MM. Yann GAILLARD et Aymeri de MONTESQUIOU, rapporteurs spéciaux

ANALYSE PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 175 « PATRIMOINES » : DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN BAISSE DE 3,9 %

760,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 746,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sont demandés, pour 2013, sur le programme 175 « Patrimoines » . La baisse des crédits représente 1,2 % en AE et 3,9 % en CP, après une très forte réduction entre 2012 et 2013 (respectivement - 5 % et - 10 %). L'évolution des crédits est toutefois inégale d'une action à l'autre et d'une catégorie de dépenses à l'autre. Ainsi, les dépenses de fonctionnement et d'investissement diminuent respectivement de 4,6 % et 16,7 % en crédits de paiements, tandis que les dépenses d'intervention et d'opérations financières augmentent respectivement de 2,4 % et 4,8 % en crédits de paiement.

Les grands équipements étant achevés, la priorité de l'année 2014 portera sur la consolidation d'une politique d'investissements soutenue en faveur des monuments historiques, du réseau des musées de France et des archives départementales sur l'ensemble du territoire . Le programme assurera également le financement de la montée en charge des structures nouvelles comme le MuCEM, le centre de conservation des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine et la réouverture du musée Picasso à Paris, prévue l'année prochaine.

Par ailleurs, afin de contribuer à la maîtrise des dépenses publiques, l'effort initié en 2013 en matière de crédits d'acquisition est maintenu en 2014 , la priorité étant donnée à la valorisation de l'existant et à l'achèvement du récolement décennal.

A. UNE STABILISATION DES CRÉDITS DU PATRIMOINE MONUMENTAL, APRÈS UNE FORTE BAISSE ENTRE 2012 ET 2013

Les crédits de l'action 1 « Patrimoine monumental » représentent 45,4 % des crédits alloués au programme 175 « Patrimoines ». Ils sont stabilisés, tant en AE, à 345 millions d'euros (contre 348,6 millions en 2013), qu'en CP, à 332,1 millions d'euros (contre 329,3 millions en 2013) .

Cette action finance, d'une part, les crédits d'entretien et de restauration des monuments historiques (333,2 millions d'euros en AE et 313 millions d'euros en CP) ; et, d'autre part, les autres crédits dédiés au patrimoine monumental (moyens de fonctionnement accordés aux dispositifs et aux institutions oeuvrant dans le domaine du patrimoine), pour un montant de 11,8 millions d'euros en AE, et de 19,1 millions d'euros en CP.

En 2014, la politique de rénovation des monuments historiques sera préservée sur l'ensemble du territoire . Le niveau de crédits de paiement a été calibré en fonction du niveau d'engagement prévu sur le périmètre des monuments historiques (MH). Par ailleurs, les crédits pour 2014 intègrent la rebudgétisation de la taxe sur les jeux en ligne affectée au Centre des monuments nationaux : en 2014, le produit de cette taxe (8 millions d'euros) sera reversé au budget général de l'Etat, tandis que sera substituée à cette affectation directe, au profit du CMN, une subvention d'investissement de 5 millions d'euros qui s'imputera sur la dotation en fonds propre de l'établissement.

Hors grands projets, les crédits d'entretien atteignent 47,9 millions d'euros (contre 55,3 millions d'euros en 2013), et les crédits de restauration 239,6 millions d'euros (contre 234,5 millions d'euros en 2013), dont 139,4 millions d'euros seront consacrés à des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat.

Crédits d'entretien et de restauration
des monuments historiques (MH)

(CP en millions d'euros)

PAP 2013

PAP 2014

Variation

MH hors grands projets

296,98

297,97

+ 0,33 %

Crédits d'entretien

55,25

47,93

-13,25 %

Dont MH Etat

33,54

26 ,22

-21,82 %

Dont MH non Etat

21,71

21,71

0,0 %

Dotation aux opérateurs

7,26

10,45

+43,94 %

Crédits de restauration

234,47

239,60

+2,19 %

Dont MH Etat

87,22

82,16

-5,80 %

Dont MH non Etat

134,25

139,43

+3,86 %

Dont subvention CMN

13,00

18,00

+38,46 %

MH Grands projets

12,30

15,00

+21,95 %

Musée Picasso

0,30

0,00

-100,00%

Schéma directeur Versailles

12,00

15,00

+ 25 %

ns

ns

ns

TOTAL

309,28

312,97

+1,19 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires.

