M. Jean-Marc TODESCHINI, rapporteur spécial

SECONDE PARTIE
ANALYSE DES TROIS PROGRAMMES DE LA MISSION

I. LE PROGRAMME 219 « SPORT »

Ce programme, placé sous la responsabilité du directeur des sports, poursuit l'objectif de promouvoir, dans un cadre sécurisé et de qualité, la pratique physique et sportive à tout niveau, ainsi que les valeurs qu'elle véhicule : sens de l'effort, du progrès, du dépassement de soi, du respect de l'autre, apprentissage des règles collectives, renforcement du lien social, universalité, etc.

A. LE PROGRAMME EN QUELQUES CHIFFRES

Les crédits demandés sur le programme « Sport » dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élèvent à 224,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 231,2 millions d'euros en crédits de paiement . En très légère diminution par rapport à 2013, ces crédits se répartissent de la façon suivante.

Répartition par action des crédits demandés pour 2014

Action

Autorisations d'engagement
(en euros)

Crédits de paiement
(en euros)

En % des CP du programme

Promotion du sport pour le plus grand nombre

7 167 694

7 167 694

3,1 %

Développement du sport de haut niveau

171 304 163

177 705 728

76,9 %

Prévention par le sport et protection des sportifs

18 776 613

18 776 613

8,1 %

Promotion des métiers du sport

27 487 965

27 487 965

11,9 %

Source : projet de loi de finances pour 2014, annexe « Sport, jeunesse et vie associative »

L'apparente prépondérance de l'action de l'Etat en faveur du sport de haut niveau, en termes budgétaires, doit être tempérée par deux éléments d'importance.

En premier lieu, les moyens de l'Etat dirigées vers l'action « Promotion du sport pour tous » seront accrus , comme cette année, par un fonds de concours d'un montant de 19,5 millions d'euros en provenance du CNDS.

En second lieu, les actions du CNDS (dont le budget dépasse celui du présent programme, cf. supra ) sont elles-mêmes principalement dirigées vers des financements de terrain, qu'il s'agisse du soutien aux structures sportives locales ou de l'appui aux projets d'équipements sportifs sur l'ensemble des territoires.

B. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2014

Le projet annuel de performances de la mission annexé au présent projet de loi de finances livre de manière précise la nature des crédits demandés pour l'exercice à venir.

Les chiffres saillants et les principales évolutions par rapport à l'année dernières sont résumés ci-après.

1. Un soutien financier aux fédérations en diminution par rapport à 2013

Le soutien financier global de l'Etat aux fédérations sportives diminuera en 2014 par rapport à 2013 .

Hors fonds de concours du CNDS, le montant global prévisionnel (toutes actions confondues) de ce soutien devrait s'élever à 63,5 millions d'euros , contre 66 millions d'euros demandés l'année dernière.

Cependant, l'enveloppe dévolue à l'appui aux fédérations en faveur du développement du sport pour tous est, elle, maintenue par rapport à 2013.

2. Les investissements de l'Etat sur le site de l'INSEP

La rénovation du site de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), situé dans le bois de Vincennes, se poursuivra en 2014. Les investissements de l'Etat se font sous deux modalités différentes.

Les installations extra-sportives ont été rénovées dans le cadre d'un partenariat public-privé (PPP) conclu par l'ancienne majorité fin 2006. Pour 2014, l'annuité de l'ensemble du loyer (investissement + financement) reste fixée à 4,3 millions d'euros en CP, dont 1,4 million au titre de l'amortissement, mais elle est complétée par des modifications mineures au contrat de partenariat (environ 50 000 euros en AE et en CP) pour prendre en compte les besoins d'adaptation du bâti à l'exploitation.

La rénovation de la partie Sud du site, où sont situés les équipements sportifs, est réalisée sous la maîtrise d'ouvrage de l'Etat. Sur ce chantier, la programmation budgétaire répond à l'objectif d'achèvement en 2016 de l'essentiel des gros travaux 4 ( * ) . En 2014, l'enveloppe des opérations programmées est ainsi de 6,6 millions d'euros en AE et de 11,5 millions d'euros en CP .

3. La confirmation de la cessation du versement de la pénalité au consortium Stade de France

Tout comme l'année dernière, aucune somme n'est provisionnée au titre de la pénalité à verser par l'Etat au consortium Stade de France pour absence de club de football résident .

Comme cela sera détaillé ci-après, cette absence de crédits qui a pu passer pour une politique audacieuse (voire un voeu pieux) lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2013 correspond désormais à une réalité juridique et contractuelle.

