MM. Yann GAILLARD et Aymeri de MONTESQUIOU, rapporteurs spéciaux

II. LE PROGRAMME 131 « CRÉATION » : DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN BAISSE DE 3,7 %

725,8 millions d'euros en AE et 745,5 millions d'euros en CP sont demandés en 2014 pour le programme « Création », soit une baisse de 3,5 % en AE (contre une hausse de 2,1 % l'an dernier) et de 3,7 % en CP (contre une baisse de 1,6 % en 2013).

Toutefois, cette évolution générale occulte des disparités entre les deux actions du programme . En effet, les crédits dédiés au soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant (action 1), qui représentent 91,5 % des moyens alloués au programme 131 « Création », diminuent de 2,2 % en AE et de 4,2 % en CP. A l'inverse, les crédits en faveur du soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques (action 2, 8,5 % des moyens du programme) baissent de 15,2 % en AE mais augmentent légèrement en CP (+ 1,4%).

Le budget 2014 en faveur de la création se caractérise par la consolidation des dépenses d'intervention du spectacle vivant et des arts plastiques qui structurent, sur l'ensemble du territoire, la politique partenariale développée avec les collectivités territoriales, ainsi que par un effort de maîtrise des dépenses des gros opérateurs de l'Etat (Opéra national de Paris, l'établissement public du parc et de la grande halle de la Villette (EPPGHV), Cité de la Musique).

Le budget 2014 est aussi marqué par une baisse sensible des crédits de paiement associés à la progression du chantier de la Philharmonie de Paris et, dans une moindre mesure, à l'achèvement de la rénovation de la salle richelieu de la Comédie française, opérations lancées lors des années précédentes. Hors ces deux grands projets, la baisse des crédits du programme est de 2,4 millions d'euros, soit - 0,3 % en CP .

A. LE SPECTACLE VIVANT : DES MOYENS EN DIMINUTION PAR RAPPORT À 2013

Les crédits consacrés au spectacle vivant s'élèvent à 664,3 millions d'euros d'AE et 683,1 millions d'euros en CP, soit une baisse de 2,2 % en AE et de 4,17 % en CP, après une hausse de 2,2 % en AE et une baisse de 0,8 % en CP entre 2012 et 2013.

Les subventions pour charges de service public des opérateurs du programme représentent 40 % en AE et 39 % en CP (proportion comparable à l'an dernier) de l'ensemble des crédits affectés à l'action 1. Elles s'élèvent à 263,8 millions d'euros en AE=CP (contre 270,1 millions d'euros l'année dernière), dont 98,8 millions d'euros pour l'Opéra national de Paris et l'école de danse de Nanterre (contre 103,4 millions d'euros en 2013 11 ( * ) ), 24,6 millions d'euros pour la Comédie française (montant identique à l'année dernière), 22,8 millions d'euros pour la Cité de la Musique (contre 23,4 millions en 2013), et 20,6 millions d'euros pour l'établissement public du parc et de la grande halle de la Villette (contre 21,3 millions en 2013).

A l'instar des opérateurs du programme 175, les grands opérateurs du programme 131 contribueront à l'effort de maîtrise des dépenses : l'effort demandé représentera 2,7 % sur les crédits de fonctionnement et d'investissement courant. Il nécessitera la poursuite de la maîtrise de leurs coûts et le développement de leurs ressources propres (billetterie, mécénat, recettes diverses) .

D'après le projet annuel de performances de la mission « Culture » annexé au projet de loi de finances pour 2014, l'effort de maîtrise des dépenses demandé à été modulé en fonction de leurs capacités respectives et ajusté par rapport au triennal 2013-2015. Les grands opérateurs voient leur subvention diminuer en raison d'une baisse pérenne de 2,5 % et d'un effort complémentaire exceptionnel, pouvant faire l'objet d'un prélèvement sur fonds de roulement ( cf. supra ). De surcroît, la subvention de la salle Pleyel, en réduction de 14,4 % par rapport à 2013, pour un montant de 4 millions d'euros, prend en compte la perspective de la reconversion de la salle, à l'ouverture de la Philharmonie de Paris. Du point de vue juridique, deux options sont envisagées et en cours d'analyse : la délégation de service public et la convention d'occupation du domaine public.

