MM. Yves KRATTINGER et Dominique DE LEGGE, rapporteurs spéciaux

II. LA RÉDUCTION DE LA MASSE SALARIALE

A. LA MAÎTRISE DE LA MASSE SALARIALE, PIERRE D'ACHOPPEMENT DE LA PRÉCÉDENTE PROGRAMMATION

Entre 2008 et 2012, les dépenses de rémunération des militaires du ministère de la défense ont progressé de 5,5 %, alors que, sur la même période, les effectifs militaires ont diminué de 8,6 % et que la LPM 2009-2014 tablait sur d'importantes économies pour assurer son équilibre. Les crédits inscrits en titre 2 se sont révélés systématiquement insuffisants, nécessitant un abondement par loi de finances rectificative de 213 millions d'euros en 2010, 158 millions d'euros en 2011 et 474 millions d'euros en 2012.

Alertée par cette dérive persistante de la masse salariale du ministère de la défense, votre commission des finances a demandé à la Cour des comptes, en application des dispositions de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), de réaliser une enquête sur les rémunérations des militaires et leur évolution depuis 2009.

Selon l'enquête de la Cour des comptes 6 ( * ) , la surconsommation des crédits de personnel tient essentiellement :

- aux mesures de revalorisation des carrières ;

- à un défaut de maîtrise de l'avancement ;

- à une tendance à l'allongement des carrières liée à la réforme des retraites.

Sont ainsi particulièrement visées les conditions de mise en oeuvre du plan d'amélioration de la condition des personnels prévu par la loi de programmation militaire 2009-2014 mais engagé dès 2008. Ce plan, souligne la Cour des comptes, comporte « deux volets intrinsèquement liés : une revalorisation des grilles indiciaires et une refonte des procédures statutaires d'avancement de grade et d'échelon. Ces deux dimensions sont cumulatives. Ainsi, tout militaire qui entre dans la réforme bénéficie, de manière instantanée, d'un indice plus élevé qu'auparavant à grade et échelon égal. En outre, l'avancement dans les échelons est accéléré pour de nombreux grades. »

Vos rapporteurs estiment qu'une amélioration des conditions des personnels militaires était effectivement nécessaire, mais aurait nécessité, pour être budgétairement soutenable que les effectifs cibles par grades soient précisément définis et respectés.

Cela n'a malheureusement pas été le cas. La Cour des comptes relève ainsi que « la revalorisation indiciaire et l'accélération des carrières ont produit une augmentation significative du glissement vieillesse technicité (GVT) » et donne plusieurs causes à ce phénomène : « des réductions d'effectifs qui ont plus affecté les premiers grades à la rémunération plus faible, que les plus hauts grades, conduisant à un repyramidage au profit des niveaux les plus élevés ; une faible sélectivité pour certains avancements ».

Le ministère de la défense a dû trouver les ressources nécessaires pour financer les insuffisances récurrentes du titre 2, « en redéployant, en particulier en 2012, des crédits destinés aux équipements, en contradiction avec les principes de la LOLF ».

Vos rapporteurs spéciaux de la mission « Défense » notaient déjà dans leur contribution au rapport sur la loi de règlement pour 2012 « qu'alors que les économies réalisées sur la masse salariale devaient aider au financement de l'équipement des forces , on assiste au phénomène contraire » .

Le RAP 2012 de la mission « Défense » explique ainsi, s'agissant du programme 146 « Équipement des forces », que le décret d'avance « a annulé des crédits à hauteur de 234,94 millions d'euros en AE et 176,62 millions en CP sur le hors titre 2, destinés à financer les insuffisances du titre 2 et de carburant de la mission « Défense » ».

À peine un mois plus tard, la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 a ouvert 195 millions d'euros supplémentaires en crédits de titre 2 et annulé 100 millions d'euros de crédits hors titre 2 sur le programme 146 « Équipement des forces ».