4. Le provisionnement des primes à verser aux athlètes

Ce projet de loi de finances prévoit le provisionnement d'une somme d'un million d'euros au titre des primes qui devront être versées aux médaillés des prochains Jeux olympiques et paralympiques d'hiver, qui se dérouleront à Sotchi (Russie).

Rappelons que le montant de ces primes s'élève à :

- 50 000 euros pour une médaille d'or ;

- 20 000 euros pour une médaille d'argent ;

- et 13 000 euros pour une médaille de bronze.

L'obtention d'une médaille dans une discipline collective entraîne le versement de la prime à l'ensemble des membres de l'équipe.

5. Le maintien de la subvention à l'Agence française de lutte contre le dopage

Les crédits demandés pour 2014 maintiennent inchangé le montant de la subvention pour charge de service public à verser à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), à 7,8 millions d'euros .

L'effort demandé l'année prochaine aux opérateurs ne se traduira donc pas par une diminution de ces crédits, ce qui montre l'importance de la question de la lutte anti-dopage aux yeux du Gouvernement.

A cette somme, il convient d'ajouter les quelque 560 000 euros correspondant à la contribution française au fonctionnement de l'Agence mondiale antidopage (AMA) - montant également inchangé par rapport à 2013. Cette somme représente environ 3 % du budget de cette organisation.

6. L'extinction de deux dispositifs de formation déconcentrés

S'agissant de l'action « Promotion des métiers du sport », la diminution de crédits par rapport à l'année dernière ( 27,5 millions d'euros contre 31,1 millions en 2013), provient à la fois de la légère baisse du soutien aux fédérations sportives ( cf. supra ) et, surtout, l'extinction complète de deux dispositifs de formation déconcentrés :

- la formation professionnelle continue du « Parcours animation sport (PAS)» (- 1,2 million d'euros) ;

- et la formation initiale conduisant aux qualifications sportives
(- 2,5 millions d'euros) .

Selon les explications fournies par le ministère, il s'agit de se retirer de programmes qui relèvent de la compétence des régions et des branches professionnelles, l'intervention de l'État se recentrant sur l'accompagnement des jeunes et des structures associatives dans le cadre des emplois d'avenir en mobilisant les financements de droit commun au titre du soutien à la formation.

C. DES OBJECTIFS ET DES INDICATEURS DE PERFORMANCE PROFONDÉMENT MODIFIÉS

Des modifications importantes des objectifs et des indicateurs sont proposées dans le cadre de ce projet de loi de finances afin de prendre en compte certaines orientations de la ministre (réduction des inégalités d'accès à la pratique sportive, recentrage de l'action du CNDS sur sa mission originelle) et des recommandations de la Cour des comptes (resserrement des priorités d'interventions de l'Etat, renforcement du suivi des publics éloignés de la pratique sportive). Votre rapporteur spécial approuve cette démarche, légitime après plusieurs années de stabilité.

S'agissant des objectifs, leur nombre passe de six à cinq et leur intitulé est modifié, comme l'indique le tableau ci-après :

Les évolutions des objectifs du programme entre 2013 et 2014

Libellé des objectifs du projet annuel de performances (PAP) 2013

Propositions pour le PAP 2014

OBJECTIF 1 : Accroître la pratique sportive, notamment au sein des clubs, en apportant une attention particulière aux publics prioritaires

OBJECTIF 1 : Réduire les inégalités d'accès à la pratique sportive

OBJECTIF 2 : Promouvoir la rigueur financière et l'efficacité des fédérations sportives

OBJECTIF 2 : Promouvoir la rigueur financière et l'efficacité des fédérations sportives

OBJECTIF 3 : Apporter une attention particulière à une répartition équilibrée des équipements sportifs sur le territoire national, et promouvoir la réalisation d'équipements structurants

Supprimé

OBJECTIF 4 : Conforter le rang de la France parmi les grandes nations sportives

OBJECTIF 3 : Conforter le rang de la France parmi les grandes nations sportives et favoriser l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau

OBJECTIF 5 : Renforcer le respect de l'éthique dans le sport et préserver la santé des sportifs

OBJECTIF 4 : Renforcer le respect de l'éthique dans le sport et préserver la santé des sportifs

OBJECTIF 6 : Adapter la formation aux évolutions des métiers et recentrer l'offre de formation des établissements sur les missions de service public

OBJECTIF 5 : Adapter la formation aux évolutions des métiers et favoriser l'insertion professionnelle

Source : ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

Les principales évolutions concernant les indicateurs de performance associés à ces objectifs sont les suivantes :

