MM. Nuihau LAUREY et Georges PATIENT

V. LE SOUTIEN AUX TERRITOIRES ULTRAMARINS

A. LA MONTÉE EN PUISSANCE PROGRESSIVE DE LA NOUVELLE « GÉNÉRATION » DES CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGIONS

L'action 02 « Aménagement du territoire » du programme 123 « Conditions de vie en outre-mer » rassemble pour l'essentiel les crédits destinés au financement de la politique contractuelle État-collectivités (contrats de plan État-régions pour les cinq départements d'outre-mer, contrats de développement pour Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna, et contrats de projets pour la Polynésie française).

Elle comporte en outre diverses actions destinées à financer des mesures spécifiques à certains territoires (prévention des risques naturels, etc.) ainsi que dans les domaines de la protection de l'environnement, de la préservation de la biodiversité et du développement économique .

S'agissant des crédits destinés au financement des opérations contractualisées, il convient tout d'abord de rappeler que la précédente génération de contrats de plan État-régions (CPER) est arrivée à échéance en 2013 .

Fin 2014, année de transition permettant d'achever les projets de la programmation 2007-2013, le taux d'engagement des CPER s'élevait à 92 % (contre 83 % en moyenne nationale).

La nouvelle génération de contrats de plan État-Région 2015-2020 vise plus spécifiquement à financer des opérations intervenant dans six domaines :

1. les infrastructures et services collectifs de base, la lutte contre la vulnérabilité des territoires et populations ;

2. l'aménagement urbain durable ;

3. la gestion des ressources énergétiques et environnementales ;

4. le développement de la recherche et de l'innovation, les filières d'excellence ;

5. la cohésion sociale et l'employabilité ;

6. le développement économique durable.

Les crédits destinés au financement des opérations contractualisées s'élèveront, en 2016, à 137 millions d'euros en AE et à 161 millions d'euros en CP, soit une quasi stabilisation en AE et une augmentation de près de 4 % en CP .

42,5 millions d'euros en AE seront consacrés au financement des opérations mises en oeuvre dans le cadre de la nouvelle génération de CPER, selon la répartition suivante. Les 57,5 millions d'euros en CP inscrits sur cette action permettront principalement de financer les opérations engagées au titre de la précédente génération.

Répartition par territoire des crédits consacrés aux contrats de plan

AE

CP

Guadeloupe

5

9,1

Guyane

5,3

6,6

Martinique

4,5

7,7

La Réunion

14,2

13,9

Mayotte

13,5

20,2

Total

42,5

57,5

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

S'agissant des contrats de projets et de développement dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, 94,5 millions d'euros en AE et 103,1 millions d'euros en CP sont prévus au titre de l'exercice 2016. Ces montants sont quasi stables pour les AE (- 0,2 million d'euros) et en légère augmentation pour les CP (+ 1,6 million d'euros). Ces crédits seront répartis de la manière suivante :

- Saint-Pierre-et-Miquelon : 1,4 million d'euros en AE et en CP au titre du contrat de développement 2015-2018 ;

- Nouvelle-Calédonie : 57,6 millions d'euros en AE et 65,4 millions en CP au titre des contrats de développement 2011-2015 prolongés jusqu'au 31 décembre 2016 ;

- Saint-Martin : 7,5 millions d'euros en AE et 5,7 millions d'euros en CP au titre du contrat de développement 2014-2020 ;

- Wallis-et-Futuna : 5,3 millions d'euros en AE et 5,1 millions d'euros en CP au titre du contrat de développement 2012-2016 ;

- Polynésie française : 22,7 millions d'euros en AE et 25,5 millions d'euros en CP au titre du nouveau contrat de projets signé le 9 mars 2015. Il est important de noter que, pour la seconde année consécutive, les crédits alloués en AE et en CP s'avèrent très inférieurs à ceux prévus contractuellement, soit 30 millions d'euros en AE et CP. Cette situation a déjà conduit en 2015 à l'abandon de plusieurs opérations, notamment la construction d'un pôle de santé mentale, et devrait produire des conséquences similaires en 2016 si rien n'était fait en cours d'exercice pour réajuster les crédits en fonction des projets susceptibles d'être lancés.

B. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA COHÉSION SOCIALE ET DE L'ÉGALITÉ DES CHANCES ESSENTIELLEMENT LIÉE À LA PARTICIPATION DE L'ÉTAT AU FINANCEMENT DU RÉGIME DE SOLIDARITÉ TERRITORIAL DE POLYNÉSIE FRANÇAISE

L'action 4 du programme 123 vise à financer des opérations dans le domaine sanitaire et social (actions d'information et de prévention, de prise en charge des patients, d'amélioration de l'accès à l'offre de soins, en matière de protection sociale, etc.) et en matière culturelle, sportive et en faveur de la jeunesse (aide à la création ultramarine et à sa diffusion, soutien aux associations culturelles, organisation de manifestations, etc.).

