II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 47 quaterdecies (nouveau)

À compter du 1 er janvier 2012, le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l'année, un rapport sur les autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale et sur les autorités administratives indépendantes dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État. Cette annexe générale récapitule, par autorité et pour le dernier exercice connu, l'exercice budgétaire en cours d'exécution et l'exercice suivant :

1° Le montant constaté ou prévu de leurs dépenses ;

2° Le montant constaté ou prévu des produits des impositions de toute nature, des subventions budgétaires et des autres ressources dont elles bénéficient ;

3° Les emplois rémunérés par ces autorités.

Ce rapport comporte également, pour chacune de ces autorités, une présentation stratégique avec la définition d'objectifs et d'indicateurs de performance, une présentation des actions et une présentation des dépenses et des emplois avec une justification au premier euro. Il expose, par catégorie, présentée par corps ou par métier, ou par type de contrat, la répartition prévisionnelle des emplois rémunérés par l'autorité et la justification des variations par rapport à la situation existante. Il rappelle, de la même façon, les emplois utilisés par l'autorité et dont le coût est supporté par un autre organisme.

À compter du 1 er janvier 2013, ce rapport comporte également une analyse des écarts entre les données prévues et constatées pour les crédits, les ressources et les emplois, ainsi que pour les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés.

Cette annexe générale est déposée sur le bureau des assemblées parlementaires et distribuée au moins cinq jours francs avant l'examen du projet de loi de finances de l'année qui autorise la perception des impôts, produits et revenus affectés aux organismes divers habilités à les percevoir.

III. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME II

Commentaire : le présent article crée une annexe générale au projet de loi de finances de l'année consacrée aux autorités publiques indépendantes.

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte d'un amendement de nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général du budget, Michel Bouvard et Louis Giscard d'Estaing, adopté sur avis favorable du Gouvernement. Il fait suite aux travaux menés par nos collègues René Dosière et Christian Vanneste dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, et qui ont donné lieu à la publication, au mois d'octobre 2010, d'un rapport d'information sur les autorités administratives indépendantes (AAI) 1 ( * ) .

Le dispositif ici prévu avait, à quelques ajustements près, déjà été adopté dans le cadre de l'article 71 de la première loi de finances rectificative pour 2011 (n° 2011-900 du 29 juillet 2011). Il était assorti de l'instauration d'un plafond d'emplois applicable aux autorités concernées (article 72). Ces articles ont néanmoins été censurés par le Conseil constitutionnel ( cf. infra ).

A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit, à compter du 1 er janvier 2012, la création d'une annexe générale au projet de loi de finances de l'année relative aux autorités publiques indépendantes (API) et aux autorités administratives indépendantes (AAI) dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d'emplois ministériel. Cette annexe récapitule, pour le dernier exercice connu, l'exercice budgétaire en cours d'exécution et l'exercice suivant :

- le montant constaté ou prévu de leurs dépenses ;

- le montant constaté ou prévu des produits des impositions de toute nature, des subventions budgétaires et des autres ressources dont elles bénéficient ;

- ainsi que les emplois rémunérés par ces autorités.

Cette annexe devra également comporter une présentation stratégique , des objectifs et indicateurs de performance , une présentation des actions et une présentation des dépenses et des emplois justifiés au premier euro . Elle exposera, par catégorie, présentée par corps, par métier, ou par type de contrat, la répartition prévisionnelle des emplois rémunérés par l'autorité et la justification des variations par rapport à la situation existante, ainsi que les emplois dont elle dispose et qui sont rémunérés par un autre organisme. L'ensemble de ces informations fait écho à la présentation des documents budgétaires associés aux missions du budget de l'Etat et vise donc à doter les API de quasi-projets annuels de performances.

Ce nouveau « jaune » budgétaire devra enfin, à compter du 1 er janvier 2013, comporter une analyse des écarts entre les données prévues et constatées pour les crédits, les ressources et les emplois, ainsi que pour les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés. Elle sera déposée sur le bureau des assemblées et distribuée au moins cinq jours francs avant l'examen du projet de loi de finances de l'année qui autorise la perception des impôts, produits et revenus affectés aux organismes divers habilités à les percevoir.

Selon nos collègues députés, les API constituent un « angle mort du point de vue de l'information du Parlement » . Elles ne sont :

1) ni incluses dans le champ des opérateurs de l'Etat , qui font l'objet d'un « jaune » budgétaire 2 ( * ) ;

2) ni évoquées, même de manière indirecte, dans les projets annuels de performances lorsque leurs ressources ne sont pas budgétaires , mais fiscales 3 ( * ) ou issues de recettes de nature quasi-commerciale.

Le présent article entend donc combler ces lacunes .

B. LES ENTITÉS VISÉES PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le critère usuellement retenu pour distinguer les autorités publiques indépendantes (API) des autorités administratives indépendantes (AAI) est la personnalité juridique de droit public dont disposent les premières. Cette distinction est toutefois de portée doctrinale et les API sont parfois considérées comme un sous-ensemble des AAI, dont elles constituent une sorte de « perfectionnement ». Nos collègues députés soulignent ainsi que « la formule de l'autorité publique indépendante (API), dotée de la personnalité morale, constitue certainement la forme la plus aboutie pour le concept même d'autorité administrative indépendante , car non seulement (elle) garantit une réelle indépendance administrative, mais aussi améliore les capacités de réactivité de ces autorités dont, précisément, on attend une adaptabilité forte à un secteur d'activité généralement en mouvement rapide » 4 ( * ) .