Il pourrait être utile d'envisager la possibilité de confier aux entreprises du bâtiment les interventions d'entretien et de réparation ordinaires des sites classés afin de réserver aux architectes des bâtiments de France les opérations curatives les plus lourdes. Cela permettrait de simplifier les procédures, de réduire les délais, de diminuer le coût de la restauration et d'alléger la participation de l'Etat. Votre rapporteur spécial Aymeri de Montesquiou a déposé une question écrite sur ce sujet, adressée à la ministre de la culture et de la communication.

1. Les crédits dédiés aux monuments historiques hors grands projets

S'agissant des dépenses de fonctionnement (26,2 millions d'euros en AE=CP), 7,4 millions d'euros de crédits centraux abonderont le Centre des monuments nationaux (CMN) au titre de l'entretien des monuments nationaux. Par ailleurs, 18,8 millions d'euros de crédits déconcentrés contribueront à l'entretien de plus de 200 bâtiments au titre des monuments historiques appartenant à l'Etat, dont 86 cathédrales, répartis sur l'ensemble du territoire.

S'agissant des dépenses d'investissement (102,5 millions d'euros en AE et 82,2 millions d'euros en CP), les crédits centraux dédiés à la restauration des monuments historiques appartenant à l'Etat s'élèveront à 43,1 millions d'euros en AE et à 35,4 millions d'euros en CP . On distingue les catégories suivantes :

- les crédits dédiés à la rénovation des monuments historiques appartenant au ministère de la culture et de la communication , dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), tels que le Palais-Royal, l'Opéra Garnier, le château de Compiègne et le château d'Ecouen : 27,9 millions d'euros en AE et 16,8 millions d'euros en CP ;

- les crédits alloués au patrimoine historique appartenant au ministère de la défense (château de Vincennes, école militaire, les Invalides, la citadelle de Brest ou le Val de Grâce) : 5 millions d'euros ;

- les résidences présidentielles : 5,5 millions d'euros ;

- les réserves pour opérations urgentes de monuments : 7,75 millions d'euros en CP et 4,3 millions d'euros en AE.

Les crédits déconcentrés , d'un montant de 59,4 millions d'euros en AE et de 48,6 millions d'euros en CP, financeront des opérations de restauration des monuments historiques, pour lesquelles la maîtrise d'ouvrage est exercée par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Ils financeront notamment des travaux sur les cathédrales (Orléans, St-Pierre d'Angoulême, abbaye de Clairvaux...).

S'agissant des dépenses d'intervention (155,5 millions d'euros en AE et 161,1 en CP), la majorité des dépenses relève de crédits déconcentrés (150,6 millions d'euros en AE et 159,1 millions d'euros en CP) qui financent des subventions d'investissement à des collectivités ou des particuliers finançant des travaux d'entretien réalisés sur les monuments historiques. A ce titre, 5,4 millions d'euros en AE et 0,5 million d'euros en CP, seront notamment dédiés au financement du projet de Maison des cultures guyanaises , dont les travaux doivent débuter en 2014.

S'agissant des dépenses d'opérations financières (28,5 millions d'euros en AE et 27,9 millions d'euros en CP), 9,75 millions d'euros de crédits centraux (hors CMN) financeront des travaux de clos et couvert pour le château et domaine de Chambord (1,90 million d'euros) ; l'Académie de France à Rome (0 ,86 million d'euros), le Louvre (3 millions d'euros), le château de Fontainebleau (4 millions d'euros) et des subventions exceptionnelles (0,2 million d'euros). En outre, 18,5 millions d'euros en AE et 18 millions d'euros en CP, versés au CMN, permettront de financer plus de 300 opérations de restauration sur les monuments nationaux (par exemple, le programme de restauration du Panthéon (dôme et tambour) et la rénovation du château de Pierrefonds).

2. Les crédits dédiés aux monuments historiques « grands projets »

Une subvention de 20 millions d'euros en AE et de 15 millions d'euros en CP financera le château de Versailles au titre de son schéma directeur d'investissement, avec la poursuite de la deuxième phase de travaux.

