M. Jean-François HUSSON, Rapporteur spécial

III. DES RESSOURCES EXTRA-BUDGÉTAIRES SUR LESQUELLES LE PARLEMENT NE DISPOSE SOUVENT QUE D'UNE INFORMATION LIMITÉE, VOIRE INEXISTANTE

Entendu par la commission des finances du Sénat le mercredi 30 septembre 2015, le secrétaire d'État au budget a souligné qu'il convenait de ne pas réduire l'action du Gouvernement en faveur de l'environnement aux seuls crédits budgétaires : « « Pourquoi mesurer l'action du Gouvernement sur l'environnement uniquement à l'aune du budget du ministère ? N'oubliez pas le fonds de financement de la transition énergétique doté d'un milliard et demi d'euros, le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), qui aura coûté 900 millions d'euros au lieu des 800 millions d'euros attendus. L'an prochain, il devrait s'élever à 1,4 milliard d'euros. (...) La contribution au service public de l'électricité (CSPE) passera de 7 milliards d'euros en 2015 à 8,2 milliards d'euros en 2016 » 12 ( * ) .

Il est vrai que la transition écologique et énergétique bénéficie d'un certain nombre de ressources extrabudgétaires, d'un montant très significatif, à commencer par les dépenses fiscales.

Pour autant, le Parlement ne dispose que d'une information restreinte, voire inexistante, sur l'évolution et l'efficacité de certains de ces moyens .

A. LES DÉPENSES FISCALES

Le montant des dépenses fiscales sur impôts d'État ou sur impôts locaux prises en charge par l'État rattachées à la mission « Écologie, développement et mobilité durables » hors transports est estimé à 4,5 milliards d'euros en 2016 13 ( * ) .

Dépenses fiscales de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » hors transports

(en millions d'euros)

Dépenses fiscales sur impôts d'État ou sur impôts locaux prises en charge par l'État contribuant de manière principale ou subsidiaire aux programmes de la mission « EDMD » hors transports

Chiffrage initial 2015

Chiffrage révisé 2015

Chiffrage 2016

Exonération de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) en faveur des successions et donations pour les propriétés non bâties situés dans les sites Natura 2000, les réserves naturels et autres sites remarquables

2

5

5

Réduction d'impôt sur le revenu (IR) sur les dépenses réalisées sur certains espaces naturels pour le maintien et la protection du patrimoine naturel

0,5

1

1

Exonération en faveur des parcelles Natura 2000

1

1

1

Crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) - 620 en 2014

890

900

1 400

Taux réduit de taxe intérieure de consommation (TIC) sur les produits énergétiques, le gaz naturel et les charbons au profit des installations intensives en énergie et exerçant une activité considérée comme exposée à un risque important de fuite carbone

-

120

235

Taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, le gaz naturel et les charbons au profit des installations intensives en énergie et soumises au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre de la directive 2003/87/CE

nc 14 ( * )

82

132

Réduction de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel à l'état gazeux destiné à être utilisé comme carburant repris à l'indice 36 du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes

44

126

127

Taux réduit de TIC pour les butanes et propanes utilisés comme carburant sous condition d'emploi

110

105

104

Taux réduit de TIC sur le gaz de pétrole liquéfié (GPL)

104

77

65

Taux de 5,5 % pour la fourniture par réseaux d'énergie renouvelable

40

50

50

Exonération de TIC sur le charbon pour les entreprises de valorisation de la biomasse dont les achats de combustibles et d'électricité utilisés pour cette valorisation représentent au moins 3 % de leur chiffre d'affaires

3

7

11

Exonération des produits de la vente d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil

2

2

2

Exonération de TICPE pour l'électricité produite à bord des bateaux

nc

nc

nc

Exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) utilisés pour les besoins de l'extraction et de la production du gaz naturel

nc

nc

nc

Exonération des sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie et des sociétés agréées pour le financement des télécommunications

nc

nc

nc

Dégrèvement égal au quart des dépenses à raison des travaux d'économie d'énergie, sur la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les organismes HLM et les sociétés d'économie mixte (SEM)

150

100

150

Taux de 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur sont indissociablement liés

1 770

1 120

1 120

Dépenses engagées à raison de travaux dans le cadre de la prévention des risques technologiques