Cette action sera dotée de 17,75 millions d'euros en AE comme en CP. L'augmentation significative des crédits en faveur de cette action en 2016 (+ 98 % en AE et en CP) résulte pour l'essentiel d'une mesure de périmètre .

En effet, conformément à la convention signée le 16 avril 2015 entre l'État et la Polynésie française, l'État s'est engagé à participer au financement du régime de solidarité territorial de Polynésie française à hauteur de 12 millions d'euros par an jusqu'en 2017 dans le cadre de la réforme de ce dispositif.

Le régime de solidarité territorial de Polynésie française

Depuis 1994, la Polynésie française bénéficie d'un système de protection sociale particulier, la Protection sociale généralisée (PSG). La PSG recouvre trois régimes : le régime général des salariés (RGS), le régime des non-salariés (RNS) et le régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF), devenu régime de solidarité territorial (RST). Régime « résiduel », le RST vise à prendre en charge les personnes qui ne sont couvertes ni par les RGS ni par le RNS.

Jusqu'en 2007, date d'échéance de la dernière convention entre l'État et la Polynésie française, l'État a contribué au financement de ce régime. Depuis 2008, l'État ne contribue donc plus à l'équilibre du RST. Or, sous l'effet des difficultés économiques de la Polynésie et de la réduction de l'emploi salarié, le RST a vu sa situation financière se dégrader. Une mission d'appui sur le système de santé et de solidarité polynésien a été mise en place. Dans un rapport publié en juin 2014, la mission propose différentes mesures fiscales, budgétaires et organisationnelles destinées à assurer le redressement des finances du RST.

Afin de permettre l'accompagnement de ces mesures, à la demande du président de la Polynésie française, Édouard Fritch, et au titre du principe de solidarité nationale, l'État s'est engagé à contribuer au financement du régime de solidarité territorial de la Polynésie française.

La convention signée le 16 avril 2015 prévoit la participation de l'État à hauteur de 12 millions d'euros par an pendant trois ans. En contrepartie, la Polynésie française s'est engagée à mettre en oeuvre des actions permettant le retour à l'équilibre financier du régime.

C. UNE HAUSSE EN TROMPE L'oeIL DES DOTATIONS AUX COLLECTIVITÉS

L'action 06 « Collectivités territoriales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » rassemble plusieurs dotations de l'État au profit des collectivités territoriales ultramarines. Elle est dotée, pour l'année 2016, de 199 millions d'euros en AE et de 189 millions d'euros en CP.

Ses crédits progressent de 3,8 % en AE et de 3,5 % en CP par rapport à 2015. Il convient cependant de noter que cette augmentation résulte pour l'essentiel d'une mesure de périmètre . En effet, la dotation globale de construction et d'équipement des collèges de Nouvelle-Calédonie (DGCEC), qui était jusqu'à présent inscrite sur le programme 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est transférée sur le programme 123 à compter du 1 er janvier 2016. Cette dotation, qui évolue en fonction de la population scolarisée dans les collèges publics, bénéficiera de 12,2 millions d'euros en AE comme en CP.

Hors mesure de périmètre les crédits de l'action 06 diminuent de 4,7 millions d'euros (- 2,5 %) en AE et de 5,6 millions d'euros en CP (- 5,6 %) entre 2015 et 2016.

Les crédits de l'action 06 sont constitués à 71 % par l'aide à la reconversion de l'économie polynésienne (dotation globale de développement économique) dotée pour 2016 de 144,9 millions d'euros (- 2,8 %) en AE et 134,3 millions d'euros en CP (- 1,7 %). Cette dotation recouvre trois dispositifs :

- la dotation globale d'autonomie (80,4 millions d'euros en AE comme en CP contre 84,5 millions d'euros en AE et en CP en 2015). Cette dotation, versée directement à la Polynésie française, n'est plus indexée sur la dotation globale de fonctionnement depuis le 1 er janvier 2015, mais elle fait l'objet d'une modulation spécifique ;

- la dotation territoriale d'investissements versée au communes (9 millions d'euros en AE et CP, soit un montant identique à 2015) ;

- la contractualisation sur les projets d'investissement prioritaires (51,3 millions d'euros en AE et 44,7 millions d'euros en CP soit un montant identique à celui de 2015 en AE et supérieur de 1,6 million d'euro en CP).

Après deux baisses consécutives de la dotation globale d'autonomie en 2014 et 2015, les parlementaires de la Polynésie française ont demandé au Gouvernement que cette dotation très symbolique liée à « l'après nucléaire » soit impérativement maintenue en 2016.

D. LE FONDS EXCEPTIONNEL D'INVESTISSEMENT : UNE DOTATION STABILISÉE, UN OBJECTIF DE 500 MILLIONS D'EUROS D'ICI 2017 INATTEIGNABLE

Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) a été créé par l'article 31 de la loi pour le développement économique des outre-mer. Il vise à contribuer au financement d'équipements structurants, en partenariat avec les collectivités territoriales d'outre-mer.