3. Les autres crédits du patrimoine monumental

Ces crédits comprennent les subventions pour charges de service public du Centre des monuments nationaux (6,13 millions d'euros), et du château et domaine de Chambord (0,84 million), ainsi que 3,6 millions d'euros de CP en dépenses d'investissement en faveur de la médiathèque de l'architecture et du patrimoine.

B. UNE LÉGÈRE BAISSE DES CRÉDITS DE L'ARCHITECTURE

Les crédits de l'action 2 « Architecture » représentent 3,6 % de l'ensemble des moyens alloués au programme 175 « Patrimoines », pour un montant de 27,7 millions d'euros en AE et de 27,8 millions d'euros en CP , soit une légère baisse par rapport à 2013 (- 0,65 %). Cette évolution contraste avec la hausse constatée en 2013, destinée aux collectivités locales, pour financer les études des nouvelles Aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP), qui se substituent progressivement aux Zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) 8 ( * ) .

Cette action finance la subvention pour charges de service public de la Cité de l'architecture et du patrimoine, pour un montant de 15,8 millions d'euros (AE=CP).

Les moyens alloués aux interventions seront maintenus (Villes et Pays d'art et d'histoire, protection des espaces), notamment en administration déconcentrée.

La réduction des crédits par rapport à l'année dernière s'explique par la fin des travaux spécifique à la cité de l'architecture et du patrimoine sur les plafonds .

C. LES CRÉDITS AFFECTÉS AUX PATRIMOINES DES MUSÉES DE FRANCE RESTENT SOUS CONTRAINTE

Ces crédits sont répartis, dans des proportions très inégales, entre les actions 3 « Patrimoines des musées de France » et 8 « Acquisitions et enrichissement des collections publiques ». La première porte la politique du ministère en faveur des musées, en termes de gestion des collections et de développement des publics et des territoires. Elle est également le vecteur de la participation aux investissements des collectivités territoriales dans les musées ainsi que des crédits de fonctionnement des musées nationaux et subventions pour charges de service public des opérateurs. L'action 8 est plus ciblée dans son objet et plus large par son caractère transversal. Elle concerne les structures sous tutelle de l'Etat comme celles sous tutelle des collectivités territoriales.

En 2013, les crédits consacrés aux acquisitions ont fait l'objet d'une très forte baisse. En 2014, le montant des crédits dédiés à l'action 8 (1,1 % des crédits du programme) connaît une baisse modérée de 2,3 %, avec 8,4 millions d'euros en AE comme en CP.

Les crédits de l'action 3 « Patrimoine des musées de France » sont d'une toute autre ampleur. Cette action bénéficie de 44,2 % des crédits du programme. En 2014, ils s'élèveront à 336,6 millions d'euros en AE et à 339,5 millions d'euros en CP. Après une baisse modérée en 2013, (respectivement - 4,1 % et - 0,8 %), ils accuseront une diminution de 4,9 % en AE et de 9,7 % en CP. Cette baisse s'explique principalement par :

- l'abandon du projet maison d'histoire de France (- 2,8 millions d'euros en AE=CP) ;

- la fin des travaux d'investissement du MuCEM (- 5,9 millions d'euros en AE et - 12,3 millions d'euros en CP). En 2014, ce musée disposera toutefois de 2 millions d'euros en AE et 4,4 millions d'euros en CP pour des dépenses d'investissement : 1,2 million d'euros (CP) seront destinés à l'achèvement du chantier des collections et aux premiers équipements, et 2 millions d'AE et 3,2 millions de CP financeront le centre de conservation et de réserves ;

- la fin des travaux de restauration des centrales d'air au centre Georges Pompidou (- 4 millions d'euros en AE et - 6,4 millions d'euros en CP) ;

- le transfert interne à la mission « Culture » vers le titre 2 d'une part de subvention de fonctionnement des musées Picasso et Fontainebleau (- 2,2 millions d'euros en AE=CP).

Les crédits d'investissement déconcentrés sur le territoire s'élèveront à 15 millions d'euros . Ils ont pour vocation d'améliorer la conservation et la mise en valeur des collections exceptionnelles des musées de France en région. Ils soutiendront par exemple la rénovation et l'extension du musée Unterlinden de Colmar, la rénovation du musée historique de Nancy, ou encore, l'aménagement et l'extension du musée d'art et d'industrie « La Piscine » en région Nord-Pas-de-Calais.