1

1

1

Déduction de dépenses de réparation et d'amélioration

900

960

960

Exonération des intérêts des livrets de développement durable

200

195

150

Total

4 217,5

3 852,0

4 514,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets annuels de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » annexés aux projets de lois de finances pour 2015 et 2016

À la lecture du tableau, on constate que certaines de ces dépenses fiscales ne répondent pas à une logique favorable à l'environnement . En outre, on relève l'écart très sensible existant entre la prévision initiale du coût des dépenses fiscales de la mission pour 2015, à hauteur de 4 217,5 millions d'euros, et le montant actualisé , à hauteur de 3 852 millions d'euros. Entre la prévision et l'exécution, le coût des dépenses fiscales diminue ainsi de 8,7 % (- 365,5 millions d'euros).

Or, le projet annuel de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » annexé au projet de loi de finances pour 2016 ne fournit aucune explication sur l'évolution du montant des dépenses fiscales par rapport à la prévision .

Part du CITE et du taux de TVA à 5,5 % en faveur des travaux de rénovation énergétique dans le coût total des dépenses fiscales de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » hors transports

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » annexé au projet de loi de finances pour 2016

De la même manière, on observe une hausse de 17 % du coût des dépenses fiscales entre 2015 et la prévision pour 2016 (+ 662 millions d'euros). Celle-ci tient principalement à l'explosion du coût du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), qui a remplacé le crédit d'impôt développement durable (CIDD) en 2015 (+ 56 %).

Alors que le coût du CIDD avait été contenu depuis 2013, repassant sous le milliard d'euros (673 millions d'euros en 2013), les dernières réformes opérées sur ce dispositif ont induit une nouvelle progression forte de ces dépenses .

Cette situation appellerait au minimum des éléments d'information relatifs à l'efficacité de ce crédit d'impôt , d'autant plus que l'article 40 du projet de loi de finances pour 2016 prévoit sa prorogation pour une durée d'un an 15 ( * ) .

Votre rapporteur spécial relève à cet égard qu'une étude de l'UFC-Que Choisir présentée le 28 octobre 2015 dresse un réquisitoire sévère contre ce dispositif dont elle pointe l'inefficacité 16 ( * ) .

De façon plus générale, aucune explication n'est fournie, ni sur la prévision, ni sur l'efficacité des dépenses fiscales rattachées à la mission.

Enfin, trois dépenses fiscales ne font l'objet d'aucune information sur leur chiffrage.

Au vu de ces différentes carences, votre rapporteur spécial invite le Gouvernement à enrichir les documents budgétaires d'une information relative à l'estimation du coût des dépenses fiscales et à l'évaluation de leur efficacité.

C'est aussi pour répondre à cette problématique que votre commission des finances a sollicité la réalisation d'une enquête de la Cour des comptes au titre de l'article 58-2 ° de la LOLF relative à l'efficience des dépenses fiscales en faveur du développement durable .

B. L'ENVELOPPE SPÉCIALE AU SEIN DU FONDS DE FINANCEMENT DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE (FFTE)

D'après les engagements pris par le Président de la République le 27 novembre 2014 au cours de la troisième conférence environnementale, le fonds de financement de la transition énergétique (FFTE) sera doté de 1,5 milliard d'euros sur trois ans, entre 2015 et 2017 . Il a pour vocation de financer les différents domaines de la transition énergétique (déchets, économie circulaire, rénovation énergie-habitat, développement des énergies renouvelables...).

Au sein de ce fonds, a été créée une enveloppe spéciale « transition énergétique » 17 ( * ) , gérée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et dotée de 250 millions d'euros en 2015, 2016 et 2017, soit 750 millions d'euros de moyens d'intervention sur trois ans .

Les modalités de cette enveloppe sont régies par une convention signée par les ministres de l'écologie, des finances et de l'économie et la CDC.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur spécial par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE), les interventions financées par l'enveloppe spéciale concernent notamment :

- la transition énergétique portée par les territoires (soutien aux lauréats de l'appel à projets « Territoires à Énergie Positive pour la Croissance Verte ») ;

- la rénovation énergétique des logements privés au travers d'un complément exceptionnel en faveur de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ;

- la bonification des aides de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) au titre du fonds chaleur ainsi que pour le renouvellement des chauffages au bois 18 ( * ) ;

- l'économie circulaire (soutien aux lauréats de l'appel à projet « territoires Zéro Déchets Zéro Gaspillage » et de l'appel à projet pour le développement de 1 500 méthaniseurs, en complément d'aides de l'ADEME).

