IV. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU VENDREDI 18 NOVEMBRE 2011)

Article 3 bis (nouveau)

Mme la présidente. « Art. 3 bis. - I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le 1° du II de l'article 150 U, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Au titre de la première cession d'un logement, y compris ses dépendances immédiates et nécessaires au sens du 3° si leur cession est simultanée à celle dudit logement, autre que la résidence principale, lorsque le cédant n'a pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession.

« L'exonération est applicable à la fraction du prix de cession défini à l'article 150 VA que le cédant remploie, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la cession, à l'acquisition ou la construction d'un logement qu'il affecte, dès son achèvement ou son acquisition si elle est postérieure, à son habitation principale. En cas de manquement à l'une de ces conditions, l'exonération est remise en cause au titre de l'année du manquement ; »

2° Au dernier alinéa du 1 de l'article 170, après la référence : « 163 quinquies C bis », sont insérés les mots : «, le montant des plus-values exonérées en application du 1° bis du II de l'article 150 U » ;

3° Après le premier alinéa du II de l'article 726, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« S'agissant des titres visés au 2° du I, l'assiette du droit d'enregistrement comprend, à concurrence de la fraction des titres cédés, la valeur réelle des biens et droits immobiliers détenus, directement ou indirectement, au travers d'autres personnes morales à prépondérance immobilière, après déduction du seul passif afférent à l'acquisition desdits biens et droits immobiliers, ainsi que la valeur réelle des autres éléments d'actifs bruts. »

II. - Le 1° du I s'applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1 er février 2012.

Mme la présidente. L'amendement n° I-205, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

applicable

insérer les mots :

, dans la limite de 300 000 euros,

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet article a trait à un aspect particulier de la taxation des plus-values de cessions immobilières : il concerne un bien détenu par un contribuable qui n'est pas propriétaire de sa résidence principale.

Le régime qui s'applique, ou plus exactement celui qui entrera en vigueur à compter du 1 er février 2012, adopté il y a deux mois dans le cadre de la réforme des plus-values immobilières du plan Fillon I, est celui du droit commun, c'est-à-dire une imposition dégressive à partir de la cinquième année et une exonération totale au bout de trente ans.

Considérant que l'allongement de quinze à trente ans de la durée d'exonération durcissait trop les conditions faites au contribuable non-propriétaire de sa résidence principale, les députés sont revenus sur leur vote de septembre. Ils ont donc introduit le présent article dans le projet de loi de finances pour 2012. Ils auront mis à peine deux mois pour changer d'avis...

Que prévoit l'article 3 ?

La première cession d'un logement qui n'est pas la résidence principale est exonérée de l'impôt sur les plus-values à deux conditions : le cédant ne doit pas avoir été propriétaire de sa résidence principale au cours des quatre années précédant la cession ; l'exonération ne s'applique qu'à la fraction du prix de cession remployée, dans un délai de vingt-quatre mois, à l'acquisition d'un logement affecté à la résidence principale.

Le coût de cette mesure est évalué à 150 millions d'euros. C'est cher ! Le dispositif est donc gagé par la suppression d'une niche concernant les sociétés civiles immobilières, ce qui est sans rapport avec la taxation des plus-values immobilières. Allez comprendre...

J'en viens à l'amendement de la commission des finances.

La précédente réforme des plus-values immobilières, qui date de 2004, avait instauré un taux unique de 31,3 %. Appliquer le même taux d'imposition, quels que soient les revenus des ménages, était une erreur. Pour autant, j'admets que des cas particuliers peuvent exister - les membres de l'opposition m'ont donné nombre d'exemples en commission des finances - et qu'il pourrait être injuste de ne pas les prendre en compte.

À défaut de réformer complètement le mécanisme actuel, je suis donc d'accord pour en corriger les effets pervers. C'est pourquoi je propose un compromis : maintenir l'exonération prévue par les députés dans la limite d'un prix de cession de 300 000 euros. Au-delà de ce seuil, le droit commun s'applique : une imposition dégressive à partir de la cinquième année, puis une exonération totale au bout de trente ans.

Comme toute limite, elle pourra être jugée comme arbitraire. Elle a toutefois le mérite d'exister. Elle permettra sans doute de rendre la réforme possible, à un coût moindre pour les finances de l'État.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, je suis sensible à votre volonté de limiter les dépenses fiscales de l'État ou de permettre à celui-ci d'augmenter ses recettes. Reste que je suis sensible à l'équité.

Cette disposition a été introduite dans le projet de loi de finances par les députés, qui ont fait preuve de beaucoup de sagesse, pour tenir compte d'une situation qui me paraît être d'une iniquité flagrante.

Vous le savez, la plus-value réalisée lors de la cession de la résidence principale est totalement exonérée.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C'était déjà le cas avant !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Prenons l'exemple d'un appartement dans le VII e arrondissement de Paris d'une valeur de 2 millions d'euros. En cas de cession, le propriétaire ne paiera aucun impôt sur les plus-values.

Dans le même temps, imaginez un jeune couple de locataires à Meaux. Ne pouvant pas devenir propriétaire dans sa région - les résidences en Île-de-France sont malheureusement trop chères -, il acquiert une belle ferme dans l'un des beaux départements que vous représentez, mesdames, messieurs les sénateurs.

Mme Nathalie Goulet. Dans l'Orne !

M. François Marc. Avec des chevaux !

M. Jean-Marc Todeschini. Et deux ânes !

M. Philippe Dominati. C'est bien trop cher ! (Sourires.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si ce jeune couple de Meldois décide de vendre cette belle résidence secondaire, il paierait un impôt sur les plus-values, dont le régime a été considérablement durci.