En outre, 12,9 millions d'euros seront consacrés aux dépenses de fonctionnement des services à compétence nationale (SCN) relevant du Service des musées de France, contre 9,8 millions d'euros en 2013. Les dépenses pour provisions pour aléa augmentent de 1,37 million à 2,53 millions d'euros. En outre, par rapport à l'an dernier, 2,05 millions financeront le centre de recherche et de restauration des Musées de France. Le reste des dotations des SCN musées demeure stable.

La grande majorité des dépenses de cette action relève des subventions pour charges de service public des opérateurs du programme, pour un total de 258,9 millions d'euros (loi Sauvadet incluse), contre 246,6 millions l'an passé. La réduction s'explique notamment par la forte baisse de la compensation de la gratuité .

Enfin, les dépenses d'opérations financières s'élèveront à 26,4 millions d'euros en AE et 27,9 millions d'euros en CP, afin de financer les opérations d'investissement des opérateurs suivants.

Investissements courants des opérateurs du programme 175 « Patrimoines »

Investissement

Opérateur

AE=CP

Musée du Louvre

6,18

CNAP-GP

4,06

Orsay

0,43

Guimet

0,52

Fontainebleau

2,75

Arts décoratifs

0,26

INHA

0,12

Henner

0,10

Total

14,42

Source : projet annuel de performances de la mission « Culture » annexé au projet de loi de finances pour 2014.

Le reste des dépenses d'opérations financières sera alloué à deux établissements :

- le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou : 5,3 millions d'euros en AE et 4,5 millions en CP  financeront le plan pluriannuel d'investissement, et 5,9 millions d'euros seront consacrés à la poursuite de la rénovation des centrales de traitement d'air.

- le Louvre : 6,6 millions d'euros en AE et 3 millions d'euros sont destinés à financer les schémas directeurs incendie et accessibilité.

D. UNE FORTE HAUSSE DES CRÉDITS DU PATRIMOINE ARCHIVISTIQUE, APRÈS UNE FORTE DIMINUTION ENTRE 2012 ET 2013

L'action 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » représente 3,1 % des crédits du programme . Elle connaîtra une hausse très dynamique de ses crédits en 2014 . En effet, les AE augmenteront de 11,5 %, pour un montant de 23,5 millions d'euros, et les CP augmenteront de 7,6 %, pour un montant de 27,1 millions d'euros. Cette évolution contraste avec la baisse constatée l'an dernier, du fait de l'achèvement de la construction du site de Pierrefitte-sur-Seine, pour un coût de 196 millions d'euros conforme à son objectif. Elle s'explique par une hausse des moyens de fonctionnement destinés à couvrir les besoins du centre national des archives de Pierrefitte-sur-Seine en année pleine 9 ( * ) , ainsi que par des crédits inscrits en faveur du projet de plateforme d'archivage électronique (projet VITAM), qui nécessite aussi une collaboration et un financement à l'échelle interministérielle.

Le budget 2014 se recentrera sur le rééquilibrage territorial en faveur des archives départementales, régionales et communales . 1 million d'euros en AE=CP seront ainsi dédiés à leurs projets de conservation, restauration et valorisation du patrimoine archivistique. En outre, 5 millions d'euros en AE et 7 millions d'euros en CP (en hausse de 0,8 million) seront alloués à des projets de construction et de réhabilitation.

Par ailleurs, cette action financera plusieurs projets d'investissement (rénovation, informatisation de différents sites). A ce titre, on citera en particulier le lancement du chantier de rénovation des archives nationales du monde du travail à Roubaix. 4,4 millions d'euros en AE=CP sont prévus à ce titre sur trois ans, dont 1,1 million en AE et 2,5 en CP dès 2014.

E. LE PATRIMOINE LINGUISTIQUE ET LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE : DEUX ÉVOLUTIONS CONTRAIRES

1. Une stabilisation de la dotation au patrimoine linguistique

L'action 7 « Patrimoine linguistique » représente 0,3 % des crédits du programme, avec une dotation de 2,6 millions d'euros stable par rapport à l'année 2013. Elle finance principalement des dépenses d'intervention via la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF).