Les dépenses d'intervention s'élèvent à 375 millions d'euros en AE et 402,6 millions d'euros en CP , la très grande majorité des crédits s'imputant sur les transferts de l'Etat aux associations (309,57 millions d'euros en AE et 335,34 millions d'euros en CP).

Cette catégorie de crédits financera notamment les artistes et les compagnies artistiques, ainsi que les scènes de musique actuelles (SMAC). Ainsi, 1,76 million d'euros seront spécifiquement dédiés au renouvellement des directions des centres chorégraphiques nationaux et des centres dramatiques nationaux , et 1 million d'euros seront destinés à développer les moyens du label des scènes de musique actuelles dans le cadre du « plan SMAC ».

En outre, une dotation sera dédiée à la poursuite de la construction de la Philharmonie de Paris, dont l'ouverture est désormais prévue en 2015. Ce dernier poste mobilisera encore 26,3 millions d'euros de crédits de paiement (contre 50 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013) . Par ailleurs, l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris bénéficiera de 5,7 millions d'euros.

Dans la catégorie des dépenses d'intervention , les crédits d'investissement déconcentrés représenteront 17,8 millions d'euros en AE et 18,6 millions d'euros en CP , soit une baisse de 4,2 % en CP, qui s'explique par la fin de la dernière génération des contrats de projets Etat-régions. Ces crédits ont vocation à permettre de solder en priorité les opérations 2007-2013 12 ( * ) et d'engager le soutien à de nouvelles opérations prioritaires.

Les crédits d'investissement de l'action , à hauteur de 16,3 millions d'euros en AE et de 7,6 millions d'euros en CP, permettront la poursuite des chantiers prioritaires engagés, relatifs aux mises aux normes indispensables des équipements de l'Etat :

- 10,2 millions d'euros seront dédiés à la rénovation 13 ( * ) de l'Opéra comique . L'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) lancera les appels d'offres de la seconde phase de travaux fin 2014, pour un démarrage des travaux à l'été 2015 (à l'issue de la saison). Pour mémoire, la première phase de travaux a été engagée en 2012 ;

- 5 millions d'euros en AE et 4,34 millions de CP seront consacrés à l'opération de rénovation et de modernisation du Théâtre national de Chaillot . Le programme de travaux, planifié sur 24 mois, doit permettre l'adaptation du théâtre aux normes de sécurité et d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite ;

- 1,1 million d'euros en AE et 3,2 millions d'euros en CP permettront la poursuite des travaux de mise aux normes d'accessibilité, de sécurité et de fonctionnalité des autres bâtiments du spectacle vivant relevant de la responsabilité de l'Etat.

B. LE CHANTIER DE CONSTRUCTION DE LA PHILHARMONIE ACCUMULE DES RETARDS ET SON COÛT RISQUE D'AUGMENTER

1. Un retard supplémentaire dans le calendrier prévu

D'après les informations communiquées à vos rapporteurs spéciaux, le chantier de construction de la Philharmonie de Paris accumule des retards qui sont en cours d'évaluation . Ainsi, le dernier échéancier daté de février 2013 prévoyait une fin de chantier au 31 juillet 2014, soit cinq mois plus tard que la date prévue dans le calendrier initial.

Or, les analyses conduites par le ministère de la culture et de la communication et les échanges avec l'architecte laissent augurer un nouveau retard du chantier , « moyennant un passage d'une organisation du travail aux 2/8 à une organisation aux 3/8 dont la mise est incertaine et le coût important 14 ( * ) ». L'ouverture de la Philharmonie, prévue en janvier 2015, n'est donc pas acquise .

Le ministère estime que des compléments d'information 15 ( * ) sont indispensables pour émettre un avis pertinent sur cet échéancier, éléments qui ont été demandés à l'association et à la maîtrise d'oeuvre.

2. Des risques de surcoûts supplémentaires par rapport à ceux identifiés en 2012

Comme l'avait souligné votre rapporteur spécial Yann Gaillard dans le cadre de son rapport d'information sur la Philharmonie de Paris 16 ( * ) , le chantier faisait déjà l'objet de 50 millions d'euros de surcoûts dès juillet 2012 , dont la moitié devait être prise en charge par le ministère de la culture et de la communication.

