départ seulement des frais de personnels, se verront pénalisées dans leur refinancement.

Le mécanisme du crédit d'impôt recherche inclut également la constitution du dossier d'accréditation. Il existe des sociétés spécialisées - je rappelle que 85 % du crédit impôt recherche concerne les PME - pour aider ces dernières à déposer le dossier d'accréditation. Or seulement 30 % des dossiers déposés sont finalement agréés.

C'est pourquoi cet amendement vise à laisser aux entrepreneurs la liberté de choisir le mode de rémunération des sociétés intermédiaires. En effet, face à l'incertitude du résultat - leur entreprise sera-t-elle éligible ou non au crédit d'impôt recherche ? -, les entrepreneurs ont d'autres priorités et confient une telle mission à une quarantaine de sociétés intermédiaires.

Les jeunes entreprises ne veulent pas être obligées de payer alors qu'il y a une incertitude quant au résultat, préférant la rémunération « au succès ».

C'est la raison pour laquelle cet amendement a été signé par un grand nombre de collègues. Nous proposons de supprimer les alinéas 19 à 23 du présent article 15, qui ont été introduits par l'Assemblée nationale, pour revenir au texte initial du Gouvernement et laisser aux entrepreneurs le choix de trouver le mode de rémunération qui leur convient en fonction de l'intérêt de l'entreprise.

Enfin, contraindre la transaction entre des chefs d'entreprise, notamment de petites entreprises, alors que les sommes facturées par les sociétés de conseil représentent environ 4 % du budget du crédit d'impôt recherche, me paraît soulever un problème de constitutionnalité. Mais je n'ai pas le temps d'aller plus loin.

M. le président. L'amendement n° I-97, présenté par MM. P. Dominati et A. Dupont, Mme Bout, M. Milon, Mme Hermange, MM. Chatillon et Adnot et Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Alinéas 19 à 23

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

I. bis. - Après le premier alinéa du I de l'article 244 quater B, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de professionnaliser et d'encadrer les interventions des sociétés de conseil spécialisées dans l'octroi du bénéfice du crédit d'impôt, ces sociétés, ou les associations professionnelles les représentant, devront s'engager dans une démarche d'harmonisation des conditions d'intervention à travers la définition et le respect d'un code déontologique. »

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Il s'agit d'un amendement de repli, qui tend à la mise en place d'un code déontologique et d'une réglementation concernant les sociétés de conseil spécialisées dans l'octroi du bénéfice du crédit d'impôt recherche.

M. le président. L'amendement n° I-98, présenté par MM. P. Dominati, Cambon et A. Dupont, Mme Bout, M. Gilles et Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Alinéas 19 à 22

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

I. bis. - Après le premier alinéa du I de l'article 244 quater B, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour le calcul du crédit d'impôt, le montant des dépenses exposées par les entreprises auprès de tiers au titre de prestations de conseil pour l'octroi du bénéfice du crédit d'impôt est déduit des bases de calcul de ce dernier à concurrence du montant des sommes rémunérant ces prestations au-delà de 10 % du montant des dépenses éligibles au crédit d'impôt pouvant bénéficier à l'entreprise. »

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. C'est également un amendement de repli, qui vise à prévoir un taux de déduction relativement élevé sur les honoraires versés aux sociétés de conseil si les PME devaient être contraintes à rémunérer systématiquement ces dernières.

Toutefois, je préfère évidemment que l'amendement n° I-96 soit adopté. Cela résoudrait une fois pour toutes le problème dont nous discutons.

M. le président. L'amendement n° I-287 rectifié, présenté par M. Jégou, est ainsi libellé :

Alinéas 19 à 22

I. - Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

I bis. - Après le premier alinéa du I de l'article 244 quater B, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour le calcul du crédit d'impôt, le montant des dépenses exposées par les entreprises auprès de tiers au titre de prestations de conseil pour l'octroi du bénéfice du crédit d'impôt est déduit des bases de calcul de ce dernier à concurrence du montant des dépenses ainsi exposées lorsqu'il excède 8 % du montant des dépenses mentionnées au II minoré du montant des subventions publiques mentionnées au III.

II. - La perte de recettes résultant pour l'État de l'alinéa du I ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Cet amendement tend à aménager le dispositif relatif à la rémunération des conseils extérieurs dans le cadre du CIR, en portant le taux qui fixe la rémunération des sociétés tiers de 5 % de l'assiette à 8 %.

Il vise également à supprimer l'alinéa excluant la rémunération proportionnelle, dite « au succès ».

Les entreprises de conseil apportent en effet un service aux PME qui ne possèdent pas de service interne et qui désirent avoir recours au crédit d'impôt recherche. Sans cette aide, beaucoup de PME n'y aurait pas accès, car le système est tout de même très complexe. Par ailleurs, les entreprises de conseil permettent de sécuriser le risque fiscal encouru par les PME.

Au motif de limiter les abus de quelques intermédiaires, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale restreindra considérablement l'accès des PME et des entreprises de taille intermédiaire au dispositif du crédit d'impôt recherche.

M. le président. L'amendement n° I-94, présenté par MM. Adnot et Türk, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 20

Compléter cet alinéa par les mots :

du montant des dépenses ainsi exposées qui excède le plus élevé des deux montants suivants : soit la somme de 15 000 € hors taxes, soit 8 % du total des dépenses hors taxes mentionnées au II minoré des subventions publiques mentionnées au III.

II. - Alinéas 21 et 22

Supprimer ces alinéas.

III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Je serais évidemment satisfait si l'amendement n° I-96 était adopté, puisqu'il tend à supprimer les alinéas 19 à 23.

L'objet du présent amendement consiste, d'une part, à modifier l'alinéa 20 afin de fixer le plafond soit à 15 000 euros hors taxes, soit à 8 % du total des dépenses hors taxes et, d'autre part, à supprimer les alinéas 21 et 22.

Je ne sais pas ce qui a motivé nos collègues de l'Assemblée nationale. Certes, des excès existent, et il est tout à fait louable de vouloir les maîtriser. Nous ne pouvons qu'y être favorables. En revanche, je ne comprends pas qu'ils aient supprimé la possibilité pour les entreprises de rémunérer un intermédiaire « au succès », alors que c'est l'opération la plus efficace et la moins coûteuse pour les PME. Une telle décision conduira ces entreprises à renoncer à continuer de bénéficier du crédit d'impôt recherche, alors qu'elles en ont besoin.

J'espère que le Gouvernement nous suivra dans notre volonté de redonner un peu d'« appétit » aux PME, car elles ont vraiment besoin d'un tel dispositif.

M. le président. L'amendement n° I-37, présenté par MM. Houel, Beaumont, Bécot et P. Dominati, Mlle Joissains et MM. Fouché et Revet, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 20 :

Compléter cet alinéa par les mots :

du montant des dépenses ainsi exposées lorsqu'il excède 5 % du montant des dépenses mentionnées au II minoré du montant des subventions publiques mentionnées au III

II. - En conséquence, alinéas 21 et 22

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° I-470, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Rédiger ainsi cet alinéa :

« b) Du montant des dépenses ainsi exposées, autres que celles mentionnées au a ,  qui excède le plus élevé des deux montants suivants : soit la somme de 15 000 € hors taxes, soit 8 % du total des dépenses hors taxes mentionnées au II minoré des subventions publiques mentionnées au III. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. L'Assemblée nationale a souhaité encadrer les rémunérations versées par les entreprises à des intermédiaires pour bénéficier du crédit d'impôt recherche.