Il est regrettable que le projet annuel de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » annexé au projet de loi de finances pour 2016 ne contienne aucun développement relatifs aux projets financés par cette enveloppe, ce qui permettrait au Parlement d'assurer un suivi des actions menées et de disposer d'une vision globale des financements dédiés à la transition énergétique et écologique .

De surcroît, comme votre rapporteur spécial l'avait déjà souligné dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, « des incertitudes demeurent sur l'articulation des rôles respectifs de l'État et de la CDC, ainsi que sur le circuit de financement des fonds » 19 ( * ) , caractérisé par une certaine opacité .

En effet, l'abondement des fonds « n'apparaîtrait pas comme des dépenses de l'État puisqu'il serait financé par le biais d'un moindre versement de dividendes de la CDC à celui-ci. Ce procédé peut poser question du point de vue de la transparence budgétaire, du respect de la norme de dépense et du principe d'universalité budgétaire qui prohibe, sauf procédures particulières, la contraction des recettes et des dépenses » 20 ( * ) .

C. LES AUTRES MOYENS EXTRA-BUDGÉTAIRES

De façon plus large, la transition écologique et énergétique bénéficie de plusieurs autres types de moyens extrabudgétaires : les programmes d'investissements d'avenir, les certificats d'économies d'énergie (CEE), et la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

1. Les programmes d'investissement d'avenir (PIA)

D'après le secrétaire général du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, 11,4 milliards d'euros sont dédiés au financement de la transition écologique et énergétique au titre des programmes d'investissement d'avenir (PIA 1 et PIA 2).

Sur ce point, il convient de relever l'existence d'un « jaune » qui présente la mise en oeuvre et le suivi des investissements d'avenir par le commissariat général à l'investissement et les différents opérateurs concernés 21 ( * ) . L'information du Parlement en ce domaine peut donc être considérée comme suffisante .

L'ADEME constitue l'opérateur principal de la mise en oeuvre des crédits d'investissement d'avenir entrant dans le domaine de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Pour mémoire, l'opérateur gère à ce titre 2 130 millions d'euros , répartis entre plusieurs programmes :

- le programme « véhicules du futur » pour un montant de 920 millions d'euros ;

- le programme « démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte », constitué de deux actions : l'action « démonstrateurs énergies renouvelables et chimie verte » (971 millions d'euros), et l'action « tri et valorisation des déchets, dépollution écoconception de produits » (144 millions d'euros) ;

- une partie du programme « développement de l'économie numérique » pour le volet « réseaux électriques intelligents » de l'action « soutien aux usages, services et contenus numériques innovants » (149 millions d'euros).

Répartition des crédits du PIA 1 gérés par l'ADEME entre actions

(en millions d'euros)

Actions

Budget initial

Banque de l'industrie

Abondement fonds PME

Redéploiements 2013-2014

Budget actuel

Véhicules du futur

1 000

-50

-30

0

920

Énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte

1 350

-75

-88

-270

917

Économie circulaire

250

-40

-16

-50

144

Réseaux électriques intelligents

250

-35

-16

-50

149

Total

2 850

-200

-150

-370

2 130

Source : réponse du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Au titre du programme d'investissements d'avenir décidé en 2014, dit PIA 2, la loi de finances initiale pour 2014 22 ( * ) a ouvert 1,1 milliard d'euros supplémentaires au sein du programme 403 « Innovation pour la transition écologique et énergétique ».

Toutefois, par décision du Premier ministre du 29 octobre 2014, 100 millions d'euros ont été redéployés, ramenant le montant de l'enveloppe à 1 milliard d'euros. En outre, deux nouvelles conventions signées entre l'État et l'ADEME se sont substituées aux quatre conventions initiales du PIA 1 , et ont regroupé l'ensemble des actions des deux PIA.

