MM. Yann GAILLARD et Aymeri de MONTESQUIOU, rapporteurs spéciaux

II. DES CRÉDITS À METTRE EN PERSPECTIVE

Les crédits de la mission « Culture » ne retracent pas à eux seuls l'effort global consenti par l'Etat dans le domaine culturel entendu au sens large. Y contribuent également les crédits d'autres missions du budget général ou de comptes spéciaux consacrés à la presse, à l'audiovisuel et à l'animation, ainsi que les taxes affectées aux opérateurs culturels et les dépenses fiscales intervenant dans ces domaines.

A. LA MISSION « CULTURE » NE RETRACE QU'UNE PARTIE DE L'EFFORT DE L'ETAT EN MATIÈRE CULTURELLE

1. Près de 13 milliards d'euros sont consacrés à la culture et à la communication en 2014

Le jaune budgétaire « Effort financier de l'Etat dans le domaine de la culture et de la communication » enseigne que l'effort financier total en matière de culture et de communication avoisine 13 milliards d'euros . En 2014, le total des différentes sources de financement de la culture évolue peu par rapport aux années précédentes. Il se décompose entre crédits budgétaires à hauteur de 10,7 milliards d'euros, taxes affectées, pour 700,05 millions d'euros, et 1,2 milliard d'euros de dépenses fiscales.

Effort financier dans le domaine culturel

(en millions d'euros)

Effort financier

LFI 2013

PAP 2014

Variation

M€

%

Crédits budgétaires (CP)

10 866

10 720

-146

-1,34%

Culture

2 607

2 582

+ 245

+ 9,40%

Médias, livre...

966,8

815,9

--150,9

-15,61%

Avances à l'audiovisuel public

3447,5

3551,1

+103,6

+ 3,01%

Dont autres missions

3 844,7

3 771,0

-73,7

-1,92%

Taxes affectées

662,1

700,1

+38

+ 5,74%

ASTP

6,05

7,05

+1

+ 16,53%

CNJV

23,55

24,00

+0,45

+ 1,91%

CNC

537,2

537,7

+0,50

+ 0,09%

CNL

5,30

5,30

0

0,0%

INRAP

82

118

+36

+ 43,90%

CMN

8

8

0

0,0%

Dépenses fiscales

1 270,7

1 263,4

-7,30

-0,57 %

Culture

393,7

400,4

+6,70

+ 1,70%

Médias, livre...

176

150

-20

- 11,76 %

Avances à l'audiovisuel public

701

713

+12

+ 1,71 %

TOTAL

12 798,8

12 683,5

-115,3

-0,90%

ASTP : Association pour le soutien du théâtre privé ; CNJV : Centre national de la chanson, des variétés et du jazz ; CNC : Centre national du cinéma et de l'image animée ; CNL : Centre national du livre ; INRAP : Institut national de recherche en archéologie préventive ; CMN : Centre des monuments nationaux.

Source : commission des finances, d'après le jaune « Effort financier de l'Etat dans le domaine de la culture et de la communication » annexé au projet de loi de finances pour 2014.

2. Trois missions contribuent fortement à l'effort financier de l'Etat dans le domaine de la culture

Si les crédits budgétaires consacrés à la culture représentent 84,5 % de l'effort financier global de l'Etat dans ce domaine , seuls 20 % de cet effort sont imputés sur la mission « Culture » et 6,4 % sur la mission « Médias, livre et industries culturelles ». En augmentation de plus de 100 millions d'euros d'une année sur l'autre, les avances à l'audiovisuel public représentent plus du quart du total (28 %).

