III. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU MERCREDI 30 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel avant l'article 53

M. le président. L'amendement n° II-43, présenté par MM. Marc et Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Avant l'article 53

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les mécanismes de péréquation ont pour objectif le rapprochement progressif des ressources par habitant des collectivités territoriales. Ils conduisent à ce qu'aucune commune ou ensemble intercommunal n'ait, dans un délai de dix ans à compter de la publication de la présente loi, un indicateur de ressources élargi par habitant, corrigé par les dispositifs de péréquation horizontale, inférieur à 80 % de celui de sa strate démographique. Ce taux est fixé à 90 % pour les départements. Il est fixé à 95 % de l'indicateur de ressources fiscales par habitant, corrigé par les dispositifs de péréquation horizontale, pour les régions.

La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.

M. François Marc, rapporteur spécial. Il s'agit d'un amendement de principe, très important à nos yeux.

Monsieur le ministre, je peux vous affirmer que personne, dans cet hémicycle, n'est opposé au principe de la péréquation. Nous avons d'ailleurs maintenu l'objectif fixé par l'Assemblée nationale de 1 milliard d'euros de péréquation horizontale pour le FPIC, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, en 2016, même si nous proposons des modalités de mise en oeuvre différentes, notamment des ajustements sur certains aspects techniques.

Cela étant, nous nous posons un certain nombre de questions sur la faisabilité ou sur les effets pervers de certains prélèvements ou de certaines formes de répartition. Sur ce point, les inquiétudes sont nombreuses. Je ne citerai qu'un seul exemple.

Vous nous avez remis ce matin, monsieur le ministre, des simulations. D'autres étaient parvenues au Sénat samedi soir et certains d'entre nous ont pu en prendre connaissance. Il s'agissait des premières simulations que nous recevions au Sénat, alors que, depuis le mois de juin dernier, le groupe de travail sur la mise en oeuvre de la péréquation entre les collectivités territoriales les réclamait, en vain. Jusqu'à présent, nous ne disposions d'aucun élément d'appréciation objectif ou chiffré.

Or les simulations complémentaires qui nous ont été remises font clairement apparaître que, si l'on modifie un seul critère, par exemple le revenu par habitant, des communautés de communes qui percevaient 600 000 euros samedi soir ne perçoivent plus rien ce matin. Il est totalement incompréhensible qu'une simple variante entraîne un résultat si différent.

Cet amendement vise à mettre en place un dispositif ambitieux. Nous avons en effet le souci de muscler la péréquation verticale ; Mme la rapporteure générale peut en témoigner. Déjà, 11 milliards d'euros ont été dégagés. Cela nous permet de renforcer la péréquation verticale à hauteur de 650 millions d'euros et de la flécher de manière prioritaire.

La péréquation est bien au coeur de la proposition que nous formulons en faveur des collectivités territoriales. C'est bien cette ambition pour l'avenir que nous souhaitons mettre en avant.

Cet amendement tend à préciser que, à l'horizon de dix ans, les collectivités les plus modestes en termes de ressources devront bénéficier d'un rattrapage progressif, de l'ordre de 80 % pour les communes, de 90 % pour les départements et de 95 % pour les régions. Aujourd'hui, le différentiel dans le potentiel financier des communes est de l'ordre de 1 à 1 000 ! Nous voulons que, dans dix ans, aucune collectivité communale ne dispose de ressources en termes de potentiel financier inférieures à 80 % de la moyenne. Cela suppose donc un effort considérable.

Telle est l'ambition, je le répète, que nous affichons pour l'avenir. C'est pourquoi nous souhaitons que le Sénat s'engage dès aujourd'hui dans cette voie et retienne ce grand principe d'action pour la péréquation en adoptant cet amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° II-289 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Collin et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier, est ainsi libellé :

Amendement n° II-43, alinéa 3, deuxième phrase

Remplacer le pourcentage :

80 %

par le pourcentage :

90 %

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je défendrai en même temps le sous-amendement n° II-343 rectifié, car il porte également sur cet amendement de principe.

Le sous-amendement n° II-289 rectifié se borne à aligner l'objectif de péréquation pour les communes et les ensembles intercommunaux sur celui des départements, en le faisant passer de 80 % à 90 %.

Le sous-amendement n° II-343 rectifié, en revanche, est un peu plus corsé : il aborde un problème sur lequel nous aurons à revenir, à savoir l'utilisation des strates démographiques.

Prendre pour référence, comme le font l'amendement n° II-43 et l'article 58, un indice de strate démographique et non un indicateur de richesse national revient à reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre, en tout cas à amoindrir fortement les effets péréquateurs du fonds. Le rapporteur spécial vient de l'indiquer, les inégalités sont très fortes puisque l'on constate un rapport de 1 à 1 000 en matière de richesses. Mais si l'on tient compte des strates démographiques, c'est édifiant !

En 2010, le potentiel fiscal par habitant des communes de moins de 500 habitants était trois fois plus faible que celui des communes de plus de 200 000 habitants et quatre fois plus que celui de Paris. Ne pas tenir compte de ce ratio ne peut se justifier par une différence de besoins, puisque la structure sociologique des communes rurales est désormais semblable à celle des grandes communes, avec parfois des pauvres en plus.

Si le recours à des strates démographiques dans la DGF, où un rural vaut la moitié d'un citadin d'une ville de plus de 200 000 habitants, pouvait trouver un début de justification lorsque les modes de vie en ville et à la campagne étaient très différents, l'argument ne tient plus. Aujourd'hui, tout le monde le constate, les structures sociologiques et les besoins des populations sont équivalents, que ce soit en ville ou dans les campagnes. Et que dire si l'on précise que nombre de petites communes sont devenues le refuge des pauvres !

Retenir le système des strates démographiques, même en l'aménageant - nous aurons l'occasion d'y revenir -, c'est faire perdurer la cause essentielle d'inégalité.

L'usage de références par strates démographiques ne se justifie pas non plus par l'existence de « charges de centralité », dont le ministre vient de parler longuement. Si celles-ci existent, elles sont largement compensées par des charges de ruralité, liées à l'entretien de l'espace, bien commun de l'ensemble de nos concitoyens qui sont bien heureux de venir s'y ébattre. Elles sont également compensées par des charges d'accueil d'une population dont les dépenses stimulent l'économie des communes-centres. Certes, les charges de centralité sont réelles, mais il existe aussi des recettes de centralité !

Par ailleurs, cela a déjà été évoqué, mais de façon partielle et unilatérale, l'intercommunalité a permis des évolutions considérables. Il a été dit qu'elle avait créé une solidarité entre le centre et les communes périphériques. Mais mon expérience personnelle m'a permis de constater que c'était aussi la meilleure façon de faire prendre en charge par les communes périphériques des équipements centraux que, jusqu'à présent, elles ne finançaient pas !

Par conséquent, se passer de la référence aux strates démographiques, quelle que soit la façon dont on les habille, sera le véritable moyen de parvenir à l'équité.

M. Claude Dilain. Très bien !

M. le président. Le sous-amendement n° II-343 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Collin et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier, est ainsi libellé :

Amendement n° II-43, alinéa 3, deuxième phrase

Remplacer les mots :

de celui de sa strate démographique

par les mots :

du potentiel financier par habitant moyen, constaté à l'échelle nationale

Cet amendement a déjà été soutenu.

Le sous-amendement n° II-334, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Amendement n° II-43

Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

Les mécanismes de péréquation reposent également sur la répartition de ressources fiscales collectées au niveau national.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Le débat sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est toujours important, mais, cette année, il prend un relief particulier : il n'est qu'à voir le nombre d'amendements - plus d'une centaine - examinés hier soir par la commission des finances. Cela témoigne à la fois des interrogations et de l'inquiétude des élus locaux.

N'oublions pas que la suppression de la taxe professionnelle il y a deux ans, puis son remplacement par la contribution économique territoriale, avait déjà apporté son lot de modifications et d'interrogations. Il est vrai que la question de la péréquation peut sembler plus simple que cette réforme, mais, dans les faits, il n'en est rien !

