M. Maurice VINCENT, rapporteur spécial

II. UN EXERCICE 2016 MARQUÉ PAR UN BESOIN DE FINANCEMENT IMPORTANT

A. DES DÉPENSES CERTAINES POUR ENVIRON 626 MILLIONS D'EUROS

D'après le projet annuel de performances, environ 626 millions d'euros seront dépensés à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » en 2016 ( cf. tableau ci-dessous).

Les dépenses certaines du compte d'affectation spéciale
« Participations financières de l'État » en 2016

(en millions d'euros)

Agence française de développement

280,0

Banques multilatérales de développement

15,0

Rachat de titres Areva au CEA

321,0

Fonds publics de capital risque

10,0

TOTAL

626,0

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016

Il s'agit en réalité de dépenses contraintes pour l'État.

L'apport de 280 millions d'euros de fonds propres à l'Agence française de développement est nécessaire du fait de l'entrée en vigueur des règles européennes dites « CRD 4/CRR » sur la capitalisation des établissements bancaires. Le projet annuel de performances indique que « l'État souscrira à 840 millions d'euros de titres de fonds propres additionnels [...] à émettre en trois tranches annuelles en 2015, 2016 et 2017 ».

Le rachat de titres Areva au Commissariat de l'énergie atomique (CEA) est la traduction d'un accord conclu entre l'État et le CEA, afin que ce dernier puisse financer une partie du démantèlement de ses installations nucléaires. En 2014, l'État a déjà réalisé une opération similaire, dite de « reclassement de titres », qui permet à la sphère publique de conserver le même taux de participation au sein d'Areva. La loi de finances pour 2015 prévoit également un tel rachat pour un montant de 387 millions d'euros, qui n'a pas encore été réalisé.

La recapitalisation de différentes banques multilatérales de développement résultent des engagements pris par la France devant le G 20. L'échéance 2016, comme celle de 2017, s'élèvera à 15 millions d'euros, alors qu'elle était de 56 millions d'euros en 2015. À partir de 2018 et jusqu'en 2025, l'échéance annuelle sera de 0,5 million d'euros.

Enfin, la dépense programmée à hauteur de 10 millions d'euros, elle aussi renouvelée chaque année, résulte de versements à des fonds de capital-risque auxquels l'État a souscrits, notamment le Fonds de co-investissement pour les jeunes entreprises (FCJE) et le Fonds de promotion pour le capital-risque 2000 (FCPR 2000).

Le Gouvernement a également inscrit 100 millions d'euros de dépenses au titre de la rémunération des services associés à la gestion des participations (banques d'affaires, avocats, etc.). Ce montant correspond, forfaitairement, à 2 % de 5 milliards d'euros, soit le montant total des cessions envisagées.

Faute de connaître à ce jour le montant réel des cessions, la somme de 100 millions d'euros est bien évidemment inscrite de manière conventionnelle. À titre de comparaison, en 2014, seulement 1,2 million d'euros ont été dépensés sur cette ligne.

B. LA PERSPECTIVE D'UNE AUGMENTATION DE CAPITAL D'AREVA

Comme évoqué plus haut, l'État devrait recapitaliser Areva pour un montant qui devrait être compris entre 2,5 milliards d'euros et 3,5 milliards d'euros.

Le montant exact ne pourra être connu que lorsque les conditions de la cession d'Areva NP auront été arrêtées, s'agissant notamment de l'entrée au capital d'investisseurs étrangers.

C. UNE INCONNUE PERSISTANTE : L'INVESTISSEMENT DANS ALSTOM

Le projet de cession des activités Énergie d'Alstom à General Electric a été autorisé le 5 novembre 2014 par le ministre chargé de l'économie au titre du décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 et a été approuvé par l'assemblée générale extraordinaire d'Alstom le 19 décembre 2014.

En outre, les autorités de la concurrence européenne et américaine ont autorisé, sous conditions, l'opération le 8 septembre 2015. Dans ce contexte, la transaction devrait pouvoir être réalisée dans le courant du mois d'octobre 2015.

Aucun recours n'aurait à ce jour été introduit devant une juridiction pour contester l'opération.

Interrogée par votre rapporteur spécial sur la part du capital d'Alstom que l'État acquérir, l'Agence des participations de l'État indique que « dans le cadre de l'opération de cession des activités Énergie d'Alstom à GE, l'État a conclu un accord le 22 juin 2014 avec Bouygues qui prévoit un prêt de titres permettant à l'État d'exercer 20% des droits de vote pendant près de deux ans, et offrant à l'État un accès au conseil d'administration, ce qui lui permettra de peser sur les choix stratégiques d'Alstom et d'accompagner le recentrage de l'entreprise autour de l'activité Transport. En outre, l'État bénéficiera d'un accès privilégié à un bloc de titres représentant 20 % du capital d'Alstom, via des promesses de vente octroyées par Bouygues. Cet accord entrera en vigueur une fois l'opération avec GE finalisée et l'offre publique de rachat d'actions (OPRA) consécutive à la cession approuvée par l'assemblée générale d'Alstom, ce qui devrait être le cas dans le cours du dernier trimestre 2015.

« Par ailleurs, cet accord facilite une entrée au capital d'Alstom par l'État, compte tenu des difficultés que représenterait l'acquisition d'un tel bloc sur le marché, tandis que sa structuration, articulée autour d'options d'achat ouvertes sur une longue période, lui offre une grande flexibilité pour la mise en oeuvre de cette opération.