Parmi les autres crédits budgétaires, trois missions se distinguent plus particulièrement :

- le ministère des affaires étrangères consacre plus de 794 millions d'euros à la culture. L'essentiel de cette somme (714,7 millions d'euros) s'impute sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'Etat », qui regroupe l'ensemble des politiques de coopération (culturelle, linguistique, universitaire, scientifique), quelle que soit la zone géographique à laquelle elles s'appliquent. C'est sur ce programme que s'imputent notamment les subventions pour charges de service public versées aux 238 établissements d'enseignement du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), qui représentent 416,5 millions d'euros en 2014 ;

- la quasi-totalité des crédits affectés à la culture au sein des dotations du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche relève du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » (515,95 millions d'euros) . Ce ministère exerce la tutelle ou la co-tutelle sur les musées scientifiques nationaux, et un contrôle scientifique et technique sur les collections des muséums d'histoire naturelle en région, qui bénéficient, pour la plupart de l'appellation « musée de France ». A ce titre, en 2013, il a notamment alloué 21,8 millions d'euros au Musée du Quai Branly . Les crédits alloués par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'action 5 « Bibliothèques et documentation » du même programme couvrent essentiellement des subventions pour charges de service public versées aux établissements d'enseignement supérieur. 92,5 millions d'euros leur ont été attribués en 2013 pour le fonctionnement de plus de 140 bibliothèques . Par ailleurs, en 2013, 3 millions d'euros ont été versés à l'Institut national d'histoire de l'art (INHA), dans le cadre du contrat d'établissement, afin de soutenir la constitution de sa bibliothèque de référence en histoire de l'art et archéologie ;

- après la mission « Culture », la mission « Enseignement scolaire » est celle qui contribue le plus fortement à l'effort en faveur de la culture . L'action culturelle du ministère de l'éducation nationale couvre trois fonctions principales : l'enseignement des disciplines artistiques, le soutien des activités artistiques et les activités de sensibilisation culturelle . Ces crédits dépassent 2 milliards d'euros et sont en légère hausse (2,22 milliards en 2014, contre 2,14 milliards en 2013).

B. DES DÉPENSES FISCALES TOUJOURS AUSSI NOMBREUSES, MAIS DONT LE MONTANT DIMINUE LÉGÈREMENT PAR RAPPORT À 2013

Dans le tome II (dépenses fiscales) de l'évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2014, 27 dispositifs fiscaux, dont le coût global est évalué à 393 millions d'euros (contre 406 millions d'euros en 2013 ), sont rattachés, à titre principal, à la mission « Culture ».

Ces multiples « petites » dépenses fiscales , au coût le plus souvent inférieur à 5 millions d'euros, sont réparties entre les trois programmes de la mission et poursuivent des objectifs variés :

- les quatorze dispositifs rattachés au programme 175 « Patrimoines » ont pour vocation, pour la plupart, à aider les propriétaires à protéger le patrimoine privé et de soutenir l'acquisition d'oeuvres d'art ;

- les huit dispositifs qui relèvent du programme 131 « Création » visent à aider le secteur artistique, notamment l'application d'un taux de TVA de 2,1 % aux droits d'entrée des 140 premières représentations de certains spectacles, chiffrée à 60 millions d'euros pour 2014 ;

- les cinq dispositifs rattachés au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont principalement destinés à soutenir les secteurs audiovisuel et cinématographique. Après le taux réduit de TVA sur les représentations théâtrales, les crédits d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques et d'oeuvres audiovisuelles sont les dépenses fiscales rattachées à la mission « Culture » les plus coûteuses (respectivement 70 et 62 millions d'euros). D'un coût moins élevé (20 millions d'euros), la réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire réalisées entre le 1 er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, au capital de sociétés anonymes agréées ayant pour seule activité le financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles (SOFICA) était la seule niche fiscale rattachée à la mission « Culture » considérée comme pertinente par le rapport de l'inspection générale des finances sur l'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales.

Cette situation paraît d'autant plus étonnante que dix dépenses fiscales sur les 27 rattachées à la mission ont été instaurés depuis 2005 . Comme le souligne la Cour des comptes, dans son analyse de l'exécution du budget de l'Etat par missions et programmes pour l'exercice 2011, « il y a lieu de s'interroger sur l'utilité de conserver autant de dispositifs fiscaux d'un apport aussi faible à la politique culturelle ».