Le fonctionnement est assez classique : les grands groupes industriels qui décident de continuer à investir sur le territoire français, au-delà des seuils qui viennent d'être modifiés, disposent d'un grand nombre de services internes qui montent les dossiers d'accréditation.

En revanche, un certain nombre d'autres entreprises sont dépourvues d'une expertise interne et ont recours à des intermédiaires extérieurs auxquels elles versent des honoraires au titre des prestations de conseil qui leur sont fournies.

L'Assemblée nationale a souhaité plafonner l'ensemble de ces rémunérations en appliquant un taux et un plafond en valeur absolue. Le mécanisme est le suivant : toute somme qui aurait été versée à des intermédiaires au-delà de l'un ou de l'autre de ces seuils serait venue en diminution de l'assiette de l'ensemble des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche.

Le Gouvernement a écouté très attentivement les arguments développés par les uns et par les autres. Certains lui semblent extrêmement raisonnables. Peut-être est-il effectivement légitime de laisser à des entreprises la liberté d'organiser leur dossier, de sous-traiter à des intermédiaires et de payer des prestations de conseil à ce titre.

Toutefois, dans un souci de conciliation, je vous présente cet amendement, qui tend à reprendre le texte de l'Assemblée nationale concernant les rémunérations proportionnelles, les success fees .

Il s'agit de préciser que toute rémunération proportionnelle viendra en diminution de l'assiette de l'ensemble des dépenses éligibles au crédit impôt recherche. C'est également, me semble-t-il, ce que votre commission souhaitait.

En revanche, les rémunérations fixes nous paraissent devoir continuer à être admises dans des limites raisonnables sans entraîner une réduction de l'assiette du crédit impôt recherche.

Nous vous proposons de fixer cette double limite à 8 % de l'assiette du CIR ou à la somme de 15 000 euros.

Ce sont donc des seuils alternatifs. Toute somme payée par une entreprise au-delà de 8 % ou des 15 000 euros viendrait en diminution de l'assiette. En revanche, si la somme reste inférieure à l'un ou l'autre de ces seuils, elle sera prise en compte dans l'assiette des dépenses bénéficiant du crédit d'impôt recherche.

Voilà qui devrait permettre, compte tenu des seuils retenus, de maintenir la possibilité pour les petites et moyennes entreprises de recourir à des organismes de conseil extérieurs et à des intermédiaires compétents si elles ne disposent pas elles-mêmes des personnels qualifiés.

C'est une proposition qui nous paraît introduire un juste équilibre en modifiant légèrement le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je l'indique d'emblée, pour la commission, c'est l'amendement n° I-470, c'est-à-dire celui du Gouvernement, qu'il faut adopter.

D'abord, par cet amendement, le Gouvernement reconnaît que les petites et moyennes entreprises doivent souvent avoir recours à des prestataires extérieurs pour présenter leur dossier de crédit d'impôt recherche, mais il pose des limites à cette pratique.

Il faut bien l'avouer, la notion de success fees est inacceptable en la matière, que ce soit pour le crédit d'impôt recherche ou pour tout autre avantage fiscal. Nous ne pouvons pas admettre un comportement de « chasseur de primes » dont le résultat se mesure en impôt éludé. C'est une question de principe ; il ne faut pas transiger avec cela.

Ensuite, à partir du moment où cette exclusion de la rémunération proportionnelle est bien indiquée, le fait que la PME puisse rémunérer un cabinet de conseil pour une prestation réelle n'a rien d'anormal.

Le compromis qui est proposé, avec le double seuil, soit 8 % du total des dépenses éligibles au CIR, d'une part, et 15 000 euros hors taxe, d'autre part, me paraît tout à fait raisonnable.

Par conséquent, les auteurs des amendements n os I-96, I-97, I-98, I-287 rectifié, I-94 et I-37 devraient pouvoir se rallier à la proposition du Gouvernement et retirer leurs amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission et sollicite le retrait des amendements n os I-96, I-97, I-98, I-287 rectifié, I-94 et I-37.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Depuis le début de notre discussion sur les articles 14 et 15, nous voyons, amendement par amendement, s'amonceler les difficultés.

Mme la ministre, qui a évoqué la liberté de l'entrepreneur, a très bien compris que mon amendement vise à laisser cette liberté, à maintenir le système actuel et à conserver le texte initial tel que le Gouvernement l'a soumis à l'Assemblée nationale.

M. le rapporteur général de la commission des finances parle bien d'un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat, c'est-à-dire entre les différents intérêts, mais tout cela reste très confus.

Pour ma part, je propose réellement la liberté et la simplification. Je maintiens donc mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Madame la ministre, je voudrais être certain de bien comprendre ce que vous nous proposez.

Votre amendement reprend, à l'alinéa 22, la disposition que j'avais moi-même proposée à l'alinéa 20 et qui m'entraînait, contrairement à votre amendement, à supprimer les alinéas 21 et 22.

Je voudrais savoir si l'entreprise devra tout de même payer en l'absence de succès. Car il me paraît essentiel qu'une entreprise contractant avec un cabinet de conseil ne rémunère ce dernier qu'en cas d'aboutissement du dossier et après réception des fonds correspondants au remboursement du CIR.

C'est un point extrêmement important pour les PME, afin d'alimenter leur trésorerie et de leur permettre de n'engager la dépense qu'en cas de réussite. On ne peut pas demander aux entreprises de payer en cas d'échec et avant même d'avoir obtenu les crédits !

Madame la ministre, si les seuils que vous proposez - ils sont identiques à ceux qui figurent dans mon amendement - sont accompagnés de la liberté pour les entreprises de payer les intermédiaires exclusivement en cas de succès et seulement à partir du moment où elles disposent de la trésorerie correspondante, je pourrai me rallier à votre amendement.

M. Philippe Dominati. L'amendement du Gouvernement est un amendement de repli !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Adnot, pour répondre à votre interrogation, c'est le principe même de la rémunération proportionnelle qui est exclu dans mon amendement. Il s'agit tout simplement, et je rejoins en cela le souci exprimé tant par M. le rapporteur général que par M. le président de la commission des finances, d'éviter une espèce de parasitisme d'avantages fiscaux.

Autrement dit, nous privilégions le principe d'une rémunération fixe, dont les modalités doivent être déterminées librement entre les parties, parce que nous sommes encore dans un régime de libre entreprise, mais cette rémunération ne peut être ni subordonnée à la réussite de l'opération ni proportionnelle aux gains réalisés par l'entreprise.

Je ne peux pas, me semble-t-il, être plus claire.

M. Philippe Dominati. Dans 70 % des cas, ce sera une charge pour les entreprises !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Déductible de leurs bénéfices !

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Madame la ministre, il ne s'agit pas de demander le beurre et l'argent du beurre. Ce que je propose ne coûte pas un centime d'euro de dépenses supplémentaires pour l'État. En l'occurrence, il s'agit simplement de savoir si l'on va charger un peu plus ou non les entreprises.

Votre amendement est du pain béni pour les sociétés de conseil, puisqu'elles seront payées que l'opération réussisse ou pas.

Je propose, moi, de fixer les mêmes sommes, mais de ne les payer qu'en cas de succès.

Mon amendement est donc à l'avantage des entreprises, tandis que le vôtre favorise l'ensemble des cabinets de conseil, qui seront payés dans tous les cas, et plombe un peu plus la trésorerie des entreprises.