Les dysfonctionnements du système de paie Louvois ont sans doute contribué à perturber l'exécution budgétaire. Leurs coûts, effectivement difficilement prévisibles, ne suffisent cependant pas à expliquer la surconsommation de crédits constatée en 2012 qui révèle, d'une part, un défaut de programmation budgétaire (sous-estimation du GVT et surestimation des économies à attendre de la réduction des effectifs) et, d'autre part, une évolution non maîtrisée et défavorable de la pyramide des effectifs .

B. LA DÉFLATION DES EFFECTIFS

Le projet de LPM 2014-2019 poursuit la réduction des effectifs du ministère de la défense entamée par la précédente loi, au titre de laquelle une déflation de 10 175 postes reste à effectuer en 2014 et 2015.

Elle y ajoute, pour atteindre le format d'armée défini par le Livre blanc 2013, une diminution de 23 500 équivalents temps plein emploi (ETPE), résultant des objectifs à la fois opérationnels et de gestion fixés dans le Livre blanc. Au total, la réduction s'élèvera donc à 33 675 emplois sur la période 7 ( * ) .

La déflation totale des 33 675 effectifs s'effectuera selon le cadencement suivant :

Déflation des effectifs 2014-2019

(en ETPE)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

2014-2019

Déflation LPM 2014-2019 en ETPE

-5 000

-7 500

-7 500

-3 500

-23 500

Création de postes réformes précédentes (cyberdéfense) en ETPE

+ 103

+ 103

+ 206

Déflation résiduelle réformes précédentes en ETPE

-7881

-2500

-10 381

Déflation totale en ETPE

-7 881

-7 500

-7 397

-7 397

-3 500

0

-33 675

Effet report n-1

0

-3 940,5

-3 750

-3 699

-3 699

-1 750

Effet report n+1

3 940,5

3 750

3 699

3 699

1 750

0

Déflation en ETPT

-3 940,5

-7 691

-7 449

-7 397

-5 449

-1 750

-33 675

Source : commission des finances d'après le rapport annexé au projet de LPM 2014-2019

ETP/EPTE : équivalent temps plein/équivalent temps plein emploi (emploi corrigé pour prendre en compte sa durée hebdomadaire). Défini à un moment précis. ETPT : équivalent temps plein travaillé (ETP corrigé pour prendre en compte la durée de présence de la personne sur l'année). Défini en moyenne annuelle.

Explication : les suppressions d'emplois en ETP sont définies à mi-année. Une suppression de N ETP une année n signifie donc que les ETP diminuent de N entre le 1 er juillet de l'année n-1 et le 1 er juillet de l'année n . Si on suppose que la diminution est linéaire, cela signifie que l'emploi (défini en ETPT) diminue de N/2 l'année n-1 puis N/2 l'année n .

Les effectifs du ministère de la défense devraient ainsi atteindre 242 279 ETPE en 2019, dont 235 940 imputés sur la mission « Défense ».

Le ministre de la défense s'est engagé à préserver les forces opérationnelles en faisant peser la plus grande part de l'effort de déflation sur le soutien. De fait, la déflation supplémentaire prévue par le projet de LPM 2014-2019 (-23 500) portera pour 14 500 postes (66 %) sur les fonctions support, les organismes ministériels et l'administration du ministère et pour 8 000 postes (34 %) sur les forces de combat.

L'objectif de réduction sera particulièrement difficile à atteindre pour le soutien, car celui-ci a déjà absorbé 63 % de l'effort de réduction réalisé au titre de la précédente programmation.

Le rapport annexé au projet de LPM 2014-2019 précise par ailleurs que « la déflation des effectifs affectera les militaires et les civils : de l'ordre de 26 200 postes de militaires et de 7 400 postes civils seront touchés. Les mesures d'accompagnement seront mises en oeuvre afin que les départs et les mobilités s'effectuent dans le respect de chacun, avec équité, transparence et en garantissant des préavis suffisants ».

Objectifs de réduction des effectifs LPM 2014-2019

Source : ministère de la défense

Le présent projet de loi de finances se conforme à cette programmation.

