VI. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU VENDREDI 25 NOVEMBRE 2011)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° II-63 est présenté par M. Patriat, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-5 est présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° II-107 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-63.

M. François Patriat, rapporteur spécial. L'article 63 prévoit un nouveau prélèvement de 300 millions d'euros sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, créé par la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui fait suite à un prélèvement de même montant effectué en 2011 en application de la loi de finances pour 2011.

Comme le précédent, le présent prélèvement vise à abonder les actions de formation professionnelle de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, de l'Agence de services et de paiement, l'ASP, et de Pôle emploi. Il s'agit d'une débudgétisation de crédits qui auraient vocation à figurer au sein de la mission « Travail et emploi ».

Or, sur l'initiative de notre collègue Jean-Claude Carle, alors rapporteur de ce texte, la loi du 24 novembre 2009 précitée a instauré le principe selon lequel « les sommes dont dispose le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels au 31 décembre de chaque année constituent, l'année suivante, des ressources de ce fonds ».

L'article 63 du présent projet de loi de finances contrevient donc directement non seulement à cette disposition législative, mais aussi aux engagements que le Gouvernement a contractés avec les partenaires sociaux dans la convention-cadre signée entre l'État et le FPSPP le 15 mars 2010.

Outre cette raison de principe, il apparaît que ce nouveau prélèvement fragilisera la situation financière du FPSPP, entraînant un déficit de trésorerie de 283 millions d'euros à la fin de l'année 2012. L'organisme sera donc en déficit.

Aussi apparaîtrait-il plus approprié que le financement des actions de formation soit effectué directement par le FPSPP dans le cadre d'un conventionnement plutôt que par le biais d'un prélèvement de l'État.

Pour ces raisons de principe, et afin de ne pas remettre en cause le fonctionnement du FPSPP, il est proposé de supprimer l'article 63.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-5.

M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. Cet article prévoit une ponction de 300 millions d'euros sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement propose de priver le FPSPP d'une partie importante de ses ressources, alors que la loi lui a confié deux missions essentielles : assurer la péréquation des fonds de la formation professionnelle et financer la formation de publics prioritaires.

Autrement dit, prélever une partie de ces ressources, c'est se priver de moyens supplémentaires pour la formation professionnelle.

Ce prélèvement, de notre point de vue, est contraire à l'intention du législateur, qui avait souhaité, ici même, en 2009, que les excédents dont pourrait disposer le fonds en fin d'année soient reportés sur l'exercice suivant.

Il favorise, de surcroît, un désengagement de l'État du champ de la formation professionnelle. En particulier, monsieur le ministre, les fonds destinés à la certification de l'AFPA ne reviendront plus dans le budget de l'État. Ils seront définitivement prélevés, à l'avenir, sur les fonds du FPSPP.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de supprimer l'article 63.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° II-107.

M. Dominique Watrin. L'article 63 organise, on l'a dit, une ponction de l'ordre de 300 millions d'euros sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. C'est la deuxième fois que le Gouvernement fait le choix de ponctionner ce fonds qui est paritaire, - j'insiste sur ce point -, et cela dans des conditions qui ne nous semblent pas acceptables.

Le Gouvernement prétend être le chantre du dialogue social, mais on s'aperçoit qu'il n'en est rien : jusqu'à la présentation en conseil des ministres, le 28 septembre 2011, du projet de loi de finances pour 2012 actant ce prélèvement, les partenaires sociaux gestionnaires du fonds n'avaient pu obtenir que des confirmations orales de cette nouvelle ponction de la part de Mme Nadine Morano et de vous-même, monsieur Xavier Bertrand, sans d'ailleurs être consultés, contrairement à un engagement qui avait été pris au début de l'été, sur l'affectation de cette somme.

Si la manière dont est organisée cette ponction est contestable, son principe même est scandaleux. Nous dénonçons avec force, comme nous l'avions fait en 2010, la manière dont le Gouvernement finance la politique de l'emploi dont il a la charge avec l'argent du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Destinée à compenser le désengagement progressif du financement de l'État auprès de tous les acteurs institutionnels de lutte contre le chômage, que ce soit à Pôle emploi, dans les missions locales ou à l'AFPA, cette ponction de 300 millions d'euros empêchera le fonds de jouer son rôle, c'est-à-dire de participer au financement de formations professionnelles qui concernent 500 000 salariés peu qualifiés, éloignés de l'emploi, occupant des emplois à temps partiel ou alternant les CDD et les périodes de chômage.

Dans cette période, la formation professionnelle devrait pourtant être la priorité du Gouvernement. M. Jean Wemaëre, président de la Fédération de la formation professionnelle, rappelle d'ailleurs régulièrement - et il n'est pas membre du groupe CRC - que la formation professionnelle peut constituer un amortisseur de crise.

Les patrons eux-mêmes, quand on les interroge, valident cette analyse. Selon une étude menée en 2010 par l'institut de sondage IPSOS, 26 % des entreprises interrogées soulignent l'importance de la formation et des politiques d'anticipation en période de crise.

On sait que, plus la période de chômage est longue, plus il est difficile de retrouver une activité professionnelle. La formation professionnelle contribue à faire cesser cette situation puisque, en lieu et place de l'inactivité, le salarié privé d'emploi bénéficie de périodes de formation au cours desquelles il retrouve une utilité sociale et acquiert des compétences professionnelles facilitant son retour à l'emploi.

Une nouvelle fois, cette ponction montre que le Gouvernement refuse de mettre en oeuvre une véritable sécurisation des parcours professionnels.

Pour toutes ces raisons, à l'instar de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, nous demandons la suppression de l'article 63.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os II-63, II-5 et II-107.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 63 est supprimé.