Le projet de loi de finances pour 2012 réduit la contribution de l'État au financement de l'action des collectivités locales. Parallèlement, il prévoit que les collectivités s'entendent entre elles pour mettre en place un dispositif de péréquation horizontale.

Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé, l'ensemble des dotations - DSU, DSR, DNP - représentent 3 milliards d'euros. Toutefois, depuis quatre ans, une part importante de l'évolution de la DSU et de la DSR est le fait de prélèvements sur l'ensemble de l'enveloppe normée, ce qui est déjà une forme de péréquation verticale. La dotation du FPIC pour la première année se fera par des moyens équivalents. En d'autres termes, une contribution non négligeable est déjà en place, qui se traduit, depuis quatre ans, par une réduction des dotations aux différentes collectivités.

J'en reviens à la mesure qui nous est proposée aujourd'hui dans ce texte. Il faut se souvenir que la péréquation horizontale est un jeu à somme nulle, puisque ce que l'on prend aux uns correspond exactement à ce que l'on donne aux autres. Par conséquent, quel que soit l'objectif que l'on se fixe, aucune démarche durable de péréquation horizontale ne peut comporter de dispositifs de rendement garanti, si ce n'est au travers d'une sollicitation toujours plus grande de ceux qui contribuent pour apporter quelques subsides à ceux qui peuvent percevoir.

Au début, le coût de l'opération est apparemment réduit. Je prendrai un exemple pour mieux illustrer mon propos. À dessein, je ne parlerai pas de mon département, pour ne pas accréditer l'idée selon laquelle ceux qui expriment des réticences par rapport à la péréquation le font parce qu'ils en pâtissent. Je ne fais pas partie d'une intercommunalité ou d'une commune qui vit désagréablement le FPIC, tel qu'il est envisagé.

J'ai voulu regarder ce qui se passe sur l'ensemble de nos territoires, et c'est pourquoi j'ai volontairement choisi une commune isolée, celle de Saint-Ouen, en banlieue parisienne, dont on dit souvent qu'elle est riche. Oui, elle est riche de son activité économique et d'une population dont le revenu moyen par habitant s'élève à 17 500 euros par an. C'est également le revenu moyen dans ma commune. Je mesure ce que cela signifie d'avoir une population à faible potentiel financier, dont plus de la moitié des habitants ne sont pas imposables sur le revenu. On ne peut donc pas soutenir que cette ville n'a pas de charges lourdes à supporter !

Au regard des simulations qui ont été effectuées, la première année, dans cette commune, le prélèvement représenterait 36,45 euros par an et par habitant. Cependant, au bout de quatre ans, si l'on en croit la progression prévue, celui-ci atteindrait 145,80 euros par habitant et par an, soit près de 7 % du potentiel financier de la commune.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-France Beaufils. La question que nous posons avec ce sous-amendement est récurrente : la péréquation horizontale doit-elle constituer la seule réponse aux inégalités éventuelles de ressources entre collectivités ?

M. le président. Le sous-amendement n° II-241 rectifié, présenté par Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, J. Gillot, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Sueur, Todeschini et Yung, Mme Demontès et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Amendement n° II-43

I. - Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

II. - Les objectifs de rapprochement progressif des ressources par habitant des collectivités territoriales, fixés au I, font l'objet d'une évaluation annuelle dans l'annexe au projet de loi de finances de l'année intitulée : « Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales », prévue à l'article 108 de la loi n ° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007.

II. - En conséquence, alinéa 3

Faire précéder cet alinéa de la référence :

I. -

La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. L'inégalité d'accès aux services publics, à laquelle s'ajoute souvent l'inégalité sociale, est une injustice quotidienne subie par nombre de nos concitoyens.

La révision générale des politiques publiques, avec la suppression de plus de 130 000 fonctionnaires, aggrave chaque jour cette situation, aboutissant à la régression des services publics dans les territoires. Les nouvelles cartes scolaire, judiciaire, hospitalière, militaire, révisées depuis 2007, conduisent à de véritables « déserts de services publics ».

De même, tant la politique du Gouvernement en direction de la ville que celle qui est destinée aux territoires ruraux sont marquées par l'échec.

Les crédits en faveur de la politique de la ville ne cessent de diminuer, et l'État se désengage du financement des dotations de solidarité et de développement urbain.

Monsieur le ministre, qu'en est-il aujourd'hui du plan « Espoir banlieues », lancé en 2007, à grand renfort de communication ?

Ce retrait de l'État accroît les attentes des citoyens, auxquelles les territoires les plus pauvres ne peuvent répondre. Sans ressource fiscale d'un niveau satisfaisant, les collectivités territoriales ne sont pas en mesure d'agir pour résorber la fracture territoriale.

Les inégalités de richesses sont fortes, comme l'ont rappelé nombre de nos collègues. Une politique ambitieuse de péréquation, objectif à valeur constitutionnelle depuis 2003, doit être menée afin d'assurer un accès au service public sur l'ensemble du territoire. Or l'État n'abonde plus directement, aujourd'hui, l'évolution des dotations. Au contraire, leur augmentation est ponctionnée sur les autres composantes de la DGF, qui doivent en outre faire face à un besoin de financement croissant, pour prendre en compte l'augmentation de la population et le développement de l'intercommunalité. Les dotations de péréquation destinées aux collectivités territoriales n'ont représenté, en 2011, que 17 % du montant total de la DGF.

Monsieur le ministre, il est temps d'enclencher une nouvelle politique de solidarité territoriale et de lui fixer un cap.

Tel est l'objet de l'amendement n° II-43 déposé par MM. les rapporteurs spéciaux au nom de la commission des finances, qui tend à fixer à l'horizon de dix ans un objectif de réduction des inégalités de ressources. Il représente un chemin vers le rapprochement progressif des ressources des collectivités territoriales. Pour y parvenir, il faudra bien entendu s'appuyer sur les mécanismes de péréquation horizontale.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons cet amendement. Toutefois, nous souhaitons proposer un sous-amendement, afin de permettre une évaluation annuelle de cet objectif, incluse dans le document budgétaire « Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales », annexé chaque année au projet de loi de finances. Ce bilan périodique permettra au Parlement de juger, en connaissance de cause, de l'efficacité des mécanismes de péréquation en vigueur et, si nécessaire, d'en modifier l'orientation.

M. le président. Le sous-amendement n° II-283 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Collin et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier, est ainsi libellé :

Amendement n° II-43

Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

Avant le 1 er janvier 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan d'étape de la réduction des inégalités financières entre collectivités territoriales. Ce rapport détermine les effets des mécanismes de péréquation par catégorie de collectivités au regard des objectifs fixés à l'alinéa précédent et rend compte des mesures nécessaires pour y parvenir. L'avis du Comité des finances locales est joint à ce rapport.

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Nous souscrivons pleinement à l'amendement présenté par la commission des finances. L'objectif d'une péréquation efficace restera vain si nous en restons au stade des déclarations de bonnes intentions, sans mettre en oeuvre des dispositifs pérennes et volontaristes. Sur ce point, la période de dix ans visée par l'amendement nous paraît constituer un horizon tout à fait crédible. Il s'agit de mettre enfin les faits en accord avec le principe constitutionnel de péréquation.

Notre sous-amendement vise à compléter ce dispositif de façon modeste, mais utile. Nous proposons d'instituer une clause de revoyure à mi-chemin du dispositif de convergence des ressources, c'est-à-dire en 2017. Cette clause prendrait la forme d'un rapport remis au Parlement par le Gouvernement, en y associant le Comité des finances locales. Ce document dresserait un bilan précis du processus et des pistes à envisager pour l'ajuster.

Il va de soi, dans notre esprit, qu'il appartiendrait au Parlement de se saisir de ce rapport pour en débattre et en tirer, le cas échéant, les conclusions qui s'imposent sur le plan législatif.

Nous n'ignorons pas que la commission des finances propose un dispositif similaire à l'article 58, s'agissant du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. Nous estimons cependant que notre sous-amendement s'inscrit dans une démarche plus globale, en visant l'ensemble des catégories de collectivités.