Certains organismes sont expressément qualifiés d'API par la loi . Il s'agit de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), de l'Autorité des marchés financiers (AMF), de la Haute autorité de santé (HAS), de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), du Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C) et de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI).

Deux entités font l'objet d'une qualification moins claire . Le Médiateur national de l'énergie n'est qualifié ni d'AAI ni d'API par la loi. Bien qu'il se présente comme une autorité administrative indépendante dans son rapport d'activité 5 ( * ) , le législateur l'a doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière. L'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) est, quant à elle, dépourvue de personnalité morale mais adossée à la Banque de France, personne morale de droit public sui generis .

En tout état de cause, le dispositif proposé par nos collègues députés vise, d'une part, « les autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale » et, d'autre part, « les autorités administratives indépendantes dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond des autorisations des emplois rémunérés par l'Etat ». Répondent donc à ces critères l'AFLD, l'ACP, l'AMF, la HAS, la HADOPI, le H3C, le Médiateur national de l'énergie et l'ARAF.

C. LES MOTIFS DE LA CENSURE CONSTITUTIONNELLE

Dans sa décision n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a censuré les articles 71 et 72 du premier collectif budgétaire pour 2011, qui prévoyaient respectivement la création d'un « jaune » consacré aux autorités publiques indépendantes et la détermination annuelle d'un plafond d'emplois en loi de finances.

Le Conseil a rappelé que « seule une loi organique peut fixer le contenu des lois de finances (et) que, par suite, les dispositions des articles 71 et 72, qui ont cet objet, ont été adoptées au terme d'une procédure contraire à la Constitution ». Cette censure visait donc au premier chef l'article 72 qui, en prévoyant l'insertion systématique d'un plafond d'emploi des API dans la loi de finances de l'année, recelait des dispositions de nature organique. L'article 71, en ce qu'il faisait explicitement référence aux autorisations d'emplois qui résulteraient de l'article 72, a néanmoins été considéré comme indissociablement lié à celui-ci et a fait l'objet d'une censure groupée.

Le présent article est à nouveau assorti d'un article 47 quindecies relatif aux emplois des API. Cependant, à la différence de l'article 72 de la LFR-1 pour 2011, cet article ne pose pas le principe général d'une détermination annuelle en loi de finances d'un plafond d'emplois. Il se contente de fixer ce plafond pour 2012.

Dans sa décision précitée, le Conseil a précisé qu'« indépendamment de l'obligation découlant de la loi organique qui lui impose de fixer les plafonds d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat, il est loisible au législateur de prévoir, dans chaque loi de finances, des dispositifs permettant de contenir l'évolution des dépenses des organismes relevant de l'Etat » . Ces éléments confirment que si le législateur ne peut édicter une règle générale relative au contenu des lois de finances en dehors d'une loi organique, il peut parfaitement compléter ce contenu loi de finances après loi de finances, en vertu d'un principe qui serait, en quelque sorte, « coutumier ». C'est ainsi que les lois de finances ont été enrichies, au fil des ans, de plafonds d'emplois relatifs aux opérateurs ou aux établissements à autonomie financière, sans que l'article 34 de la LOLF, relatif au contenu des lois de finances, en prévoie explicitement l'existence.

L'article 47 quindecies ayant été purgé du « vice » qui a entraîné la censure groupée des articles 71 et 72, le présent article n'encourt plus une telle censure . En effet, il dispose que le jaune retracera « les emplois rémunérés » par les autorités indépendantes, et ne fait donc plus référence à un quelconque plafond permanent. Au surplus, le e du 7° du II de l'article 34 de la LOLF dispose explicitement que la loi de finances peut « comporter toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ». Le présent article relève assurément de cette catégorie.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteure générale souscrit au dispositif, dans la mesure où l'existence d'une telle annexe budgétaire n'est pas de nature à porter préjudice à l'indépendance que le législateur a entendu conférer aux autorités concernées. L'amélioration de l'information permettra néanmoins au Parlement d'examiner régulièrement la situation financière, les emplois et les performances des autorités concernées, sur le fondement de quoi il lui sera loisible d'adapter leurs moyens.

Au demeurant, le caractère doctrinal de la distinction entre AAI et API est parfois source de confusion et ne facilite pas le travail du législateur lorsqu'il s'agit de leur appliquer des règles transversales. Une clarification rapide serait la bienvenue , s'agissant notamment des organismes dont la qualification est incertaine.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Rapport d'information n° 2925, Treizième législature.

* 2 Les opérateurs se caractérisent par un contrôle direct de l'Etat, qui ne se limite pas à un contrôle économique ou financier mais doit relever de l'exercice d'une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques, que cette faculté s'accompagne ou non de la participation au conseil d'administration.

* 3 Tel est le cas, par exemple, de l'Autorité des marchés financiers, qui perçoit le produit de divers droits et contributions acquittés par les personnes relevant de son champ de compétences.

* 4 Rapport d'information précité.

* 5 Rapport d'activité 2010 du Médiateur national de l'énergie.