C. LA CONTRACTION DE LA MASSE SALARIALE

La masse salariale de la mission « Défense » s'élèvera à 10,98 milliards d'euros en 2014 contre 11,16 milliards d'euros en 2013, soit une baisse de 1,16 %.

Évolution de la masse salariale 2013/2014 (hors pensions et hors OPEX)

(en milliards d'euros)

LFI 2013

PLF 2014

Variation

en valeur

en %

Masse salariale

(hors pensions et hors OPEX)

11,16

10,98

-0,18

-1,6%

Source : ministère de la défense

Cette évolution correspond à la trajectoire résultant de la nouvelle programmation militaire :

Trajectoire de la masse salariale 2014-2019 (hors pensions et hors OPEX)

(en milliards d'euros)

LFI 2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Masse salariale

(hors pensions et hors OPEX)

11,2

11

10,8

10,7

10,6

10,4

10,4

Source : ministère de la défense

Elle est notamment conditionnée par la réussite du dépyramidage des effectifs.

Le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit ainsi de « réduire le pourcentage d'officiers dans la population à statut militaire de 16,75 % à 16 % en fin de programmation ». Il est d'ailleurs rappelé que les officiers représentaient moins de 15,5 % des effectifs militaires en 2008.

La diminution doit être de l'ordre de 5 800 postes d'officiers. Le taux d'encadrement sera différencié selon les services et les armées.

Parallèlement, la déflation des effectifs sera de l'ordre de 11 200 sous-officiers et de 9 300 hommes du rang.

Pour permettre ce dépyramidage et accélérer les départs des grades cibles, le présent projet de loi prévoit divers dispositifs dont certains constituent la prorogation ou l'adaptation d'instruments existants (pécule d'incitation au départ, pension afférente au grade supérieur, promotion fonctionnelle).

Une des difficultés de ce processus réside dans le fait que les mesures de « dégagement des cadres » peuvent avoir deux objets, non totalement exclusifs l'un de l'autre mais entrant en concurrence :

- réduire les effectifs des grades supérieurs (dépyramidage) ;

- ouvrir des places pour la promotion à ces grades supérieurs.

L'enquête réalisée par la Cour des comptes sur la rémunération des militaires fait apparaître que si le premier objectif était celui affiché par la programmation 2009-2014, le second a largement contribué à l'échec du dépyramidage.

Vos rapporteurs spéciaux soulignent que pour réaliser les économies recherchées, les départs d'officiers et sous-officiers doivent dans une proportion significative correspondre à des suppressions effectives de postes dans les grades concernés. La Cour des comptes note ainsi que les « mesures d'incitation au départ, potentiellement coûteuses, ne produiront pas d'économies durables si elles s'accompagnent, dans le même temps, d'une politique d'avancement non maîtrisée. Les départs ne doivent pas servir exclusivement à fluidifier la pyramide des grades ».

Le rapport annexé au projet de LPM prend en compte cet impératif en précisant que « ces résultats seront obtenus par une répartition, cohérente avec les objectifs du Livre blanc, entre les départs naturels, les départs incités, une gestion rigoureuse des avancements et un ajustement des recrutements aux besoins prévisionnels. La gestion des ressources humaines du ministère s'appuiera sur une gouvernance rénovée guidée et une démarche prévisionnelle renforcée ».

Vos rapporteurs prennent acte de ces engagements, mais rappellent que la bonne exécution de la programmation repose largement sur la réussite de la « manoeuvre RH », qui ne saurait se résumer à une simple déflation des effectifs.

La résolution du problème Louvois

Vos rapporteurs ont interrogé le ministère de la défense sur les coûts induits par les dysfonctionnements du logiciel Louvois et sur les actions mises en oeuvre pour résoudre ces dysfonctionnements.