2. Une forte hausse des crédits dédiés au patrimoine archéologique

L'action 9 « Patrimoine archéologique » représente 2,2 % des crédits du programme. En 2014, ses crédits augmenteront très fortement (+ 134 % en AE et + 20,6 % en CP), pour un montant de 16,9 millions d'euros en AE et de 8,7 millions d'euros en CP.

Cette évolution s'explique principalement par le lancement de projets structurants en 2014 , en partenariat avec les collectivités territoriales :

- le centre d'art pariétal à Lascaux (4 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP), qui regroupera un fac-similé intégral de la grotte et des espaces muséographiques ;

- le centre de conservation et d'études d'archéologie du pôle de recherches interdisciplinaires archéologiques de Moselle (PRIAM) à Metz, qui regroupera sur un site unique l'ensemble de la chaîne opératoire de l'archéologie, depuis la fouille jusqu'au musée (7 millions d'euros en AE et 1,5 million d'euros en CP).

F. DEUX OPÉRATEURS QUI DOIVENT FAIRE L'OBJET D'UN SUIVI PARTICULIER

Dans la suite des travaux de contrôle menés par votre commission des finances, la Cour des comptes a consacré une insertion au Centre des monuments nationaux (CMN) dans son rapport public annuel de février 2013. En outre, elle a publié fin août 2013 un référé sur la gestion de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).

1. Un bilan mitigé du suivi des recommandations de la Cour des comptes sur le Centre des monuments nationaux

Dans son rapport public annuel publié en février 2013, la Cour des comptes a consacré une insertion spécifique au Centre des monuments nationaux, afin de dresser le bilan de la mise en oeuvre de ses recommandations formulées en 2010 dans le cadre d'une enquête demandée au titre de l'article 58-2 de la LOLF par votre commission des finances. La Cour des comptes constate que le CMN n'a mis en oeuvre que partiellement ses recommandations : la redéfinition du périmètre du CMN est toujours en suspens, les résultats de la maîtrise d'ouvrage sont peu satisfaisants, et les progrès dans la gestion ont été partiels et tardifs . Cette situation n'est pas satisfaisante et appelle des efforts supplémentaires, dans des délais brefs, de la part du CMN comme de sa tutelle.

Extrait de l'insertion du rapport public annuel de la Cour des Comptes : « Le Centre des monuments nationaux : un redressement tardif » .

Depuis la remise à la commission des finances du Sénat du rapport de la Cour, le contexte dans lequel opérait le Centre des monuments nationaux s'est stabilisé : il n'y a eu ni redéfinition législative de ses missions et de son champ d'action, ni réforme susceptible d'avoir un impact sur ses activités, au contraire de la période 2003-2009. Doté d'une feuille de route claire et exempte de turbulences externes, le Centre avait toute latitude pour procéder aux aménagements rendus nécessaires par les réformes de la période précédente et, surtout, pour développer une fonction de maîtrise d'ouvrage qui complétait son autonomie et lui permettait d'assumer la pleine responsabilité des monuments dont il avait la charge.

Enfin, dans le contexte d'aisance financière relevé par la Cour en 2010, l'établissement public disposait de marges de manoeuvre pour resserrer sa gestion et développer des outils performants à l'appui de celle-ci.

Sur ces trois plans, la redéfinition du périmètre, l'exercice de la fonction de maîtrise d'ouvrage et la mise en place d'instruments et d'indicateurs de gestion, correspondant aux recommandations formulées par la Cour dans son rapport de 2010, le CMN a agi avec retard et de manière partielle.

Source : Cour des comptes

Au vu de ce bilan mitigé, la Cour des comptes réitère les recommandations suivantes , qui concernent le CMN et l'exercice de la tutelle :

- actualiser le périmètre des monuments dont le CMN a la charge ;

- ajuster leur statut au nouveau régime de la domanialité publique ;

- rendre pleinement effective la capacité de maîtrise d'ouvrage de l'établissement et mettre fin à la sous-consommation de ses crédits d'entretien et de restauration ;

- mettre en place des outils de mesure de ses coûts ;

- assigner à l'établissement un niveau plus exigeant de ressources propres ;

- mobiliser les ressources financières excédentaires de l'établissement pour la restauration des monuments ;

- réexaminer l'affectation d'une fraction du produit de la taxe sur les jeux en ligne, qui s'est révélée peu adaptée aux besoins du CMN et préjudiciable à l'unicité et à la maîtrise budgétaire. Sur ce dernier point, la Cour des comptes a été entendue puisque le projet de loi de finances pour 2014 propose de supprimer cette affectation et de la remplacer par une subvention d'investissement ( cf. supra ).