Par ailleurs, je tiens à souligner que les notions de péréquation et d'autonomie fiscale et financière ne font pas toujours bon ménage. Je dirais même qu'elles ont tendance à se télescoper, voire à s'opposer.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C'est juste !

M. François Fortassin. À mes yeux, la péréquation est avant tout un problème d'état d'esprit. Dans notre pays, nous sommes parvenus à une solidarité sociale, car, au-delà des clivages, tout le monde a estimé que nos concitoyens les plus fragiles ne pouvaient rester au bord du chemin. En matière de solidarité territoriale, nous devons avoir la même approche.

Je fais aussi observer que la notion de charges, si elle doit être prise en compte, peut entraîner des effets pervers. Je connais le cas, dans ma région, qui n'est pas pourtant très riche, d'une ville de moins de 20 000 habitants, dont le budget dépasse 150 millions d'euros, c'est-à-dire à peu près la moitié du budget d'un département de 300 000 habitants. Il est évident que cette commune a des charges. Bien que n'étant pas une commune touristique, elle dispose notamment d'une patinoire. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

Sans les mêmes ressources, je me demande si elle aurait fait construire un tel équipement. Force est de constater que nous sommes en présence de charges qui relèvent, selon moi, du luxe.

C'est comme si l'on considérait, en matière d'impôt sur le revenu et de bouclier fiscal, que les contribuables ayant trois yachts, quatre résidences secondaires et prenant trois mois de vacances dans les îles du Pacifique, ont tellement de charges qu'ils ne peuvent pas payer leurs impôts ! (MM. Pierre-Yves Collombat et Louis Pinton applaudissent.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les cinq sous-amendements ?

M. François Marc, rapporteur spécial. Je remercie nos collègues de la part active qu'ils prennent à cette discussion sur une orientation de principe en matière de péréquation. Pour autant la commission des finances s'étant fixé une doctrine, j'exposerai sa position au regard de cette dernière.

Le sous-amendement n° II-289 rectifié est plus ambitieux que l'amendement de la commission. Compte tenu de la diversité au sein du bloc communal, il serait possible de fixer un tel objectif, mais sans doute sur une durée supérieure à dix ans. La commission sollicite donc le retrait de cet amendement.

Concernant le sous-amendement n° II-343 rectifié, l'avis de la commission est défavorable. Il s'agit ici de construire un simple indicateur, qui n'est pas véritablement discriminant. Nous n'avons donc pas pu vraiment prendre la mesure de ce qu'apportait ce dispositif.

Le sous-amendement n° II-334 vise à préciser que la péréquation est également verticale. Nous sommes tous d'accord sur le principe, mais le dispositif serait-il pertinent ? La commission des finances s'en remet donc à la sagesse du Sénat.

Le sous-amendement n° II-241 rectifié vient en concurrence avec l'amendement n° II-283 rectifié. Le premier vise à proposer une évaluation annuelle ; le second a pour objet de prévoir un rapport d'étape à mi-parcours. Cela nous paraît utile. L'avis est plutôt favorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement de la commission des finances et sur les cinq sous-amendements ?

M. Philippe Richert, ministre. En préambule, je souhaite apporter une réponse à l'interpellation initiale de M. Marc à la suite de mon propos liminaire.

Le document annexé au projet de loi finances prévoit la clef de répartition suivante pour le produit de la péréquation : 40 % pour les revenus des ménages, 40 % pour le potentiel financier et 20 % pour l'effort fiscal.

M. Marc indique que la modification d'un critère, par exemple celui des revenus, entraîne des conséquences non négligeables. Il a cité une communauté de communes qui recevait 600 000 euros, ce qui représente un abondement relativement important. C'est vrai que la prise en compte d'un pourcentage plus important des revenus des ménages dans la clef de répartition bénéficiera aux territoires où la population est plutôt pauvre et défavorisera ceux où elle est plutôt riche. Tel est le principe de la péréquation.

On m'a enjoint de changer le dispositif pour corriger le fait que trop de territoires touchant la DSU n'avaient pas un bilan positif en termes de péréquation au titre du FPIC. Ma réponse a donc été de prendre davantage en compte les revenus par habitant, de telle façon que les communes touchant des sommes de la DSU seront beaucoup plus fréquemment celles qui touchent en même temps des ressources au titre du FPIC, les communes avec DSU étant souvent celles qui ont une population fragile en termes de revenus.

L'amendement de la commission vise, au terme d'un délai de dix ans, à placer à 20 % le delta des communes les plus fragiles par rapport à la moyenne de la strate en termes de potentiel financier. À cet égard, je rappelle à nouveau que Dunkerque est à 50 % au-dessus de la strate, c'est-à-dire qu'il faudra beaucoup élaguer au sommet de la strate, ou gonfler beaucoup à la base, pour atteindre les 20 % que la commission préconise.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les efforts à faire en termes de péréquation sont énormes. C'est la raison pour laquelle il me semblait que la meilleure façon d'y arriver était de s'inscrire, de façon courageuse, dans la péréquation que j'ai proposée. J'ai donc prévu des modifications qui, pour certaines, vont globalement désavantager les collectivités qui ont des familles aisées sur leur territoire.

Comme j'avais cru comprendre qu'il m'était demandé d'aider davantage les territoires dont la population est fragile, il m'est apparu nécessaire d'augmenter la part des revenus des ménages prise en compte dans le système de péréquation du FPIC. De la sorte, nous rétablirons un équilibre.

En ce qui me concerne, je ne suis pas enclin à fixer un objectif lointain, attentatoire, de surcroît, aux libertés communales. Le dispositif que je propose permettrait, dès 2012, d'être réactif en termes de péréquation.

Je suis donc défavorable à l'amendement n° II-43, mais je suis prêt à discuter des modalités pratiques à mettre en oeuvre pour ne pas perdre une année. Je suis également, par conséquent, défavorable à tous les sous-amendements.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souhaite rappeler dans quel esprit la commission des finances a préparé ce débat.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur la bonne volonté et l'ouverture d'esprit de la Haute Assemblée, sur toutes ses travées. Il n'y a pas lieu de remettre en question l'esprit positif dans lequel le Sénat aborde ce dispositif de péréquation.

Nous en sommes à l'article additionnel avant l'article 53. Nous reprendrons un peu plus tard nos discussions au sujet de la péréquation intercommunale, qui ne figure qu'à l'article 58. Nos excellents rapporteurs spéciaux auront, à ce moment-là, l'opportunité de rappeler la teneur du débat, libre et pluraliste, que nous avons eu et le cheminement que nous avons suivi pour en arriver à un amendement voté, fait tout de même suffisamment rare pour être souligné, à l'unanimité des membres de notre commission.

M. Philippe Dallier. Moins une voix !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L'un de nos collègues s'est en effet abstenu, non sans avoir dit qu'il était favorable à l'amendement. Il l'a fait par déontologie, l'unanimité étant une notion étrangère à sa culture personnelle ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, il n'y a aucunement lieu de suspecter les intentions du Sénat. Nous sommes simplement très sensibles à ces sujets. Autant nous nous retrouvons de manière ambitieuse dans les principes, autant l'expérience nous a tous appris qu'il fallait regarder les simulations de près, nous laisser le temps suffisant pour les analyser, en tirer des enseignements et, éventuellement, faire varier les hypothèses de travail.

En effet, nous le savons aussi d'expérience, si, les uns et les autres, nous nous trompons, les élus locaux, que nous rencontrons régulièrement dans les territoires, ne manqueront pas de nous le faire payer pendant un grand nombre d'années.

M. Jean-Pierre Caffet. C'est déjà fait !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà, monsieur le ministre, l'esprit dans lequel nous avons travaillé. À ce stade, nous en sommes aux principes généraux. Naturellement, nous sommes entièrement à votre disposition pour améliorer les hypothèses de travail, indiquer les évolutions à prévoir pour l'avenir, mettre l'accent sur les critères qu'il s'agira de faire varier, de manière à atteindre le meilleur équilibre possible, cher collègue François Fortassin, entre l'autonomie fiscale et la péréquation, c'est-à-dire la solidarité.