Je ne comprends pas pourquoi vous ne pouvez pas vous rallier à ma proposition. Je suis d'accord avec votre amendement, mais laissez donc la liberté aux entreprises !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À ce stade du débat sur les success fees , permettez-moi d'évoquer une anecdote qui nous a été rapportée en commission des finances par le dirigeant d'une institution importante ; elle permet de mesurer l'effet levier du crédit d'impôt recherche.

Un jour, un cabinet spécialisé dans la préparation des dossiers de crédit d'impôt recherche a démarché un président de banque. Apprenant que ce dernier ne percevait pas le CIR, le responsable du cabinet, arguant du fait que son interlocuteur disposait de salles de marché et d'équipes travaillant quotidiennement sur des algorithmes, donc avait une activité de recherche et de développement, lui a proposé de l'aider à constituer un dossier de demande de CIR, moyennant des honoraires représentant 30 % du montant du CIR versé par l'État ! Je parle sous le contrôle de mes collègues de la commission des finances. C'est cela, les success fees !

On le voit, s'il n'est pas forcément un levier extraordinaire pour déclencher de la recherche, le crédit d'impôt recherche provoque des réflexes et donne naissance à toute une activité d'optimisation.

Voilà ce qui se produit à chaque fois que vous créez des régimes particuliers, des dérogations, des exceptions et que vous densifiez un peu plus le code général des impôts, dont la complexité crée une véritable inégalité devant l'impôt.

Il faut donc prohiber les success fees . Je voterai l'amendement n° I-470 du Gouvernement. Cela étant, je reconnais que ce n'est pas simple et qu'il peut y avoir quelque chose d'arbitraire dans de telles opérations.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Jégou. Je suis très embarrassé.

Dans un premier temps, je comptais me rallier à votre amendement, madame la ministre. Mais il faut reconnaître que notre collègue Philippe Adnot n'a pas tort.

En outre, monsieur le président de la commission des finances, malgré toute l'amitié que je vous porte, je dois vous dire que les success fees ne concernent pas uniquement les cas que vous venez de décrire. L'exemple que nous avons en effet entendu en commission des finances concerne des opérations qui n'ont rien à voir avec les activités des PME.

Je ne veux pas insister lourdement. Certes, j'obtiens en partie satisfaction, mais je crois, madame la ministre, que vous êtes aussi hésitante que moi. J'avoue que je ne sais pas quelle décision prendre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons récemment consacré beaucoup de temps aux réseaux consulaires, qui sont faits pour entourer et aider les entreprises.

Nous le savons, les entreprises adhèrent à différentes unions, qui ont des services communs et qui sont là pour défendre leurs intérêts.

Si tout ce petit monde était bien organisé, ne trouverait-il pas en lui-même la capacité de mutualiser les études, afin de présenter des dossiers qui tiennent debout pour bénéficier, s'il y a lieu, du crédit d'impôt recherche ?

Pour ma part, je suis très sensible aux arguments développés par M. le président de la commission des finances lorsqu'il souligne le fait que tous ces régimes favorisés ou particuliers suscitent la création de professions d'intermédiaires, dont l'objectif est de maximiser la dépense fiscale.

Certes, tout cela est légal : les textes sont d'ordre public et il convient de les appliquer de la manière la plus précise possible.

Pour autant, faut-il encourager - c'était la réaction que je voulais livrer tout à l'heure - le principe du success fee dans de tels cas ? Cela signifie bien que l'on aura une incitation d'autant plus forte que l'on confiera à un tiers le carnet de chèques de l'État !

Le raisonnement du président de la commission des finances vous a conduits tout à l'heure, mes chers collègues, à vous montrer très rigoureux à l'égard des grands groupes. Cela nous a permis de gagner plus de 100 millions d'euros ; après tout, je me résigne à ce vote, compte tenu de son résultat favorable pour l'article d'équilibre.

Je pense sincèrement qu'il faut appliquer la même attitude rigoureuse dans le cas présent. Est-ce une bonne manière de procéder ? Est-ce un bon exemple à donner que d'encourager la rémunération variable, c'est-à-dire le maximum de tirages sur les finances publiques ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-96.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Monsieur le président. Monsieur Jégou, l'amendement n° I-287 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Jégou. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° I-287 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° I-94.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-470.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-417 rectifié, présenté par MM. About, Détraigne, Maurey et Jarlier, Mme Férat, M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Remplacer les taux :

50 %  et 40 %

par les taux :

40 % et 35 %

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré . Depuis que nous avons entamé l'examen de l'article 15, tous les orateurs ont indiqué que le crédit d'impôt recherche, le CIR, était un excellent instrument de dynamisation de la recherche privée (M. le président de la commission des finances fait un signe de dénégation), à condition qu'il soit parfaitement encadré et qu'il ne soit entaché d'aucun soupçon d'optimisation fiscale ou d'effet d'aubaine.

Dans ce contexte, l'amendement déposé par M. About et les membres du groupe Union centriste vise à répondre à une autre préoccupation : soutenir et encourager les entreprises nouvellement engagées dans la recherche. La loi prévoit actuellement de porter le taux du CIR de 30 % à 50 % pour la première année, puis à 45 % la deuxième année. Nous trouvons cette progression un peu trop forte par rapport au taux initial de 30 %. En outre, elle nous semble dépourvue de l'effet incitatif nécessaire pour que d'autres entreprises s'engagent dans des travaux de recherche et de développement.

Selon nous, une augmentation de 30 % à 45 % la première année et de 30 % à 40 % la deuxième année aurait le même effet et serait largement suffisante.

Nous voulons en effet éviter que certains grands groupes ne soient exposés à la tentation de créer des filiales dans le seul objectif de bénéficier d'un effet d'aubaine.

Madame la ministre, vous affirmiez tout à l'heure que 100 millions d'euros, ce n'est pas énorme. Notre mesure, comme celle qui est proposée par le président de la commission des finances, permet justement de récupérer une telle somme.

Comme le déclarait Raymond Devos : « Rien, ce n'est rien, mais trois fois rien, c'est déjà quelque chose ! » (Sourires.) De même, 100 millions, ce n'est pas rien ; et deux fois cette somme, cela commence à peser sur l'équilibre de nos comptes publics !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à diminuer la majoration pour CIR dont bénéficient pendant deux ans les entreprises ne l'ayant pas perçue depuis au moins cinq ans. Il s'agit d'une proposition intéressante.

Pour des raisons liées aux difficultés auxquelles nos finances publiques sont confrontées, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Badré, je n'ai jamais dit : « 100 millions d'euros, c'est rien » !

M. Denis Badré. C'était juste une provocation !

Mme Christine Lagarde, ministre. C'est beaucoup ! Mais, et vous en conviendrez, cela fait tout de même moins que les 3,2 milliards d'euros consacrés au CIR !

Je comprends l'esprit de votre amendement : vous souhaitez exclure les grands groupes du bénéfice du taux préférentiel - je dirais même du taux d'appel - proposé aux entreprises ne bénéficiant pas du CIR parce qu'elles ne se sont pas lancées dans des travaux de recherche et de développement depuis plus de cinq ans.

Or, avec une telle mesure, vous allez sanctionner non pas les grands groupes - la plupart bénéficient déjà du CIR, et de manière récurrente, puisqu'ils ont dorénavant droit à 30 % de crédit d'impôt recherche jusqu'à 100 millions d'euros -, mais les PME.