2. Un référé très critique sur l'INRAP

La Cour des comptes a publié fin août 2013 un référé très critique sur la gestion de l'INRAP sur les exercices 2002 à 2011. Dans ce document, elle estime que des réformes structurelles majeures sont nécessaires . En effet, selon elle, cet établissement public « a souffert, pendant la majeure partie de la décennie écoulée, de lourds dysfonctionnements hérités d'une genèse hâtive ». De surcroît, la Cour considère que « c'est aujourd'hui la pérennité du modèle de l'archéologie préventive en France qui est en cause ». Cette situation résulte en partie du fait que « l'Etat n'a pas donné à l'INRAP les moyens de mettre en oeuvre pleinement les missions qui lui ont été confiées ». Le manque de recettes chroniques de l'INRAP a nécessité le versement de subventions exceptionnelles « pour un montant cumulé de 175 millions d'euros sur la période ».

Dotée d'une nouvelle assiette dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2012 10 ( * ) , la redevance d'archéologie préventive (RAP) devrait rapporter 122 millions d'euros à partir de 2015.

De surcroît, la Cour des comptes estime que l'Etat doit clarifier sa position quant aux missions de l'INRAP : il s'agit soit de réduire ses missions pour ajuster strictement les activités de l'INRAP à son financement par la RAP, soit de lui octroyer des ressources supplémentaires pour que ses moyens soient en adéquation avec les ambitions définies par la loi.

Le ministère de la culture et de la communication a alloué, en 2013 encore, une subvention de 10 millions d'euros à l'INRAP afin de lui permettre d'assurer les opérations de diagnostic.

Le tableau ci-dessous retrace le montant des crédits budgétaires versés depuis 2002 afin de compenser le faible rendement de la RAP :

Crédits budgétaires versés au CMN depuis 2002 pour compenser le faible rendement de la RAP

Année

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

(Bp)

INRAP

27,5

11,5

20

9,7

8,8

10,3

18,8

16,4

41

25,66

10

FNAP

10

6,31

23,98

* Dont 7,5 millions d'euros de versement exceptionnel pour le remboursement d'une première tranche de l'avance du Trésor

** Dont 20 millions d'euros versés au titre du plan de relance (10 millions d'euros pour l'INRAP et 10 millions d'euros pour le FNAP)

*** Dont 21 millions d'euros versés à l'INRAP au titre de la recapitalisation et 19 millions d'euros versés au FNAP pour apurer les retards

Source : réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

L'année 2014 sera consacrée à la mise en oeuvre de plusieurs chantiers :

- l'élaboration d'un avenant au contrat de performance 2011-2013 de l'établissement, signé en juillet 2011 ;

- la mise en oeuvre du schéma pluriannuel de stratégie immobilière qui devrait être validé d'ici la fin de l'année 2013 ;

- la poursuite des travaux liée à la réforme de la RAP et à la création d'un compte d'affectation spéciale au sein du ministère de la culture et de la communication, qui devrait percevoir et gérer l'ensemble du produit de la redevance à partir de 2015.

La situation de l'INRAP, comme l'effet de la réforme de la RAP, devront donc être suivis attentivement dans les mois qui viennent.


* 8 L'Etat finance entre 50 % et 60 % du montant des études des AVAP et des révisions des ZPPAUP en AVAP dans le cadre de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (dite « Grenelle II »).

* 9 0,6 million d'euros en AE et 1,2 million d'euros en CP sont prévus sur Pierrefitte au titre des chantiers connexes, des premiers équipements et de la mise en service du site.

* 10 La réforme de la redevance d'archéologie préventive s'est opérée en deux temps : d'abord dans le cadre de la loi n  2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, puis dans celui de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2012 de finances pour 2012.