Pour mémoire, ces surcoûts s'expliquaient notamment par des demandes supplémentaires de l'architecte Jean Nouvel (formulées à 15 millions d'euros et rabaissées à 5 millions d'euros après négociation), des demandes des instances de contrôle et de sécurité, et des révisions de prix.

Or, d'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, le 30 janvier 2013, l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris a transmis une nouvelle version du coût total de l'opération, qui prévoit de nouveaux surcoûts , dont le détail est précisé dans le tableau ci-dessous.

Nouveaux surcoûts identifiés sur la construction de la Philharmonie de Paris

(en millions d'euros)

Hypothèse basse

Hypothèse haute

Décalage du chantier

3,85

6,80

Demandes de Jean Nouvel

5,00

5,00

Demandes des instances de contrôle et de sécurité

4,00

6,00

Demandes de la commission de sécurité

5,00

5,00

Assurance

0,51

0,51

Révisions de prix

24,2

26,4

Pertes sur marges

4,5

6,8

Total

47,06

56,51

Source : réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

Le ministère de la culture et de la communication et la ville de Paris ont confié la réalisation d'une étude à un cabinet privé afin d'identifier des postes d'économies dans le budget de construction après l'identification des premiers surcoûts. Or, ce cabinet a échoué dans cette tâche, mais a, de plus, fait apparaître des surcoûts supplémentaires de l'ordre de 10 millions d'euros (par rapport aux 50 millions d'euros), portant ainsi le coût de construction à 396 millions d'euros .

Le ministère de la culture et de la communication estime qu'il « est désormais très difficile de réaliser des économies sur la construction et l'équipement du bâtiment qui soient substantielles et de nature à compenser ces hausse », dans la mesure où la plupart des dépenses sont déjà engagées 17 ( * ) . De faibles leviers d'économies (de l'ordre de 4 à 6,5 millions d'euros) ont été identifiés sur les postes suivants :

- le premier équipement ;

- des économies liées à des diminutions de prestations architecturales, qui pourraient cependant remettre en question le « standing » de certains espaces, avec, à terme, un effet à la baisse sur la prévision de ressources propres ;

- des économies impactant les fonctionnalités du bâtiment et remettant en cause leur utilisation, voire leur ouverture au public (abandon de la salle d'exposition et de certaines salles de répétition).

3. Un risque de surcoût au détriment de l'Etat

La situation est d'autant plus préoccupante que le risque de surcoût pour l'Etat est accru par le refus de payer de la région Ile-de-France et de la ville de Paris. En effet, la région devait contribuer à hauteur de 20 millions d'euros au projet. Or, celle-ci n'a versé depuis 2011 que la somme de 3,3 millions d'euros. Depuis lors, « toutes les demandes de subvention de l'association sont restées sans réponse, en dépit d'un calendrier de versement qui avait pourtant été partagé avec la collectivité » 18 ( * ) .

De surcroît, la ville de Paris a annoncé en juillet dernier qu'elle ne financerait pas les 25 millions d'euros de surcoûts lui incombant sur l'enveloppe de 50 millions d'euros identifiée en 2012. En conséquence, l'Etat devrait assumer seul ces 25 millions d'euros incombant à la ville de Paris, les 10 millions d'euros supplémentaires, les 16,7 millions d'euros de défaut de paiement de la région, les coûts liés au décalage du chantier, aux contentieux, soit un surcoût supplémentaire minimum de l'ordre de 52 millions d'euros . Il n'est pas acceptable que l'Etat soit le seul à assumer des surcoûts dans le cadre d'un projet partenarial, où d'autres acteurs publics se sont engagés.

Au total, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent que déplorer une situation qu'ils avaient anticipée, et qui confirme le caractère démesuré du projet.

C. LES ARTS PLASTIQUES : DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN HAUSSE DE 1,4 %

Les crédits consacrés aux arts plastiques inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014 s'élèvent à 61,5 millions d'euros en AE (contre 72,18 millions d'euros en 2013) et à 63,3 millions d'euros en CP (contre 62,11 millions en 2013), après une baisse de 2,5 % des premières et une baisse de 10 % des seconds par rapport à 2012 .