Le CIR, qui est un produit d'appel, a été conçu pour les PME, c'est-à-dire toutes les entreprises dont parlait Jean-Pierre Fourcade, celles qui ne faisaient jusqu'à présent pas de recherche et de développement, ou seulement de manière réduite, en tout cas sans s'engager dans une démarche de crédit d'impôt recherche.

C'est pour aider ces PME françaises, qui ne consacrent aujourd'hui pas assez d'argent à la recherche et au développement, que nous avons mis en place les taux d'appel de 50 % pour la première année, de 40 % pour la deuxième et, comme il ne faut pas trop s'habituer aux bonnes choses, de 30 % en régime de croisière.

Cet amendement ne permet donc pas d'atteindre l'objectif louable que vous poursuivez. Le Gouvernement n'y est donc pas favorable, d'autant qu'il souhaite fortement encourager les PME implantées sur notre territoire à s'engager dans la voie de la recherche et du développement. Nous voulons des PME solides, qui déposent des brevets, qui investissent et qui créent des emplois dans notre pays.

Par conséquent, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° I-417 rectifié est-il maintenu ?

M. Denis Badré. Au risque de faire de la peine à Mme le ministre, je maintiens mon amendement.

Je disais en préambule que le CIR était un excellent instrument, mais qu'il devait être parfaitement encadré.

Pour aider les petites entreprises à s'engager dans la recherche, si on a 100 millions d'euros, il faut les leur réserver exclusivement. Or, dans le dispositif actuel, une partie de cette somme disparaît sous forme d'effets d'aubaine. Ce n'est pas bien ! Il faut éviter à tout prix que les grands groupes ne soient tentés de créer des filiales aux seules fins de réduire leurs impôts.

Le taux que nous proposons dans cet amendement est largement suffisant pour inciter les PME à s'engager dans des travaux de recherche.

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.

M. Serge Dassault. Je ne sais pas ce que vous avez contre les grands groupes, mon cher collègue, mais je vous signale qu'ils ont autant besoin d'argent que les petits ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Le CIR est un outil formidable pour promouvoir l'emploi et la création de nouveaux produits. Vous faites des histoires pour déterminer si telles ou telles entreprises méritent ou non d'être favorisées, s'il faut aider ou non ceux qui les aident... C'est stupide !

L'important, c'est donner aux entreprises les moyens de créer de nouveaux produits. À défaut, elles iront faire de la recherche à l'extérieur, et ce sont des pays autres que le nôtre qui en profiteront.

Toutes les entreprises doivent bénéficier de cette aide, et à égalité, qu'il s'agisse des PME, des entreprises de taille intermédiaire ou des grands groupes.

Vous affirmez que les grands groupes vont créer de nouvelles unités ou des filiales dans le seul objectif de bénéficier du CIR. Il ne faut pas dire n'importe quoi ! C'est faux !

Les grands groupes ont des personnels pour faire de la recherche et du développement. Encore faut-il qu'ils disposent de moyens financiers suffisants, ce qui n'est pas forcément le cas.

Nous avons un outil formidable. Je ne vois pas pourquoi on en limiterait le bénéfice aux seules PME. Pourquoi les entreprises de taille intermédiaire et les grands groupes n'y auraient-ils pas droit ?

Cessez d'imaginer d'éventuels effets d'aubaines ou d'hypothétiques détournements du dispositif par le biais de création de filiales !

Les entreprises ont besoin de travailler et de développer des produits nouveaux. Si on ne les aide pas, tout le monde sera chômage, il ne restera plus rien à prélever et l'État sera en faillite !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. J'invite vraiment le Sénat à rejeter cet amendement. Le dispositif du CIR est véritablement destiné, au travers d'un mécanisme incitatif, à encourager les PME à faire de la recherche.

Je comprends votre préoccupation, monsieur Badré. Vous ne voulez pas que les grands groupes bénéficient de ces taux d'appel de 50 %, 40 %, puis 30 %, car vous craignez qu'ils ne détournent le dispositif en créant des filiales pour profiter d'un effet d'aubaine.

Je vous le rappelle, l'Assemblée nationale a voté un dispositif anti-abus prévoyant le cas que vous évoquez. Cette mesure permet d'exclure du bénéfice du CIR à 40 % et 50 % les sociétés dont l'actionnaire principal aurait déjà profité du crédit d'impôt dans le passé. Votre amendement est donc d'ores et déjà satisfait.

M. le président. La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Si mon amendement est satisfait, je le suis aussi... Mais il appartiendra à la commission mixte paritaire de juger lequel des dispositifs anti-abus, celui de l'Assemblée nationale ou le nôtre, est le meilleur.

Au demeurant, si les députés ont voté une telle mesure, c'est bien qu'ils partagent mes craintes. Mon amendement n'est donc pas complètement idiot ! J'en profite pour rassurer mon excellent collègue Serge Dassault. Je n'ai rien contre les grands groupes, et j'essaie de ne pas dire « n'importe quoi » et de ne pas tenir de propos « stupides » ! Mais je n'insisterai pas sur ces effets de séance...

Je rappelle également que la commission des finances a semblé sensible à mon argumentation. Elle n'est pas revenue sur sa position après avoir émis un avis favorable sur mon amendement !

L'adoption de cet amendement nous aidera à élaborer un texte satisfaisant lors de la commission mixte paritaire et permettra à l'État de gagner 100 millions d'euros.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. L'amendement du président Arthuis, qui a finalement été voté par notre assemblée, portait sur le même sujet.

Nous partageons l'objectif de M. Badré. Il faut limiter les effets d'aubaine et l'optimisation fiscale que pratiquent les grands groupes. Mêmes causes, mêmes effets... Je pense que l'amendement n° I-259, déposé par le groupe socialiste, est plus efficace.

Venons-en au bilan. Permettez-moi, madame la ministre, de citer les chiffres figurant dans le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale sur le CIR.

Entre 2007 et 2008, le nombre de holdings ayant bénéficié du CIR a plus que doublé, passant de 971 à 2 436, tandis que la part des PME indépendantes a peu progressé, passant de 6 314 entreprises à 6 759 en 2008. L'effet tant attendu de ce dispositif n'est donc pas encore vraiment au rendez-vous pour ces entreprises.

La pratique consistant à créer des filiales pour bénéficier au maximum de l'effet d'aubaine du CIR dans les premières années existe bien, et profite à de nombreux grands groupes. On pouvait encore hésiter l'année dernière, mais pas cette année ! À moins de considérer que les différentes études menées sur le sujet sont nulles et non avenues ! Nous aurons besoin d'avoir de la clarté sur cette pratique, de même que sur les dépenses de fonctionnement qui sont prises en compte.

Ne dites donc pas que le CIR bénéficie à plein aux PME indépendantes, madame la ministre. Ce n'est pas vrai !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. C'est un sujet qui me tient à coeur, car je le considère déterminant pour l'attractivité de notre territoire et pour nos PME.

Depuis la réforme de 2007, qui a mis en place ces taux d'appel de 50 % et 40 %, deux tiers des nouvelles entrantes dans le dispositif sont des PME. Sur les 3 000 nouvelles entreprises bénéficiaires, 60 % n'avaient jamais fait de travaux de recherche et développement. On retrouve les mêmes chiffres dans le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle, dans le rapport Gaudin et dans celui de l'Inspection générale des finances. (Mme Nicole Bricq le conteste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Je comprends le point de vue de M. Badré, mais son amendement tend à exclure du dispositif les PME qui souhaitent en bénéficier.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il ne les exclut pas ; il leur donne un avantage supplémentaire !