- un nouvel indicateur 1.2 est constitué par déplacement de l'indicateur 3.2 du PAP 2013 « Proportion des subventions d'équipement du CNDS attribuées aux départements sous-équipés », suite à la proposition de suppression de l'objectif 3. L'indicateur 1.2 du PAP 2014 « Proportion des subventions d'équipement du CNDS attribuées aux départements sous-équipés » comprend un deuxième sous-indicateur permettant d'intégrer l'ancien indicateur 3.1 du PAP 2013 mesurant le nombre de départements sous-équipés ;

- s'agissant de l'indicateur 1.3 du PAP 2013 « Proportion des crédits de la part territoriale du CNDS affectée aux publics prioritaires », ce PAP prévoit d'une part une modification de libellé (« Proportion des crédits de la part territoriale du CNDS affectée aux publics ou territoires prioritaires »), d'autre part la suppression du sous-indicateur en relation avec les jeunes scolarisés, enfin le maintien des sous-indicateurs en relation avec le handicap, les jeunes filles et femmes et les publics socialement défavorisés ;

- s'agissant de l'indicateur 4.1 « Rang sportif de la France » du PAP 2013 (3.1 du PAP 2014), il est décidé de maintenir le sous-indicateur en rapport avec les résultats obtenus aux Jeux olympiques d'hiver et d'été, d'ajouter un sous-indicateur permettant de présenter les résultats obtenus aux jeux paralympiques, et de modifier le sous-indicateur en rapport avec les résultats obtenus aux 25 disciplines les plus médiatisés dans le monde, le ministère estimant contestable le choix de ce panel. Il est remplacé par un sous-indicateur mesurant les résultats des médaillés dans les disciplines de haut niveau, mettant ainsi ce sous-indicateur en cohérence avec l'action de l'Etat. Le nouveau libellé est « Apprécié à partir des résultats des médaillés dans les disciplines de haut niveau ».

D. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un budget sérieux et focalisé sur les priorités de l'Etat

Les crédits demandés au titre du présent programme en 2014 illustrent une budgétisation à la fois sérieuse et réaliste :

- sérieuse dans la maîtrise de la trajectoire des finances publiques , une stabilité en euros courants étant enregistrée par rapport à 2013 ;

- et réaliste dans la programmation des dépenses imposées , en particulier les investissements à l'INSEP, la prévision d'un montant de 2,4 millions d'euros afin de financer la première tranche du plan de titularisation des personnels contractuels pour les opérateurs (loi Sauvadet), ou encore la dotation de 6,1 millions d'euros pour assurer le remboursement à l'ACOSS de la prise en charge par l'Etat des cotisations de retraite des sportifs de haut niveau, dans les conditions fixées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Le ministère devrait donc se trouver à l'abri des « mauvaises surprises » l'année prochaine.

2. CNDS : un redressement à appuyer

Votre rapporteur spécial a déjà salué l'année dernière la démarche entreprise par le conseil d'administration du CNDS, sous l'égide de la ministre Valérie Fourneyron, afin de purger la crise financière qui le menaçait du fait des engagements non financés lancés sous l'impulsion du précédent gouvernement 5 ( * ) .

Selon les éléments que le ministère a transmis à votre rapporteur spécial, la trajectoire financière pluriannuelle 2013-2016 de référence pour le CNDS retient les axes suivants :

- une réduction de 15 % en trois ans des frais de structure et un maintien à 19,5 millions d'euros du fonds de concours versé à l'Etat ;

- une réduction de 7 % en 2013 (- 9,3 millions d'euros) puis une stabilisation de la part territoriale (subventions de fonctionnement aux associations via les commissions territoriales) ;

- une réduction de 30 % à l'horizon 2016 et de 11 % dès 2013 de la part nationale consacrée au financement aux comités nationaux olympique et paralympique français (CNOSF et CPSF) et au soutien à l'organisation de grands événements sportifs, l'enveloppe pour les emplois sportifs qualifiés étant toutefois intégralement maintenue ;

- pour les crédits consacrés aux équipements :

• la suppression de l'enveloppe des crédits régionalisés (15 millions d'euros) dès 2013 ;

• la trajectoire d'engagement pour l'enveloppe générale équipements est stabilisée, avec des prévisions d'engagements passant de 50 millions d'euros en 2013, à 55 millions en 2016 (à comparer aux 76 millions engagés en 2011) ;

• la limitation à 7 millions par an des engagements sur l'enveloppe des politiques contractuelles à compter de 2014 ;

• et un montant global de 160 millions pour les stades de l'Euro 2016 compte tenu des engagements pris par la France dans le dossier de candidature.

Cette trajectoire budgétaire retenue permet d'assurer une trésorerie positive pour les exercices 2013 à 2016 . Pour mémoire, les simulations effectuées en novembre 2012 avec les hypothèses de maintien jusqu'en 2016 des dotations initiales de dépenses 2012 faisaient apparaître un manque de trésorerie de 160 millions d'euros à fin 2016.