M. le président. Monsieur Collombat, le sous-amendement n° II-289 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre-Yves Collombat. Oui, monsieur le président, je le maintiens et j'interviendrai tout à l'heure en explication de vote.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Monsieur le ministre, je vous le dis très clairement, vous êtes en train de mettre gravement en cause la banlieue, toutes ces collectivités qui, ayant connu des vrais problèmes, essaient, depuis des années, de s'en sortir.

J'ai donc appris que je gérais une ville très riche. Rendez-vous compte : 35 000 habitants, deux zones urbaines sensibles, les fameuses ZUS, et un dossier ANRU ! Naturellement, elle a la chance de bénéficier d'une dotation du Fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France, comme toutes les communes du Val-d'Oise qui sont aujourd'hui les plus impactées.

D'après la liste fournie, toutes ces communes seraient contributrices, à l'exception de celles de la communauté d'agglomération de la Vallée de Montmorency et d'Enghien-les-Bains, qui forment le secteur le plus privilégié du département. Je m'aperçois aussi que, ailleurs, dans le Val-de-Marne, Ivry-sur-Seine et Vitry-sur-Seine cotiseraient le double de Vincennes ou de Saint-Maur-des-Fossés. Je ne vois pas où est la justice ni même le bon sens dans ces simulations. En tout cas, j'ai du mal à les comprendre !

Il se trouve que, dans une autre enceinte, avec Alain Richard, rapporteur du budget à l'époque, j'ai largement contribué à mettre en place le Fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France. Le projet avait été lancé dans le prolongement de la loi d'orientation pour la ville, pilotée par M. Delebarre.

La solidarité en Île-de-France, elle va de soi, surtout lorsque l'on sait que 30 % des habitants du secteur où je suis élu travaillent à La Défense.

Personnellement, monsieur le ministre, je ne me sens pas engagé par une réforme horizontale, qui ne peut pas être l'alpha et l'oméga de votre politique. Je suis d'accord avec le maire de Lyon pour dire que la solidarité entre les territoires doit d'abord s'organiser au niveau de l'État.

En réalité, la discussion porte sur 260 millions d'euros. C'est sur ce montant que, dans cet hémicycle et ailleurs, nous sommes sur le point de nous entre-déchirer - je n'ose parler de guerre civile ! -, alors que la dotation globale de fonctionnement représente, elle, 41 milliards d'euros.

Pour la commune qui me concerne directement, le dispositif que vous proposez revient à me demander 2 % de fiscalité supplémentaires dès cette année, soit 8 % sur quatre ans.

Au travers de ces simulations, c'est bien le problème des banlieues qui apparaît, car, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, ce sont elles, dans ce cadre, les principales contributrices. De tous les mécanismes mis en place par les gouvernements successifs au cours des vingt dernières années pour traiter des banlieues, seuls ceux dans lesquels les conseils municipaux avaient la maîtrise ont bien fonctionné.

Avec le système de péréquation que vous proposez, vous retirez aux maires et aux élus locaux les moyens de conduire un certain nombre de politiques dans leurs quartiers : voilà le résultat ! Ce faisant, vous allez les décourager. Croyez-moi, si, aujourd'hui, les banlieues connaissent, sinon une relative paix sociale, du moins une situation améliorée, c'est parce que nous y avons solidement travaillé !

Ce modèle de simulation est, pour moi, absolument aberrant. Je le répète, vous allez décourager de nombreuses équipes municipales, toutes celles et tous ceux qui font que, aujourd'hui, dans les banlieues, le climat s'améliore.

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. Je voterai l'amendement n° II-43, par lequel nous exprimons en quelque sorte un voeu pieux. En parfaite osmose avec M. le président de la commission des finances, je souhaite moi aussi faire prospérer le débat. J'évoquerai ainsi quelques éléments intéressants à mes yeux.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, en quoi cet amendement constitue-t-il un voeu pieux ? Parce que, s'il est adopté, aucune collectivité, aucune commune ne pourra avoir un niveau de ressources inférieur à 80 % de la moyenne.

Si le principe de la péréquation et de la redistribution est communément admis, vous remarquerez que, nulle part, il n'est précisé où l'argent sera pris. Nos voisins d'outre-Rhin, eux, ont aussi instauré un plancher de 80 %, mais ils ont dans le même temps fixé un plafond de 120 % !

M. Pierre-Yves Collombat. Pour quels résultats ?

M. François Marc, rapporteur spécial. Nous nous occupons d'abord des pauvres !

M. Charles Guené. Nous ne l'avons pas proposé. Pis, il est prévu un plafond de prélèvement, et c'est sur ce point que je voulais vous répondre, monsieur le ministre.

Je ne suis pas opposé à un tel plafond. Mais, dès lors qu'il existe, nous assisterons inexorablement, dans les années à venir, à ce que j'appellerai un « pincement » sur le prélèvement : on ira chercher l'argent, non plus auprès des communes les plus riches, puisqu'elles bénéficieront en la matière d'une sorte de bouclier fiscal, mais bien chez les communes moyennes, appelées à être de plus en plus taxées.

M. Philippe Dallier. C'est ce qui se passe !

M. Charles Guené. Il aurait été beaucoup plus raisonnable de limiter ce plafonnement dans le temps.

Nous sommes relativement doués pour la prospective et les bonnes intentions. Mais, dès qu'il faut entrer dans l'opérationnel et la pratique, tout devient un peu plus difficile !

M. Philippe Richert, ministre. Eh oui !

M. Charles Guené. Je souhaite souligner un autre point, qui n'a pour l'instant pas été évoqué.

Dans son amendement, la commission des finances introduit la référence à un indicateur de ressources élargi par habitant. Si celui-ci existe au stade de la prospective, il n'entre pas dans les calculs au niveau de la phase opérationnelle. Autrement dit, il n'est tenu compte que d'un minimum de ressources.

À la suite de la mission que mes collègues Pierre Jarlier, Philippe Dallier, Albéric de Montgolfier et moi-même avions effectuée, nous nous étions mis d'accord pour prendre l'ensemble des ressources comme base de calcul, car c'est à ce niveau que nous pouvons avoir une juste vision de la réalité.

M. Philippe Dallier. Exactement !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. C'est ce que nous faisons !

M. Charles Guené. M. Collombat, dans le cadre des sous-amendements qu'il a présentés, préconise de ne plus faire référence aux strates démographiques, au motif que ce critère n'est pas satisfaisant.

Ne nous focalisons pas sur les strates. Le problème, c'est que tout le monde semble s'en satisfaire au prétexte qu'il s'agirait d'un mécanisme consensuel.

Certes, les écarts constatés par ce biais ne sont que dans un rapport de un à deux. Néanmoins, le système a le grave défaut de ne pas intégrer véritablement le facteur « charges ». Ainsi, deux territoires complètement différents, l'un rural, l'autre urbain, mais comptant la même population, seront traités de la même façon, alors qu'ils ne supportent probablement pas les mêmes charges.

M. Philippe Dallier. Exactement !

M. Charles Guené. C'est là qu'est le problème selon moi. Plutôt que d'accuser M. le ministre d'assassiner la banlieue, mieux vaut nous en prendre aux critères que nous retenons et qui servent aux simulations.

J'ai souhaité intervenir à ce stade pour faire avancer le débat, car nous retrouverons les trois points que je viens de souligner dans d'autres sous-amendements. En attendant, je voterai l'amendement de la commission pour m'associer à ce voeu pieux, mais je tenais à signaler les incohérences propres à notre démarche et qu'il faudra corriger.

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.

M. Gérard Collomb. Je voudrais remercier François Marc d'avoir donné son accord pour repousser à l'année prochaine la réforme dont nous discutons aujourd'hui, pour que celle-ci repose, non sur un état d'esprit, mais sur de véritables simulations.

