MM. Michel BOUVARD et Thierry CARCENAC

DEUXIÈME PARTIE :
LA MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS »

I. UNE MISSION QUI NÉCESSITE UNE CLARIFICATION DE SA DOCTRINE D'EMPLOI

Cette mission - dont l'intitulé est modifié 32 ( * ) cette année à la suite d'un amendement présenté par vos rapporteurs spéciaux 33 ( * ) , conformément à la recommandation de la Cour des comptes, afin d'éviter tout risque de confusion avec les provisions pour risques ou pour charges constituées au passif du bilan de l'État - appelle toujours des précisions quant à sa doctrine d'emploi.

1. Deux dotations aux procédures spécifiques
a) Des programmes prévus à l'article 7 de la LOLF

L'article 7 de la LOLF, dans ses alinéas trois à cinq, précise qu'« une mission regroupe les crédits des deux dotations suivantes :

« 1° Une dotation pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des calamités, et pour dépenses imprévisibles » (programme 552).

La dotation du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » (DDAI) a pour vocation de recevoir les crédits nécessaires à des dépenses accidentelles, imprévisibles et urgentes (par exemple des catastrophes naturelles, en France ou à l'étranger) qui n'ont pu être répartis par programme lors de la prévision budgétaire initiale. Les crédits du programme 552 relèvent du titre 3 (dépenses de fonctionnement) . Les crédits de cette dotation sont également employés dans le cadre de mouvements réglementaires spécifiques comme, par exemple, les interventions spéciales des forces de sécurité ou les interventions à l'étranger (au profit du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », action 02 « Coordination de la sécurité et de la défense »).

« 2° Une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits » (programme 551).

La dotation du programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » permet le financement des mesures générales en matière de rémunérations dont la répartition, par programme, ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits . Elle comprend uniquement des crédits de titre 2 (dépenses de personnel), sans toutefois de plafond d'autorisation d'emplois.

Chaque dotation constitue un programme, directement piloté par la direction du budget du ministère de l'économie et des finances. Ces crédits sont répartis, par programme, par décret ou arrêté pris sur le rapport du ministre chargé des finances, conformément à l'article 11 de la LOLF.

b) Une absence de stratégie de performance et des règles d'exécution spécifiques

La présente mission, comme celle relative aux « Pouvoirs publics 34 ( * ) », ne suit pas une stratégie de performance . Elle ne dispose donc pas d'un projet annuel de performances et ses programmes ne sont pas assortis d'objectifs, ni d'indicateurs.

Par ailleurs, s'agissant de dépenses imprévisibles ou qui ne peuvent être déterminées avec précision, ces crédits sont indicatifs. Ils n'ont évidemment pas vocation à être entièrement consommés et leur niveau d'exécution peut fortement varier d'un exercice sur l'autre. À titre d'exemple, le taux de consommation des crédits de la dotation relative aux « Dépenses accidentelles et imprévisibles » était de 87 % en 2012, 29 % en 2013 et 94 % en 2014.

2. Un emploi des crédits parfois contestable

La Cour des comptes, dans sa note d'analyse d'exécution budgétaire de la mission pour 2014, relève une utilisation des crédits de la mission qui « s'éloigne de l'exigence de réelle imprévisibilité qui est sous-entendue dans la rédaction de l'article 7-I-1 de la LOLF », plaidant ainsi « depuis 2006 pour une clarification d'emploi de la mission » et notamment du programme 552.

En effet, certains recours à la mission « Crédits non répartis» sont parfois contestables, comme lors des exercices 2010 et 2012, durant lesquels le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » avait été utilisé pour répondre aux besoins de crédits de personnels constatés en fin de gestion dans plusieurs ministères (en raison des dysfonctionnements de l'application CHORUS en 2010, ou des problèmes rencontrés avec le logiciel « Louvois » en 2012) .

Vos rapporteurs spéciaux suggèrent que l'utilisation des crédits de ladite dotation soit circonscrite au seul critère accidentel.

Plutôt que dans la mission « Crédits non répartis », un certain nombre de questions budgétaires devraient être traitées par d'autres dispositifs, plus adaptés. Ainsi, les décrets d'avance devraient être préférés face aux décrets et arrêtés de répartition des dotations de la mission, qui ne sont pas soumis à la même procédure que les premiers, ne requérant notamment pas l'avis des commissions des finances des assemblées. De même, la logique d'auto-assurance devrait pouvoir fonctionner, majoritairement, afin de couvrir les dépenses imprévisibles. En tout état de cause, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent que réitérer la recommandation de la Cour de comptes de clarification de la doctrine d'emploi de la mission.


* 32 Elle correspond à l'ancienne mission « Provisions » dont elle reprend le périmètre exact.

* 33 Au cours de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2015.

* 34 Les dotations regroupées par la mission « Pouvoirs publics » ainsi que les deux qui composent la présente mission sont les seules enveloppes budgétaires ayant le statut de « dotations ».