Les députés ont considéré que cette situation était injuste. C'est particulièrement vrai pour les habitants de l'Île-de-France, des grandes zones urbaines ou des zones touristiques, où l'immobilier est beaucoup plus cher qu'ailleurs. C'est pourquoi ils ont décidé que cette plus-value réalisée lors de la première cession d'une résidence secondaire devait être exonérée au même titre que celle réalisée lors de la vente d'une résidence principale.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement de Mme Bricq.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C'est l'amendement de la commission !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Excusez-moi : le Gouvernement émet avis défavorable sur l'amendement de la commission des finances, qui vise à plafonner la défiscalisation à 300 000 euros.

Je le répète, ce seuil créerait une iniquité. Je vous rappelle que la vente d'une résidence principale est exonérée d'impôt sur les plus-values même si celle-ci vaut 10 millions, voire 50 millions d'euros. Si vous n'êtes pas propriétaire de votre résidence principale, il me paraît donc logique de défiscaliser une plus-value de 500 000 euros sur la vente de votre résidence secondaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je précise que cet amendement, dont nous avons longuement débattu, a été adopté à l'unanimité par la commission des finances.

Dans sa version initiale, le dispositif proposé était plus « raide », mais j'ai tenu compte des observations qui m'ont été adressées.

Si j'avais un doute quant à la pertinence du seuil retenu, vous venez de le lever grâce à l'exemple que vous avez pris, madame la ministre. Avec 300 000 euros, on peut parfaitement se loger à Meaux !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J'y insiste : l'amendement bénéficie du soutien unanime de la commission des finances !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-205.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean-Marc Todeschini. Vos amis ne vous ont pas suivi, monsieur le président de la commission. Heureusement que nous sommes là !

Mme la présidente. L'amendement n° I-84 rectifié bis , présenté par Mme Sittler, M. Grignon, Mme Keller et MM. Reichardt, Revet, G. Bailly, Pierre et Milon, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

bis Au 8° du II de l'article 150 U, après la première occurrence de la référence : « au 7° », sont insérés les mots : « ou de leur intégration dans l'emprise de futurs lotissements d'habitations ou de zones d'activités dont elles ont la maîtrise d'ouvrage » ;

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes pour l'État résultant du 1° bis du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Esther Sittler.

Mme Esther Sittler. La récente modification de la taxe sur les plus-values immobilières constituera un sérieux coup de frein pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale dans la réalisation de leurs objectifs de construction de logements.

En effet, cette taxe constitue le principal argument avancé par les propriétaires sollicités pour ne pas céder leur terrain aux collectivités en vue de l'aménagement de lotissements d'habitation. Or celles-ci ont généralement pour objectif de permettre aux jeunes ménages de devenir propriétaires de leur habitation à un prix raisonnable.

Par conséquent, cet amendement vise à remédier au problème de l'acquisition foncière en exonérant de taxe sur les plus-values immobilières les particuliers qui cèdent leur bien immobilier à une collectivité territoriale, à un établissement public de coopération intercommunale ou à un établissement public foncier en vue de l'aménagement de lotissements d'habitations ou de zones d'activités dont ils ont la maîtrise d'ouvrage.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, dont l'adoption ouvrirait une grosse brèche dans un dispositif qui est encore très frais.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je comprends la logique qui sous-tend l'amendement de Mme Sittler, et j'aurais aimé pouvoir y donner une suite favorable. Malheureusement, cette mesure serait coûteuse. Dans le contexte financier actuel, nous ne voulons pas élargir le champ des niches fiscales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote.

Mme Esther Sittler. En tant que maire d'une commune rurale, j'ai fait construire des lotissements sous maîtrise d'ouvrage communale alors que je n'avais pas beaucoup de moyens.

L'objectif d'un maire est de satisfaire à la fois les jeunes désireux de rester et les autres personnes qui souhaitent s'installer. J'ai eu la chance d'accueillir dans mon village un sapeur-pompier professionnel de Strasbourg qui n'avait pas les moyens de construire dans sa ville, car je pouvais maîtriser les coûts grâce à un prix d'acquisition raisonnable.

Il existe un précédent ; c'est l'exonération pour logements sociaux. Je propose simplement de permettre aux communes rurales - c'est essentiellement d'elles qu'il s'agit - de construire des lotissements en maîtrisant les coûts d'aménagement, afin de permettre à des jeunes d'y résider.

C'est la raison pour laquelle je regrette la position tant de la commission que du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Sittler, je retiens votre idée. Toutefois, dans sa rédaction actuelle, votre amendement me pose un problème. En effet, il tend à élargir l'exonération, et non à la proroger. Or le dispositif arrive à expiration en 2012. Je vous suggère donc de prendre contact avec mes collaborateurs pour voir comment insérer une telle mesure dans le projet de loi de finances lorsque l'Assemblée nationale en sera à nouveau saisie.

Sachez que je comprends votre préoccupation. Je pourrais m'en remettre à la sagesse des parlementaires, mais la rédaction de votre amendement ne permet pas, me semble-t-il, d'atteindre vos objectifs. Je vous invite donc à le retirer.

Mme la présidente. Madame Sittler, l'amendement n° I-84 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Esther Sittler. Non, je le retire, madame la présidente, et je remercie Mme la ministre de laisser une porte entrouverte

Mme la présidente. L'amendement n° I-84 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'article 3 bis , modifié.

(L'article 3 bis est adopté.)