D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, en 2014, le ministère de la culture et de la communication envisage de réduire la portée de la mesure fiscale « Imputation sur le revenu global sans limitation de montant des déficits fonciers supportés par les propriétaires de monuments historiques classés, inscrits ou assimilés 7 ( * ) » (n° 130302), en excluant de ce dispositif les demeures agréées. L'économie résultant de la mise en oeuvre d'une telle disposition n'a pas été évaluée .

C. UNE MISSION CONCERNÉE PAR LE PROCESSUS DE MODERNISATION DE L'ACTION PUBLIQUE

Le ministère de la culture et de la communication était concerné en 2013 par le processus de la modernisation de l'action publique (MAP). Trois évaluations ont ainsi débuté en 2013 :

- le bilan de la réforme de la maîtrise d'ouvrage des monuments historiques (de janvier à juillet 2013) ;

- l'organisation du soutien au spectacle vivant (avril à décembre 2013) ;

- la numérisation des ressources culturelles (juillet 2013-mars 2014).

Le bilan de la réforme de la maîtrise d'ouvrage des monuments historiques

L'objectif de cet audit est de mesurer l'impact du transfert de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre aux propriétaires des monuments historiques sur le processus de restauration et sur le fonctionnement des services du ministère, notamment les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

Les résultats obtenus

*Réaffirmer le rôle décisif de conseil et d'expertise des DRAC : accompagner le maître d'ouvrage dans le temps et dans le contenu de l'opération de restauration grâce à un dialogue plus en amont de l'autorisation de travaux avec les DRAC (actions auprès des relais tels que les notaires, les associations de propriétaires de monuments historiques ; l'association des maires de France et l'association des départements de France).

*Mieux définir, par l'inspection des patrimoines, la nature et les objectifs du contrôle scientifique et technique (CST) et homogénéiser les pratiques en DRAC. Affirmer les principes de subsidiarité et de collégialité du CST.

*Améliorer l'accès aux archives des DRAC. Mettre en oeuvre les préconisations en matière d'archivage organisé et systématique après chaque opération pour l'accès à la documentation sur les monuments historiques.

*Compléter et mettre à jour la documentation de référence : modèle d'avis public à concurrence pour la sélection des prestataires ; mise à jour du modèle de convention d'assistance à maîtrise d'ouvrage ; lettres types à destination des propriétaires portant sur les observations et recommandations du CST ; fiche pratique sur le CST ; modèle de lettre portant sur la vérification de la qualification des entreprises.

*Proposer une offre de formation à destination de tous les acteurs du secteur des monuments historiques : des maîtres d'ouvrage publics et privés et maîtres d'oeuvre sur les trois champs de la réforme et poursuite du plan de formation des services en charge du CST sur le contenu et les bornes du CST.

Source : réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

Par ailleurs, le ministère a proposé d'évaluer quatre autres politiques publiques en 2014 et 2015 :

- la politique publique du livre et de la lecture (premier semestre 2014) ;

- les centres de conservation et d'étude (deuxième et troisième trimestres 2014) ;

- la politique de démocratisation culturelle pour les publics éloignés de la culture et s'inscrivant dans un contexte urbain ou périurbain (troisième trimestre 2014-deuxième trimestre 2015) ;

- les fonds régionaux d'acquisition pour les musées et les ateliers de restauration en région (courant 2015).

Pour positive qu'elle soit, cette démarche d'évaluation ne garantit pas, pour le moment, que de réelles économies, issues de réformes structurelles, seront réalisées sur le budget de la mission « Culture » . Par exemple, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, les économies réalisées résultent principalement de l'arrêt ou de la fin de grands chantiers lancés les années précédentes, ainsi que d'un prélèvement exceptionnel sur le fonds de roulement du CNC.


* 7 Coût de 16 millions d'euros prévu en 2014.