Réponse :

« Dans la perspective de son raccordement à l'opérateur national de paie (ONP), le ministère de la défense a amorcé une rationalisation de ses systèmes d'information de rémunération du personnel rémunéré hors paiement sans ordonnancement préalable (PSOP), en substituant aux nombreux systèmes d'information (SI) le calculateur unique de solde Louvois. Ont été raccordés successivement au calculateur les systèmes d'information des ressources humaines (SIRH) du service de santé en avril 2011, de l'armée de terre en octobre 2011 et de la marine nationale en mars 2012. Le raccordement de l'armée de l'air et de la gendarmerie dans le système Louvois, initialement prévu en mars et septembre 2013 fait l'objet d'un moratoire.

De nombreuses anomalies dans le versement des soldes ont été observées depuis lors. Leurs causes relèvent des domaines technique, fonctionnel et organisationnel. Elles se traduisent par d'importants indus de paye et moins-versés aux administrés. Les trop-versés ont été évalués à environ 133 M€ au titre de l'année 2012 et, à ce stade, à environ 50 M€ pour 2013.

Au-delà de ces chiffres, qui restent des données estimatives, il convient également de prendre en compte :

- les avances dont la reprise est gelée sur décision ministérielle. Elles couvrent notamment les avances et fractions de solde versées sur les théâtres aux militaires en opérations extérieures, les avances aux nouveaux engagés et d'autres avances diverses ;

- les acomptes versés depuis novembre 2012 au titre du plan d'urgence ministériel (43 M€ à fin août 2013) destiné à aider les familles affectées par les dysfonctionnements du système Louvois

La campagne de recouvrement des trop-versés a commencé début août 2013, avec une première phase de notification aux administrés des sommes à rembourser et des propositions de remboursement tenant compte des dispositions en vigueur relatives à la quotité saisissable ainsi que de leur solvabilité effective. Sous réserve de cette dernière limite, la quasi-totalité des trop versés et des avances devrait ainsi faire l'objet d'un recouvrement ou d'une reprise au profit du budget du ministère de la défense, pour l'essentiel à partir de 2014.

Au dispositif exceptionnel de versement d'acomptes cité supra s'ajoutent d'autres mesures d'urgence décidées par le ministre pour éviter des situations difficiles en cas de solde diminuée ou incomplète, telles que le déploiement de spécialistes dans les bases de défense afin que les dysfonctionnements puissent être rapidement traités, le renforcement des effectifs du centre expert RH-solde de Nancy (CERHS) de l'armée de terre pour lui permettre de traiter de façon satisfaisante tous les dossiers dans un délai raisonnable, la mise en place d'une cellule d'assistance téléphonique (n° vert) pour répondre aux questions des militaires et des familles et les accompagner dans l'instruction de leurs dossiers, ainsi que la création d'un groupe utilisateurs qui comprend les acteurs de la solde et des représentants des militaires et de leurs familles.

Par ailleurs, sur la base des recommandations des audits commandés par le ministre, un plan d'action a été décliné en douze chantiers qui couvrent l'intégralité du spectre de la fonction solde. Une attention particulière est portée à la gouvernance de l'écosystème RH-Solde, au pilotage fonctionnel de la chaîne opérationnelle, au suivi comptable et réglementaire, au pilotage des systèmes d'information, à la gestion du référentiel métier et au contrôle interne. Il en découle un certain nombre de mesures qui sont dès à présent mises en oeuvre :

- une gouvernance plus lisible, qui donne également au ministère de la défense une capacité d'anticipation améliorée sur ses grandes échéances (plan annuel de mutation, restitutions de fin d'année etc.)

- des processus optimisés pour l'exécution des cycles de la solde et un renforcement des entités impliquées dans la mise en oeuvre de la solde (effectifs, formation) : les centres expert RH des armées et services, le Service Ministériel Opérateur des Droits Individuels du Service du Commissariat des Armées (SCA/SMODI) ;

- les équipes de maintenance (Centre de Maintenance Informatique de la Solde, SMODI), sont également renforcées et la gestion des anomalies remontées par les acteurs de la chaîne solde est optimisée pour corriger au plus tôt les plus critiques ;

- des actions correctrices en matière budgétaire et comptable sont également en cours. Elles visent un meilleur encadrement des opérations de trésorerie, l'amélioration des restitutions comptables et budgétaires et le renforcement du contrôle interne ;

- enfin, sous la supervision de la direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC), un plan d'action a été défini pour sécuriser et consolider le calculateur Louvois, puis réaliser des adaptations de fond (mais après la phase des corrections d'urgence qui mobilisent actuellement les équipes).