M. Philippe Adnot. Il faudrait trouver une autre solution contre les abus, mon cher collègue.

On pourrait par exemple proposer que le CIR s'applique seulement aux entreprises ayant une certaine durée d'existence, ou à celles qui ne sont pas des filiales d'autres entreprises. Mais il me paraît exagéré de pénaliser les PME au motif d'éviter l'optimisation fiscale recherchée par quelques grands groupes !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-417 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean Desessard. Une seconde délibération ?... (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° I-99, présenté par MM. P. Dominati, Cambon, du Luart, A. Dupont, Revet et Milon, Mmes Sittler et Hermange et Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Alinéa 29

Après le mot :

associé

insérer les mots :

, excepté les sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d'innovation ou des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 du présent code entre les entreprises et ces dernières sociétés ou ces fonds,

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. L'activité des fonds d'investissement, et notamment des fonds de capital-risque, les amène à investir dans de jeunes entreprises technologiques dont le risque de défaillance est élevé.

À travers ces prises de participation des fonds, les entreprises disposent de moyens financiers pour développer leurs innovations technologiques et financer leur croissance.

En général, le développement de ces innovations demande quelques années, pendant lesquelles les entreprises sont structurellement déficitaires, par manque de chiffre d'affaires.

Ces activités déficitaires conduisent chaque année des entreprises à déposer le bilan puis à être liquidées. Les fonds de capital-risque prennent donc souvent le risque de subir le dépôt de bilan de ces entreprises quelques années après leur prise de participation.

L'article 15, dans sa rédaction actuelle, ne distingue pas les différentes catégories d'associés. Il paraît pourtant indispensable de ne pas défavoriser les entreprises et leurs associés qui accueilleraient dans leur capital des fonds d'investissement qui, par leur activité, auraient eu, au cours des cinq dernières années, une participation supérieure à 25 % dans une entreprise ayant subi une liquidation judiciaire ou amiable et n'ayant plus d'activité effective.

Mes chers collègues, parce que c'est la nature même de ces fonds à risques, il est très probable que certains d'entre eux auront subi, au cours des cinq années précédentes, une telle mésaventure dans le cadre d'un investissement.

Par conséquent, cela pénaliserait d'autres entreprises qui essaieraient de se lancer, puisqu'elles s'interdiraient une participation de 25 % à leur capital.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En votant l'amendement précédent, qui allait dans la direction opposée, nous avons refusé le bénéfice du taux majoré à certaines catégories d'entreprises.

Cet amendement-ci tend à accorder le taux majoré dans certains cas. Par cohérence avec le vote qui vient d'être émis, il serait préférable que cet amendement soit retiré, faute de quoi la commission appellerait à son rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Je souhaitais initialement émettre un avis favorable sur cet amendement de M. Dominati, mais je suis un peu perplexe, puisque votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, vient de supprimer le taux majoré de crédit d'impôt recherche.

Je me demande s'il ne vaudrait pas mieux retirer cet amendement, malheureusement.

M. le président. Monsieur Dominati, êtes-vous convaincu de la nécessité de retirer l'amendement n° I-99 ?

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, je suis convaincu que, dans l'état actuel des choses, il vaut mieux que je retire cet amendement et que je me consacre à la défense d'autres propositions portant sur des sujets plus importants !

M. le président. L'amendement n° I-99 est retiré.

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-100, présenté par MM. P. Dominati, Cambon, du Luart, A. Dupont et Milon, Mmes Sittler et Hermange, M. Chatillon et Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Alinéa 35

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Cet amendement a trait au sujet très brillamment évoqué tout à l'heure par notre collègue Jean-Pierre Fourcade.

La baisse de 75 % à 50 % du forfait de frais de fonctionnement applicable aux dépenses de personnel de recherche et développement implique mécaniquement une baisse de 7,5 % à 12,5 % du crédit d'impôt recherche, soit une diminution d'environ 500 millions d'euros, sur le budget global concerné.

Cette baisse n'est pas justifiée, car il n'y a à ce jour aucune évaluation précise ni définition officielle de ces frais de fonctionnement.

Les seuls éléments chiffrés disponibles au niveau national sur les frais de fonctionnement émanent d'une enquête menée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche en 2007, qui évalue les frais généraux du personnel de recherche, en moyenne, à 60 %, et non à 50 % ,comme le prévoit l'amendement voté par l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, une étude de la direction du Trésor a évalué, de son côté, le taux de frais de fonctionnement à 73 % des frais de personnel.

En l'absence de définition précise de ces frais de fonctionnement permettant de déterminer un taux forfaitaire moyen équitable, il convient de ne pas modifier la règle actuelle, qui semble convenir à tous les bénéficiaires.

La réduction de taux proposée concernerait pratiquement toutes les PME, et la perte serait d'environ 70 000 euros pour chacune de ces entreprises. Les témoignages qu'un certain nombre d'entre nous ont reçus sont particulièrement édifiants. Ainsi, cette entreprise qui considère que ce seul amendement réduirait de 7 % son budget de fonctionnement pour 2011. Il s'agit non pas d'une grande entreprise, mais d'une entreprise de onze salariés, créée en 2007, et dont la totalité des frais est consacrée au personnel.

C'est donc la raison et l'objet de cet amendement, qui consiste à revenir au texte initial et à supprimer l'alinéa 35 de l'article 15 du projet de loi dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

M. le président. L'amendement n° I-444, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 35

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

1° Le premier alinéa du c est ainsi modifié :

a) Le taux : « 75 % » est remplacé par le taux : « 50 % » ;

b) Il est complété par un membre de phrase ainsi rédigé :

« toutefois, les entreprises peuvent opter pour la prise en compte des dépenses de fonctionnement qu'elles ont réellement engagées, dans la limite de 75 % du montant des dépenses de personnel mentionnées à la première phrase du b et du b bis ; »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances souhaite préparer les conditions d'une commission mixte paritaire fructueuse.

Nos collègues de l'Assemblée nationale se sont beaucoup mobilisés sur ce sujet. Ils se sont appuyés, comme nous, sur des travaux de contrôle budgétaire précis sur les enjeux du crédit d'impôt recherche. À cet égard, il ne faut pas caricaturer leur approche.

La commission vous propose une solution en quelque sorte intermédiaire, moins rigoureuse que celle qui a été votée par l'Assemblée nationale, mais qui ne revienne pas totalement au statu quo , lequel a été critiqué par les différents travaux d'inspection, d'étude et de contrôle auxquels nous nous référons. Jean-Pierre Fourcade, dans son intervention tout à l'heure, a fait allusion à cette position.

Nous proposons le choix entre deux solutions : soit la prise en compte des dépenses de fonctionnement forfaitairement, à concurrence de 50 %, soit la prise en compte des dépenses réelles de fonctionnement affectées à des tâches de recherche et de développement, c'est-à-dire un régime de frais réels justifiés, dans la limite de 75 %, c'est-à-dire la proportion actuellement en vigueur.

Cette formule constitue une solution équitable, permettant de tenir compte des efforts réalisés par nos collègues députés. L'assainissement des finances publiques doit tous nous engager et, en même temps, il faut tenir compte de la réalité des efforts réalisés par les entreprises, notamment petites et moyennes.

