Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale

II. LE PROGRAMME 200 « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS D'ÉTAT »

A. UNE BAISSE PRÉVISIONNELLE DE 2,9 MILLIARDS D'EUROS EN 2016, PRINCIPALEMENT LIÉE À LA HAUSSE ATTENDUE DU BÉNÉFICE FISCAL ET À LA SUPPRESSION DE LA PRIME POUR L'EMPLOI (PPE)

Le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » devrait s'élever à 88,2 milliards d'euros en 2016 , en baisse par rapport à la prévision révisée pour 2015 de 91,1 milliards d'euros.

Cette baisse prévisionnelle de 2,9 milliards d'euros (- 3,2 %) fait suite à deux années consécutives ayant vu une importante augmentation des crédits alloués au programme.

À cet égard, il faut noter que la hausse entre 2014 et 2015 devrait être encore supérieure à celle d'abord anticipée puisque la prévision révisée pour 2015 est supérieure d'environ 3,3 milliards d'euros (+ 3,7 %) à l'estimation de la loi de finances initiale pour 2015.

Évolution des crédits du programme 200 de 2012 à 2016

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La nomenclature du programme 200
« Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État »

Le programme 200 est composé de trois actions .

L'action 11 , de loin la plus lourde en termes budgétaires (73 % des crédits du programme), récapitule les remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt, soit, pour l'essentiel, les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les restitutions d'excédents de versement d'acomptes d'impôt sur les sociétés (IS).

Les actions 12 et 13 , de taille comparable (respectivement 13 % et 14 % des crédits du programme), concernent pour l'une les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques (crédits d'impôt) et pour l'autre les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État . Cette dernière catégorie est très hétérogène : elle agrège dégrèvements et annulations prononcés après le calcul de l'impôt sur le revenu, droits dégrevés dans le cadre des contentieux dits « Précompte » et « OPCVM « , les rectifications suite à erreur d'imputation des opérations d'enregistrement...

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Part relative des actions 11, 12 et 13 au sein du programme 200
« Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État »

(en %)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La baisse attendue en 2016 est principalement portée par deux sous-actions : la sous-action 01 de l'action 11, qui retrace les restitutions d'excédents de versement d'acomptes d'impôt sur les sociétés (IS) et la sous-action 01 de l'action 12, qui concerne la restitution de la prime pour l'emploi .

Décomposition de l'évolution des crédits du programme 200
entre les différentes actions de 2015 (estimation révisée) à 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Évolution des crédits du programme 200 de 2012 à 2016, par action et sous-action

(en millions d'euros et en %)

2012

2013

2014

2015 (prévu)

2015 (révisé)

2016 (prévu)

Évolution 2015 LFI/révisé

Évolution 2016/2015

Action 11 : mécanique de l'impôt

61800

57868

62395

63478

66054

64217

2576

4,1%

-1837

-2,8%

IS

12097

10554

14523

14734

16831

14944

2097

14,2%

-1887

-11,2%

TVA

49260

47008

47607

48509

49032

49108

523

1,1%

76

0,2%

"Bouclier fiscal"

443

177

19

0

8

0

8

s.o.

-8

-100,0%

Autres

0

129

246

235

183

165

-52

-22,1%

-18

-9,8%

Action 12 : politiques publiques

7592

6515

11597

12615

13296

11849

681

5,4%

-1447

-10,9%

PPE

2222

1882

1951

1838

1934

55

96

5,2%

-1879

-97,2%

IR

1794

1459

2108

2158

2312

2123

154

7,1%

-189

-8,2%

IS

2244

1894

6267

7500

7816

8399

316

4,2%

583

7,5%

TIPP

825

787

760

599

714

755

115

19,2%

41

5,7%

TICGN

4

3

3

3

3

3

0

0,0%

0

0,0%

CAP

503

490

508

517

517

514

0

0,0%

-3

-0,6%

Action 13 : gestion des produits de l'Etat

9703

12827

10638

11737

11752

12129

15

0,1%

377

3,2%

IR

2015

2320

2106

2360

2190

2207

-170

-7,2%

17

0,8%

IS

1071

1145

1187

950

1184

1324

234

24,6%

140

11,8%

Autres impôts directs

654

2967

1527

2354

2335

2515

-19

-0,8%

180

7,7%

TVA

2002

2300

1972

2150

2082

2082

-68

-3,2%

0

0,0%

Enregistrement, timbre, autres taxes indirectes

656

675

403

456

403

403

-53

-11,6%

0

0,0%

Autres

938

578

702

620

702

702

82

13,2%

0

0,0%

Admissions en non-valeur et créances liées aux impôts

2146

1970

2296

2107

2259

2259

152

7,2%

0

0,0%

Dations en paiement, intérêts moratoires, remises de débets

221

872

445

740

597

637

-143

-19,3%

40

6,7%

Total général

79095

77210

84630

87830

91102

88195

3272

3,7%

-2907

-3,2%

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En effet, l'augmentation anticipée du bénéfice fiscal des entreprises entre 2014 et 2015 s'élève à près de 10 % en raison de la reprise de la croissance 2 ( * ) : aussi, les quatre premiers acomptes versés par les entreprises en 2016 (au titre des revenus 2015) devraient dans l'ensemble être inférieurs au total de l'impôt dû et donner lieu à moins de restitutions .