Répartition des crédits du PIA 2 gérés par l'ADEME entre actions

(en millions d'euros)

Actions

Budget initial

Redéploiements 2015

Budget actuel

Transports de demain

300

-100

200

Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique

800

800

Total

1 100

-100

1 000

Source : réponse du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Le tableau ci-après, qui récapitule l'application des conventions conclues avec les opérateurs chargés de la gestion des investissements d'avenir dans le périmètre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », présente la mise en place des fonds nécessaires à l'engagement des actions.

2. Les certificats d'économies d'énergie (CEE)

Le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) est présenté dans l'encadré ci-après. Le projet annuel de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ne contient pas d'information spécifique à leur sujet.

Les certificats d'économies d'énergie (CEE)

La France a mis en place un dispositif de certificats d'économies d'énergie (CEE) depuis 2006. Ce dispositif repose sur une obligation de réalisation d'économies d'énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d'énergie (électricité, gaz, chaleur, froid, fioul domestique et carburants automobiles depuis 2011). Un objectif triennal est défini, puis réparti entre les opérateurs en fonction de leurs volumes de ventes. Cet objectif est exprimé en TWh « cumac » = cumulés actualisés : les économies d'énergie sont cumulées sur l'ensemble de la durée de vie de l'opération. Les vendeurs d'énergie ne remplissant pas leurs obligations dans le délai imparti doivent payer une pénalité financière de 0,02 € / kWh cumac . Les CEE sont attribués, sous certaines conditions, aux acteurs réalisant des actions d'économies d'énergie, et peuvent être achetés ou vendus de gré à gré .

Le dispositif des CEE est cumulable avec le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) et les aides de l'Anah. En revanche, il n'est pas cumulable avec les aides du fonds chaleur et les opérations ne pouvant être réalisées dans le périmètre des installations soumises à des quotas d'émissions (ETS). Les CEE sont attribués en fonction des économies d'énergie engendrées par les opérations réalisées, couvrant ainsi l'ensemble des secteurs . Cette logique de résultat doit notamment permettre d'assurer un ciblage prioritairement vers les actions les plus rentables, et atténuer en partie l'insuffisance du ciblage du dispositif constatée par l'Inspection générale des finances dans son rapport de juillet 2014.

Les objectifs pour les deux premières périodes (54 TWh cumac pour la période du 1 er juillet 2006 au 30 juin 2009 et 460 TWh cumac pour la période 2011-2014, soit un total de 514 TWh cumac) ont été largement dépassés : au 1 er janvier 2015, des économies d'énergie avaient été certifiées pour un volume de 612 TWh cumac. Les opérations correspondantes ont relevé principalement du secteur des bâtiments résidentiels (74 %), du secteur tertiaire (14 %) et du secteur industriel (8 %). L'inclusion en 2011 des vendeurs de carburant, en tant qu'obligés, a contribué à la croissance des certificats délivrés dans le secteur des transports, dont la proportion a doublé par rapport à la première période.

Les opérations réalisées sur ces deux périodes vont permettre d'économiser sur leur durée de vie (qui est en moyenne de 14 années) environ 4 mois de consommation française d'énergie , soit d'économiser, pendant 14 années, la consommation d'énergie d'une ville d'environ 1,5 million d'habitants.

Pour la seule période 2011-2014, ces économies représentent aussi :

- plus de 25 milliards d'euros d'investissements dans les travaux d'économies d'énergie ;

- plus de 2 milliards d'euros d'économisés annuellement par les consommateurs .

Les opérations réalisées ont notamment permis l'installation de :

- 1 million de chaudières individuelles et le remplacement de chaudières collectives pour 400 000 appartements ;

- 480 000 appareils de chauffage au bois ;

- 116 000 pompes à chaleur ;

- 260 000 m² de capteurs de chauffe-eau solaire dans les départements d'outre-mer (environ 50 000 logements) ;

- 45 millions de m² d'isolants dans le secteur résidentiel (environ 300 000 logements dont les combles ou la toiture ont été isolées, et 125 000 dont les murs ont été isolés) ;

- plus de 3 millions de fenêtres à vitrage isolant ;

- 25 millions de lampes de classe A.