Je suis de ceux qui doutent que la réforme, telle qu'elle nous est présentée, permette d'atteindre le but qui est le nôtre : réduire les inégalités et donner à un certain nombre de territoires la possibilité de refaire surface.

Le fait de retenir le critère de la richesse globale revient, d'abord, à taxer de manière encore importante les villes économiquement les plus puissantes, c'est-à-dire celles qui, concrètement, ont laissé à l'industrie une place, même minime, dans leur paysage.

Si, par notre vote, nous assurions à toutes les communes une sorte de minimum garanti, celles qui ont encore un tissu industriel ne ressentiraient plus la nécessité de le défendre. Finalement, nous n'atteindrions pas l'objectif que nous partageons pourtant tous ici, sur l'ensemble de ces travées, à savoir favoriser la réindustrialisation de notre pays.

En outre, dès lors qu'il s'agit de villes industrielles, celles-ci ont souvent une population ouvrière, aux revenus très modestes, qui doivent être pris en compte, faute de quoi nous commettrions une erreur.

Mes chers collègues, les philosophes et les sociologues ont été abondamment cités dans ce débat.

M. Francis Delattre. Oui !

M. Gérard Collomb. Ceux-ci ont beaucoup écrit sur le fait que la précarité et la grande misère se concentraient dans nos villes. Oui, la misère est urbaine, et, aujourd'hui, dans ces territoires, ces intercommunalités, nous menons des politiques visant à résorber les difficultés les plus grandes !

Mes chers collègues, j'ai dit ce que nous faisions dans l'agglomération lyonnaise, où nous rencontrons encore des problèmes extrêmement importants. Vous avez peut-être tous encore en mémoire les événements survenus dans cette agglomération, en marge de la manifestation contre la réforme des retraites, lorsqu'un certain nombre de jeunes issus des banlieues ont déferlé jusqu'au coeur même de la ville.

Nous sommes en train de progresser pour remettre ces banlieues à niveau, mais rien n'est encore gagné. Si, demain, nous ne pouvions plus mener le même type de politiques, nous aggraverions le problème.

Je répète à Claude Dilain ce que je lui ai dit ce matin : tant que l'intercommunalité dont fait partie Clichy-sous-Bois ne comprendra que sa ville et Montfermeil, le problème auquel il faisait référence ne sera pas résolu, et ce quel que soit l'argent que l'on puisse mettre sur la table ! Il s'agit en effet d'un problème de mixité sociale. Il faut faire en sorte qu'il n'y ait pas de séparation hermétique entre les communes ou les intercommunalités les plus pauvres et celles qui sont les plus riches. Que les communes riches n'aient sur leur territoire que des riches restant entre eux, ne satisfassent aux besoins de la solidarité qu'en donnant un peu d'argent, sans chercher à se transformer, est finalement contraire au principe de solidarité !

Des philosophes ont beaucoup écrit sur le développement de l'« entre-soi ». Or l'avenir de notre pays requiert que nous essayions de rassembler et de faire cohabiter au sein des villes les riches, les pauvres, les classes moyennes. Si notre pays continue à se segmenter, à se fractionner, nous allons au-devant de grandes difficultés.

Aujourd'hui, mes chers collègues, la fracture sociale est une fracture spatiale. C'est celle-ci qu'il convient de résorber.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. À titre liminaire, je voudrais dire que j'ai apprécié, au même titre, je crois, que les élus ruraux, l'effort qui a été fait pour répondre à mon sous-amendement portant sur les strates démographiques.

Sur le fond, l'amendement proposé par les rapporteurs spéciaux fixe un principe avec lequel on ne peut être que d'accord. J'y apporterai toutefois quelques bémols.

Ce dispositif s'inspire clairement du système allemand. L'Allemagne est devenue en France la référence de rigueur : il faudrait faire comme elle ! À regarder d'un peu plus près la situation des communautés infra-étatiques, les Länder , les districts, les villes, les villes-districts, les communes - et j'en passe, car c'est pire que notre millefeuille ! -, on s'aperçoit que ces différentes collectivités se trouvent dans une situation financière beaucoup plus difficile que les collectivités territoriales françaises.

M. Philippe Richert, ministre. Ce n'est pas faux !

M. Pierre-Yves Collombat. Certaines en sont même réduites à financer leur fonctionnement à crédit,...

M. Philippe Richert, ministre. C'est vrai ! Cela prouve l'effort de l'État français.

M. Pierre-Yves Collombat. ... bien que la Constitution prohibe formellement cette pratique !

Pour nous en tenir à l'endettement des Länder , conséquence d'un sous-investissement chronique des collectivités, on constate que, malgré le dispositif de péréquation tant vanté, d'énormes disparités existent. La situation de la Bavière, qui n'est pas du tout endettée du fait de ses ressources fiscales, n'a pas grand-chose à voir avec celles de la Sarre ou de la Rhénanie du Nord-Westphalie, qui sont, comme leurs communes, dans un état financier calamiteux.

Ces exemples tendent à prouver que le système allemand n'est pas aussi merveilleux qu'on le croit. Pour ce qui nous concerne plus directement, ils tendent aussi et surtout à montrer que les systèmes de péréquation et de répartition de la richesse qui paraissent les plus sensationnels sur le papier, en réalité s'autolimitent. Pour le dire plus communément, ces systèmes reprennent d'une main ce qu'ils donnent de l'autre !

C'est un peu, je l'ai dit, ce à quoi aboutit l'amendement dont nous discutons, qui, en même temps qu'il fixe des objectifs avec lesquels on ne peut être que d'accord, en réduit considérablement la portée par la notion des strates démographiques. Aussi essayer d'établir la répartition sur un indicateur de richesse national réel ne me semble pas absolument aberrant.

Cela a été dit, les écarts de richesse entre territoires sont considérables. Contrairement à ce que l'on entend parfois, cela ne correspond nullement à une différence de besoins entre les communes. La structure sociologique des communes rurales a, par exemple, considérablement évolué. Un chiffre le prouve : entre 1962 et 1999, la part de la population agricole dans la population totale est passée de 33 % à 7 %. Leur structure est donc très proche de celle des communes urbaines. D'autant que, en leur sein, viennent aussi se réfugier des populations en grande difficulté.

J'ai déjà indiqué ce qu'il fallait penser des fameuses charges de centralité ainsi que du rôle des intercommunalités. J'insiste tout de même sur un point : on évalue bien souvent, par pétition de principe, les charges de centralité en les définissant par rapport aux dépenses. En somme, plus on dépense, plus on a de charges de centralité ! C'est ainsi que l'on a procédé, au début, pour établir les strates de la DGF. Cette évaluation n'est vraiment pas très sérieuse. J'ai d'ailleurs constaté que peu de sénateurs s'étaient attardés sur le sujet.

Bien sûr, j'ai conscience que donner plus aux pauvres sans prendre aux riches ni augmenter la masse à répartir relève de la quadrature du cercle. De même, prendre aux riches pour donner aux pauvres tient du suicide politique. On préférera donc parler de charges des riches, comme l'a évoqué François Fortassin, pour éviter de trop donner aux pauvres. Cela s'appelle, paraît-il, faire de la politique. Je n'en suis pas vraiment persuadé.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, vous êtes un excellent connaisseur du sujet dont nous traitons cet après-midi. C'est normal, vous étiez sénateur et vous vous adressez à vos anciens collègues ! (Sourires.)

J'ai cru comprendre - peut-être me suis-je trompé ? - que vous disiez avoir mis en musique ce que le Parlement, notamment le groupe de travail constitué par la commission des finances du Sénat, auquel j'appartenais avec MM. Guené, Jarlier,et Montgolfier, avait suggéré. J'avoue avoir un peu de mal à accepter ce propos !

M. Philippe Richert, ministre. Je comprends !

M. Philippe Dallier. En effet, nous avons travaillé à l'aveugle, sans aucune simulation. Cela suffit ! Comment faire du bon travail si nous ne sommes pas capables de mesurer les conséquences de ce que nous votons ?