La baisse drastique des remboursements liés à la prime pour l'emploi (PPE) , qui devrait diminuer de 97,2 % entre 2015 et 2016, est simplement le résultat de la suppression du dispositif , à compter de 2016, par la seconde loi de finances rectificative pour 2014 3 ( * ) . Des remboursements résiduels sont prévus à hauteur de 55 millions d'euros en 2016 .

Votre rapporteure spéciale souligne à ce titre que l'imposition du revenu des ménages a connu, depuis le début du quinquennat, de nombreuses évolutions dont la multiplicité ne contribue pas à la lisibilité . Ainsi, le barème de l'impôt sur le revenu a d'abord été « gelé » , sans tenir compte de l'inflation plusieurs années.

L'absence de revalorisation du barème de l'IR contribue à alourdir l'imposition des ménages à travers deux canaux qui peuvent voir leurs effets se cumuler : d'une part, les contribuables dont le revenu nominal n'a pas crû plus vite que l'inflation connaissent une augmentation de l'impôt , alors même que leur revenu réel demeure inchangé. Le cas échéant, certains contribuables peuvent se retrouver assujettis à l'IR alors qu'ils ne l'étaient pas l'année précédente. Le gel du barème a mécaniquement conduit à rendre imposables des foyers qui ne l'étaient pas et n'auraient pas dû le devenir si l'évolution de l'indice des prix avait été pris en compte. Le ministère du budget indique d'ailleurs qu'un million de ménages sont entrés dans l'impôt sur le revenu en 2013 .

Nombre de ménages entrant et sortant de l'imposition sur le revenu
de 2013 à 2015

(en millions et en %)

2013

2014

2015

Foyers entrants dans l'IR

2,62

1,68

1,53

7,20%

4,60%

4,10%

Foyers sortants de l'IR

1,58

2,9

2,1

4,30%

7,90%

5,70%

Solde net

1,04

-1,22

-0,57

% des foyers fiscaux

2,90%

-3,30%

-1,60%

Source : commission des finances, d'après les réponses du ministère du budget au questionnaire budgétaire

D'autre part, de nombreux régimes dérogatoires en matière d'impôt sur le revenu, de fiscalité locale ou de contributions sociales, sont indexés sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu : si cette limite s'abaisse en termes réels, à revenu égal, moins de ménages ont accès à ces dispositifs favorables.

Le Gouvernement a ensuite procédé à une réduction exceptionnelle de l'impôt sur le revenu d'un milliard d'euros en 2014 et annoncé la sortie de 1,8 million de ménages de l'impôt sur le revenu 4 ( * ) . Force est de constater qu'en réalité, à peine 1,2 million de ménages sont sortis de l'IR en 2014 (solde des entrées et des sorties). Le nombre de foyers fiscaux redevables de l'IR a augmenté de façon significative ces dernières années , passant de 17,2 millions en 2011 à 19,1 millions en 2013, soit 52 % des contribuables .

En loi de finances pour 2015 , le Gouvernement a supprimé la première « tranche » taxé à 5,5 % de l'impôt sur le revenu et a aménagé la décote tout en abaissant le seuil d'entrée dans la nouvelle « première tranche » à 14 %. Enfin, la prime pour l'emploi a été supprimée en deuxième loi de finances rectificative pour 2014 .

Si votre rapporteure spéciale se félicite de l'attention portée aux ménages dont les revenus sont modestes , qui avaient particulièrement souffert du « gel » du barème mis en place sous la précédente majorité gouvernementale et maintenu au début du quinquennat de François Hollande, elle ne peut que constater que ces réformes successives, dont les objectifs semblent parfois contradictoires et dont les effets ne sont pas encore bien mesurés, ne contribuent pas à la clarté de la loi fiscale .

B. UN DYNAMISME IMPRÉVU DU CICE EN 2015 QUI EXPLIQUE LARGEMENT LA RÉVISION À LA HAUSSE INTERVENUE ENTRE LA LOI DE FINANCES INITIALE 2015 ET LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2016

Comme signalé précédemment, le programme 200 a été réévalué à la hausse entre la loi de finances initiale pour 2015 et le projet de loi de finances pour 2016 , à hauteur de 3,3 milliards d'euros .

Évolution des crédits 2015 du programme 200 entre la prévision associée
à la loi de finances initiale pour 2015 et la prévision révisée

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Cette hausse provient principalement de l'action 11 et plus précisément de la sous-action 11-01 qui retrace, pour l'IS, les restitutions d'excédents d'acomptes liés à la mécanique de l'impôt. D'après les documents budgétaires, l'augmentation « sensible » entre 2014 et 2015 (+ 2,3 milliards d'euros) s'explique principalement par le dynamisme des imputations de créances de crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE).

Évolution des sous-actions de l'action 11

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'ampleur de ce crédit d'impôt et les difficultés rencontrées par le Gouvernement pour prévoir son évolution, déjà soulignées par votre rapporteure spéciale, l'ont conduite à mener en 2015 un contrôle sur ses bénéficiaires. Bien que ce contrôle ait vocation à être poursuivi en 2016, votre rapporteure spéciale a pensé utile de présenter ses premières observations (cf. seconde partie du présent rapport).


* 2 La prévision associée au projet de loi de finances est de 1,0 % en 2015 contre 0,3 % en moyenne ces trois dernières années. Le consensus des économistes de septembre de 2015 est légèrement supérieur à cette estimation et prévoit une croissance de 1,2 % en 2015.

* 3 Article 28 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 4 Déclaration de Manuel Valls le 16 mai 2014 sur la station de radio « Europe 1 ».