Suite à la concertation menée auprès de l'ensemble des parties prenantes et au rapport d'évaluation de la Cour des Comptes publié le 16 octobre 2013, le Gouvernement a décidé la mise en oeuvre d'une troisième période d'obligations d'économies d'énergie du 1 er janvier 2015 au 31 décembre 2017 avec un objectif de 700 TWh cumac, soit un doublement de l'ambition de deuxième période. Cet objectif est réparti équitablement entre les vendeurs d'énergie sur la base du prix toutes taxes comprises des énergies (à hauteur de 75 %) et des volumes de ventes en kWh (à hauteur de 25 %). Les CEE contribueront ainsi significativement à l'objectif, fixé par l'article 7 de la directive européenne du 25 octobre 2012 relative à l'efficacité énergétique, de réaliser chaque année des économies d'énergie équivalentes à 1,5 % des volumes d'énergie vendus sur la période 2010-2012. Les règles de délivrance des certificats ont ainsi été harmonisées avec le cadre européen .

La loi pour la transition énergétique et la croissance verte prévoit quelques évolutions, qui permettent notamment :

- l'extension de l'éligibilité aux Sociétés publiques locales (SPL), qui proposent du tiers-financement, aux associations de collectivités locales (uniquement pour les programmes) et aux bailleurs sociaux ;

- la valorisation des programmes d'accompagnement portant sur la logistique et la mobilité économes en énergies fossiles , l'optimisation logistique dans le transport de marchandises de la part des chargeurs. Le fonds de garantie pour la rénovation énergétique est également identifié comme un programme éligible ;

- l'adaptation du régime de sanctions au système déclaratif mis en place dans le cadre de la troisième période.

Ce texte prévoit également la mise en place d'une obligation spécifique à réaliser auprès de ménages en situation de précarité énergétique . Les modalités et le calendrier de mise en oeuvre devraient être définis dans les prochains mois. Cette nouvelle obligation viendra s'ajouter au niveau d'obligation précédemment défini, pour une action renforcée en vue de réduire la demande énergétique des ménages, et en particulier des plus précaires .

Le texte de loi prévoit enfin une quatrième période d'obligations sur la période 2018-2020 . Au-delà des évolutions prévues dans la loi, le retour d'expérience lié à la mise en place de la troisième période pourra permettre d'envisager de nouvelles améliorations du dispositif, pour amplifier les économies d'énergies réalisées.

Source : réponse du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

3. La contribution au service public de l'électricité (CSPE)

La contribution au service public de l'électricité (CSPE) a pour objet de compenser les surcoûts que supportent les opérateurs en raison de leurs missions de service public .

Le tableau ci-après présente les différents types de charges qu'elle couvre.

Répartition des charges financées par la CSPE 23 ( * )

(en millions d'euros)

Charges

2010

Constaté en 2011

2011

Constaté en 2012

2012

Constaté en 2013

2013

Constaté en 2014

2014

Prévu en 2013

2015

Prévu en 2014

Péréquation tarifaire avec les zones non interconnectées

969,8

1 198,3

1 296,7

1 422,1

1 651,0

1 484,3

Contrat d'achat : cogénération

823,1

801,7

743,8

546,9

412,1

460,1

Contrats d'achat : énergies renouvelables

754,6

1 464,0

2 673,4

3 156,1

3 722,4

4 041,4

Autres contrats d'achat en métropole

44,6

36,8

22,3

7,2

4,9

4,9

Dispositions sociales

66,3

61,7

68,4

133,4

350,3

350,2

Total

2 661,6

2 653,8

3 569,2

5 265,7

6 185,7

6 340,9

Source : réponse du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

À la lecture du tableau, on constate l'explosion du coût de la CSPE , qui pèse sur la facture des consommateurs d'électricité. En outre, cette tendance devrait s'accentuer en 2016. Ainsi, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) estime à 7 milliards d'euros le montant des charges prévisionnelles de service public de l'électricité au titre de l'année 2016.