Ces mesures nécessitent des renforts de personnels auprès des différents services impliqués dans la gestion de la solde. Les plus importants ont été affectés auprès des CERH des différentes armées, essentiellement aux CERH Terre de Nancy (+ 63) et Marine de Toulon (+39). Le centre de maintenance interarmées de la solde (CMIS) s'est vu affecter une trentaine de personnes et 3 commissaires supplémentaires ont été affectés au SMODI. Ces renforts sont réalisés par redéploiement de personnels militaires et civils.

Il a également été fait appel à de l'expertise externe pour conduire les audits et assister la maîtrise d'ouvrage dans l'instruction des corrections et des évolutions, le recouvrement des trop-versés, l'amélioration des processus de la solde et du contrôle interne.

Par ailleurs, près d'une centaine de vacataires ont été recrutés entre juin et septembre 2013 pour 4 ou 6 mois pour la notification des trop-versés aux administrés. Le surcoût correspondant, en dépenses de titre 2 sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces », est évalué à 1,45 M€.

L'ensemble des mesures engagées, ainsi que l'implication totale des équipes de la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD), du service du commissariat des armées (SCA) et des armées, ont d'ores et déjà permis de réaliser des progrès notables dans la relation de l'administration avec les militaires et leurs familles ainsi que dans le pilotage opérationnel de la solde. »

Source : ministère de la défense, réponse au questionnaire budgétaire

D. UNE CONDITION ESSENTIELLE : LES RÉFORMES DE STRUCTURE ET DE GOUVERNANCE

Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit une réorganisation de la fonction « ressources humaines ». Jusqu'ici caractérisée par son éclatement et elle serait désormais placée sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration et du directeur des ressources humaines du ministère (DRH-MD) qui lui est rattaché. La DRH-MD exercerait ainsi une « autorité fonctionnelle renforcée » sur l'ensemble des gestionnaires de ressources humaines du ministère.

Cette réorganisation doit permettre :

- d'harmoniser et de simplifier la définition et la mise en oeuvre des politiques de ressources humaines ;

- d'améliorer la maîtrise de la masse salariale en centralisant la responsabilité de son pilotage.

Cette évolution a fait l'objet d'un commencement d'exécution. Sur décision du ministre de la défense, la sous-chefferie ressources humaines de l'EMA a été supprimée et ses compétences transférées à partir du 1 er septembre 2013 à la DRH-MD, de même que l'autorité qu'elle exerçait sur les DRH relevant de son périmètre. L'EMA conserve la responsabilité de l'expression du besoin des armées en ressources humaines.

De même, par anticipation de la programmation 2014-2019, le ministre de la défense a confié la responsabilité effective des dépenses de titre 2, dès 2014, au secrétaire général pour l'administration.

La gestion des effectifs et de la masse salariale ressortissant non plus aux employeurs (armées et services), mais désormais aux gestionnaires ressources humaines (DRH d'armée ou de service) sous l'autorité du DRH-MD, ces gestionnaires deviendront responsables de budget opérationnel de programme sur le périmètre des agents relevant de leur compétence.

Le renforcement de l'effectif de la DRH-MD, par des transferts en provenance des DRH d'armées et de la DRH de l'État-major des armées (EMA-RH), porte en PLF 2014 sur un équivalent temps plein travaillé (ETPT) en provenance du programme 146, et 19 ETPT en provenance du programme 178 (8 ETPT fournis par l'EMA-RH, 1 ETPT en provenance de la mission de contrôle de la réforme supprimée, 10 ETPT en provenance des DRH d'armées).

Vos rapporteurs appuient pleinement cette évolution, qu'ils jugent indispensable à une meilleure maîtrise de la masse salariale. En effet, l'absence d'un responsable unique et clairement identifié, disposant des outils de gestion nécessaires, constitue l'une des causes majeures de la dérive des dépenses de titre 2 observée au cours de la période précédente.