Ces dotations doivent permettre de poursuivre l'effort en faveur des institutions d'art contemporain en région (soutien aux fonds régionaux d'art contemporain - FRAC) et de développer le soutien aux galeries d'art les plus fragiles, dans un marché fortement concurrentiel.

Les dépenses de fonctionnement s'élèvent à 14,5 millions d'euros en AE=CP et concernent essentiellement les subventions pour charges de service public des opérateurs de cette action, pour un montant de 10,7 millions d'euros : 7 millions d'euros en faveur du Centre national des arts plastiques ; 3,1 million d'euros pour le musée de Sèvres - Cité de la Céramique, et 0,5 million d'euros pour l'organisation de la 6 ème édition de la manifestation « Monumenta » au Grand Palais, qui est confiée au duo d'artistes russes Ilya et Emilia Kabakov. Enfin, ce poste intègre 0,12 million d'euros de crédits au titre de la loi Sauvadet.

Les dépenses d'intervention s'élèvent à 42,7 millions d'euros en AE et 44,6 millions d'euros en CP . Les crédits centraux d'intervention (14,5 millions d'euros en AE=CP) sont en hausse de 1,2 million d'euros par rapport à 2013. Ils financeront la mise en place d'un fonds de soutien aux galeries d'art (0,8 million d'euros) , la subvention du Palais de Tokyo (6,5 millions d'euros), le Jeu de Paume (4,1 millions d'euros), le soutien aux métiers d'art (0,8 million) et les autres moyens d'intervention (2,3 millions d'euros en 2014).

Les crédits déconcentrés d'intervention (18,3 millions d'euros), en hausse de 4,2 % par rapport à 2013 , financeront, pour leur part, le soutien en faveur des initiatives territoriales. La hausse sera principalement dédiée à la mise à niveau des FRAC de nouvelle génération , dont cinq ont investi leur nouvel équipement en 2012 et 2013.

Enfin, les crédits d'investissement déconcentrés (9,1 millions d'euros en AE et 11 millions d'euros en CP), en légère hausse, financeront l'opération d'extension de la collection Lambert (2,8 millions d'euros de CP). En effet, l'agrandissement des locaux abritant cette collection, qui doit impérativement intervenir au plus tard le 15 juillet 2015, a vocation à rendre possible l'exposition permanente de la donation exceptionnelle faite à l'Etat en 2012 par Yvon Lambert.

En outre, 5,1 millions d'euros en AE et 4,2 millions d'euros en CP seront dédiés à la poursuite des travaux relatifs à des équipements structurants en région, notamment les sept FRAC de nouvelle génération et le pôle du graphisme de Chaumont.

Enfin, 2,21 millions d'euros (AE=CP) seront alloués aux acquisitions d'oeuvres d'art par les FRAC, montant stable par rapport à 2013 .


* 11 A noter que l'opéra national de Paris fournit un effort particulier sur ses emplois, puisqu'il perdra 20 ETP en 2014.

* 12 Par exemple la scène nationale de Sénart, le Volcan du Havre, la construction du théâtre des cordeliers à Albi, les aménagements de la friche de la belle de mai à Marseille...

* 13 Un programme de travaux a été établi pour une estimation de 15 millions d'euros. Il comprend notamment la réalisation des travaux suivants : le regroupement des locaux du personnel, l'accessibilité pour le public et les personnels, les travaux de sécurité et de mise en conformité de l'édifice, et la restauration de la couverture et de la verrière.

* 14 Source : réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 15 Relatifs aux études et plans de fabrication des entreprises, à la fabrication des prototypes, à la validation des prototypes et des plans d'exécution par la maitrise d'oeuvre, aux surcoûts liés aux mesures d'accélération...

* 16 « La Philharmonie de Paris : une dérive préoccupante », rapport d'information n° 55, 2012-2013.

* 17 Environ 340 millions d'euros sur 386 ont déjà été engagées par la Philharmonie, ce qui signifie que l'association de préfiguration a déjà commencé à engager des dépenses sur l'enveloppe des 50 millions d'euros de surcoûts dont le financement n'est à ce stade garanti qu'à hauteur de 25 millions d'euros par l'Etat.

* 18 Source : réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.