M. le président. Le sous-amendement n° I-468 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4 de l'amendement n° I-444

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) Le taux : « 75 % » est remplacé par les mots : « la somme de 75 % des dotations aux amortissements mentionnées au a et de 50 % » ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement a présenté ce sous-amendement pour rester fidèle au principe évoqué à l'instant par M. le rapporteur général, celui qui consiste, pour une entreprise, à disposer d'une option : soit 50 % des dépenses de personnel sous forme de forfait, soit les frais réels dans les limites d'un plafond de 75 % des dépenses de personnel.

Je souhaiterais, monsieur le président, par ce sous-amendement, réintroduire la notion de dotation aux amortissements, qui avait été prévue par l'Assemblée nationale et dont je suggère qu'elle soit prise en compte pour le calcul du forfait des frais de fonctionnement. En plus des 50 % des dépenses de personnel, ce forfait inclurait donc 75 % des dotations aux amortissements des immobilisations affectées à la recherche.

Sans préjuger de l'avis que vous me demanderez d'exprimer sur l'ensemble des amendements qui viennent en discussion commune, c'est à cet amendement dûment sous-amendé que le Gouvernement se ralliera.

M. le président. L'amendement n° I-38, présenté par MM. Houel, Beaumont, Bécot et P. Dominati, Mlle Joissains et MM. Fouché et Revet, est ainsi libellé :

Alinéa 35

Remplacer les mots :

de 75 %

par les mots :

de la totalité

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-67, présenté par MM. Adnot et Türk, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 35

Remplacer le pourcentage :

50 %

par le pourcentage :

67%

II. - Alinéa 38

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2012

III. - La perte de recettes pour l'État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. L'amendement avait pour objet d'unifier le taux des amortissements et des dépenses de fonctionnement à 67 % et d'évoquer un sujet qui n'a pas encore été examiné, celui de la rétroactivité.

Lorsque les entreprises prévoient leur budget, elles le font par définition à l'avance, c'est-à-dire, pour l'année 2010, en 2009. Or les mesures prévues à l'article 15 sont rétroactives sur l'année 2010, ce qui veut dire que vont être mises en cause des entreprises qui, de bonne foi, se sont engagées au vu de certaines règles que l'on s'apprête à changer à la fin de l'année. Cela ne me paraît pas convenable.

C'est la raison pour laquelle cet amendement prévoit de remplacer, à l'alinéa 38, l'année 2010 par l'année 2012.

Madame la ministre, je vous fais une suggestion : je suis prêt à retirer mon amendement d'harmonisation à 67 %, compte tenu du sous-amendement que vous avez déposé sur l'amendement n° I-444, à condition que vous reteniez l'année 2012, de façon à ne pas mettre en cause les budgets prévus en 2009.

M. le président. L'amendement n° I-101, présenté par MM. P. Dominati et Cambon, Mme Hermange, M. A. Dupont, Mme Bout, MM. Gilles, Revet et Bernard-Reymond et Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Alinéa 38, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2011

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Afin de soutenir l'activité des entreprises dans un contexte économique de crise, la loi de finances rectificative pour 2008 a institué un régime de remboursement anticipé des créances de crédit d'impôt recherche calculées au titre des années 2005 à 2008, régime qui a été prorogé pour 2009.

Cet amendement prévoit de pérenniser cette mesure, mais en la limitant aux petites et moyennes entreprises au sens du droit communautaire.

Le rapport de l'Inspection générale des finances indique que le remboursement immédiat, s'il a principalement concerné des PME, a également permis à plus de 1 700 entreprises de taille supérieure de bénéficier du remboursement immédiat de leurs créances, pour près de 500 millions d'euros.

Les états généraux de l'industrie ont mis en avant le manque criant d'entreprises de taille intermédiaire en France, contrairement à ce qui prévaut en Allemagne.

Cette mesure est l'une de celles qui ont permis à ces entreprises de taille intermédiaire, ou ETI, de bénéficier d'un soutien de trésorerie important dans le cadre de la crise économique, grâce auquel elles ont pu continuer à se développer et à investir.

Il ne faut pas que la mise en place trop rapide du dispositif ne fragilise encore plus les entreprises, qui définissent leur budget de fonctionnement sur le dernier trimestre. Pour leur budget 2011, actuellement en préparation, elles intègrent le remboursement du crédit d'impôt recherche 2010.

L'arrêt de cette mesure pour les entreprises ne répondant pas à la définition de PME va donc les fragiliser dangereusement au cours de l'année 2011, dans un contexte économique toujours incertain, en particulier pour les entreprises du secteur industriel, premier bénéficiaire du crédit d'impôt recherche.

Nous proposons donc de remplacer, à l'alinéa 38, l'année 2010 par l'année 2011.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je sollicite le retrait de l'amendement n° I-100 au profit de l'amendement n° I-444 de la commission des finances, modifié par le sous-amendement n° I-468 rectifié du Gouvernement, auquel la commission des finances est favorable. La prise en compte des dotations aux amortissements avait été malencontreusement omise dans mon dispositif.

L'amendement n° I-38 n'aura plus d'objet si l'amendement n° I-444 sous-amendé est adopté, et son auteur aura largement satisfaction.

Il en est de même de l'amendement n° I-67, qui est également satisfait par l'amendement de la commission des finances.

M. Philippe Adnot. Pas pour l'année !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Enfin, je sollicite le retrait de l'amendement n° I-101, car, par rapport à la version adoptée par l'Assemblée nationale, la prorogation d'une année du remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche serait forcément plus coûteuse pour les finances publiques. Or la commission des finances préférerait ne pas dégrader la situation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. J'ai par avance indiqué la position du Gouvernement lorsque j'ai présenté le sous-amendement n° I-468 rectifié du Gouvernement à l'amendement n° I-444 de la commission des finances.

Pour les mêmes raisons que celles que M. le rapporteur général vient d'évoquer, vous comprendrez, monsieur Adnot, que je ne puisse pas reporter d'une année la date d'entrée en vigueur du dispositif que nous mettons en place actuellement, d'autant que l'entreprise a le choix. Si elle opte pour un régime de frais réels, elle peut parfaitement, comme par le passé, aller jusqu'au plafond de 75 %. Elle a donc une corde de rappel.

Par conséquent, à l'exception de l'amendement n° I-444, sous réserve qu'il soit modifié par le sous-amendement du Gouvernement, je souhaite le retrait de l'ensemble des amendements. À défaut, j'émettrais un avis défavorable sur chacun d'eux.

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° I-100 est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-100 est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° I-468 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-444, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° I-38 n'a plus d'objet.

Monsieur Adnot, l'amendement n° I-67 est-il maintenu, étant entendu qu'il a perdu une partie de son objet ?

M. Philippe Adnot. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-67 est retiré.

Monsieur Adnot, l'amendement n° I-101 est-il maintenu ?

M. Philippe Adnot. Non, je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-101 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-102, présenté par MM. P. Dominati et Cambon, Mme Sittler, MM. A. Dupont et Milon, Mmes Hermange et Procaccia, M. Chatillon et Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Compléter cet alinéa par les mots :

à l'exception des dépenses engagées par les entreprises ayant une activité industrielle et commerciale effective depuis plus de vingt-quatre mois et par les jeunes entreprises innovantes au sens de l'article 44 sexies -0 A du présent code

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à compléter le d bis de l'article 244 quater B du code général des impôts. Le texte impose ainsi aux entreprises d'effectuer un minimum de recherche interne pour pouvoir inclure dans les bases de calcul de leur crédit d'impôt recherche les prestations de recherche sous-traitées auprès d'organismes agréés privés.