E. LA NÉCESSITÉ DE PRÉVENIR LES CONSÉQUENCES NÉGATIVES DE LA DÉFLATION DES EFFECTIFS ET DES MESURES DE MAÎTRISE DE LA MASSE SALARIALE

1. Préserver l'attractivité des métiers militaires

L'objectif de réduction de la masse salariale pèse sur le déroulement de carrière des personnels et conduit à différer l'application de certaines mesures catégorielles. Dès lors, sa poursuite risque de dégrader l'attractivité des métiers militaires.

Vos rapporteurs spéciaux ont confié à la Cour des comptes, dans le cadre son enquête sur la rémunération sur la rémunération des militaires, la tâche d'évaluer cette attractivité.

La Cour a retenu comme critère le taux de recrutement des militaires. Elle observe que l'attractivité apparaît très contrastée en fonction des catégories : « élevée pour les officiers et officiers sous-contrat, elle est au contraire très faible pour les militaires du rang, avec un taux oscillant entre 1,2 candidat et 2 candidats pour 1 poste entre 2000 et 2010. La situation n'est pas particulièrement favorable pour les sous-officiers avec un taux de sélectivité de moins de quatre candidats pour un poste en 2010 et moins de deux candidats au recrutement externe pour l'armée de terre en 2011. Le taux de sélectivité des officiers est comparable à celui observé dans les grandes écoles de la fonction publique (environ 13 candidats pour 1 poste). Celui des militaires du rang et des sous-officiers est au moins cinq fois moins élevé que celui des fonctionnaires de catégorie B et C. »

Dès lors, vos rapporteurs ont interrogé le ministère de la défense sur les actions menées pour préserver ou accroître l'attractivité des métiers militaires.

L'action du ministère de la défense pour l'amélioration de l'attractivité des métiers militaires

« La problématique de l'attractivité est essentielle pour une institution dont le flux de recrutement représente plusieurs milliers de personnes par an et qui se réorganise profondément.

Afin de développer l'attractivité des métiers militaires, qui doit être appréhendée de façon différente selon la catégorie de personnel (officier, sous-officiers, militaires du rang, ou volontaires), deux leviers principaux sont mis en oeuvre par le ministère de la défense : la valorisation indemnitaire et la valorisation des parcours professionnels.

Dans un cadre budgétaire particulièrement contraint, la valorisation indemnitaire a pour but de fidéliser des populations très ciblées, du fait de leur technicité et de leur rareté. A titre d'exemple, l'armée de l'air met en oeuvre, en sus des primes d'engagement, la prime d'attractivité modulable (PAM) qui concerne le personnel non-officier servant sous contrat et détenant une spécialité ou un emploi fixé par arrêté. Cette prime est versée au titre d'un engagement initial d'une durée égale ou supérieure à 3 ans. Son montant est fixé par l'application de coefficients multiplicateurs au montant de la prime versée au titre de l'engagement initial. En 2012, l'armée de l'air a ainsi versé 641 000 euros pour 353 militaires.

Par ailleurs, l'armée de terre envisage de moderniser la prime réversible des compétences à fidéliser (PRCF) afin de conserver une ressource dans certaines filières fortement concurrentielles sur le marché du travail.

En matière de valorisation des parcours professionnels, les armées mettent en oeuvre des dispositifs qui concernent toutes les catégories de personnels et qui ont en commun trois caractéristiques majeures.

Ils s'attachent, d'abord, à développer la lisibilité des parcours à travers la mise en place de parcours de référence, déclinés par métiers. Ce cadre n'est cependant pas restreint.

Ainsi, certaines armées, comme la marine, proposent aux personnes qui remplissent les conditions requises et qui sont volontaires, de changer de spécialité, en particulier pour rejoindre les filières déficitaires.