« Dans ce contexte, il n'est cependant pas possible d'être plus précis sur la stratégie qui sera adoptée compte tenu du caractère confidentiel de ces informations et de leur incidence potentielle sur le marché. »

Comme l'an dernier, le Gouvernement n'a pas confirmé à votre rapporteur spécial s'il comptait effectivement faire jouer la clause de l'accord lui permettant d'acquérir une partie du capital d'Alstom. En tout état de cause, les conditions de marché seront un facteur déterminant dans la décision de l'État .

La levée totale de l'option d'achat des titres prêtés par Bouygues au cours plancher 11 ( * ) prévu par l'accord de prêt représenterait un investissement de 2,18 milliards d'euros. Au regard de la capitalisation actuelle qui s'élève à environ 8,8 milliards d'euros, 20 % du capital d'Alstom valent environ 1,8 milliard d'euros.

D. UNE RECETTE ANNONCÉE : LA CESSION DES PARTICIPATIONS MAJORITAIRES DÉTENUES PAR L'ÉTAT AU CAPITAL DES SOCIÉTÉS DE GESTION DES AÉROPORTS DE NICE ET DE LYON

La cession des participations majoritaires détenues par l'État au capital des sociétés de gestion des aéroports de Nice et de Lyon a été autorisée par l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Au regard des intérêts publics en jeu, locaux comme nationaux, cette cession est accompagnée d'un certain nombre de garanties :

- ces aéroports demeureront gérés dans le cadre de concession accordées par l'État ;

- seul le capital des sociétés concessionnaires, chargées de l'exploitation de ces aéroports, sera ouvert ;

- les infrastructures aéroportuaires ainsi que le foncier demeureront la propriété de l'État concédant ;

- l'État conservera des pouvoirs étendus pour contrôler l'activité des sociétés (en matière d'investissements, de qualité de service, d'environnement, d'horaires d'ouverture,...) et s'assurer de la bonne prise en compte des objectifs d'intérêt général et du respect des missions de service public.

- dans le cadre de ses prérogatives de régulateur, l'État devra approuver chaque année les tarifs des redevances des aéroports concernés.

Sur le plan de la procédure, l'APE indique, en réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial, que « chacune de ces deux cessions fera l'objet d'une procédure d'appel d'offres sur cahier des charges, placée sous le contrôle de la Commission des Participations et Transferts, qui est l'autorité indépendante chargée de superviser les opérations de cession menées par l'État. Cette procédure ouverte, transparente et non-discriminatoire, permettra d'assurer à l'État la meilleure valorisation de son patrimoine, tout en permettant d'intégrer des critères industriels et sociaux répondant aux intérêts des autres actionnaires publics locaux (CCI, collectivités territoriales). Une telle procédure répond en outre aux contraintes juridiques au regard du droit national et européen.

« Le cahier des charges de chaque procédure fixera les critères que devront respecter les acquéreurs potentiels (projet industriel et social, ratio de levier maximum, engagement de stabilité du nouvel actionnaire, etc.). L'État veillera ainsi, dans la structuration de chaque opération, à ce que les investisseurs potentiels présentent un projet industriel, social et territorial cohérent, conforme aux intérêts de l'aéroport et de ses collaborateurs et tenant compte des attentes des actionnaires publics locaux.

« Le cahier des charges devra enfin tenir compte des dispositions de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. En particulier, son article 191 prévoit que les candidats doivent disposer d'une expérience ?en tant que gestionnaire d'aéroport ou actionnaire d'une société gestionnaire d'aéroport?, et que le cahier des charges devra préciser ?les obligations du cessionnaire relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien, ainsi que ceux du territoire concerné en matière d'attractivité et de développement économique et touristique? ainsi que ?les obligations du cessionnaire afin de garantir le développement de l'aérodrome en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il est installé ainsi qu'avec les collectivités territoriales actionnaires?. »

S'agissant de l'état d'avancement des opérations, les appels d'offres n'ayant pas été lancés, aucune candidature ni offre n'a été déposée à ce jour.

En effet, « l'État a engagé une phase de concertation préalable avec les actionnaires publics locaux (CCI, collectivités territoriales) des sociétés concernées, afin d'identifier avec eux les modalités de mise en oeuvre de ces opérations. Dès lors qu'ils s'engagent à ne pas concourir à l'appel d'offres, l'État associera également les actionnaires publics locaux à l'élaboration du cahier des charges de ces appels d'offres. Les actionnaires publics locaux pourront également, s'ils le souhaitent, apporter leurs titres à une cession aux côtés de l'État. »

L'ensemble de ces garanties et procédures semblent de nature à permettre la meilleure conciliation entre les objectifs de l'État actionnaire et les enjeux d'intérêt général attachés à la gestion de ces aéroports.

Selon des déclarations récentes du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, ces cessions pourraient intervenir dès le premier semestre de 2016.

L'État détient 60 % du capital de chacune des deux sociétés et cèderait l'intégralité de sa participation. Le prix de cession n'est pas encore connu. Toutefois, plusieurs estimations situent la valorisation de la participation de l'État entre 900 millions d'euros et un milliard d'euros s'agissant de l'aéroport de Nice et aux environs de 540 millions d'euros s'agissant de l'aéroport de Lyon.


* 11 35 euros moins une décote de 2 à 3 % selon la note d'analyse budgétaire 2015 de la Cour des comptes.