Cette disposition anti-abus viserait à réprimer un montage qui, initié par une société implantée hors de l'Espace économique européen, serait fondé sur la création d'une entreprise ou l'utilisation d'une coquille vide n'ayant pour seule activité que d'acheter de la recherche et développement dans l'Espace économique européen et, à ce titre, bénéficier en France du crédit d'impôt recherche.

Cette disposition imposée quelle que soit l'activité ou la date de création aurait de graves conséquences pour les entreprises françaises qui ont une activité effective. Il en va de même pour les jeunes entreprises innovantes et les jeunes entreprises universitaires.

En effet, l'un des effets les plus positifs du nouveau crédit d'impôt recherche est d'avoir encouragé les collaborations de recherche. Ce cercle vertueux est, en effet, un des facteurs clés du succès de l'innovation.

De nombreuses entreprises investissent dans la recherche et développement. Elles sont innovantes, mais leur recherche et développement n'est pas éligible, par exemple parce qu'elle est trop proche de la phase de production.

L'application de la disposition adoptée par l'Assemblée aurait des répercussions sur ces coopérations, qui constituent le « chaînon manquant » indispensable pour faire de la France le pays de l'innovation.

De plus, elle interdirait aux PME, qui n'ont pas les moyens humains ou matériels, d'accéder aux collaborations privées dans les domaines non investis par la recherche publique.

Par ailleurs, elle pénaliserait également celles qui font de la recherche, mais pas suffisamment pour bénéficier de ces collaborations.

Afin non seulement de préserver le dispositif du crédit d'impôt recherche des abus mais aussi de ne pas pénaliser les entreprises qui ont une activité réelle ainsi que les PME innovantes, il est donc proposé de ne pas appliquer le second alinéa du d bis , d'une part aux entreprises industrielles et commerciales ayant une activité effective depuis plus de vingt-quatre mois et, d'autre part, aux jeunes entreprises innovantes au sens de l'article 44 sexies -0 A du code général des impôts.

M. le président. L'amendement n° I-58, présenté par Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Compléter cet alinéa par les mots :

à l'exception des dépenses engagées par les jeunes entreprises innovantes au sens de l'article 44 sexies -0 A.

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pour toutes les bonnes raisons que vient d'évoquer notre collègue Philippe Dominati, je vais plus loin avec cet amendement.

Je propose tout simplement, pour préserver le dispositif du crédit d'impôt recherche des abus, mais surtout pour ne pas pénaliser les PME innovantes, de ne pas appliquer le second alinéa du d bis aux jeunes entreprises innovantes au sens de l'article 44 sexies -0 A.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale vise à éviter que ne soient créées des structures qui, en fait, sous-traitent une grande partie de leur recherche hors de France. Il mérite d'être adopté en l'état, afin de ne pas encourager l'optimisation.

Il serait de surcroît paradoxal que de jeunes entreprises innovantes n'aient pas vocation à engager elles-mêmes au moins le quart de leurs dépenses de recherche, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit. En effet, une entreprise qui n'engage pas par elle-même, avec ses propres moyens, sa matière grise et son matériel, le quart des dépenses de recherche, mérite-t-elle d'être qualifiée de « jeune entreprise innovante » ? Il s'agirait plutôt d'un « jeune courtier innovant » ! (Sourires.)

Par conséquent, ces deux amendements ont vocation à être retirés. En son temps, la commission des finances avait d'ailleurs fait part de son grand scepticisme et formulé de nombreuses réserves, lors de la création de ce label « jeune entreprise innovante » par le gouvernement Villepin.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Raffarin !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Peu importe, il s'agit d'un gouvernement précédent ! (Sourires.)

Sans doute existe-t-il de vraies jeunes entreprises innovantes, et le dispositif de l'Assemblée nationale les encourage précisément à se concentrer sur ce qui doit faire leur valeur.

La sous-traitance pour plus des trois quarts de l'assiette du crédit d'impôt recherche n'est sincèrement pas acceptable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° I-102 est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-102 est retiré.

Madame Des Esgaulx, l'amendement n° I-58 est-il maintenu ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-58 est retiré.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° I-19 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° I-439 est présenté par M. Raoul, au nom de la commission de l'économie.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I.- Après l'alinéa 37

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

C.- Après le III, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis . - Les entreprises qui engagent plus de 100 millions d'euros de dépenses de recherche mentionnées au II joignent à leur déclaration de crédit d'impôt recherche un état décrivant la nature de leurs travaux de recherche en cours, l'état d'avancement de leurs programmes, les moyens matériels et humains qui y sont consacrés et la localisation de ces moyens. »

II bis . - Le deuxième alinéa du I de l'article 1729 B du même code est complété par les mots : « et de l'état prévu au III bis de l'article 244 quater B. ».

II.- Alinéa 38, seconde phrase

Remplacer les mots :

et le B du II

par les mots :

, le B et le C du II et le II bis

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-19.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avec cet amendement, qui vise à améliorer la transparence, je proposais que les entreprises déclarant plus de 100 millions de dépenses éligibles et bénéficiant de la tranche de crédit d'impôt recherche de 5 % transmettent à l'administration fiscale des informations sur leurs travaux de recherche et développement,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elles peuvent toujours le faire !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. ... sur leur état d'avancement, les moyens et leur localisation.

Mais je me demande, monsieur le président, si cet amendement a encore une utilité, compte tenu de l'adoption de l'amendement de Jean Arthuis... Me confirme-t-on que le champ est le même ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

Mme Nicole Bricq. Il y aura une seconde délibération !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement n'a donc plus d'objet, monsieur le président, mais nous le gardons en réserve pour la CMP ! Je rappelle qu'il avait été adopté à l'unanimité de la commission des finances.

Mme Nicole Bricq. Principe de précaution !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En effet, ma chère collègue, il faut toujours avoir quelque chose en réserve ! (Sourires.)

M. le président. Les amendements identiques n os I-19 et I-439 n'ont en effet plus d'objet, compte tenu de l'adoption de l'amendement n° I-123.

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° I-20 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° I-438 est présenté par M. Raoul, au nom de la commission de l'économie.

Les deux amendements sont ainsi libellés :

I. Après l'alinéa 37

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

II bis . - Les services du ministère chargé de la recherche communiquent les informations mentionnées dans la déclaration de crédit d'impôt pour dépenses de recherche, qu'ils reçoivent en application du II de l'article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts, aux services chargés de la réalisation d'études économiques relevant du ministère chargé de l'économie et de l'industrie et qui figurent sur la liste mentionnée au II de l'article L. 135 D du livre des procédures fiscales, en vue de l'élaboration d'études ou de rapports présentant les tendances et enjeux de la recherche, notamment sur l'innovation et la compétitivité des entreprises, dans les principaux secteurs économiques.

II. Alinéa 38

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le II bis s'applique à compter du 1er janvier 2011.

La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-20.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a pour objet de permettre la transmission des informations relatives au crédit d'impôt recherche aux services chargés de la réalisation d'études économiques relevant du ministère chargé de l'économie et de l'industrie, directement intéressé par de telles informations.

M. le président. L'amendement n° I-20 est assorti d'un sous-amendement n° I-469 ainsi libellé :

Amendement n° I-20

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par un paragraphe ainsi rédigé :

II bis . - L'article L. 135 D du livre des procédures fiscales est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - Les services du ministère chargé de la recherche communiquent les informations mentionnées dans la déclaration de crédit d'impôt pour dépenses de recherche dont ils sont destinataires aux services chargés de la réalisation d'études économiques relevant du ministère chargé de l'économie et de l'industrie et qui figurent sur la liste mentionnée au II, en vue de l'élaboration d'études ou de rapports présentant les tendances et enjeux de la recherche, notamment sur l'innovation et la compétitivité des entreprises, dans les principaux secteurs économiques. »

La parole est à Mme le ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Il s'agit d'un sous-amendement rédactionnel.