Évolution de la contribution unitaire appliquée entre 2009 et 2015

(en euros/MWh)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Contribution unitaire appliquée

4,5

4,5

7,5 à partir du 1 er janvier, puis 9 à compter du 1 er juillet

9 puis 10,5 au 1 er juillet 2012

13,5

16,5

19,5

Source : réponse du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Comme l'a déjà souligné votre rapporteur spécial dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte 24 ( * ) , le régime actuel de la CSPE pose deux problèmes majeurs :

- d'une part, d'un point de vue démocratique , il est difficilement acceptable que la détermination du taux d'une imposition dont le produit a déjà dépassé, en 2014, celui de l'impôt de solidarité sur la fortune, échappe totalement au contrôle et au suivi du Parlement ;

- d'autre part, du point de vue juridique , sa compatibilité avec le droit communautaire est discutable . En effet, la CSPE est devenue un véritable fourre-tout, où coexistent, en dehors du budget (et donc, bien souvent, en-dehors du contrôle et de l'arbitrage du Parlement), des dépenses de tous types : les surcoûts des énergies renouvelables, mais aussi d'autres filières (cogénération, voire centrales à gaz construites à l'issue d'appels d'offres...), la prime d'effacement, des aides sociales (tarifs de première nécessité), de l'aménagement du territoire (zones non interconnectées), et même du financement d'administration (médiateur de l'énergie) ;

On a donc fini par créer un véritable « para-budget » de l'énergie, de plusieurs milliards d'euros , sous le seul regard d'un régulateur (la CRE) n'ayant aucun pouvoir budgétaire. Cette situation n'est pas saine et il convient d'en sortir .

Cela s'impose d'autant plus que ces financements multiples semblent contrevenir au droit communautaire , puisque la directive de 2008 sur les accises n'autorise les autres taxes sur l'électricité que si elles poursuivent des « fins spécifiques ». Or plus on finance de choses, plus on poursuit une finalité budgétaire, c'est-à-dire non spécifique. Il importe donc de se prémunir au plus vite d'un tel risque, en réformant la CSPE.

C'est la raison pour laquelle la commission des finances du Sénat a proposé, dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, une refondation de cette imposition, adoptée en première lecture par le Sénat, puis supprimée en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement a annoncé une réforme de la CSPE dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année. Il sera temps de réaffirmer ces principes et de rappeler ces enjeux dans le cadre du débat attendu ( cf. infra ).


* 12 Compte-rendu de l'audition de Michel Sapin et Christian Eckert sur le projet de loi de finances pour 2016 devant la commission des finances du Sénat le mercredi 30 septembre 2015.

* 13 Le tableau ci-après ne mentionne pas les dépenses fiscales dont le montant est inférieur à 0,5 million d'euros.

* 14 13 millions d'euros en 2014.

* 15 Pour mémoire, l'article 23 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 dispose que « pour toute mesure, entrée en vigueur pour une durée limitée à partir du 1 er janvier 2015, de création ou d'extension d'une dépense fiscale (...) le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard six mois avant l'expiration du délai pour lequel la mesure a été adoptée, une évaluation de celle-ci et, le cas échéant, justifie son maintien pour une durée supplémentaire de trois années. Cette évaluation présente notamment les principales caractéristiques des bénéficiaires de la mesure et apporte des précisions sur son efficacité, sa contributions aux indicateurs de qualité de vie et de développement durable (...), son impact sur l'emploi, l'investissement et la transition écologique et énergétique et son coût ».

* 16 « Rénovation énergétique des logements : le crédit d'impôt, une mesure à grand frais qui manque sa cible environnementale », étude de l'UFC-Que Choisir, octobre 2015.

* 17 Article 20 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).

* 18 La ministre a annoncé le doublement du fonds chaleur de l'ADEME d'ici 2017, et les financements supplémentaires proviendraient du FFTE.

* 19 Avis n° 491 (2014-2015) fait au nom de la commission des finances en vue de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte en nouvelle lecture.

* 20 Avis n° 491 (2014-2015) fait au nom de la commission des finances en vue de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte en nouvelle lecture.

* 21 Rapport relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir annexé au projet de loi de finances pour 2016.

* 22 Loi n° 2014-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 23 Le MEDDE indique que les montants de charges pour 2014 et 2015 sont des estimations qui pourront être différentes des montants définitivement arrêtés, dans la mesure où les charges liées à la CSPE dépendent de facteurs peu prévisibles : prix de l'électricité sur le marché journalier, coût des matières premières...

* 24 Avis n° 236, n° 2014-2015 de la commission des finances du Sénat, examen du projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte en première lecture.