Ensuite, ces dispositifs donnent une place prépondérante à la formation continue, ce qui permet de développer les compétences individuelles et de s'adapter aux exigences des fonctions exercées. Source d'évolution professionnelle et de performance pour les intéressés, la formation continue s'inscrit dans un continuum visant à éviter les redondances et à se doter de compétences en cohérence avec les besoins réels des armées.

Enfin, les armées veillent à préserver la promotion interne dans une logique « d'escalier social ». À ce titre, depuis 2012, au sein de l'armée de l'air, la « passerelle tardive » permettant aux militaires du rang d'accéder à la catégorie des sous-officiers entre 11 et 14 ans d'ancienneté, s'opère sur la base d'une sélection fondée sur la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle (RAEP).

L'attractivité des métiers militaires repose sur la possibilité donnée à chacun de se projeter dans le moyen, voire long terme, de développer son employabilité et de voir ses mérites reconnus. Ainsi, à travers une politique adaptée et ambitieuse, le ministère de la défense s'engage à pleinement tirer profit des potentialités offertes par les dispositifs de certification et de validation des parcours professionnels particulièrement riches que suivent la très grande majorité des militaires. »

Source : ministère de la défense, réponse au questionnaire budgétaire

Vos rapporteurs prennent acte des actions menées et souhaitent que soient en mis en place des instruments d'évaluation de cette attractivité. Ils s'attacheront à suivre cette question en vue du prochain budget.

2. Éviter le recours excessif à l'externalisation

La recherche d'économies et la déflation des effectifs qui l'accompagne conduisent le ministère de la défense à recourir à l'externalisation, mode de gestion consistant pour l'administration à confier à un opérateur externe une fonction, une activité ou un service assuré jusqu'alors en régie.

Parmi les marchés d'externalisation conclus par le ministère de la défense, les principaux portent sur :

- la « gestion multitechnique et multiservice » (prestations de soutien) de la base de défense de Creil et de certains sites rattachés ;

- la fonction « restauration-hôtellerie-Loisirs » couvrant la gestion de onze restaurants et deux hôtelleries dans huit sites pilotes répartis sur le territoire métropolitain, jusqu'alors gérés en régie ;

- l'achat, le financement, la gestion et l'entretien de l'ensemble du parc de véhicules de la gamme commerciale ;

- la maintenance des avions Epsilon et mise à disposition d'avions Grob 120 dans le cadre de la formation basique des équipages de chasse ;

- la maintenance de la flotte d'avions Xingu utilisée par la marine nationale et l'armée de l'air ;

- l'accueil-filtrage (contrôle d'accès) de certaines bases aériennes et surveillance de sites.

On signalera également la situation spécifique de la base française d'Abou-Dhabi, créée en 2008, dont l'essentiel du soutien repose sur des prestataires extérieurs.

En revanche, alors que cela avait un temps été envisagé, la fonction habillement en sera pas externalisée.

Le renoncement à l'externalisation de la fonction habillement

« À l'issue du Comité ministériel d'investissement tenu le 30 mai 2013, le ministre de la Défense a décidé de maintenir en régie la fonction habillement des armées. Celle-ci devra faire l'objet d'une modernisation importante ayant pour but de concilier l'impératif opérationnel, le meilleur service rendu aux armées et une réduction significative des coûts.

Le projet de régie rationalisée optimisée (RRO) a ainsi été retenu par Jean-Yves Le Drian à l'issue d'un travail d'expertise mené ces derniers mois auprès de l'ensemble des parties prenantes et des acteurs concernés : personnels de la Défense, syndicats, groupements professionnels, PME du secteur et maîtres tailleurs. Toutes les hypothèses d'évolution ont été minutieusement examinées afin d'en dresser un bilan comparatif. La décision prise traduit la confiance renouvelée du ministre de la Défense aux personnels du ministère dans leur capacité à réformer et à optimiser le fonctionnement de cette régie.

