ARTICLE  5 SEXIES A (NOUVEAU) : RÉDUCTION DE LA TAXE SUR LES DÉCHETS MÉNAGERS DES COMMUNES
DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU LUNDI 21 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 5 quinquies

M. le président. L'amendement n° I-137, présenté par MM. Antoinette, Patient, Cornano, Desplan, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'article 5 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Jusqu'au 1 er janvier 2015, le tarif de la taxe pour les déchets ménagers et assimilés mentionnés au 1 du I de l'article 266 sexies du code des douanes est fixé, pour les communes des départements d'outre-mer et leurs groupements, à la dernière ligne du tableau du a du A du I de l'article 266 nonies du même code.

II. - La perte de recettes pour l'État est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Le principe pollueur-payeur gouverne un grand nombre de dispositions en faveur de la protection de l'environnement. Il s'agit d'un principe de valeur constitutionnelle, communautaire, internationale que nous n'entendons surtout pas remettre en cause ! Ce principe s'applique non seulement aux producteurs initiaux de déchets, mais aussi aux détenteurs des déchets, comme nous le rappelle la directive 2008/98/CE.

Toutes les collectivités locales et tous leurs groupements sont soumis à une taxe générale sur les activités polluantes - la TGAP - majorée lorsque la gestion de leurs déchets ne respecte pas certaines conditions normatives. Alors que les collectivités métropolitaines ont été accompagnées depuis de nombreuses années dans la mise aux normes de leurs décharges et que des plans régionaux, interrégionaux, départementaux et interdépartementaux sont prévus aux articles L. 541-13 et L. 541-14 du code de l'environnement, elles pouvaient également, jusqu'en 2010, recourir à une autre solution pour assurer une gestion optimale des déchets : le transfert vers un autre département, une autre région, voire un État tiers, pour les régions frontalières.

Or de telles possibilités n'étaient pas envisageables dans les collectivités ultramarines, ces dernières ne pouvant, en raison de leur isolement, transférer leurs déchets vers d'autres territoires, y compris vers d'autres départements français. La mise aux normes de leurs décharges a, par ailleurs, subi des retards très importants.

Du fait de son augmentation progressive dans le courant des prochaines années, la TGAP pèsera de plus en plus lourdement sur les finances locales, rendant impossible la réalisation des infrastructures nécessaires. Les collectivités d'outre-mer se trouvent donc enfermées dans un cercle vicieux, où il leur faut, à la fois, réaliser les investissements et payer des pénalités, ces dernières compromettant le but recherché, c'est-à-dire la réalisation de ces infrastructures.

Dans cette mesure, l'application du principe pollueur-payeur n'entraînera pas l'effet attendu - inciter à une conduite environnementale vertueuse -, mais conduira les collectivités d'outre-mer à s'acquitter de leur dette écologique, au détriment des investissements en faveur de la protection de l'environnement.

Permettez-moi d'insister : il s'agit non pas de supprimer la charge de la TGAP pesant sur les collectivités locales ultramarines lorsqu'elles sont productrices initiales de déchets, mais seulement d'établir un moratoire sur la charge qu'elles doivent acquitter en tant que gestionnaires-détentrices de déchets. Si cet amendement était adopté, les collectivités d'outre-mer devraient payer non plus 100 euros par tonne de déchets, mais 30 euros par tonne, bénéficiant ainsi du plus fort allégement autorisé.

Nous vous proposons donc d'adopter une démarche doublement responsable, consistant, d'une part, à continuer à inciter les collectivités à produire toujours moins de déchets et, d'autre part, à rendre possible l'amélioration de leur capacité de traitement des ordures ménagères. Le couperet résultant de l'alourdissement de la TGAP à partir de 2015, en cas de non-conformité aux normes, ne peut que les encourager à réaliser le plus rapidement possible ces investissements environnementaux.

L'adoption de cet amendement permettra à ces collectivités de financer les infrastructures nécessaires à la gestion des déchets, pendant les trois ans qui viennent, sans compter le soutien de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, qui prévoit d'y consacrer cette année des ressources importantes. Ainsi, il sera possible développer une démarche vertueuse de traitement des déchets dans les territoires ultramarins.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous savons tous que les collectivités d'outre-mer connaissent des difficultés financières importantes, qui rendent forcément complexe la mise aux normes de leurs installations de traitement des déchets.

Cependant, monsieur Patient, vous savez sans doute que les obligations que nous devons respecter dans ce domaine découlent de normes communautaires, et que la France a déjà été condamnée, en 2007, par la Cour de justice des communautés européennes pour n'avoir pas pris les mesures nécessaires.