Nous avons découvert ce week-end les simulations que vous avez bien voulu nous transmettre, monsieur le ministre, ce dont je vous remercie. J'apprends à l'instant, en séance, que d'autres simulations, jouant sur le curseur des revenus par habitant, ont été communiquées et aboutiraient à des résultats différents. Mais qui, ici, a eu connaissance de ces simulations ? Dans ces conditions, pouvons-nous réellement mettre en place un dispositif efficace et pertinent ? Est-ce bien raisonnable de nous demander d'adopter un texte, puis de transmettre le flambeau à l'Assemblée nationale pour qu'elle poursuive le travail ? Franchement, si je ne vois pas ce que je vote, je ne vote plus !

Je ne veux pas retourner dans mon département et expliquer aux maires de Seine-Saint-Denis qu'ils vont soudainement devoir cotiser au FPIC, alors qu'ils sont éligibles à la DSU, qu'ils ont des projets ANRU, et qu'ils ont sur leur territoire des ZUS ? Je serais très mal à l'aise si je devais le faire. Le rôle d'un parlementaire n'est-il pas de savoir expliquer son action ? Or, en l'occurrence, il m'est très difficile de comprendre ce que nous faisons.

J'en reviens à l'amendement et à la série de sous-amendements.

Charles Guené a parlé d'un voeu pieux. Personnellement, la référence à l'indicateur de ressources élargi par habitant me pose problème. De quoi est-il constitué ? Il aurait peut-être mieux valu présenter cet amendement et ces sous-amendements en fin de discussion, lorsque nous nous serions mis d'accord sur la manière d'évaluer les ressources des collectivités. Certains veulent y inclure la dotation d'intercommunalité, d'autres non. Il me semble d'ailleurs qu'elle ne figurait pas dans le texte du Gouvernement, tout comme les Fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.

Quels éléments prendre en considération pour mesurer la richesse des collectivités territoriales ? Nous n'avons pas de définition précise en la matière, mais les rapporteurs spéciaux demandent de fixer un objectif sur dix ans sur la base d'un critère que nous ne connaissons pas. Cela me gêne.

Je terminerai mon intervention en souscrivant aux propos de Charles Guené. Dans le cadre du rapport réalisé par le groupe de travail que j'évoquais précédemment, j'ai travaillé sur le FSRIF, étant élu de banlieue. Charles Guené, quant à lui, a travaillé sur la province. Mais, au bout du compte, nous étions absolument d'accord. Nous avions en effet choisi de comparer une commune isolée ou un EPCI de 30 000 habitants en plein milieu de la Seine-Saint-Denis et 30 000 habitants dans un bourg-centre et les communes alentours.

À cette occasion, j'avais posé une question en commission des finances : à ressources équivalentes, qui sont les plus pauvres ? Ceux qui paient 700 euros de loyer par mois pour avoir trente mètres carrés en mauvais état ou ceux qui ont la chance d'avoir des habitations moins chères ? Il est très compliqué de mesurer le degré de richesse ou de pauvreté des habitants. Le seul revenu net ne suffit pas. Il faut inclure l'environnement et le contexte dans lequel ils évoluent. Tout cela est extrêmement difficile à mesurer : il faut donc être prudent sur le sujet.

Il faut se donner un peu de temps en la matière, quitte à différer cet examen d'une année. J'ai pourtant plaidé, vous le savez, en faveur de la péréquation. Depuis 2004, j'ai abordé le sujet tous les ans. Je ne perçois pas de sommes au titre du FSRIF. Je perçois un peu de DSU, mais je sais qu'il faudra tirer un trait dessus parce qu'il faut recentrer les critères d'allocation, ce dont je conviens.

Mais aujourd'hui, on me dit que non seulement la DSU passera à la trappe, mais que la contribution au FPIC sera également multipliée par quatre ! Et encore, le plafonnement, dont Charles Guené a décrit les effets, fait que les territoires les plus riches verront leur contribution limitée. La contribution au FPIC s'en trouvera donc plus que multipliée par quatre par rapport à cette année, madame Beaufils !

Mme Marie-France Beaufils. Je sais !

M. Philippe Dallier. Nous ne mesurons pas ce que nous sommes en train de faire. Je pense donc qu'il faut attendre février ou mars de l'année prochaine, afin que vous nous transmettiez, monsieur le ministre, de nouvelles simulations. Décider dans un an, ce serait donc faire preuve de sagesse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je suis francilienne.

M. Francis Delattre. Très bien !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On parle plus volontiers de région parisienne, mais, personnellement, je revendique mon identité francilienne, issue d'un département de la grande couronne.

Je suis solidaire de toute ma région. Mes chers collègues, la loi d'orientation pour la ville, adoptée en 1991, a mis en place le mécanisme du Fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France.

M. Claude Dilain. Tout à fait !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les débats que nous avons aujourd'hui font écho à ceux qui ont eu lieu à cette époque.

Qu'est-ce que la péréquation ? Un principe selon lequel les mieux dotés paient pour les moins bien dotés. Nous avons entendu ce matin le plaidoyer de notre collègue Claude Dilain, qui résonne encore à mes oreilles. L'objectif de la péréquation était de répondre à ce type de situation.

Charles Guené prétend que l'amendement présenté par les rapporteurs spéciaux est un voeu pieux. Mon cher collègue, faites attention à ce que vous dites ! On a beau être d'accord sur les principes, mais quand arrive le mur, il y a ceux qui veulent sauter par-dessus et ceux qui refusent l'obstacle. Pour ma part, je ne considère pas que l'amendement des rapporteurs spéciaux soit un voeu pieux. C'est un engagement ! Si le Sénat ne le considérait pas comme tel, il faillirait à sa mission.

Des problèmes techniques existent, bien sûr. Il faut notamment regarder comment l'on définit l'indicateur de ressources élargi. Mais, monsieur le ministre, la demande du groupe de travail créé par la commission des finances en mai 2011, visant à obtenir de votre part plus de simulations, est restée sans réponse.

Quels que soient les résultats des simulations, il faudra, de toute façon, que certains territoires paient pour d'autres. (M. le ministre acquiesce .) Il y aura toujours des mécontents.

Le FSRIF, qui est une création assez ancienne, a par exemple subi petit à petit des détournements, à travers notamment l'organisation du territoire. Les Hauts-de-Seine, un département globalement riche, a organisé l'intercommunalité de manière à éviter de le payer. D'année en année, le produit du FSRIF, assis sur deux prélèvements de l'ancienne taxe professionnel, s'est trouvé bloqué, du fait de ceux qui ne voulaient pas payer !

Il est bon de fixer des principes de manière unanime, mais, dans la réalité, la péréquation est un choix politique !

M. Charles Guené. C'est un engagement !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il s'agit d'un choix politique, qui n'est peut-être pas partagé par tous. Il est toujours possible de se réfugier derrière des débats techniques, mais c'est au pied du mur, pour reprendre une expression triviale, que l'on voit le maçon.

Monsieur le ministre, nous payons aujourd'hui le bouleversement introduit par la suppression de la taxe professionnelle. J'ai entendu tout à l'heure le plaidoyer de notre collègue Gérard Collomb. Qu'il me soit permis de souligner que les collectivités qui intègrent dans leur potentiel financier la dotation du fonds de compensation qu'est le FNGIR, à distinguer d'un fond de péréquation, « remontent », pour parler de façon imagée.

M. Philippe Richert, ministre. Mais bien sûr !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Quand le Gouvernement a décidé de supprimer la taxe professionnelle - décision dont nous mesurons tous les jours les effets toxiques -, il ne s'est pas préoccupé de l'impact de cette mesure sur la péréquation. Voilà pourquoi nous rencontrons aujourd'hui cette difficulté.

La majorité présidentielle a accepté la réforme de la taxe professionnelle, qui a bouleversé tous les équilibres locaux. L'opposition, quant à elle, n'y était pas favorable.

Mes chers collègues, il faut assumer ses actes. Aujourd'hui, je ne voudrais pas que l'on dise que la nouvelle majorité sénatoriale ne remplit pas ses obligations de majorité. Elle le fait du mieux qu'elle peut, dans un encadrement global qu'elle n'a pas choisi.