La RRO offre un certain nombre d'avantages. Elle contribuera à la préservation des capacités opérationnelles des armées et apportera une réponse adaptée aux attentes légitimes des militaires en matière d'amélioration de la qualité de service. Cette solution permettra également de réaliser une économie substantielle d'environ 50 millions d'euros par an, répondant ainsi à la nécessité d'assurer la continuité du service dans un contexte financier contraint. Cette régie contribuera enfin au maintien de l'activité des PME-PMI françaises, partenaires traditionnels de nos armées.

Le service du Commissariat des armées, acteur majeur de l'interarmisation et de la mutualisation des soutiens, est chargé de porter cette réforme. Il en référera régulièrement au ministre de la Défense, qui sera particulièrement attentif à l'atteinte des objectifs fixés. »

Source : communiqué de presse du ministère de la défense du 4 juin 2013

Saisie par la commission des finances de l'Assemblée nationale en application des dispositions de l'article 58-2° de la LOLF, la Cour des comptes a rendu en octobre 2010 un rapport sur l'externalisation au sein du ministère de la défense. L'appréciation générale portée par la Cour est mitigée. La Cour relève que le ministère a progressé dans ses procédures et sa méthodologie, que les intérêts des personnels ont été préservés et que la capacité opérationnelle n'a pas été affectée. Elle estime cependant que la réalité des gains économiques est très difficile à apprécier et que le recours aux externalisations doit être mieux encadré pour éviter des dérives.

Vos rapporteurs spéciaux partagent ce point de vue : les externalisations ne doivent pas servir à contourner les obstacles budgétaires et ni répondre à des calculs de court terme qui conduiraient à adopter un mode d'organisation finalement plus coûteux et réduisant l'autonomie de nos forces.

En particulier, il ne faut pas que les économies liées aux baisses d'effectif dans les activités de soutien soient simplement transformées en rémunération de prestataires extérieurs. Vos rapporteurs spéciaux veilleront donc à ce que soit appliqué le principe posé par le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire selon lequel « les gains en effectifs obtenus au titre des éventuelles externalisations seront comptabilisés pour la part excédant le transfert de ressources de masse salariale nécessaire aux contrats d'externalisation ».

Un autre point de vigilance porte sur le maintien des capacités opérationnelles : une externalisation qui fonctionne sur le territoire national peut ne pas satisfaire les besoins en soutien de nos forces projetées en opérations extérieures.

Face à ces préoccupations, le ministère de la défense indique ainsi avoir fixé « quatre conditions strictes et cumulatives aux externalisations :

« - les externalisations ne doivent pas affecter la capacité des armées à réaliser leurs missions opérationnelles ;

« - l'opération doit permettre, de manière pérenne, des gains économiques significatifs pour l'État et le ministère, évalués avec une méthode rigoureuse, prenant en compte les coûts complets du scénario en régie comme du scénario avec externalisation ; par ailleurs l'impact budgétaire pour le ministère doit également être pris en compte ;

« - les intérêts des personnels doivent être pris en compte dès le départ de l'étude préalable et en tout état de cause préservés, notamment au travers des conditions de reclassement ;

« - l'externalisation ne doit pas conduire à la création de positions dominantes chez les fournisseurs et doit préserver les possibilités d'accès des PME à la commande publique. »

Enfin, vos rapporteurs soulignent que la défense constitue une fonction régalienne essentielle, dont on ne peut accepter qu'elle soit exercée par des sociétés privées. Sur ce point, le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian a tracé, lors de son audition du 12 septembre 2013 par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, une limite : « Je suis favorable à la reconnaissance des sociétés militaires privées dans le domaine du transport maritime, car la marine nationale ne peut pas tout faire. Je l'ai fait savoir aux acteurs du secteur. Nous sommes proches d'aboutir. J'y suis défavorable en revanche pour les activités terrestres, car cela s'apparenterait à du mercenariat, ce qui est contraire à notre tradition républicaine et à nos convictions ».


* 6 Enquête remise ayant donné lieu à une audition publique pour suite à donner le 9 octobre 2013.

* 7 Les éventuelles déflations d'effectifs de la mission « Anciens combattants », de montants comparativement peu élevés, seront incluses dans cette cible, ainsi que celles du Service industriel de l'aéronautique.