Cette démarche est vigoureuse, elle a bien sûr des conséquences sur les territoires mais elle était indispensable.

Votre rapporteur spécial soutient donc l'effort du Gouvernement, tout en considérant que ce contexte ne fait que renforcer la nécessité d'attribuer au CNDS la totalité des sommes qu'il sera amené à décaisser pour les travaux liés à l'organisation de l'Euro 2016 de football, action assez éloignée de son « coeur de métier » ( cf. commentaire de l'article additionnel proposé ci-après).

3. Stade de France : une évolution très positive à conforter sur le long terme

Votre rapporteur spécial se félicite une nouvelle fois du fait que l'action résolue de Valérie Fourneyron ait permis de sortir, au moins pour quatre ans, du système pervers qui conduisait l'Etat à assumer l'ensemble des risques relatifs à la concession du Stade de France , au travers du versement au consortium qui gère le stade d'une pénalité pour absence de club résident ou pour reconduction dans des conditions moins favorables des conventions liant le gestionnaire aux fédérations de football et de rugby.

En effet, l'Etat et le consortium ont conclu un accord en ce sens en septembre 2013, comme détaillé dans le rapport d'information que votre rapporteur spécial et notre collègue Dominique Bailly ont consacré au financement public des grandes infrastructures sportives 6 ( * ) .

Ce résultat valide la stratégie retenue l'année dernière consistant à ne pas inscrire de crédits au titre de la pénalité au sein du présent programme. L'économie pour l'Etat est très substantielle, le montant annuel de la pénalité devant tendre vers 15 à 16 millions d'euros .

Pour l'avenir, il s'agira d'assurer à long terme le modèle économique du stade. A cet égard, il est clair que l'Etat devra oeuvrer à la conclusion d'un accord de long terme entre le consortium et la Fédération française de rugby qui satisferait les deux parties . Cette solution serait nettement préférable à la construction d'un nouveau stade de plus de 80 000 places sans club résident en région parisienne.

4. La programmation des primes olympiques : une démarche de responsabilité

Enfin, votre rapporteur spécial salue le provisionnement d'un million d'euros au titre des primes aux futurs médaillés des Jeux olympiques de Sotchi.

Ce montant apparaît prudent (du point des finances publiques) et ambitieux (quant aux résultats) au vu des résultats enregistrés par la France aux Jeux de Vancouver en 2010. La France avait alors récolté au total 15 médailles, ce qui constitue un nombre satisfaisant pour les Jeux olympiques (11 médailles, individuelles ou par équipes) et en demi-teinte pour les Jeux paralympiques (4 médailles). Le montant des primes s'était alors élevé à 0,5 million d'euros en AE et en CP , correspondant à :

- 14 médaillés aux Jeux olympiques (0,3 million d'euros de primes versées) ;

- 7 médaillés aux Jeux paralympiques (0,2 million d'euros de primes versées).

Cette attitude tranche avec celle de la précédente majorité, qui n'avait programmé aucun crédit au titre des Jeux olympiques et paralympiques d'été de Londres en 2012. L'exécution du programme en a alors été fortement compliqué, cette dépense, prévisible, s'étant finalement élevée à 4,8 millions d'euros.

Les principales observations de votre rapporteur spécial
sur le programme « Sport »

- Les crédits demandés au titre du programme « Sport » en 2014 s'inscrivent pleinement dans la stratégie de maîtrise de la trajectoire des finances publiques , une stabilité en euros courants étant enregistrée par rapport à 2013, tout en étant réalistes dans la programmation des dépenses imposées .

- Ce réalisme se traduit, en particulier, par le provisionnement d'une somme d'un million d'euros au titre des primes à verser aux futurs médaillés olympiques et paralympiques des Jeux d'hiver de Sotchi.

- L'important effort de redressement des comptes du CNDS engagé par le Gouvernement fin 2012 doit être pleinement soutenu .

- Ce contexte ne fait que renforcer la nécessité d'attribuer au CNDS la totalité des sommes qu'il sera amené à décaisser pour les travaux liés à l'organisation de l'Euro 2016 de football, action assez éloignée de son « coeur de métier ».


* 4 Dont la livraison dès 2014 de la piscine remplaçant celle incendiée le 11 novembre 2008, les réaménagements de la zone sud-ouest (terrains de lancers longs et terrains de grands jeux) et la réhabilitation du complexe sportif Letessier.

* 5 Rapport général n° 148 (2012-2013), Tome III, annexe 30.

* 6 Rapport d'information Sénat n° 86 (2013-2014).