Les décisions d'hier vont peser pendant plusieurs années sur le développement de la fiscalité locale, nous en avons la parfaite illustration aujourd'hui. Quels que soient les critères choisis, dont il est toujours possible de rediscuter, in fine , l'exercice sera le même si l'on veut de la péréquation.

Monsieur le ministre, vous avez rectifié en aval, c'est-à-dire dans la restitution, les simulations qui nous ont été transmises très tardivement. Or, même avec la meilleure volonté du monde, le problème ne sera pas réglé tant qu'il ne sera pas traité en amont. Je pense, notamment, aux communes qui perçoivent la DSU.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Madame la rapporteure générale, il est évident que la suppression de la taxe professionnelle a induit des modifications au niveau de la façon dont les collectivités reçoivent et répartissent les ressources.

Je rappelle simplement que la suppression de la taxe professionnelle représente globalement pour les entreprises un gain de 5 milliards d'euros. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Plusieurs sénateurs UMP. Très bien !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oui, mais 5 milliards d'euros financés par le déficit !

M. Philippe Richert, ministre. Notre pays ne pourra être aux avant-postes que si nos entreprises sont compétitives par rapport à celles des autres pays. Nous devons donc les aider à relever ce défi et éviter de les handicaper face à la concurrence internationale.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité supprimer la taxe professionnelle, ce qui entraîne une nouvelle répartition des ressources. Pour autant, les collectivités qui touchaient préalablement la taxe professionnelle perçoivent une compensation. Cette dernière, c'est légitime, est prise en compte dans le calcul du potentiel financier.

Madame Bricq, vous souhaitez que ce calcul soit mieux organisé en amont. Nous proposons un potentiel financier agrégé, c'est-à-dire défini au niveau de l'ensemble du territoire et des 4 000 blocs communaux.

Nous proposons un potentiel financier élargi, c'est-à-dire qui prenne en compte à la fois les ressources fiscales et les ressources issues de la compensation de la taxe professionnelle. Ces dernières, même si elles n'évoluent pas au rythme souhaité par les collectivités, sont bien des ressources, constituées pour partie par une compensation de l'État et pour partie par la fiscalité.

Les impositions prises en compte pour le calcul du potentiel fiscal comprennent diverses dotations autres que la dotation de compensation. À partir de là, on établit une moyenne. Or ceux qui sont au-dessus s'en plaignent. Je précise simplement que le FPIC fait la moyenne entre les sommes versées et les sommes perçues. Voilà pourquoi certaines collectivités qui bénéficient de la DSU bénéficient également, en bilan final, du FPIC alors que d'autres, qui bénéficient également de la DSU, sont prélevées, elles, au profit du FPIC. Pourquoi affirmer d'entrée de jeu qu'une commune percevant de la DSU ne saurait être contributrice au titre au FPIC ? Si, par exemple, une centrale nucléaire ou une grande entreprise sont installées sur une commune, celle-ci pourra à la fois être bénéficiaire de la DSU et contributrice du FPIC. Le fait pour une commune de bénéficier de la DSU ne lui garantit donc pas à 100 % le bénéfice du FPIC. Les critères de reversement dépendront de la situation locale commune par commune, bloc communal par bloc communal.

Toutes nos simulations s'appuient sur des chiffres précis, nets, tangibles qui sont simplement les recettes issues de la fiscalité, des compensations versées par l'État, etc. C'est vers eux que je renvoie ceux qui s'étonnent d'être prélevés.

La dernière étape est de savoir selon quels critères effectuer la répartition. Modifier les critères modifiera en plus ou en moins cette répartition. Beaucoup de communes qui ne bénéficient pas de la péréquation y auront droit. La question qui se pose, notamment, est de savoir si les revenus des ménages doivent être pris en compte.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. En complément de mon intervention précédente, je rappelle que les communes dites « riches » le sont bien souvent grâce aux efforts qu'elles ont consentis pour accueillir et développer sur leur territoire certaines activités économiques.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C'est vrai !

Mme Marie-France Beaufils. Je ne voudrais pas que notre démarche incite les collectivités à ne pas poursuivre sur cette voie.

Les simulations montrent que la situation est quelque peu particulière. Pour échafauder le fonds de péréquation, nous avons toujours raisonné, aussi bien en Comité des finances locales qu'au cours de toutes les discussions que nous avons eues sur le sujet, par blocs de collectivités. Aujourd'hui, ces agrégats éclatent et la donne change en conséquence.

Les simulations sont donc importantes afin d'avoir une vision globale, comme l'a souligné la commission des finances. Néanmoins, le problème ne pourra pas être réglé uniquement par la péréquation verticale. Il faut également analyser l'apport d'une péréquation horizontale. C'est pourquoi nous avons souhaité compléter l'amendement de la commission par un sous-amendement.

François Marc l'a souligné tout à l'heure, il est important de mobiliser de nouvelles ressources à l'échelon national en faveur de ce type de péréquation. Nous avions fait une proposition en ce sens, qui n'a pas encore véritablement abouti. Aujourd'hui, les activités financières représentent une part importante de l'activité économique. Or elles ne contribuent pas beaucoup à l'essor des collectivités territoriales. Pourquoi ne pas créer une recette spécifique ? Cette richesse pourrait bénéficier à l'ensemble des territoires, ce qui leur permettrait d'atteindre les résultats préconisés par la commission.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. À ce stade du débat, après une discussion riche et dense, je tiens à rappeler l'objet de l'amendement.

Il est nécessaire aujourd'hui de réduire les écarts de richesses entre les collectivités. La commission a fait un choix politique, monsieur Guéné, qui n'est pas un voeu pieux !

Comme l'a souligné Mme Bricq, ce choix traduit un engagement. Le potentiel financier est de quelques euros dans certains territoires ultramarins ou de montagne alors qu'il s'élève à 2 700 euros à la Défense, voire à 3 600 euros pour certaines communes peu peuplées où un ouvrage induit de fortes recettes.

Nous avons mis en place des objectifs clairs, en même temps que nous mettons en place un indicateur de ressources corrigé qui nous permettra de mesurer l'évolution des écarts de richesses. Monsieur Dallier, cet indicateur est bien identifié aux articles 53, 55, 57 et 58 que nous allons examinés tout à l'heure. Il prend en compte le potentiel fiscal, le potentiel financier, le potentiel financier corrigé. Les dispositifs de péréquation verticale sont donc corrigés par des dispositifs de péréquation horizontale afin d'obtenir un indicateur clair d'évaluation de la richesse d'une collectivité.

Les sous-amendements que nous allons voter prévoient, eux, une évaluation des dispositifs de péréquation que nous souhaitons mettre en place : une évaluation à terme pour le sous-amendement de M. Mézard et une évaluation annuelle pour le sous-amendement du groupe socialiste.

Tel est donc l'objet de l'amendement n° II-43 que nous vous invitons à voter.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.

M. Edmond Hervé. Mon intervention se situe dans le sillage de celle de Mme Bricq. Elle est également motivée par l'intervention de MM.  Guené et Jarlier.

Tout d'abord, c'est évident, si l'on veut de la solidarité, il faut lier péréquation horizontale et péréquation verticale. Les collectivités ne peuvent pas demander à l'État des efforts de solidarité si elles ne donnent pas elles-mêmes l'exemple.

Au risque de vous décevoir, je suis personnellement toujours très sceptique à l'égard des simulations. Je préférerais, sur le plan méthodologique, que l'on commence par se mettre d'accord sur un texte de principe et de référence.

M. Philippe Richert, ministre. Merci ! Très bien !

M. Edmond Hervé. Chacun sait l'usage qui est fait des simulations.

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Edmond Hervé. Mieux vaudrait prendre un peu d'élévation. Entendons-nous sur une philosophie politique et respectons-là.