M. le président. Je considère que l'amendement n° I-438 est défendu.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° I-469 ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-469.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os I-20 et I-438, modifiés.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° I-259, présenté par Mme Bricq, MM. Marc, Raoul, Daunis et Mirassou, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le IV de l'article 244 quater B du même code est rétabli dans la rédaction suivante :

« IV. - A. - Par dérogation au I, lorsqu'une entreprise bénéficiaire du crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche est liée, au sens du 12 de l'article 39 du présent code, à d'autres entreprises ou entités juridiques exposant au cours de l'année, en France ou hors de France, des dépenses de recherche de même nature que les dépenses mentionnées au II, le taux du crédit d'impôt est égal au taux résultant de l'application de la dernière phrase du premier alinéa du I au montant total des dépenses de recherche de même nature que les dépenses mentionnées au II exposées au cours de l'année, en France et hors de France, par cette entreprise et les entreprises ou entités juridiques liées au sens du 12 de l'article 39 précité.

« B. - Le A du présent IV s'applique aux crédits d'impôts calculés au titre des dépenses exposées à compter du 1 er janvier 2011. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je l'ai annoncé tout à l'heure, cet amendement nous paraît de nature à satisfaire tous ceux qui, sur ces travées, veulent lutter contre l'optimisation fiscale avérée, notamment par les grands groupes, du crédit d'impôt recherche.

Le crédit d'impôt recherche est actuellement calculé au taux de 30 % sur la fraction des dépenses de recherche inférieure à 100 millions d'euros et au taux de 5 % sur la fraction excédant ce montant.

Le présent amendement est plus large que celui de M. Arthuis, qui a été adopté tout à l'heure !

Cette règle étant appréciée entreprise par entreprise, sans consolidation des groupes, elle permet l'optimisation par le « découpage » des dépenses de recherche au sein de plusieurs filiales. On a même cité des cas de grands groupes qui favorisent cette optimisation en créant des filiales pour bénéficier à plein de l'effet du crédit d'impôt recherche. Au seul titre des groupes fiscalement intégrés, l'appréciation filiale par filiale a renchéri ainsi le coût du crédit d'impôt recherche de 390 millions d'euros en 2008.

Afin de mettre un terme à cette optimisation, nous proposons, avec le présent amendement, de consolider le montant total de dépenses de recherche par les groupes d'entreprises liées, c'est-à-dire placées sous un contrôle commun.

Permettez-moi de citer un exemple qui montre l'intérêt de cette formule.

Pour deux entreprises liées réalisant chacune 100 millions d'euros de dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche et bénéficiant chacune aujourd'hui de 30 millions d'euros de crédit d'impôt recherche, le barème du crédit serait appliqué sur la dépense totale, produisant un taux moyen pour le groupe qui conduirait à faire bénéficier chacune des entreprises de 17,5 millions d'euros de crédit d'impôt recherche, plutôt que de 30 millions.

Afin de garantir - c'est important - un traitement équivalent entre entreprises françaises et étrangères, comme le suggère le Conseil des prélèvements obligatoires, les entreprises exerçant des activités de recherche à l'étranger les déclareraient en vue de leur prise en compte dans le calcul du crédit d'impôt recherche.

Une telle mesure est la meilleure pour optimiser le dispositif.

Nous avions soutenu en commission la proposition de M. Arthuis, mais notre amendement n° I-259 avait été rejeté, alors qu'il s'inscrivait dans la même logique, sans doute avec une amplitude plus grande.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous sommes abstenus tout à l'heure lors du vote de l'amendement n° I-123 de M. Arthuis, qui a finalement été adopté par le Sénat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame Bricq, cet amendement ayant en effet une amplitude plus grande que l'amendement n° I-123 de M. Arthuis, auquel j'ai tenté de m'opposer, je ne puis y être favorable.

Au demeurant, je le rappelais tout à l'heure, l'adoption d'une telle disposition aurait pour conséquence un traitement inégalitaire des groupes, selon l'historique de leur constitution et leur structure juridique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement que vient de défendre Mme Bricq me paraît tout à fait opportun.

Il s'agit de proposer une gestion plus rigoureuse du crédit d'impôt recherche, en luttant contre ses importants effets d'aubaine, d'autant plus rageants que de nombreux chercheurs dans notre pays - je pense bien sûr à ceux qui oeuvrent dans le domaine de la recherche publique au sein des organismes de recherche et de l'Université -, estiment à juste titre que les moyens dont ils disposent sont insuffisants.

Pour avoir rencontré récemment de ces chercheurs qui oeuvrent dans le secteur public, je peux vous dire qu'ils voient avec désappointement partir vers l'étranger nombre de leurs collègues, faute pour nous de leur proposer, notamment, des postes de post-doctorat, qui seraient tellement nécessaires.

Face à l'investissement en faveur de la recherche d'un certain nombre de pays, notamment les pays émergents comme la Chine ou l'Inde, on doit dire et redire que notre propre investissement en la matière est une absolue priorité.

Cette remarque vaut d'ailleurs aussi pour un certain nombre de chercheurs oeuvrant dans le cadre de structures à caractère privé, très attentifs aux crédits qui leur sont alloués.

Si l'on considère la totalité des sommes affectées à la recherche, la part relevant des budgets publics est malheureusement insuffisante au regard des enjeux actuels. La recherche scientifique d'aujourd'hui, ce sont les emplois de demain et d'après-demain, mes chers collègues.

Quant au crédit d'impôt recherche, il s'agit d'une somme prélevée, d'une manière ou d'une autre, sur le budget de l'État pour être affectée aux entreprises.

Pour notre part, nous sommes favorables au crédit d'impôt recherche. Mme Bricq a cité à cet égard le rapport extrêmement rigoureux et constructif de notre collègue député Alain Claeys, lequel a énuméré toutes les pistes à explorer pour rendre ce dispositif le plus efficace possible.

Dans un certain nombre de cas, des sommes importantes sont affectées au titre du crédit d'impôt recherche, alors qu'il ne s'agit pour les entreprises que d'un pur effet d'aubaine, les activités en question ne relevant pas véritablement de la recherche ou résultant d'une série de « bricolages » visant à tirer parti du dispositif.

Parallèlement, des chercheurs qui se donnent beaucoup de mal ne bénéficient, pour poursuivre leurs activités, que de crédits tout à fait insuffisants. Nous pouvons alors comprendre leur colère et leur incompréhension devant une telle situation.

C'est la raison pour laquelle il faut donner à la recherche scientifique française les moyens qui doivent être les siens. Nous aurons l'occasion d'évoquer ce sujet au cours de l'examen des crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur. Par ailleurs, il convient de mettre un terme aux effets d'aubaine engendrés par le crédit d'impôt recherche. Chaque euro affecté à la recherche doit bénéficier effectivement à la recherche.

Dans cette perspective, Mme Bricq vous propose, mes chers collègues, un système extrêmement rigoureux que je soutiens totalement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-259.

M. Jean Desessard. C'est un dispositif astucieux et très intelligent, chers collègues !

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié.

(L'article 15 est adopté.)