Un appel à projet a été lancé en janvier 2013 dans chacun des territoires conduisant à la sélection d'opérations d'investissement contribuant de manière au développement économique, social et énergétique des territoires ultramarins.

Les investissements ont notamment concernés les thèmes suivants : adduction d'eau potable et assainissement, gestion des déchets, désenclavement, infrastructures numériques, infrastructures d'accueil des entreprises, prévention des risques naturels, équipements publics de proximité dans le domaine sanitaire et social, et énergies renouvelables et développement durable.

Depuis 2013, 108 opérations ont été sélectionnées pour un volume d'investissement s'élevant à 365 millions d'euros.

Crédits alloués au fonds exceptionnel d'investissement

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

AE

165

40

10

17

50

50

40

40

CP

51

17

21,5

19

25,9

25,9

26,2

27,9

CP consommés

46

50,9

45,5

18,6

20,2

24,4

-

-

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2016, les AE devraient être stables par rapport à 2015 et s'établir à 40 millions d'euros. En revanche, les CP continueront de croître, passant de 26,2 millions d'euros à 27,9 millions d'euros, en cohérence avec les niveaux de consommation constatés depuis 2012.

Si l'objectif de doter ce fonds de 500 millions d'euros d'ici 2017 fixé par le président de la République semble désormais inatteignable, vos rapporteurs spéciaux appellent au maintien de cet outil. En effet, dans le cadre de leur contrôle budgétaire sur ce dispositif, vos rapporteurs spéciaux ont constaté l'important effet de levier du FEI. Au cours d'un déplacement effectué par vos rapporteurs spéciaux à La Réunion en septembre 2015, plusieurs maires leur ont ainsi indiqué n'avoir pu mobiliser d'autres sources de financements pour la réalisation d'infrastructures (école, halle de marché, etc.) qu'en raison de la participation financière de l'État via le FEI, qui attestait de la qualité du projet.

E. L'APPUI À L'ACCÈS AUX FINANCEMENTS BANCAIRES

Enfin, l'action 09 « Appui à l'accès aux financements bancaires » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » vise à favoriser les investissements et les projets d'infrastructures (notamment dans les domaines de l'adduction d'eau potable, de l'assainissement, de la gestion des déchets mais aussi de la cohésion sociale et de l'aménagement urbain) des acteurs publics en facilitant l'accès au crédit bancaire par une réduction de son coût ou une meilleure couverture des risques. Les crédits de l'action 09 « Appui à l'accès aux financements bancaires » permettent de bonifier les prêts accordés aux personnes publiques.

Cette action est mise en oeuvre par l'Agence française pour le développement (AFD).

Comme le montrent les tableaux ci-dessous, en 2014, 84 prêts bonifiés ont été accordés par l'AFD pour un montant d'engagements de 500 millions d'euros. Ces engagements ont contribué à un montant total d'investissement de 2,7 milliards d'euros.

Nombre et montants des bonifications autorisées
et montant des engagements effectués par territoire

Engagements

Nombre de concours octroyés

Bonification autorisée

Guadeloupe

78 870 000

10

5 540 663

Guyane

27 544 000

7

969 884

Martinique

129 779 000

22

5 458 687

Réunion

128 797 000

17

5 444 315

Mayotte

22 000 000

5

1 209 000

Saint-Pierre-et-Miquelon

0

0

0

Nouvelle-Calédonie

98 751 000

18

4 367 610

Wallis-et-Futuna

3 116 000

1

168 887

Polynésie française

11 197 001

4

752 301

Total

500 054 001

84

23 911 347

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Nombre et montants des bonifications autorisées
et montant des engagements effectués par bénéficiaire

Engagements

Nombre de concours octroyés

Bonification autorisée

Région/territoire

131 116 000

6

4 838 987

Département/province

50 000 000

3

1 940 500

EPCI

86 669 000

9

4 102 438

Commune

105 199 000

52

6 037 601

Établissement santé/médico-social

16 000 000

4

1 064 300

SEM

53 370 000

5

3 967 011

Autres

57 700 001

5

1 960 510

Total

500 054 001

84

23 911 347

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Nombre et montants des bonifications autorisées
et montant des engagements effectués par secteur

Engagements

Nombre de projets financés

Bonification autorisée

Aménagement et équipement

230 586 000

46

8 388 358

Cohésion sociale

147 506 001

15

7 774 947

Environnement

99 797 000

14

7 015 740

Dispositif de prévention pour les collectivités en difficultés financières

22 165 000

9

732 302

Total

500 054 001

84

23 911 347

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Les crédits ouverts pour 2016 au titre de cette action s'élèvent à 26,6 millions d'euros en AE (- 6,1 % par rapport à 2015) et à 11,7 millions d'euros en CP (+ 21,2 % par rapport à 2015).