M. Philippe Richert, ministre. Très juste !

M. Edmond Hervé. Je ferai état de ma propre expérience.

En 1992, la communauté d'agglomération de Rennes connaissait des écarts de richesses extrêmement importants. L'écart de taxe professionnelle par habitant variait de un à soixante. Aucune solidarité, aucun aménagement du territoire n'étaient possibles. De tels écarts sont très coûteux, car chacun veut entretenir ses zones artisanales ou industrielles.

En quatre ans, nous avons ramené cet écart, qui était de un à soixante, de un à quatre. La ville de Rennes n'avait pas intérêt personnellement à cette solidarité, mais nous l'avons fait, après étude, de manière consensuelle.

Ce type de démarche de solidarité a aussi été éminemment profitable au département, car cela lui a permis d'alléger certaines de ces interventions sur l'agglomération rennaise en matière de logements - je précise au passage que nous investissions 40 millions d'euros sur le logement dans l'agglomération rennaise - et de reporter d'autant sur le département.

Mes chers collègues, je ne voudrais pas que ce débat de long terme sur la péréquation - je me souviens du rapport de M. Belot sur ce sujet - nous fasse oublier un impératif essentiel : la révision des valeurs locatives. Si nous n'y prenons garde, ce sera la fin du système fiscal local. La fin du système fiscal local n'est pas forcément le contraire de la démocratie, il y a des choix à faire. Personnellement, j'y suis très favorable. Ce que je ne voudrais pas, c'est que ce débat sur le calcul de la richesse financière nous fasse oublier la révision des valeurs locatives.

Je n'ai pas voulu intervenir sur ces points, car je vois bien l'importance de la péréquation, mais, franchement, calculer la richesse d'une commune ou d'une communauté en faisant abstraction de la révision des valeurs locatives c'est montrer, permettez-moi de vous le dire, mes chers collègues, que l'on n'a pas procédé à certains ajustements néceaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur diverses travées du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le ministre, dans votre effort de pédagogie, vous nous avez tout à l'heure aidés à y voir plus clair. C'est important parce que cette question de péréquation horizontale est vraiment très difficile.

Je regrette sincèrement que les simulations aient été données au dernier moment. Je considère qu'il est anormal que les législateurs que nous sommes n'aient pas les chiffres beaucoup plus en amont. Cela est d'autant plus anormal que ces chiffres ont montré des distorsions choquantes en comparaison notamment de la DSU.

Je ne suis pas d'accord avec vous sur l'idée que l'on peut être à la fois bénéficiaire et contributeur. Cela ne me paraît pas correct. J'y vois d'ailleurs là un motif important d'incompréhensions, qui ont été relevées avant moi. le problème est là : il aurait fallu mettre un peu d'ordre dans la péréquation verticale avant de s'engager dans une péréquation horizontale.

Disant cela, je sais bien que je ne simplifie pas les choses, j'en suis tout à fait d'accord. Vous avez dit tout à l'heure que l'équité dans notre pays ne pouvait pas seulement être obtenue par une péréquation verticale, vous avez raison. Mais il faut que cela se fasse à partir d'un socle de péréquation verticale qui soit, de mon point de vue, beaucoup plus solide avant de s'engager plus loin.

C'est la raison pour laquelle je crois que le délai qui nous est proposé d'une année supplémentaire peut permettre d'aller dans ce sens. Il faut vraiment ne pas avoir peur de regarder les choses ensemble. Je sais bien que ce n'est pas facile, mais, dans la situation que connaissent actuellement les collectivités, on ne peut pas empiler les mesures les unes sur les autres. Il faut trouver des mécanismes techniques auxquels les collectivités puissent adhèrent.

En l'occurrence, sur la péréquation verticale, les choses ne vont pas. Personne ne peut comprendre que le bénéficiaire de la DSU soit contributeur au-delà ; ce n'est pas possible ! Allez dans les villages, allez voir les gens, personne ne le comprendra ! Il faut d'abord mettre de l'ordre dans la péréquation verticale. Ensuite, il sera beaucoup plus facile de faire accepter à tout le monde une péréquation horizontale.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien ! !

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.

M. Claude Dilain. Premièrement, je tiens à dire que je voterai l'amendement n° II-43, car, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, je ne vois nullement pourquoi il serait contradictoire avec l'installation d'un fonds de péréquation horizontale. Au contraire !

Je rappelle, et cela n'a peut-être pas été assez dit ce matin, que la péréquation est une exigence constitutionnelle. Jusqu'à présent on disait qu'il fallait faire de la péréquation sans nous préciser quels étaient les objectifs visés ni les méthodes à employer.

Je pense donc que l'amendement proposé par la commission va enfin permettre de se fixer un objectif, qui n'est pas un voeu pieu, mais qui doit être un engagement correspondant à notre Constitution.

Deuxièmement, j'ai bien compris la volonté exprimée par plusieurs intervenants, en particulier par mon collègue et voisin Philippe Dallier, de ne pas travailler à l'aveuglette mais à partir de simulations. Mais je sais aussi ce que donnent les simulations, M. Hervé vient d'ailleurs d'y faire allusion. À partir de ces simulations, je le dis très clairement, chacun regardera comment il est possible de faire varier les différents critères pour payer le moins possible.

Cher collègue, vous parlez de désordre dans la péréquation verticale, c'est de là qu'il est venu.

M. Philippe Richert, ministre. Oui !

M. Claude Dilain. C'est ainsi qu'on peut avoir une DSU qui est perçue par trois quarts des villes de France et qu'on passe d'une DSU cible à 150 à une DSU à 250.

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Claude Dilain. Je veux bien qu'on se donne le temps, mais j'aimerais mieux à ce moment-là, comme l'a dit M. Hervé, que l'on travaille en faisant référence à des valeurs de solidarité et non à partir de simulations qui, à mon avis, vont pervertir le système.

Troisièmement, enfin, je voudrais répondre à M. Collomb qui m'a interpellé tout à l'heure. Je ne peux pas laisser dire que la solidarité entre villes passe et passerait uniquement par l'intercommunalité.

Je comprends pourquoi il le dit : il est vrai qu'à Lyon l'intercommunalité fonctionne très bien, qu'elle fonctionne à Rennes de façon exemplaire et remarquable, mais c'est loin d'être le cas partout. Je veux bien ne pas rester seul avec Clichy-sous-Bois et Montfermeil, mais qui voudra se marier avec moi ?

J'ai cru comprendre, ces derniers temps, que les élus locaux refusaient qu'on leur dise avec qui il fallait se marier, et ils ont raison. Pour constituer des communautés d'agglomération équilibrées, il faut déjà que tout le monde le veuille !

De toute façon, même dans les communautés d'agglomération équilibrées, la solidarité n'est pas toujours l'axe prioritaire, et je le regrette.

Si l'on se donne un peu de temps, je souhaite qu'on regarde de très près comment fonctionne la solidarité entres villes riches et villes pauvres dans toutes les communautés d'agglomération.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous sommes presque à l'heure du thé, je ne prendrai pas plus de deux minutes pour vous faire part de mes impressions. (Sourires.)

D'abord, j'ai le sentiment de vivre un moment historique parce que tout le monde ici se dit favorable à la péréquation. Toutefois, il y a ceux dont la conviction est, si je puis dire, chevillée au corps et ceux qui l'expriment de façon beaucoup plus tiède.

J'ai entendu ce matin avec beaucoup de plaisir plusieurs collègues dire que la Haute Assemblée s'honorerait à être en pointe sur cette question. Je partage ce point de vue.

Je me félicite aussi de vivre un moment historique dès lors que l'on considère, notamment au sein de la commission, que ce soient les rapporteurs, le président ou Mme la rapporteure générale, que cette question était avant tout politique au sens le plus noble du terme.

Aussi, monsieur le ministre, très modestement, je ne saurais que vous engager à ne pas rester en retrait sur cette question historique très importante pour nos populations.

M. Philippe Richert, ministre. On aura tout entendu ! C'est le Sénat qui propose un report d'un an...

M. Alain Gournac. Ah oui, ça il faut le faire !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-289 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-343 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-334.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-241 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-283 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-43, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 53.