D'après les statistiques dont je dispose, seuls neuf sites non autorisés seraient encore en fonctionnement, aujourd'hui, en Guadeloupe et en Guyane.

Il est cependant très délicat d'exonérer les collectivités locales ultramarines des majorations de la TGAP prévues par la loi.

Vous nous avez fait part des projets en cours et vous nous affirmez que l'allégement de la TGAP permettrait, d'ici à trois ans, de mettre aux normes les installations. Je pense toutefois que l'adoption de cet amendement ne donnerait pas un bon signal, dans la mesure où, sur le territoire métropolitain, des collectivités qui ne jouissaient pas nécessairement d'une grande aisance financière ont malgré tout mené à bien cette mise aux normes : elles ont donc accompli un effort très significatif en la matière.

À cet égard, je pense que diminuer la TGAP nous priverait d'une arme dissuasive. Depuis le début des années 1990, nous savons qu'il faut procéder à la mise aux normes ; ce problème doit, enfin, être réglé. Il est donc difficile d'accepter l'explication selon laquelle la diminution de la TGAP inciterait les collectivités territoriales à poursuivre leur effort de mise aux normes. Je crois, au contraire, que la TGAP doit continuer à jouer un rôle dissuasif.

Monsieur Patient, je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage, sur ce point, l'avis de la commission.

Premièrement, instaurer un tarif d'exception au profit des départements d'outre-mer serait contraire au principe d'égalité fiscale entre redevables.

Deuxièmement, ne pas appliquer un tarif élevé aux installations non autorisées au titre du code de l'environnement reviendrait à favoriser des installations peu vertueuses et à laisser perdurer des situations qui, comme vient de l'expliquer Mme la rapporteure générale, sont peu compatibles avec la protection de l'environnement et avec le droit européen.

Troisièmement, permettez-moi de m'étonner que cet amendement ait été cosigné par les sénateurs Verts qui, du moins le pensais-je, sont censés être favorables à la défense de l'environnement... (Mme Marie-Christine Blandin proteste.)

Quatrièmement, la TGAP étant en partie affectée à l'ADEME, la perte de recettes qui découlerait de l'adoption de cet amendement grèverait le financement des mesures du Grenelle de l'environnement.

J'ajoute que l'adoption de cet amendement reviendrait à créer une nouvelle niche fiscale, au moment où le Gouvernement s'efforce d'en supprimer le plus possible.

Pour toutes ces raisons, je demande également à M. Patient de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Patient, l'amendement n° I-137 est-il maintenu ?

M. Georges Patient. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.

M. Jacques Gillot. Monsieur le président, Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d'insister sur l'intérêt de cet amendement. Je ne souhaite pas davantage que mon collègue Patient remettre en cause le principe pollueur-payeur qui, comme nous le savons, est un principe de valeur constitutionnelle.

En revanche, comme j'ai coutume de le dire, notre conception de l'égalité républicaine nous impose de souhaiter que nos collectivités, à conditions égales, soient assujetties aux mêmes règles que l'ensemble des collectivités de la République. Or, dans le cas précis du traitement des déchets, l'ensemble des collectivités d'outre-mer - et non pas seulement celles de la Guadeloupe - font face à des contraintes particulières.

En premier lieu, notre territoire accuse un retard important du point de vue de la construction des infrastructures nécessaires au traitement des déchets. Nous avions d'ailleurs tablé sur la mobilisation du fonds exceptionnel d'investissement outre-mer, mais force est de constater que ce fonds, notoirement sous-doté dès sa création et largement amputé dans le projet de loi de finances pour 2011, n'aura pas contribué à servir cet objectif.

En second lieu, comme cela a été dit, les collectivités ultramarines sont assujetties au paiement de la TGAP alors que, structurellement, elles ne bénéficient pas de la possibilité offerte aux collectivités de métropole de procéder au transfert de leurs déchets vers d'autres territoires limitrophes.

En définitive, nos collectivités subissent dans ce domaine une double peine : l'insuffisance de l'accompagnement de l'État pour la construction de nouvelles structures de traitement et le prélèvement au titre de la TGAP sans dérogation possible. De surcroît, l'augmentation progressive de cette taxe risque de grever, chaque année davantage, les budgets de nos collectivités, sans avoir l'effet incitatif requis.

Pour toutes ces raisons, je soutiens l'amendement déposé par notre collègue Georges Patient et je sollicite non pas la suppression des charges supportées par les collectivités en tant que gestionnaires-détentrices de déchets, mais l'établissement d'un moratoire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-137.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5 quinquies .